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Langues, cultures et sociétés Volume 2 n° 2 décembre 2016

Enseigner la politesse pour former des médiateurs interculturels

Iman MASSOUD SRIDI


Plidam, Inalco

Résumé

La politesse est un des principes de base du vivre ensemble. Régissant les comportements
individuels et les rapports sociaux, certaines règles de politesse pourraient prendre une
dimension universelle, comme c’est le cas pour les valeurs morales. Toutefois, les règles de
bienséance observées dans les échanges langagiers varient en fonction des différentes
cultures. La connaissance de ces règles constitue le premier pas vers une démarche de
médiation interculturelle.

Comment la politesse favorise-t-elle le développement d’une compétence de médiation


interculturelle en classe de langue? A quelle phase de l’enseignement/ apprentissage? Quelles
stratégies adopter ?

Le présent article tentera de donner des éléments de réponse à ces interrogations. Il soulignera
l’importance d’intégrer la politesse dans le processus d’enseignement/apprentissage d’une
langue-culture étrangère. L’objectif étant d’aider les apprenants à devenir non seulement des
usagers performants de la langue mais aussi des médiateurs interculturels.

Mots-clés: médiation ; politesse ; arabe égyptien ; interculturalité

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Introduction

La politesse est un des principes de base du vivre ensemble. Régissant les comportements
individuels et les rapports sociaux, certaines règles de politesse pourraient prendre une
dimension universelle, comme c’est le cas pour les valeurs morales. Toutefois, les règles de
bienséance observées dans les échanges langagiers varient en fonction des différentes
cultures. La connaissance de ces règles constitue le premier pas vers une démarche de
médiation interculturelle.

Comment la politesse favorise-t-elle le développement d’une compétence de médiation


interculturelle en classe de langue ? A quelle phase de l’enseignement/ apprentissage ?
Quelles stratégies adopter ?

Le présent article tentera de donner des éléments de réponse à ces interrogations. Il


soulignera l’importance d’intégrer la politesse dans le processus
d’enseignement/apprentissage d’une langue-culture étrangère. L’objectif étant d’aider les
apprenants à devenir non seulement des usagers performants de la langue mais aussi des
médiateurs interculturels.

1. La politesse : une composante de la compétence culturelle


La politesse s’intègre aux « paramètres socioculturels de l’utilisation de la langue »,
auxquels renvoie la compétence sociolinguistique (Conseil de l’Europe, CECRL, 2000 :18).
Cette dernière implique la prise en considération de la dimension culturelle qui représente «
le domaine du fonctionnement culturel implicite : des connaissances plus ou moins
empiriques, des mythologies, tout un imaginaire collectif… ». (H. Boyer, M. Butzbach., M.
Pendanx, 1990 : 73). Dans les différentes phases de l’acquisition d’une langue-culture
étrangère, la mise en œuvre de ce développement implicite développe chez l’apprenant la
compétence culturelle.

La compétence culturelle, constitue, selon H. Boyer « le cœur d’une compétence


(complexe) de communication ». Elle concerne ce qu’il appelle « imaginaire ethno-socio-
culturel (IESC) ». (Boyer, H., 2001 : 334). Ces paramètres culturels sous-tendent le mode
de fonctionnement et les systèmes de valeurs d’une société. Les comprendre permet
d’acquérir le savoir-vivre inhérent à la réussite et à l’efficacité de la communication.

Le contexte de l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère est propice au


développement de cette "sensibilité culturelle" qui consiste en une capacité : « a) à

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percevoir les règles explicites et implicites qui régissent les échanges au sein d’une
communauté ; b) à interpréter les références acquises et mémorisées, vécues et exprimées
collectivement auxquelles on est confronté dans ses contacts avec la culture étrangère, et
en particulier c) à anticiper, dans une situation donnée, les comportements à adopter pour
entretenir une relation adéquate. ». (T. Szende, 2014 : 331).

Pour être performant lors des échanges multiculturels, il faut faire preuve d’une certaine
«identité duelle » relevant d’une « forte identité culturelle de soi » et d’une « forte identité
aux autres cultures. » (Y-T. Lee, V. Calvez, 2007 : 24). En effet, l’ouverture aux autres
cultures, passe inévitablement par la compréhension et la reconnaissance de sa propre culture.

