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Résumé : Le foie est un carrefour complexe de parasitoses polymorphes. Il peut être une authentique cible,
un site de transit ou de migration erratique, une impasse parasitaire ou un lit d’immunodépression pour
germes opportunistes. Les parasites incriminés sont donc des hôtes habituels ou accidentels. En France,
les parasitoses hépatobiliaires autochtones sont par ordre de fréquence : l’hydatidose, la toxocarose, la
fasciolose, la leishmaniose viscérale et l’échinococcose alvéolaire. L’hydatidose est surtout présente dans
le bassin méditerranéen ainsi que la leishmaniose viscérale. Les distomatoses sont très fréquentes en Asie
du Sud-Est. En Afrique noire, l’hydatidose, le paludisme, les schistosomoses, la leishmaniose viscérale et
la dicrocœliose sont plus rencontrés. L’agression parasitaire engendre des réactions immunologiques et
des contraintes mécaniques parenchymateuses ou biliaires, à l’origine de granulomatose ou de fibrose.
Les phénomènes de stase et de surinfection favorisent les lithiases et le cholangiocarcinome, complication
grave de l’opisthorchiase. Les parasitoses hépatobiliaires (excepté l’amibiase, l’hydatidose, la bilhar-
ziose et la balantidiose) sont traitées ici selon l’agent causal. Deux grandes familles sont identifiées :
les parasitoses dues aux protozoaires (giardiose, cryptosporidiose, microsporidiose, maladie de Cha-
gas, toxoplasmose, leishmaniose, paludisme) et celles dues aux métazoaires (distomatoses, cysticercose,
ascaridiose, strongyloïdose, oxyurose, trichinose, anisakidose, capillariose, toxocarose, gnathostomose,
pentastomoses, échinococcose alvéolaire). Ces parasitoses restent un problème mondial de santé publique
du fait du caractère épidémiologique exotique et des migrations de populations. Leurs expressions sont
polymorphes, allant de l’épiphénomène aux manifestations graves mettant en jeu le pronostic vital.
Malgré les traitements antiparasitaires efficaces, la pierre angulaire reste la prévention.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
EMC - Hépatologie 1
Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
med MEHERZI http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1976(21)43918-5
7-030-A-16 Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose)
Crabe
Opisthorchidés
Bithynia
Poisson rouge
Lymnaea
Fasciola
Cresson et pissenlit
Fasciolopsis
Planorbidés
Châtaigne
d'eau douce
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7-030-A-16 Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose)
Parasitologie [22, 23] une élévation des enzymes hépatiques. À la phase chronique,
Les progrès de la biologie moléculaire ont permis ces dernières l’hyperéosinophilie est généralement plus modérée. Les patients
années une meilleure compréhension de la biologie, de la repro- peuvent présenter une cholangite suppurée et un abcès du foie en
duction ainsi que de la diversité et de l’évolution génétique des raison d’une obstruction biliaire.
opisthorchiases. « O. viverrini ». À la phase aiguë, seuls 5 à 10 % des patients
C. sinensis (Fig. 7) au stade adulte est un petit ver très plat, fortement infestés ont des symptômes non spécifiques tels que des
translucide, mou, foliacé, mesurant 8 à 15 mm de long sur 1,5 à douleurs de l’hypocondre droit, des flatulences, des troubles dys-
4 mm de large et 1 mm d’épaisseur. Les œufs sont caractéristiques peptiques, une asthénie et une sensation de chaleur abdominale.
