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Journal des économistes :

revue mensuelle de
l'économie politique, des
questions agricoles,
manufacturières et [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. Journal des économistes : revue mensuelle de l'économie
politique, des questions agricoles, manufacturières et
commerciales. 1929-11-01.

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-moitié des actions qui restent a baissé.En fait 6~ actions
se
négocient aujourd'hui à des cours plus bas qu'au i5 janvier.
H
Ces constatations ne doivent pas, toutefois, conduire à la conclu-
sion que les sept premiers mois de 1929 ont été marqués par une
stagnation boursière. Il ne suffit pas de comparer le nombre dc.s
actions ayant haussé et celui des actions ayant baissé; les pourcen-
tages de hausse ou de baisse, l'importance des capitaux engagés
dans les affaires cotées en bourse doivent aussi entrer en ligne de
compte. La spéculation s'est surtout intéressée aux valeurs princi-
pales et le total des gains chiffrés en doUars l'emporte de beaucoup
sur celui des pertes.
Toutefois, le fait qu'un grand nombre de titres a baissé est signi-
ficatif les valeurs directrices continuaient à mener, mais le nombre
'des valeurs secondaires qui les suivaient diminuait; le comptant n'ac-
compagnait plus avec le même entrain qu'autrefois le mouvement
spéculatif.
Celui-ci ne s'était pas relâché de son intensité, bien au contraire.
Les prêts aux brokers' ont passé de 6 43g 7~1 ooo dollars au 3i dé-
cembre 1928 à 8 5~9 38~ ooo dollars le 3o septembre 19~9, soit une
augmentation d'environ 32 1/2 p. 100, comparée à une augmenta-
tion d'environ 21 i/~ p. 100 pour la période correspondante de
l'année précédente (3i décembre 1927 au 3o septembre 1928).
Par suite du double essor de l'activité commerciale et industrielle
et de la spéculation en bourse, la tension monétaire s'est accentuée
pendant les dix premiers mois de 1929. Nous avions laissé vers le
milieu de décembre 1928 le taux du papier commercial de premier
ordre à quatre ou six mois aux environs de 5 1/2 p. 100. Il cotait,
au début d'octobre, 6 i/8 p. 100.
En nous référant à l'histoire des crises précédentes, nous trou-
vons que le maximum des actions est atteint, en général, aux Etats-
Unis, quand le taux du papier commercial en question est compris
-entre 5 et 5 3//[.
Or, le maximum des cours des valeurs de bourse, qui, jusqu'au
t~ novembre 1929, ne fut jamais dépassé a aucune* époque, a été
atteint au début de septembre 1929, alors que le papier commercial
cotait 6 1/8 p. 190:
Sans doute, on peut rappeler qu'à la fin de 1906, à la veille de
la crise mémorable de 1907, l'indice des cours de bourse n'était
guère descendu de son point le plus haut, alors que le papier com-

j. D'après la compilation du Stock Exchange de New-York qui donne


toujours des chiffres plus élevés que ceux de la publicationhebdomadaire
-de la Banque de Réserve Fédérale, qui ne comprend que les prêts faits par
l'intermédiaire des menaber banks de New-York.
mercial s'escomptait à 6 i/ taux extrêmement élevé. Mais en iou&
le maximum des cours, à en croire tout au moins l'indiçe des
actions, qui, du reste, ne peut refléter qu'avec une exactitude très

alors que le papier commercial cotait seulement 5 i/


approchée la situation d'ensemble du marche, se place en janvier,
11 semble

donc que l'année igag dét.ienne le record d'une hausse des actions
se prolongeant malgré une tension monétaire aiguë.
Ne faut-il voir là qu'un de ces hasards dont il est impossible de
déterminer la came dans un domaine où l'élément psychologique
joue un rôle important, ou, au contraire, n'y a-t-il pas eu une éclo-
sion de forces nouvelles, ayant apporté au marché des valeurs un
soutien inattendu?

II. La n.écesst<R de res~'cmdre le crédit. La statistique de la


situation des meniber banks (banques affiliées au Pederal, RMerue
System) à New-York est singulièrement instructive.
)
Prêts aux brokers en millions. de dollars
Pour)c le
compte des
banques
Pour leur en dehors Pour le
propre de compte
Tota). compte. New-York. desautres.
j S~a i ~70
suelle).
·
1928 (moyenne mensuelle).
Janvier 3 802 990