Intégrer la politesse dans les activités langagières permet de développer cette identité duelle
en classe de langue étrangère. Elle peut être introduite de manière explicite dès les premiers
contacts avec la langue étrangère.

Prenons l’exemple de l’enseignement de la langue égyptienne pour un public francophone.


Les premiers cours commencent par une sensibilisation à la culture égyptienne. La culture
est introduite par la mise en lumière des règles d’adresse et de politesse. Régulant les
rapports sociaux, la politesse varie en fonction de l’âge, du sexe et des statuts sociaux.

1.1. La politesse en fonction des générations :

Les rapports sociaux dans la culture égyptienne sont régis par le respect de l’âge.

Ce respect se manifeste dans le langage : un enfant de cinq ans appellera un jeune de vingt
ans par un titre d’adresse ( ‫‘ ) ﺃﺃﻧﻜﻞ ( ; )ﻋ ّﻤﻮ‬Oncle’ du fait que ce dernier est plus âgé que lui. Il
en est de même dans les rapports entre personnes adultes : le plus jeune appelle le plus âgé
des deux par un titre d’adresse.

Le respect de l’âge se traduit également par des gestes : par politesse, un adulte ne fumera
pas devant ses parents ni devant les personnes âgées.

La mère occupe une place centrale dans la société égyptienne. On lui doit le respect absolu
et l’obéissance sans limite.

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1.2. La politesse en fonction des sexes :

Les règles d’adresse régissant les rapports entre sexes sont en faveur des femmes. Elles
impliquent une certaine galanterie de la part de l’homme. Ce dernier doit observer les
règles de la bienséance dans ses rapports avec les femmes.

Par exemple : Au restaurant, si il est accompagné d’une ou plusieurs femmes, il lui


incombe de payer l’addition pour toutes.

Il se doit d’être solidaire en proposant de l’aide à une dame portant une charge lourde, ou
celle en panne de voiture.

Conformément aux règles de bonne conduite sociale les hommes ne doivent pas prononcer
de grossièretés en présence de femmes.

Pour interpeler une femme, il faut savoir si elle est mariée ou non. Cela serait en effet une
maladresse d’appeler une demoiselle Madame.

Enfin, les règles de bienséance dans la rue exigent de ne pas interpeler une femme par son
prénom mais par celui de son père, son frère, etc. ou juste par « S’il vous plaît ! ».

1.3. La politesse en fonction des statuts sociaux :

Dans la société égyptienne, les titres d’adresse varient en fonction des statuts sociaux.

Prenons l’exemple de ‘Monsieur’ : Ce titre d’adresse subit des variations importantes


selon la registre de langue soutenue ( ‫ ; )ﻓﻨﺪﻡﻡ‬familière (‫ ; )ﻋ ّﻢ‬populaire (‫)ﺑﺎﺷﺎ( ; )ﺑﻴﻴﻪﻪ‬.

Il subit également des variations selon les métiers et selon une certaine hiérarchie sociale :
enseignant à l’université (‫ ; )ﺩﺩﻛﺘﻮﺭﺭ‬ingénieur ( ‫ ; ) ﺑﺎﺷﻤﻬﻬﻨﺪﺱﺱ‬chauffeur ( ‫ ; )ﺃﺃﺳﻄﻰ‬concierge (
‫ ; )ﻋّﻢ‬vendeur de légumes ( ‫)ﻣﻌﻠﻢ‬.

Ces titres diffèrent d’une culture arabe à l’autre. Ils risquent donc de provoquer des
malentendus dans la communication entre arabophones.

Par exemple : « ‫ ﺃﺃﺳﺘﺎﺫﺫ‬Ostaz » titre d’adresse relevant d’un registre formel en égyptien devient
« ‫ ﺳﻲ‬Sî » en tunisien. Or, ce même titre « ‫ ﺳﻲ‬Sî » est utilisé dans un registre familier ou
populaire en Egypte. Il revêt un trait ironique du fait qu’il évoque chez les Egyptiens, le

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roman de Naguib Mahfouz, dans lequel le héros était un homme autoritaire macho que sa
femme appelait « Sî » en signe de respect.

