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Enguerrand Boonen 1LETT

DM de Philosophie : La recherche de la vérité doit-elle être dénuée d’affectivité ?

Selon René Descartes dans Les Principes de la philosophie : « Pour examiner la vérité,
il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu'il se peut ».
Par ces mots, Descartes illustre les différentes natures de la vérité ainsi que le besoin de se
détacher ou bien de remettre en question ce que nous savons afin d’y accéder. Il démontre
également l’aspect incertain ou plus précisément dissimulé de la vérité et les contradictions
et la subtilité dont sa recherche est inévitablement composée. Cela instaure une
ambivalence concernant l’affectivité et la rationalité en tant que moteurs pour la recherche
de vérité. De ce fait, les principes ici exploités de la vérité et de l’affectivité supposent
plusieurs emplois ainsi que plusieurs définitions. Leur relation et les questionnements alors
provoqués interprètent une philosophie du sujet, et abordent les domaines de
l’anthropologie et de l’épistémologie. La vérité possède plusieurs interprétations, et en tant
que telle peut être définie soit comme un jugement conforme à son objet, soit comme un
jugement non-contradictoire. Elle se définit comme la correspondance entre ce qui est dit et
ce qui est ; c’est-à-dire que le discours qui est énoncé se veut objectif et correspondant à la
réalité. D’une autre manière, La vérité a aussi un sens pratique : la véracité désigne le fait de
dire la vérité. Parallèlement à cela, l’affectivité est un aspect de fonctions mentales, qui
définit le spectre de sentiments et passions négatives et positives de l’homme.
Les relations entre ces deux notions sont ambivalentes et incarnent toutes les deux
différentes positions par rapport à la vérité et à sa recherche. Elles disposent de positions
débattues quant à leur rôle dans cette recherche de la vérité, par rapport à leur primauté et
même à leur présence, plus particulièrement pour la notion d’affectivité. Cela questionne
l’origine et les composants de la recherche de la vérité, dans le sens où, dans le processus
permettant d’accéder à celle-ci, le rôle de l’affectivité est ambiguë est incertain, sa nature et
sa définition questionnent intrinsèquement sa nécessité ou non dans la recherche de la
vérité. Sa dimension et sa fonction même dans l’élaboration de la vérité sont brouillées et sa
part de subjectivité est dès l’origine en opposition avec le désir d’accès à la vérité. De cette
manière, ceci introduit le paradoxe de savoir si la recherche de la vérité doit être dénuée
d’affectivité.
Ainsi, cela nous amène à nous poser cette question : « Dans quelle mesure peut-on
concilier la dimension subjective de l'affectivité avec l'objectivité nécessaire à la recherche de
la vérité ? »
Nous analyserons en premier lieu en quoi la recherche de la vérité doit en effet être
dénuée d’affectivité, ensuite nous étudierons en quoi elle peut cependant aider ou encore
mener à la vérité dans la recherche de celle-ci. Enfin, nous verrons comment un équilibre est
nécessaire entre objectivité et affectivité dans la recherche de la vérité.

En premier lieu, comme étudié précédemment, la vérité et l’affectivité possèdent


plusieurs natures pouvant être exploitées, qui compliquent et faussent dès le départ les
rapports entre ces deux concepts et plus précisément entre ceux-ci dans l’optique de la
recherche de la vérité. Par exemple, la vérité peut être définie de multiples façons en
fonction du point de vue, dans la complexe reprise dont elle fait l’objet dans L’Essence de la
manifestation et C’est moi la vérité, des ouvrages du philosophe Michel Henry, la vérité est
inévitablement pensée en rapport avec l’être et reste soumise à la question de savoir ce qui
est, à la façon dont cela est et au mode de manifestation propre à l’être. De surcroît, cela
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instaure une dimension intrinsèquement liée à la nature humaine et projette un rapport


