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Emploi : La promesse du million de postes est-elle


tenable ?
Par Tahar Abou El Farah Le 27 Mar, 2023 AFFAIRES

Des programmes initiés par le privé aident les jeunes ou les moins jeunes à transformer leurs idées en
projets, puis en entreprises.

LA NOUVELLE CHARTE DE L’INVESTISSEMENT EST UN STIMULATEUR D’EMPLOI. LE FONDS


MOHAMMED VI Y CONTRIBUERA ÉGALEMENT À UN PLUS HAUT DEGRÉ. LE MADE IN MOROCCO
APPORTE SON LOT D’OPPORTUNITÉS. D’AUTRES PROJETS DU GOUVERNEMENT VIENNENT EN
APPOINT.

Créer au moins un million d’emplois nets au cours des cinq prochaines années. Cela revient à trouver,
chaque année, des embauches pour 200.000 nouveaux arrivants sur le marché du travail. Le défi que le
gouvernement s’est proposé de relever, au moment de son investiture, n’en est manifestement plus un.
C’est en passe de devenir un acquis. Récapitulons : dans son programme, le gouvernement avait
annoncé la création de 250.000 emplois dans le cadre des programmes «Awrach». Un programme de
petits et grands chantiers publics, dont le chef du gouvernement vient de donner le coup d’envoi pour la
deuxième phase. Devant le Parlement, Aziz Akhannouch s’était également engagé, en octobre 2021, à
encourager le label «Made in Morocco» avec un potentiel de création de plus de 100.000 emplois. De
même, 100.000 autres postes d’emploi directs et indirects ont été annoncés dans le secteur de la
pêche et de la pisciculture. Nous parlons évidemment de création de postes de travail sur une période
de cinq ans, soit la durée du mandat du gouvernement. Un peu plus d’une année plus tard, la donne a
changé. Certes, la campagne agricole a été des plus difficiles de ces dernières décennies, ce qui a eu
un impact dévastateur sur la création d’emplois. Les derniers chiffres du HCP le confirment. Mais cela
le gouvernement l’a bien anticipé en misant justement sur l’économie non agricole. Dans un contexte
mondial particulièrement marqué par l’incertitude économique, l’Exécutif fait face à la nécessité de
positionner stratégiquement le Maroc. Nous sommes dans la logique d’anticipation et d’innovation et
non plus dans la réaction. Cela vaut dans tous les domaines, y compris l’emploi. En effet, étant
convaincu que derrière chaque crise existe une opportunité, l’équipe Akhannouch s’est mobilisée selon
une dynamique intégrée visant à stimuler l’investissement national et étranger. La stimulation de
l’investissement est, en effet, un point d’entrée majeur pour accélérer le décollage économique, créer
des opportunités d’emploi, répondre aux enjeux économiques et sociaux et satisfaire les demandes des
citoyens.

Prévisions largement dépassées


La preuve, rien que le «Made in Morocco», ce programme a déjà vu l’émergence de plus de 1.500
projets qui devraient totaliser plus de 310.000 emplois directs et indirects. A date d’octobre 2022, soit à
peine une année après la nomination du gouvernement, on en était déjà à près de 110.000 emplois
créés dans le cadre de ce programme. En d’autres termes, plus que la moyenne annuelle prévue le long
du mandat. En parallèle, la Commission nationale d’investissement a tenu 7 réunions au cours
desquelles 84 conventions ont été paraphées, ce qui contribuera à créer plus de 10.250 emplois directs
et 33.418 emplois indirects. Il va sans dire que le gouvernement a donné une forte impulsion aux
travaux de cette commission dont il assure le suivi régulier, et ce, en raison du rôle important que la
commission joue dans la facilitation des investissements et l’encouragement de l’initiative publique et
privée. La démarche sera encore davantage fluidifiée avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Charte de
l’investissement avec son lot de facilitation des procédures administratives et la réforme apportée au
niveau des CRI. Ces derniers ont désormais pour mission d’accompagner des projets, depuis la simple
idée jusqu’à la mise en œuvre, et ce, en collaboration avec les commissions d’investissement. Par
ailleurs, l’initiative «Forsa» a bouclé sa première année avec une dizaine de milliers de projets de
création d’entreprises accompagnés jusqu’au bout. Ce qui représente un potentiel, au bas mot, de
30.000 emplois. La deuxième phase vient tout juste de démarrer, capitalisant sur le succès de la
première qui a connu l’émergence de pas moins de 18.000 projets d’entreprises à accompagner. Dans
la foulée, le gouvernement a signé avec l’OCP un Programme d’investissements verts avec comme
objectif, entre autres, d’accompagner 600 entreprises industrielles marocaines et de créer 25.000
emplois directs et indirects.

