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Annales de pathologie (2011) 31, 18—27

ARTICLE ORIGINAL

Les carcinomes métaplasiques du sein : une étude


morphologique et immunohistochimique
Metaplastic carcinomas of the breast: A morphological and
immunohistochemical study

Guillaume Gauchotte a,∗,c, Émilie Gauchotte b,


Aude Bressenot c, Jean-Luc Verhaeghe b,
François Guillemin b, Agnès Leroux a,
Pascal Genin a

a
Laboratoire de pathologie, centre Alexis-Vautrin, 6, avenue de Bourgogne,
54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
b
Service de chirurgie, centre Alexis-Vautrin, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
c
Laboratoire de pathologie, hôpital Central, CHU de Nancy, 54000 Nancy, France

Accepté pour publication le 11 octobre 2010


Disponible sur Internet le 26 janvier 2011

MOTS-CLÉS Résumé
Carcinome Introduction. — Les carcinomes métaplasiques du sein sont rares et forment un groupe hétéro-
métaplasique du gène de tumeurs, définies par la présence d’une différenciation épidermoïde ou sarcomatoïde.
sein ; Patientes et méthodes. — À partir d’une série de 23 cas, nous en étudions les principaux élé-
Carcinosarcome ; ments histopronostiques, le statut hormonal (RO, RP) et HER2, l’expression de CK5/6, CK14,
Carcinome p63, EGFR, ␤-caténine, MUC1 et E-cadhérine, l’expression de ces sept derniers antigènes étant
épidermoïde ; également étudiée au niveau des métastases ganglionnaires.
Sein ; Résultats. — Les métaplasies observées sont à cellules fusiformes (35 %), épidermoïdes (26 %),
Carcinome basal ; hétérologues ostéo- ou chondrosarcomatoïdes (13 %), ou mixtes (26 %). Des emboles vasculaires
␤-caténine ; sont présents dans 30 % des lésions, des infiltrations périnerveuses dans 4 %, des métastases
MUC1 ; ganglionnaires dans 33 %. Les marquages constatés pour chaque antigène sont : RO+ : 4 % ; RP+ :
E-cadhérine 8 % ; HER2+ : 0 % ; p63+ : 74 % ; CK14+ : 83 % ; CK5/6+ : 74 % ; EGFR+ : 100 % ; E-cadhérine+ : 70 % ;
␤-caténine : expression aberrante (cytoplasmique ou membranaire faible supérieure à 5 % des
cellules) : 74 %, négative : 13 % ; MUC1 : expression aberrante (cytoplasmique ou membranaire
complète supérieure à 5 %) : 35 %, membranaire partiel pur : 22 %, négative : 43 %. Dans 43 % des
cas on constate une augmentation de la proportion d’expression aberrante de MUC1 dans les
métastases ganglionnaires par rapport à la tumeur primitive.
Conclusion. — Les carcinomes métaplasiques sont des tumeurs agressives, généralement de phé-
notype « triple-négatif » et basal. Les expressions de MUC1 et de la ␤-caténine sont souvent
absentes ou perturbées, ce qui pourrait jouer un rôle dans la dissémination métastatique.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : g.gauchotte@yahoo.fr (G. Gauchotte).

0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annpat.2010.10.007
Les carcinomes métaplasiques du sein 19

