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LA REFLEXIVITE DANS LA CONSTRUCTION PROFESSIONNELLE

EN TRAVAIL SOCIAL
L’apparition de la pratique réflexive dans les discours sur la professionnalisation
a été accompagnée par l’espoir d’améliorer l’efficacité et l’efficience
de la formation des professionnels.
Il a été avancé qu'il existe un besoin croissant de pratique réflexive, compte tenu
de la « crise » croissante des professions (Gould 1996 ; Schon 1983).
Cette crise s'articule autour d'une remise en cause accrue de la disposition
professionnelle. Parallèlement à cela, des mesures ont été prises pour gérer la
pratique professionnelle par le biais de systèmes de responsabilité plus objectifs,
continus et mesurables (Fook, Ryan et Hawkins 2000, p.242).
Alors, l'évolution vers une pratique réflexive peut être considérée comme faisant
partie de l’impératif de rendre la pratique professionnelle plus responsable grâce
à un examen continu des principes sur lesquels elle repose. Pour cette raison, la
capacité à réfléchir sur la pratique de manière continue et systématique est
désormais considérée comme essentielle à une pratique professionnelle
responsable comme le travail social.
Il est important, de rappeler le point de vue de Sheppard (1998) selon lequel le
travail social a ses propres significations spécifiques. Comme preuve de ce point,
la compréhension supplémentaire de la réflexivité dans le travail social, est liée
à une compréhension où le rôle de soi, de la cognition et de la l’intervention sont
soumis à une analyse.
Taylor et White (2000) abordent la notion de réflexivité en supposant que les
travailleurs sociaux doivent évaluer de manière critique la façon avec laquelle ils
construisent socialement leurs revendications et leurs pratiques en matière de
connaissances. Cela implique d'examiner attentivement les hypothèses tacites du
travail social.
De plus, les auteurs s'appuient sur des techniques telles que l'analyse de
conversation, de situation pour montrer comment les savoirs en travail social sont
contingents et pertinent.
Elles articulent à la fois la dimension individuelle portée par les valeurs et les
références propres au praticien et la dimension collective de ce monde social où
se jouent des négociations entre les acteurs.

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La réflexivité des travailleurs sociaux a le potentiel de conduire à une meilleure
qualité du travail, au renforcement de l'identité des travailleurs sociaux et à
l'autonomisation des travailleurs sociaux pour promouvoir des changements dans
la pratique quotidienne.
Atteindre ce potentiel nécessite une compréhension de la construction de la
réflexivité par les travailleurs sociaux,

PROCESSUS DE PROFESSIONNALISATION ENCLENCHES ET


ENTRETENUS PAR LA PRATIQUE REFLEXIVE

La figure illustre les processus de professionnalisation à travers quatre logiques


d’espace qui incarnent le développement des enjeux de la transformation et
l’évolution du professionnel.

Accepter et affronter la
complexité :
-Accepter les situations
qu’on a vécues et accepter
le soi pendant l’action.
-Prendre des reculs par
rapport aux situations
vécues pour essayer de
comprendre comment agir
et réagir et interagir avec les
autres, permettant la
transformation,
l’autonomie et l’évolution.

Chacun des quatre domaines (l'appréhension/compréhension de la complexité, de


son acceptation, de l'action et de la transformation professionnelle) se manifeste
par des espaces singuliers de professionnalisation.
Les espaces qui unissent ces différents domaines peuvent être définis de la façon
suivante :

