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Littérature du Moyen-âge

helene.basso@univ-avignon.fr

Évaluation :
- Lundi 10 octobre/7 Novembre ( à redefinir ) Questions globales sur le texte, l'œuvre
(quand apparaissent telles ou telles fables, citations, style de l'auteur, ...)
- Lundi 12 décembre : Explication de texte

Le nom de l'ouvrage "le livre du voir dit" est un nom que Guillaume de Machaut veut
qu'on donne à son œuvre. Plusieurs indications sont présentes au sein du texte.
Dans le manuscrit on a une rubrique qui mentionné le titre "ici commence le livre du voir
dit" à la page 40. Cette formule est incorporée dans le texte à plusieurs reprises, on la
trouve par exemple à la page 74, au vers "ce livre que je compose pour elle, je veux qu'on
l'appelle voir dit". A la fin du texte à la page 569 : "Votre livre aura pour titre Le livre du
voir dit, et qu'ainsi je ne veux et ne dois pas mentir". Le fait que le titre soit présent à de
multiples reprises cela donne une dimension méta poétique au texte. Au récit s'ajoute un
commentaire sur son écriture, il explique pourquoi, comment et pour qui il le fait.
Si on lit la page 74, on voit que Guillaume de Machaut explique la nature de son livre qu'il
s'apprête à écrire.
Son titre n'est pas un "vrai titre". Il décrit son œuvre, son livre est un "dit". Le dit est un
genre littéraire et ce qui est dit est vrai. Il dit la vérité, c'est un livre avec des poèmes vrais.
On a une première occurrence "voir dit" et une deuxième "le voir dit". "voir" est un mot du
moyen français dont la traduction littérale est "vraie".
Le livre du voir dit = le livre du dit vrai.
Quand on utilise chacun de ces mots, ils ont une connotation spécifique.
Livre > origine matérielle, au manuscrit dans lequel l'œuvre intellectuelle est conçue.
Guillaume de Machaut dans ce texte nous propose une réflexion sur latéralité du livre. En
lisant le voir dit, Guillaume de Machaut nous explique comment on fabrique, on diffuse un
livre à l'époque. A l’époque, cette préoccupation de l'objet qu'est le livre n'est pas
courante.
Pour la période antérieure la transmission majoritaire de la littérature s'effectue à l'orale.
Elle n'est pas conçue pour être écrite dans un livre, elle est lue en public, à voix haute et
est souvent consignée bien avant la date de sa diffusion.
Le roman est un genre fait pour être écrit, l'écriture est confiée à un copiste, l'auteur à
l'époque n'écrit pas. Guillaume de Machaut au XIVe siècle écrit un texte, le conçoit
d'emblée comme devant être consigné dans un livre. Il prend soin de le faire copier, il se
préoccupe de la fabrication du manuscrit.
Pour le livre du voir dit, Guillaume de Machaut collecte différent document que lui-même
a composé pour la dame qu'il aime. A la page 201 il nous explique comment il intègre ses
lettres dans son œuvre.
Le texte de Guillaume de Machaut date de 1364. Eustache Deschamps ne parle pas du
"dit" mais définit uniquement les poèmes lyriques. Le dit sera caractérisé non pas grâce à
une théorie que les médiévaux auraient formulé, mais en observant les caractéristiques
communes des textes qui se définissent comme des dits. C'est un texte qui est "dit", il
n'est pas chanté, c'est une façon de faire la différence avec un poème lyrique.
Guillaume de Machaut met en avant les poèmes lyriques écrits sans musique. Il écrit
d'abord le texte et ensuite ajouté de la musique. Cela n'est pas systématique, d'emblée ce
n'est pas un poème qui est chanté. Le deuxième critère porté sur une pièce qui joue de la
discontinuité. Cela s'oppose au roman. La plupart des dits combinent des textes de
nature différente. On aura une œuvre hétérogène, on aura un récit, une narration et à
l'intérieur de celle-ci des poèmes lyriques sont insérés. L'important c'est que le fil narratif
est cassé.
On peut aussi le présenter comme un assemblage de parties. Le dit est un texte qui joue
de la discontinuité.
