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136 | LA CARTE ET LE TERRITOIRE |

Familles monoparentales, la fragilité en plus


PAR CAMILLE L’HOUR, CHARGÉE DE L’OBSERVATION ET DE L’ANALYSE STATISTIQUE
ET FLORENTIN JOGUET, CARTOGRAPHE, DIRECTION PROSPECTIVE DU DÉPARTEMENT DE LOIRE-ATLANTIQUE (SERVICE OBSERVATION)

Si leur proportion en Loire-Atlantique reste légèrement inférieure au pourcentage


national, les familles monoparentales y représentent une famille sur cinq. Reflet
des évolutions sociétales, ces familles vivent majoritairement dans les centres
urbains (agglomérations nantaise et nazairienne). Elles sont également les plus
fragiles en matière de logement, d’emploi et de revenus.

Au cours du demi-siècle dernier, la composition des


familles a connu des évolutions remarquables : auparavant DES FAMILLES D’ABORD EN VILLE
nucléaire, composée d’une mère, d’un père et de leur(s)
enfant(s), la structure familiale a été réinventée, qu’elle En 2015, 37 8004 familles de Loire-Atlantique sont mono-
soit recomposée, monoparentale ou homoparentale. Les parentales5, soit l’équivalent de la population des com-
mouvements de lutte de mai 68 et les lois promulguées munes de Vertou et Pornic réunies. La carte ci-contre pré-
dans les années 1970 ont joué un rôle important dans sente, au travers des cercles proportionnels, le nombre de
cette évolution. Pour François de Singly, sociologue de la familles monoparentales par commune. Sept communes
famille, mai 68 est « un mouvement antiautoritaire por- en accueillent plus de la moitié : Nantes et cinq autres
teur d’une révolution familiale » qui conteste le rôle du communes de son agglomération (Saint-Herblain, Rezé,
père tout puissant. Saint-Sébastien-sur-Loire, Orvault et Vertou) ainsi que
Il faudra attendre 19701 pour que la loi établisse l’égalité Saint-Nazaire.
de la mère et du père au sein de la famille, avec l’aban- Ainsi, à elle seule, l’agglomération nantaise rassemble plus
don de la notion de chef de famille, et 19722 pour qu’en- de la moitié (55 %) des familles monoparentales. En com-
fants légitimes (nés dans le mariage) et naturels (nés hors paraison, 44 % de l’ensemble des familles6 du département
mariage) disposent des mêmes droits. Enfin, avec la loi y vivent. En deuxième place, la communauté d’agglomé-
du 11 juillet 19753, le divorce par consentement mutuel ration de la région nazairienne et de l’estuaire (Carene)
devient possible. S’ensuit alors une multiplication du accueille 11 % des familles monoparentales (contre 9 %
nombre de divorces, entraînant de nouvelles unions – de l’ensemble des familles de Loire-Atlantique).
familles recomposées – et l’augmentation du nombre de En 2015, la part des familles monoparentales est légère-
familles monoparentales, situation auparavant principale- ment plus faible en Loire-Atlantique qu’au niveau natio-
ment liée au décès de l’un des parents. nal. Elle s’établit en effet à 20 % de l’ensemble des 192
De plus en plus nombreuses aujourd’hui, ces familles 000 familles avec enfant(s) de moins de 25 ans contre
monoparentales ont été particulièrement mises en avant 23 % en France métropolitaine.
depuis le début du mouvement des Gilets jaunes : avec Certaines communes s’illustrent par un poids impor-
des emplois souvent précaires, un chômage plus fréquent, tant de familles monoparentales – elle apparaissent en
des conditions de logement plus fragiles, ces familles rouge sur la carte. C’est le cas de Saint-Nazaire (avec la
monoparentales sont donc directement concernées par les part maximum de 33,4 % de familles monoparentales),
dispositifs sociaux. Mais quelles sont ces familles, et com- puis, dans l’ordre décroissant, Le Pouliguen, Rezé,
ment se répartissent-elles en Loire-Atlantique ? Nantes, Paimboeuf, Châteaubriant, Saint-Nazaire et
§
du Département

