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Lors des jeux olympiques antiques, une dizaine jugements humains. Si le nombre d’appellations
de Hellanodikai supervisaient les épreuves (Swad- des officiels des pratiques sportives est grand, entre
dling, 2000). Ils se préparaient, reclus, pendant près le juge de valeur, le juge-arbitre, l’arbitre-assistant,
de dix mois précédant les jeux ; leurs décisions le juge de touche ou l’aide-arbitre, on peut, cepen-
étaient sans appel et les athlètes, ainsi que les dant, rassembler ces officiels sous les termes
entraîneurs, étaient menacés de graves sanctions d’arbitre et de juge. L’arbitre est en charge de la
s’ils ne suivaient pas les règles établies. Ces Hella- direction de la rencontre ; il doit faire respecter les
nodikai, à la fois juges et arbitres, étaient consi- règles et dispose de pouvoirs discrétionnaires. Le
dérés comme les Grecs les plus justes. Aujourd’hui, juge, quant à lui, évalue la valeur d’un acte, selon
des milliers d’arbitres et de juges sont nécessaires certains critères, afin de les classer et/ou de prendre
à chaque discipline sportive à visée compétitive. une décision. Les modalités d’exercice de l’activité
Parfois critiqués et souvent au centre de débats, ils d’arbitrage et de jugement sont très diverses. Sur
sont, de par leur fonction, nécessaires au déroule- le plan topographique, par exemple, l’arbitre peut
ment d’une compétition sportive. En tant que sujet se situer au cœur de la situation sportive (en foot-
de discussion ou objet de conflit, l’activité d’arbi- ball ou en judo par exemple) avec la possibilité de
trage est souvent réduite à un seul de ses aspects : suivre l’action en se déplaçant librement, ou être
la sanction, qu’elle soit évaluative, technique ou totalement extérieur à l’activité sportive et dans
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– Aubert (1983) relève qu’au cours d’un match les chercheurs accumulent des résultats sur des
national de handball, 70 % des infractions objec- relations de cause à effet partielles ;
tives au règlement ne sont pas sanctionnées : – l’autre adopte une position épistémologique
certaines sont, sans doute, non détectées, d’autres, différente. Ainsi ont émergé des théories intuitives
détectées, mais non sanctionnées. L’arbitrage ne de la prise de décision, qui proposent une autre
semble, donc, pas être une application stricte du modélisation des processus de décision. Ces théo-
règlement qui, d’ailleurs, ici, produirait un arrêt de ries, dites « intuitives » ou « de la prise de décision
jeu en moyenne toutes les dix secondes et dénatu- naturelle », reposent sur des modèles descriptifs,
rerait l’activité sportive. plutôt que normatifs, des stratégies utilisées par des
– L’arbitrage n’est pas une activité pouvant être décideurs experts. Au lieu de ne considérer (comme
étudiée en dehors de la pratique sportive qui lui précédemment) que le choix effectué, ces théories
sert de support (sans arbitre pas de rencontre, mais conçoivent la prise de décision comme un
sans rencontre il n’y a pas d’arbitrage nécessaire). processus cognitif dynamique. En fait, ces théories
Des travaux, comme ceux d’Avanzini et Pfister postulent que les décideurs utilisent des stratégies
(Avanzini, 1993 ; Avanzini, Pfister, 1994) mettent beaucoup moins formalisées et moins systémati-
en évidence les interactions complexes entre déci- ques, mais beaucoup plus rapides, leur permettant
sions arbitrales et comportements des joueurs. ainsi de faire face aux diverses contraintes de
– Les contraintes temporelles, inhérentes aux l’environnement. Elles sont fondées sur une
activités sportives, ne semblent pas permettre la conception systémique des processus de décision.