certain avec l’affectivité propre à cette humanité. La vérité est cependant, selon Descartes, à
chercher en dehors de l'homme, dans une réalité certaine, elle doit se constater après
l'usage méthodique du doute, comme une évidence sur laquelle l'on pourra reconstruire les
savoirs. Cela conduit de nouveau au rapport à la science et à la définition rationnelle et
logique de la vérité, comme raisonnement extérieur à la subjectivité humaine et à
l’affectivité. Par rapport à cela, Maurice Merleau-Ponty donne dans son
œuvre Phénoménologie de la perception sa définition de l’affectivité : « On conçoit
d'ordinaire l'affectivité comme une mosaïque d'états affectifs, plaisirs et douleurs fermés sur
eux-mêmes qui ne se comprennent pas et ne peuvent que s'expliquer par notre organisation
corporelle ». Ces divergences et croisement entre ces notions instaurent le doute par rapport
à la position de l’affectivité, une notion ici démontrée divisée et brouillée, et questionnent
donc la recherche de vérité et son objectivité nécessaire. Nous observons dans ces
définitions les différentes moyens d’accès et les notions nécessaires à la vérité et présentes
dans sa recherche.
De cette manière, cela renvoie aux constituants que nous connaissons de la recherche
de la vérité, comme les preuves scientifiques et rationnelles, qui, dès le départ, prouvent
l’absence de l’affect et des passions dans l’accès à la vérité. Par exemple, le processus de
raisonnement logique, par déduction, est l’angle le plus communément utilisé pour accéder
à la vérité, et celui que nous avons coutume de considérer comme le plus sûr. Il est donc
nécessaire, pour parvenir à la vérité, de faire preuve de neutralité : il faut écarter autant qu’il
se peut ce qui relève de la personnalité, de l’humanité (les goûts, désirs et croyances) et qui
conditionne généralement nos intérêts afin d’atteindre la dimension universelle du vrai. Un
autre moyen, procédé utilisé dans le but d’accéder à la vérité en l’absence de toute
affectivité, est l’apathie des stoïciens, le processus de se détacher de nos passions et de notre
affectivité afin d’accéder à la vérité par sa recherche. C’est assimiler, adopter un état d'âme
devenu volontairement étranger aux affections sensibles. Dans cette optique, nous pouvons
observer un biais cognitif inéluctable et évident dans l’affectivité par rapport à la recherche
de la vérité, pouvant aussi être provoqué par des tensions émotionnelles.
Cela démontre l’aspect négatif et contradictoire de l’irruption des passions et de la
subjectivité, comme le démontre Nicolas Malebranche dans son ouvrage De la recherche de
la vérité (1674) : « Nous ne connaissons jamais la vérité et que nous n’aimons jamais le vrai
bien lorsque nous suivons les impressions de nos sens, de notre imagination et de nos
passions ». Par cette formule, il illustre avec clarté la position optionnelle et même
indésirable de l’affectivité dans la recherche de la vérité. Celles-ci corrompent la raison, outil
majeur dans l’accès à la vérité. Ce problème de l’affectivité, et plus particulièrement de la
présence de la subjectivité dans la définition même de l’affectivité, est également abordé
dans l’œuvre de Nicolas Malebranche, il formule cela à plusieurs reprises, comme dans cette
autre énonciation : « Nous jugeons de toutes choses selon nos passions, et par conséquent
nous nous trompons en toutes choses, les jugements des passions n’étant jamais d’accord
avec les jugements de la vérité ». n du vrai, par la recherche de la vérité, devient alors
possible à partir de l’instant où nous cessons d'apercevoir dans notre réalité les possibles
instruments de la réalisation de nos désirs ou bien de juger selon notre point de vue. La
science requiert un oubli de soi, demandant de sortir du cadre de notre perception et de
cesser d'organiser le monde selon nos repères. Cela démontre en quoi l’affectivité, sa
présence, fausse la recherche de la vérité et nie l’objectivité nécessaire à l’atteinte de cette
vérité.
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Cependant, cette affectivité possède, malgré les biais provoqués et sa nature


profondément subjective, un aspect qui permet dans certains cas l’accès à des vérités
inaccessibles sans elle et elle endosse une fonction protéiforme dans la recherche de cette
vérité.

