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INTRODUCTION
INTRODUCTION
Lorsqu’on parle généralement de littérature Africaine, on est toujours tenté à ne se limiter rien que sur la
littérature négro-africaine d’expression française, qui est fort dominée par les auteurs d’Afrique de l’ouest,
centrale et quelques auteurs des territoires d’outre-mer[1], qui ont marqué la littérature transnationale par une
sorte de syncrétisme lié à une oralité profonde et culturelle. Mais sous cet angle, on risquerait de falsifier ou
encore de modifier le visage et la diachronie de celle-ci, en excluant tous ceux qui ont d’une manière ou
d’une autre contribué à l’expression de l’Afrique en d’autres langues.[2]
D’une manière générale, la littérature Africaine peut se subdiviser sur un classement ternaire, frottée par
une tradition orale qui s’est aussi fortement imposée ; il y a eu entre autre la littérature africaine écrite par
les occidentaux en langues occidentales, la littérature africaine écrite par les Africains en langues
occidentales, la littérature Africaine écrite par les Africains en langues africaines. Mais que ce soit l’une ou
l’autre de ces différents types de littérature, il faut savoir que la femme est resté un personnage atypique, et
son image est aussi diverse que les auteurs eux-mêmes. Par cet itinéraire d’abord très appuyé sur la langue
de départ, qui est le français, on peut parfois remarquer une sorte d’acculturation chez certains écrivains
africains ; la littérature africaine représente donc la réalité en fonction de la perception du pays de la langue
d’origine : elle est donc une construction puisqu’elle est élaborée à partir des conditions socio-culturelles et
même parfois cognitives. Ceci qui peut parfois aboutir à une représentation fantasmatique, due à la
difficulté rencontrée par l’écrivain africain, sur le plan lexical par exemple à traduire les concepts, et les
réalités typiquement africaines par lesquels le français ne lui offre aucun matériau.
En fonction de la société dans laquelle l’auteur se trouve, la réalité ressort toujours en fonction du regard du
spécialiste, mais l’image de la femme a été présentée par les auteurs africains, ou plus précisément ceux de
la littérature française, écrite sous forme d’un dénominateur commun. Le dénominateur commun
désigne de facto un ensemble de constellations et de représentations liées au type de société et qui offre aux
auteurs une certaine représentation de la femme. On peut donc se poser la question de savoir comment la
femme est-elle présentée dans la littérature africaine. L’image de la femme telle que présentée par les
auteurs est- elle une description, une projection ou une construction ? Partant du postulat selon lequel la
littérature et la société sont deux mondes intimement liés, des lieux où les auteurs puisent généralement leur
inspiration, leur motivation, leur environnement empirique, l’on peut fondamentalement prendre l’œuvre
littéraire comme une construction. L’œuvre littéraire étant un produit de la société, qui ressort une réalité,
on se demande si cette réalité est une découverte ou une invention. Autrement dit, l’œuvre littéraire peut-
elle refléter la réalité ou alors elle la construit ? Couramment l’on pourrait tout d’abord comprendre la
construction comme une création, une fabrication planifiée, intentionnelle, et même arbitraire en partie. [3]
Le but de cet article n’est pas d’étudier toutes les ouvres littéraires africaines d’expression française, ou
encore tous les personnages féminins de la littérature africaine, mais présenter à travers certains ouvrages
essentiels qui pourrons nous ressortir la femme africaine, puisqu’il s’agit d’elle, dans diverses sociétés
africaines –modernes et patriarcales-, les héroïnes et leurs rapports avec les évènements du récit. Nous
espérons démontrer cela à partir d’une analyse constructiviste, qui nous montrera comment une œuvre est
d’abord une construction sociale avant d’être une peinture de la société dans laquelle l’auteur(e) vit et veut
nous faire vivre. Une dernière partie va tenter de démontrer la reconstitution de cette image qui réapparait
autre, dans une société africaine influencée désormais par la mondialisation et l’émancipation des idées à
l’ère postcoloniale. Ceci pour montrer l’éloignement de cette fixité qui a longtemps renfermé les auteurs
dans ce carcan qui n’est rien d’autres que le colonialisme. A la fin il sera question d’éluder un certain
nombre de pratiques obscures qui jusque-là restaient méconnues dans la sphère littéraire.
