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TD séance 2 : Correction cas pratique

Cas pratique – Sujet

Paul a fait la connaissance de Lucie lors du réveillon du 31 décembre 2008. En ars 2010,
Lucie annonce a Paul qu’elle attend un enfant de lui. A à la fois effrayé et ravi, Paul quitte le
domicile de sa mère (qui ne partage pas que le premier de ses sentiments) pour s’installer chez
Lucie et décide de l’épouser le plus tôt possible, afin de « régulariser la situation ». La mère
de Paul s’était montrée très hostile à l’idée d’un mariage : en raison de la différence d’âge
entre époux mais surtout parce que son instinct de mère lui faisait soupçonner que les
véritables intentions de sa future belle-fille n’étaient pas louables…

Le mariage a cependant été célébré en présence des seuls témoins – Jules et Jim, amis de
Lucie – devant l’officier d’état civil le 13 juin 2010.

Un petit Antoine a vu le jour en octobre 2010 et, à la grande joie de Paul, sa mère, sous le
charme du nouveau-né, a accepté d’en être la marraine. Elle devait regretter bien vite d’avoir
ainsi relâché sa vigilance : dès la fin novembre une mésentente grave s’est installée au sein du
jeune couple. Dans n mouvement de colère, Lucie a avoué à Paul qu’elle lui avait été infidèle
et ce dès avant leur mariage, que Jim (ou peut-être Jules) est le véritable père de l’enfant et
qu’elle n’a épousé Paul que pour donner à Antoine le statut d’enfant légitime et une bonne
situation. La réaction de Paul a été d’une terrible violence. Il a depuis ombré dans un état
maniaco-dépressif, dont les Lucie a découvert la cause plus profonde : Paul souffre depuis
quelques années déjà de sérieux troubles psychologique pour lesquels il a, durant sa prime
adolescence, suivi un traitement psychiatrique, ce qui explique son comportement parfois
violent.

Les époux se sont séparés au début de l’année 2016. Chacun souhaite connaître les
possibilités qu’il aurait d’obtenir l’annulation du mariage (dans la mesure où des raisons
religieuses leur font préférer ce mode de rupture au divorce) ainsi que les conséquences qui y
seraient attachées.

Corrigé

Le 13 juin 2010, un couple (Lucie & Paul) qui attendait un enfant se maria. Lors d’une
dispute en novembre 2010 l’épouse révéla à son mari qu’il n’était pas le père biologique de
l’enfant né de leur union un mois plus tôt et qu’elle n’avait en réalité contracté le mariage que
pour offrir le « statut d’enfant légitime et une bonne situation » à son enfant. Cet aveu plongea
le mari dans une situation maniaco-dépressive mais dont les causes profondes remonteraient
en réalité depuis son adolescence comme sa femme avait finit par le découvrir.

Le couple qui s’est séparé en depuis 2016 souhaiterait à présent obtenir l’annulation de leur
mariage plutôt que le divorce pour des considérations religieuses.
Il convient dès lors d’examiner d’une part la possibilité d’annulation d’un tel mariage (I),
d’autre part les conséquences de cette annulation pour chacun des époux (II).

I. La demande de nullité du mariage de Paul & Lucie

Il convient de se placer du côté de chacun des époux pour examiner la question de la nullité
de leur mariage.

A. La demande de nullité du mari, Paul

Selon l’énoncé (le sujet de notre cas), avant de contracter le mariage, Paul vivait chez sa mère
qui était contre le projet de mariage de son fils avec Lucie en « raison de la différence d’âge »
entre les deux. En l’absence précision sur l’âge de Paul, il convient d’envisager deux
hypothèses en fonction de la minorité ou de la majorité du mari.

1. L’hypothèse de la minorité de Paul

Selon l’art 148 : « Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs
père et mère ». La loi conditionne donc le mariage d’une personne de moins de 18 ans à un
double consentement. D’abord le consentement de la personne elle-même, en vertu de la
liberté de mariage (liberté de se marier ou de ne pas se marier cf. Td séance 1), ensuite
l’autorisation d’au moins l’un de ses parents puisque en cas de désaccord entre le père et la
mère sur le projet de mariage de leur enfant, il suffit que l’un d’eux soit consentant pour que
l’enfant puisse se marier selon ce texte. La sanction du défaut d’autorisation des parents est
une nullité relative (art. 181 du code civil). La nullité est une sanction qui anéantit totalement
et rétroactivement le mariage qui ne peut ainsi produire aucun effet ni pour le passé, ni pour le
présent encore moins pour l’avenir ; tout se passe donc comme si le mariage n’a jamais eu
lieu). La nullité relative vise à protéger des intérêts particuliers des personnes que la loi
entend protéger (article 180 civ). Le délai de prescription de cette action est de 5 ans à
compter de la majorité du mineur.

