Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
statuant
au contentieux
__________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
SOCIETE NATIXIS ASSET
MANAGEMENT
__________
Vu la procédure suivante :
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 19 avril 2018, 7 juin et 4 octobre
2019, l’Autorité de marchés financiers conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de
10 000 euros soit mise à la charge de la société Natixis Asset Management devenue la société
Natixis Investment Managers International, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;
- le règlement délégué (UE) n° 231/2013 de la commission du 19 décembre
2012 complétant la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui
concerne les dérogations, les conditions générales d’exercice, les dépositaires, l’effet de levier, la
transparence et la surveillance ;
- l’instruction AMF 2011-19 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre
2012 ;
- l’instruction AMF 2011-20 du 21 décembre 2011, modifiée le 26 octobre
2012
- le code de justice administrative ;
Une audience d’instruction a été tenue par la 6ème chambre le 24 mai 2019. Son
procès-verbal a été versé au dossier.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ,
de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Natixis Asset Management, devenue la société
Natixis Investissement Managers International et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la Autorité
des marchés financiers ;
N° 414659 -4-
conduites par les enquêteurs de l’AMF font l’objet de procès-verbaux, ces dispositions ne sont
applicables qu’à la phase de contrôle, ouverte le jour de la signature des ordres de mission par le
secrétaire général de l’AMF. Or en l’espèce, la rencontre litigieuse du 21 novembre 2014 est
intervenue avant l’ouverture du contrôle, décidée le 3 février 2015. D’autre part, le principe des
droits de la défense, rappelé tant par le premier alinéa de l’article 6 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme, précisé par son troisième alinéa que par l’article L. 621-15
du code monétaire et financier, s’applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la
notification de griefs par le collège de l’AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et
non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l’AMF, ni a fortiori
aux étapes antérieures à cette phase d’enquêtes et de contrôle. Si les enquêtes réalisées par les
agents de l’AMF, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des
conditions garantissant qu’il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense
des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés, il n’est en l’espèce pas établi, ni même
allégué, qu’il aurait été porté une telle atteinte irrémédiable aux droits de la société NAM. Par
suite, le moyen tiré de ce que l’audition de l’ancien directeur « conformité, contrôle interne et
risques » de cette société aurait porté atteinte au droit de la défense ne peut qu’être écarté.
11. En premier lieu, d’une part, si, aux termes des articles R. 214-28 et
R. 214-32-39 du code monétaire et financier, les fonds à formule sont définis par un « objectif de
gestion » consistant à « atteindre, à l’expiration d’une période déterminée, un montant déterminé
par application mécanique d’une formule de calcul prédéfinie », de telles dispositions ne font
pas obstacle à ce que la rémunération finale des porteurs excède un tel montant. Il résulte au
demeurant de l’instruction que le fait de verser, à l’échéance d’un fonds à formule et dans le cas
d’une surperformance de ce fonds, davantage que la formule promise au départ correspond à une
pratique courante d’un certain nombre de société de gestion. D’autre part, aux termes de l’article
319-16 du règlement général de l’AMF applicable en l’espèce : « Sans préjudice de
l’article 319-13, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de FIA [fonds
d’investissement alternatif] et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts
ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de
rachat du fait de l’investissement en FIA ou fonds d’investissement par le FIA bénéficient
exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le délégataire de la société de
gestion de portefeuille pour la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la
société liée mentionnée au c du 2° de l’article 319-14 peuvent recevoir une quote-part du revenu
N° 414659 -8-
des opérations d’acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant au FIA dans les
conditions définies dans le prospectus, ou à défaut, le document d’information à destination des
investisseurs du FIA. ». Il résulte des dispositions des articles 319-16 et 321-120 du règlement
général de l’AMF respectivement applicables aux FIA et aux OPCVM que les porteurs de parts
d’un fonds à formule doivent être regardés soit comme les copropriétaires indivis de l’actif du
fonds (dans le cas d’un FIA), soit comme les propriétaires directs des actifs-sources (dans le cas
d’un OPCVM). Par suite, à l’échéance du fonds, si la valeur liquidative du fonds est supérieure à
la valeur liquidative correspondant à la réalisation de la formule, chaque porteur a droit à ce que
lui revienne sa quote-part de l’intégralité du revenu supplémentaire généré. Ainsi, contrairement
à ce que soutient la société requérante, la « formule » ne saurait être regardée comme
déterminant le montant maximal de la rémunération à laquelle les porteurs de parts d’un fonds à
formule ont droit.