Dans le livre du voir dit, on a un récit en vers, écrit en octosyllabes à rimes plates. On a un
prologue méta poétique. Les lettres sont aussi en proses. On peut également trouver des
poèmes lyriques, des rondeaux, balades, ou chansons baladées, ou encore des lais. Dans
le détail, la chronologie est rompue. Le récit à certains moments s'arrête pour qu'on
puisse lire le poème composé par Guillaume de Machaut à sa dame.
Le livre du voir dit se structure en deux phases dans le texte. On a une phase ascendante
qui correspond au début du texte et qui culmine avec l'épisode appelé "la nue de venus".
Puis on trouve une seconde phase descendante qui mène jusqu'à la fin. Chacune de ces
phases se décomposent en cinq moments (il faut essayer de les repérer).
Chaque moment est introduit par l'arrivée d'un messager (un ami proche de Guillaume de
Machaut, un messager anonyme, ...) qui vient lui apporter une lettre, un poème, un
message de la part de la dame. Il y a cinq temps, un ami vient lui apporter quelque chose
qu'il a entendu dire ou envoyer de la dame. L'architecture du livre est extrêmement
savante.

Guillaume de Machaut :
Son nom apparaît dans un rondeau à la page 784, il est présenté comme écrit par la
dame. Quand elle présente ce rondeau au poète, elle lui précise. Guillaume de Machaut a
composé lui-même un poème à l'intérieur duquel le nom de la dame est crypté aussi :
"Cinq, sept, douze, un, neuf, onze et vingt".
Quand il envoie des lettres, il signe toujours "ami". Dans Le Livre du voir dit, il cite le nom
de certaines de ses œuvres composées avant qu'il rencontre la dame.
Il mentionné aussi son protecteur (p187) seigneur au service duquel il est engagé, il s'agit
de Charles (= Duc de Normandie) vers 1672 jusqu'au vers 1676. Il s'agit du Dauphin, un
des fils du roi Jean II. Il sera destiné à occuper le trône (futur Charles V).
Tous ces effets de réel, ne doivent pas nous faire confondre le texte avec une
autobiographie. Il dresse de lui-même des autoportraits qui sont moins réalistes que
symboliques. En effet, ce trait relève de la caractéristique des dits, de leur tradition. Dans
les dits, il s'exprime à la première personne du singulier. Il fait le portrait de lui-même qui
est une autocaricature. Le poète se met en scène (= mise en scène fictive destinée à faire
rire). Dans la tradition des dits, le poète parle de lui-même.
A la page 79, comment le poète se décrit : "j'étais en effet devenu sourd, abruti, muet,
impotent, du fait que la joie m'avait absolument quitté et mis en oubli." On a l'évocation
de son état, antérieur à l'arrivée de la dame dans sa vie. Ce premier portrait renvoie à un
état maladif. Ce portrait est renouvelé à la page 150, où il parle de lui tel qu'il est au lieu
de parler de lui au passé. Le texte au moyen français au vers 151 de la version traduite :
"je suis petit, gauche, sot et fruste, et il n'y a en moi ni intelligence, ni vertu, ni mérite, ni
beauté qui puissent obliger vos doux yeux à me discerner et à me regarder. Et je ne suis
pas davantage digne de m'intéresser à vous, et votre noble cœur pourrait s'indigner
contre moi et se repentir du doux bien que vous m'avez fait et faites tous les jours, alors
que je ne vous aie jamais vue."
Le portrait est peu flatteur, il y a des disgrâces physiques qu'il vient associer à des déficits.
Ces effets dépréciatifs posent la singularité du poète.
Dans la traduction, l'amant doit toujours être dans une situation sociale inférieure à celle
de la dame, pour ne pas obtenir ses faveurs uniquement du fait de sa supériorité.
L'humiliation est donc une stratégie destinée à valoriser sa dame, et à faire de son amour
un véritable miracle. La dame ne pourrait pas aimer Machaut vu le peu de mérite qu'il a.
Or, elle l'aime. On a le champ lexical du miracle dans le texte et tout ce qui associé la
dame à une Sainte.