En l’espèce, si Paul n’était pas majeur au moment de son mariage avec Lucie, il pourrait
invoquer l’absence d’autorisation de sa mère pour demander l’annulation de son mariage
avec Lucie à condition que le délai de prescription quinquennal ne soit pas écoulé. En effet,
aux termes de l’article 182 civ « Le mariage contracté sans le consentement des père et mère,
des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire, ne
peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux
qui avait besoin de ce consentement ». Ainsi, la personne dont l’autorisation était requise
comme la personne qui devait préalablement bénéficier de l’autorisation de mariage comme
c’est le cas des mineurs et des majeurs en curatelle ou tutelle (art 460 civ) peuvent toujours se
prévaloir de l’absence d’autorisation. Par conséquent, si Paul était mineur au jour de la
célébration de son mariage avec son épouse, il pourrait invoquer la nullité du mariage pour
cette cause à condition que le délai de prescription quinquennal ne soit pas épuisé.
2. L’hypothèse de la majorité de Paul

Lucie a avoué à Paul qu’elle ne s’était mariée avec lui que pour légitimer et offrir une
situation confortable à l’enfant qu’elle attendait. Il convient alors de s’interroger sur la réalité
de son consentement au mariage et sur l’existence d’un éventuel vice de consentement dont
Paul serait victime.

• Sur l’existence de consentement :

Aux termes de l’article146 du code civil : « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de
consentement ». Cela signifie qu’en se mariant, les époux doivent avoir l’intention
matrimoniale c’est la volonté de se soumettre à l’ensemble des droits et obligations découlant
du mariage. Ainsi, selon la jurisprudence « le mariage est nul, faute de consentement, lorsque
les époux se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger a l’union
matrimoniale », Cass civ. 1ère, 20 nov. 1963 arrêt Appietto (dont les faits présentent une
certaine similarité avec notre cas pratique). Autrement dit le mariage s’expose à la nullité à
chaque fois qu’il a été conclu par les époux « dans un but étranger aux règles régissant
l’institution matrimoniale », il encourt la nullité. Cf. Cass. 1ère civ., 22 nov. 2005 (doc 6 td
séance 2). La sanction prévue par la loi pour combattre un tel mariage est la nullité absolue
(nullité visant à protéger l’intérêt général) puisque selon l’article 184 du code civil, « tout
mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1,
147, 161,162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa
célébration, soit par les époux eux mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le
ministère public ».

En l’espèce, Lucie n’avait pas véritablement d’intention matrimoniale puisqu’elle ne voulait


qu’offrir « un statut d’enfant légitime et une situation » à son enfant en épousant Paul. Par
conséquent, ce dernier peut se prévaloir de l’absence de consentement au mariage pour
demander la nullité de leur union dans la mesure où si la jurisprudence admettait que le
mariage était valable car non dénué d’intention matrimoniale « lorsque les conjoints ont cru
pouvoir limiter ses effets légaux, et notamment n’ont donné leur consentement que dans le but
de conférer a l’enfant commun la situation d’enfant légitime » (cf. arrêt Appietto précité), elle
semble désormais se montrer beaucoup plu sévère en annulant le mariage contracté par un des
époux « animé par une intention de lucre et de cupidité ». Cf. Civ 1ère, 19 déc 2012 (doc 7 de
la séance 2). Le mariage ayant été célébré en juin 2010, le délai de prescription trentenaire
n’est donc pas encore écoulé. Paul peut encore agir sur ce fondement.

• Sur l’existence d’éventuels vices du consentement

Selon l’alinéa 2 de l’article 180 civ un époux peut demander la nullité du mariage notamment
en cas d’erreur « dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne ». On
pouvait se demander si Paul qui s’est précipité de se marier pendant la grossesse de Lucie
pour « régulariser la situation » n’avait pas été victime d’une erreur sur les qualités
essentielles de son épouse (manque de fidélité) compte tenu de ses convictions religieuses.

Mais selon l’article 181 civ, l’action en nullité se le fondement d’une telle erreur se prescrit au
bout de 5 ans à compter du jour de la célébration du mariage. Or en l’espèce Paul s’est marié
en juin 2010, par conséquent son action sur ce fondement est prescrite.
B. La demande d’annulation du mariage de l’épouse : Lucie

Paul s’est engagé rapidement dans les liens du mariage avec Lucie pendant que celle-ci était
enceinte « afin de régulariser la situation ». Son épouse a également découvert son état de
santé mentale seulement pendant le mariage. Il faut s’interroger sur l’intention matrimoniale
du mari et sur une éventuelle erreur déterminante ayant vicié le consentement de son épouse.

• Sur l’intention matrimoniale de Paul

Conformément à l’article 146 du code civil, le consentement des époux est une condition de
validité du mariage ce qui implique l’intention matrimoniale comme étudié précédemment. Or
en l’espèce la naissance annoncée de l’enfant qu’il croyait être le sien semblait être la raison
principale sinon la seule de son consentement au mariage. Si Lucie arrive à prouver par tous
moyens que la recherche de paternité était le seul motif de l’engagement de son époux au
mariage, elle pourrait peut-être obtenir la nullité (absolue) du mariage pour absence de
consentement. Tout dépendra de l’appréciation souveraine des juges du fond. L’action sur ce
fondement n’est pas encore prescription puisque l’absence de consentement à laquelle la
jurisprudence assimile l’absence d’intention matrimoniale est une cause de nullité absolue
(art. 184 civ).