Les
Les familles
familles monoparentales
monoparentales en
en 2015
2015

Châteaubriant

Ancenis-
Saint-Géréon
Saint-Nazaire

Nantes

Pornic

Clisson

0 10 20 km

Nombre de familles monoparentales Part des familles monoparentales


10 dans l'ensemble des familles avec enfant(s)
100 Moins de 15 %

1 000 de 15 à moins de 25 %
25 % et plus

Non renseigné
10 000
Cartographie © avril 2019
Réalisation : Service observation
Fonds de carte : Geofla ® IGN
Source des données : INSEE - RP2015
La Baule-Escoublac : plus d‘un quart des familles avec familles monoparentales bénéficient du Revenu de solida-
enfant(s) y sont des familles monoparentales. rité active (soit 8 700 familles) contre seulement 2 % des
Les communes représentées en orange se rapprochent couples avec enfant(s)8. Q
de la moyenne départementale, avec une proportion de
familles monoparentales comprise entre 15 % et moins de Pour prolonger ce portrait social, à lire sur l’Observatoire de Loire-Atlantique : http://bit.ly/2XqZUE3.
25 % de l’ensemble des familles avec enfant(s). Elles sont
localisées sur le littoral, de Assérac à Donges au nord de la
Loire et de Saint-Brévin-les-Pins aux Moutiers-en-Retz au
sud de la Loire, dans les autres communes de l’aggloméra-
tion nantaise avec une diffusion dans le vignoble, jusqu’à 1. Loi du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale.
Clisson, et dans les communes du nord du département, 2. Loi du 3 janvier 1972 sur la filiation.
entre Guémené-Penfao et les Vallons de l’Erdre. 3. Loi portant sur la réforme du divorce.
4. Source : recensement de la population 2015, Insee.
Dans les autres communes (en jaune), leur part n’atteint 5. Sont considérées comme familles monoparentales les familles composées d’un adulte et
pas 15 %. Le minimum est atteint sur les communes de d’au moins un enfant de moins de 25 ans, qui résident seules dans leur logement. Le recensem-
Besné et Sainte-Anne-sur-Brivet avec moins de 5 % de ent de la population ne permettant pas d’identifier les familles recomposées, les situations où
les familles monoparentales vivent avec un autre adulte ne sont pas examinées dans l’étude.
familles monoparentales. 6. L’Insee distingue trois types de familles : les couples sans enfant, les couples avec enfant(s)
et les familles monoparentales.
7. Sont considérés comme couples avec enfant(s) les familles avec au moins un enfant de
DES CONDITIONS DE VIE PLUS FRAGILES moins de 25 ans. Les couples avec enfant(s) sont décrits en fonction des caractéristiques de
la personne de référence.
8. Source : Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, Mutualité sociale agricole,
Comparées avec celles des couples avec enfant(s)7, les Département de Loire-Atlantique.
conditions de vie des familles monoparentales sont moins
favorables. Au regard du logement par exemple, seules
35 % des familles monoparentales en sont propriétaires,
contre 77 % des couples avec enfant(s).
S’agissant de l’activité, les différences sont également
nettes : au sein d’un couple avec enfant(s), au moins un
des parents a un emploi dans 90 % des cas ; c’est le cas
de seulement 75 % des parents isolés. Corollairement, la
mère ou le père de famille monoparentale connaît plus
souvent au chômage – 15 % contre 6 % du parent de réfé-
rence d’un couple avec enfant(s). Lorsqu’il a un emploi,
le parent de famille monoparentale travaille plus souvent
à temps partiel : ilss sont seulement 74 % à occuper un
emploi à temps complet contre 96 % pour le parent de
référence des couples avec enfant(s). Ils occupent égale-
ment plus souvent des postes d’employés que les parents
de référence des couples avec enfant(s) (+28 points) et, à
l’opposé, moins souvent des postes de cadres et professions
intellectuelles supérieures (-11 points).
Confirmant cette fragilité accrue, la proportion des
familles monoparentales résidant dans une habitation à
loyer modéré est près de cinq fois plus élevée que celle des
couples avec enfant(s) : 37 % des familles monoparentales
y résident contre 8 % des couples avec enfant(s). Consé-
quence logique, les familles monoparentales sont davan-
tage bénéficiaires d’aides sociales. Ainsi en 2017, 23 % des

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