1929.
Décembre 1928 (moyenne men-
5l93 111~4 1780 231g
a octobre 68o4 10~ c 1826 3907

Depuis janvier iga8, les prêts directs des ntem~er !)<m~s de New-
York ont diminué de 20 p. ioo environ; ceux consentis pour le
compte des banques situées en dehors de New-York, moins bien
placées que les banques de New-York pour juger de l'état du mar-
ché et connaître les emprunteurs, se sont accrus de ~4 P. ioo; enfin
les prêts effectués pour « le compte des autres » ont progressé de
~5 p. ioo environ, c'est-à-dire ont presque quadruplé.
Remarquons que pendant les neuf premiers mois de 1929 l'aug-
mentation des prêts « pour le compte des autres » a été particuliè-
rement accentuée.
Quels sont ces autres? Ce sont, dit le Federal Reserve Bf~e~,
« des sociétés, des individus et des banques
étrangères »,
II y a là un fait d'importance considérable, parce que cette
énorme quantité de crédit, directement distribuée « par les autres ').
est en dehors du contrôle des Banques de Réserve Fédérale.
C'est là l'opinion d'un grand nombre d'autorités bancaires aux
Etats-Unis. Citons, entre autres, M. Harding, gouverneur de la
Banque de Réserve Fédérale de Boston, qui, au dîner de l'Economic
Club de New-York, le 18 mars 1929, s'exprimait ainsi « Le Federal
Reserve System est actuellement entravé dans ses efforts pour exer-
cer sur le crédit un contrôle effectif, parce qu'il y a de nombreux
prêteurs, tant aux Etats-Unis qu'à l'étranger, qui, sans liaison avec
le Système. fournissent des fonds au marché des valeurs. Ces indi-
vidus, ces sociétés, dont la fonction n'est pas de prêter de l'argent,
n'assument aucune rcsp ns bili'.é au sujet de la stabilité du mar-
ché. »
D'autre part, M. Mitchell, président de la National City Bank~-
dans le bulletin de cette banque, le 18 avril 1929, remarque qu' « en
dehors du système bancaire s'est développée une nouvelle forme de
crédits représentée par des prêts faits directement aux brokers par
des sociétés et d'autres détenteurs de disponibilités. Ces prêts faits
par les banques de New-York pour le compte « des autres », ainsi
qu'ils sont désignés dans les rapports de la Réserve Fédérale, repré-
sentent une forme de crédit en contre-partie de laquelle aucune ré-
serve n'est constituée. S'il est retiré par les prêteurs, il doit être
repris par les banques, sous peine de voir s'effondrer le marché
des valeurs de bourse. »
Citons encore le colonel Ayres, vice-président du Cleveland Trust,
qui, dans le bulletin de cette banque du 16 avril 1929, dit que « de-
puis deux ans il y a eu une avance importante du cours des
actions, alors qu'il n'en a pas été de même pour le prix des terrains
et des marchandises. Cela vient des prêts faits aux brokers xur-
ut'.e large échelle par des sociétés, des inveslment trusts, des indi-
vidus. Ce système bancaire, invisible et non officiel, accepte des
dépôts et consent des prêts. Quand un particulier'acheté les actions
d'un un)M<men,< !fttS< offertes au public en souscription et quand
cette société place les fonds qu'elle s'est ainsi procurés, sur le mar-
ché du call money, il a été confié au système bancaire invisible un
dépôt qui a été ensuite utilisé pour un prêt. Le cas est le même
quand une firme industrielle emploie sur le marché du call money
le produit d'une émission qui doit être ultérieurement incorporé à
l'avoir social. Le nouveau système invisible de banque, qui s'est
très rapidement développé, n'est pas soumis aux visites périodiques
d'un inspecteur de banques et se trouve en dehors du contrôle du
Federal Réserve System. »
On pourrait facilement multiplier les citations d'opinions sem-
blables.
Il nous reste maintenant à établir pourquoi l'intervention de ce
crédit non contrôlé a prolongé la hausse des actions à New-York.
Comment les banques procèdent-elles quand elles voient dimi-
nuer le volume du crédit disponible Pour défendre leurs disponi-
bilités, elles élèvent le taux de leurs prêts. Cette mesure comporte
l
pour eties un dobb)e avantage;C>
d'abord elle augmente leur bénéSce
sur les prêts consentis; ensui'e elle fait lâcher prise à un certain
nombre* de spéculateurs qui ne veulent pas payer un intérêt trop
élevé.
Mais le nombre d'emprunteurs qu'effraie l'argent cher est, dans
]es périodes d'optimisme, très minime. Qu'importe à celui qui est
persuadé qu'il obtiendra, en achetant des valeurs de bourse, des
bénéfices de 20 ou de 100 p. 100 à la fin de l'année, un taux d'in-
térêt majoré de i ou a p. ioo!
L'élévation du taux d&s prêts ne suffit donc pas pour arrêter la
spéculation; un frein plus puissant est nécessaire, c'est la res<r[C<ton.
du crédit qui doit accompagner une politique d'argent cher.
Les banques engagent les spéculateurs trop audacieux ou trop peu
couverts à se liquider et, au besoin, les y obligent; elles leur rendent
ainsi service en leur épargnant des pertes futures. En pratiquant
une telle politique, les banques agissent à la fois dans leur propre
intérêt et dans l'intérêt général, car elles atténueront la crise future
et, le marasme des affaires qui en résultera.
Des prêteurs qui ne sont pas banquiers n'observent pas la même
prudence. Sans doute le volume du crédit disponible se restrei-
gnant, ils obéissent à la loi de l'offre et de la demande et vendent
plus cher de la marchandise qu'ils détiennent, c'est-à-dire élèvent le
taux de lintérêt. En cela leur conduite ne diffère pas de celle des
banques. Mais agissant individuellement, ils ne se préoccupent pas
des intérêts généraux du marché et ne pratiquent, en vue de l'as-
sainir, aucune restriction du crédit. Bien au contraire, les taux d'tft-
térêts élevés attirent de nouueaua: prêteurs qui- font face aux nou-
l'CQU.r besoins; le crédit au lieu d'être res<rgtn.< s'élargit. Aussi la
hausse du ~au;r de ~'ar~en~ resle-t-elle inefficace.
Tels sont les traits,essentiels de la situation actuelle.
Voici le taux de renouvellement des call !oarts
1926. MM.
JuiXet.
Août. 6,12 Janvier.
Février. 7,35

Septembre.
Octobre.
6,755
7,3:1 Mars.
Avril. 7,09
9.38

Novembre.
Décembre.
7,00
6,62
8,5o Juin.
Mai

Août.
Juillet
8,50
9,16
7.69
9.3o
8,06

j. Harvard Economie Service, Weeh!y Letter, i~ septembre '329


Des taux aussi élevés détournaient du dépôt en banque l'épargne
américaine et la portaient vers le marché des valeurs, où elle
se transformait en prêts, lorsqu'elle ne s'employait pas à spéculer
directement. Comme le faisait remarquer le sénateur King les
fonds étaient, retirés des savings ban~ (banques d'épargne), qui ne
donnaient qu'un intérêt de 4 p. 100.
La Banque de Réserve Fédérale de New-York, dans sa Revue Me~-
suelle du i" août 1023 confirme cette opinion. Du 10 janvier au
~o juillet 1928, les dépôts de trente banques d'épargne du second
district, choisies, au point de vue statistique, à titre représentatif,
augmentèrent seulement de 2,08 p. 100; du 10 janvier au io juillet
1929, l'accroissement tomba à o,85 p. 100. La Banque de Réserve
Fédérale de New-York attire l'attention sur la faiblesse de ce chiffre.
I.'importance des capitaux épargnés annuellement aurait du ame-
ner une augmentation bien plus importante des dépôts dans les
banques d'épargne.
Non seulement les prêteurs des Etats-Unis ont été attirés par les
taux avantageux du call money, mais l'argent étranger, vetui de
l'Europe continentale, de l'Angleterre, des colonies anglaises, s'est
employé sur le Stock Exchange et sur le Curb de New-York soit en
spéculations, soit en prêts.
Dès le premier semestre de 1928 les Banques de Réserve Fédérale
essayèrent de maîtriser la spéculation. Elles donnèrent au marché
des avertissements répétés; ceux-ci restant sans effet, elles usèrent
de la meilleure arme qu'elles avaient entre les mains, la hausse du
taux du réescompte. Puis, au début de 1929, pour rendre plus effi-
cace leur politique d'argent cher, les Banques de Réserve Fédérale
cessèrent d'acheter des acceptations sur le marché libre. Cette poli-
tique s'étant montrée complètement inefficace, la Banque de Réserve
Fédérale de New-York, tout en portant de nouveau son taux de
réescompte de 5 p. ioo à 6 p. 100 en. août 1939, réduisait son taux
pour les acceptations de 5 t/~ à 5 i/8 et se remettait à acheter
des acceptations.
L'attitude des Banques de Réserve Fédérale a été l'objet de vives
critiques qui rejetaient sur elles la responsabilité de la situation
actuelle.
On a vivement reproché aux Banques d'avoir, en provoquant un
renchérissement du taux de l'argent, stimulé la spéculation qu'elles
cherchaient à entraver. Mais elles ne pouvaient agir autrement.
Comme nous l'avons expliqué, le taux d'intérêt des prêts hausse à

i. Commercial and Financial Chronicle du 3 août 1929.


