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La circulation des institutions juridiques entre le

Royaume-Uni, la France et la Belgique : l’exemple des


lois « climat »
1. Généralités
 Diffusion du droit / Greffe juridique : C’est le fait qu’un principe de droit puisse circuler dans
le monde (import d’autres systèmes). Généralement, un pays va s’inspirer d’une règle
juridique, mais cette dernière n’aura pas les mêmes conséquences que dans le pays d’origine.
En effet :
o Les contextes sociaux, économiques, juridiques et constitutionnels ne sont pas les
mêmes.
o Le principe va évoluer différemment dans les deux Etats, résultant en des
conséquences différentes.

 Contexte climatique : Dans le contexte de la crise climatique (sècheresses, inondations, perte


de la biodiversité, …), il y a eu de nombreuses entreprises juridiques pour limiter au
maximum les effets néfastes du changement climatique :
o Au niveau international : Ce sont majoritairement des stratégies d’atténuation
(réduire les émissions de GES pour limiter l’ampleur du changement climatique) et
d’adaptation (s’adapter aux conséquences du changement qui seront pour certaines
inéluctables). On peut notamment citer :
 La convention cadre de 1962
 L’accord de Paris de 2015 : Il a pour objectif de « limiter l’élévation moyenne
de la planète nettement en dessous de 2° par rapport au niveau préindustriel,
et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à
1,5° par rapport au niveau préindustriel ». Cet accord ne fixe pas d’objectif
chiffré, mais impose aux Etats parties d’identifier pour 5 ans des
contributions qui doivent faire l’objet d’ambitions croissantes dans le temps.
o Au niveau national : De manière générale, les engagements concernant le climat ne
sont pas respectés. Cela s’explique de diverses manières
 Les mesures visant à réduire les émissions de GES impliquent toujours des
contraintes à court terme afin de réaliser ces objectifs à long terme. Ces
contraintes imposent une remise en cause du système de (sur)consommation
actuel, et il est souvent difficile de se passer de cette consommation
excessive. De plus, il peut être frustrant pour un Etat de faire de grands
efforts alors que les voisins ne font rien (cela créé un sentiment que tous ces
efforts sont inutiles).
 Il existe de nombreux débats sur la manière de répondre au changement
climatique, freinant ladite réponse. En particulier, certaines pistes
technologiques (comme le procédé de stockage de carbone) sont
actuellement en développement pour faire face à cette crise.
 Le modèle démocratique, dans lequel les gouvernements sont élus à
intervalles réguliers, présente une grande difficulté structurelle : le but des
élus est de se faire réélire. Pour ce faire, il est souvent plus opportun pour
eux de favoriser un confort immédiat, plutôt que d’imposer des restrictions
drastiques afin de garantir des objectifs à long terme. Les mesures

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climatiques ne sont donc généralement pas garanties dans ce genre de
système. Attention, cela n’est pas une motivation pour passer à une
autocratie. En effet, malgré cette difficulté, les démocraties ont également
des facettes facilitant le respect des engagements climatiques :
 L’existence d’une société civile forte et libre permet l’émergence de
mouvements sociaux pro-climat.
 La liberté de la recherche académique permet de trouver des
solutions.
 L’existence de contre-pouvoirs garanti que les gouvernements
respectent les engagements souscrits.
 Les démocraties offrent différentes techniques juridiques pour
assurer le respect des engagements :
o Le contentieux climatique : Fait pour des associations de la
société civile, saisissent la justice contre des entreprises ou
contre les pouvoirs publics car ces derniers ne respectent pas
les engagements.
o Les lois climat : Législations cadres nationales établissant :
 Des principes généraux en matière de prise en
charge du changement climatique ;
 Des objectifs à moyen et long terme ;
 Des processus de suivi de ces objectifs ;
 Des autorités indépendantes supposées évaluer la
qualité des mesures mises en place. L’indépendance
permet à cette autorité d’être soustraite é la pression
de l’opinion publique ;
 …
Il a été démontré dans des articles scientifiques qu’il existe
un lien entre l’existence d’une loi climat, et l’amélioration des
performances climatiques d’un Etat ! Cela s’explique par le
fait que l’existence d’une loi climat permet au pays d’adopter
une politique climatique plus cohérente, transversale et
consistante dans le temps.