(Fig. 8) : petites amphores de 27 sur 16 m, avec un opercule À la phase chronique, survient une hépatomégalie, principa-
situé au niveau de l’extrémité étroite de l’œuf. Les métacercaires lement chez les patients fortement infestés (nombre d’œufs
sont globuleuses et mesurent 130 à 160 m de diamètre. Les vers supérieur à 10 000 par gramme). D’habitude, il n’y a ni ictère ni
adultes d’O. viverrini ressemblent à C. sinensis mais sont de plus splénomégalie. En revanche, des lithiases intrahépatiques et une
petite taille. Les œufs sont ovoïdes et légèrement plus étroits que cholangite suppurée récurrente sont habituelles. Si un ictère et
ceux de C. sinensis. Les métacercaires sont brunâtres, elliptiques une cholangite ascendante sont observés, un cholangiocarcinome
avec deux ventouses. Les vers adultes d’O. felineus sont des vers compliquant l’infestation parasitaire doit être suspecté.
plats avec deux ventouses. Les cycles parasitaires de C. sinensis et
O. viverrini sont identiques et nécessitent trois hôtes : les escar- Symptomatologie paraclinique [26, 29–31]
gots, les poissons et les mammifères. L’homme est infecté lors Sur l’hémogramme peut être constaté une hyperéosinophilie.
de l’ingestion de poissons d’eau douce crus ou mal cuits infec- En outre, les taux sériques des transaminases, de la bilirubine et
tés par des métacercaires. Arrivés dans l’estomac, les kystes sont du cholestérol augmentent avec l’intensité de l’infestation, tandis
lysés par les sucs gastriques et intestinaux, libérant de jeunes que les protéines totales et l’albumine tendent à diminuer.
douves qui vont migrer par l’ampoule de Vater et emprunter L’imagerie abdominale montre le plus souvent des signes
les voies biliaires où elles peuvent vivre pendant 20 à 30 ans. non spécifiques. Dans les infestations massives, les parasites ou
Elles résident habituellement dans les canaux biliaires de petit les agrégats qu’ils forment peuvent être visualisés comme des
ou moyen calibre mais peuvent se localiser aussi dans les voies nodules ou des coulées hyperéchogènes dans les canaux biliaires
biliaires extrahépatiques ou la vésicule biliaire. Lorsqu’ils sont éli- à l’échographie. Dans la vésicule biliaire, les parasites sont faciles
minés dans l’eau, les œufs sont ingérés par des escargots de type à visualiser sous forme d’images hyperéchogènes flottantes ou
Bithynia et éclosent. Les miracidés vont se transformer en sporo- adhérentes à la paroi. Aussi les voies biliaires périphériques sont
cystes et, par une reproduction asexuée, vont donner des rédies souvent dilatées avec un épaississement pariétal. L’épaississement
puis des cercaires. Les cercaires vont tomber dans l’eau, nager et et la prise de contraste des parois biliaires sont visualisés au scan-
trouver le second hôte intermédiaire qui est un poisson apparte- ner ou à l’IRM, qui peuvent également montrer une dilatation
nant à la famille des Cyprinidae. Les cercaires vont s’enkyster alors diffuse et uniforme des petits canaux biliaires avec ou sans une
et donner des métacercaires qui sont infectieuses pour l’hôte défi- dilatation minime des canaux de plus grand calibre, et sans lésion
nitif, à savoir les mammifères tels que l’homme, les chats et les focale. En cas d’infestation massive, tous les canaux biliaires intra-
chiens, qui s’infectent en mangeant un poisson cru ou mal cuit. hépatiques sont dilatés de même que les canaux extrahépatiques
qui sont modérément dilatés, sans lésion focale. La cholangiogra-
Symptomatologie clinique [24–28] phie permet de visualiser les douves adultes dans les voies biliaires
Du fait que les douves ne passent pas dans le sang et ne sous forme de petites lacunes linéaires, foliacées, ovoïdes ou ellip-
pénètrent pas dans le parenchyme hépatique, les manifestations tiques, mesurant au maximum 10 mm de long, le plus souvent
cliniques sont le plus souvent en rapport avec l’obstruction des siégeant dans les voies biliaires intrahépatiques périphériques.
voies biliaires, et parfois accidentellement des voies pancréa- Dans les infestations massives, les lacunes peuvent également être
tiques. observées dans les voies biliaires extrahépatiques.