KEYWORDS Summary
Metaplastic breast Introduction. — Metaplastic carcinomas of the breast are rare and form a heterogenic group of
carcinoma; tumors, characterized by the presence of squamous or sarcomatoid differentiation.
Carcinosarcoma; Patient and methods. — In 23 cases, we study the main histoprognostic features, hormonal sta-
Squamous cell tus, and the expression of HER2, CK5/6, CK14, p63, EGFR, beta-catenin, MUC1 and E-cadherin,
carcinoma; the expression of this seven last antigens being also studied in nodal metastases.
Breast; Results. — The different metaplastic types are spindle cell carcinoma (35%), squamous cell car-
Basal-like carcinoma; cinoma (26%), osteo- or chondrosarcomatoid (11%) or mixed type (26%). Vascular emboli are seen
Beta-catenin; in 30% of the tumors and perinervous infiltration in 4%. 33% of the patients have nodal metas-
MUC1; tases. The immunohistochemical features are: RO+: 4%; RP+: 8%; HER2+: 0%; p63+: 74%; CK14+:
E-cadherin 83%; CK5/6+: 74%; EGFR+: 100%; E-cadherin+: 70%; beta-catenin: aberrant staining (cytoplasm
or weak membrane staining greater than 5%): 74%, negative: 13%; MUC1: aberrant staining
(cytoplasm or complete membrane staining greater than 5%): 35%, pure partial membrane stai-
ning: 22%, negative: 43%. In 43% of tumors, more aberrant staining for MUCI is present in nodal
metastases compared with primitive tumor.
Conclusion. — Metaplastic carcinomas are aggressive tumors, generally with a ‘‘triple-
negative’’ and basal phenotype. The expressions of MUC1 and beta-catenin are often absent or
aberrant, which could favor metastatic dissemination.
© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction sexe féminin (chez une patiente, une tumeur est réséquée
dans chaque sein dans le même temps opératoire). Seules
Les carcinomes métaplasiques du sein forment un groupe les 23 tumeurs comportant un contingent métaplasique d’au
hétérogène de tumeurs, caractérisées par l’association moins 50 % sont incluses dans cette étude, six cas compor-
d’une composante adénocarcinomateuse plus ou moins dif- tant des aspects métaplasiques focaux n’ayant ainsi pas été
férenciée à un contingent épidermoïde ou sarcomatoïde. retenus. Dans neuf cas, le prélèvement tumoral est fixé dans
Sont également inclus dans ce groupe : les carcinomes épi- le liquide de Bouin, 12 cas dans l’acide formol-acétique et
dermoïdes purs, à l’exclusion des tumeurs se développant à deux cas dans le formol.
partir du revêtement cutané ; les carcinomes avec matrice L’analyse morphologique est réalisée sur coupe de 5 ␮m
ostéoïde ou chondroïde, en l’absence de cellules fusiformes après coloration par hématoxyline, éosine et safran (HES).
ou géantes ; les tumeurs ne contenant que des éléments Pour chaque cas sont répertoriés : la taille tumorale, le type
sarcomatoïdes, mais dont les caractéristiques pathologiques histologique de la tumeur et, le cas échéant, des méta-
ou immunohistochimiques sont en faveur d’une origine épi- stases ganglionnaires (métaplasie épidermoïde, à cellules
théliale (intrication avec un carcinome intracanalaire [CIC], fusiformes, mésenchymateuse hétérologue ostéo- et/ou
expression de cytokératines) [1]. Ces dernières peuvent chondrosarcomatoïde, mixte, présence d’une composante
être composées de cellules fusiformes peu différenciées, adénocarcinomateuse classique), le score histopronostique
ou d’éléments hétérologues osseux, cartilagineux ou mus- selon Scarff, Bloom et Richardson (SBR), la présence de
culaires. nécrose, d’emboles vasculaires ou d’infiltrations périner-
Le carcinome métaplasique appartient au groupe des veuses, de CIC, et le statut ganglionnaire, la survenue de
cancers du sein « triple-négatifs », c’est-à-dire sans expres- métastases ou de récidive locorégionale.
sion des récepteurs hormonaux ni amplification de HER2. L’étude immunohistochimique, réalisée sur automate
Des études récentes tendent à faire considérer le carcinome Ventana Benchmark XT, repose sur les anticorps dirigés
métaplasique comme une tumeur de phénotype basal, en contre les récepteurs des estrogènes RO (6F11, Ventana
raison de ses caractéristiques immunohistochimiques [1,2] Medical Systems, Illkirch, France, prédilué), les récepteurs
et génomiques [3]. de la progestérone RP (16, Ventana, prédilué), HER2 (4B5,
Nous étudions les principales caractéristiques morpho- Ventana, prédilué), les cytokératines CK5/6 (D5 16B4, Dako,
logiques de 23 cas de cette entité rare. Nous en évaluons Glostrup, Danemark, 1/100) et CK14 (LL002, Diagnostic
également les caractéristiques immunohistochimiques, en Biosystems, Pleasanton, États-Unis, 1/50), l’antigène p63
particulier le statut hormonal et de HER2, l’expression des (4A4, Dako, 1/100), EGFR (31G7, Zymed, San Francisco,
marqueurs de type basal et de molécules impliqués dans États-Unis, 1/25), la ␤-caténine (14/␤-catenin, Novocastra,
l’adhésion cellulaire (␤-caténine, MUC1 et E-cadhérine), Newcastle, Royaume-Unis, 1/400), MUC1 (Ma695, Novocas-
l’étude concomitante de ces dernières dans les carcinomes tra, 1/100) et la E-cadhérine (4A2C7, Zymed, 1/50). Pour
métaplasiques n’ayant pas à notre connaissance été rappor- chacun des anticorps, l’ensemble des cas est testé dans un
tée dans la littérature. seul automate pendant une même séance. Le seuil de posi-
tivité pour chaque anticorps est de 5 %, le marquage étant
défini comme partiel de 5 à 90 % et diffus au-delà de 90 %.
Patientes et méthodes Pour la ␤-caténine, le marquage est considéré comme nor-
mal s’il est présent et membranaire complet et intense, et
Vingt-neuf cas de carcinomes métaplasiques du sein ont été aberrant en cas de marquage nucléaire, cytoplasmique ou
retrouvés dans les archives du laboratoire de pathologie du membranaire faible de plus de 5 % des cellules tumorales
Centre Alexis-Vautrin, de 1993 à 2009, chez 28 patientes de [4]. La recherche immunohistochimique de CK5/6, CK14,
20 G. Gauchotte et al.