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Espace "évoluer/appréhender la complexité/accepter la complexité": Se
développer.
Cet espace est celui dans lequel s'ouvrent les perspectives de développement
professionnel (Donnay et Charlier 2006).
Il se traduit pour le professionnel par le fait de "se développer" au sens général
de transformer sa professionnalité. On retrouve ici la dimension constructive de
l'activité (Samurçay et Rabardel,2004).
Espace "évoluer/Appréhender la complexité/agir" : Innover.
Cet espace est celui de l'innovation, il se traduit par une perspective globale de
transformation qui s'incarne dans la nouveauté de l'action produite.
Cette production d'un agir nouveau, inscrit dans une perspective de
transformation globale, est réalisée à partir d'une nouvelle
appréhension/compréhension des savoirs et de l'expérience.
Espace "agir/évoluer/accepter la complexité" : S'engager
Il se compose d'une modification du rapport à la pratique et se traduit par
l'engagement du professionnel dans la transformation globale de sa
professionnalité mais aussi de son action "quotidienne"
Espace "Agir/Appréhender la complexité/accepter la complexité» :
Fonctionner.
Il correspond à celui de l'action, produit de la réflexion et du changement de
rapport à la pratique. Il se constitue du fonctionnement et de la gestion du
quotidien de l'intervention professionnelle. On fait ici référence à la dimension
productive de l'activité humaine (Samurçay et Ranardel, 2004;Vinatier et Altet,
2008).

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LA PROFESSIONNALITE

Le substantif « professionnalité » ajoute un marqueur qualitatif à l'adjectif «


professionnel ». « Professionnalité » intensifie le sens en y ajoutant la
compétence. Tandis que la profession procède à l'activité sur la base de la La professionnalité va au-
delà de l’acte, elle relie le
qualification requise, la professionnalité réalise la tâche avec une compétence professionnel à un corpus
optimale et développe l'aptitude à se montrer professionnel en situation de travail, de savoirs et d'expériences
impliquant ses pairs dans
malgré les circonstances et l'ampleur des difficultés. un espace-temps social
(Donnay et Charlier, 2008,
La professionnalité est définie comme « l’ensemble des compétences considérées p. 63)
comme caractérisant normalement les membres d’un groupe professionnel donné
à une époque donnée » (Demailly, 2008).
Le terme même de compétence, qui s’est imposé partout dans le monde du travail
insiste sur le « caractère contextualisé et personnalisé d’une action », sur « la
pertinence des initiatives prises et des responsabilités assumées », sur la
« capacité à s’ajuster et évoluer », sur « la mise en œuvre autonome des capacités
Le professionnel a acquis la
mises à disposition de l’organisation ». capacité de gérer un
complexe de situations plus
En un mot, « le professionnel est celui qui au travers de son savoir et de son ou moins intriquées (Le
expérience accumulée possède un large répertoire de situations et de solutions » Boterf, 2002, p. 45).
(Lichtenberger, 2003).
la professionnalité peut être envisagée comme le produit d’une dynamique
collective de définition des savoir-faire professionnels mais aussi des dispositions
subjectives et des qualités personnelles des travailleurs qui régissent l’exercice «
normal » du métier.

LA COMPÉTENCE
L'amélioration des compétences fournit un levier stratégique pour justifier
« La compétence du
l’adoption de l'analyse des pratiques. Le professionnel dispose habituellement de professionnel consiste à
savoir mobiliser et
ressources et de capacités dormantes, ce qui ne l'empêche pas de laisser parfois combiner des ressources »
ce potentiel inerte, inactif. L'analyse des pratiques conduit le praticien à (Le Boterf, 2002, p. 115).
transformer les ressources potentielles et les capacités dormantes en compétences
actives.

