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DOSSIER : LES RUPTURES

La douleur peut, par exemple, précéder l’émer-


gence du syndrome de glissement, par sa mani-
festation arthrosique ou rhumatismale, qui va pro-
gressivement conforter le patient dans des
conduites d’évitement et/ou des attitudes pas-

Le syndrome sives.
Mais c’est également une faiblesse musculaire,
pouvant résulter d’une malnutrition ou d’une dé-

de glissement nutrition.
Encore, l’effet iatrogène (secondaire, indésirable)
d’une thérapeutique hypnotique ou neuroleptique
susceptible de précipiter l’apparition patholo-
gique.
Un phénomène d’hypotension orthostatique.
Un état dépressif ;
L’auteur

Cécile Aguesse ou bien des pathologies chroniques comme peu-


Géronto-psychologue vent l’être la sclérose en plaques, qui progresse
à l’hôpital Jean Leclaire, par poussées, ou l’affection neurologique comme
© D.R.

l’accident vasculaire cérébral… Ensemble patholo-


24200 Sarlat-la-Caneda
gique à même d’inaugurer le processus de glisse-
ment.
Une cause initiale
Des manifestations physiques aux effets
Le syndrome de glissement se manifeste de façon
psychiques, le syndrome de glissement progressive, insidieuse et fait suite à un événe-
évolue vers une issue fatale. ment déclencheur. La cause initiale peut être rat-
Comment l’équipe d’accompagnement tachée aux phénomènes « perte/séparation » par
peut-elle enrayer le déroulement exemple, comme peut l’être la perte sociale (mise
inéluctable ? à la retraite), la séparation du cadre habituel de
vie (placement non désiré en institution)… Toute-
fois dans l’ensemble, le syndrome de glissement
traduit la manifestation d’un stress préalable
ayant fortement affecté l’individu. >
LES MANIFESTATIONS CLINIQUES
Une détérioration généralisée Le syndrome de glissement se définit comme
Spécifique du grand âge, le syndrome de glisse- « l’ensemble des symptômes physiques, psy-
ment est marqué par une détérioration rapide de chiques et métaboliques résultant de la décom-
l’état général, elle-même déclenchée par de mul- pensation de l’équilibre précaire du vieillard, du
tiples traumatismes. Il évolue généralement vers seul fait de l’interruption ou de la diminution
une issue fatale dans un tableau clinique de dé- des activités quotidiennes habituelles » (selon
l’auteur GRUMBACH - 1973). Concrètement, le
faillance multiviscérale et de dépression sévère.
patient âgé devient incapable, de façon tempo-
Les causes d’entrée dans le syndrome de glisse- raire ou définitive, de quitter son lit ou son fau-
ment sont plurielles. Elles peuvent, en effet, être teuil seul, et, de réaliser tout ou une partie des ac-
d’ordre : organiques, psychologiques, sociales, tivités de la vie quotidienne, indispensables à sa
médicales, chirurgicales, consécutives aux pertes, survie.
séparation, ou encore, pathologiques.