recherche d’une solution optimale, si tant est Dans le cadre de l’orientation cognitive analy-
qu’elle existe. Alain (1990) précise qu’en squash, tique, Plessner (2005) propose un modèle qui
le défenseur opte pour une décision conforme à la considère les décisions arbitrales comme des juge-
maximisation de la valeur attendue dans moins de ments sociaux : l’hypothèse de base est que les
25 % des cas. Alain propose des explications théo- décisions des arbitres et des juges peuvent être
riques relevant du modèle de la rationalité limitée admises comme un produit de traitement de l’infor-
de Simon (1982). mation sociale. Cela sous-tend qu’il est utile de
– Le rôle des contextes et les effets de cadres différencier les étapes de traitement de l’informa-
sont, de plus en plus, mis en évidence par la tion : perception, catégorisation, processus de
psychologie cognitive, en particulier dans les acti- mémoire et jugement (Fiedler, Bless, 2001). Ainsi,
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favorable. Si leur simulation mentale ne parvient contexte de production et les projets et finalités
pas à adapter convenablement le premier scénario qu’il poursuit. Ainsi, le problème de la décision
d’action, ils l’écartent simplement et passent à un n’est pas donné a priori, mais construit par
deuxième, afin de tenter de l’adapter de la même l’arbitre, en fonction de ses stratégies de prise
façon. Les études menées par Klein et ses collabo- d’information, des éléments de contexte, qu’il
rateurs démontrent que, même dans des situations prend en compte, de la représentation qu’il possède
difficiles, les décideurs expérimentés comptent, de ses rôles et fonctions : il établit, ainsi, un
surtout, sur le RPD et non sur les méthodes de diagnostic (phase d’intelligence), pour lequel il
raisonnement analytiques fondées sur les théories propose, ensuite, des solutions adaptées (phase de
classiques de prise de décision. Il ne faut, cepen- conception), plus ou moins nombreuses, en fonc-
dant, pas en conclure que l’intuition est l’opposé tion des contraintes temporelles, très fortes en
du raisonnement logique. D’après ce modèle, la sports collectifs, et aboutit à un choix (phase de
prise de décision arbitrale ne serait pas un simple sélection). Ce modèle souligne la dimension dyna-
choix parmi un certain nombre d’options ou de mique des processus de décision : quelle que soit
routines, comme des stratégies analytiques, mais, la décision prise, elle possède un impact sur le
plutôt, comme une reconnaissance de la situation déroulement de la rencontre sportive (en interrom-
et une réponse, par des moyens appropriés, sur la pant ou non le cours du jeu), constitue un élément
base de représentations, de connaissances préala- du contexte des futures décisions (de l’arbitre
bles et de l’expérience de l’arbitre ou du juge. Le comme des joueurs) en tant qu’élément d’informa-
terme d’intuition est à interpréter selon son sens tion pertinent.
premier de connaissance immédiate, qui ne recourt Dans la pratique, si chaque épreuve sportive
pas au raisonnement, incluant des dimensions ne se trouve pas confrontée aux mêmes diffi-
empiriques et rationnelles ; c’est, en définitive, une cultés d’appréciation et d’évaluation de la perfor-
forme d’expertise, fondée sur les heuristiques, mance (Duret, 2001), un grand nombre de disci-
construites au cours de l’expérience vécue du déci- plines est exposé aux jugements des arbitres. La
deur. Les décisions sont, alors, fondées sur les mission d’évaluation, par rapport à des normes
caractéristiques de la situation ou de la phase de réglementaires, n’est qu’un des aspects de la
jeu considérée, l’expérience, les connaissances et pratique de l’arbitrage sportif. L’arbitrage ne
représentations de l’arbitre ou du juge. L’arbitre ou saurait se réduire à une application stricte du
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Néanmoins, des arbitres ou des juges experts, les arbitres assistants se déplaçaient plus rapidement,
ayant une connaissance parfaite des règles et des montrant que, en plus de leur position, la vitesse de
lois, peuvent éprouver des difficultés et, même, déplacement affectait la qualité des jugements du
prendre une mauvaise décision. Par exemple, la hors jeu (Oudejans, Bakker et coll., 2005). En sport
situation de l’arbitre, parfois évoquée dans les individuel, comme en gymnastique, Plessner et
textes officiels, est un facteur qui peut largement Schallies (2005) ont également montré un effet
influencer une décision. Ce facteur joue générale- important du niveau d’expertise des juges. En effet,
ment un rôle mineur en psychologie sociale, mais la position de ces juges n’est pas clairement décrite
peut être déterminant dans les prises de décision dans le règlement officiel gymnique. Dans cette
arbitrales. Ainsi, des erreurs de jugements survien- étude, des juges expérimentés et des juges novices
nent, même avec des arbitres ou des juges expéri- devaient juger de la position des bras de gymnastes
mentés, dans des conditions naturelles (Ford, masculins tenant une « croix » sur des anneaux, par
Gallagher et coll., 1997 ; Oudejans, Bakker et coll., rapport à un axe horizontal. Les auteurs ont montré
2005 ; Oudejans, Verheijen et coll., 2000). Cela que les juges expérimentés obtenaient de meilleures
signifie-t-il qu’un grand nombre d’années de estimations que les novices. Toutefois, les jugements
pratique ne mène pas systématiquement à une plus des experts étaient encore influencés par leur posi-
grande précision des décisions ? tion ; le taux d’erreur augmentant avec la déviation
Soulignons, ici, la difficulté d’appréhender la de leur vue frontale.