Coup d’accélérateur
A ce stade, les projets du gouvernement sont déjà largement dépassés, au moins pour sa première
année du mandat. Et si l’on ajoute à cela l’entrée en jeu du Fonds Mohammed VI pour l’investissement,
qui vise la création de pas moins de 500.000 emplois d’ici 2026, on peut facilement s’attendre à ce que
le million d’emplois promis par le chef du gouvernement soit atteint bien avant la fin de son mandat.
Jusque-là, nous ne parlons que des postes d’emploi créés dans le secteur privé. Dans le domaine de la
santé par exemple, où la réforme est engagée, le gouvernement prévoit de rattraper le manque en
ressources humaines à l’horizon 2030, sachant que le besoin est estimé aujourd’hui à 32.000 médecins
et 65.000 infirmiers. Dans le secteur de l’enseignement, également en pleine réforme, le gouvernement
a prévu le recrutement de 20.000 enseignants, rien que pour cette année 2023. Dans le même
département, les statistiques parlent d’un total de près de 700.000 enfants à intégrer dans le
préscolaire structuré. On devine l’effectif des cadres à former et affecter à ce chantier. Et comme il
s’agit notamment d’un partenariat entre le gouvernement, l’INDH et les ONG de la société civile, cela
nous renvoie vers la question du salariat associatif. En ce sens, la mise en application de la loi 06-18,
promulguée en 2021, et dont le décret d’application a été présenté en Conseil du gouvernement, le 16
février, est de nature à stimuler l’emploi associatif. Que le gouvernement ait examiné ce texte, sans
pour autant l’adopter, sous-entend qu’il souhaiterait tirer profit de ce gisement d’emplois salariés que
constituent les associations. Pour en avoir une idée, rappelons que le Maroc compte actuellement près
de 240.000 associations autorisées. Autant d’emplois salariés, sinon plus. Ne parlons même pas du
potentiel du programme de l’auto-emploi ou encore de l’intégration de l’informel dans l’économie
organisée. Il est également à noter que l’ambition du gouvernement de gagner dix points en termes
d’activité de la femme, faisant passer le taux de 20% actuellement à 30% vers la fin du mandat, suppose
la création de plusieurs dizaines de milliers d’emplois qui seront occupés par les femmes.

Mieux former et mieux coacher


Il va sans dire qu’une formation adaptée peut mieux aider à juguler le chômage. C’est sans doute pour
cette raison que le gouvernement entame de réformer les systèmes de formation, avec à leur cœur
l’OFPPT. Il en va de même pour l’intermédiation qui entame une ère nouvelle avec la transformation
programmée de l’Anapec. Le secteur privé y va également de sa contribution. Au-delà des postes
d’emploi créés dans l’industrie, les services ou l’agriculture, les initiatives d’encouragement et
d’accompagnement de la création d’entreprises sont nombreuses. Des programmes qui aident les
jeunes ou les moins jeunes à transformer leurs idées en projets, puis en entreprises. Et ce ne sont pas
les exemples qui manquent.
C’est pour dire que le chef du gouvernement sait de quoi il parle, en soulignant, le 8 mars dernier,
qu’«avec la croissance continue des activités non agricoles et l’amélioration remarquable constatée au
cours de l’année agricole en cours, nous nous attendons à ce que les politiques publiques adoptées par
le gouvernement dans le domaine de l’emploi, d’une part, et la reprise continue du secteur privé, d’autre
part, permettront de promouvoir les opportunités d’emploi au cours de l’année 2023». Et ce ne sont pas
des paroles en l’air, sachant qu’au terme d’une année qui a vu partir en fumée des dizaines de milliers
d’emplois à cause de la mauvaise campagne agricole, le solde des emplois créés est de l’ordre de
188.000 postes, soit légèrement moins que la moyenne des 190.000 emplois annuels générés durant la
période 2015-2019 connue par avoir enregistré des productions agricoles record. Évidemment que
nous ne sommes plus dans la logique de cette période. Aujourd’hui, l’investissement joue un rôle
fondamental non seulement dans la reprise économique mais surtout dans la création d’emplois. Cela
est encore plus vrai notamment dans la séquence post-pandémique et sous l’emprise des
conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Une période durant laquelle la géopolitique et
donc la géo-économie régionale et mondiale connaissent des changements radicaux. Des mutations
que le Maroc compte bien mettre à profit à tous les niveaux.

Ces formules qui marchent

Le gouvernement a alloué, dans le cadre de la Loi de finance de 2023, un budget de 3,20 MMDH au
Fonds de la promotion de l’emploi des jeunes pour le même exercice. Ce fonds finance principalement
trois initiatives gérées par l’Anapec. Il s’agit d’approches qui ont déjà fait leurs preuves, notamment au
cours de la dernière année, qu’il est question aujourd’hui de revoir de fond en comble. Idmaj, la première
initiative, a permis d’insérer plus de 64.000 bénéficiaires dans le marché du travail en 2022, soit 12% de
plus que l’année d’avant. Tahfiz a permis à 3.472 entreprises de bénéficier de ce programme avec une
insertion de près de 9.000 personnes, soit une hausse de 13%. Cette initiative, arrivée à échéance fin
2022, a été reconduite jusqu’en 2026. Taehil a permis à 6.462 chercheurs d’emploi de suivre un cycle de
formation pour faciliter leur insertion dans le marché du travail. Le programme auto-emploi, géré
également par l’Anapec, a donné, lui aussi, de bons résultats. Des performances sur lesquelles le
gouvernement compte bien capitaliser en lançant, début février, le plan opérationnel «Génération
Entrepreneurs». Lequel plan ambitionne l’accompagnement de 100.000 porteurs de projets et auto-
entrepreneurs, ainsi que les très petites entreprises (TPE) entre 2023 et 2026. Le département de tutelle
a également décidé, dans le cadre de la restructuration de l’Agence, de mener une refonte des
programmes Idmaj, Taehil et Tahfiz. L’enjeu étant de proposer une nouvelle offre complète pour combler
les lacunes qui existaient dans ce domaine lors des précédentes politiques.
© La Vie éco 2023. Tous droits réservés.

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