En effet, on peut voir l’affectivité en tant que guide dans la recherche de la vérité, par
exemple, comme énoncé précédemment, l’affectivité, les passions et les sentiments peuvent
mener à des conclusions ou bien des vérités qui seraient inaccessibles sans ces notions, par
exemple des vérités présentes en nous, propres à l’homme et à sa nature. De cette manière,
notre affectivité peut révéler des aspects de notre inconscient, des rêves ou des réactions
inhabituelles peuvent être des fenêtres sur des aspects cachés de notre psyché. En d’autres
termes, dans son ouvrage Le Livre du philosophe, Nietzsche avance que la notion de vérité a
évolué pour devenir une sorte de pathologie de l'humanité. Cette pathologie se manifeste
par le besoin de créer des réalités alternatives, souvent par souci de garantir une stabilité et
une sûreté ontologiques. Ainsi, les individus ont tendance à privilégier ces constructions
illusoires, ces nouvelles vérités pour eux-mêmes, lesquelles leur offrent une échappatoire à
une confrontation authentique avec la réalité, marquée par le risque et la créativité.
Nietzsche exprime cette idée en sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont ». cette
idée se manifeste également dans la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, qui considérait
que la passion de la justice était, parmi d’autres, une émotion fondamentale, part de notre
affectivité, qui poussait les individus à rechercher la vérité et à lutter pour une société
équitable. Ici, cela illustre la présence des passions et de l’affectivité dans la recherche de la
vérité, cette même affectivité menant vers les moyens et les chemins d’accès à la vérité.
La recherche de la vérité se fonde également sur des motivations et des intérêts, ce
qui prouve que l’affectivité est dans un sens inhérente à la recherche de la vérité. L'homme
éprouve un inné besoin de vérité qui est inhérent à sa condition de départ, mais il demeure
insatiable, bien différent de la satisfaction que procure l'apaisement de la soif ou de la faim.
En essence, ce désir de vérité transcende les besoins utilitaires, car il provient de la quête de
la vérité elle-même, plutôt que des avantages pratiques qu'elle pourrait offrir. Cette
constatation se confirme à mesure que notre connaissance s'accroît, car plus nous en
apprenons, plus notre soif de savoir s'intensifie, et ainsi naît une curiosité sans fin, appelant
toujours davantage de découvertes. En d'autres termes, on pourrait affirmer que l'homme
est intrinsèquement attiré par la vérité avant même de développer un intérêt utilitaire envers
celle-ci. La distinction réside ici entre une quête profondément ancrée dans la nature
humaine et une simple approche optionnelle où la recherche de la vérité serait perçue
comme un moyen pour atteindre d'autres fins. On distingue en conséquence une présence
initiale de la vérité chez l’homme, d’un côté humain dans la vérité et sa recherche, explicitant
ainsi les relations ambivalentes entre l’affectivité, son manque occasionnel d’objectivité, et la
vérité comme souligné précédemment. On constate ici l’importance cruciale de l’affectivité,
en ce qu’elle possède un rôle déterminant dans la quête et dans la recherche de la vérité,
qui, subséquemment, est le but même de la philosophie. Par exemple, pour Platon, le Vrai
incarne, avec le Beau et le Bien, une valeur absolue.
De ce fait, on observe la présence inévitable de l’affectivité et le fait qu’elle puisse non
seulement aider, orienter mais aussi bien brouiller ou entraver la recherche de la vérité.
Comme le dit Platon, l'homme est un être nostalgique de la vérité. Sans cette nostalgie,
partie intégrante de notre affectivité, comment expliquer la curiosité, le besoin de vérité ?
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Celle-ci possède un caractère équivoque, demandant à être déterminé et qui démontre son
besoin d’être conciliée, établie dans un équilibre entre elle-même et l’objectivité nécessaire à
la recherche de la vérité. Tout en étant illustrée comme source de la dimension émotionnelle
de la recherche de la vérité et composante de celle-ci, elle a été prouvée, dans certains cas,
comme troublante et surtout erronée par rapport à la vérité, induisant en erreur et ne
menant simplement pas à la vérité. Cela prouve la possible complémentarité de l'affectivité
et de la rationalité dans le cadre de la recherche de la vérité, cela au moyen d’un équilibre
néanmoins composé avec parcimonie de ces deux notions, qui possède une subjectivité juste
et mesurée, et une rationalité ainsi qu’une objectivité majeures et réfléchies.