mesure que les disponibilités diminuent. C'est là un phénomène
normal contre lequel il serait vain et dangereux de réagir.
La Banque de Réserve Fédérale de New-York, en élevant son taux
de réescompte, ne faisait que sanctionner un état de fait qu'elle
n'avait pas créé. Comme le dit excellemment le Commercial and
Financial Chronicle du 10 août ig2g, dans son éditorial, « les
Banques de Réserve n'orit te contrôle ni de la monnaie, ni du crédit.
Elles sont toujours derrière le marché. La hausse du taux de
réescompte qui vient d'avoir lieu ne crée pas de tension nouvelle.
La tension existe déjà et exerce depuis un an son influence pertur-
batrice. L'action de la Banque de Réserve ne fait que l'exprimer.
La hausse du taux de l'escompte ne change rien aux conditions
existantes. il est facile de comprendre pourquoi le marché des
valeurs n'en a pas été affecté. »
Quant à la politique de la Banque de New-York au sujet des accep-
tations, son indécision indique son obscurité et son impuissance.
Mais peut-on reprocher bien vivement aux dirigeants du Feden~
Sy.~em d'abandonner, dans le but de reconquérir le contrôle du
crédit, une. tactique ayant échoué pour en essayer.une autre?
Certes, les efforts des Banques de Réserve furent vains, mais elles
ont été dominées par des événements contre lesquels les forces
humaines sont impuissantes. Les prêts directs accordés au marché
constituent un phénomène nouveau, né de causes encore mal déter-
minées, mais qui marquera peut-être dans l'histoire du crédit uue
phase importante.
Une telle situation pouvait-elle prendre fin prochainement? Le
volume des prêts devait-il continuer à s'accroître, à mesure que leur
taux s'élevait?a
La Mtd!and Barth (Cleveland) calculait que les prêts aux brokers
faits pour un compte autre que celui des banques pouvait s'élever à
J2 milliards de dollars, avant que leur pouvoir d'expansion fut
épuisé. Il est très improbable, ajoutait-elle, qu'on arrive à ce chiffre.
au moins prochainement.
C'était, en effet, bien peu vraisemblable. Sans doute les taux de
plus en plus élevés attirent de nouveaux prêteurs, mais leur nombre
devient de plus en plus limité, car il existera toujours des déten-
teurs de disponibilités routiniers ou prudents qui se refuseront à les
employer.
Du reste, le renchérissement de l'argent s'étendit peu à peu des
Etats-Unis aux autres pays. New-York perdit ainsi une grande partie
de son pouvoir d'attraction sur les capitaux étrangers.

i. Cité par le Commercia! and Ff~ancto! C/troruc'e du 3 août 1029.


Si la Banque d'Angleterre a élevé deux fois le taux de son
escompte, d'abord de 4 Y/a à 5 i/a, le 7 février 19~9, et de
5 i/2 à 6 i/2 le 26 septembre, c'est parce qu il lui fallait entraver
l'exode des capitaux anglais vers les Etats-Unis. Au moment du der-
nier relèvement du taux de l'escompte, la proportion des réserves,
billets et espèces aux engagements de la Banque d'Angleterre était
tombée à 29,7 p. 100 contre 5i,5 p. 100 l'année précédente.
II était donc vraisemblable que l'afflux des crédits nouveaux mis
à la disposition des spéculateurs tendrait à se tarir et que la hausse
des valeurs devait s'arrêter. Le marché de New-York a été déjà
précipita dans une chute profonde des hauteurs vertigineuses où il
était monté. Les actions fléchissaient lentement depuis le début de
septembre, mais leur baisse devint plus verticale dans la dernière
partie d'octobre. Du 2~ au 29 se succédèrent des séances de panique
qui marqueront dans l'histoire financière. Celle du 29 fut parti-
culièrement désastreuse. En une seu'e journée, rien qu'au Stock
Exchange, 16~9000 titres changèrent de mains. L~indice du New-
York Herald tomba de son maximum de septembre 221,18 à 185,07.
La veille il co'nit encore K)4,2~.

Une autre caractéristique de la situation actuelle est l'intervention


des /nuM<f)T.ert< Trusts sur le marché des valeurs. Ces sociétés de
placement, dont la création remonte en Angleterre à t863 et qui
prospèrent dans ce pays, permettent aux capitalistes, petits et
moyens, en achetant des actions du Trust, dé s'intéresser non seu-
lement aux obligations, mais aussi aux actions, et de posséder un
portefeuille bien équilibré par la distribution des risques, tant géo-
graphique, qu'industrielle et commerciale.
Aux Etats-Unis, il n'existait, en 1923, que quinze /n~M<f)W)(
T';us<s~ En juillet 1929, on en citait deux cent soixante, avec un
capital de i milliard 700 millions de dollars. Rien que de mars à
juillet 1929~, ce capital augmenta de ~5o millions de dollars avec
trente-cinq créations nouvelles d7fruM<~en.< Trusts 3. En août 1929
il s'accrut encore de ~oo millions de dollars, représentant les deux
tiers du total des émissions offertes au public. Ce chiffre formidable
se compare avec 6 845 000 dollars demandés par les « trusts n et

i. Voir à ce sujet Christian Lazard « Un puissant moyen de finance-


ment anglo-saxon t, Revue d'Economie politique, mars-avril <g2f).
'x. D'après Fowler, les frmes~en.t Trusts, cité par M. Christian Lazard.
3. March /tciti)f;tM of /nt!6s<men< Trusts. Commercial and Financial
Chrontcte, du 10 août 1929, p. 863.
« ho'dings » en août 1928 Enfin, en septembre 1929, nouvelle
augmentation encore plus forte de dollars 643 147000'.
Quel est le rôle joué par ces 7n/uM<m<'n( Trusts sur le marché des
valeurs? Ils ont certainement contribué à la hausse des actions en
1928 et 1929. Le public qui n'osait pas acheter des actions les a fait
indirectement entrer dans son portefeuille en devenant actionnaire
des Inuestment Trusts. Si ceux-ci n'avaient en vue que de consti-
tuer un actif mobilier, composé de valeurs solides et renfermant
des germes d'avenir; s'ils se proposaient de conserver un tel porte-
feuille, malgré les baisses momentanées qui pourraient l'affecter, jl
faudrait voir dans les Investmettt Trusts un facteur de stabilité pour
le marché.
Mais le développement de ces sociétés de placement a été trop
rapide pour être entièrement sain. 'Beaucoup d'entre elles ont peut-
être été formées par des syndicats haussiers qui, désirant prendre
leurs bénéfices et craignant de déprimer les cours par des réalisa-
tions massives, ont repassé leurs titres au public sous la forme d'ac-
tions d'7rn~s<meM< Trusts. D'autres ont dû se constituer pour spé-
culer non seulement avec leurs propres capitaux, mais aussi avec
des fonds empruntés.
Sans doute, les 7n~es<m€n< Trusts qui spéculent ne diffèrent pas
essentiellement des spéculateurs ordinaires. II est toutefois à
craindre, comme l'a fait observer M. Babson, que sentant la ten-
dance sur le point de se- renverser, ils se mettent à jouer à la
baisse, comme ils ont joué à la hausse. Ils le font peut-être avec
plus de vigueur et de constance que des spéculateurs isolés, en gé-
néral assez pusillanimes, quand il s'agit de prendre une position à
la baisse.
Il semble donc qu'il y ait dans les Investment Trusts un danger
pour la stabilité du marché.