p63, EGFR, ␤-caténine, MUC1 et E-cadhérine est également diffus 11/17, partiel 6/17), EGFR 100 % (23/23 ; diffus
réalisée sur les métastases ganglionnaires. 14/23, partiel 9/23). Dans les cas no 6 et 15, CK14 et/ou
L’étude statistique, à la recherche d’une éventuelle liai- CK5/6 n’est/ne sont exprimées que par la composante
son entre le type de métaplasie observée dans la tumeur d’aspect adénocarcinomateux, alors que dans les autres cas
et les différentes caractéristiques morphologiques, pronos- les différents contingents expriment les mêmes antigènes,
tiques et immunohistochimiques, ou d’une liaison entre la l’expression des cytokératines 5/6 et 14 étant cependant
␤-caténine, MUC1 et la E-cadhérine, repose sur l’utilisation généralement plus faible et partielle dans les composantes
du test de Fisher et a été effectuée à l’aide du logiciel sarcomatoïdes (à cellules fusiformes ou hétérologues).
R (www.r-project.org) avec un risque alpha égal à 5 %. En L’expression des marqueurs de phénotype basal au niveau
raison des faibles effectifs, il n’est pas réalisé d’étude sta- des métastases ganglionnaires est globalement comparable
tistique sur les métastases ganglionnaires. à celle de la tumeur primitive, à l’exception des cas nos 9 et
15 (Tableau 2).
L’expression de la ␤-caténine est aberrante (cytoplas-
Résultats mique ou membranaire faible supérieure à 5 % des cellules)
dans 74 % des cas (17/23), négative dans 13 % (3/23, dont
L’âge moyen au diagnostic est de 63 ans (de 31 à 82 ans). métaplasie hétérologue 2/3), seuls trois cas présentant un
Les tumeurs mesurent de 0,7 à 15,5 cm de grand axe, avec signal pouvant être considéré comme normal. Les anoma-
une taille moyenne de 3,4 cm. L’analyse morphologique lies de signal consistent le plus souvent en une expression
(Tableau 1) met en évidence des aspects métaplasiques membranaire affaiblie et incomplète, un marquage cyto-
variés : métaplasie à cellules fusiformes 8/23 (Fig. 1), plasmique d’au moins 5 % des cellules n’étant retrouvé que
épidermoïde 6/23 (Fig. 2), de type mésenchymateux hété- dans 22 % des cas (5/23). Une expression nucléaire n’est
rologue 3/23 (chondrosarcomatoïde 1/3, ostéosarcomatoïde retrouvée que dans un cas de façon focale (cas no 11).
et chondrosarcomatoïde 2/23) (Fig. 3), aspects mixtes avec Concernant les métastases ganglionnaires, dans un seul cas
une intrication de métaplasies à cellules fusiformes et épi- un signal aberrant est observé, alors qu’il est considéré
dermoïde 5/23 ou à cellules fusiformes, épidermoïde et comme normal au niveau de la tumeur primitive (cas no 22).
ostéosarcomatoïde 1/23. Une composante minoritaire de L’expression de MUC1 est négative dans 43 % des cas
type adénocarcinome classique est retrouvée dans 13 cas sur (10/23), le plus souvent en cas de métaplasie hétérologue
23. ou à cellules fusiformes. Parmi les cas positifs, on observe
Les 23 tumeurs sont de grade SBR III. En particulier, les un marquage cytoplasmique ou membranaire complet d’au
atypies cytonucléaires sont les plus souvent sévères (score moins 5 % des cellules dans 35 % des cas (8/23), et membra-
3 : 21/23, score 2 : 2/23), et l’activité mitotique élevée naire partiel pur dans les autres cas. Le marquage prédomine
(score 1 : 1/23, score 2 : 4/23, score 3 : 18/23). On observe généralement dans la composante épithéliale. Dans 43 %
de la nécrose tumorale dans 43 % des lésions (10/23), des des cas (3/7), on constate davantage de signal aberrant
emboles vasculaires dans 30 % (7/23), des infiltrations péri- au niveau des métastases ganglionnaires que de la tumeur
nerveuses dans 4 % (1/23). Des aspects de CIC sont associés (cas nos 11, 19 et 22 : augmentation du signal cytoplasmique)
à 56 % des tumeurs (14/23 : bas grade nucléaire 2/13, grade (Fig. 2 e et f). Enfin, la E-cadhérine est exprimée dans
intermédiaire 4/13, haut grade 8/13). 70 % des cas (16/23), le plus souvent uniquement par la
Des métastases ganglionnaires sont présentes dans 33 % composante épithéliale.
des cas (7/21), le plus souvent avec effraction capsulaire Il est constaté une association significative entre la perte
(6/7). Les aspects morphologiques et les caractéristiques de la E-cadhérine et l’absence d’expression de MUC1 et de la
immunohistochimiques des métastases ganglionnaires sont ␤-caténine (p < 0,001 et p = 0,02, respectivement), mais sans
résumés dans le Tableau 2. Dans le cas no 9, la tumeur lien significatif avec l’expression aberrante de MUC1 ou de
est d’aspect chondrosarcomatoïde pur, sans composante la ␤-caténine. L’analyse statistique ne met pas en évidence
épithéliale identifiable, alors que les métastases gan- de lien entre les anomalies d’expression de MUC1 et de la
glionnaires sont constituées uniquement de structures ␤-caténine.
adénocarcinomateuses. Dans le cas no 15, seul le contin- Les principales caractéristiques morphologiques et
gent adénocarcinomateux est observé dans les ganglions immunohistochimiques en fonction du type histologique sont
lymphatiques, sans métaplasie. Pour tous les autres cas, résumées dans le Tableau 3. L’étude statistique n’a pas mis
les différentes composantes sont retrouvées dans les méta- en évidence de différence entre les différentes variétés de
stases ganglionnaires, généralement intriquées au sein des métaplasie, à l’exception d’une moindre expression de la
mêmes ganglions. Dans un cas un lymphome B diffus à CK14 dans le groupe « métaplasie hétérologue » par rapport
grandes cellules est simultanément observé dans le curage aux trois autres variétés (p = 0,047).
axillaire (cas no 11) (Fig. 2). Dans les formes pures de méta-
plasie à cellules fusiformes, aucune métastase ganglionnaire
n’est retrouvée, alors que des métastases viscérales sont Discussion
détectées chez quatre des huit patientes avec métaplasie à
cellules fusiformes. Les carcinomes métaplasiques présentent des aspects mor-
L’étude immunohistochimique montre l’absence phologiques variés, pour lesquels de multiples classifications
d’expression dans la plupart des lésions des récep- on été proposées. Wargotz et al. ont défini en 1989 cinq
teurs hormonaux : RO+ 4 % (1/23), RP+ 8 % (2/23). Pour les types de carcinomes métaplasiques : le carcinome à cellules
rares cas positifs, l’intensité de marquage reste faible. fusiformes, le carcinosarcome, le carcinome avec produc-
Aucune surexpression de HER2 n’est mise en évidence. Dans tion de matrice (osseuse ou cartilagineuse), le carcinome
la totalité des cas un ou plusieurs marqueurs de phénotype métaplasique avec cellules géantes de type ostéoclastique
basal est (sont) exprimé(s), de façon diffuse ou partielle : et le carcinome épidermoïde d’origine canalaire [5—9].
p63 74 % (17/23 ; diffus 11/17, partiel 6/17), CK14 83 % Dans la classification OMS 2003, les auteurs distinguent :
(19/23 ; diffus 8/19, partiel 11/19), CK5/6 74 % (17/23 ; la métaplasie épidermoïde avec trois sous-types à grandes
Les carcinomes métaplasiques du sein
Tableau 1 Aspects morphologiques et principaux éléments pronostiques.
Morphological and main prognostic features.