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La combinatoire des moyens actifs permet de résoudre les difficultés du terrain
en mobilisant les savoirs ajustés à la singularité de chaque situation.
Des pratiques articulent la notion de la compétence à celle du contre-transfert.
La compétence organise la vision moderne des phénomènes sociaux, depuis la
vie professionnelle jusqu'au domaine privé, le contre-transfert fonde la pensée
réflexive avec l'empowerment et la centration sur la personne.
LA COMPETENCE CONTRE-TRANSFERENTIELLE
Les praticiens travaillent sur leur compétence contre-transférentielle quand les
enjeux relationnels opposent leur ressenti professionnel à l'intérêt de la personne
accompagnée. « Le contre-transfert est
l'ensemble des réactions
La distanciation et la conscientisation forment les versants de la compétence inconscientes de l'analyste
contre-transférentielle, laquelle joue un rôle crucial dans l'analyse des pratiques. à la personne de l'analysé,
et plus particulièrement au
La distanciation marque la prise de recul, elle engage à ne pas se laisser happer transfert de celui-ci »
(Laplanche, Pontalis, 1967
par la proximité affective.
Le praticien mobilise son énergie et sa compétence pour conscientiser et
distancier les émotions inconscientes déclenchées en lui par l'être singulier qui
lui fait face.
L'investissement émotionnel se constitue aussi bien d'affects négatifs : haine,
jalousie, mépris, que d'affects positifs : attirance, compassion. Le sens du concept
prend une tournure plus active, plus clinique.
La réponse contre-transférentielle ne se réduit plus à une simple réplique
transférentielle. Au-delà de l'émotion dans l'instant, le professionnel analyse le
ressenti provoqué par la personne.
La place du contre-transfert dans les pratiques réflexives apparaît chez Gordon
Hamilton dès les années 1950. Le théoricien du case-work recommande au
travailleur social d'approfondir l'exploration de ses impulsions émotionnelles.
L'introspection des zones vulnérables convie le professionnel à tolérer davantage
les travers d'autrui et mieux vaut bien se connaître avant d'aider les autres.

L’EMPOWERMENT L’empowerment vise alors


Yann Le Bossé définit l’empowerment dans la lignée de ses travaux sur le la capacité des personnes à
exercer un plus grand
développement du pouvoir d’agir comme un « processus par lequel les personnes contrôle sur ce qui importe
pour elles, leurs proches
accèdent ensemble ou séparément à une plus grande possibilité d’agir de manière
ou leur communauté.

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efficiente sur ce qui est important pour elles-mêmes, leurs proches ou la
collectivité à laquelle elles s’identifient »
le verbe accéder exprime le mouvement d’ouvrir un chemin et de passer, la
mention de la collectivité rappelant que l’empowerment réunit les sphères
individuelles et collectives.
Travailler avec l’empowerment stimule la relation entre la personne en difficulté
sociale et le professionnel pour lui venir en aide. La pensée clinique arpente la
trajectoire qui va de l’impuissance à la toute-puissance.

LA CENTRATION SUR LA PERSONNE


L'analyse des pratiques convie le professionnel à traiter les difficultés de sa
pratique et de son implication pour servir au mieux l'intérêt de la personne. Ceci
avant tout autre chose : l'analyse des pratiques cible la personne accompagnée et
non pas le professionnel qui l'accompagne.
La centration fait de la personne accompagnée le sujet central d'une pratique
professionnelle qui accorde un intérêt significatif mais moindre à toute autre
question, y compris les difficultés du professionnel qui accompagne.
Une interprétation erronée conduirait à centrer sur la personne en excluant les
éléments du contexte. Certains services à vocation thérapeutique glissent dans
l’erreur, le praticien annonce dès lors qu'il s'occupe exclusivement du client sans
prendre en compte la famille. Réduction à éviter dans l'analyse des pratiques, la
centration sur la personne tient compte du contexte : famille, réseau social et
environnement.

