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Introduction :
Les carences vitaminiques sont des désordres fréquents qui peuvent constituer une cause non
négligeable de morbidité et de mortalité. La méconnaissance de leurs principales manifestations
cliniques peut aboutir à un retard diagnostique et a fortiori à des conséquences pronostiques
parfois très graves, notamment chez certaines catégories de patients fragilisés.
Les vitamines sont des substances sans valeur énergétique qui jouent un rôle indispensable au
sein de l’organisme et dont l’apport est quasi exclusivement exogène. Le caractère à la fois
ubiquitaire et vital des fonctions assurées par les vitamines explique la grande variété et la
potentielle gravité des manifestations cliniques des carences vitaminiques. Ceci est d’autant
plus vrai lorsqu’il s’agit de déficits profonds et/ou multiples ou de patients fragilisés aux besoins
spécifiques comme le sujet âgé ou la femme enceinte. Sur le plan épidémiologique, les carences
vitaminiques sont, certes, plus rares dans les pays riches par rapport aux pays à ressources
limitées, mais elles sont également sous-estimées en raison de la méconnaissance de leurs
principaux tableaux cliniques.
Les vitamines sont au nombre de treize. Elles peuvent être divisées en deux groupes différents
par leurs propriétés physico-chimiques et métaboliques et par la nature de leurs fonctions
physiologiques : 1) 4 vitamines liposolubles A, D, E et K et 2) 9 vitamines hydrosolubles B1,
B2, B3, B5, B6, B8, B9, B12 et C.
L’apport est exclusivement exogène pour les vitamines A, E et K, endogène et exogène pour
la vitamine D. Pour cette dernière, l’exposition solaire aux ultraviolets de type B permet de
convertir, au niveau de la peau, le 7-dehydrocholesterol en provitamine puis en vitamine D3.
L’hydroxylation, au niveau hépatique, en position 25, puis au niveau rénal en position 1, permet
d’obtenir le 1, 25 dihydroxyvitamine D3 qui est la forme active de la vitamine D. L’absorption
des vitamines liposolubles est essentiellement grêlique proximale sauf pour la vitamine K2,
dont l’absorption est surtout colique.
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Les fonctions physiologiques des vitamines liposolubles sont multiples, mais on retient
surtout les propriétés antixérophtalmiques de la vitamine A, antiostéomalaciques et rachitiques
de la vitamine D, antioxydantes de la vitamine E et hémostatiques de la vitamine K [1]. Ces
fonctions expliquent l’essentiel des manifestations cliniques observées au cours des carences
en vitamines liposolubles. Les besoins quotidiens, les limites de sécurité, les principales sources
alimentaires et les rôles physiologiques des vitamines liposolubles sont résumés dans le tableau
1.
ER : équivalent rétinol
Toutes les vitamines hydrosolubles doivent être apportées par l’alimentation et sont absorbées
par transport actif, à l’exception de la vitamine B3 ou niacine absorbée par diffusion facilitée
et synthétisée, en partie intrinsèquement à partir du tryptophane, et de la vitamine B6 absorbée
par mécanisme passif. L’intestin grêle proximal est le siège de l’absorption de toutes les
vitamines hydrosolubles sauf les vitamines C et B12 (cobalamine), absorbées au niveau de
l’iléon terminal.
Les vitamines hydrosolubles interviennent toutes dans les voies métabolismes cellulaires en
tant que coenzymes. Les fonctions de plusieurs de ces vitamines sont souvent intriquées.
L’exemple type est celui de l’action des vitamines B6, B9 et B12 dans le métabolisme de
l’homocystéine. Il n’est pas rare, de ce fait, d’observer des déficits combinés en vitamines
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hydrosolubles. Les manifestations cliniques reflètent la défaillance de ces fonctions
coenzymatiques et sont très différentes selon la nature exacte de la fonction et du tissu cible de
chacune des vitamines en question [9-11, 13]. Dans le tableau 2, nous résumons les besoins
physiologiques, les principales sources exogènes et les fonctions des vitamines hydrosolubles.
AA : acides aminés.