Cas Âge Taille Nécrose Type histologique SBR Embol IpN CIC N M Suivi
(cm)
Métaplasie ADC
1 67 1,7 Non CF Non III (3+3+2) Non Non Non 0/13 Ras à 2 ans
2 71 4 Non CF Non III (3+3+3) Oui Non Non 0/9 Me (pul) Décès à 22 mois
3 33 4 Oui CF Oui III (3+3+3) Oui Oui Non 0/2 Me (hep, cer, os) Décès à 5 ans
4 59 2,3 Non OstCho Oui III (3+3+3) Oui Non CIC HG 0/11 Ras à 3,5 ans
5 71 4 Non CF Oui III (3+3+3) Non Non CIC HG 0/19 Ras à 2 ans
6 55 2,8 Non Ep Oui II (3+2+1) Oui Non CIC GI 0/15 Ras à 6 ans
7 69 3,5 Oui CF Non III (3+3+3) Non Non CIC BG 0/8 Ras à 6 ans
8 60 2 Non Ep, CF Non III (3+3+3) Non Non CIC GI 0/21 CIC homolatéral à 13 ans
9 78 0,7 Non Cho Non III (3+2+3) Non Non Non 16/18+Ec Ras à 10 mois
10 53 3,5 Non Ep Oui III (3+3+3) Non Non CIC HG 10/26+Ec Ras à 3 ans
11 82 9 Oui Ep Oui III (3+3+3) Oui Non Non 11/32+Ec+lymphome Pas de suivi
12 66 4 Oui Ep, CF Non III (3+3+3) Oui Non CIC HG 1/9+Ec Ras à 3 ans
13 57 4 Oui Ep, CF Non III (3+3+3) Non Non CIC GI 0/14 Ras à 4 ans
14 68 2 Non Ep Oui III (3+3+3) Non Non CIC HG 0/14 Pas de suivi
15 51 2,4 CF Oui III (3+3+2) Non Non CIC GI Sy (pulm) Décès à 2 ans
7 Oui CF, Ost, Ep Oui III (3+3+3) Non Non CIC BG 3/31
16 54 3,5 Oui OstCho Oui III (3+3+3) Non Non Non 0/18 Pas de suivi
17 69 3,6 Oui CF Non III (3+3+3) Non Non CIC HG Ras à 5 ans
18 49 1 Non CF Oui III (3+3+3) Non Non CIC HG 0/20 Me (hep) CCI SBR III homolatéral à 7 ans, décès à 8 ans
19 80 15,5 Non CF, Ep Oui III (3+3+2) Oui Non Non 5/30 Pas de suivi
20 70 3 Non CF, Ep Non III (3+3+2) Non Non Non 0/21 Ras à 4 ans
21 31 0,7 Oui Ep Non III (3+3+3) Non Non CIC HG 0/15 Cas récent
22 82 7 Oui Ep Oui III (3+3+3) Non Non Non 6/30 Cas récent
CF : cellules fusiformes ; Ep : épidermoïde ; ADC : présence d’aspects d’adénocarcinome au sein de la tumeur ; Ost : hétérologue de type ostéochondrosarcomatoïde ; Cho : chondrosarcomatoïde ;
OstCho : ostéochondrosarcomatoïde ; SBR : Scarff, Bloom et Richardson ; Embol : emboles vasculaires ; IpN : infiltrations périnerveuses ; CIC : carcinome intracanalaire ; BG : bas grade ; GI : grade
intermédiaire ; HG : haut grade ; N : statut ganglionnaire (curage axillaire) ; Ec : effraction capsulaire ; M : métastase viscérale ; Sy : synchrone ; Me : métachrone ; pulm : pulmonaire ; hep : hépatique ;
cer : cérébral ; os : osseux ; Ras : survie sans récidive ; CCI : carcinome canalaire infiltrant.

21
22 G. Gauchotte et al.

Figure 1. Cas no 2 : (a) métaplasie à cellules fusiformes (HES, ×100). Immunohistochimie (×100) : expression diffuse de p63 (b), CK14
(c), CK5/6 (d) et EGFR (e) ; (f) expression membranaire faible par les cellules fusiformes de la ␤-caténine (flèche), en comparaison aux
structures épithéliales non tumorales (tête de flèche) (×100).
Case no. 2: (a) spindle cells metaplasia (HES, ×100). Immunohistochemistry (×100): diffuse staining for p63 (b), CK14 (c), CK5/6 (d)
and EGFR (e); (f) weak membrane staining of spindle cell for beta-catenin (arrow), compared with non neoplastic epithelial structures
(arrowhead) (×100).

cellules kératinisant/à cellules fusiformes/acantholytique, osseuse et le carcinosarcome (composantes à préciser)


l’adénocarcinome avec différenciation à cellules fusi- [10]. D’autres classifications sont utilisées : carcinome avec
formes, le carcinome adénosquameux, le carcinome avec éléments hétérologues/à production de matrice/avec méta-
métaplasie chondroïde, le carcinome avec métaplasie plasie épidermoïde/à cellules fusiformes [1], épithélial