III. La prévision des crises. Les faits que nous venons d'expo-
ser sont nouveaux; on n'a pas la certitude qu'ils se répéteront dans
l'avenir; ils viennent donc encore compliquer la prévision des crises.
Quelles sont les conditions requises pour prévoir une crise?i>
Tout d'abord il est utile de s'appuyer sur une théorie expliquant
le mécanisme des crises. Cela n'est pas toutefois indispensable. U
suffit, sans chercher à pénétrer les causes de la crise, de remarquer
quelques faits caractéristiques qui l'annoncent d'une manière habi-
tuelle.

t. Revue des valeurs américaines du 28 septembre J<)2g.


a. Commercial and Financial Chronicle, 12 octobre 1929, p. 9295.
C'est ainsi que procédait Juglar qui, sans avoir à proprement par-
ler de théorie, a élaboré un système de prévision réputé.
De même, le Comité de l'Université Harvard, qui a renoncé a
toute théorie des crises~, se borne à faire paraître chaque semaine
trois courbes, celle du taux du papier commercial, celle de l'indice
des actions, celle de l'indice des prix de gros Mais cette publica-
tion n'est accompagnée que de commentaires incolores ne pouvant
servir de guide à celui qui cherche à connaître la marche future
des événements.
Il est donc utile de ne pas baser uniquement ses prévisions sur
des statistiques qui, si elles ne sont pas animées par le raisonne-
ment, ne constituent qu'une matière morte, et d'avoir une théorie
des crises.
Encore faut-il que cette théorie ne soit pas absolument fausse.
Beaucoup de personnes, même parmi les plus hautes autorités ban-
caires et les économistes, sont dans l'impossibilité de faire une pré-
vision correcte, parce qu'elles attribuent la crise à une surproduc-
tion de marchandises, c'est-à-dire à une mévente 'de produits que
le public, dont les besoins sont amplement satisfaits, ne veut pas
acheter, bien qu'il ait pour cela des disponibilités suffisantes.
Combien de fois on entend dire (( Certes, les positions à la
bourse sont chargées, mais il n'y aura pas de crise, parce que l'in-
dus'rie et le commerce sont prospères. ))
Citons, entre autres, l'opinion de l'économiste américain réputé
M. Irving Fishec qui, dans une conférence faite en octobre t<)X9,
avant les grandes paniques, à l'Association des Banquiers de Colum-
bia, déclare ne pas croire à une baisse beaucoup plus profonde des-
valeurs américaines. Il étaie son opinion sur les bénéfices très im-
portants faits, en 1927 et en ig28, par quatre cent dix-huit compa-
gnies et sur l'avenir industriel qui s'ouvre pour elles encore beau-
coup plus prometteur.
C'est là complètement oublier les leçons de l'histoire. Quand écla-
tèrent les grandes crises de 1907 et de 1920, dont les généra.tions
actuelles conservent le souvenir, le commerce était prospère, l'in-
dustrie était chargée de commandes, cependant la panique régnait

i. Dans un article paru en jo~ sous la signature de MM. Bu))ock.


Persons et Crum, la crise est attribuée à « un ensemble de forces complexes
agissant les unes sur les autres M. Quant à la monnaie, « c'est seulement
par moments que son influence devient prédominante )).
Des explications aussi vagues équivalent à une absence complète de
théorie..
2. LeComité de l'Université Harvard n'a pas la priorité sur ce sujet.
Bien avant lui j'avais préconisé pour la prévision des crises les même5
rois courbes. Journal de la Société de statistique de Paris, avril ~S.
sur le marché des valeurs de bourse. Ce n'est que longlemps après
la baisse des actions que les prix des marchandises commencèrent à
fléchir.
L'activité du commerce et de l'industrie n'empêche donc nulle-
ment une crise d'éclater; nous ajouterons même qu'elle est une des
causes déterminantes de la crise, parce qu'elle draine, comme nous
le verrons plus loin, les disponibilités monétaires.
Prenant le contrepied du raisonnement précédent/beaucoup d'éco-
nomistes admettent qu'une crise est à craindre, quand l'essor com-
mercial ou boursier est trop intense. Ils comprennent que si un
voyageur entreprenant une longue étape se met a courir pour
atteindre plus vite le but, il ne pourra soutenir longtemps un pareil
-effort et qu'un temps d'arrêt lui sera nécessaire.
C'est là une opinion exacte de la nature des crises sur laquelle oh
peut s'appuyer pour les prévoir. Ainsi M. Babson étaie son système
de prévision sur le principe que la réaction économique est égale
à l'action qui la précède. Toute période d'essor sera donc suivie
d'une période de dépression d'égale intensité. Une pareil~ théorie
n'est pas soutenable, mais elle contient une part de vérité et devient
exacte si l'on admet simplement qu'une réaction suit l'action.
M. Babson est donc en état d'édifier un système de: pré vision utile.
Toutefois, les théories simplistes, qui se basent uniquement sur
<;ette remarque qu'une chute doit survenir quand on va trop vite,
ont toutes le défaut de ne comporter que des systèmes de prévision
peu précis.
Les uns déclarent qu'il faut étudier les différents symptômes de
l'activi'é commerciale et les affecter d'un coefficient. C'est ainsi
que M. Babson construit un baromètre des affaires. Mais on est ici
en plein arbitraire. Quel coefficient donner aux recettes de chemins
de fer? Lequel aux prix? Lequel aux faillites? Lequel à la situation
monétaire? Personne n'en sait rien.
Aussi d'autres statisticiens, abandonnant le système rigide des
coefficients, déclarent que plus de souplesse est nécessaire. Le sta-
tisticien consultera les divers indices, tiendra compte des circons-
tances, de l'ambiance, de l'état des esprits, et tirera des conctusions
qui varieront avec le temps et le lieu.
Une telle méthode maniée par des mains expertes pourra donner
de bons résultats, mais elle restera toujours une méthode person-
nelle, puisqu'elle renonce à chiffrer ses conclusions. Ne se basant
pas sur des procédés précis, elle, sera difficilement propagée par
l'enseignement et fixée par écrit pour l'avenir. En un mot, elle par-
ticipe beaucoup plus de l'art que de la science.
D'autres, enGn, ont essayé de s'appuyer sur un phénomène qui
leur paraît synthétiser par excellence l'intensité du mouvement
commercial, le prix des marchandises. Mais, comme nous l'avons
vu précédemment, les prix varient non pas seulement sous l'in.
fluence de l'activité économique, mais aussi sous celle du pouvoir
d'achat de la monnaie. Les prix d'avant guerre, même dans les pays
à étalon d'or, comme les Etats-Unis, ne sont pas comparables aux
prix actuels. De même quelqu'un qui aurait mesuré les variations7
de l'activité commercLaIe en igaS et en 1929, au moyen des prix,
aurait trouvé qu'elle avait décliné en igag, ce qui est faux.
Toutefois, on peut éliminer, d'après la méthode du Comité
Harvard, ce qui, dans les variations des prix, est dû aux modifica-
tions du pouvoir d'achat de la monnaie. Les prix n'exprimeront
plus, alors, que les fluctuations de l'activité économique. Mais cette
correction est d'un maniement délicat.
De plus, l'indice des prix de gros n'exprime jamais l'activité éco-
nomique. que d'une manière fragmentaire. Comme je l'ai exposé
l'année dernière dans le Journal des Economistes, certaines crises,
telles que la crise autrichienne de 1873, la crise française de 1882,
et d'autres encore, sont dues à la spéculation boursière, l'industrie
et le commerce restant calmes et les prix ayant peu varié. L'année
1928 aux Etats-Unis a eu la même caractéristique et c'est seulementt
en 1929 que le mouvement industriel et commercial s'est amplifié.
Les prix ne résument donc pas l'ensemble de l'activité écono-
mique. Cet inconvénient majeur suffit à les faire éliminer comme
indice unique de prévision.