L’œuvre littéraire peut donc être compris du point de vue constructiviste, comme instrument de la
construction sociale, comme l’affirmait Stefan WEBBER en divisant le constructivisme. [8] On ne va pas
ignorer la touche du féminisme, qui a aussi marqué la littérature africaine et surtout postcoloniale. Ce
mouvement, qui a envahi toutes les sphères littéraires du monde, a permis aux auteures de s’insurger contre
la pensée traditionaliste et classique. Malgré la présence de certaines Auteures de la Migritude [9], les
représentations discursives des femmes, ou encore des femmes africaines, dans les œuvres littéraires
peuvent s’articuler autour des structures et les conditions de créations ainsi que les faits sociaux. À partir de
ces éléments constitutifs et constructifs, on se demande comment les œuvres littéraires peuvent-elles
contribuer à cette mise en scène de l’autre, soit la femme ? Mais si la femme est restée présenter comme
l’autre, c’est peut être due au faite que la société dans laquelle elle vie, la longtemps exclue la sphère de
décisions et des responsabilités, ce qui influence le pinceau des artistes. Nous tenterons à ressortir
l’appréhension du statut de la femme dans la littérature Africaine à partir de quelques ouvrages. Mettre en
exergue la construction de la réalité ainsi que sa reconstitution.
II- LA FEMME DANS LA LITTERATURE AFRICAINE A
TRAVERS QUELQUES OUVRAGES
Nous avons choisis ici deux ouvrages pour notre étude parce qu’ils illustrent la vie des femmes africaines
dans différents types de société : les sociétés traditionnelles patriarcales et les sociétés modernes. Nous
verrons que malgré l’univers dans lequel l’auteur met la femme, il présente toujours celle-ci sous une forme
qui peut être qualifiée de stéréotypée. Ainsi, le roman de Calixthe BEYALA, Les honneurs perdus et
l’ouvrage de Francis BEBEY, puisque ces deux nous ressortent la femme dans différents types de sociétés,
nous aiderons à dévoiler cette réalité. La présence de plusieurs stéréotypes s’identifie à travers l’analyse de
quelques personnages : le stéréotype de la Mère merveilleuse, celle qui accepte et sacrifie tout, celui de la
fille urbaine qui vit dans une société moderne qui contraste souvent avec la prostituée et non pas celle
éclairée après avoir embrassé la culture occidentale et moderne. On pourra donc retrouver dans Les
honneurs perdus plusieurs images.
L’histoire d’une jeune fille au nom de Saïda, seule fille d’une famille musulmane et vivant dans un
bidonville de la ville de Douala, présente une sorte d’exclusion de la femme dans la société. Surtout dans
une culture très patriarcale ou elle grandit, les hommes dirigent les familles et les affaires publiques. Ici, le
fait de naître fille est comme une malédiction, car la femme étant réservée seulement aux tâches ménagères
et destinée au mariage. Mais l’arrivée de Saïda dans une société moderne (Paris) transforme le mode de vie
de celle-ci et elle devient une « prostituée », puisqu’elle cherche entre temps un toit en vain et perd sa
virginité qu’elle avait gardée pendant près de 50ans, au profit d’une vie désordonnée, malsaine pour
quelques sous ou un moyen de survie. Saïda présente l’image d’une femme qui n’a pas de valeur, dont le
destin est scellé dès la naissance parce qu’elle vit dans une société musulmane et patriarcale où la
préférence des fils est dominante et désavantageuse pour les filles ; les filles ne sont pas importantes parce
qu’elles appartiennent au sexe féminin[10]. On a d’autres stéréotypes dans le roman comme : la mère de
Saïda- une femme ratée parce qu’elle n’accouche pas de fils d’une part, d’autre part les femmes serveuses
dans les grands restaurants de la ville, prostituées, mais qui affichent une image dualiste : méprisables mais
admirées. Une fille intellectuelle (par la maîtrise de l’anglais en tant que des intellectuels à cette époque-là),
mais prostituée par son identité de laisser faire, et résistant toutefois au patriarcat. [11]
Du côté de Francis BEBEY, qu’on a tenté parfois d’appeler le romancier de la femme[12], le droit de la jeune
fille d’aimer et de choisir librement son époux, son désir de sortir de la bassesse –ou encore de son
complexe d’infériorité et de sexe faible- de son origine pour chercher des satisfactions matérielles dans un
monde où le matérialisme devient de plus en plus grande valeur de l’existence, l’angoisse des vieilles mères
vis-à-vis de l’inconduite de la jeune génération « écervelée », la jalousie, l’infidélité, la promiscuité
constituent le fil qui tisse la vie des personnages féminins dans l’œuvre de BEBEY.
