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Résumé
La politesse est un des principes de base du vivre ensemble. Régissant les comportements
individuels et les rapports sociaux, certaines règles de politesse pourraient prendre une
dimension universelle, comme c’est le cas pour les valeurs morales. Toutefois, les règles de
bienséance observées dans les échanges langagiers varient en fonction des différentes
cultures. La connaissance de ces règles constitue le premier pas vers une démarche de
médiation interculturelle.
Le présent article tentera de donner des éléments de réponse à ces interrogations. Il soulignera
l’importance d’intégrer la politesse dans le processus d’enseignement/apprentissage d’une
langue-culture étrangère. L’objectif étant d’aider les apprenants à devenir non seulement des
usagers performants de la langue mais aussi des médiateurs interculturels.
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Langues, cultures et sociétés Volume 2 n° 2 décembre 2016
Introduction
La politesse est un des principes de base du vivre ensemble. Régissant les comportements
individuels et les rapports sociaux, certaines règles de politesse pourraient prendre une
dimension universelle, comme c’est le cas pour les valeurs morales. Toutefois, les règles de
bienséance observées dans les échanges langagiers varient en fonction des différentes
cultures. La connaissance de ces règles constitue le premier pas vers une démarche de
médiation interculturelle.
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percevoir les règles explicites et implicites qui régissent les échanges au sein d’une
communauté ; b) à interpréter les références acquises et mémorisées, vécues et exprimées
collectivement auxquelles on est confronté dans ses contacts avec la culture étrangère, et
en particulier c) à anticiper, dans une situation donnée, les comportements à adopter pour
entretenir une relation adéquate. ». (T. Szende, 2014 : 331).
Pour être performant lors des échanges multiculturels, il faut faire preuve d’une certaine
«identité duelle » relevant d’une « forte identité culturelle de soi » et d’une « forte identité
aux autres cultures. » (Y-T. Lee, V. Calvez, 2007 : 24). En effet, l’ouverture aux autres
cultures, passe inévitablement par la compréhension et la reconnaissance de sa propre culture.
Intégrer la politesse dans les activités langagières permet de développer cette identité duelle
en classe de langue étrangère. Elle peut être introduite de manière explicite dès les premiers
contacts avec la langue étrangère.
Les rapports sociaux dans la culture égyptienne sont régis par le respect de l’âge.
Ce respect se manifeste dans le langage : un enfant de cinq ans appellera un jeune de vingt
ans par un titre d’adresse ( ‘ ) ﺃﺃﻧﻜﻞ ( ; )ﻋ ّﻤﻮOncle’ du fait que ce dernier est plus âgé que lui. Il
en est de même dans les rapports entre personnes adultes : le plus jeune appelle le plus âgé
des deux par un titre d’adresse.
Le respect de l’âge se traduit également par des gestes : par politesse, un adulte ne fumera
pas devant ses parents ni devant les personnes âgées.
La mère occupe une place centrale dans la société égyptienne. On lui doit le respect absolu
et l’obéissance sans limite.
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Les règles d’adresse régissant les rapports entre sexes sont en faveur des femmes. Elles
impliquent une certaine galanterie de la part de l’homme. Ce dernier doit observer les
règles de la bienséance dans ses rapports avec les femmes.
Il se doit d’être solidaire en proposant de l’aide à une dame portant une charge lourde, ou
celle en panne de voiture.
Conformément aux règles de bonne conduite sociale les hommes ne doivent pas prononcer
de grossièretés en présence de femmes.
Pour interpeler une femme, il faut savoir si elle est mariée ou non. Cela serait en effet une
maladresse d’appeler une demoiselle Madame.
Enfin, les règles de bienséance dans la rue exigent de ne pas interpeler une femme par son
prénom mais par celui de son père, son frère, etc. ou juste par « S’il vous plaît ! ».
Dans la société égyptienne, les titres d’adresse varient en fonction des statuts sociaux.
Il subit également des variations selon les métiers et selon une certaine hiérarchie sociale :
enseignant à l’université ( ; )ﺩﺩﻛﺘﻮﺭﺭingénieur ( ; ) ﺑﺎﺷﻤﻬﻬﻨﺪﺱﺱchauffeur ( ; )ﺃﺃﺳﻄﻰconcierge (
; )ﻋّﻢvendeur de légumes ( )ﻣﻌﻠﻢ.
Ces titres diffèrent d’une culture arabe à l’autre. Ils risquent donc de provoquer des
malentendus dans la communication entre arabophones.
Par exemple : « ﺃﺃﺳﺘﺎﺫﺫOstaz » titre d’adresse relevant d’un registre formel en égyptien devient
« ﺳﻲSî » en tunisien. Or, ce même titre « ﺳﻲSî » est utilisé dans un registre familier ou
populaire en Egypte. Il revêt un trait ironique du fait qu’il évoque chez les Egyptiens, le
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roman de Naguib Mahfouz, dans lequel le héros était un homme autoritaire macho que sa
femme appelait « Sî » en signe de respect.