Figure 2. Cas no 11. Tumeur primitive : (a) métaplasie épidermoïde (HES, ×100) ; (b) présence focale de structures carcinomateuses
infiltrantes glanduliformes (HES, ×200). Métastase ganglionnaire : (c) métaplasie épidermoïde (à gauche) et lymphome B diffus à grandes
cellules (à droite) (HES, ×100) ; (d) dans le même ganglion lymphatique, aspect d’adénocarcinome cribriforme (HES, ×100). Immunohisto-
chimie, (e) tumeur primitive : expression membranaire complète de MUC1 dans 15 % des cellules et expression cytoplasmique focale (×200) ;
(f) métastase ganglionnaire : expression cytoplasmique de MUC1 dans 30 % des cellules (×100).
Case no. 11. Primitive tumor: (a) squamous cells metaplasia (HES, ×100); (b) focal glanduliform carcinomatous structures (HES, ×200).
Nodal metastasis: (c) squamous cells metaplasia (left) and diffuse large B-cell lymphoma (right) (HES, ×100); (d) in the same node,
cribriform adenocarcinoma (HES, ×100). Immunohistochemistry, primitive tumor: (e) complete membrane staining for MUC1 in 15% of
neoplastic cells and focal cytoplasm staining (×200); (f) cytoplasm staining for MUC1 in 30% of cells (×100).
Les carcinomes métaplasiques du sein 23

Figure 3. Cas no 19 : (a) métaplasie de type ostéo- et chondrosarcomatoïde (HES, ×100). Immunohistochimie : (b) expression perdue de
la E-cadhérine par le contingent hétérologue (à gauche), et conservée au niveau par le contingent carcinomateux (à droite) (×100) ; (c)
expression membranaire affaiblie ou focalement cytoplasmique de la ␤-caténine (×400) ; (d) expression cytoplasmique de MUC1 (×400).
Case no. 19: (a) Osteo- and chondrosarcomatoid metaplasia (HES, ×100). Immunohistochemistry: (b) loss of E-cadherin expression within
heterologous component (left), persistant staining within carcinomatous structures (right) (×100); (c) weak membrane or rarely cytoplasm
staining for beta-catenin (×400). (d) Cytoplasm staining for MUC1 (×400).

pur/carcinome sarcomatoïde mono- ou biphasique [11,12]. sarcomateuse et carcinomateuse partageaient les mêmes
En pratique, différents aspects métaplasiques sont fréquem- altérations chromosomiques au sein d’une même tumeur,
ment intriqués, et les différences entre toutes ces entités et d’autre part, que les caractéristiques des deux tumeurs
semblent souvent peu explicites, rendant ces classifica- étaient différentes, et donc qu’il s’agissait de deux tumeurs
tions difficilement applicables. Nous avons ici utilisé une primitives distinctes [19].
classification simplifiée en fonction du type de métaplasie Comme les cancers de phénotype basal, les carci-
rencontrée (épidermoïde, à cellules fusiformes, mésenchy- nomes métaplasiques sont dans la grande majorité des cas
mateuse hétérologue). D’autres aspects morphologiques ont « triple-négatifs » (absence de récepteurs hormonaux ou de
par ailleurs été ponctuellement décrits : métaplasie rhab- surexpression de HER2) [20,21], et expriment un ou plu-
doïde [13], neurogliale [14] et mélanocytaire [15]. Par sieurs marqueurs de type myoépithélial ou basal tels que
ailleurs, le carcinome adénosquameux de bas grade est une p63, 34␤E12, CK5/6, CK14, la protéine S100, l’actine et
entité très rare qu’il est important d’individualiser, son pro- l’EGFR [1,2,5,7—9,18,22—26]. Weigelt et al. ont étudié en
nostic étant excellent, contrairement aux autres formes de biologie moléculaire 20 cas de carcinome métaplasique du
carcinome métaplasique. Il s’agit d’une lésion constituée de sein, comparés à 79 cas de carcinome de phénotype basal
structures glandulaires et de cordons épithéliaux pour cer- [3], retrouvant dans 95 % des cas un profil transcription-
tains de type épidermoïde, sans atypie, disposés au sein d’un nel de type basal. Leur étude montre également que,
tissu fibreux dense avec un infiltrat inflammatoire périphé- par rapport aux carcinomes de phénotype basal, les car-
rique. cinomes métaplasiques comportent une régulation négative
Le relevé des principaux critères histopronostiques (down-regulation) significativement plus importante de cer-
montre que les carcinomes métaplasiques sont le plus sou- tains gènes impliqués dans la réparation de l’ADN (dont
vent des tumeurs de haut grade et agressives, avec une BRCA1), de PTEN (gène dont la perte de fonction est asso-
fréquence élevée d’emboles vasculaires et de métastases ciée à une chimiorésistance) et de TOP2A (cible moléculaire
ganglionnaires. Ces données rejoignent globalement celles des anthracyclines). Ces anomalies pourraient expliquer
décrites dans la littérature [5—9,12,16,17]. Les tumeurs la faible réponse à la chimiothérapie rapportée dans cer-
avec métaplasie à cellules fusiformes ont tendance à dissé- taines études [27]. Lien et al. [28], de même que Weigelt
miner par voie hématogène plutôt que lymphatique [5,18], et al., ont également constaté dans ces tumeurs un pro-
point également constaté dans notre étude. fil de transition épithéliomésenchymateuse (epithelial to
Dans le cas no 15, une tumeur étant réséquée dans chaque mesenchymal transition [EMT]), ce profil moléculaire étant
sein, les deux tumeurs n’ont pas les mêmes caractéristiques souvent retrouvé dans les carcinomes de phénotype basal
morphologiques et immunohistochimiques, ce qui peut lais- et favorisant probablement la dissémination métastatique
ser penser qu’il s’agit de deux tumeurs primitives, plutôt [29,30]. En particulier, la perte d’expression de E-cadhérine,
qu’une tumeur primitive avec métastase controlatérale syn- fréquemment retrouvée dans notre étude, est l’une des
chrone. Kung et al. ont réalisé une étude génétique de deux caractéristiques du profil de transition épithéliomésenchy-
cas bilatéraux métachrones de carcinome métaplasique. mateuse, et pourrait relever de divers mécanismes, faisant
Ils ont mis en évidence, d’une part, que les composantes intervenir en particulier des modifications épigénétiques et
24
Tableau 2 Aspects morphologiques et caractéristiques immunohistochimiques des métastases ganglionnaires.
Morphological and immunohistochemical features of nodal metastases.
Cas Type histologique P63 CK14 CK5/6 EGFR ␤-caténine MUC1 E-cadhérine