« C. sinensis ». À la phase aiguë, l’infestation est généra-
lement asymptomatique. Cependant, les déchets de C. sinensis Diagnostic
juvénile provoquent une hépatite aiguë et une cholangite chez La mise en évidence d’œufs dans les selles, la bile ou les liquides
les patients infectés par un grand nombre de douves, réalisant duodénaux permet le diagnostic de certitude [5, 32] . L’examen
un ictère transitoire, une fièvre, une sensibilité épigastrique, une parasitologique des selles est largement pratiqué. Les œufs appa-
gêne abdominale, un malaise et une anorexie. À la phase chro- raissent dans les selles au bout de 3 à 4 semaines. Les méthodes les
nique, les signes sont en rapport avec la charge parasitaire. Il peut plus fréquemment utilisées pour détecter les œufs dans les selles
s’agir d’un ictère cholestatique, d’une hépatomégalie, d’une cho- sont le frottis de Kato-Katz, la dilution de Stoll et les techniques de
lécystite, d’une cholangite ou de tumeurs hépatiques multiples et concentration utilisant le formol, qui sont plus sensibles en cas de
de lithiase biliaire ou d’une pancréatite aiguë. faible densité parasitaire [26, 29] . Le test Elisa utilisant un extrait brut
« O. viverrini ». Les symptômes aigus se produisent 2 à ou un antigène d’excrétion-sécrétion des vers adultes est un test de
4 semaines après un repas contenant du poisson cru. Il s’agit diagnostic fiable pour la clonorchiase et l’opisthorchiase [26, 29, 33] .
notamment de fièvre élevée, nausées, vomissements, douleurs Des tests d’antigènes fécaux pour Clonorchis et Opisthorchis ont
abdominales, malaise, arthralgies, lymphadénopathie et éruption également été développés et peuvent être utiles pour la détec-
cutanée. L’hyperéosinophilie est fréquente, en particulier pendant tion d’infections légères [34] . Des tests polymerase chain reaction
les 2 à 6 premières semaines de l’infestation, en association avec (PCR) dans les selles de l’ADN d’O. Viverrini ont également été
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7-030-A-16 Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose)
Cysticercose hépatique
Elle est extrêmement rare [49] . Elle est due au Taenia solium qui
est un plathelminthe de la famille des Taeniidae, du genre Tae-
nia, ver cosmopolite, dont les œufs ingérés par l’homme ou le
porc libèrent des embryons capables de s’enkyster dans différents
organes. Elle est souvent asymptomatique, mais peut réaliser un
tableau de douleurs de l’hypocondre droit associée à un ictère
et à une fièvre. L’échographie est l’examen initial la plus fiable
pour l’évaluation de la cysticercose du foie. Elle permet d’évaluer
la taille, la forme du kyste, la présence ou l’absence de scolex,
l’inflammation environnante, la formation d’abcès ou de pseudo- Figure 11. Méthode diagnostique de Baermann dans l’anguillulose.