Doc’ANIMATION en gérontologie 79 Numéro 7 - Avril / Juin 2005


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> Le schéma suivant permet d’élaborer une chro- Par confusion mentale, synonyme d’état confu-
nologie traumatique : sionnel, on entend généralement un état aigu,
TROUBLE 2/GLISSEMENT 3/ALITEMENT DU transitoire et réversible, qui survient brutalement
PATIENT et qui a pour conséquence le résultat d’une insuf-
fisance cérébrale, fréquemment due à des affec-
DES MANIFESTATIONS MULTIPLES tions organiques ou psychologiques.
Au plan comportemental, le patient a l’air absent,
Problèmes trombo-emboliques est retranché de la réalité, a le regard lointain, sa
Ils apparaissent dès le huitième jour d’immobili- gestuelle est lente et maladroite, verbalement il
sation. Ils se caractérisent par l’obstruction d’un bredouille ou exhibe un quasi-mutisme.
vaisseau par un caillot ou un fragment d’organe, Au plan psychique, on observe un engourdisse-
voire des corps microbiens. Il peut aussi s’agir de ment physique, une sorte de torpeur intellectuelle
l’oblitération vasculaire par un caillot formé sur qui génère jusqu’à la suspension de toute activité
place : par exemple, l’oblitération d’une artère motrice ; ses capacités perceptives sont défici-
pulmonaire réalise l’embolie pulmonaire. taires avec notamment une diminution de la capa-
Les escarres cité à reconnaître ses proches ; on remarque une
désorientation temporelle et spatiale associée à
Les escarres se définissent comme une lésion cu-
une incapacité à mémoriser les informations ré-
tanée liée à une compression des tissus mous
centes (amnésie antérograde) en l’absence
entre un plan dur et les saillies osseuses. Les es-
d’amnésie rétrograde (informations anciennes) in-
carres surviennent généralement au niveau des
tégrant une certaine lenteur et des hésitations
proéminences osseuses et leurs principales locali-
pour se souvenir des faits anciens ; on consigne
sations sont le sacrum et les talons. L’escarre fait
également un niveau de trouble de la conscience
suite à une brûlure, à un traumatisme ou apparaît variable au décours de la journée avec des mo-
spontanément aux points d’appui lorsque des ments de confusion ; enfin, on observe la présence
causes locales s’ajoutent à une altération de l’état d’un onirisme, c’est-à-dire, l’apparition d’halluci-
général. nations visuelles, auditives ou cénesthésiques.
Les escarres traduisent l’alitement prolongé d’un
patient lorsqu’il reste allongé longtemps sans pou- Vers une situation de blocages
voir bouger spontanément. Se manifeste une rou- Au-delà du huitième jour, on assiste à :
geur qui devient peu à peu plus marquée, puis qui – une désadaptation cardio-vasculaire, signifiant
fonce pour faire place à une escarre en l’absence l’incapacité du patient à être en mesure de pou-
de tout traitement. Celle-ci est très sensible à l’in- voir s’adapter à un effort quel qu’il soit.
fection et met beaucoup de temps à cicatriser. – Une perte d’environ 10 % du potentiel musculaire
et l’apparition d’un tissu fibro-graisseux qui en-
Troubles hydro-électrolytiques
traînera progressivement un blocage des articu-
et confusion mentale
lations ainsi qu’une rétractation des tendons,
On observe également la présence de troubles hy-
– l’émergence de problèmes sphinctériens asso-
dro-éléctrolytiques, c’est-à-dire des problèmes
ciant rétention/incontinence/constipation,
ayant rapport avec les taux de sodium, calcium,
– l’apparition de troubles psychiques, de phéno-
par exemple. Ces dysfonctionnements aggravent
mènes de régression, puis de douleurs phy-
les escarres par l’introduction d’états confusion-
siques et morales.
nels ; ils peuvent également provoquer des paraly-
sies par une compression des nerfs périphériques, Apparition d’un puérilisme
ou des infections respiratoires, voire une confu- Ordinairement, on assimile « la forme partielle »
sion mentale à même d’évoluer vers un syndrome du syndrome de glissement à l’apparition psycho-
démentiel vrai. comportementale d’un puérilisme, selon lequel

Doc’ANIMATION en gérontologie 80 Numéro 7 - Avril / Juin 2005


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le patient adopte une conduite infantile ou use du Une méthodologie rigoureuse


rôle de tyran domestique alliant des revendica- La première étape consiste à évaluer la situation
tions affectives, de type : « si vous me laissez, je dans laquelle la conduite régresssive se produit :
vais mourir, mais c’est pas grave, allez-y partez où, quand et avec qui ? L’état régressif, peut, en
sans moi ! » ; ou encore adopte une pseudo-mé- effet, être différent selon le soignant avec qui le
lancolie associant des verbalisations de type : patient est en interrelation. Sinon, il est urgent de
« plus personne ne m’aime ou plus personne ne vérifier l’existence d’une stabilité comportemen-
s’intéresse à moi », en l’absence de douleur mo- tale quel que soit l’intervenant.
rale ; à un alitement puis enfin à un mutisme. Il est ensuite essentiel de comprendre le ressenti
du patient, c’est-à-dire, comment il interprète et
Les effets de la « forme complète »
ressent la situation actuelle. Puis, il faut tenter
Quant à « la forme la plus complète » du syndrome
d’orienter l’entretien vers le passé vécu, dans le
de glissement, elle adopte les effets délétères sui-
cadre de la recherche d’un événement ou d’un
vants : traumatisme susceptible de renforcer, d’alimenter
– la force, c’est-à-dire que le sujet va peu à peu la pathologie.
s’immobiliser, convaincu que la force le quitte, La troisième étape consiste à rechercher ce que
inaugurant progressivement une passivité, désire le patient, ce qu’il a envie de faire ici et
– le langage, qui peu à peu s’appauvrit, devient maintenant. La mise en place d’un planning d’acti-
de moins en moins précis, générant un ba- vités est alors élaborée conjointement avec la per-
fouillement, associé à une incompréhension sonne et son environnement. Enfin, il faut essayer
des interlocuteurs, de dater temporellement le moment où elle a dé-
– la gestuelle, qui devient maladroite, cidé de cesser toute activité.
– les plaintes, généralement verbalisées autour La dernière étape cherche à évaluer les consé-
du concept « fatigue » ; le patient dira être quences du comportement glissant, tel qu’il est
constamment fatigué, vécu, observé par l’environnement et s’il y a lieu,
tenter de déculpabiliser cet environnement.
– le refus « actif », de nourriture, de boisson…,
– le retrait affectif, lui-même associé à une indiffé- Le travail d’équipe en relation d’aide
rence générale, de la part du patient, Une fois ces différentes étapes effectuées, les ac-
– la perte du contrôle sphinctérien, avec inconti- tions stratégiques s’engagent par la proposition
nence. de solutions thérapeutiques, telles que :
Le développement des conséquences relatives au 1 – est-il possible de traiter le syndrome avec
syndrome de glissement, nous permet maintenant une aide thérapeutique ?,
l’enrichissement du schéma chronologique précé- 2 – est-il possible de traiter le syndrome avec
dent avec les deux items suivants : escarres, dé- une aide psychothérapique ?
cès. Les techniques psychothérapiques, préférentielle-
TROUBLE 2/GLISSEMENT 3/ALITEMENT ment utilisées, concernent celles qui sont orientées
4/ESCARRES 5/DECES. sur les cognitions, émotions. Elles permettront de
définir, dans une interaction patient/soignant, di-
vers programmes d’activités. Le ressenti du pa-
LA RECHERCHE tient, le repérage de pensées automatiques inadap-
D’UN ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR tées ou de croyances sont également recherchés.
Au plan psychologique, lorsqu’on est confronté au Nous incitons la personne à envisager d’autres pos-
syndrome de glissement, par exemple, dans le sibilités de concevoir l’événement (qui l’a malheu-
cadre de l’institution, l’observation d’une métho- reusement conduit vers le syndrome de glisse-
dologie rigoureuse s’impose. ment). >

