Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1
Deux critères alternatifs déterminent l’appartenance d’un bien au domaine privé.
Le domaine privé est la catégorie juridique qui accueille ceux des biens publics qui
n’ont reçu aucune affectation à l’utilité publique au sens de la domanialité
publique. Autrement dit, les biens qui ne remplissent pas les critères fixés à
l’article L. 2111-1 du CGPPP. Il convient de ranger dans cette catégorie les biens
des personnes publiques autres que celles mentionnées à l’article L. 1, dont les
textes qui les régissent n’organisent pas l’incorporation dans le domaine public
(voir article L. 2). Le domaine privé n’est pas pour autant le réceptacle des seuls
biens publics dépourvus d’affectation à l’utilité publique, c’est-à-dire ne
remplissant pas les critères du domaine public. Certaines catégories de biens
publics sont obligatoirement rangées dans le domaine privé des personnes
publiques par prescription législative. Autrement dit, et c’est le second critère
alternatif, un bien public peut faire partie du domaine privé par détermination de la
loi. Le CGPPP offre plusieurs applications.
2
115 du 7 janvier 1959. Ces dispositions législatives sont codifiées aux
articles L. 161-1 et suivants du Code rural.
3
explique qu’ils soient régis non par le Code de la voirie routière mais par le
Code rural (voir TC, 16 mai 1994, Consorts Allard, Droit administratif, 1994,
commentaire n°446 ; CE, 9 mai 1958, Delort, AJDA 1959, p. 331). Est
également avancé l’argument suivant lequel les communes n’ont pas
l’obligation d’assurer l’entretien des chemins ruraux. Sauf exception (CAA
Nantes, 28 juin 2002, GAEC du Gilar et SARL de travaux agricoles de
l’Authon, JCP A 2002, 1167).
La suppression d’un chemin rural est subordonnée à l’adoption d’une
délibération du conseil municipal. Cette décision formelle est
obligatoirement précédée, sauf exception, d’une désaffectation préalable du
chemin rural considéré et d’une enquête publique (voir l’article L. 121-17
du Code rural ; CE, 25 novembre 1988, Laney, rec., p. 425 ; CAA
Bordeaux, 14 octobre 2004, Association de défense des propriétaires
exploitants, fermiers et riverains de Sévérac-le-Château, Collectivités
Territoriales-Intercommunalité, janvier 2005, n° 10, p. 21, note Jacques
Moreau). Il importe de ne pas confondre les chemins ruraux du domaine
privé des communes et les chemins destinés à désenclaver des parcelles
remembrées. Ce sont là des voies de passage obligatoires pour les seuls
riverains et non pour l’ensemble du public, ce sont non des chemins ruraux
mais des « chemins d’exploitation » (Cour de cassation, 3e chambre civile,
19 mai 2004, Commune de Sonchamp c/ SCI Moulin Moyen, RDI 2004, p.
371, observations J.-L. Bergel ; Revue de droit rural, janvier 2005, n° 1, p.
23, note Delphine Chédoseau). Ces mêmes chemins ruraux doivent être
distingués des voies privées ouvertes à la circulation du public (voir
l’exemple des voies de circulation comprises dans des lotissements : CE, 23
janvier 1985, Mme Renaud de la Faverze, Droit administratif 1985,
commentaire n° 174 ; CAA Paris, 8 juillet 2004, M. Julia, Collectivités
Territoriales-Intercommunalité, novembre 2004, n° 224, p. 24, note
Damien Dutrieux).
4
Le CGPPP confère un fondement législatif aux solutions jurisprudentielles
qui ont toujours rangé dans le domaine privé la plupart des bois et forêts
publics. En application de l’article L. 2212-1-2°, les bois et forêts des
personnes publiques relevant du régime forestier font partie du domaine
privé. Le législateur procède, ce disant, à une réception de la jurisprudence
issue de l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 28 novembre 1975, ONF c/
Abamonte, rec., p. 601 ; AJDA 1976, p. 148 ; RDP 1976 n° 4 ; Dalloz 1976,
p. 335). Plusieurs fondements juridiques sont avancés pour justifier ce
rattachement. Le défaut d’aménagement spécial et la destination principale
des bois et forêts publics expliquent leur appartenance au domaine privé.
Avec plus de 15 millions d’ha, les forêts représentent plus du quart de la
superficie totale du pays. Le patrimoine forestier a enregistré une très forte
expansion ces cent cinquante dernières années. Les bois et forêts appartenant
aux personnes privées représentent 60 % de l’ensemble. Ceux qui se
rattachent aux personnes publiques sont essentiellement communales (11
000 communes en comptent) et étatiques : les « forêts domaniales ». Ces
forêts domaniales sont des biens publics qui donnent lieu à une activité
économique particulièrement significative. Leur exploitation économique et
financière prend la forme de la « commercialisation » du bois de feu et du
bois de construction. Elles constituent, pour cette raison même, une source
de revenus non négligeable pour les collectivités publiques propriétaires. Les
autres fonctions et utilisations des forêts et des bois, à savoir les activités
touristiques, les loisirs (promenade, visites, randonnées) et l’alimentation (la
qualité de l’eau, la cueillette de champignons, de fraises, de framboises, etc.),
ne correspondent à aucune affectation à l’utilité publique. L’apport
fondamental de l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 28 novembre 1975,
ONF c/ Abamonte, rec., p. 601, a consisté à poser le principe
d’incompatibilité de la gestion des forêts avec la domanialité publique. Pour
le Conseil d’Etat, l’ouverture au public d’une forêt appartenant à l’Etat,
même après la réalisation de certains aménagements spéciaux, ne permet pas
de classer cette catégorie de biens dans le domaine public. L’explication
juridique est celle consistant à soutenir que l’affectation au public d’une
forêt, susceptible d’être rencontrée, n’a qu’un caractère secondaire. Si
certaines formes d’utilisation sont tolérées (promenade, cueillette, repos,
détente, loisirs), l’affectation dominante et officielle reste la gestion
patrimoniale (l’exploitation économique et financière des ressources
5
forestières). Une telle gestion et le régime de la domanialité publique sont
incompatibles.
