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Département de Relations Internationales

Cours d'Introduction à la science politique


Licence I 2021-2022
Lundi 9h-12h

Chapitre 1. Pouvoir, légitimité, Etat

25 octobre 2021 Séance 4 : Section 2. Légitimités et légitimation(meşrulaştırma)


(résumé)

L’usage de la coercition(zorlama) ne peut être envisagé (kabul edilebilir) sans légitimité. Cela
est évident pour les régimes démocratiques, où le pouvoir politique implique(ima etmek)
l’acceptation déclarée(beyan,ilan edildi) des citoyens, et est même censé(sözde) réaliser leur
volonté. Mais cet impératif(zorunluluk) de légitimité vaut(değmek) également dans les
gouvernements autoritaires, au sein desquels le consentement(rıza) du peuple est aussi
recherché. Dans les régimes totalitaires, un intense travail idéologique est réalisé pour établir
la légitimité des gouvernants(yöneten). L’ampleur(kapsam,ölçü) des opérations de
propagande démontre(kanıtlamak) la nécessité de rechercher même dans ce cas le soutien ou
au moins le consentement du peuple. Les auteurs de coups d’Etat cherchent toujours à donner
une justification à leurs actes(eylem) : éviter la guerre civile, défendre(savunmak) la
révolution(devrim), etc. La légitimation est donc indissociable(ayrılmaz) du pouvoir politique.
De manière générale,
On appelle processus de légitimation les processus qui conduisent à l’acceptation de la
domination politique. L’un des principaux enjeux(zorluk) de l’étude des phénomènes
politiques est de comprendre dans quelles conditions, pour quelles raisons, et par quelles
pratiques, le pouvoir politique est accepté, et considéré comme nécessaire par ceux qui le
subissent. Le processus de légitimation est donc un élément constitutif(kurucu) de la relation
de pouvoir politique.

I. Max Weber et les trois types idéaux de domination légitime

Ce qui est universel, c’est la nécessité de légitimation. Mais les formes de légitimation et les
principes de légitimité changent selon les sociétés. Les types de légitimité ne sont pas
universels, même si aujourd’hui on considère(düşünmek) la légitimité de type démocratique
comme devant nécessairement s’étendre(yaymak) à toutes les sociétés.

La distinction(ayrım) classique opérée(işletilen) par Max Weber, qui isole trois types de
légitimité différents, est tombé aujourd’hui presque dans la culture générale. Il est donc
important de la rappeler, en soulignant que Weber, qui parle de types de domination légitime,
a insisté(ısrar etmek) sur le lien qui unit(birleştirmek) légitimité et domination.

1er type de domination légitime : la domination traditionnelle repose sur la croyance en un


caractère sacré(kutsal) des traditions ancestrales(atalardan kalma) et désigne(tayin etmek)
comme légitimes les gouvernants choisis selon ces traditions.
Ses caractéristiques sont donc les suivantes :
— Elle repose sur l’adhésion(üyelik) à des dispositions(eğilim) transmises par le temps, cad la tradition.
— Elle est fondée sur((dayalı) une relation personnalisée : l’obéissance(itaat) est due à(nedeniyle) la personne
même du détenteur de l’autorité(yetki sahibi). Elle prend pour forme caractéristique le respect.
— Le détenteur de l’autorité l'exerce en dispensant faveursiyilik dağıtarak et disgrâces(rezalet) et en accordant sa
protection (koruma sağlamak) à des sujets.
— Le droit est un droit coutumier(örf ve adet hukuku).