Carence en vitamine A
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caractéristique d’un déficit en vitamine A et reflète le retentissement de l’altération de ces deux
fonctions aux niveaux oculaire et sanguin. L’atteinte oculaire se manifeste par une photophobie
et une baisse de l’acuité visuelle nocturne qui peut évoluer progressivement vers la cécité
définitive. Les signes physiques sont essentiellement une xérophtalmie, que rien ne permet de
différentier de celle du syndrome de Goujerot-Sjögren, et une kératomalacie. L’examen
ophtalmologique objective la présence de lésions conjonctivales caractéristiques à type de
débris péri-limbiques triangulaires. Le test à la fluorescéine est nécessaire afin de rechercher
une kératopathie ulcérative punctiforme, plus connue dans le cadre du tableau clinique de
l’herpès oculaire voire du zona ophtalmique. Une atteinte cutanée et de la muqueuse digestive
sont fréquentes et se manifestent respectivement par une sécheresse cutanée, des lésions
papuleuses hyperkératosiques siégeant de façon symétrique sur les faces latérales et dorsales
des membres, près des genoux et coudes, et une diarrhée sans spécificité propre [1]. La
prédisposition aux infections est l’autre principale manifestation clinique de la carence en
vitamine A [3, 18, 19]. Elle résulte de la combinaison d’un défaut de différenciation
leucocytaire médullaire et d’une atteinte de la barrière mécanique épithéliale notamment
cutanée. Des études épidémiologiques ont montré, par ailleurs, une prévalence élevée de
l’anémie chez les personnes présentant une carence en vitamine A. Le mécanisme demeure
inconnu et il est probablement multifactoriel [20].
Carence en vitamine D
Carence en vitamine K
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Le syndrome hémorragique spontané ou faisant suite à des traumatismes mineurs domine le
tableau clinique d’un déficit en vitamine K. Tous les sites peuvent être atteints. On peut assister
ainsi à des hémorragies cutanéomuqueuses, des ménométrorragies, une hématurie, des
hématomes, voire des hémorragies plus graves cérébrales ou viscérales profondes [1, 7]. La
vitamine K est essentielle également pour la synthèse de certaines protéines de la matrice
osseuse dont l’ostéocalcine. Ceci explique la présence fréquente d’une ostéopénie dont
l’association au syndrome hémorragique est très évocatrice de déficit en vitamine K [7]. De
rares cas de nécrose cutanée ont été décrits lors de l’instauration de traitement par AVK,
notamment chez des patients porteurs de déficit en protéine C.
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Après une phase de début où les symptômes sont, généralement, peu spécifiques à type
d’asthénie, d’anorexie, d’irritabilité ou de troubles digestifs mineurs, s’installe la triade
classique « diarrhée, dermatite, démence » qui définit la pellagre [29, 30]. Les signes digestifs
sont au premier plan et traduisent une atrophie muqueuse diffuse. Les patients présentent
habituellement une gastrite avec achlorhydrie, un syndrome de malabsorption de plus en plus
sévère, aboutissant à un état de cachexie et une diarrhée liquidienne avec, parfois, des émissions
de sang et de mucus dans les selles [31]. La dermatite apparaît habituellement dans un second
temps. Il s’agit d’un érythro-œdème bulleux pouvant évoluer vers le cloisonnement, la rupture,
l’ulcération ou encore l’assèchement avec formation de croûtes hémorragiques et de
fissurations au bout de 3 semaines environ. Les lésions peuvent intéresser tout le corps mais
siègent de manière sélective au niveau des zones exposées au soleil et à la chaleur comme le
dos des mains, la face et le cou, ainsi que les zones de friction et de pression. Une atteinte des
muqueuses buccale, gingivale ou linguale est présente dans environ un tiers des cas. Une
kératoconjonctivite ou une kératomalacie sont également possibles. Sur le plan
anatomopathologique, la peau est siège d’une vasodilatation avec prolifération endothéliale,
infiltration lymphocytaire, hyperkératinisation et atrophie épidermique [30]. Les signes
neuropsychiques s’observent surtout dans les carences profondes. Le tableau est diffus et
polymorphe, fait de céphalées, d’irritabilité, de troubles de la concentration, d’anxiété,
d’hallucinations, d’apathie, de stupeur, de ralentissement psychomoteur, d’ataxie et de
dépression. Une insomnie est observée au début et peut évoluer spontanément vers
l’encéphalopathie avec syndrome démentiel. Des cas de neuropathie périphérique et de myélite
ont également été décrits [29, 31]. Le pronostic peut être fatal par atteinte neurologique centrale,
malnutrition ou surinfection. La correction du déficit permet une amélioration rapide des signes
et donne la possibilité de réaliser un test thérapeutique et diagnostique en cas de forte suspicion
[29].
Il s’agit de deux désordres fréquents mais encore souvent méconnus chez l’adulte et
notamment chez le sujet âgé [16, 32]. Les manifestations cliniques des déficits en folate et en
cobalamine sont plus ou moins similaires, souvent trompeuses et potentiellement graves [33].