Dans Le fils d’Agatha MOUDIO par exemple, la femme se retrouve parfois partagée entre 2 traditions,
deux monde ; ce qui fait d’elle un personnage ambivalent. Mais c’est la femme moderne que l’auteur
voudrais peut être nous montrer avec l’image d’une femme infidèle, rejetée par toutes les belles-mères qui
apprennent souvent que leur fils ont en projet de marier celle-ci. Mais le faite qu’Agatha n’a pas conçu la
qualifie de femme stérile. En effet, si la mère de MBENDA s’est vivement opposée à la relation amoureuse
entre son fils et Agatha ce n’est pas parce qu’elle traine une réputation de fille libre, mais parce qu’elle croit
qu’elle est stérile ; La femme stérile est encore un stéréotype très ancré dans les sociétés africaines et
traditionnelles au point où sa situation est une malédiction, comme d’ailleurs on préfèrerait une femme
infidèle et féconde qu’une femme stérile. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la relation entre Agatha
et le chasseur Blanc aux « dents en Or » qui lui fait un enfant métis dont le roman porte son nom. Enfin il
faut aussi voir la femme chez BEBEY comme une femme qui affiche envers la religion un caractère dévot.
Tante Princesse dans La poupée d’Ashanti nous fournit un exemple des filles qui vont à l’église avec des
intentions douteuses. Pourtant cette dévotion latente pourrait nous dérouter et éloigner de la construction
que l’auteur nous prépare afin d’appréhender l’image de la femme. Elle est la femme d’un polygame, M.
TETEYA, mais vit « hors des murs » et fait la chasse aux hommes. Elle va à l’église, pas pour prier, ni
écouter la bonne parole, elle y va pour repérer des hommes. On dit qu’elle est une femme de l’extérieur,
voire une hypocrite qui trompe l’homme et Dieu. Par ailleurs l’image de cette femme est celle de la femme
libre, hors du patriarcat, éclairée, mais une femme qui n’est pas différente d’un « chiffon social ».
Tout compte fait, toutes ces représentations de la femme dans ces ouvrages susmentionnés ne nous ont pas
éloignés de ces constellations constituant le dénominateur commun de ces auteurs Africains. Il en ressort
que l’image de la femme est une construction sociale, plus encore une sorte fiction qui découle de la
perception de la société par les auteurs. A la suite de cette analyse on peut dégager les images suivantes :
une femme pleine d’angoisse, soumise, opprimée, prostituée, infidèle ; du côté des sociétés modernes. On a
aussi une femme qui n’a pas de lettre dans la main, rejetée lorsqu’elle n’attend pas d’enfants, une erreur de
la nature, car le pire c’est de naître fille voire même une « créature de Satan », pour les femmes stérile ou
qui n’accouche que des filles : conception liée à la pensée traditionaliste. C’est cette vision du monde qui
trahit cette écriture littéraire construite à partir de ces constellations mentionnées plus haut. Toutefois quel
que soit l’image de la femme présentée par les auteurs on peut dire que la femme reste la médiatrice
conflictuelle entre le nouveau et l’ancien. C’est ainsi que d’autres affirment parfois que : « Une femme c’est
comme un sentier. Quand tu t’y engages, il ne faut pas penser à ceux qui l’ont emprunté avant toi, ni à
ceux qui pourraient y passer après toi ou encore en même temps que toi ». L’œuvre littéraire est considérée
ici comme moyen de communication de transmission et d’information sur la société, donc l’auteur nous
renseigner d’avantage sur les rapports entre les différents éléments constitutifs de la société traditionnelle.
Mais il faudrait s’interroger sur l’image de la femme dans la société postcoloniale, qui apparait comme le
corolaire de la première suscitée.
Ce problème n’a certainement pas laissé indifférent l’auteure Léontine LONGBOU FOPA. En effet, elle
ressort dans son roman le statut de la femme célibataire en Afrique, à travers l’histoire de Delphine
AYISSI, jeune femme dotée d’un physique ingrat mais d’une intelligence exceptionnelle qui lui permettra
d’intégrer le prestigieux corps de la magistrature. Dès lors, elle se lancera dans un long combat pour
devenir épouse et cesser d’usurper le titre de Madame.