masse et la localisation de la lésion. Le scanner et l’IRM peuvent
également aider dans le diagnostic [49] . La recherche d’anticorps
anti-cysticerque (IgG) par test Elisa confirme le diagnostic, avec ingérés par le patient (auto-infestation) ou un proche, vont éclore
une sensibilité de 80 % et une spécificité de 94 % [50] . Le diagnostic dans l’estomac et libérer des larves qui migrent vers l’iléocæcum
de cysticercose peut aussi être confirmé par une cytologie par aspi- pour devenir adultes. L’atteinte hépatobiliaire est extrêmement
ration à l’aiguille fine ou une biopsie [49] . Devant la cysticercose, rare et se fait par voie hématogène le plus souvent [55] . Elle peut
les antiparasitaires préconisés sont l’albendazole à la posologie entraîner des douleurs abdominales avec, à l’examen, une sensibi-
de 15 mg/kg/j pendant 1 semaine ou le praziquantel à raison de lité de l’hypocondre droit. L’imagerie trouve une lésion hépatique
50 mg/kg/j pendant 15 jours. L’excision chirurgicale est généra- non spécifique, arrondie, hypoéchogène à l’échographie et hypo-
lement réservée à la cysticercose isolée associée à la formation dense au scanner, avec un aspect kystique, nécrotique avec
d’abcès. un rehaussement périphérique à l’IRM, évoquant une lésion
[51, 52]
maligne [55] . L’examen anatomopathologique de la pièce de résec-
Ascaridiose hépatique tion hépatique confirme le diagnostic en montrant de multiples
Elle est due à Ascaris lumbricoides, parasite ayant un tropisme nodules nécrotiques contenant des œufs d’E. vermicularis ou des
pour les orifices. L’atteinte hépatique est spontanée via le sphinc- débris larvaires du parasite [55] . Le traitement de la localisation
ter d’Oddi ou après une sphinctérotomie ou une anastomose hépatique est le plus souvent chirurgical [55] . Il faut y associer un
cholédoco-duodénale. La présence d’œufs d’ascaris ou de frag- traitement par le flubendazole (100 mg), ou l’albendazole (200 mg
ments tissulaires après désintégration dans les voies biliaires avant 2 ans et 400 mg) en prise unique à renouveler 21 jours après
favorise la formation de lithiases, d’où l’intérêt de l’extraction la première dose [54] . Le traitement des contacts, le changement du
endoscopique des vers. La symptomatologie clinique peut être linge et de la literie le même jour sont indispensables.
faite de défense abdominale douloureuse fébrile de l’hypocondre
droit associée à un ictère. La cholécystite aiguë alithiasique est due Trichinose hépatique
à la migration de l’ascaris adulte dans le canal cystique. Ce tableau Elle est due à Trichinella spiralis, nématode cosmopolite de petite
peut évoluer vers la chronicité, la suppuration ou rarement vers taille, ingéré avec de la viande (de cheval ou de porc) infestée
la perforation. La présence de vers adultes dans les voies biliaires de larves libérées dans l’estomac qui deviennent adultes dans
intrahépatiques est à l’origine d’abcès hépatiques, et les vers morts l’intestin grêle et s’accouplent. Les femelles fécondées s’enfoncent
peuvent s’y calcifier. L’abcès hépatique ascaridien est rare et peut dans la muqueuse et pondent des œufs expulsés sous forme de
contenir des vers. Il réalise le tableau d’hépatomégalie doulou- larves qui passent dans la circulation lymphatique, puis san-
reuse et fébrile. L’échographie est sensible et spécifique dans la guine avant leur dissémination. Les larves migrent généralement
détection des vers dans l’arbre biliaire. Ils apparaissent sous la à travers le foie par la veine porte, pour aller dans la circula-
forme de structures échogènes linéaires sans cône d’ombre ; par- tion générale [56] . Cependant, l’atteinte hépatique est rare. Dans
fois des vers mobiles sont mis en évidence dans la voie biliaire le foie, les parasites pénètrent dans les sinusoïdes et peuvent
principale. L’échographie peut également déceler un épaississe- produire des réactions mésenchymateuses inflammatoires avec
ment de la paroi de la vésicule biliaire, une dilatation des voies une formation de granulomes hépatiques [56] . L’ictère (rarement)
biliaires et du canal de Wirsung ou des abcès hépatiques. Le et l’hépatomégalie sont les signes cliniques traduisant l’atteinte
traitement fait appel à l’albendazole (400 mg en une prise), au hépatique au cours de la trichinose. Sur le plan biologique, une
flubendazole (200 mg/j pendant 3 jours), ou au mébendazole élévation des transaminases, une hypoprotidémie, une hypoal-
(200 mg/j pendant 3 jours), et doit être répété 2 à 3 semaines après buminémie, une augmentation des alpha-1 et alpha-2 globulines
la première cure. Un traitement endoscopique peut être néces- et une hyperéosinophilie peuvent être retrouvées [56] . Les lésions
saire en cas d’enclavement du parasite au niveau de la papille
siègent en majorité au niveau du lobe droit du foie [57] . À
duodénale.