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LES SOCLES FONDAMENTAUX DE L’ANALYSE DE PRATIQUE

L’analyse des pratiques, repose sur trois socles fondamentaux qui sont
le cadre, le protocole et l’animation.
1- LE CADRE
Le cadre détermine la règle du jeu. Il est un ensemble de règles Il assure la cohérence des travaux.
anticipe les chaos du parcours
auxquelles sont soumis les participants. L'acte fondateur réside dans la Il génère la cohésion au sein du groupe
validation de cette règle par tous les participants. Ainsi dès le départ et
de manière incompressible, le cadre garantit et maintient les choix
éthiques.
Porteur de sens, le cadre traverse la dynamique institutionnelle depuis la
réflexion sur la pratique jusqu'aux effets quant aux situations d'usagers.
Le cadre de l'analyse des pratiques délimite les frontières du processus
qui s'engage entre les praticiens et l'intervenant.
La règle du jeu assure la cohésion du groupe, confirme l'engagement des
participants, réduit l'angoisse et le surcroît d'excitation. Dans l'analyse des pratiques, le cadre
sert de contenant aux praticiens et à
Le rôle essentiel du cadre exige la garantie de son intégrité tout au long l'animateur. Il dresse la scène dans un
des ateliers. espace circonscrit (Lebbe-Berrier,
2007, p. 39).
Quand il rencontre le groupe pour la première fois, l'analyste des
pratiques présente la règle du jeu, avec la plus grande attention.
Cette opération introduit l'état d'esprit qui présidera aux travaux à venir.
La règle du jeu, déclination pratique du cadre, annonce le caractère à la
fois éthique, clinique et pragmatique de la dynamique qui va s'instaurer.
Chacun de ses éléments peut susciter des questions ; la discussion
permet à l'animateur de communiquer sur la philosophie qui assure la
protection pour tous durant les ateliers.
Les règles du jeu des ateliers d'analyse des pratiques
- Le calendrier, les horaires et la ponctualité.
- La disposition de la salle.
- L'engagement de participation.
- La confidentialité du contenu.

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- La bienveillance et le respect au sein du groupe.
- L'aide réciproque.

2- LE PROTOCOLE
Il est une structure modélisée qui permet d'organiser la réflexion du
groupe d'analyse des pratiques sur la situation difficile ou posant
question présentée par l'un des participants. La trame d'atelier organise
cinq phases :
- Question de départ ;
- Récit clinique ;
- Réaction de chacun ;
- Discussion du groupe ;
- Synthèse de la séance.
Phase O : Présentation et rappel du fonctionnement
Cette phase constitue l'entrée dans la séquence, elle est composée du
rappel des objectifs, des règles de fonctionnement (principes généraux
et rôle de chacun) et du déroulement du protocole (phase, durée).

Elle sert d'entrée dans le dispositif, mais aussi de recontractualisation


des engagements de chacun.
Ainsi, il est précisé lors de la phase :
L’intervention de l'animateur
l'animateur est garant du bon déroulement de la séance.
Dans ce cadre il peut être amené à intervenir en cours de séquence,
pour repréciser les objectifs, règles et principes de fonctionnement
ou aller jusqu’à l’aide par illustration.
La limitation de ces interventions répond à la préoccupation de ne
pas le placer comme porteur d’un savoir ou d'une expertise
spécifique à Transmettre.
Les principes éthiques essentiels de fonctionnement :
L'animateur rappelle dans cette phase les règles se fondant sur les
principes éthiques intangibles et clarifie les rôles qu’on vient d'entrevoir
à travers celui de l'animateur.

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Le dispositif repose sur la confidentialité des échanges, la séparation
entre les dimensions personnelles et professionnelles, l’éloignement des
procédures d'évaluation, la posture de non-jugement, la production d'une
compréhension (et non d'une résolution).

Étape 1 : Question de départ


En début de séance, après avoir arrêté la situation du jour, l'animateur
demande au narrateur de formuler la question qui le préoccupe.
Pourquoi veut-il parler de cette situation ? Condition importante : la
question précède la présentation de la situation et le narrateur la formule
avant d'entamer le récit des événements.
Cette technique stimule la concentration du groupe, incitant chacun à se
préparer aux discussions qui vont suivre.
Formuler la question capte l'attention et appelle la réactivité clinique de
chacun : l'offensive portera bien sur le problème, pas sur les personnes.
La question délivre au groupe sa lettre de mission : apporter une réponse
pertinente à qui présente la situation du jour une réponse sincère,
rigoureuse, bienveillante mais sans concession.
Deux précautions entourent cette technique.
-D'une part la question mobilise l'attention sur l'intérêt de la personne
accompagnée et pas uniquement sur le praticien qui présente.
-D'autre part, la question porte effectivement sur la PRATIQUE et ne se
limite pas à la recherche de pistes pour résoudre le problème

Étape 2 : Récit clinique En ce qui concerne la manière de


procéder, mieux vaut laisser le narrateur
Une fois posée la question de départ, le professionnel entame le récit des parler sans recommandation
évènements et faits. Il dispose pour cela d'une dizaine de minutes. particulière, librement.