6
La démarche s’explique par la volonté d’éviter que le jeu des critères législatifs de
l’article L. 2111-1, éventuellement interprétés par les juges à l’occasion d’un litige,
puisse entraîner la domanialité publique des deux catégories de biens visées. Le
législateur les classe d’office dans le domaine privé. Les critères ayant conduit à
cette qualification juridique sont distincts.
1. Dans le cas particulier des « biens immobiliers publics à usage de bureaux »,
le législateur a entendu procéder à la codification des dispositions de
l’ordonnance du 19 août 2004, à l’origine de cette construction juridique (voir
le commentaire de E. Fatôme, AJDA 2005, p. 584). Partant de cette première
expérience, jugée satisfaisante, les auteurs du Code ont décidé d’en étendre le
champ d’application. L’article L. 2211-1 alinéa 2 étend à l’ensemble des
immeubles à usage de bureaux le régime de domanialité privée initialement
prévu pour les seuls immeubles à usage de bureaux appartenant à l’Etat. Il en
résulte une règle générale suivant laquelle cette catégorie de biens publics,
quelle qu’en soit la collectivité publique propriétaire, fait obligatoirement
partie du domaine privé. Il convient de souligner que l’assouplissement du
régime juridique permet de procéder à l’aliénation des immeubles à usage de
bureaux sans aucune contrainte de déclassement préalable. C’est cette facilité
de gestion qui fonde le choix de la catégorie d’appartenance.
Les exceptions initiales ont été reconduites. Les biens immobiliers publics à
usage de bureaux qui forment un ensemble indivisible avec des biens
immobiliers appartenant au domaine public font partie de ce même domaine
public, par exception (article L. 2211-1 alinéa 2). On retrouve, indirectement,
la théorie de la « domanialité publique globale ». Une dépendance du
domaine public est insusceptible d’être fractionnée entre domaine public et
domaine privé.
2. Le CGPPP innove en classant, explicitement, dans le domaine privé, les
propriétés immobilières publiques détenues sous la forme de « réserves
foncières » (article L. 2211-1 alinéa 2). La notion juridique de « réserves
foncières » se rattache au droit de l’urbanisme. L’article L. 221-1 du Code de
l’urbanisme permet à l’Etat, aux collectivités territoriales et aux
établissements publics d’acquérir des immeubles, au besoin par la voie de
l’expropriation, en vue de constituer des « réserves foncières » destinées à
permettre la réalisation d’une opération d’aménagement.
7
La procédure des « réserves foncières » constitue un outil juridique et foncier
facilitant l’adaptation des projets d’aménagement à l’écoulement du temps. La
collectivité publique acquiert une parcelle, dans le but d’y réaliser un jour une
opération d’aménagement. Mais elle est dispensée, juridiquement, de préciser
l’affectation de ladite parcelle, la nature de l’opération au moment de l’acquisition.
La disponibilité de la parcelle est de nature à faciliter la réalisation d’une opération
non expressément prévue. L’utilité ou l’opportunité est justifiée par les
circonstances. La collectivité publique échappe ainsi, par anticipation, à la
spéculation foncière ou à la rétention des terrains aménageables par les particuliers.
Les opérations d’aménagement susceptibles de fonder la constitution de « réserves
foncières », au sens des articles L. 221-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, sont
assez variées : création d’espaces verts publics, lotissements, villages touristiques,
zones d’aménagement concerté…
Les dispositions législatives applicables aux réserves foncières n’imposent aucune
condition de délai pour l’affectation du bien acquis. On peut observer que
l’affectation prévue est toujours d’utilité publique. Le régime juridique de ces «
réserves foncières » tel qu’il résulte du Code de l’urbanisme (article L. 221-2) limite
les possibilités de cession ou d’échange ou d’utilisation différente de ces biens. En
les rangeant dans la catégorie juridique qu’est le domaine privé, l’article L. 2211-1
alinéa 2 du CGPPP, facilite leur aliénation et leur exploitation économique. La
collectivité publique bénéficiaire et propriétaire serait susceptible de changer d’avis
par rapport aux projets d’aménagement éligibles.
Cette solution législative visant les « réserves foncières » semble emprunter à la
jurisprudence suivant laquelle les immeubles expropriés, en attente d’affectation,
appartiennent au domaine privé. Bien qu’ayant été acquis pour cause d’utilité
publique, et destinés à être utilisés dans un but d’utilité publique, les biens seulement
expropriés non encore affectés relèvent du domaine privé (CE, 17 mai 1993, Dame
Scherrer, rec., p. 319 ; AJDA 1994, p. 252 ; RFDA 1994, p. 185). Trouve à
s’appliquer ici la règle suivant laquelle un bien acquis intègre, d’abord et sauf
exception, le domaine privé des personnes publiques