- La nature de ce jeu qui assume un dit. Ce jeu prend en charge le dit est toujours celui
d'un clerc écrivain. Celui qu'on nomme ainsi est celui qui possède le savoir. Il y a toujours
une dimension didactique, ils enseignent quelque chose. Guillaume de Machaut cesse à
certains moments de raconter son amour pour faire des digressions, qui ont une valeur
didactique. A la page 107, au vers 880 et suivants, Guillaume de Machaut explique le bien
que lui a procurer sa dame : "la belle me purifia de tous vices de santé ; bien plus, elle me
rendit la joie de vivre. Et elle ne faisait pas commerce de sa peine, mais agit par pure
générosité, en dame éduquée à donner libéralement, et qui me vint en aide aussi
noblement et de sa propre initiative, car je n'avais jamais pensé à elle quand elle me remit
en train."
A la page 135, Guillaume de Machaut explique que sa dame est tombée amoureuse sans
jamais l'avoir vu. Si jamais le lecteur était surpris, Guillaume de Machaut entreprend de lui
expliquer : "nul doute pour moi à ce sujet - chez tel qui jamais ne vit ni ne verra quoi que
ce soit de ce manège".
Guillaume de Machaut explique comment l'amour peut naître de la seule renommée sans
que les amants ne se soient jamais vus.
Fonctionnement des dits - deux types :
- Collage -> Intégré dans un récit des poèmes, ils apparaissent alors comme des citations.
Ils sont empruntés à des auteurs divers. Ils peuvent être cités de façon partiel (=
fragments), sont souvent empruntés à des poèmes célèbres. Le lecteur peut les
reconnaitre. Les poèmes lyriques dans ce type de dits servent alors de pause
- Montage -> opposé au collage. Les poèmes sont insérés dans le récit, ils doivent être
considérés comme la matrice du texte. Ce qui est premier dans l'élaboration du texte.
Le prolongement des thématiques, des images présentes dans le poème. Le récit est le
déploiement des poésies. Dans ce cadre-là, quand les poèmes sont utilisés comme une
matrice du texte, ils sont toujours utilisés en entier. Leur auteur est aussi celui du dit. Les
poèmes font entendre la voix d'un "je", qui est la même personne que le récit. Le récit
explicite les circonstances dans lesquelles les poèmes ont été composés, éventuellement
les techniques qui ont été utilisées. Le but ici, n'est donc pas de divertir (différence avec
le collage), le texte fait réfléchir sur les procédés d'écriture, les enjeux de la composition.
Le Livre du voir dit relève du deuxième type, les dits sont composés selon la technique de
montage, puisqu'on y trouve des poèmes de Machaut et de sa dame, des commentaires
sur leur composition. Dans ces commentaires, on trouve, par exemple, des explications
sur le moment où Guillaume de Machaut les a écrites ; comme à la page 347 : "Mais alors
ma dame, qui autorité a sur moi et me demanda de lui réciter quelque pièce où d'en
composer une nouvelle ; et je composai ceci, qui était nouveau, selon ses très doux
ordres". Sa dame vient de lui demander une balade.
A la page 372 dans une lettre, Guillaume de Machaut, présente une pièce : "je vous envoie
un rondeau, composé le jour et à l'heure où fut composé le virelai que vous m'avez
adressé, et c'était au moment où la déesse fit le miracle".
A la page 573 : Guillaume de Machaut doit composer une balade en écho à celle que son
rival a écrit. Il y a une rivalité entre compétiteur. Guillaume de Machaut écrit une balade
pour rivaliser avec celle de Thomas (nom) : "par ce même messager je vous envoie la
ballade de T. Payen et le réplique que je lui donne, réplique que je fis dans l'instant même ;
hélas pour moi, il composa sa ballade le premier, et il prit toute la graisse du pot,
s'appliquant à cette besogne de toute sa force, et je ne composai ma ballade qu'après lui :
vous en jugerez, si vous voulez bien ; mais en vérité il avait - et de très loin - l'avantage
sur moi. Mais cela ne m'empêchera pas d'en composer la mélodie ; cependant ne donnez
ses pièces à personne, je vous en supplie."
Il écrit pour répondre à cette sorte de défi que lui a proposé un autre poète.
Des indications sur la qualité des poèmes écrits peuvent s'ajouter > remarques subjectives,
à la page 129, qu'il présente comme un très bon rondeau.
A la page 55, Guillaume de Machaut va juger les poèmes.
Son nom vient du petit bourg de Champagne où il vivait. Il a poussé assez loin ses études.