Il est par ailleurs important de souligner que le vouvoiement en tant que signe de respect
n’existe pas dans la langue arabe. Il est toutefois de rigueur dans la culture égyptienne. Pour
vouvoyer, l’arabe égyptien utilise un mot d’origine turc « » ﺣﻀﺮﺗﻚ.
Le vouvoiement est utilisé en fonction du statut social. Un chauffeur de taxi par exemple,
doit vouvoyer son client alors que ce dernier peut le tutoyer.
Prendre en compte ces paramètres culturels permet de comprendre les réactions des
autochtones ainsi que le fonctionnement de la société égyptienne.
Ainsi, le fait que les contrats d’assurance (habitation, automobile, vie, etc.) ne soient pas en
vigueur en Egypte, s’explique par le fait que les Egyptiens considèrent les accidents de la
vie comme relevant du destin et à accepter comme tels. En cas d’accrochage (sans mort ni
blessés), ils n’attendent pas l’intervention de la police, ce sont les témoins oculaires qui se
portent volontaires pour faire le constat et désigner le responsable de l’accident. Celui-ci
n’aura qu’à présenter ses excuses auprès des victimes. Dans cette situation, les règles de la
bienséance exigent de ne pas réclamer de dédommagements.
La politesse implique le respect mutuel des différences entre cultures. De ce fait, elle
permet d’intégrer une autre dimension à la compétence culturelle, celle de médiation
interculturelle.
Dans le domaine de la didactique des langues et des cultures étrangères, certains travaux de
recherche sur le plurilinguisme ont remis en question « le modèle du locuteur natif » et se
sont orientés vers le modèle d’« intermédiaire culturel ». Dans cette optique, il est question
de développer chez l’apprenant la « capacité à tenir le rôle d’intermédiaire culturel entre sa
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Citons deux exemples de politesse à caractère conflictuel. Ils sont tirés de situations de
communication réelles en France entre des interlocuteurs français et égyptiens :
Dans la première situation, une dame égyptienne offre à plusieurs reprises des plats à sa
voisine française. Ce geste a généré des angoisses et des malentendus entre les deux dames:
La Française : « Elle n’arrête pas de m’offrir de la nourriture. Elle doit croire que je ne mange
pas à ma faim ! »
C’est dans ce type de situation que le rôle du médiateur interculturel devient indispensable
pour régler les conflits.
La dame égyptienne explique donc à sa voisine qu’il s’agit d’une tradition en Egypte : à
l’occasion des fêtes, les Egyptiens partagent la joie de la fête avec leurs voisins par un
échange de plats traditionnels. Ainsi, la voisine se réjouit d’avoir connu une nouvelle
culture et explique à son tour les traditions de fête en France qui sont différentes de celles
de l’Egypte.
Dans la deuxième situation : un jeune Egyptien qui allait passer un examen demande à son
ami français de le soutenir. Quelques temps plus tard, il raconte à un ami sa stupéfaction
devant la réaction du Français : « Mon copain ne veut plus m’adresser la parole depuis que
je lui ai dit que je passe un examen. Je ne comprends pas sa réaction ! Il a croisé les
doigts!».
Dans cette situation, le rôle du médiateur interculturel consiste à expliquer aux deux amis
les différentes connotations de ce geste dans les deux cultures en demandant aux
interlocuteurs d’accompagner leurs gestes de la parole. Dans ce cas, la parole donnera une
explication au geste :
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Ces deux exemples démontrent que la politesse des uns peut faire le malheur des autres.
D’où l’importance de sensibiliser les apprenants à la médiation interculturelle :
Développer chez l’apprenant cet esprit de médiation tout au long de son acquisition de la
langue-culture étrangère l’aide à prévenir les problèmes communicatifs lors des échanges
multiculturels.
Introduire les règles de politesse dans les activités langagières prépare l’apprenant
La deuxième étape permet de comparer culture d’origine et culture étrangère. Après avoir
comparé les réactions et comportements des uns et des autres, l’accent est mis sur la
divergence ou la convergence entre les différentes cultures.
La troisième et dernière étape est celle de l’accomplissement d’une tâche déterminée. Pour
ce faire, les apprenants sont appelés à mobiliser leur compétence de médiation
interculturelle et à adopter les stratégies appropriées en fonction du contexte pour réussir
l’accomplissement de la tâche.