Personne ne l'interrompt durant sa présentation.


Technique bien connue en analyse des pratiques, les dix minutes de
parole ininterrompue garantissent la pleine disposition d'un temps
d'expression.

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Le narrateur peut exposer ses doutes ou ses hésitations, selon son gré, à
son rythme, en échappant aux interruptions. le narrateur clôture alors
tranquillement son propos.
Cette technique garantit l'espace auquel tout professionnel aspire.

Étape 3 : Réaction de chacun


À l'issue du récit clinique, chaque participant bénéficie tour à tour d'un Cette séquence initiée dès la première
heure par Mickaël Balint, intègre la
temps pour exprimer sa pensée. L'analyste des pratiques veille à rester plupart des approches modernes
en retrait et éloigné lors de cette phase du travail.
Abstinent quant à l'expression verbale, l'animateur s'assure que chacun
a pu parler ou du moins reçut l'occasion de le faire, ainsi interpelle-t-il
ceux qui demeurent silencieux, leur laissant la possibilité de décliner
l'offre.
Dès lors, le retour de chaque compagnon s'avère aidant pour le narrateur.

Étape 4 : Discussion collective


La discussion du groupe constitue la séquence majeure, la plus longue et
elle demande encore plus de rigueur.
Sept (7) items/éléments en forme de question en structurent le
cheminement.
Leur choix correspond à des orientations théoriques et méthodologiques. Cette étape devient productive quand la
Il ne s'agit pas de les aligner un par un comme dans une procédure, leur relation de groupe a mûri.
mobilisation vise le processus : chaque question se pose ou pas et l'ordre
n'a pas d'importance.
Cette fois, l'animateur entre dans la discussion collective tout en veillant
à ne pas monopoliser la parole.
Premier item : Quel est le problème ? Pour qui et en quoi est-ce un
problème ?
Pourquoi ce questionnement dans l'analyse des pratiques ?
La réponse paraît naturelle : le problème réside dans la question
formulée par le praticien qui présente une situation qui justement lui
pose problème.

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L'expérience enseigne une réalité différente. Il se trouve que
contrairement à l'impression d'évidence initiale, le problème annoncé et
vécu par celle ou celui qui raconte, diffère souvent du problème identifié
dans la réalité de terrain suite à la discussion d'atelier.
L'identification du problème s'articule avec l'influence constante du
contexte de vie sur la situation de la personne accompagnée.
Les sens, les affects, la compréhension, l'induction diagnostique sous
toutes ses formes, influencent considérablement la perception des
choses. En analyse des pratiques, le groupe
aide le narrateur à déceler
concrètement le problème ; cela
Deuxième item : Comment va la personne accompagnée ? peut prendre un certain temps
(Jouffrey, 2014, p. 86).
Cet item introduit directement le concept moteur de l'analyse des
pratiques : la centration sur la personne accompagnée, l'analyse des
situations de terrain n'a jamais démenti la puissance clinique de cette
question. La centration sur la personne justifie un espace réservé.
Au début du cycle, l'animateur assure naturellement la garde de la
centration sur la personne.
Quand le groupe atteint son niveau de maturité, quand il fonctionne
enfin comme une équipe de praticiens réflexifs, chacun se trouve en
capacité, en volonté et en exercice, autrement dit en compétence, pour
assurer la centration sur la personne.
On peut se demander : « Et la personne dans tout cela, comment va-t-
elle ? »
Ainsi le narrateur trouve-t-il les ressources propices à la prise de
distance, recentrant sur la personne accompagnée, il repousse la
tendance à exagérer le souci de lui-même.

Troisième item : Que veut la personne accompagnée ?


Troisième piste ouverte par le « développement du pouvoir d'agir » :
demander son avis à la personne accompagnée.
Dans la lignée de l'empowerment, cette posture appelle les praticiens à
tenir compte de la volonté des personnes.