• Sur l’état de santé mentale de Paul

Lucie a découvert que Paul était maniaco-dépressif depuis son adolescence. Il convient de
s’interroger si l’épouse peut se prévaloir de cette maladie pour obtenir l’annulation du
mariage. En effet, la jurisprudence admet l’erreur sur l’état de santé physique ou mentale du
conjoint comme une erreur déterminante sur les qualités essentielles du conjoint susceptible
d’entrainer l’annulation du mariage sur le fondement de l’article 180 civ (Cf. par ex TGI de
Rennes, 9 nov. 1977) car la santé mentale des époux est une condition pour une vie commune
normale.

Rien dans l’énoncé n’indique que Paul était un majeur protégé placé sous le régime de la
curatelle ou de la tutelle qui aurait nécessité, pour le mariage, en plus de son consentement
personnel (Doc 2 séance 2, Civ. 1ère, 24 mars 1998), l’accord des tiers (curateur, tuteur ou
juge des tutelles ou conseil de famille) selon la nature du régime de protection conformément
à l’article 460 du code civil. Il convient donc d’écarter cette possibilité. Reste à envisager
l’hypothèse de trouble mental passager ou le manque de lucidité du mari affectant son
consentement au mariage. Cette capacité de discernement est appréciée au moment de la
célébration du mariage selon la jurisprudence. A ce propos, la loi pose désormais une
présomption de lucidité car selon l’article 414-1 civ : « Pour faire un acte valable, il faut être
sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un
trouble mental au moment de l'acte ». Il revient donc à Lucie de prouver que Paul n’était pas
lucide le jour de la célébration du mariage et que si elle avait su les problèmes de santé
mentale de son mari, cela l’aurait dissuadé de se marier avec lui. Néanmoins, même dans
cette hypothèse, l’action en nullité sur ce est prescrite car le mariage du couple date de plus
de 5 ans (art. 181 civ).
II. Sur les conséquences de la nullité du mariage

Conformément à l’article 1354 du code civil, Paul peut se prévaloir de l’aveu de Lucie
comme mode de preuve pour demander la nullité mariage pour absence de consentement
déduite de l’absence de véritable intention matrimoniale telle que entendue par la
jurisprudence actuelle (Civ 1ère 19 déc 2012 précité) . Il peut également invoquer l’absence
d’autorisation de sa mère s’il était mineur au moment du mariage à condition que le délai de
prescription de 5 ans, qui commence à courir à partir de sa majorité, ne soit pas écoulé.

Quant à Lucie, elle peut aussi invoquer la violation de l’article 146 civ, à condition d’apporter
la preuve du manque d’intention matrimoniale chez Paul au moment du mariage. Les juges du
fond apprécieront souverainement la valeur des éléments de preuve rapportés par les deux
époux. Civ 1ère 29 janv. 1975.

Si la nullité du mariage est prononcée, en principe elle anéantirait rétroactivement le mariage


contracté le 13 juin 2010. Paul et Lucie seraient considérés aux yeux de la loi comme n’ayant
jamais été mariés. Ils seraient considérés comme des concubins. Néanmoins pour limiter les
effets de la nullité la loi admet le mariage putatif. Cela veut dire que le mariage serait nul
mais cette annulation entrainera la dissolution du mariage seulement pour l’avenir comme
dans le cadre du divorce. Les effets passés du mariage seront donc maintenus. En effet aux
termes de l’article 201 du code civil : « Le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins,
ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi.
Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en
faveur de cet époux ». Pour bénéficier de la putativité du mariage, il faut donc au moins que
l’un ou les deux époux soit de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ignorait au moment de la
célébration le vice entachant le mariage. À cet égard, la bonne foi est toujours présumée
(art. 2274 C. civ.) : c’est donc à celui qui invoque la mauvaise foi au moment de la
célébration, c’est-à-dire la connaissance par un époux de l’irrégularité, de la prouver. En
l’espèce, Paul ignorait tout des intentions réelles de Lucie au moment du mariage. Il est donc
de bonne foi. L’annulation du mariage ne produira d’effets à son égard que pour l’avenir. En
revanche la mauvaise foi de Lucie la privera du bénéfice du mariage putatif. Le mariage serait
rétroactivement nul à son encontre.

Par rapport aux enfants, le principe que est l’annulation du mariage des parents est sans effet à
leur égard quand bien même les deux parents étaient de mauvaise foi au jour du mariage selon
l’article 202 civ. Néanmoins, puisque Lucie affirme que Paul n’est pas le véritable père
biologique de son enfant, la question de la preuve de la paternité se posera.

I. TRAORÉ

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