Il a suivi un cursus universitaire, certains de ses textes le mentionne comme maître. Il est
clerc et son érudition, très grande, est perceptible dans son œuvre. Le livre du voir dit en
est une bonne illustration. Dans le Livre du voir dit, Guillaume de Machaut se permet de
faire des digressions à valeur didactique. Elles lui permettent aussi d'exposer un récit
mythologique. Il s'appuie sur un texte appelé l'Ovide moralisée, c'est une version
médiévale des Métamorphoses où le texte d'Ovide est repris. On y rajoute une glose qui
permet d'en faire des textes édifiants. On ne sait pas si Guillaume de Machaut a connu le
texte d'Ovide lui-même, ou s'il a plutôt utilisé la version médiévale. On pense qu'il aurait
utilisé l'Ovide moralisée pour son œuvre. A la page 493 : le passage est intégré dans un
discours tenu par un personnage remarquable.
Il obtient la charge d'un canonical à Reims. En 1337, il ne peut plus suivre Jean de
Luxembourg, il se sédentarise. Quand Jean e Luxembourg meurt en 1346, Guillaume de
Machaut va chercher d'autres protecteurs, il se lie d'abord à un personnage : le roi de
Navarre. Il écrit pour lui explicitement deux textes, un premier : Le Jugement du roi de
Navarre, qu'il compose en 1349. C'est un texte fait pendant un dit que Guillaume de
Machaut avait composé en l'honneur de Jean de Luxembourg. Le deuxième est le Confort
d'ami, où il cherche à consoler le roi de Navarre en 1357. Charles, roi de Navarre, Charles
le Mauvais, est à l'origine de nombreux troubles. Il a cherché à s'approprier la couronne.
Avec son statut malveillant, Guillaume de Machaut se détourné de lui et cherche des
appuis auprès de la famille royale. Il offre un texte à Jean Duc de Berry. C'est pour lui qu'il
écrit le fameux dit de la Fontaine amoureuse. Puis, ultérieurement, on le voit dans Le Livre
du Voir Dit. Il déclare être attaché au Dauphin Charles. L'œuvre de Guillaume de Machaut
a été mise dans un unique manuscrit, dont lui-même a dirigé la copie. Ce manuscrit a été
nommée le "manuscrit des œuvres complètes". Il y fait allusion dans Le Livre du Voir Dit.
On est au XIVe siècle, autour des années 1360, on ne dispose pas d'un vocabulaire méta
poétique précis pour décrire l'activité poétique : "je fais un poème". Il n'existe pas d'autres
verbes plus précis. Il ne va présenter son manuscrit d'œuvres complètes en tant recueil. Il
le désigne comme périphrase suivante : "le livre où je mets toutes mes choses". A la page
189 : "Mon livre où se trouvent toutes les œuvres que j'ai écrites depuis les origines ; mais
il est formé de plus de vingt fascicules, que j'ai fait copier pour un de mes seigneurs".
Le Livre du Voir Dit doit être inséré dans le manuscrit des œuvres complètes. Ce fameux
livre comprend des pièces musicales, des poèmes lyriques d'inspiration courtoise (= la
louange des dames), ballades, virelais, rondeaux. Ces poésies préexistent avec Guillaume
de Machaut. Il a contribué à bien mieux les définir, donne une rigueur nouvelle, propose
des techniques de versification.
Les lettres en prose fonctionnent comme des récits testimoniaux. Le Livre du Voir Dit est
donc un test somme, qui illustre la palette de talent de Guillaume de Machaut. Il apparaît
au sein du manuscrit comportant l'ensemble des textes de Guillaume de Machaut.
L'écriture du Livre du Voir Dit est soumis à un certain nombre de code esthétique,
poétique que le poète respecte ou subvertit. Pour en citer un : la tradition à laquelle se
rattaché Le Livre du Voir Dit est la tradition courtoise, la dame y est parfaite. Elle est
objet d'amour du poète. Elle est présentée comme parfaite. Elle l'est au début, elle l'est à
la fin. Mais, au centre, on découvre une personne plus nuancée. Elle est audacieuse, plus
audacieuse qu'hautaine. Elle prend souvent l'initiative de rencontre amoureuse.