l’imagerie, le signe le plus caractéristique est le signe du « tunnel
incurvé » à l’IRM, réalisant une lésion à type de structure tubu-
Strongyloïdose hépatique laire tortueuse avec un rehaussement périphérique marqué [57] . Le
Elle est secondaire à Strongyloides stercoralis, ver rond dont le traitement est à base d’albendazole à la posologie de 800 mg/j en
site de développement est le tractus gastro-intestinal, avec une deux prises pendant 10 jours, associé à la prednisone à 1 mg/kg
prédilection pour l’intestin grêle. L’atteinte hépatique isolée est pendant 48 heures puis de manière dégressive.
exceptionnelle [53] . Des lésions granulomateuses, une stéatose ou
une cholangite peuvent être secondaires à la strongyloïdose qui est Anisakiase hépatique
diagnostiquée à l’examen des selles par la méthode de Baermann
Elle est secondaire à Anisakis spp., nématode cosmopolite, dit
(Fig. 11) qui montre des larves rhabditoïdes (et strongyloïdes dans
« ver du hareng ». La localisation hépatique est rare, représentant
les formes malignes). L’ivermectine 200 mcg/kg par voie orale une
0,2 % des cas d’anisakiase [58] . La maladie est due à l’ingestion
fois par jour pendant 2 jours est administrée dans l’infection non
de poisson cru et parasité de larves qui pénètrent dans la paroi du
compliquée avec une bonne tolérance. L’albendazole 400 mg par
tube digestif, s’y enkystent et réalisent un granulome éosinophile.
voie orale deux fois par jour pendant 7 jours est une alternative
L’anisakiase hépatique peut survenir lorsque les larves d’Anisakis
de traitement de la strongyloïdose [53, 54] .
migrent de la paroi du tube digestif vers la cavité péritonéale, enva-
hissent la surface du foie et forment une tumeur à la périphérie
Oxyurose hépatique du foie [58] . Il est également supposé, sans certitude, que les larves
Enterobius vermicularis, responsable de l’oxyurose, est un ver pourraient atteindre le foie via la veine porte [58] . Le diagnostic est
rond blanchâtre, cosmopolite, très contagieux, dont les adultes difficile à l’imagerie qui montre au scanner une lésion hypodense
s’accouplent à l’iléocæcum et les femelles parcourent le côlon siégeant à la périphérie du foie. L’interrogatoire sur les habitudes
jusqu’à la marge anale, libèrent des œufs embryonnés qui sont alimentaires et divers examens immunologiques peuvent être
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7-030-A-16 Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose)
Cryptosporidiose [73]
La cryptosporidiose est due à un protozoaire du genre Cryp-
tosporidium, principalement Cryptosporidium hominis (infectant
l’homme) et Cryptosporidium parvum (parasite de l’homme et de
mammifères) contaminant directement l’homme par les oocystes
infectants. Les symptômes en rapport avec une atteinte hépatique
ou biliaire sont représentés par une douleur de l’hypocondre droit,
intense, un ictère fébrile, cholestatique avec un prurit. Le tableau
clinique peut être typiquement celui d’une cholécystite aiguë ;
elle peut malheureusement se compliquer en cholangite scléro-
sante. Chez les immunodéprimés, l’atteinte des voies biliaires est
fréquente du fait d’une colonisation de l’épithélium. Le traite-
ment se fait par la paromomycine (600 mg trois fois par jour). Les
inhibiteurs de protéases ont un intérêt dans le traitement de la
cryptosporidiose par activité inhibitrice sur la multiplication du
virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et en interférant dans
le cycle de développement de C. parvum et, surtout, la restauration
de l’immunité cellulaire vient à bout de la parasitose.