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A la française A l’égyptienne
Manière de recevoir : « Bonjour! Puis-je vous offrir ﻭ ﺎﺘﻮﻧﺷﺮﻓ وﺭﻮﻧ ر« ﺎﺗﻮﻧ٬٬ﺃ »ﺃﻫﻫﻫھﻭ ﻼوﻼﺳﻬﻬ
quelque chose ? » ﺗﺤﺒﻮﺍا ﺗﺸﺮﺑﻮﺍاﺇ إﻳﻳﻪﻪ؟
(Bienvenue, vous nous avez
honoré et illuminé. Vous
aimez boire quoi? )
Manière d’accepter : « Oui, je veux bien. Merci ! » »ﺃﺗﻌﺒِﻚ.«. » ﺷﻜﺮﺍاﺃﺰﻳﻳﺎﻋ ﺶﻣ٬٬» ـ ﻻ
Dans un cours de langue comme dans la vie réelle, la politesse s’intègre aux activités
langagières de communication. Elle prépare le terrain aux activités de médiation
interculturelle.
Citons l’exemple d’une situation de communication qui a abouti à une traduction dans une
perspective de médiation interculturelle : il s’agit de demander son chemin. Cet exemple est
tiré de notre enseignement de la langue égyptienne à l’INALCO.
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familiarisés avec les plans. Ainsi, si vous leur demandez votre chemin, ils vous
l’indiqueront à l’aide d’une description très détaillée de ce que vous trouverez sur votre
itinéraire, à savoir, les bâtiments, les cafés, les pharmacies, etc., et même les rues que vous
ne devez pas emprunter.
Il est primordial également d’expliquer, qu’il se peut que la personne que vous interpelez
ne connaisse pas l’adresse que vous cherchez mais que par politesse, elle s’efforcera
pourtant de faire de son mieux pour vous aider.
Pour ce faire, elle essaiera de deviner un itinéraire et vous l’indiquera. Vous risquerez ainsi
de vous perdre. Toutefois, l’intention était bonne, la personne voulait vous aider à tout prix.
A un niveau avancé de l’apprentissage, les règles de politesse peuvent être introduites dans
les activités de médiation interculturelle comme c’est le cas pour la traduction.
Pour sensibiliser les étudiants en deuxième année à cette tâche de médiation interculturelle
entre les deux langues-cultures, il leur a été demandé de traduire dans le cadre d’une
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La traduction a respecté les règles de politesse implicites dans les échanges entre les deux
personnages. L’implicite culturel a été explicité par le recours aux images comme le
démontre l’extrait suivant :
ﺣﻀﺮﺓة ﻳﻳﺎ
ﺍاﻻﺭرﺍاﺟﻮﺯز ﻗﻮﻟﻲ
ﻳﻳﺎ ﻋﻤﺪﺓ ﻧﻌﻢة ﻋﺎﻭوﺯز
ﻣﻨﻴﻴﻦﻳﻳﻪﻪ ﺍا
ﻳﻳﺮﻭوﺍ ﺣﻮاﻟﻤﺘﻮﻟﻲ
ﺍاﻩه ﺩدﻩه ﻧﻮﺍاﺣﻴﻴﻨﺎ ﻭوﺣﻘﻮﻟﻚ ﻋﻠﻴﻴﻪﻪ
ـ ﻫﻫﻫھﻟﺤﺪ ﻣﺎ ﻢ! ﻤﻤ
ﺗﻼﻗﻲ ﻋﻤﺎﺭرﺓة ـ
ﻟﺤﺪ ﻣﺎ ﺃﺃﻻﺟﻲ
ﻋﻤﺎﺭرﺓة
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Pour accomplir la tâche de traduction, les étudiants ont procédé par démarche
collaborative s’inscrivant dans une perspective de médiation interculturelle. Pour ce
faire, ils ont mobilisé leurs compétences linguistiques et culturelles en mettent en
œuvre les stratégies les plus appropriées pour l’accomplissement de leur tâche. La
réussite de la tâche de traduction a été approuvée lors de la présentation de la chanson
sous-titrée au public.
C’est dans cette perspective que les apprenants se sont rendus compte de l’importance du rôle de
médiateur interculturel.
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Conclusion
A l’époque actuelle où la mobilité internationale ne cesse de prendre de l’ampleur autant dans le
cadre universitaire que professionnel, il s’avère indispensable de former des médiateurs
interculturels. Ces derniers seront capables de faire face à des scénarios où la diversité culturelle
risquerait d’entraver la communication ou d’engendrer des malentendus voire des conflits.
Bibliographie
H. Boyer, « L’incontournable paradigme des représentations partagées dans le traitement de
la compétence culturelle en F.L.E. », in éla, juillet-décembre 2001, p.334.
Y-T Lee, V. Calvez, « Vers un modèle dynamique des compétences culturelles : en guise
d’introduction » in La compétence culturelle. S’équiper pour les défis du management
international, l’Harmattan, 2007, p.17-40.
T. Szende, Second Culture Teaching and Learning: An Introduction, Bern: Editions Peter
Lang., 2014. p331.
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