Il est par ailleurs important de souligner que le vouvoiement en tant que signe de respect
n’existe pas dans la langue arabe. Il est toutefois de rigueur dans la culture égyptienne. Pour
vouvoyer, l’arabe égyptien utilise un mot d’origine turc « ‫» ﺣﻀﺮﺗﻚ‬.

Le vouvoiement est utilisé en fonction du statut social. Un chauffeur de taxi par exemple,
doit vouvoyer son client alors que ce dernier peut le tutoyer.

1.4. La politesse en fonction des systèmes de valeurs sociales

La sensibilisation à la culture égyptienne passe également par l’explication de certains traits


culturels et valeurs sociales de la société égyptienne, telles que la solidarité, l’hospitalité ou
le fatalisme.

Prendre en compte ces paramètres culturels permet de comprendre les réactions des
autochtones ainsi que le fonctionnement de la société égyptienne.

Ainsi, le fait que les contrats d’assurance (habitation, automobile, vie, etc.) ne soient pas en
vigueur en Egypte, s’explique par le fait que les Egyptiens considèrent les accidents de la
vie comme relevant du destin et à accepter comme tels. En cas d’accrochage (sans mort ni
blessés), ils n’attendent pas l’intervention de la police, ce sont les témoins oculaires qui se
portent volontaires pour faire le constat et désigner le responsable de l’accident. Celui-ci
n’aura qu’à présenter ses excuses auprès des victimes. Dans cette situation, les règles de la
bienséance exigent de ne pas réclamer de dédommagements.

La politesse implique le respect mutuel des différences entre cultures. De ce fait, elle
permet d’intégrer une autre dimension à la compétence culturelle, celle de médiation
interculturelle.

2. La politesse dans une perspective de médiation interculturelle

Dans le domaine de la didactique des langues et des cultures étrangères, certains travaux de
recherche sur le plurilinguisme ont remis en question « le modèle du locuteur natif » et se
sont orientés vers le modèle d’« intermédiaire culturel ». Dans cette optique, il est question
de développer chez l’apprenant la « capacité à tenir le rôle d’intermédiaire culturel entre sa

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culture d’appartenance et la culture étrangère apprise, y compris dans des situations à


caractère conflictuel. » (Byram, Zarate, 1997 : p.12-13).

Citons deux exemples de politesse à caractère conflictuel. Ils sont tirés de situations de
communication réelles en France entre des interlocuteurs français et égyptiens :

Dans la première situation, une dame égyptienne offre à plusieurs reprises des plats à sa
voisine française. Ce geste a généré des angoisses et des malentendus entre les deux dames:

La Française : « Elle n’arrête pas de m’offrir de la nourriture. Elle doit croire que je ne mange
pas à ma faim ! »

L’Egyptienne : « Ma voisine n’a pas l’air d’apprécier nos plats égyptiens ! ».

C’est dans ce type de situation que le rôle du médiateur interculturel devient indispensable
pour régler les conflits.

La stratégie à adopter pour la réconciliation consiste à demander aux interlocuteurs


d’expliciter l’implicite culturel qui est à l’origine de leurs gestes.

La dame égyptienne explique donc à sa voisine qu’il s’agit d’une tradition en Egypte : à
l’occasion des fêtes, les Egyptiens partagent la joie de la fête avec leurs voisins par un
échange de plats traditionnels. Ainsi, la voisine se réjouit d’avoir connu une nouvelle
culture et explique à son tour les traditions de fête en France qui sont différentes de celles
de l’Egypte.

Dans la deuxième situation : un jeune Egyptien qui allait passer un examen demande à son
ami français de le soutenir. Quelques temps plus tard, il raconte à un ami sa stupéfaction
devant la réaction du Français : « Mon copain ne veut plus m’adresser la parole depuis que
je lui ai dit que je passe un examen. Je ne comprends pas sa réaction ! Il a croisé les
doigts!».