Microsporidiose
La microsporidiose est exceptionnelle chez les immunocompé-
tents et grave chez les immunodéprimés. Enterocytozoon bieneusi
Figure 13. Calcifications multiples en « anneaux brisés » de l’aire hépa- et Encephalitozoon intestinalis sont les microsporidies les plus cou-
tique et du péritoine au cours d’une pentastomose. rantes chez l’homme et sont associées à la diarrhée et aux maladies
systémiques. Les atteintes biliaires y sont à type de cholécys-
tite alithiasique ou aussi d’angiocholite mimant une cholangite
(Thaïlande, Vietnam, Japon), du Proche-Orient et de l’Amérique sclérosante [74] . Une hépatite aiguë est également rapportée chez
latine (Mexique, Équateur) avec comme hôtes intermédiaires les l’immunodéprimé [75] . Le diagnostic repose sur la mise en évidence
cyclops, poissons, reptiles, amphibiens, oiseaux ou mammifères, des spores de microsporidies dans les prélèvements biologiques à
infestant l’homme (impasse parasitaire) par les larves contenues l’examen direct après coloration ou par PCR et sur la sérologie [75] .
dans la chair du deuxième hôte consommé cru ou insuffisam- Le traitement des localisations biliaires de la microsporidiose chez
ment cuit. Sur le plan hépatique, la gnathostomose peut réaliser les immunodéprimés se fait par albendazole à la posologie de
un tableau d’hépatite aiguë ou la formation de nodules hépa- 500 mg deux à trois fois par jour pendant 2 à 3 semaines. Cepen-
tiques [69] . Le diagnostic se fait par la sérologie. L’albendazole est dant, l’albendazole n’est pas efficace sur E. bieneusi. La fumagilline
le traitement de choix de la gnathostomose, à la posologie de 20 mg par voie orale trois fois par jour pendant 14 jours est un
400 mg deux fois par jour pendant 21, avec une efficacité de plus traitement efficace de la microsporidiose avec cependant des effets
de 90 % [70] . L’ivermectine a une efficacité thérapeutique simi- indésirables limitant son utilisation. Le traitement spécifique des
laire à celle rapportée pour l’albendazole, et s’est révélée efficace complications biliaires est décevant : une cholécystectomie peut
à 0,2 mg/kg en dose unique, ou à 0,1 mg/kg administré pendant être réalisée dans les rares formes uniquement vésiculaires. La
2 jours consécutifs [70] . sphinctérotomie endoscopique a été proposée pour baisser la dou-
leur mais son efficacité, en particulier s’il n’existe pas de sténose
du sphincter, est controversée.
Parasitoses hépatobiliaires
dues aux protozoaires Trypanosomiase américaine
Les parasitoses hépatobiliaires dues aux protozoaires sont prin- La maladie de Chagas (trypanosomiase américaine) est une
cipalement représentées par la giardiose (cosmopolite infectant maladie parasitaire d’Amérique du Sud, d’origine animale et trans-
l’homme et de nombreux mammifères), la cryptosporidiose (fré- missible à l’homme par les insectes réduvidés, due à Trypanosoma
quente chez les immunodéprimés), la microsporidiose (grave chez cruzi. L’agent pathogène, sous forme trypomastigote, se multiplie
l’immunodéprimé), la maladie de Chagas (trypanosomiase améri- et se différencie en forme amastigote. Cette nouvelle forme conti-
caine), la toxoplasmose humaine (cosmopolite), le paludisme (très nue à se multiplier à son tour en envahissant d’autres cellules
répandu en zones tropicales) et la leishmaniose devant laquelle de l’organisme et redonne une forme trypomastigote circulante
370 millions de personnes sont exposés dans le monde avec une dans le sang. Elle est caractérisée dans sa phase aiguë par une
mortalité de 50 000 cas par an [3, 4, 71] . D’une protozoose à une fièvre, un œdème, des adénopathies, une splénomégalie ou une
autre, la symptomatologie hépatobiliaire est variable, de même hépatomégalie disparaissant en 6 semaines tandis que la phase
que la prise en charge. latente est asymptomatique et de durée indéterminée [76, 77] . Il
existe deux traitements de référence, le nifurtimox et le benznida-
zole, efficaces s’ils sont administrés précocement. Le nifurtimox
Giardiose [71, 72] est prescrit en phase aiguë à la dose de 8 mg/kg/j chez l’adulte
Elle est due à Giardia intestinalis qui contamine l’homme par pendant 30 à 60 jours. En phase chronique, il est prescrit à la dose
sa forme kystique par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. de 8 à 10 mg/kg/j en trois prises pendant 60 à 90 jours. Le benz-
Après ingestion, les kystes se transforment au niveau du duo- nidazole est prescrit en phase aiguë à la posologie de 5 mg/kg/j
dénum en trophozoïtes qui se fixent sur la bordure en brosse chez l’adulte. Il n’y a pas de vaccin, la prévention repose sur le
des villosités des entérocytes, donnant des lésions histologiques dépistage, le traitement des malades, la lutte antivectorielle par
telles qu’une atrophie villositaire subtotale et ouvrant une brèche aspersions domiciliaires et des moustiquaires de pyréthrinoïdes,
pour atteindre d’autres viscères. La giardiose est souvent asymp- l’éducation sanitaire et le triage sérologique des donneurs.