!!=

Si, par contre, on arrive à pénétrer clairement le mécanisme de


la crise, on a des chances de découvrir facilement le meilleur sys-
tème de prévision.
J'ai exposé ici même, l'année dernière, ce. que je crois être la
véritable théorie des crises. Je rappelle brièvement que l'accroisse-
ment de l'activité commerciale, industrielle et boursière, provoque
une élévation du prix des marchandises, des services, des capitaux
fixes, des actions, par suite de leur demande plus vive. En outre, le
volume des transactions augmente. Pour exprimer un chiffre d'af-
faires accru par suite de la hausse des prix et du plus grand volume
des transactions, de la monnaie supplémentaire est nécessaire. Où !a
prendre, sinon dans les réserves? Cette monnaie sortie des encaisses
encaisse
passe dans la circulation. Quand le rapport de la mnnnaie
à la monnaie circulation devient trop faible, les prêteurs élèvent le
taux de l'intérêt, restreignent le crédit et la crise éclate.
Le système de prévision se déduit de la théorie elle-même.
Puisque la cause immédiate de la crise est la situation monétaire,
c'est vers elle qu'il faut tourner ses regards, c'est son fléchissement
qui annoncera la crise.
La situation monétaire peut s'apprécier au moyen de signes
divers, tels que le bilan des banques d'émission, le taux de l'es-
compte, etc. Le choix de ces signes variera selon le pays. Aux
Etats-Unis, celui qui me paraît le plus pratique, que je préconisais
dès 1913, que le comité Harvard adopta après la guerre, est le taux
d'escompte du papier commercial de premier ordre de quatre à six
mois.
Toutefois, même avec le choix de l'indice annonciateur que je
considère comme le plus précis pour les Etats-Unis, la prévision
des crises reste chose difficile, surtout pour ce qui concerne les
cours de la bourse.
Dans les cinq crises 1 qui ont éclaté de 190~ à 1923, le maximum
des cours des actions a été atteint, quand le taux du papier com-
mercial, variant comme limites extrêmes entre 3 i/4 p. ioo et
8 p. 100, cotait entre 5 p. 100 et 5 3/4 p. 100. Dans la crise de
1903, le maximum eut lieu au cours de 4 1/8 p. 100, en l'année
1901. Toutefois, en employant un autre indice des actions que celui
de Dow-Jones, par exemple celui du professeur Mitchell, s'appli-
quant à 4o actions de transport, on trouve un maximum différent,
situé en septembre 1902, alors que le papier commercial s'escomp-
tait à 5 ii/i6.
L'exemple des crises récentes nous enseigne donc que très proba-
blement entre les taux de 5 p. 100 et 5 3/4 p. 100 du papier co'm-
mercial, la tendance boursière doit se renverser. Mais entre ces deux
taux la connaissance du moment précis où les actions doivent être
vendues ne peut être précisée.
La difficulté s'est encore accrue aujourd'hui. Les exemples du
passé ont perdu une partie de leur utilité. Par suite de phénomènes
nouveaux, qui peuvent devenir habituels dans l'avenir, le maxi-
mum des actions, qui ne sera probablement pas dépassé dans le
présent cycle, a été atteint quand le taux du panier commercial
cotait 6 1/8 p. 100.
Il en résulte que même une personne comprenant le mécanisme
des crises et bien préparée pour les prévoir, peut vendre trop tôt ou

i. Nous ne tenons pas compte de celle de iot7, la baisse des actions


ayant eu lieu prématurément, par suite des propositions de paix faites à
la fin de igt6 qui, si elles avaient abouti, auraient privé l'industrie amé-
ricaine des bénéfices plantureux que lui procurait son rôle de fournisseur
de guerre.
trop tard. Si dans cette double opération, le hasard lui est deux
fois contraire, les gains qu'elle était en droit d'espérer peuvent
même se transformer en pertes.
Si le point précis où la tendance se renversera ne peu être exac-
tement connu, c'est d'abord, ainsi que nous l'avons vu, parce que
des faits inattendus, qui n'existaient pas dans l'expérience passée,
peuvent modifier l'avenir; c'est ensuite parce que la réaction psy-
chologique du public devant les phénomènes économiques échappe
à toute mesure.
Ainsi, en igag l'opinion publique était enthousiaste; avant les
séances de panique d'octobre à la Bourse de New-York, on ne ren-
contrait guère que des optimistes aux Etats-Unis.
Ce phénomène est naturel. A mesure que la spéculation se déve-
loppe et que ses succès grandissent, les pessimistes deviennent de
moins en moins nombreux, de moins en moins fermes dans leurs
opinions. La chute qu'ils avaient prévue ne s'étant pas encore pro-
duite, ils se demandent si elle arrivera jamais. Aussi est-ce en
général au moment où la situation est la plus dangereuse que la
confiance est la plus grande. La catastrophe se produit, alors qu'on
avait cessé d'y croire.
Sans doute, avant la panique d'octobre, des voix discordantes se
faisaient entendre, celle de M. Babson par exemple qui, dans la
conférence faite à Babson Park le 5 septembre i<)2C), disait « que
tôt ou tard l'effondrement surviendrait et qu'il pourrait être terri-
fiant. n Il prévoyait une baisse de 60 à 80 points du nombre-indice.
Mais de telles prévisions pessimistes restaient isolées.
Reportons-nous maintenant à l'année 1923 aux Etats-Unis. La
situation y était bien moins menaçante qu'en 1~29; le taux du
papier commercial de premier ordre de quatre à six mois s'élevait
peine à 5 p. 100; cependant des avertissements pessimistes se fai-
saient entendre de tout côté. On voit des hommes, tels que
M. Schwab, président de la Bethlehem Steel Corporation, déclarer
<( que
la plus grande prudence doit s'exercer si l'on ne veut pas
que la prospérité se c'hangc en seconde inflation dont les suites
seraient désastreuses )).
La Review of Economics Statistics, organe de l'Université Harvard,
constatait aussi cet état d'esprit. « On a été témoin, en mars et en
avril, d'un fait sans aucun précédent c'est un effort très net dé-
ployé par les organismes gouvernementaux et les autorités de la R°-
serve Fédérale pour modérer l'essor des affaires dans son cycle

i. Journal of Commerce, avril 1923.


ascendant. Naturellement, dans le passé on a vu des financiers res-
ponsables et des institutions financières tenter souvent de refréner-
l'excès de l'enthousiasme spéculatif, mais jamais, autant qu'on peut
s en souvenir, des organismes gouvernementaux ou semi-gouverne-
mentaux n'avaient délibérément entrepris de mettre obstacle à un
« boom » dans la crainte de le voir aboutir à une issue désastreuse.
Nous faisons naturellement allusion à l'activité dont firent preuve,
dans cette direction, le « Department of Commerce », le « Bureau
de Réserve Fédérale » et plusieurs banques de « Réserve Fédérale ».
Le récent recul des affaires est partiellement dû à un effort orga-
nisé d'empêcher la prospérité récente de dégénérer en inflation )).
Peut-êire cette prudence voisine de la pusillanimité venait-elle-
des souvenirs encore très récents de la crise de 19~0. En 1929,
l'expérience d'un passé déjà lointain n'était plus assez présente aux
esprits pour entraver l'optimisme des hommes d'affaires et des spé-
culateurs.
Déterminer le moment précis où les actions abandonnent leur
maximum est donc une chose difficile.
Le commerçant et l'industriel paraissent mieux placés que le dé-
teuteur d'actions pour prévoir le cours des événements. Ils ne sont
pas les premiers à recevoir le choc. Sachant que la crise de bourse
précède toujours la crise commerciale, que, tant que le marché des
valeurs reste ferme, aucun danger grave n'est à craindre, ils évite-
ront de liquider leurs engagements trop tôt, de repousser des
affaires s'annonçant comme fructueuses par crainte d'un revirement
qui n'est pas immédiat. Ils iront encore de l'avant, en usant toute-
fois de la prudence comportée par une situation dont la hausse du
taux de l'escompte et la cherté des marchandises révèlent la fragi-
lité. Au contraire, l'effondrement des actions en bourse leur an-
nonce la proximité de la crise. Ils doivent alors éviter les engage-
ments trop longs, travailler avec des stocks réduits ati minimum
et surtout avoir une situation financière très saine.