2. La loi climat au Royaume-Uni


- Climate change Act : Loi climat du Royaume-Uni, adoptée en 2008 sous l’impulsion de l’ONG
environnementale Friends of Earth. Elle prévoit :
o L’obligation d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050
o Un système de budget carbone, qui est la quantité maximale de GES que peut
émettre le pays sur 5 années (exprimée en tonne/an).
o La mise en place d’un conseil d’experts indépendant (UK comitee on climate
change), qui conseille le Royaume-Uni. Ce conseil est écouté par les juges, qui ont par
exemple révisé à la hausse leurs objectifs sur base des recommandations de ce
comité.
Cette loi a une portée constitutionnelle de part l’importance des principes qu’elle porte. Elle
est également régulièrement invoquée lors des contentieux climatiques.

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Cette loi a depuis lors beaucoup été diffusée, et de nombreux systèmes politiques s’en sont
inspirés (Cf. exemple de la France infra).

3. La loi climat en France


- Loi climat française : Sur le modèle britannique, la France a également adopté une loi climat
en 2019, prévoyant :
o Un objectif de réduction de 40% des émissions de GES pour 2030
o Un budget carbone similaire à celui du Royaume-Uni
o La création d’un Haut Conseil pour le climat, indépendant des pouvoir publics,
apportant un éclairage sur l’action climatique.
Cette loi, bien qu’inspirée et similaire à la loi climat britannique, n’est pas identique à cette
dernière. En effet, les disciplines représentées au sein du conseil indépendant ne sont pas les
mêmes. De plus, au Royaume-Uni, de nombreuses considérations concernent les différences
de mesures entre l’Angleterre, l’Irlande du Nord, le Pays de Galle et l’Ecosse. De telles
considérations ne sont évidemment pas présente dans la loi Française.

- Affaire Commune de Grande-Synthe : Contentieux climatique au cours duquel la loi climat


Française a été invoquée.
o Contexte : Le maire de la commune de Grande-Synthe, ainsi que plusieurs ONG, ont
envoyé à l’Etat une demande pour que le gouvernement prenne davantage de
mesure pour réduire les émissions de GES. L’Etat n’a rien répondu à la demande, ce
qui est considéré en droit administratif français comme un refus implicite. Ils ont dès
lors attaquée cette décision de l’Etat au CE, au contentieux d’excès de pouvoir, en
demandant l’annulation de ce refus implicite, et la mise en place de mesure de
réductions des GES.
o Recevabilité : La demande est recevable si les requérants ont un intérêt à agir :
 La commune : Elle a un intérêt, car c’est une commune côtière qui risque de
subir les effets de la hausse du niveau de la mer.
 Les ONG : Elles ont un objet social qui est la lutte climatique.
 Le maire : Il considérait avoir un double intérêt, en tant que maire et citoyen,
mais le CE a considéré que son intérêt n’est pas recevable, car l’action
populaire est interdite devant le CE.
o Légalité : La question est : « Est-ce qu’un règlement Européen (en l’occurrence les
accords de Paris je suppose ?) peut conditionner la légalité des actes prises par
l’exécutif ? ». Le CE considère que oui, ces objectifs sont obligatoires et justiciables.
Dès lors, en se basant sur les rapports des experts, le CE a évalué s’il était probable
que la France atteigne ses objectifs à la cadence actuelle.
o Décision du CE : Après analyse, le CE a conclu que les mesures actuelles ne sont pas
suffisantes pour assurer le respect des engagements. Il a donc condamné la France à
adopter des mesures complémentaires. Des rapports subséquents analysés par le CE
en 2021 ont témoigné que ces mesures ne sont toujours pas suffisantes. Le CE a alors
encore une fois enjoint la France à prendre de nouvelles mesures et à refaire un
rapport.

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4. La loi climat en Belgique
- En 2020, il y a eu des manifestations pour que soit créée une loi climat en Belgique. Une
proposition de Loi a été ensuite déposée au parlement par plusieurs partis politiques. Elle a
ensuite été déposée pour avis au CE. Ce dernier a répondu qu’« adopter une loi spéciale
climat au niveau fédéral qui va s’imposer aux communautés et aux régions va trop loin en
terme d’autonomie des régions et communautés ». La constitution belge, et son modèle
fédérale, sont donc un obstacle à l’adoption d’une telle loi au niveau fédéral, et la tentative
de greffe juridique a échoué.
- En revanche, les régions on adopté leurs propres règlementations à un niveau individuel.

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