Global Mb I (%) Mb f (%) Cyt Nuc Global Mb part Mb comp Cyt


(%) (%) (%) (%) (%) (%) (%)
9 G ADC + part + diff + part + part 100 100 10 10 + diff
T Cho — — — + part — — —
10 G Ep, ADC + part + part + part + diff 90 80 10 90 80 3 7 + part
T Ep, ADC + part + part + part + diff 90 75 10 5 90 70 10 10 + diff
11 G Ep, ADC, lymphome + part + part + part + diff 95 90 5 50 10 10 30 + diff
T Ep, ADC + diff + diff + diff + diff 100 90 8 2 15 14 1 + part
12 G Ep, CF + part + part + part + part 70 50 20 40 5 10 30 + part
T Ep, CF + part + part + part + part 50 20 30 60 20 20 20 + part
15 G ADC + part + part + part + part 100 100 60 60 + diff
T CF, Ost, Ep, ADC — + part — + diff 20 20 — —
19 G ADC, CF + part + part + part + part 90 50 40 45 35 10 + part
T CF, Ep, ADC + diff + part + diff + diff 40 40 — + part
22 G Ep, ADC + part + part + part + part 90 80 2 8 70 35 5 30 + part
T Ep, ADC Trab + diff + diff + diff + diff 92 90 2 40 30 5 5 + diff
G : métastase ganglionnaire ; T : tumeur primitive ; CF : cellules fusiformes ; Ep : épidermoïde ; ADC : aspects classiques d’adénocarcinome ; Ost : hétérologue de type ostéosarcomatoïde ; Cho :
chondrosarcomatoïde ; — : absence de marquage ; + diff : marquage diffus ; + part : marquage partiel ; + x % : marquage de x % des cellules ; Mb : membranaire ; I : intense ; f : faible ; part : partiel ;
comp : complet ; Cyt : cytoplasmique ; Nuc : nucléaire.

G. Gauchotte et al.
Les carcinomes métaplasiques du sein 25

Tableau 3 Principales caractéristiques immunohistochimiques en fonction du type histologique.


Main immunohistochemical features classified by histological subtype.
Type Emb IpN CIC N M P63 CK14 CK 5/6 EGFR ␤-cat : aberrant MUC1 E-cadh
histologique ou absent
Métaplasie à 2/8 0/8 5/8 0/7 4/8 5/8 6/8 5/8 8/8 8/8 4/8 4/8
cellules
fusiformes
Métaplasie 2/6 0/6 4/6 3/6 0/6 6/6 6/6 6/6 6/6 4/6 6/6 6/6
épidermoïde
Métaplasie 1/3 0/3 0/3 1/3 0/3 1/3 1/3 1/3 3/3 3/3 1/3 1/3
hétérologue
Métaplasie 2/6 1/6 4/6 3/6 1a 6 5/6 6/6 5/6 6/6 5/6 2/6 5/6
mixte
Total 7/23 1/23 9/23 7/22 4/22 17/23 19/23 17/23 23/23 20/23 13/23 16/23
␤-cat : bêta-caténine (marquage aberrant : marquage nucléaire, cytoplasmique ou membranaire faible de plus de 5 % des cellules
tumorales ; absent : absence totale de marquage) ; E-cadh : E-cadhérine.
a Chez une patiente ayant une tumeur controlatérale avec métaplasie à cellules fusiformes (cas no 15).