La crise étant prévue, il importe de se rendre compte approxinia-


tivement de son intensité et de sa durée.
On a entendu parfois, au cours de la période heureuse d&
ïgag, reproduire cette assertion que sans doute les actions améri-
caines avaient atteint des cours trop élevés, qu'elles étaient tenues

t.JuiUetig~S.
par des mains faibles, qu'une liquidation était nécessaire, mais
qu'après quelques jours d'assainissement le marché devrait reprendre
sa course ascendante, ou tout au moins, rester étale.
Telle, en effet, pourrait être logiquement l'évolution future. On
peut imaginer une tension monétaire qui, tout en étant diminuée,
quand elle devient excessive, persiste cependant à l'état chronique.
Il y aurait, en quelque sorte, une stabilisation de l'état présent,
s'opérant aux cours actuels des valeurs de bourse et comportant
un certain ralentissement de l'industrie.
Sans rien préjuger de l'avenir, nous ferons simplement remar-
quer que dans toutes les crises qui ont eu lieu de igo3 à igaS, le
cours des événements a été tout autre.
Même dans les crises légères, la baisse a été profonde et de longue
durée.
Les deux tableaux ci-dessous en fournissent la preuve.

!903.
i907.
igio.
Pourcentage du minimum des actions par rapport à leur maximum1

t9i3.
Crise de P. 100.

43

1917.
tgao.1
43
22
19
35

19~3 t6

Maximum Minimum Intervalle


des actions i. des actions
t. de temps.
(Mois du maiimum
etdu minim im inclus.)
Juin 1901 Novembre igo3 3o mois
Janvier igo6 Novembre rgo~ 23 mois
Décembre igog Juillet 1910 8 mois
Octobre 1912 Juin !9i3 9 mois
Novembre 1916 Décembre 1917 mois
Octobre 19:9 Aoûtt 1921 23 mois
Mars 1923 Octobre 1923 8 mois

Notre conclusion ne différera guère de celle à laquelle nous


étions arrivés, il y a un an. Nous avons sous les yeux les exemples
d'un passé qui a une tendance à se répéter 'dans l'avenir; nous
deyons nous inspirer de ses leçons. Elles ne peuvent, toutefois, nous

i. D'après les nombres indices du WaH S<re6< Journal (Dow. Jones).


conduire à des certitudes, car, dans l'économie moderne, tout évo-
lue et change.
Cette attitude de réserve est, à mon avis, plus scientifique que la
hardiesse comportée par des prévisions nettes. L'économiste, en
effet, ne peut expérimenter; il trouve ses expériences toutes faites
dans l'étude du passé et c'est pour le passé seul qu'elles sont valables.
En les appliquant à l'avenir, il ne peut faire qu'une hypothèse.

Baron MOURRE.

TOME XCIV. NOVEMBRE 1929. 11


QUELQUES NOTES

SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE


DE LA HONGRIE

Avant la guerre, on connaissait peu, au point de vue économique,


la Hongrie qui était unie à l'Autriche et formait, avec cette impé-
riale voisine, un tout d'inégale importance. Cette union dura plu-
sieurs siècles et le Compromis de i86y reconnut à la Hongrie une
autonomie partielle qui ne lui donna nullement l'indépendance éco-
nomique.
Entre les deux moitiés de -la monarchie austro-hongroise, des
échanges s'effectuaient, ils atteignaient 80 à 85 p. 100, mais la
Hongrie ne connaissait pas d'autres marchés, et ses produits
n'étaient guère connus en Occident où ils ne pouvaient parvenir
qu'après avoir traversé l'Autriche ou l'Allemagne.
Il faudrait à la Hongrie des traités de commerce favorables, mais
la Hongrie est un pays vaincu, et les vainqueurs ont imposé leurs
volontés, aussi bien dans le domaine économique que dans le do-
maine territorial, et la Hongrie, entourée d'Etats nouveaux et rivaux,
doit subir leurs conditions.
Elle se trouva donc dans les conditions les plus défavorables pour
organiser sa vie économique. Par le traité de Trianon, tout changea
en Hongrie.
Elle recouvrait son indépendance, mais les conditions de l'exis-
-tence n'étaient plus les mêmes, et tout était à refaire. La guerre,
longue et épuisante, se terminait par un désastre, la royauté millé-
naire était défaillante, les partis se disputaient le pouvoir dont
s'empara la « République du peuple )) ayant à sa tcte le comte Michel
Kârolyi; après avoir laissé l'anarchie se développer, en cédant tou-
jours davantage aux socialistes, il jeta le pouvoir aux bolcheviks
'qui établirent la « dictature du prolétariat M. Puis, ce fut, quatre
mois plus tard, l'invasion roumaine qui consomma la ruine du pays*.
Ce fut dans ces conditions que la Hongrie dut organiser sa'vie
économique; ses finances étaient dans un état lamentable qui s'ac-
crut encore et la dévalorisation de sa monnaie atteignit des chiffres
astronomiques, jusqu'au moment où abdiquant momentanément là
direction de ses finances, elle la remit a un Commissaire de la Société
des Nations. Ce fut le salut et il vint plus rapidement qu'on ne le
pensait. Au prix de lourds sacrifices imposés aux contribuables, le
budget retrouva son équilibre; bientôt, il eut un excédent qui depuis
lors n'a cessé de se reproduire.
Mais la vie économique n'en reste pas moins difficile à rétablir
dans un pays privé de presque toutes les sources naturelles de
richesses; toutes les régions qui pendant de longs siècles avaientt
travaillé les unes avec les autres, ont été séparées par des murailles
de Chine, la Petite-Entente ayant organisé sa vie économique en
dehors de la Hongrie. Aujourd'hui encore, elle maintient cette ma-
nière de voir et, cependant, ces pays qui encerclent la Hongrie
doivent tenir compte de son existence, elle est un facteur écono-
mique de l'Europe centrale; du fait de sà situation géographique,
elle est destinée à être traversée du nord au sud, de l'est à L'ouest,
elle est la route la plus courte entre bien des pays; c'est le chemin
de l'Orient, ce que l'on feint d'ignorer.
JI est indiscutable maintenant que la vie économique d'un pavs
dépend du gouvernement qui dirige les destinées du pays et l'axiome
d'autrefois sur le rapport de la bonne politique et de la bonnes
finance, est toujours exact. Les bonnes finances sont alimentées par
une vie économique bien comprise, bien menée et dont les résultats
sont favorables, c'est-à-dire fructueux. Mais cette vie .économique
s'étend bien au delà des frontières du pays; s'il y a une vie écono-
mique nationale, il y a aussi une vie économique internationale qui
est commandée tout à la fois par la politiqu.e intérieure et par la
politique extérieure.
Aussi, les traités, les accords commerciaux, ont-ils une .grande
importance 'et, sans demander qu'un ministre plénipotentiaire ait
des connaissances commerciales, peut-on désirer qu'H soit assez
versé dans la science économique pour juger lui-même les interven--
-lions des attachés commerciaux. Car si les Etats n'ont pas cessé de
se préoccuper des armements et des dispositions militaires des autres
Etats, il est tout aussi important, en ce moment, de connaître
leurs dispositions économiques, leurs disponibilités en matières pre-
mières, !a guerre économique pouvant être aussi scientifiquement
et aussi impitoyablement menée que la guerre militaire, le but est
poursuivi avec la même âpreté.
Mais ce n'est pas la guerre économique que la Hongrie entend
faire; ce qu'elle veut., c'est organiser sa vie économique
sur les bases
de sa situation actuelle, c'est pour elle une question vitale, et il
faut qu'elle l'établisse sans tentatives infructueuses. Il faut
que dans
s°s rapports avec l'étranger, elle évite soigneusement de faire de la
politique là où les rapports économiques peuvent s'établir et
se déve-
lopper cri dehors de toute action politique, c'est-à-dire avec les pays
où il existe encore des frictions remontant à la guerre.
C'est pourquoi, comme nous le disions plus haut, s'il faut que les
diplomates soient un peu au courant des lois de l'économie poli-
tique, il faut aussi que les économistes aient quelques notions de
la diplomatie pour que toute cause d'irritation ou de simple mécon-
tentement soit écartée.
Bien des difficultés ont été surmontées, la Hongrie a rapproché
les débris qui lui restaient et s'essaye à reconstituer son industrie.
Il est certain que beaucoup de choses lui font défaut là, elle a des
usines trop importantes qui ne travaillent plus à plein rendement;
ailleurs, les usines manquent et il faut en construire; ailleurs, ou
plutôt partout, ce sont les matières premières qui font défaut, tes
sources des richesses naturelles se trouvaient à la périphérie de la
Hongrie millénaire, au pied des Karpathes, régions qui ont été attri-
buées aux Etats successeurs. Aussi, le pays réduit à la plaine de
l'AlfceId, manque-t-il des produits nécessaires à bien des branches
d3 son industrie.
Malgré ces difficultés, l'équiiibre budgétaire est atteint; on sait
qu'en Hongrie, l'année budgétaire commence le iljuillet.
L'année budgétaire iga8-igag s'est close avec un excédent, mo-
deste sans doute, mais non sans valeur pour un pays où le déséqui-
libre financier avait atteint l'extrême limite. Pour arriver à l'équi-
libre d'abord, à l'excédent ensuite, il fallut un sévère assainisse-
ment financier et aussi de strictes économies. Le gouvernement eut
l'énergie de faire des compressions et, courage rare, il licencia des
fonctionnaires, non pas quelques unités, mais une vingtaine de
mille. Il y eut, certes, des mécontents, mais le gouvernement ne
voulait pas compromettre son équilibre budgétaire, trouvant qu'il
était plus utile de donner des pensions aux mutilés, aux veuves,
aux orphelins et aussi aux anciens fonctionnaires qui avaient dû
quitter les régions occupées par les Etats successeurs. Du reste, en
Hongrie, il y avait, comme dans beaucoup de pays, des fonction-
naires en surnombre, donc en surcharge pour le budget.
Le ministre des Finances, NI. de Wekerlé, a présenté à la Chambre
le projet de budget pour l'exercice 1929-1930; les prévisions étaient
Administration de l'État