« variable expérience » dans une perspective par Centrées sur le niveau d’expertise des arbitres et
trop analytique, parfois, un bien, parfois, un mal : juges, les recherches ont montré que la connais-
les résultats semblent paradoxaux, voire contradic- sance des règles et une position correcte pouvaient
toires. En revanche, dans une perspective systé- aider les officiels dans leurs prises de décision et,
mique, l’expérience joue un rôle essentiel dans ainsi, avoir un effet positif sur la performance. On
l’élaboration d’heuristiques de plus en plus perfor- invoque, pourtant, parfois, le problème de l’expé-
mantes. L’expérience n’est pas un réducteur rience en tant que pratiquant. Si certains sports
d’erreur au coup par coup, mais un facteur amélio- duels, comme le judo ou l’escrime, proposent des
rant l’activité d’arbitrage dans sa globalité (cohé- formations arbitrales aux plus jeunes, les critiques
rence, communication, adaptation aux incidents à l’égard d’arbitres n’ayant pas un vécu de compé-
critiques et situations exceptionnelles...), ce qui ne titeur se multiplient. Ces arbitres jugent-ils d’une
signifie pas nécessairement qu’elle permet
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L’expérience : des connaissances qui peuvent perception de l’agressivité chez les arbitres. Ce
se révéler inappropriées type de croyance sur les caractéristiques physiques,
les compétences, les traits de personnalité et les
On ne compte plus les critiques des médias ou dispositions émotionnelles (Deaux, Lafrance,
du public à l’égard de décisions prises eu égard au 1998) pourraient, ainsi, influencer la prise de déci-
classement ou au statut de vedette d’un athlète. sion, d’une manière pouvant sembler paradoxale,
L’arbitre peut surestimer la projection d’un judoka puisque les règlements sportifs diffèrent rarement
titré, ne pas sanctionner les comportements agres- entre les femmes et les hommes.
sifs d’une vedette du tennis ou classer un couple
de danseurs a priori ou en fonction de sa nationa- D’autres études, menées en gymnastique spor-
lité. La réputation ou le statut des participants pour- tive, ont montré l’influence de représentations préa-
rait, donc, influencer les décisions arbitrales (Jones, lables que des juges peuvent avoir et, ainsi, le fait
Paull, Erskine, 2002 ; Lehman, Reifman, 1987 ; que la mémoire peut être impliquée dans le juge-
Rainey, Larsen et coll., 1989). ment de certaines pratiques sportives (Sainte-
Marie, 2003 ; Sainte-Marie, Lee, 1991 ; Sainte-
Plus encore, Frank et Gilovich (1988) estimaient Marie, Valiquette, 1996). Dans un premier temps,
qu’il existait une association culturelle entre la des juges visionnaient une série d’éléments gymni-
couleur noire et l’agressivité. Dans l’une de leurs ques simples et décidaient si la performance était
expériences, les résultats montraient que les arbi- parfaite ou imparfaite. Dans la seconde partie de
tres en football américain et en hockey sur glace l’expérimentation, les gymnastes effectuaient des
pénalisaient plus souvent les joueurs évoluant en éléments plus complexes, mais partageant tout ou
maillot noir que les joueurs habillés de blanc, partie du premier élément gymnique. Certains
suggérant que les arbitres percevaient plus d’agres- gymnastes manifestaient, alors, le même niveau de
sivité ou d’intention d’agression chez les joueurs performance que dans la première partie, alors que
habillés de noir. Plus récemment, Jones, Paull et d’autres manifestaient une performance contraire.