Cet équilibre est donc impératif et se doit de se constituer et de mêler affectivité et


rationalité, au profit d’une recherche de la vérité certaine et adéquate.

Ainsi, un équilibre a été constaté nécessaire entre les notions d’objectivité et


d’affectivité dans le cadre la recherche de la vérité, ce qui est réalisable selon différents
moyens et manières. Dans ceux-ci, les rôles de l’affectivité et de l’objectivité sont définis et
optimisés afin de parvenir à la vérité par sa recherche. Par exemple, comme explicité
auparavant, de par le fait que l’affectivité joue un rôle ambivalent, jonglant entre aveuglant
ou guidant vers la vérité, la nécessité de trouver un équilibre nous conduit à réguler cette
affectivité et ses effets, en ne gardant que les côtés tables et menant à la vérité, développés
avant. Cela peut notamment s’exprimer avec la gestion adéquate des émotions, de notre
affectivité, qui est un impératif pour maintenir la neutralité et l'objectivité.
Ces émotions ont la capacité d'exercer une influence significative sur nos processus
de pensée, pouvant altérer notre perception des faits et nous orienter vers des vérités
partielles, d’où la nécessité de les contrôler, afin de nous mener uniquement vers des vérités
totales et démontrées. Cette approche permet de conserver une perspective objective tout
en reconnaissant le rôle essentiel de l’affectivité dans le processus de recherche de la vérité.
Afin d’illustrer l'importance de la régulation émotionnelle, prenons pour exemple une
procédure judiciaire : les acteurs du système juridique, à savoir les avocats, les juges et les
jurés, doivent être en mesure de reconnaître et de gérer leur subjectivité et leurs émotions
personnelles, telles que la colère, la sympathie ou la peur, qui ont le potentiel d'influer sur
leurs prises de décision. La maîtrise affective s'avère cruciale pour s'assurer que les décisions
prises reposent sur des preuves solides et des arguments étayés, plutôt que sur des réactions
impulsives guidées par les passions. Par ce processus, ces moyens employés, nous
aboutissons à la recherche de la vérité éclairée par l'affectivité, mais néanmoins guidée par la
rationalité. De la sorte, l’équilibre formé est la solution qui nous permet de concilier la
dimension subjective de l'affectivité avec l'objectivité nécessaire à la recherche de la vérité.
Selon, encore une fois, Michel Henry dans son œuvre Incarnation : une philosophie
de la chair (2000), cette vérité, reprise de son concept phénoménologique, aboutit à faire
aussi de l'homme le dépositaire de la vérité. origine composé d’affectivité pure. Cette
affectivité pure, qui interagit avec son
Grâce à cet équilibre et à la coexistence des trois notions d'affectivité, d'objectivité et
de vérité au sein de l'homme, la vérité est donc restaurée en lui, non pas comme une simple
capacité de la pensée, ni comme une ouverture à l'être, mais comme sa définition ultime, sa
substance affective et matérielle. Contrairement à la conception de Heidegger selon laquelle
la vérité réside dans le Dasein, Henry renverse cette proposition en affirmant que la vérité
réside en réalité au sein de l'homme lui-même. Il avance l'idée que l'essence de l'homme est
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intimement liée à la vérité de l'être. Cet équilibre est donc la clé pour une recherche de la
vérité stable et certaine et il permet la réalisation de la vérité par différents moyens, en
incluant une part d’affectivité et une part d’objectivité égales.

En conclusion, de par nos divers arguments, après avoir étudié la présence de


l’affectivité dans la recherche de la vérité, ses effets, et sa présence devant être mesurée,
nous en avons déduit la possibilité et surtout la nécessité d’établir un équilibre entre cette
notion et une objectivité, une rationalité dans la recherche de la vérité, afin d’arriver à
concilier leurs dimensions subjectives et objectives, et pour arriver à une recherche de la
vérité certaine et équilibrée.

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