Dans cette situation, le rôle du médiateur interculturel consiste à expliquer aux deux amis
les différentes connotations de ce geste dans les deux cultures en demandant aux
interlocuteurs d’accompagner leurs gestes de la parole. Dans ce cas, la parole donnera une
explication au geste :

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En Egypte : Signe de rupture de relation   En France : Signe de porter


chance.

Ces deux exemples démontrent que la politesse des uns peut faire le malheur des autres.
D’où l’importance de sensibiliser les apprenants à la médiation interculturelle :

« L’esprit de la médiation non seulement reconnaît la différence mais accueille ses


désordres et ses conflits de manière idéalement impartiale. Il lui offre ainsi l’espace de sa
fécondation, de son élaboration voire de sa pacification de la manière la plus équitable
possible. » (A. Chaouite, 2007 : 60).

Développer chez l’apprenant cet esprit de médiation tout au long de son acquisition de la
langue-culture étrangère l’aide à prévenir les problèmes communicatifs lors des échanges
multiculturels.

2.1. La politesse dans les activités langagières de médiation interculturelle

Introduire les règles de politesse dans les activités langagières prépare l’apprenant

- au niveau débutant, à la communication efficace ;


- au niveau avancé à la mise en œuvre de sa compétence de médiation
interculturelle dans un contexte professionnel.

Le développement de la compétence de médiation interculturelle passe par plusieurs étapes.


La première étape consiste en la mise en situation de communication en classe de langue-
culture-étrangère. Les apprenants sont appelés à observer le savoir-faire et savoir-être des
uns et des autres. L’objectif étant de répertorier les normes culturelles sous-jacentes.

La deuxième étape permet de comparer culture d’origine et culture étrangère. Après avoir
comparé les réactions et comportements des uns et des autres, l’accent est mis sur la
divergence ou la convergence entre les différentes cultures.

La troisième et dernière étape est celle de l’accomplissement d’une tâche déterminée. Pour
ce faire, les apprenants sont appelés à mobiliser leur compétence de médiation
interculturelle et à adopter les stratégies appropriées en fonction du contexte pour réussir
l’accomplissement de la tâche.

Prenons l’exemple de l’art de recevoir dans la culture française et la culture égyptienne :

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A la française A l’égyptienne
Manière de recevoir : « Bonjour! Puis-je vous offrir ‫ﻭ ﺎﺘﻮﻧﺷﺮﻓ وﺭﻮﻧ ر« ﺎﺗﻮﻧ‬٬٬‫ﺃ »ﺃﻫﻫﻫھﻭ ﻼوﻼﺳﻬﻬ‬
quelque chose ? » ‫ﺗﺤﺒﻮﺍا ﺗﺸﺮﺑﻮﺍاﺇ إﻳﻳﻪﻪ؟‬
(Bienvenue, vous nous avez
honoré et illuminé. Vous
aimez boire quoi? )
Manière d’accepter : « Oui, je veux bien. Merci ! » »‫ﺃﺗﻌﺒِﻚ‬.«. »‫ ﺷﻜﺮﺍاﺃﺰﻳﻳﺎﻋ ﺶﻣ‬٬٬» ‫ـ ﻻ‬

« Non merci. » ou « Je ne veux


pas te déranger.»
Manière de refuser : « Non, merci. C’est gentil. » ‫ ﺷﻜﺮﺍا‬٬٬» ‫ـ ﻻ‬.
‫دﺭر‬.» ‫ﺩﺎﻗ ﺶﻣ ﻲﻘﻴﻴﻘﺣ‬
« Non merci. » « Vraiment je
ne peux pas.»

La mise en situation de communication suivie de la mise en évidence des différences entre


les deux cultures aide à développer chez les apprenants la compétence de médiation
interculturelle. L’observation des règles de bienséances inhérentes au contexte et à la
situation de communication permet d’adopter le comportement le plus approprié pour
l’accomplissement d’une tâche déterminée.

2.1.1. La politesse dans les activités langagières de communication

Dans un cours de langue comme dans la vie réelle, la politesse s’intègre aux activités
langagières de communication. Elle prépare le terrain aux activités de médiation
interculturelle.