tomatique et l’atteinte hépatique, qui y est rare et grave, touche
volontiers les voies biliaires, pouvant être source de cholécystite, Toxoplasmose
de cholangite ou de granulomatose. Le traitement repose sur le
métronidazole (1,5 à 2 g/j pendant 3 semaines) suivi d’un contrôle La forme dite « acquise » de la toxoplasmose humaine est
des selles est préconisé, avec en prévention l’hygiène de l’eau de souvent inapparente avec parfois une triade (fièvre, adénopa-
boisson et des aliments. thies, asthénie) tandis que sa forme viscérale hépatobiliaire se
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Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose) 7-030-A-16
manifeste sous forme d’ictère néonatal, d’hépatosplénomégalie quence très variable selon l’espèce, des expressions polymorphes
et d’anasarque. Il existe peu de médicaments validés ; on note allant de l’épiphénomène aux manifestations graves mettant en
principalement la spiramycine, les associations pyriméthamine- jeu le pronostic vital.
sulfadoxine et pyriméthamine-sulfadiazine. La toxoplasmose
acquise chez l’immunocompétent, hors grossesse, ne nécessite pas
de traitement. Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration
de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Leishmaniose
La leishmaniose est due à un protozoaire flagellé du genre Leish-
Références
mania (ordre des kinétoplastidés et famille des trypanosomatidés),
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mammifères domestiques ou sauvages, chez lesquels le parasite 2021;75:202–18.
colonise les cellules du système des phagocytes mononucléés [3] . [3] Rey P, Mbaye PS, Debonne JM, Klotz F. Foie parasitaire. EMC (Else-
La leishmaniose est caractérisée par des affections viscérales vier Masson SAS, Paris), Hépatologie 7-030-A-15, 2004.
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règle générale tardive [78] . L’hépatomégalie est fréquente avec [6] Webb CM, Cabada MM. Recent developments in the epidemiology,
bord inférieur tranchant non douloureux et souvent associée diagnosis, and treatment of Fasciola infection. Curr Opin Infect Dis
à une splénomégalie. Sur les résultats de l’hémogramme, on 2018;31:409–14.
peut trouver une cytopénie. L’hyperéosinophilie est souvent [7] Hotez PJ, Brindley PJ, Bethony JM, King CH, Pearce EJ, Jacobson J.
Helminth infections: the great neglected tropical disease. J Clin Invest
absente. Un tableau d’hépatite aiguë est rare [79] . Les tests hépa-
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tiques, souvent normaux, montrent parfois une augmentation
[8] Mas-Coma S, Valero MA, Bargues MD. Fascioliasis. Adv Exp Med
modérée des phosphatases alcalines et une hypergammaglobu- Biol 2019;1154:71–103.
linémie. L’échographie montre une fibrose périportale sous forme [9] Caravedo MA, Cabada MM, Human Fascioliasis:. Human Fascio-
d’épaississement de la paroi des vaisseaux portes. La TDM identifie liasis: Current Epidemiological Status and Strategies for Diagnosis,
la fibrose périportale extensive sous la forme d’une zone hypo- Treatment, and Control. Res Rep Trop Med 2020;26:149–58.