coll. (2002) ont proposé, à deux groupes d’arbitres Les résultats ont montré que les jugements, lors de
de football, une cinquantaine de scénarios vidéo, cette seconde phase, étaient influencés par la mani-
consistant en des phases de jeu, montrant des fautes pulation expérimentale : lorsque les performances
classées, par des experts, en trois catégories : fautes entre la première et la seconde phase différaient,
certaines, fautes incertaines et fautes inexistantes. les jugements étaient moins justes (Sainte-Marie,
Préalablement, il était indiqué, au groupe expéri-
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par ailleurs, des dimensions positives (vigilance autre exemple est le fait que les entraîneurs de
accrue, prévention de la violence...). C’est dans gymnastique sportive placent les gymnastes
l’équilibre de ces influences et de leurs consé- concourant par équipe dans un ordre de passage
quences que peut s’évaluer la « neutralité » de allant du plus faible au meilleur, sans qu’aucune
l’arbitrage, car il n’est humainement ni possible ni règle explicite ne le précise. Il a été montré que
souhaitable d’éliminer le facteur « attentes cette règle implicite peut largement influencer
construites par l’expérience ». l’évaluation des performances, par exemple,
Dans une perspective plus globale, Garncarzyk lorsqu’un gymnaste se présente en première ou en
(1994, 1995) tente de mesurer l’impact de la repré- dernière position dans son équipe (Ansorge, Scheer
sentation de l’arbitrage (rôle, missions, fonctions, et coll., 1978 ; Plessner, 1999 ; Scheer, 1973).
etc.) sur l’ensemble du processus de décision des Plessner (1999) a ainsi manipulé l’ordre d’appari-
arbitres et, en définitive, sur les décisions et les tion d’un même gymnaste sur du matériel vidéo,
sanctions qu’ils prennent. De ses travaux se déga- présentant, à la moitié des juges, la performance en
gent six représentations assez contrastées de l’arbi- première position de l’équipe et, à l’autre moitié,
trage (« dilettante », « non-interventionniste », en dernière position. L’auteur a, ainsi, montré que
« autoritaire », « pragmatique », « stressé » et le niveau de difficulté attribué à l’élément
« théoricien »), sans qu’elles puissent être hiérar- gymnique présenté était influencé par les attentes
chisées de la meilleure à la moins bonne, ni même des juges. Néanmoins, depuis les jeux olympiques
mises en correspondance terme à terme avec un d’Athènes, en 2004, cette distorsion pourrait dispa-
niveau de pratique donné. Ces représentations raître. En effet, si les équipes de gymnastique artis-
correspondent, en fait, à des conceptions différentes tique restent constituées de six athlètes, seuls,
de l’arbitrage (des attentes différentes, des priorités quatre (en qualification) ou trois d’entre eux (en
différentes...) et attestent de ce que les objectifs et finale), se présentent pour chaque agrès, limitant
les finalités, poursuivis dans le cadre de leur acti- les différences entre les gymnastes de haut-niveau
vité d’arbitrage, sont différents selon les arbitres, d’une même équipe.
contrairement à ce que peuvent laisser supposer les Il existe, par ailleurs, d’autres règles non écrites,
définitions normatives de l’arbitrage. Garncarzyk qui peuvent être adoptées par les arbitres ou juges
(1994) constate que les décisions prises sont, sur eux-mêmes (Plessner, Betsch, 2001 ; Rainey,
certains aspects, comme la propension à sanc- Larsen et coll., 1993). Ainsi, il est souvent inféré
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spectateurs dans le stade (Agnew, Carron, 1994 ; facteurs conjointement, sans que l’on sache ici
Jones, Bray et coll., 2001 ; Nevill, Newell, Gale, lequel est prépondérant : l’intention explicite de ne
1996). Des études ont, ainsi, montré que les équipes pas intervenir prématurément et l’allongement du
« visiteuses » étaient plus souvent pénalisées par processus de décision en contexte difficile.
les arbitres de football (Avanzini, Pfister, 1991 ;
Nevill, Newell, Gale, 1996 ; Sutter, Kocher, 2004)
CONCLUSION
et de basket-ball (Varca, 1980 ; Lehman, Reifman,
1987). Une explication pourrait être l’influence de Un certain nombre de facteurs (connaissances
ce public sur les décisions arbitrales. Les specta- préalables, attentes, normes sociales, croyances),
teurs provoqueraient des fautes plus nombreuses dont on pourrait penser qu’ils constituent des
chez les « visiteurs » ou influenceraient la percep- distorsions, sont, en fait, constitutifs de l’activité
tion des arbitres et arbitres-assistants (Nevill, d’arbitrage. Il paraît nécessaire de mener une
Holder, 1999 ; Nevill, Balmer, Williams, 2002). discussion sur les notions de bonne et mauvaise
Nevill, Balmer et Williams (2002) ont présenté, à décision arbitrale. La théorie de la rationalité
des arbitres de football, des phases de jeu tirées limitée de Simon (1982) permet d’aller au-delà des
d’un match anglais de Premier League. La moitié premières impressions et des idées préconçues, en
des arbitres observaient la vidéo avec les réactions affirmant que les situations complexes de décision
originales du public et les autres sans aucune (et l’arbitrage en est une) ne possèdent, d’une part,
rétroaction. Le premier groupe d’arbitres ne sifflait pas toujours une solution optimale, et n’offrent,
que très peu de fautes de la part de l’équipe qui d’autre part, pas nécessairement au décideur les
jouait à domicile, ce qui démontre l’avantage qu’il conditions (les informations, le temps...)