Guillaume de Machaut a contrôlé la copie et a demandé aussi que ses œuvres soient
écrites dans un certain ordre.
Guillaume de Machaut dispose ses écrits selon un ordre signifiant. Il regroupe les
différentes pièces en fonction du genre auquel elles appartiennent, mais il va également
placer l'un à côté de l'autre des textes entretenant des correspondances, des échos. Pour
mesurer ce phénomène on évoquera deux dits :
- Le Jugement du Roi de bohème (1342).
- Le Jugement du Roi de Navarre (1349).
Sept ans séparent la composition des deux dits, entre temps, il écrit d'autres oeuvres. Or
ici, il choisit de les regrouper car elles fonctionnent en écho par rapport à l'autre. Le
deuxième dit se présente comme une réponse, reprise du Jugement du Roi de bohème.
Le poète surprend un débat entre une dame et un chevalier. La dame dont un ami est
mort et le chevalier qui a été trahi par son ami. Qu'est ce qui est le pire ?
Le narrateur requière l'avis du Roi de bohème et il pense que c'est le chevalier, qui a éré
trahi qui est le plus malheureux.
La dame juge le texte misogyne, le Jugement du Roi de bohème, et Guillaume de
Machaut doit écrire un nouveau dit qui ne fasse pas offense à la dame. Il en écrit un
nouveau en 1349, le Jugement du Roi de Navarre.
A retenir :
> Le manuscrit des œuvres complètes est construit selon un ordre signifiant, il prévoit
qu'on lise son manuscrit dans l'ordre prévu.
Ce Livre du Voir Dit figure après la louange des dames. Le Livre du Voir Dit apparaît
toujours de cette façon dans le manuscrit des œuvres complètes.
Ce dernier a été composé avant le Livre du Voir Dit, autour de 1356. Il existe des
manuscrits des œuvres complètes qui ont été composés avant le Livre du Voir Dit, mais
qui comporte la louange des dames. C'est une donnée fondamentale, car elle permet de
démystifier l'artifice qui préside à la composition du Voir Dit. Le Livre du Voir Dit se
présente comme un texte entrain de s'écrire. Guillaume se présente comme entrain
d'écrire, de retranscrire au jour le jour les épisodes d'une aventure amoureuse. Il intègre
au fur et à mesure les poèmes composés en l'honneur de sa dame.
Le récit est là pour expliquer les conditions dans lesquelles le poème a été produit, les
raisons qui l'ont poussé à composer, la date d'écriture.
On peut citer : Poème pages 180-182, Guillaume de Machaut déclare qu'il entreprend un
voyage pour voir la dame : "Je décidai de m'y rendre pour m'acquitter de mon vœu, et,
sous le couvert de cette chevauchée, de voir la douceur de son visage, de ses yeux, la
grâce des atours dont elle revêt son noble corps façonné au tour, dont je possède l'image
belle et distinguée, qui me fait connaître la paix et la joie, me rend toute ma vigueur par la
constance de son amour, et me permet de parler et de vivre, et de composer cette œuvre
par amour pour elle. Mais avant de partir, il me fallait lui écrire une lettre d'humble
remerciement pour son doux portrait, qui sans comparaison surpasse les saints pour
guérir mes maux. Je m'habillai de mes vêtements les plus beaux et les mieux faits, en vue
de ce voyage que je désirais cent fois plus que je ne saurais vous dire. Mais j'ajoute
qu'avant de partir je fis cette ballade de plaisante et savoureuse inspiration ; j'en inclus le
texte dans la lettre, ce qui causa une grande joie à ma dame". Immédiatement après,
figure une ballade dont le refrain est en correspondance avec le projet du voyage. Or,
certains de ces poèmes sont présents comme liés à l'aventure avec la dame. Les poèmes
ne sont pas des œuvres originales. Ils ont été récupérés de l'anthologie lyrique.
Il y a une ballade testamentaire dans laquelle Guillaume de Machaut déclare, au début du
texte, qu'il a été extrêmement souffrant et qu'il a pensé mourir. Il demande aux dames de
se vêtir de noir. La ballade est écrite avant le Livre du Voir dit, il pensait à ce moment qu'il
allait mourir. Il possède donc cette ballade, il annonce à sa dame qu'il va lui envoyer :
Lettre 2, page 79.