Recettes
Dépenses
totales.
totales.
Millions de pengoes.

922,0
920,8

Excédent. 2,2

totales.
o

Exploitations par l'État


Recettes
Dépensestotales. Excédent.
5og,2
5o',9
!,3

Recettes
Dépenses
totales.T.
totales.
Résumé
1 432,2
1~28,7

Excédent. 3,5

L'excédent budgétaire est donc maintenu.


L'excédent est réparti entre l'administration et les exploitations
de l'Etat, mais comme dans les dépenses de l'administration il a
été prévu 3o millions de pengoes pour des investissements et
18,~ millions P. pour les exploitations, on peut conclure que l'excé-
dent s'élève à 62,3 millions P.
Les prévisions budgétaires montrent une augmentation sur les
chiffres de 1928-1929. L'augmentation des dépenses est due à un
taux plus élevé des traitements, indemnités de logement, aux dé-
penses plus fortes pour le traitement des malades, pour la protec-
tion de l'enfance, pour la création de routes réservées aux auto-
mobiles, etc.
Les prévisions relatives à l'accroissement des recettes sont fort
modérées et basées sur les recettes de l'exercice écoulé.
Quelques points peuvent être signalés dans ces prévisions budgé-
taires au ministère des Finances, c'est la somme de 6 millions de P.
dcs'inés à être attribués comme secours aux porteurs d'Emprunts
de guerre qui sont dans la nécessité; i million de P. est attribué
au ministère de l'Intérieur pour indemniser les orphelins de guerre
dont l'avoir, géré par les Caisses des Orphelins, comprend des Em-
prunts de guerre.
La somme attribuée par les prévisions budgétaires au service de
la Dette publique n'a pas subi de changement par rapport à l'exer-
cice précédent. Il faut cependant noter que la Dette flottante de
l'Etat envers la Sanque Nationale, remontant à l'époque de l'infla-
tion, présente une nouvelle diminution relativement importante.
Au début de l'assainissement financier, cette somme était de
ï58,/< millions de P.; dans l'exercice 1928-1929, elle figurait pour
108 millions de P., elle figure dans le projet de budget pour 192~*
ig3o pour gz,2 millions P.
Il y a augmentation pour le payement de l'indemnité de guerre
fixée par la Commission des Réparations.
On a prévu un rendement moindre pour l'impôt foncier qui sera
abaissé au cours du second trimestre de l'exercice. Les nouvelles
constructions seront exonérées d'impôts pendant trente années.
Pour la première fois, les chemins de fer de l'Etat envisagent
dans les prévisions budgétaires une somme de 3,5 millions P. pour
être distribués comme boni aux employés.
Certaines augmentations de dépenses prévues sont justifiées par
des augmentations de production ou de trafic, tels les Chemins de
fer, les Postes, etc.
Pour résumer les prévisions budgétaires pour igag-ig3o, on peut
conclure que, dans les dépenses nouvelles, on a tenu compte des
besoins réels et bien justifiés.
Quant aux recettes, elles ont été prévues avec une grande modé-
ration aussi l'équilibre budgétaire repose-t-il sur des bases sérieuses.
C'est pourquoi l'on a pu envisager quelques diminutions d'impôts;
ainsi, diminution de l'impôt foncier qui est actuellement de
25 p. 100 et qui serait ramené à ao p. too, faux d'avant guerre;
fixation pour l'impôt sur le revenu d'un nouveau minimum du
s<<!fM!(tfd of, life, en tenant compte du nombre (Tentants; facilités
accordées aux contribuables pour le payement des impôts et pour
la rentrée des impôts en retard; suppression de la taxe sur le
chiffre d'affaires dans les transactions sur les animaux, etc.
Dans l'expose des motifs devant justifier ces diminutions d'im-
pôts, le ministre a fait valoir la nécessité de donner une impulsion
à la vie économique ~[u pays. Ce mouvement se développe lente-
ment, il est vrai, mais il pourrait être plus accentué, car les possi-
bilités d'action et de progression existent. Parmi les principales, on
peut citer une exploitation plus rationnelle du sol conduisant an
développement de l'agriculture, l'amélioration des terrains sodiques,
l'assèchement des marais, le développement de l'élevage, de la cul-
ture des fruits, etc. D'autre part, l'industrie, même en ce pays agri-
cole, peut prendre d'autres proportions, elle en a toutes les possi-
bilités. Du reste, sa situation, au cours de l'année écoulée, a été
favorable et l'on a pu, au début de 1920, constater une amélioration
dans quelques branches. Une consommation plus grande de char-
bon indique une activité plus intense dans l'industrie. De nouvelles
entreprises ont été créées fabriques de papier, de produits chi-
miques, de textile, etc. La production du fer marque, sur l'année
précédente, une augmentation de près de ~oo ooo quintaux. La
production de l'acier a augmenté de i45 oop quintaux.
Les chiffres rel'atifs à la consommation d'énergie électrique ne
se rapportent qu'à la ville de Budapest; cette consommation a été
pour t()28 de 77,3 millions kilow.h. contre 69,1 millions, en 192'
Dans l'industrie des machines, l'activité est satisfaisante et l'on
s'attend à une intensification de cette activité.
Dans l'industrie du bâtiment, on compte par nombre de pièces
construites; en 1927, il a été de 20806 et, en 1928, de 23653 pièces,
représentant des appartements de 5, 4, 3 pièces principales
et aussi des logements de i ou 2 pièces avec accessoires.
Dans l'industrie alimentaire, la fabrication du sucre a passé de
t 676 aai quintaux, en 1927, à i 967 a36 quintaux en 1928. Les
brasseurs signalent également une augmentation ayant passé de
210 506 hectolitres à 219970 hectolitres.
La meunerie a utilisé dans une plus forte mesure que précédem-
ment sa capacité de travail, sans pourtant dépasser 60 p. 100 de
son ancienne production.
Les industries chimiques ont travaillé à peu près comme l'année
précédente.
En résumé, l'activité industrielle est satisfaisante et le nombre
des chômeurs a diminué.
L'équilibre de la balance commerciale est pour la Hongrie une
grave question que complique encore la situation particulière q'ii
lui a été créée par le traité de paix; aussi, en 1928, comme pendant
les années précédentes, les importations l'ont-elles emporté sur I<*s
exportations, ce qui s'explique par l'absence de nombreuses ma-
tières premières; les tableaux ci-dessous permettront de voir quels
senties produits que la Hongrie possède et ceux qu'il lui faut im-
porter.