Doc’ANIMATION en gérontologie 81 Numéro 7 - Avril / Juin 2005


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> Pour clore, disons que « vieillir, c’est tellement


perdre soi, les autres, son insertion sociale et
professionnelle, qu’on oublie parfois que vieillir
c’est aussi inventer des solutions pour survivre,
aménager des conditions de confort relatif, voire
mobiliser des moyens de défense pour se protéger
des épreuves à subir ». La perte
Exemple : Prise en charge d’un syndrome
de glissement par l’équipe
d’identité
Le diagnostic de glissement posé par le médecin
gériatre, nous rencontrons la famille proche du pa-
tient, c’est-à-dire le conjoint, ses enfants, afin de
et d’estime
mieux connaître l’histoire de vie de notre résident.
Puis nous recherchons ensemble le/les événe-
ments susceptibles d’avoir motivé le glissement.
Dans un second temps, nous rencontrons à nou-
de soi
veau la personne, pour tenter de comprendre com-
ment, le/les événements générateurs du syndrome,
L’auteur

ont été ou sont vécus. Isabelle Bienfait


Puis, nous essayons ensemble d’envisager d’autres Cadre de santé, formatrice
manières de considérer l’événement générateur
© D.R. à l’IFSI d’Arras (62),
avec pour objectif d’éviter l’enfermement du pa-
Laboratoire d’étude
tient dans sa pathologie.
sur les pratiques médico-sociales
Ses compétences cognitives sont évaluées, avec
pour enjeu de l’intégrer, en le stimulant, vers des (IGO-Nantes).
ateliers d’animation. Parallèlement, nous mettons
en place un soutien psychologique, voire une psy-
chothérapie.
Ensuite, l’animatrice de l’hôpital vient solliciter la
personne et lui suggère des animations adaptées.
Le psychologue s’associe à l’élaboration du plan-
ning d’activités. Prendre la personne âgée en considération,
Enfin, le parcours individuel du sujet est suivi pen-
c’est prendre en compte les multiples
dant les animations afin d’évaluer sa compétence à
pouvoir se réapproprier le « social ». représentations de la société à son égard,
Avec l’aide de la diététicienne, nous veillons à sa mais aussi son inscription dans le tissu
prise de repas et à son poids. économique, et enfin la réflexion
Pour éviter qu’il se retrouve confronté à la solitude « philosophique » quant à connaître sa
de sa chambre, il lui est proposé de ne pas fermer
complètement sa porte. Ainsi, nous laissons (sauf place, voire son utilité.
demande contraire) la porte de sa chambre à demi
ouverte pour éviter cette recherche totale de rup-
ture d’avec le monde social. L’un des maîtres mots,
dans ce type de pathologie extrêmement grave, est
la relation d’aide. ■

Doc’ANIMATION en gérontologie 82 Numéro 7 - Avril / Juin 2005

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