2ème type : la domination charismatique est fondée sur l’aptitude(yetenek) exceptionnelle du


chef appelé au pouvoir, généralement en temps de crise pour arracher la société aux dangers
qui la menacent. L’adhésion populaire(Popüler destek) est ici d’ordre personnel et
affectif(duygusal) : c’est l’individu au pouvoir qui bénéficie du charisme fondant la
domination(egemenlik), et non un principe détaché(kopuk,bağımsız) des individus (tel que la
tradition).
Ses caractéristiques :
— Elle est fondée sur la valeur particulière d’une personne, et sur la reconnaissance de son caractère sacré,
extraordinaire.
— C’est une relation qui implique la révélation(vahiy) d’un héros(kahraman) et sa vénération(saygı), une
relation de « prophète à adeptes (takipçilere peygamber)» dit Weber. Cad aussi que le groupe constitué par le
chef et ses adeptes forme une communauté émotionnelle.
— elle est très instable(dengesiz). Si le détenteur du pouvoir paraît abandonné par la grâce(lütuf), son autorité
disparaît.

3ème type de domination légitime : la domination légale-rationnelle. Dans cette dernière on


reconnaît la légitimité des actes accomplis(başarılmış) et des dirigeants(liderler) choisis selon
des procédures légales et sur la base de règlements établis en fonction des
exigences(gereksinim) de la raison. Les individus obéissent(itaat etmek) moins à des
personnes qu’à des règles impersonnelles(kişiliksiz) et générales. La domination légale
rationnelle s’accompagne de la constitution d’une bureaucratie puissante(güç), principal
vecteur de la rationalisation.

Ce que montre la typologie de Weber, c’est l’importance de la croyance. C’est la croyance de


la population dans un type de légitimité qui permet d’établir le type de domination
correspondant.
On peut dire aussi, d’une autre manière, que la légitimation du pouvoir politique entretient
donc des rapports complexes avec les valeurs dominantes de la société. La légitimation du
pouvoir politique est le produit ces valeurs, et en même temps elle les produit. (important
de bien saisir(ele geçirmek,yakalamak) les deux temps de ce processus)
Cela étant, cette typologie reste « idéal-typique », conceptuelle(kavramsal). On peut
conclure(sonuçlandırmak) sur ce point, en relevant que l’on trouve rarement ces types à l’état
pur dans la réalité.
Les différents types de légitimité sont le plus souvent combinés. Ainsi, l’Empire napoléonien
combine des éléments des trois types : la dimension(boyut) charismatique est importante
(glorification de la personne de l’empereur(imparatorun şahsının yüceltilmesi)), les éléments
rationnels-légaux sont également très présents : on connaît l’importance du droit et de
l’administration(yönetim) à cette époque. Enfin, les éléments traditionnels ne sont pas
absents, comme le montre la tentative(girişim) de constitution d’une dynastie(hanedan).
Concrètement donc, on peut dire que beaucoup de légitimités sont des hybrides, des
accommodements(konaklama) entre des formes de légitimité anciennes et nouvelles.

II. Le travail de légitimation

Jean-Jacques Rousseau a exprimé ainsi cette nécessité : “Le plus fort n’est jamais
assez fort pour être toujours le maître(usta), s’il ne convertit(dönüştürmek) sa force en droit et
l’obéissance(itaat) en devoir.” (Le contrat social livre 1). Il ajoute qu’il ne s’agit pas de
confondre la force et le droit (puisque la notion de droit n’aurait pas de sens si le droit périt
quand la force cesse) : “ Convenons que(katılmak) force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé
d’obéir(itaat etmek) qu’aux puissances légitimes. ”
On peut résumer de la sorte ce que Rousseau souligne : l’établissement durable(sürdürülebilir
kuruluş) d’une relation de pouvoir, tel que c’est le cas pour le pouvoir politique, implique(ima
etmek) que cette relation soit acceptée, et que le consentement(rıza) soit garanti par des
normes morales(ahlaki) et juridiques(yasal).

Les politistes modernes, tels Jacques Lagroye, définissent(tanımlamak) donc la légitimation


comme :
“un ensemble de processus qui rendent l’existence(varoluş) d’un pouvoir coercitif(zorlayıcı)
spécialisé tolérable sinon(aksi halde) désirable(arzulanan), c’est-à-dire qui le fassent
concevoir comme une nécessité sociale, voire comme un bienfait(nimet).” (Traité p. 402).