La ballade testamentaire redevient actuelle parce que sa dame l'a laissé. C'est pourquoi il
l'insère à la page 89, on lit "Je n'avais ni joie ni agrément, et je disais souvent : "hélas !", en
cachette, et dans mon lit ; bref, Privé de joie et de plaisir, je n'avais pas un seul jour
heureux, ni même la moitié d'un jour."
Comme le manuscrit des œuvres complètes, on a lu les œuvres insérées dans le Livre du
Voir Dit.
Guillaume de Machaut essaye de créer l'illusion de vérité dans le Livre du Voir Dit.
Théoriquement Guillaume de Machaut utilise le récit pour authentifier les pièces, pour
dire dans quel contexte elles ont été produites. Le deuxième principe pour créer une
impression de vérité qui se révèle être illusion est l'insertion de lettres dans le Livre du
Voir Dit.
La lettre au XIVe siècle :
Au Moyen-âge, on ne connaît pas le roman par lettres, épistolaire. Ce n'est pas une
catégorie pertinente. La lettre à l'époque de Machaut est véritablement perçue comme
un document. La lettre a une valeur de "témoignage". Au XVIe siècle, la prose est
destinée aux actes juridiques et aux textes édifiants. Les récits sont plutôt en vers. La
prose est destinée aux écrits qui disent la "vérité". L'insertion de lettres dans un dit
constitue donc une vraie singularité. Cette originalité est justifiée au nom de la vérité que
transcrit le texte. Guillaume de Machaut défend son choix d'insérer les lettres dans
plusieurs passages méta poétiques. Les lettres sont là parce qu'il faut dire la vérité, elles
sont les preuves que ce qui est raconté est authentique. Ce processus est infléchi par
l'utilisation qu'en fait Guillaume de Machaut. Les lettres sont disposées en désordre, elles
ne sont pas insérées dans le texte au moment où elles sont composées, envoyées ou
reçues. Dans la lettre 4, à la page 126, Guillaume de Machaut remercie sa dame parce
qu'elle lui a envoyé une bague qui est son cadeau.
Ce qui intéresse Machaut dans son œuvre, c'est de parler, en premier lieu, de son travail
littéraire. Cela lui permet de montrer qu'un dit est toujours un travail de recomposition,
même si on voulait citer les documents, il y a toujours un travail de réel abortion
nécessaire, impossible de retranscrire la réalité. Sa dame est profondément affectée
parce qu'elle ne recontextualise pas la lettre.
Celui qui prétend tout dire, décrire tous les sentiments qui l'ont traversé n'est pas
forcément une réalité audible pour l'autre. Quand il envoie la lettre, il l'envoie tard. Il lui
fait du mal pour rien, car leur relation a changé. Sa dame souffre, elle ne comprend pas la
lettre de Machaut.
Le désordre apparent permet à Guillaume de Machaut de créer un autre ordre que celui
imposé par la chronologie. Ce désordre correspond à une autre composition du texte.
Comme exemple, on cite la lettre 4, qui intervient trop tôt. Cette lettre 4 est mal insérée
par rapport à la chronologie. En revanche, elle est parfaitement insérée si on s'intéresse
aux effets d'harmonie, de mise en consonance du récit. Guillaume de Machaut crée un
nouvel ordre, un ordre poétique et fait émerger ce qu'il considère comme une vérité.
Au Moyen-âge, il existe trois musiques :
1°/ Musique des sphères > Explique le fonctionnement du cosmos, mouvement des
planètes censés créer une musique.
2°/ Musique instrumentale > Jouée sur un instrument, créée avec des mots.
3°/ Musique humaine > Équilibre du corps et de la personne. On est en bonne santé
quand tout est bien accordé en nous. Quand un poème procure de la joie. Quand une
musique nous plait, c'est que la musique du temps entre en concordance et régule le
fonctionnement du corps. Équilibre entre l'homme, le corps et l'esprit.
Les poèmes présentés comme contemporains sont en fait antérieurs à la conception de
son œuvre. Boss philosophe a écrit un traité sur la musique.