des micro-ARNs [31]. Nous avons constaté pour les cas no 9 et entre la tumeur primitive et les métastases ganglionnaires.
15 une expression paradoxale diffuse de la E-cadhérine dans MUC1, également connue sous le nom d’epithelial
les métastases ganglionnaires, alors que la tumeur primitive membrane antigen (EMA), est une mucine transmembra-
ne présente pas d’expression de la E-cadhérine. Ce phé- naire exprimée au pôle apical des cellules de nombreux
nomène a déjà été décrit dans les carcinomes mammaires épithéliums glandulaires normaux, intervenant dans les
métastatiques, et constituerait un mécanisme d’adaptation phénomènes de morphogénèse, d’adhérence et de différen-
des cellules tumorales à un nouvel environnement par une ciation cellulaire. Le domaine intracytoplasmique interagit
variabilité du profil de méthylation du promoteur de la E- en particulier avec la ␤-caténine de façon compétitive vis-à-
cadhérine : sa perte d’expression dans la tumeur primitive vis de la E-cadhérine au niveau des jonctions adhérentes, la
favoriserait l’invasion, alors que sa réexpression permet- surexpression de MUC1 déstabilisant ainsi les jonctions inter-
trait de promouvoir la survie des cellules tumorales dans cellulaires, ce qui favoriserait la dissémination métastatique
les dépôts métastatiques [32]. [37]. Dans les carcinomes mammaires infiltrant, une expres-
La moindre expression de la CK14 dans le groupe sion aberrante de MUC1, c’est-à-dire non limitée au pôle
« métaplasie hétérologue », non rapportée dans la littéra- apical des cellules carcinomateuses, ainsi que son absence
ture, doit être confirmée par une étude avec des effectifs d’expression, seraient associées à un plus mauvais pronos-
plus importants : en effet, la significativité de ce résultat tic [38]. Une expression cytoplasmique a notamment été
peut être pondérée par la faiblesse des effectifs dans ce constatée dans les carcinomes mammaires inflammatoires.
sous-groupe comparativement aux trois autres. L’expression de cette molécule n’a à notre connaissance
La ␤-caténine est une molécule liée au domaine cyto- pas été étudiée dans les carcinomes métaplasiques du sein.
plasmique de la E-cadhérine, stabilisant cette dernière Notre étude montre une fréquence relativement élevée de
et participant ainsi à l’adhésion intercellulaire. Dans sa marquage aberrant ou absent, ce qui pourrait expliquer en
forme intracytoplasmique ou nucléaire, elle intervient éga- partie le mauvais pronostic de ces tumeurs. L’augmentation
lement dans la voie de signalisation Wnt, impliquée dans de la proportion de marquage aberrant constaté dans notre
la différenciation et la prolifération cellulaire [33]. L’étude étude au niveau des métastases ganglionnaires par rapport
immunohistochimique de la ␤-caténine montre un signal à la tumeur primitive semble être un argument supplé-
membranaire complet et intense au niveau de l’épithélium mentaire quant au rôle de MUC1 dans la dissémination
mammaire normal et dans la majorité des carcinomes métastatique, et n’a pas été rapporté dans la littérature.
canalaires infiltrant classiques [34]. Dans les carcinomes MUC1, la E-cadhérine et la ␤-caténine semblent donc
lobulaires infiltrant, le signal est le plus souvent absent interdépendantes, et l’altération de l’une de ces trois
[35,36]. Hayes et al. [4] ont mis en évidence dans les car- molécules pourrait donc avoir des conséquences sur la loca-
cinomes métaplasiques une dérégulation de la voie Wnt, se lisation intracellulaire et l’état fonctionnel des deux autres.
manifestant par une expression immunohistochimique aber- Des travaux sur des lignées cellulaires ont en particulier
rante de la ␤-caténine dans 92 % des cas, parmi lesquels montré que l’inhibition de MUC1 augmente l’expression glo-
ont été décrits des mutations des gènes CTNNB1 affectant bale de la E-cadhérine et de la ␤-caténine, et en particulier
le domaine NH2-terminal de la béta-caténine (25,9 %), APC l’expression membranaire de la E-cadhérine et la formation
(7,4 %) ou WISP3 (18,5 %). L’interprétation du signal immu- de complexes E-cadhérine—␤-caténine [39]. Les travaux sur
nohistochimique seul semble néanmoins délicate, dans la les tissus tumoraux humains sont néanmoins peu concluants.
mesure où la perte de la E-cadhérine, dont l’expression est Dans les carcinomes mammaires, Rahn et al. ne retrouvent
dans notre étude le plus souvent partielle, s’accompagne pas de lien significatif entre les profils d’expression de ces
d’une altération du signal de la ␤-caténine, sans que l’on molécules, mais constatent dans un nombre limité de cas
puisse affirmer qu’il y ait une dérégulation de la voie Wnt. une co-expression membranaire diffuse de MUC1, de la E-
Il serait donc pertinent de compléter notre étude par une cadhérine et de la ␤-caténine [38]. Nous constatons au
analyse des gènes impliqués dans la voie Wnt. Par ailleurs, contraire une association significative entre l’absence totale
on ne constate pas de différence significative de marquage d’expression de ces trois protéines.
26 G. Gauchotte et al.