Elles sont résumées dans le tableau 3. Les atteintes hématologiques et neuropsychiques sont les
plus classiques. La première peut aller de la simple macrocytose asymptomatique à la
pancytopénie grave en passant par des tableaux très atypiques tels une pseudo-microangiopathie
thrombotique (avec anémie, thrombopénie et schizocytose) ou des présentations mimant
7
notamment au niveau de l’aspect de la moelle une myélodysplasie voire une leucose aiguë [15,
34]. Les signes neurologiques peuvent être au premier plan en dehors de toute anomalie
hématologique apparente. Le tableau de sclérose combinée de la moelle est, certes, le plus
classique mais des troubles des fonctions supérieures sont également fréquents sur un terrain
de déficit en vitamine B12 et/ou en acide folique, a fortiori chez le sujet âgé. Il est important
toutefois à rappeler que les études réalisées, à ce jour, ne permettent pas pour autant de conclure
quant à l’efficacité de la supplémentation en vitamine B12 en terme d’amélioration des
fonctions cognitives. Notons enfin que la carence en vitamine B6 présente beaucoup de
similarités cliniques avec les déficits en B9 et en B12 et que les carences combinées B6, B9 et
B12 ne sont pas rares [35, 36].
Le scorbut se manifeste par une multitude de signes cliniques dominés par les manifestations
suivantes : i) des arthralgies des grosses jointures, une arthrose et/ou des myalgies évoluant
dans un contexte d’asthénie et d’amaigrissement ; ii) un syndrome hémorragique avec purpura
centré sur les follicules pileux et des hématomes. Les hémorragies peuvent être à l’origine de
paralysies par atteinte des gaines nerveuses, de syndromes des loges par atteinte des muscles,
d’hémarthrose ou d’ostéolyse. Des hémorragies viscérales sont également possibles ; iii) une
gingivite hypertrophique et hémorragique avec parodontolyse secondaire possible. Il s’agit
d’une atteinte caractéristique mais inconstante ; iiii) une atteinte cutanéomuqueuse à type
d’ichtyose, œdèmes, alopécie et/ou de syndrome sec dont l’association au purpura et à l’atteinte
articulaire peut simuler une connectivite ou une vascularite [14, 37]. Une anémie peut se voir
au cours du déficit en vitamine C a fortiori quand il y a un saignement associé [14]. L’évolution
du scorbut peut être péjorative voire fatale si la carence n’est pas corrigée, suite à une
aggravation du syndrome hémorragique, une atteinte cardiaque ou une infection sévère par
déficit immunitaire secondaire [14].
Carence en vitamine B2
Les signes cliniques sont très peu spécifiques. Les signes cutanéomuqueux sont les plus
fréquents à type de chéilite, de tuméfactions, de fissures labiales ou encore de rash cutané à
prédominance scrotal ou vulvaire. On peut assister également à une cécité nocturne ou une
cataracte. À un stade plus tardif, une anémie, une migraine, une neuropathie périphérique, des
8
dysplasies et des lésions précancéreuses essentiellement pharyngo-œsophagiennes peuvent être
observées [9, 38].
Carence en vitamine B5
La symptomatologie est, là aussi, très peu spécifique à type d’asthénie, faiblesse musculaire,
fragilité cutanée et alopécie, troubles digestifs et de troubles neurologiques essentiellement
moteurs [9, 39].
Carence en vitamine B8
Au début, les signes dermatologiques sont au premier plan avec une sécheresse de la peau,
une dermite séborrhéique, un rash à prédominance périorofacial, des cheveux cassant, une
alopécie partielle ou totale ainsi qu’une prédisposition aux infections notamment mycosiques
[40]. En l’absence d’une compensation efficace, des signes neurologiques peuvent s’installer
sous la forme de paresthésies, myalgies, somnolence, troubles du comportement ou encore un
syndrome dépressif d’aggravation progressive. Les déficits profonds s’accompagnent
également de signes digestifs. Sur les données disponibles à ce jour, aucun décès par carence
en B8 n’a été enregistré à ce jour [8, 9].
Carence en vitamine E
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Tableau 5. Schémas thérapeutiques curatifs des carences vitaminiques
D 50 000 UI de vitamine D2 par semaine pendant 8 semaines puis tous les2 à4 mois
E 50-2 000 UI/jour PO
K
Prévention
10
La surconsommation d’alcool doit être également évitée dans le cadre de la prévention des
carences en acide folique et en vitamines du groupe B. Une alimentation riche en fruits et
légumes permet d’assurer des apports corrects en vitamine C. Une consommation d’au moins
cinq fruits et légumes par jour correspond à 150 à 200 mg de vitamine C et permet donc de
couvrir largement les besoins [14].
L’apport journalier préventif recommandé en vitamine D chez l’adulte est de l’ordre de 400
UI entre 51 to 70 ans et de 600 UI après 71ans. Cette dose doit être revue à la hausse, pour
atteindre entre 800 et 1 000 UI, quand il y a une exposition solaire insuffisante [4].
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