Dans le dit, on entend une harmonie et on comprend que le narrateur, Guillaume de
Machaut, est proie de doutes, Toute Belle est sûrement infidèle. On ne peut pas savoir si
elle est constante ou si elle a trompé Guillaume. Le texte fonctionne à partir d'une tension
et une visée harmonique. Le sujet, Guillaume de Machaut, décide de croire qu'elle est
fidèle pour créer un poème.
Aux pages 523, 568 on a l'image du ménestrel.
Guillaume de Machaut se compare au ménestrel : "je ressemble au ménestrel qui chante
sur la place, alors qu'il n'y a plus affligée que lui."
Guillaume s'étonne de la tension qu'il peut exister entre l'état du ménestrel et le fait qu'il
chante, la chanson étant supposée produire de la joie. Même s'il est malheureux, il arrive
à écrire, cela lui est difficile de composer mais il y parvient. Le prologue général résout
cette antithèse : Il est triste, le fait de composer de la poésie lui procure de la joie. Même
s'il souffre, le fait de composer le rend joyeux et annule la douleur provoquée par un
sentiment décevant.
La fameuse ballade que Guillaume de Machaut offre à Toute Belle, a été composée
lorsqu'il était sur le point de mourir et demandé à toutes les dames dont il a fait la
louange de s'habiller en noir.
L'amour de la poésie prime sur l'amour vécu, pour Guillaume de Machaut, composer est
plus important qu'aimer ou être aimé. Il a besoin d'amour parce qu'il a besoin de chanter
en fonction de la norme courtoise établie par la poésie lyrique. Il a besoin d 'amour pour
que son dit puisse entrer dans la tradition. Dès la première lettre que Toute Belle envoie
au poète, on voit de façon réciproque que ce qui prévaut à ses yeux c'est le goût de la
poésie.
Dans la première lettre, Tout Belle souhaite obtenir de lui des poésies, avant même de
l'avoir vu. Elle lui passe la commande d'un virelai.
Elle ne sollicité pas une rencontre, mais d'écrire sur un sujet précis, et de composer de la
musique. L'échange de poésie, l'envoie du livre se substitue aux rencontres directes de la
dame.
A la page 125, il lui envoie un livre. Il dit qu'il ne peut pas se rendre auprès de la dame
pour l'instant, et que s'il parvient à trouver un itinéraire sûr, il viendra la voir. Il ne peut
pas se déplacer mais quelque chose se déplace pour lui, le livre (= métonymie du poète).
Pag 129 > "Soyez assurée aussi que si je possédais aussi votre doux portrait, après Dieu et
vous-même, je l'aimerais, le servirais, lui témoignerais ma soumission ; et je composerais
mainte poésie nouvelle en votre honneur et au sien."
La poésie dans le Livre du Voir Dit résiste à la désillusion et à la perte de l'amour. La fin
du texte célèbre leur réconciliation, elle est entièrement construite sur le terme d'accords.
Il joue des paronomases, il y a de très nombreuses rimes équivoques.
Exemple : Cordelle VS corps d'elle = Syntagmes homophones.
C'est une prouesse stylistique qui fait apparaître l'accord, qui fait jaillir l'harmonie entre le
fait de raconter et la beauté de la dame. L'harmonie entre la beauté des voix, la beauté
du lien amoureux, ... Tout est lié. Dans cette dernière référence, ce dernier passage,
Guillaume de Machaut la présente comme femme qui chante, danse. Tout passe en son
corps qui danse. Elle surpasse tout, tout est oublié.
A la page 575, il chiffre le nom de la dame : R,E, N, O, P = Péronne

Dans le prologue, on écrit pour obéir à un seigneur, ou une instance supérieure. Le but, ici,
est toujours de dissimuler le désir qu'un poète aurait de composer un texte ce n'est jamais
un critère suffisant pour écrire.
Dans la tradition courtoise, la louange de l'amour est ce qui apparaît aux premières lignes.
Il construit une image idéalisée de la dame.
L'éloge dithyrambique puis suivie d'une excuse pour son incapacité.
Guillaume de Machaut explique qu'il n'a pas les qualités nécessaires pour traiter son sujet.
Il s'excuse pour son absence de talent. Dans le prologue, on a une histoire d'amour et un
traité.
Toute Belle a demandé à Guillaume de Machaut de tout dire de leur aventure et e récit se
doit d'obéir à cette nouvelle attente posée par la dame.

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