La survie globale des patientes atteintes de carcinome de surexpression de HER2 et un phénotype basal. Notre
métaplasique serait moins bonne que pour les autres types étude montre par ailleurs que l’expression de marqueurs
de carcinome mammaire [16,40], mais les études pronos- impliqués dans l’adhésion cellulaire comme la E-cadhérine,
tiques sont peu nombreuses. Gibson et al. ont rapporté que MUC1 et la ␤-caténine est souvent perturbée, les anomalies
les carcinomes métaplasiques se présentent souvent à un d’expression de cette dernière pouvant être liée notam-
stade avancé et comportent un risque élevé de récidive ment à des mutations de gènes impliqués dans la voie de
local, mais qu’à stade égal, le pronostic serait similaire signalisation Wnt. Les patientes atteintes de ce sous-type de
aux formes classiques d’adénocarcinome mammaire [40]. carcinome mammaire pourraient bénéficier de traitements
Dans notre étude, les quelques décès surviennent unique- ciblés, ce qui reste à confirmer par des essais cliniques.
ment dans les cas de métaplasie à cellules fusiformes, sans
qu’il soit mis en évidence de différence significative avec les
autres sous-types, mais les effectifs sont faibles. Wargotz Conflit d’intérêt
et al. rapportent une survie meilleure dans les carcinomes
à cellules fusiformes, et au contraire une moins bonne Aucun.
survie dans le groupe des carcinosarcomes, mais, comme
nous l’avons abordé plus haut, la distinction entre ces deux
groupes semble délicate [5,7]. Remerciements
Les carcinomes métaplasiques sont traités comme
des carcinomes canalaires infiltrants de haut grade, à Nous remercions tous les membres de l’équipe du labo-
l’exception du carcinome adénosquameux de bas grade, ratoire de pathologie du Centre Alexis-Vautrin pour leur
traité par chirurgie seule. La surexpression d’EGFR, dont précieuse aide.
l’amplification du gène a été retrouvée en hybridation
in situ [21], pourrait suggérer une réponse favorable de ces
tumeurs aux traitements ciblant EGFR. D’autres thérapeu- Références
tiques envisageables sont les sels de platine et les inhibiteurs
de poly-ADP ribose polymerase (PARP), qui pourraient être [1] Reis-Filho JS, Milanezi F, Steele D, Savage K, Simpson PT, Nes-
efficaces dans les tumeurs avec défaut de réparation de land JM, et al. Metaplastic breast carcinomas are basal-like
l’ADN par recombinaison homologue [3]. À notre connais- tumours. Histopathology 2006;49:10—21.
sance, aucun essai clinique n’a pour le moment été réalisé [2] Kuroda N, Fujishima N, Inoue K, Ohara M, Hirouchi T, Mizuno
spécifiquement dans ce sous-groupe de carcinome mam- K, et al. Basal-like carcinoma of the breast: further evi-
dence of the possibility that most metaplastic carcinomas
maire.
may be actually basal-like carcinomas. Med Mol Morphol
Les principaux diagnostics différentiels dépendent du 2008;41:117—20.
type de métaplasie. Dans tous les cas, la présence même [3] Weigelt B, Kreike B, Reis-Filho JS. Metaplastic breast carcino-
focale d’une composante adénocarcinomateuse permet de mas are basal-like breast cancers: a genomic profiling analysis.
faire le diagnostic de carcinome métaplasique du sein. Breast Cancer Res Treat 2009;117:273—80.
L’intrication avec un CIC est également un argument en [4] Hayes MJ, Thomas D, Emmons A, Giordano TJ, Kleer CG.
faveur d’une origine mammaire. En cas de métaplasie épi- Genetic changes of Wnt pathway genes are common events
dermoïde pure, il faut éliminer la possibilité d’un carcinome in metaplastic carcinomas of the breast. Clin Cancer Res
d’origine cutanée ou d’une métastase. Devant une tumeur 2008;14:4038—44.
à cellules fusiformes du sein, plusieurs diagnostics peuvent [5] Wargotz ES, Deos PH, Norris HJ. Metaplastic carcinomas of the
breast. II. Spindle cell carcinoma. Hum Pathol 1989;20:732—40.
être évoqués. Du fait de sa fréquence et de perspec-
[6] Wargotz ES, Norris HJ. Metaplastic carcinomas of the breast. I.
tives thérapeutiques différentes (avec notamment l’absence Matrix-producing carcinoma. Hum Pathol 1989;20:628—35.
de curage ganglionnaire), le principal diagnostic différen- [7] Wargotz ES, Norris HJ. Metaplastic carcinomas of the breast.
tiel à éliminer est la tumeur phyllode maligne. Il s’agit III. Carcinosarcoma. Cancer 1989;64:1490—9.
d’une tumeur mixte constituée de deux composantes, l’une [8] Wargotz ES, Norris HJ. Metaplastic carcinomas of the breast:
épithéliale bénigne se présentant comme des fentes bor- V. Metaplastic carcinoma with osteoclastic giant cells. Hum
dées par des structures épithéliales parfois hyperplasiques, Pathol 1990;21:1142—50.
généralement sans atypie, et l’autre maligne à cellules [9] Wargotz ES, Norris HJ. Metaplastic carcinomas of the
fusiformes. Contrairement au carcinome métaplasique, les breast. IV. Squamous cell carcinoma of ductal origin. Cancer
cellules fusiformes expriment CD34, sans expression de cyto- 1990;65:272—6.
[10] Ellis IO, Schnitt SJ, Sastre-Garau X, Bussolati G, Tavassoli FA,
kératines [23]. De nombreux types de sarcomes peuvent
Eusebi V, et al. Invasive breast carcinoma. In: Tavassoli FA,
théoriquement siéger au niveau mammaire, les plus fré- Devilee P, editors. Pathology and genetics of tumours of the
quents étant l’angiosarcome et le liposarcome. Un large breast and female genital organs. Lyon: IARC; 2003.
échantillonnage de la lésion et une étude immunohistochi- [11] Kurian KM, Al-Nafussi A. Sarcomatoid/metaplastic carcinoma
mique comprenant des cytokératines permet généralement of the breast: a clinicopathological study of 12 cases. Histopa-
d’en faire le diagnostic. Le diagnostic différentiel comprend thology 2002;40:58—64.
également de multiples lésions bénignes, généralement [12] Tse GM, Tan PH, Putti TC, Lui PC, Chaiwun B, Law BK. Meta-
dépourvues d’atypie, comme la fasciite nodulaire, la fibro- plastic carcinoma of the breast: a clinicopathological review.
matose desmoïde ou le myofibroblastome. J Clin Pathol 2006;59:1079—83.
[13] Mogotlane L, Chetty R. Infiltrating ductal carcinoma of
the breast with rhabdoid phenotype. Int J Surg Pathol
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Conclusion [14] Golshan M, Kuten A, William J, Richardson A, Modarressi A,
Matulonis U. Metaplastic carcinoma of the breast with neuro-
Les carcinomes métaplasiques constituent un groupe hété- glial differentiation. Breast 2006;15:545—9.
rogène de tumeurs, ayant pour la plupart en commun un [15] Yen H, Florentine B, Kelly LK, Bu X, Crawford J, Martin SE.
mauvais pronostic, l’absence de récepteurs hormonaux et Fine-needle aspiration of a metaplastic breast carcinoma with
Les carcinomes métaplasiques du sein 27

extensive melanocytic differentiation: a case report. Diagn [28] Lien HC, Hsiao YH, Lin YS, Yao YT, Juan HF, Kuo WH,
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