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On peut se trouver en difficulté lorsqu'un intervenant se vit uniquement
comme un expert (Il considère bientôt qu'il en sait davantage que la
personne concernée, il connaît mieux son problème et détient les bonnes
solutions).
Mieux vaut travailler et négocier avec la personne, tant sur la nature du
problème qu'à la recherche des solutions.
Une telle posture engage à une coopération effective au-delà de
l'adhésion de façade.

Quatrième item : Quelles solutions ont été tentées pour résoudre le


problème ?
L'expérience montre qu'en général, le professionnel sincère agit à bon
cognition. En revanche, il n'a pas forcément identifié ou compris ce qui
bloque l'efficacité de son action.
La prise de recul apportée par l'atelier et le soutien actif des compagnons
l'aident à réorienter les options de travail, à abandonner celles qui font
obstacle si nécessaire.

Cinquième item : Chacun est-il à sa place ?


La réflexion collective passe par une vérification cruciale : les
protagonistes/acteurs se trouvent-ils à leur place ? Chaque professionnel
agit-il à l'intérieur de sa fonction ?
Une grande partie des problèmes humains provient de déplacements
inconvenables ou imprévus entre places et fonctions.
Des inversions, des préjudices renversent l'équilibre des rapports entre
les personnes, par ex. Quand un éducateur en conflit avec son chef direct
refuse de rédiger le rapport demandé en urgence, il se trompe de cible
en aggravant la situation de l'enfant au motif d'un enjeu personnel.
Cette dérive pose pas mal de difficultés, souvent le bouleversement des
places dénonce le symptôme d'un mal aux racines profondes.

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Sixième item : Quels sont les sentiments éprouvés ?
Cette technique fait travailler le groupe sur les affects éprouvés au regard
de ce qui caractérise la situation : la personne accompagnée, les
événements évoqués, l'action du praticien qui parle.
Sa mise en œuvre demande des précautions, comme éviter de renverser/
provoquer l'affectivité du narrateur. Au contraire, l'atelier améliore sa
protection en l'aidant à se sentir plus en sécurité.

Septième item : Que faire de différent de ce qui a déjà été tenté ?


A mesure que s'élabore la discussion collective, une compréhension
nouvelle ouvre des perspectives inexplorées.
Le sens préalablement insu apporte un espoir de mieux-être pour la
personne accompagnée. Il s'agit là d'interpeller le groupe sur ce qui n'a
pas encore été tenté.
Tout le monde s'y met, le narrateur qui a apporté la situation, les
compagnons d'atelier mobilisés pour lui venir en aide, chacun contribue
à la pensée collective et l'animateur apporte un petit vent de savoir et
d'expérience qui vient de l'extérieur.

Étape 5 : Synthèse de la séance


Après la décomposition et le discernement, la synthèse pose la pierre
ultime dans la définition de l'analyse. Certains intervenants rédigent la
synthèse en fin de séance.
Cette performance demande une capacité de distanciation immédiate et
un peu de maîtrise et de savoir-faire.
L'animateur reformule les projections inconscientes émanant du groupe
sans imposer une vision strictement personnelle.
L'alternative consiste à rédiger la synthèse dans l'après-coup de la
séance. Ce temps de rédaction solitaire favorise une retranscription
fidèle.
À la fin de l'atelier, l'animateur demande au groupe de trouver un titre
pour la situation.

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Une fois validé par le narrateur, l'énoncé intitule la fiche d'atelier remise
à la séance suivante.
Cette démarche de fin de séance laisse une empreinte dans la mémoire
collective.
les principes d’une séance d’Analyse de
pratiques :
Ainsi, on peut déduire que l’analyse de pratiques professionnelles est, -Le sujet : acteur conscient et
avant tout, un outil de déconstruction et de compréhension des actes volontaire.
-Echanges entre pairs/mutualisation des
professionnels (individuels & collectifs). analyses.
-Distanciation et prise de recul.
Elle permet la problématisation des situations complexes et -Décalages provoquées par les
l’identification de ce qui pose question (ou problème). analyses.
-Questionnement, problématisation,
Elle favorise le questionnement et l’analyse permettant ainsi le repérage hypothèses, théorisation et pistes de
solution.
de ce qui, dans la pratique, n’est pas conscientisé. -Choix d’outils conceptuels,
engagement dans la formalisation orale
voire écrite.