y a à jouer à domicile. Les auteurs suggéraient que d’atteindre cet optimum quand il existe. Simon
les réactions du public pouvaient servir d’indice explique que de nombreux problèmes de décision
pour les prises de décision arbitrale en football. La sont surmontés grâce à des heuristiques de raison-
question peut, alors, se poser pour toute discipline nement, qui permettent d’élaborer des décisions
sportive réunissant un grand nombre de spectateurs, satisfaisantes, au regard de la multitude des critères
en sports collectifs, mais également en sports indi- à satisfaire. Cette orientation permet d’appréhender
viduels : comment les réactions du public peuvent- les registres de l’activité sportive qui offrent, de
elles influencer les décisions arbitrales ? Le spec- fait, une place importante à l’interprétation de
l’arbitre. Cela concerne toutes les pratiques spor-
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– la variété des enjeux rencontrés, engendrée par appréhender et comprendre les processus de déci-
les rôles et statuts respectifs des différents acteurs sion en situation complexe et, d’autre part, des
de la rencontre sportive, l’évolution du rapport à la perspectives d’application dans le soutien et l’aide
règle, tant dans une perspective éducative, au à la décision, pour les arbitres et les techniciens, la
niveau des individus, que dans une orientation réflexion argumentée sur les modalités d’arbitrage
socioculturelle, l’apparition, dans le « débat (binômes, usage de la vidéo en temps réel...), ainsi
public », de la question de l’arbitrage, comme sujet que dans la formation initiale et continue des arbi-
de société ou, à tout le moins, comme objet de tres. Les avancées dans ce domaine reposent sur la
médiatisation ; nécessaire articulation pluridisciplinaire de regards
scientifiques (psychologie cognitive, psychologie
– les processus de décision de l’arbitre, à propos
sociale, anthropologie cognitive, sociologie...),
desquels, nous soulignons : la subtile articulation
permettant de mettre au point des protocoles
entre expérience et expertise, qui devra, nécessai-
d’étude innovants. En tout état de cause, la pour-
rement, être objectivée par de nouvelles recher-
suite de la compréhension de l’activité de décision
ches, le rôle essentiel des représentations, connais-
dans l’arbitrage sportif nécessite la mise en œuvre
sances antérieures et heuristiques de jugement,
de travaux pluridisciplinaires, appuyés sur des
oscillant entre économie cognitive, recherche de
méthodologies originales, comme celle de Rix, par
cohérence, rationalisation et distorsions conduisant
exemple (Rix, 2003, 2005 ; Rix, Biache, 2004). Rix
à des erreurs de jugement, la multitude des
expose, ainsi, une méthode reliant dialectiquement
éléments de contexte, constitutifs du système de la
une qualité d’image, nommée perspective subjec-
rencontre sportive (le public, les différents enjeux
tive située et une nature particulière d’entretien,
sportifs...), la complémentarité entre la dimension
centré sur la phénoménologie du vécu de l’acteur,
explicite de la règle et la dimension implicite de
appelée « entretien en re-situ subjectif ». Le texte
ses modalités d’application, qui constitue, vraisem-
analyse les conditions épistémologiques et métho-
blablement, un des moteurs de l’évolution des
dologiques de cette procédure, en la comparant à
règlements et des techniques sportives.
d’autres, qui adoptent des objectifs de même ordre.
Les questions qui restent à explorer sont L’entretien en re-situ subjectif s’affirmerait comme
nombreuses. Elles offrent, d’une part, un intérêt une méthode scientifique de validation d’une
scientifique certain pour qui cherche à mieux phénoménologie de l’expérience.
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