Si l’on se place du côté des détenteurs du pouvoir, la légitimité vise(hedeflemek) d’abord à


faciliter l’exercice et la durée de leur domination. (Machiavel a dit : “ Vous devez donc savoir
qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois, l’autre avec la force : la première
est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent,
ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir
user de la bête et de l’homme. ”)

De manière générale, on peut retenir deux motifs de renforcer leur légitimité pour des
gouvernants
Le premier, c’est la motivation des membres de l’appareil d’Etat, c’est à dire des
auxiliaires du gouvernant, qui lui permettent l’exercice du pouvoir (police, armée,
bureaucratie). Pour ces auxiliaires, les rémunérations matérielles et la contrainte(kısıtlama)
sont utilement renforcées par ce que l’on peut appeler des “ gratifications symboliques ”.
C’est à dire soi de la possibilité de se représenter positivement pour eux-mêmes leur action
par rapport à des valeurs (patrie, révolution, utilité sociale, etc.), soit de bénéficier de la part
d’autrui de la reconnaissance ou du prestige liées à leurs actions (vous voyez que les deux
sont indissociables).
On retrouve cette nécessité, on l’a dit dans tous les régimes, même les plus autoritaires.

Le second motif de renforcer leur légitimité pour les gouvernants est bien entendu le risque de
révolte des gouvernés.
Si la relation de pouvoir n’est qu’un rapport de force(kuvvet), de coercition(zorlama), sans
accord sur des valeurs à respecter, le risque de révolte est permanent. Un régime fondé
exclusivement sur la force est contraint à des dispositifs de maintien de l’ordre
particulièrement coûteux et qui ne peuvent jamais atteindre à une complète efficacité. La
légitimation du pouvoir politique est en un mot une condition incontournable permettant aux
gouvernants d’établir une domination plus efficace, plus durable, et à un moindre coût.

III. La question de l’obéissance(itaat)

La dimension(boyut) de lutte, de contrainte est importante dans les relations de pouvoir. Mais
cette dimension n’est pas la seule. Les relations de pouvoir sont en effet
ambivalentes(çelişkili,kararsız). Elles mêlent(karıştırmak) à la contrainte(kısıtlama), exercée
par la plus fort, l’acceptation, par le plus faible, ou ce qu’on appelle le plus souvent, le
consentement(rıza).
L’importance accordée au consentement dans une relation de pouvoir a été soulignée depuis
longtemps.
On trouve cette idée dans des traditions très différentes de la pensée politique. On peut en
prendre deux exemples opposés, qui se rejoignent sur cette question.

Le philosophe anglais Thomas Hobbes (1588-1679) montre dans le Leviathan


que les hommes se soumettent volontairement au souverain(egemenlik) : ils préfèrent
abandonner une part de leur liberté à un souverain qui assure leur sécurité plutôt que de vivre
dans la crainte(korku) perpétuelle(kalıcı,sürekli) de la mort, dans un état de nature où
“l’homme est un loup(kurt) pour l’homme”. Pour Hobbes, qui écrit dans un contexte de
guerre civile, de période troublée, la paix civile passe par cet abandon d’une partie de sa
liberté au Léviathan, à l’Etat, même autoritaire.

Le philosophe et poète français Etienne de La Boétie (1530-1563), qui,


contrairement à Hobbes, dénonce la tyrannie, met comme lui en évidence la volonté des
hommes de se soumettre. Le titre de son célèbre texte est à cet égard explicite : Le discours de
la servitude(kulluk,hizmetkarlık) volontaire. Selon lui, les hommes sont responsables de leur
propre asservissement. Chaque homme en commande d’autres dans une structure de pouvoir
pyramidale dont la base est constituée de la masse des plus faibles, et le sommet de la
personne du souverain. Croyant œuvrer pour leur propre compte, les hommes assurent en fait
le pouvoir exorbitant d’un seul, qui serait impossible sans leur concours.

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