dense pathognomonique et peut montrer des calcifications intra- [10] Zárate-Rendón DA, Vlaminck J, Levecke B, Briones-Montero A,
et extrahépatiques. L’endoscopie peut trouver des varices œsogas- Geldhof P. Comparison of Kato-Katz thick smear, mini-FLOTAC,
triques ou une gastropathie d’hypertension portale. La ponction and Flukefinder for the detection and quantification of fasciola hepa-
d’organe suivie d’un étalement sur lame colorée au giemsa ou un tica eggs in artificially spiked human stool. Am J Trop Med Hyg
raclage des lésions (cutanées) puis un examen direct apportent le 2019;101:59–61.
diagnostic de certitude en mettant en évidence les leishmanies. [11] Sarkari B, Khabisi SA. Immunodiagnosis of human fascioliasis: an
Le traitement de la leishmaniose fait appel aux antimo- update of concepts and performances of the serological assays. J Clin
niés pentavalents comme la N-méthylglucamine à la posologie Diagn Res 2017;11:OE05–10.
progressive de 0,06 g/kg/j pendant 2 semaines par voie intra- [12] Khan MA, Ullah R, Rehman A, Rehman L, Ahammed Shareef
musculaire profonde. Les diamidines comme l’isothianate de PA, Abidi SM. Immunolocalization and immunodetectionof the
pentamidine sont administrés en intramusculaire à la dose de excretory/secretory (ES) antigens of Fasciola gigantica. PLoS One
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2 mg/kg/j à la première injection suivie d’autres à raison de
[13] Cabada MM, Malaga JL, Castellanos-Gonzalez A, Bagwell KA,
3 mg/kg/j. Un traitement par amphotéricine B liposomale à la Naeger PA, Rogers HK, et al. Recombinase polymerase amplifica-
posologie de 3 mg/kg/j pendant 5 jours suivi de deux doses heb- tion compared to real-time polymerase chain reaction test for the
domadaires uniques, aux jours 14 et 21, est efficace dans l’atteinte detection of Fasciola hepatica in human stool. Am J Trop Med Hyg
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dans la circulation, atteint les cellules hépatiques où il se mul-
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tiplie pour rompre l’hépatocyte et libérer des mérozoïtes qui Trans R Soc Trop Med Hyg 2019;113:797–804.
vont coloniser les hématies. Dans le cas des espèces vivax et [17] Favennec L, Jave Ortiz J, Gargala G, Lopez Chegne N, Ayoub A,
ovale, les parasites arrêtent leur maturation dans l’hépatocyte pen- Rossignol JF. Double-blind, randomized, placebo-controlled study of
dant plusieurs mois ou années, expliquant la reviviscence tardive. nitazoxanide in the treatment of fascioliasis in adults and children from
L’hépatomégalie est parfois précoce lors de la primo-invasion faite northern Peru. Aliment Pharmacol Ther 2003;17:265–70.
de fièvre (tierce ou quarte), embarras gastrique et céphalées et [18] Tang ZL, Huang Y, Yu XB. Current status and perspectives of Clonor-
peut être associée à une splénomégalie. Il peut exister un ictère chis sinensis and clonorchiasis: epidemiology, pathogenesis, omics,
hémolytique et un syndrome de cytolyse hépatique. Le traite- prevention and control. Infect Dis Pov 2016;5:71.
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10 EMC - Hépatologie
Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose, de la bilharziose et de la balantidiose) 7-030-A-16
Toute référence à cet article doit porter la mention : Diallo I, Sow A, Toure O, Klotz F. Parasitoses hépatobiliaires (à l’exception de l’amibiase, de l’hydatidose,
de la bilharziose et de la balantidiose). EMC - Hépatologie 2020;0(0):1-11 [Article 7-030-A-16].
EMC - Hépatologie 11