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Appel à contribution pour la revue L’Homme et la Société

Les psychanalyses ?
Actualités épistémiques, politiques et praxiques
Laurie Laufer IHSS, CRPMS, Monique Selim CESSMA
Université Paris-Cité

« Tous ceux dont la profession consiste à s’intéresser au discours


de l’autre se trouvent à un carrefour politique et micropolitique
fondamental. Ou bien ils vont faire le jeu de cette reproduction de
modèles qui ne nous permettent pas de créer de sorties pour les
processus de singularisation, ou bien, au contraire, ils vont
travailler pour le fonctionnement de ces processus dans la mesure
de leurs possibilités et des agencements qu’ils réussiront à faire
fonctionner. Cela veut dire qu’il n’y a aucune objectivité
scientifique dans ce champ, ni même une supposée neutralité dans
la relation, comme la supposée neutralité analytique ».

Guattari, Félix, et Rolnik, Suely, 1986, Micropolitiques, traduit du


portugais (Brésil) par Renaud Barbaras, Paris, Les empêcheurs de
penser en rond / Le Seuil, 2007, p.43

Comme toutes les sciences sociales et les humanités, la psychanalyse est aujourd’hui remise en
cause dans sa prétention à l’universalité : les mobilisations féministes, queer et LGBT,
décoloniales et anti-racialistes, pour ne citer que quelques mouvements majeurs, revendiquent
toutes la dimension située de la production des savoirs et des connaissances et obligent
désormais à penser au pluriel. Les psychanalyses sont donc de façon récurrente déterminées,
requalifiées en psychanalyse féministe, queer, décoloniale, contemporaine, foucaldienne etc.
sans pour autant d’ailleurs réussir à extirper un culturalisme persistant emprunté à
l’anthropologie de la première moitié du XXème siècle. Ces « psychanalyses » émergent de
surcroît dans leur association à une multitude de pratiques thérapeutiques qui semblent
hétérogènes, s’émancipant du dogme psychanalytique freudien autant que lacanien. Ces
« psychanalyses » mettent en perspective, à nouveaux frais, l’unité supposée de la
psychanalyse.
A ces critiques légitimes qui imposent la diversité des postures, des perspectives et des
interprétations, s’ajoute l’ensemble des impositions et des injonctions normatives qui entendent
au nom de l’éthique et de l’expertise redéfinir les pratiques : technicisations, évaluations et
protocoles multiples s’évertuent de circonscrire la pratique du psychanalyste. Le débat a ainsi
porté voilà quelques années sur la nécessité de renforcer le cadre d’intervention du clinicien et
d’affirmer ses compétences sanctionnées par des diplômes, aboutissant à des législations
contestées par beaucoup. La tension a été manifeste entre un pôle aspirant à plus d’encadrement
et l’autre soulignant l’importance de l’indépendance complète du thérapeute, y compris dans sa
formation initiale. Ces processus de normalisation des exercices de la psychanalyse s’inscrivent
dans les évolutions néolibérales du capitalisme et se définissent majoritairement par leur
caractère numérique. Elles rendent de plus en plus difficile la pratique de la psychanalyse
marquée dès l’origine par l’extrême liberté et les innovations permanentes de ses acteurs, sans
cesse en « réinvention » selon l’expression de Lacan. La moralisation générale (L’homme et la
société no 216 Actualités de la moralisation du capitalisme) qui imprègne la société présente
et limite drastiquement tous les types de relation interpersonnelle en particulier dans les
pratiques professionnelles, obligeant à des conditionnalités plurielles et marquées par la hantise
de la domination, se révèle autant dans les sciences sociales que dans les psychanalyses.
Cet appel de la revue L’Homme et la Société - qui a pour ciment un antinaturalisme
fondamental - souhaite appréhender les changements qui affectent les savoirs regroupés dans
la matrice psychanalytique et interroger les transformations de la position du psychanalyste :
qui est-il ou peut-il être pour prétendre être en droit de s’adresser à qui, selon une logique des
profils et des identités qui innerve notre présent ? Comment éliminer la domination dans le
cadre d’une asymétrie structurelle des protagonistes ? Quelle est maintenant « la nature du sujet
psychique » s’il existe ? Comment imaginer la/les cliniques ?
Les questionnements portent sur les implications et les interrelations praxiques, sociales et
politiques des psychanalyses autant que sur les paradigmes épistémologiques et épistémiques
qui sont en jeu selon des modalités plus ou moins (in)conscientes. On souhaiterait en outre que
les articles adjoignent aux réflexions théoriques l’analyse de pratiques cliniques et
professionnelles à travers des situations concrètes. Dans cette optique seront bienvenu.es les
auteur.es qui exposeront aussi des usages de la psychanalyse dans d’autres champs socio-
professionnels tels le travail social ou la formation. Des reformulations de ces questions et des
perspectives sont attendues de toutes celles et ceux qui - relevant des champs des psychanalyses,
des sciences humaines et sociales, de la société civile - s’efforcent de mieux comprendre les
mutations des sociétés actuelles, de leurs logiques cognitives et de leurs configurations idéelles.
Des optiques comparatives avec des disciplines des sciences sociales seront appréciées dans la
mesure où les mêmes prescriptions normatives sont partout à l’œuvre, toujours justifiées par le
respect moral des personnes, l’objectivité et la neutralité scientifiques. On pense en particulier
à l’anthropologie qui a fait l’objet d’innombrables réflexions croisées avec la psychanalyse, le
psychanalyste et l’anthropologue ayant en commun d’être seuls face à un/des autres dans une
autonomie aujourd’hui sérieusement mise en péril.

Les propositions d’articles sous forme de résumés sont attendues pour le 31 mars 2024. Les
articles devront être écrits pour le 1er septembre 2024.

à envoyer à laurie.laufer@wanadoo.fr et monique.selim@ird.fr

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