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LA FICHE D'ATELIER
La méthode proposée offre l'opportunité d'une trace écrite fortement
structurée : la fiche d'atelier.
Cet outil reprend le canevas de la trame auquel s'ajoutent la date, le nom Outre un outil de mémorisation pour
du présentateur de la situation et la référence du site où se tiennent les l'intervenant, la fiche d'atelier prend
rang de support pédagogique et
ateliers. formatif.
Un seul item de la trame d'atelier n'apparaît pas directement dans la fiche
d'atelier : la réaction de chacun, les notes correspondant à cette étape
étant distribuées dans les différentes parties de l'instrument.
L'écriture se fait immédiatement à l'issue de la session en complétant
chaque rubrique abordée lors de la situation du jour,
L'analyste des pratiques peut proposer de le partager avec le
professionnel qui a apporté la situation. Ce dernier s'il le désire reçoit
copie de la fiche d'atelier lors de la séance suivante.

3-L’ANIMATION
L’animateur peut avoir différentes postures : conducteur, Facilitateur,
accompagnateur, régulateur ou formateur.
Son rôle est d’être garant du cadre, des règles de fonctionnement et de
la sécurité du groupe. Il peut aussi être un expert de l’analyse de
pratique.
Le professionnalisme se voit quand l’animateur est capable d’expliquer,
de présenter le cadre, de former au protocole utilisé et d’explique quelle
est l’efficacité attendue des différentes étapes de ce protocole.
La deuxième qualité qu’on attend d’un animateur de groupe d’analyse
des pratiques professionnelles, c’est l’humilité.
Un animateur, qui met en avant son expérience du secteur d’activité, est
un animateur qui risque de se positionner en expert et qui risque de ne
pas permettre à chaque participant de prendre toute sa place à l’intérieur
du groupe, qui risque de réduire finalement la dynamique du groupe.
Son premier rôle, c’est d’apprendre aux participants à fonctionner en
tant que participants dans un groupe d’analyse des pratiques
professionnelles.

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Il doit s’intéresser à la problématique du narrateur et poser des questions,
reformuler et aider le narrateur à cheminer dans la présentation de sa
situation. Ainsi, il peut conduire et orienter le groupe, et il sera toujours
à l’écoute de tout ce qui se déroule à l’intérieur de ce groupe. En
encadrant aussi les différents temps.
Il peut inviter les participants à questionner, à reformuler, à poser leurs
questions différemment ou à porter un regard attentif sur le narrateur par
rapport aux questions qu’ils viennent de poser.
Une troisième qualité qu’on attend d’un animateur est la qualité d’écoute
qui peut l’aider à entendre ce qui est dit par le narrateur, par les
participants, sentir ce qui se vit dans le groupe, ce qui se vit chez le
narrateur et agir en conséquence.

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Le séminaire d'analyse de pratiques professionnelles
Il modélise une pratique réflexive autonome, que l'on peut concevoir
comme une intériorisation de dispositifs, de procédures, de précautions,
de questionnement, de mode d'explicitation ou d'interprétation éprouvés
en groupe.
Il permet d'expérimenter la dimension collective de la pratique réflexive,
avec sa transposition possible au travail en équipe ou en réseau.
Il donne l'occasion de travailler sur les résistances, à l'analyse, les
aspects identitaires, la prise de risque, le rapport à l'expérience, à la
théorie, et à la discussion.
L’objectif du SAPP est double, d’une part, il permet aux participants
d’analyser leurs pratiques ou celles d’autrui, les réguler et
éventuellement les améliorer ; d’autre part, il leur permet de pratiquer
puis animer différents dispositifs d’analyse des pratiques, afin que
chacun puisse, si l’opportunité se présente, utiliser ceux-ci dans son
milieu professionnel.

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