Citons l’exemple d’une situation de communication qui a abouti à une traduction dans une
perspective de médiation interculturelle : il s’agit de demander son chemin. Cet exemple est
tiré de notre enseignement de la langue égyptienne à l’INALCO.

Il est tout d’abord question d’expliciter la charge culturelle de la situation de


communication. Pour ce faire, il importe d’expliquer aux apprenants (l’explication se fait
en français pour des raisons de rapidité et d’efficacité) que les Egyptiens ne sont pas

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familiarisés avec les plans. Ainsi, si vous leur demandez votre chemin, ils vous
l’indiqueront à l’aide d’une description très détaillée de ce que vous trouverez sur votre
itinéraire, à savoir, les bâtiments, les cafés, les pharmacies, etc., et même les rues que vous
ne devez pas emprunter.

Il est primordial également d’expliquer, qu’il se peut que la personne que vous interpelez
ne connaisse pas l’adresse que vous cherchez mais que par politesse, elle s’efforcera
pourtant de faire de son mieux pour vous aider.

Pour ce faire, elle essaiera de deviner un itinéraire et vous l’indiquera. Vous risquerez ainsi
de vous perdre. Toutefois, l’intention était bonne, la personne voulait vous aider à tout prix.

Pour la pratique, nous avons eu recours à un document authentique, un sketch en chanson


folklorique. Nous l’avons extrait d’une opérette égyptienne très célèbre : « Al-Lêla Al-
kabira (La grande nuit) » du célèbre compositeur égyptien Sayyed Mekkawi, écrite sur les
paroles du poète Salah Jahine représentant d’une manière caricaturale la façon dont les
Egyptiens indiquent un itinéraire. Celui qui explique donne trop de détails et celui qui
reçoit les informations, s’y perd. Il se met alors à répéter les derniers mots pour essayer de
les mémoriser et pour montrer à son interlocuteur qu’il le suit dans son explication. Mais en
fin de compte, il n’a rien compris.

Pour la mise en œuvre de la compétence de médiation culturelle, l’apprenant est invité à


sortir du cadre de la classe et à se situer dans un scénario de la vie réelle pour accomplir
une tâche, celle de trouver le bureau de poste le plus proche de l’INALCO.

A un niveau avancé de l’apprentissage, les règles de politesse peuvent être introduites dans
les activités de médiation interculturelle comme c’est le cas pour la traduction.

2.1.2. La politesse dans les activités de médiation par la traduction

Pour accomplir une tâche de traduction, l’étudiant apprend à devenir un médiateur


interculturel qui « doit chercher dans la langue cible des équivalents susceptibles de mettre
son lecteur dans le même état d’esprit, voire dans le même état émotionnel que le lecteur de
la langue source. » (H. Medhat-Lecocq, 2012 : 234).

Pour sensibiliser les étudiants en deuxième année à cette tâche de médiation interculturelle
entre les deux langues-cultures, il leur a été demandé de traduire dans le cadre d’une
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manifestation culturelle à l’INALCO, le même sketch exploité en première année. L’enjeu


de la traduction était de produire le même effet comique en faisant comprendre au public
français la dimension culturelle implicite du dialogue entre les deux personnages du sketch.

Au niveau de la compréhension, les apprenants n’ont éprouvé aucune difficulté du fait


qu’ils étaient familiarisés avec l’implicite culturel de cette situation de communication.
Toute la difficulté résidait dans la réexpression, autrement dit, dans la recherche des
équivalences adéquates.

La traduction a respecté les règles de politesse implicites dans les échanges entre les deux
personnages. L’implicite culturel a été explicité par le recours aux images comme le
démontre l’extrait suivant :

‫ﺣﻀﺮﺓة‬ ‫ﻳﻳﺎ‬
‫ﺍاﻻﺭرﺍاﺟﻮﺯز ﻗﻮﻟﻲ‬
‫ﻳﻳﺎ ﻋﻤﺪﺓ ﻧﻌﻢة ﻋﺎﻭوﺯز‬
‫ﻣﻨﻴﻴﻦﻳﻳﻪﻪ‬ ‫ﺍا‬
‫ﻳﻳﺮﻭوﺍ ﺣﻮاﻟﻤﺘﻮﻟﻲ‬
‫ﺍاﻩه ﺩدﻩه ﻧﻮﺍاﺣﻴﻴﻨﺎ ﻭوﺣﻘﻮﻟﻚ ﻋﻠﻴﻴﻪﻪ‬