S’agissant des moyens concernant les griefs relatifs aux commissions de rachat
dites « acquises » au fonds :
16. Il résulte de l’instruction que, alors que, ainsi qu’il a été dit, les prospectus
en cause indiquaient que les commissions de rachat étaient pour moitié, « acquises » au fonds
afin de « compenser les frais supportés par [les fonds] pour investir ou désinvestir les avoirs
confiés », la part de ces commissions de rachat en principe « acquises au fond » nécessaire pour
compenser les coûts effectivement subis par le fonds s’agissant du réaménagement du swap de
performance induits par la sortie du porteur était en pratique très limitée (en moyenne à hauteur
de 0,5 % du prix de rachat, soit environ un quart de la partie « acquise au fond » de la
N° 414659 - 10 -
commission de rachat), le reliquat des sommes (environ les trois quarts) ayant été, à l’échéance
des fonds en cause, soit conservé par la société NAM soit versé dans des fonds monétaires issus
de la transformation des fonds à formule à l’échéance de ces derniers.
estimé que la pratique litigieuse consistait à faire supporter aux fonds en cause et aux
investisseurs de ces fonds des coûts injustifiés.
20. En troisième lieu, si les commissions de rachat nettes ont servi à alimenter
le « coussin » précédemment mentionné afin de prémunir, en complément de la garantie, les
porteurs contre certains risques, le fait de s’approprier finalement les sommes en cause dès lors
qu’elles n’étaient pas consommées portait nécessairement, contrairement à ce que soutient la
société requérante, atteinte à l’intérêt des porteurs. Par ailleurs, l’affirmation de la requérante
selon laquelle, si les sommes litigieuses avaient été laissées à l’actif net des fonds, il en aurait
résulté une incitation à la sortie anticipée du fonds, facteur de déstabilisation de celui-ci et, par
conséquent, contraire aux intérêts collectifs des porteurs, est contredite par le fait, résultant de
l’instruction, que ce traitement comptable n’avait pas d’impact pour les porteurs qui rachetaient
leurs parts dès lors qu’en cours de vie du swap, l’incidence sur la valeur liquidative de ce
traitement comptable pour les éventuels porteurs sortants était négligeable par rapport à la
pénalité qu’ils devaient payer en cas de rachat.
23. En premier lieu, ainsi qu’il a déjà été dit au point 11, aucune obligation ni
aucun principe ne faisait obstacle au versement, au-delà de la formule promise, au bénéfice des
porteurs, de cette différence issue de la marge de structuration.
exercice clos, calculé annuellement par conséquent, ce qui excluait l’approche « lissée » en
moyenne annuelle sur toute la durée de vie du fonds à laquelle, selon la société requérante, il
aurait fallu procéder. En outre, les document d’informations clés pour l’investisseur faisaient état
d’un pourcentage de frais de gestion prélevés par année. Dès lors, à supposer même que
l’approche « lissée » fût admise par la réglementation, elle ne pouvait être appliquée aux fonds
litigieux, les prospectus d’information y faisant expressément obstacle, ainsi que l’a relevé
également le rapport d’audit interne de NGAM du 15 décembre 2014, qui faisait état d’« un
dépassement du taux maximum de frais de gestion annuel prévu dans les prospectus ». La
circonstance que la commission des sanctions, pour conclure que le taux maximum des frais de
gestion ne pouvait être apprécié sur la durée de vie du fonds, se serait également référée, à tort,
aux prescriptions de l’instruction AMF n° 2005-02, est sans incidence sur la légalité de la
décision attaquée, une telle motivation n’ayant été développée qu’à titre surabondant, ainsi qu’en
atteste, dans la décision litigieuse (alinéa 5 de la page 14) l’emploi de la locution adverbiale
« d’ailleurs ».
25. Enfin, il résulte de l’instruction que six des fonds en cause n’ont pas été
dissous à l’échéance mais transformés, avec, ainsi que l’exige la réglementation, l’autorisation de
l’Autorité des marchés financiers, en des fonds monétaires auxquels ont pu participer les
porteurs des fonds. La société requérante fait valoir que le reliquat des marges de structuration
pour ces six fonds (correspondant à un montant total de 1,038 millions d’euros) n’a pas été
encaissé par elle mais simplement transféré de l’actif net en compte de dettes, de sorte qu’il ne se
serait pas agi pour elle d’une rémunération. Toutefois, le fait que les sommes en cause n’aient
pas servi à rémunérer directement la société de gestion ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient
regardées comme une composante des frais de gestion, dès lors que les porteurs de parts,
auxquels elles revenaient en principe, en ont été privés à l’échéance du fonds.
