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le quatrième chameau était un dromadaire

Mes années de boisson m’avaient enseigné à ne pas


faire confiance à mon inconscient, car celui-ci me
programmait toujours choses et événements de
façon très astucieuse qui se révélait habituellement
un désastre pour moi, pour les gens qui
m’entouraient, ou pour eux et moi réunis.

James Lee Burke

(1) L'inconscient traîne une définition ab contrario, comme une malédiction jetée
par les générations précédentes : tout ce qui n’est pas conscient… ou, ici mieux,
inaccessible à la conscience. Mais les définitions de ce type ne sont jamais
satisfaisantes : parce que l’on a réussi a isoler un phénomène, tout ce qui n’est pas
lui n’est pas forcément quelque chose… Il faudrait affiner. Car, Wittgenstein
aidant, cette définition confuse nous fait penser confusément. En particulier,
l’inconscient peut être totalement rationnel dans certains cas… Alors là, quel
intérêt ?

L’inconscient n’est pas la spontanéité, ni l’impulsivité, l’emportement, l’ardeur,


l’emballement, l’élan, la fougue, l’exaltation, l’impétuosité, la frénésie, le
transport, la passion, la fureur, l’enthousiasme… C’est un mot forgé à partir du
savoir (scientia). Ce que l’on ne sait pas (l’inconscient), peut-on toujours le savoir
en apprenant ? Peut-être bien. Il est certain que toutes les méthodes préconisées
par les srrlsts ont chacune leur valeur dans ce combat, mais il reste que le champ
n’étant pas définit convenablement, l’errance est garantie. Tant mieux ! diront les
banalistes.

Et les choses ont furieusement changé depuis qu’il s’agissait de libérer cet
inconscient enchaîné en se laissant guider par nos sentiments, nos désirs, tout cela
enfoui au plus profond de nous. Pour libérer notre esprit de toutes les censures, de
toutes nos valeurs acquises avec le temps, de tous nos interdits ? Et si cela était
fait et qu’il faille maintenant aller de l’avant ? Utiliser nos pulsions refoulées à
fins de création, voilà qui relève presque de l’habitude aujourd’hui, même chez
certains conceptuels. Le rêve est fini (parole de révolutionnaire).

Beaucoup plus intéressante est l’idée d’”émanciper l’acte de son assujettissement à


l’intention”. La spontanéité. Mais est-ce que faire sans réfléchir met forcément en
cause l’inconscient ? Mon expérience de musicien me donne un autre schéma :
une grande quantité d’information est stockée en mémoire et un curseur fou les
parcourt, les pointe et, au fond, il s’agit d’une sorte d’échantillonnage à des temps
minimaux donnés de ce qui se passe sous ce curseur. Une image pour illustrer :
descendre une feuille de papier, progressivement, en dessus d’une petite fontaine à
giclement vertical ; alors les gouttelettes d’eau marquent le papier de manière
aléatoire, parce qu’il n’y a pas d’endroit où le jet est le plus haut.

Mais alors, qu’est que la spontanéité ? Un mouvement qui ne doit sa cause qu'à
lui-même. Pas d’intention ? Kant disait de la spontanéité de l’entendement qu’il
s’agissait de ”l’intervention active de l'intelligence, qui se joint à la réceptivité et
à ses formes, pour réunir les intuitions et faire les idées”.

La concordance désir/volonté invoquée ici, c’est, il me semble, ce que Breton a


restitué sous le nom de hsrdbjctf. A ce propos, j’ai eu beau fouiller ce que je
pouvais dans Hegel, je n’y ai trouvé aucune allusion. Est-ce que cela doit rappeler
l’amusante histoire de la marquise qui fut prêtée à Valéry alors qu’on la trouve
dans la préface que Huysmans écrivit ”vingt ans après” pour A Rebours ?

Toujours est-il que j’ai encore de la peine avec l’inconscient.

(2) Mon premier malaise quant à ces deux exemples, c’est qu’ils sont d’une
certaine manière guerriers ! L’un de 14-18, l’autre de 1944 …

Dans le premier exemple, celui de Arp, j’y vois d’abord l’ironie et la révolte,
beaucoup plus qu’un acte inconscient. Il y a de l’improvisation, oui, mais cela se
travaille, les jazzmen le savent bien, encore une fois. D’une immense base de
données de fragment musicaux que l’on peut avoir dans le tête, sous les doigts,
surgissent, plus par spontanéité qu’inconsciemment, les phrases idoines au bon
moment. Le jaillissement de l’idée – allumer les synapses. Est-ce inconscient ?

Le deuxième exemple donné n’est pas sans rappeler le récit de la désertion au


début du Voyage au bout de la nuit, où le narrateur, partant en mission spéciale au
front, finit par se retrouver à Paris, un peu comme par hasard. Il faut de l’à-
propos, une grande faculté d’improvisation à nouveau, du courage et de
l’inconscience… dans le sens oubli des contingences. L’occasion du larron. «La
vérité est le meilleur déguisement» dit l’un des incendiaires à Mme Biedermann,
présentant ses bidons d’essence dans le grenier avant de mettre le feu chez elle
(Max Frisch, Monsieur Bonhomme et les incendiaires).

(3) Les 4 questions :

a) -

b) Clairvoyance versus exercice d’improvisation, comme discuté plus haut.

c) Deux libidos sur trois d’un coup ! Mais où se cache encore l’érotisme ?

Le scientisme est une sorte de trouble mental semblable à une volonté de pourvoir
faite d'un mélange de libido sciendi et de libido dominandi.

C'est à Saint Augustin que nous devons le développement de cette analyse dans le
livre X des Confessions : elle provient des trois concupiscences évoquées par Saint
Jean, Première Epitre, 2:16 : "car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la
chair, la convoitise des yeux, et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais
vient du monde". Dans la version de Saint Augustin (Les Confessions, Livre X),
nous avons :

- la passion des sens et de la chair : la libido sentiendi

- la passion de voir et de savoir : la libido sciendi

- la passion de posséder toujours plus et dominer : la libido dominandi

Le srrlsm s’alignerait-il ainsi sur le scientisme ? Je ne supporte le savoir que


gratuit – comme l’acte, et que surtout il ne participe pas à un pouvoir, c’est trop
facile !

d) Demeurer virtuel ? On peut le souhaiter ! C’est le cerveau reptilien à l’œuvre -


et la vie en société, tant qu’elle reste souhaitable ou simplement nécessaire, ne
permet en général pas de descendre dans la rue etc.

Chr. Oestreicher, le 27 août 2012.

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