‫ﻁطﻴﻴﺐ ﻳﻳﺎﻟﻼ ﻗﻮﻟﻲ ﻋﻠﻴﻴﻪﻪ‬

٬٬‫ـ ﺍاﻣﺸﻲ ﻛـﺪﻩه ﻋﻠﻰ ﻁطﻮﻝل ﻋﻠﻰ ﻁطﻮﻝل‬

‫ـ ﻫﻫﻫھﻟﺤﺪ ﻣﺎ ﻢ! ﻤﻤ‬
‫ﺗﻼﻗﻲ ﻋﻤﺎﺭرﺓة ـ‬
‫ﻟﺤﺪ ﻣﺎ ﺃﺃﻻﺟﻲ‬
‫ﻋﻤﺎﺭرﺓة‬

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Pour accomplir la tâche de traduction, les étudiants ont procédé par démarche
collaborative s’inscrivant dans une perspective de médiation interculturelle. Pour ce
faire, ils ont mobilisé leurs compétences linguistiques et culturelles en mettent en
œuvre les stratégies les plus appropriées pour l’accomplissement de leur tâche. La
réussite de la tâche de traduction a été approuvée lors de la présentation de la chanson
sous-titrée au public.

Ne connaissant pas la langue culture égyptienne, les spectateurs ont applaudi la


traduction. Elle a réussi à leur transmettre l’implicite culturel et l’effet comique de
cette chanson.

C’est dans cette perspective que les apprenants se sont rendus compte de l’importance du rôle de
médiateur interculturel.

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Conclusion
A l’époque actuelle où la mobilité internationale ne cesse de prendre de l’ampleur autant dans le
cadre universitaire que professionnel, il s’avère indispensable de former des médiateurs
interculturels. Ces derniers seront capables de faire face à des scénarios où la diversité culturelle
risquerait d’entraver la communication ou d’engendrer des malentendus voire des conflits.

Face à une situation de communication plurilingue et multiculturelle, le médiateur


interculturel est sommé de concilier sa propre culture et celle des autres. Il aura pour tâche
d’assurer la communication de manière efficace et d’instaurer un climat de confiance et un
terrain d’entente entre des individus appartenant à des langues-cultures différentes. Pour ce
faire, la politesse est la première règle à observer dans toute communication langagière.
Elle est le premier pas vers le développement de la compétence de médiation interculturelle.

Bibliographie
H. Boyer, « L’incontournable paradigme des représentations partagées dans le traitement de
la compétence culturelle en F.L.E. », in éla, juillet-décembre 2001, p.334.

H. Boyer, M. Butzbach., M. Pendanx, Nouvelle introduction à la didactique du français


langue étrangère, CLE International, Paris, 1990, p.73.

P. Burke : « Les langages de la politesse » In Repères n°33, 1999, p. 111-126.


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M. Byram et G. Zarate Définitions, Objectifs et Evaluation de la Compétence


Socioculturelle, Editions du Conseil de l'Europe. 1997, p.12-13.

A. Chaouite : L’interculturel comme art de vivre, l’Harmattan, 2007, p.60.

A. Hurtado Albir « Compétence en traduction et formation par compétences », in Erudit,


Volume 21, numéro 1, 1er semestre 2008, p.17-64.
https://www.erudit.org/revue/ttr/2008/v21/n1/029686ar.html

Y-T Lee, V. Calvez, « Vers un modèle dynamique des compétences culturelles : en guise
d’introduction » in La compétence culturelle. S’équiper pour les défis du management
international, l’Harmattan, 2007, p.17-40.

H. Medhat-Lecocq : « La négociation interculturelle dans la formation des traducteurs


professionnels », in Didactique plurilingue et pluriculturelle: l'acteur en contexte
mondialisé (Dir.) G. Alao, 2012, p.234.

T. Szende, Second Culture Teaching and Learning: An Introduction, Bern: Editions Peter
Lang., 2014. p331.

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