26. Pour estimer que la société NAM avait commis les six manquements qui lui
étaient reprochés, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers s’est fondée
sur les deux séries de dispositions, respectivement présentées aux points 15 et 18, les unes
relatives à l’information délivrée par les prospectus de présentation des fonds, les autres relatives
au droit commun de la gestion collective, et en particulier au respect de l’intérêt des porteurs et à
l’interdiction de faire peser sur ces derniers des coûts injustifiés. Contrairement à ce qui est
soutenu, il résulte des points 15 à 25 que l’illégalité des pratiques de la société NAM, que celles-
ci fussent relatives aux commissions de rachat ou à la marge de structuration, pouvait être
immédiatement déduite des obligations énoncées dans ces textes, sans qu’il fût nécessaire
d’énoncer au préalable des « règles de comportement particulières ». Si par ailleurs la société
requérante soutient, à propos de chacune des deux séries de manquements en cause, que les
normes de comportement dont la commission des sanctions a fait application en l’espèce seraient
en rupture avec les « choix passés » du régulateur et n’auraient donc pas été prévisibles, elle se
borne, à l’appui de cette affirmation, à invoquer des textes définissant les fonds à formule, ainsi
que de simples articles ou rapports sans portée normatives, qui, en tout état de cause,
n’établissent pas l’existence d’une jurisprudence antérieure avec laquelle la décision attaquée
serait en rupture. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits
et des peines ne peut qu’être écarté en toutes ses branches.
N° 414659 - 13 -
28. Toutefois, d’une part, s’agissant de l’intérêt des porteurs, il résulte des
dispositions des articles L. 214-9 et L. 533-11 du code monétaire et financier ainsi que de
l’article 314-3 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers qu’une société de
gestion de portefeuille doit, lorsqu’elle effectue des opérations financières pour le compte
d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) qu’elle gère, tenir compte
du seul intérêt des porteurs de parts de chacun des OPCVM concernés, à l’exclusion d’intérêts
concurrents, divergents ou antagonistes, y compris ceux de la société de gestion elle-même ou
d’autres OPCVM dont elle assure la gestion. En l’espèce, la société requérante fait valoir, en
substance, que la constitution d’une provision, appelée « coussin », destinée à couvrir les risques
exogènes non couverts par la garantie des fonds, servait l’intérêt des porteurs. Un tel argument,
toutefois, est inopérant, dans la mesure où ce n’est pas le principe de ce « coussin » que la
commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a contesté, mais l’utilisation qui a
été faite de son reliquat, à savoir de la partie du « coussin » non consommée à l’échéance des
fonds en cause. En estimant que ce reliquat aurait dû être rétrocédé au fonds et non servir,
comme cela a été le cas, de rémunération complémentaire à la société de gestion, la formule,
ainsi qu’il a été dit, ne constituant pas un maximum légal de rémunération, la commission des
sanctions a fait une juste application du respect de la primauté des intérêts des porteurs
précédemment rappelé.
29. D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que les
porteurs ont à tout moment la possibilité de sortir du fonds, le principe de correcte information
des porteurs s’applique en tout état de cause à la période postérieure à la constitution du fonds et,
par conséquent, également aux rapports annuels des fonds.
30. Enfin, dès lors que, pour chaque période considérée, un même et unique
taux s’appliquait à tous les porteurs du fonds, le fait d’avoir fait varier au cours du temps le taux
de frais de gestion applicable aux fonds en cause ne portait pas atteinte au principe d’égalité
entre les porteurs. Si, en estimant le contraire, la commission des sanctions de l’Autorité des
marchés financiers a, ainsi que l’a relevé à juste titre la société requérante, porté une appréciation
erronée sur les faits de l’espèce, son argumentation sur ce point ne revêtait qu’un caractère
surabondant et est, par suite, sans incidence sur la caractérisation des manquements en cause.
de couvrir des risques non couverts par la garantie, dès lors que de tels risques, en l’espèce,
n’étaient pas avérés.
32. Aux termes du III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dans
sa rédaction applicable à la sanction en litige : « Les sanctions applicables sont : / a) Pour les
personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement,
le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services
fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions
peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le
montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits
éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la
personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ». Il résulte également des dispositions du
même article que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des
manquements commis et des avantages ou des profits éventuellement tirés de ces manquements.
34. Il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, ni de faire droit aux
conclusions de la société requérante au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative, ni à celles présentées par l’Autorité des marchés financiers.
DECIDE:
--------------
Article 1er : La sanction pécuniaire de trente-cinq millions d’euros infligée à la société Natixis
Asset Management, devenue la société Natixis Investment Managers International, est ramenée à
vingt millions d’euros.
N° 414659 - 15 -
Article 2 : La décision de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers est
réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision. La présente décision sera publiée sur
le site internet de l’Autorité des marchés financiers.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative sont rejetées.
Le président :
Signé : M. Jean-Denis Combrexelle
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Baptiste de Froment
Le secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain