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Département de Relations Internationales

Cours d'Introduction à la science politique


Licence I 2021-2022
Lundi 9h-12h

Chapitre 1. Pouvoir, légitimité, Etat

18 octobre 2021 Séance 3 : Section 1. Pouvoir et pouvoir politique (suite et fin


résumé)

III. Du pouvoir à la domination

Chez Max Weber, sociologue allemand (1869-1924), le “ pouvoir ” ou “ puissance ” (Macht)


“signifie toute potentialité de faire triompher, au sein d'une relation sociale, sa propre volonté, même
contre des résistances, peu importe sur quoi repose cette potentialité ». (Economie & Société, p. 56).
Weber propose le concept de domination (Herrschaft) qui permet d’introduire la notion de
consentement. Les dominés doivent accepter que les dominants exercent sur eux une domination
fondée sur la croyance. „ nous entendons par domination la chance pour des ordres spécifiques de
trouver obéissance de la part d’un groupe déterminé d’individus, il ne s’agit pas de n’importe quelle
chance d’exercer puissance et influence sur un groupe d’individus, tout véritable rapport de
domination comporte un minimum de volonté d’obéir par conséquent un intérêt extérieur ou intérieur
à obéir“. Toute domination est artificielle et fondée sur la croyance. Les dominants doivent
revendiquer la légitimité de leur domination.“toutes les dominations cherchent à éveiller et à
entretenir la croyance en leur légitimité“. Ce consentement repose sur le fait que l’ordre reçu est
considéré comme légitime. La domination politique est donc différente des autres dominations
sociales. Elle assujettit l’ensemble des dominés. La domination politique est le fruit d’une
différentiation sociale.

IV. Pouvoir et Etat : l’apport de l’anthropologie


Il n’y a pas de société sans pouvoir mais il existe des sociétés sans Etat

Meyer FORTES (1906-1983) anthropo Cambridge et Sir


Edward Evan EVANS- PRITCHARD (1902-1973) Systèmes politiques africains (1969) en
collaboration avec. Pour eux, l’absence d’autorité centralisée, de machine administrative ou
judiciaire spécialisée autorise à parler de société sans Etat dans nombre de systèmes politiques
africains précoloniaux (cf Ghana). Ils ont mis en évidence l’absence d’une instance spécialisée
exerçant le pouvoir politique. Ces sociétés “sans écriture”, qui ont été aussi qualifiée de “sans
histoire”, seraient ainsi des sociétés “sans Etat”, et en fait sans pouvoir politique.

Pierre CLASTRES (1934-1977) terrain au Paraguay (indiens Guayaki) libertaire.


L’anthropologue français contemporain Pierre Clastres a contesté cette vision des choses dans son
livre La société contre l’Etat (Minuit 1974). Selon lui, il n’est pas pertinent de ne considérer les
sociétés différentes des sociétés occidentales modernes que sous l’angle de la privation (sociétés sans
écriture, sans Etat). Cette interprétation serait le résultat d’un point de vue ethnocentriste et
évolutionniste.
Selon Pierre Clastres, l’Etat n’est pas universel, mais en revanche le pouvoir politique l’est. Certains
anthropologues n’ont pas su voir la forme particulière que prend le pouvoir politique dans les
sociétés traditionnelles. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de pouvoir politique différencié qu’il n’y
en pas. Le pouvoir politique des sociétés occidentales est coercitif, c’est à dire qu’il s’exerce sur la
société à partir d’une instance spécialisée, et en ayant recours à la contrainte. Dans certaines sociétés
traditionnelles, il y a un pouvoir politique, mais celui-ci n’est pas coercitif. Ce qui distingue les
sociétés, ce n’est donc pas l’existence ou l’absence de pouvoir politique, mais le caractère coercitif et
différencié de ce pouvoir.
Il existe bien des chefs, mais en fait, ils ne commandent pas (le chef paradoxal). Ils ne font que
rappeler la tradition. Le chef paradoxal a beaucoup de devoirs et peu de prérogatives. Il exerce un
pouvoir politique mais non coercitif et non institutionnalisé. L’usage de la violence légitime
appartient à tout adulte masculin (cycles de vengeances privées)
Il faut des conditions très particulières pour que des sociétés puissent fonctionner selon ce modèle. Il
faut des sociétés de petite taille, fermées sur elles mêmes, qui ne connaissent pas la pénurie, et qui ni
recherchent pas et même refusent l’accumulation des biens et l’innovation. Il est en fait exceptionnel
que le pouvoir puisse être exercé de façon aussi collective, chaque individu y participant.
La thèse de Pierre Clastres est intéressante car elle laisse entrevoir la possibilité d’un pouvoir
politique non coercitif et non spécialisé. Les sociétés primitives font tout pour que l’Etat n’émerge
pas et refusent la différenciation entre pol et éco (pas accumulation richesse, pas inégalités)
« l’histoire des peuples sans histoire, c’est (…) l’histoire de leur lutte contre l’Etat)

Jean-William LAPIERRE (1921-2007) Vivre sans Etat ? 1977 rejoint Clastres sur
l’aspect non coercitif du pouvoir pol. Jean William Lapierre montre que l’État, en effet, n'est pas le
seul mode d'organisation sociale qu'ont connu les sociétés humaines. Il classe les degrés (1 à 10)
d'organisation politique des sociétés selon l'autorité à qui y est dévolue le pouvoir. Il tente dans Vivre
sans État d'expliquer la formation de l'État ainsi : « Peut-on se défendre sans État ? N'est-ce pas tout
simplement pour survivre que certaines sociétés humaines ont fini par s'organiser politiquement en
États ? Une société sans État est-elle capable de réagir à l'agression d'une société à État autrement
que par la fuite ou la résignation passive ? », et explique ainsi la grande progression qu'a connue la
forme de l’État dans le processus de décolonisation du XXe siècle, la revendication de l’État ayant
été vécue par les peuples anciennement colonisés comme un moyen de défense.

Mais cette thèse a été vivement critiquée.

Le politologue Jacques LAGROYE (1936-2009) considère qu’on n’est pas fondé à


appeler “politique” des sociétés où l’activité de gouvernement ne donne pas lieu à des rôles
spécialisés. Il est selon lui préférable de réserver le terme de pouvoir politique à l’exercice
d’une intervention par des gouvernants spécialisés.

A Retenir
- Les détenteurs officiels du pouvoir ne sont pas nécessairement ceux qui exercent
effectivement le pouvoir
- Le pouvoir n’est pas une chose mais une relation qui s’exerce sur quelqu’un (relation sociale)
- Dans les sociétés modernes le pouvoir s’institutionnalise dans les structures étatiques. (Etat
pouvoir juridiquement organisé, qui monopolise la contrainte légitime sur un territoire où
réside une population
- Le concept de domination permet d’introduire la notion de consentement, les dominés
doivent accepter que les dominants exercent sur eux une domination.

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