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Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours

1.5 Risque suicidaire


1.5.1 Évaluation du risque suicidaire
Le risque suicidaire, majeur dans les EDC, est évalué lors du bilan initial et réévalué régulièrement
au cours de la prise en charge.
Le patient doit être questionné sur ses pensées suicidaires, avec tact, dans un climat de
confiance ; ce questionnement ne renforçant pas le risque suicidaire.
L’évaluation des idées et des intentions suicidaires doit inclure les éléments suivants :
 le début, la durée, l’intensité, la fréquence de ces idées suicidaires ;
 l’imminence du passage à l’acte ;
 les comportements préparatoires à la concrétisation du passage à l’acte et de ses
conséquences ;
 la recherche et l’accès à des moyens létaux.

Il est recommandé de tenir compte :


 du contexte socio-environnemental et culturel ;
 d’une situation d’instabilité ou de survenue d’événements de vie particuliers ;
 de désinsertion ou de solitude ;
 d’un entourage proche pathogène, voire une ambiance de contagiosité suicidaire.

Il est également recommandé de rechercher la présence de facteurs de protection (raisons


positives de vivre, soutien social fort).
Le médecin, avec l’accord du patient, peut obtenir des informations auprès des membres de la
famille, des autres professionnels de santé.
Des exemples de questions à poser au patient pour évaluer l’intention suicidaire sont proposés en
annexe 3.
Les facteurs de risque suicidaires à rechercher sont présentés dans le tableau ci-dessous. Aucun
signe n’est spécifique pris isolément, mais leur association peut être significative. Une modification
inexpliquée du comportement habituel doit alerter et conduire à suspecter l’existence d’une crise
suicidaire.

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Tableau 2. Facteurs de risque suicidaire

Facteurs psychosociaux Antécédents Caractéristiques cliniques


 Solitude, isolement, précarité  Actes impulsifs et/ou de  Impulsivité
 Sexe masculin violence  Dépression sévère
 Personne âgée ou jeune âge  Tentative de suicide,  Désespoir, absence de désir de
(< 30 ans) d’automutilation continuer
 Perte récente (décès,  Antécédent familial de  Douleur psychique
divorce, métier, situation suicide ou de pathologie  Psychose
sociale) mentale  Troubles de la personnalité
 Autres facteurs de stress  Anxiété sévère, agitation,
 Appartenance à une minorité attaque de panique
sexuelle  Baisse de l’estime de soi
 Absence de facteurs  Abus de substances
protecteurs, manque de psychoactives, ou sevrage
soutiens  Maladie somatique invalidante
 Certaines professions associée, présence de
(cumulant les risques symptômes physiques (douleur
psychosociaux et l’accès à chronique, insomnie, limitation
des moyens létaux) fonctionnelle)

L’élément de dangerosité lié à l'accumulation de facteurs de risque, notamment l'âge (> 75 ans)
est à prendre en compte.

1.5.2 Évaluation du degré d’urgence suicidaire


Il est recommandé une évaluation de la crise suicidaire et de son degré d’urgence8.
Tableau 3. Degrés d’urgence suicidaire

Risque suicidaire faible Risque suicidaire modéré Risque suicidaire élevé (urgence)
Le patient en crise : Le patient en crise : Le patient en crise :
 est dans une relation de  envisage le suicide et son  est décidé : sa planification est
confiance établie avec le intention est claire ; claire et le passage à l’acte est
praticien ;  a envisagé un scénario prévu pour les jours qui
 désire parler et est à la suicidaire, mais dont viennent ;
recherche de communication l’exécution est reportée ;  est coupé de ses émotions : il
 cherche des solutions à ses  ne voit de recours autre rationalise sa décision ou est
problèmes ; que le suicide pour cesser très émotif, agité, troublé ;
 pense au suicide, mais n’a de souffrir ;  se sent complètement
pas de scénario suicidaire  présente un équilibre immobilisé par la dépression ou
précis ; émotionnel fragile ; dans un état de grande
 pense encore à des moyens  a besoin d’aide et exprime agitation ;
et à des stratégies pour faire directement ou  a une douleur et une expression
face à la crise ; indirectement son de la souffrance omniprésentes
 n’est pas anormalement désarroi ; ou complètement tues ;
troublé, mais  est isolé.  a un accès direct et immédiat à
psychologiquement souffrant. un moyen de se suicider ;
 a le sentiment d’avoir tout fait et
tout essayé ;
 est très isolé.

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Cf. Conférence de consensus de l’ANAES : « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge »

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1.5.3 Prise en charge du risque suicidaire


En cas de risque suicidaire, le clinicien doit s’assurer de mettre en place l’aide adéquate
correspondant au degré de risque suicidaire.
Il est recommandé, devant un risque suicidaire, de :
 fixer un rendez-vous proche pour une nouvelle consultation ;
 limiter l’accès aux moyens létaux envisagés par le patient ;
 évaluer si la personne dispose d’une aide sociale adéquate et fiable (identifier la personne
soutien) ;
 conseiller à la personne de chercher de l’aide si la situation se détériore ;
 transmettre à la personne suicidaire les coordonnées des ressources locales qui pourraient lui
venir en aide et l’accompagner ;
 avec l’accord de la personne suicidaire, communiquer avec la famille ou les proches pour
s’assurer qu’ils savent où trouver rapidement de l’aide en cas de besoin ;
 conseiller à la famille et les aidants du patient d’être vigilants vis-à-vis de :
 une modification de l’humeur,
 la présence de pensées négatives,
 le désespoir,
 des idées et des plans suicidaires ;
 prendre en compte la toxicité d’un surdosage volontaire des médicaments prescrits. Si besoin,
limiter la quantité de médicament disponible ;
 tenir compte du risque pour les autres, en particulier du risque de négligence et de violence
envers les personnes à charge et l’entourage (s’enquérir d’antécédents de violence, d’idées,
de plans et d’intentions d’homicide).
Le risque suicidaire élevé est une urgence : l'hospitalisation est recommandée, et, si
nécessaire, sans le consentement du patient9.
En cas de risque suicidaire modéré, la décision est à prendre au cas par cas : soit
hospitalisation, soit un suivi renforcé tel que des contacts directs ou par téléphone plus fréquents,
ou un recours à un avis psychiatrique.
En cas de risque suicidaire faible, il est recommandé de rester vigilant et de réévaluer le niveau
d’urgence.

1.6 Indications d’une hospitalisation


Il est recommandé d’envisager une hospitalisation soit d’emblée, soit au cours de l’évolution,
devant les situations suivantes :
 patient avec un scénario suicidaire construit imminent ;
 patient avec un risque immédiat d'automutilation ;
 patient avec un potentiel de violence ;
 certaines formes sévères de dépression, en cas de symptômes psychotiques ou somatiques
sévères associés ;
 présence d’une forte agitation anxieuse avec manque de contrôle émotionnel ou impulsivité ;
 sevrage de substance psychoactive ;
 à chaque fois qu’une situation particulière l’exige.
Si la personne a besoin d'être admise à l'hôpital, tous les efforts doivent être mis en œuvre pour
obtenir son consentement.

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Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 :
http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110706&numTexte=1&pageDe
but=11705&pageFin=11718 ;
Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2013/9/27/AFSX1317654L/jo/texte

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