Appelez-moi Madame Oumarou est ce livre qui met les pleins phares sur les problèmes tant obstrués par
certains auteurs, mais qui méritent d’être invités aux débats actuels. Le mariage n’étant pas forcément une
fin en soi mais lorsque sa quête est assimilée à un chemin de croix, c’est là où se pose le problème. Ainsi,
quels peuvent être les causes de ce célibat dans la société Africaine/Camerounaise ? Quels sont les facteurs
favorisant les conditions d’une telle situation ? Ces questions permettront de parcourir cet aspect du roman
de l’auteure camerounaise L.L. FOPA dans une perspective socio-culturelle.
On constate donc que le mariage des femmes haut-gradées, bureaucrates, modernes est un véritable combat
permanent, étant donné que plusieurs facteurs socio-culturels empêchent la victoire contre lui. C’est sans
doute ce que l’auteure veut ressortir dans ce roman avec cette main portant une alliance, qui apparaît sur la
première de couverture.[17]
[...]
[1]
Je veux nommer ici certains auteurs à l’instar d’Aimé Césaire, Frantz Fanon et quelques Haïtiens.
Il s’agit ici de la littérature lusophone et anglophone, où les auteurs ont été à certaines périodes les plus
[2]
prolifiques et percutants de la scène littéraire. On pourra par exemple faire allusion à l’écrivain nigérian
Wole Soyinka, prix Nobel de la littérature 1986 avec sa pièce de théâtre the Lion and the Jewell (Le lion et
la perle)
Conf. Siegfried J. SCHMIDT, Die Wirklichkeit des Beobachters , in: Klaus MERTEN, Siegfried J.
[3]
SCHMIDT, Siegfried WEICHENBERG (Hrsg.), Die Wirklichkeit der Medien. Eine Einführung in die
Kommunikationswissenschaft, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1994, P.4, cité par: Larissa Sulamite
MBOBDA MBOBDA, Zum Bild afrikanischer Frauen in deutschen Zeitungen zwischen 2000-2010. Eine
empirische Untersuchung am Beispiel von süddeutsche.de und bild.de, 2013, Magisterarbeit. Traduction
par moi-même FOGANG TOYEM.
[4]
Ibid.
Il faut noter ici que le constructivisme est d’abord un courant philosophique, une manière de penser
[5]
tandis que le réalisme dont je fais allusion ici est un courant littéraire. Mais les deux peuvent être associés
en vue d’une écriture plus optimale et plus solide. Pour plus d’informations à ce sujet voir :
www.google.com/réalisme et Theodor FONTANE, Realismus. In Theorie des bürgerlichen Realismus,
eine Textsammlung. Herausgegeben von Gerard PLUMPE, Philip Reclam Verlag, Stuttgart, 1985, P.147.
Ceci ne veut pas toutefois insinuer que les auteurs du réalisme (français ou allemand) ont été
constructiviste.
Stefan WEBER, Was heißt „ Medien konstruieren?“ Von einem ontologischen zu einem empirischen
[6]
Verständnis von Konstruktion, In: Medienimpulse. Beiträge zur Medienpädagogik, Heft Nr. 40, Juni 2002,
Wien.
[7]
Conf. Larissa Sulamite MBOBDA MBOBDA, op. cit.
Je veux parler ici de ce courant lié à l’association entre la négritude et la migration en période d’après-
[9]
guerre où les auteurs(es) africains qui avaient migré vers l’Europe furent marqués par ce courant
révolutionnaire(Damas) et libérateur(Césaire) et humaniste (Senghor), qu’est la Négritude.
[10]
Conf. Annan-YAO, 2005, P.5
[11]
Conf. Leslie OGUNDINE, 1987, P. 6
[12]
Puisque celui-ci a essayé de ressortir la vie sentimentale de la femme comme un ressort dramatique
[13]
Je vais m’abstenir ici de les énumérer, puisqu’elles dépendent du contrat conjugal.
[14]
Puisque dans les sociétés patriarcales, il ne donne pas la parole à la femme.
[15]
Mais seulement tout ce qui brille n’est pas or !
[16]
Notons que le mot trouve son sens dans les sociétés obscurantistes des pays sous-développés.
Certains passages de ce texte ont été publiés antérieurement sur les pages web du Cercle Littéraire des
[17]
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