TABLEAU.
Importations
Fnnctpautproau~s. li~. t.<xa.

Bois brut ou
Tissus de
ouvre.
coton.
(En miUtons dépensée!,
chiffres ronds).
t3i !~5
83

laine.
02
Charbon
Machines et appareils. 58
47
62
54

papier.
coton.
bruts.
Tissus de 47

fer.
57
Papiers etartictes en 39 45
FiiésetStsde

brut.
3g 32
Métaux
H uiles minérales.
Articles en
3z
26
24
3i
~7
25
Tabac 21 '9

Farine.
Froment.
Exportations
78 go

Volailles.
Seigle.
to5 88
Animaux de trait et de boucherie. 92 8i
43 4q
~i 34

Ptumes.
Sucre
etapparei)s. 3o 27

OEufs.
Maïs.
Machines t8 z4

Appareils électriques. 21
:6
2~
21
!<)
17
7 i3

1927. 192S.

Au cours des deux dernières années


Les importations ont été, en millions de pengoes i 147 i 180
Les exportations 800 8ig

La balance commerciale reste déficitaire.


La répartition du commerce extérieur par pays d'origine et par
pays destinataires est intéressante par les indications qu'elle fournit,
nous en donnons le tableau ci-dessous

TABLEAU.
Ptysd'ori"ineet importations. Exportations. Excédent d'importations.
paye destinataire. 1927. 1928. 1927. 1928. ~'ta27. ~!5S'

Autriche. 203,7 '93,8


(En millions de pengoes.)
278,3 278,4
Tchéco-Slovaquie.. 380,3 270,2 156,7 i45,a t23,6 t25,o
Roumanie. 82,8 92.7 35,8 43,9 47,0 48,8
Yougo-Slavie. 49,0 58,4 4i,3 53,6 7,7 4,S
Allemagne. a3t,3 )o6,t1
Suisse.
!ta)ie.
2o4,3
47,9 48,i 27,6
g5,4
29,5
98,2
20,3
135,9
19,1

France. 53,5
32,1
47,5
30,5
29,8
5,5
29,0
7,'
23,7
26,6
18,5
23,4
Belgique. 7.? 8,3 1,9 5,8 i,!
Pays-Bas. 17,9 20,7 2,1
7,2
4,3 15,8 16,4

Suède.
Grande-Bretagne..

Pologne.
37,2
5,1
54,2
36,9
2,6
47,2
i9;o
o,7
2S,4
23,8
1,7 o,8
25,8
j8,2

25,8
j3,t
0,9
2),4
Bulgarie. 14,5 8,5 8,4 6,8 6,t !,7
Grèce t,i 3,7 5,4 6,[1
Turquie. 5,4 7-9 8,4 t,3
rique.
États-Unis d'Amé-

pays.
Autres
24,3
2<),4
4o,8
39,4
3,9
45,6
5,
4~44
ao.4 35,7

Quelques remarques peuvent être faites sur les chiffres ci-dessus.


L'exportation des articles industriels, a augmenté, passant de
a~,3~ p. 100, en 1927, a 3a,~2 p. 100 en igaS, des exportations
totales. Les importations de matières premières ont augmenté, ce
qui semble indiquer un progrès de l'industrie du pays, d'autant
plus que les importations d'objets manufacturés sont restées sta-
tionnaires, alors que les exportations de ces mêmes objets accusent
une augmentation.
Parmi les importations, c'est toujours le bois qui tient la pre-
mière place, ce qui s'explique par le fait que la Hongrie a perdu
85 p. 100 de ses forêts; elle a importé, en 19;28, bois brut et bois
ouvré, pour un montant de !~5 millions de P., ce qui représente
ia p. 100 de la valeur totale de ses importations pour l'année écou-
lée. Les textiles tiennent une place importante dans les importations,
ce qui indique une plus grande activité industrielle, corroborée par
la régression de l'importation des tissus de coton. La diminution
des importations de laine et filés de laine est attribuée à une baisse
du pouvoir d'achat de la population,
Les exportations de charbon_ont augmenté de i,5 million quin-
taux et comme la consommation intérieure s'est également accrue,
on peut en conclure à une augmentation de l'activité industrielle.
Parmi les exportations, la farine tient le premier rang, avec un
accroissement de ~oo ooo quintaux sur l'année précédente. Il n'en &
pas été de même pour le froment, malgré rexceptionneUc récolte
de 1928; il est vrai qu'il reste des stocks importants qui seront
exportés cette année et modifieront sans doute la balance commer-
ciale. Le prix des produits agricoles a baissé et la valeur des pro-
duits exportés en a été influencée. Les vins hongrois, mieux connus
à l'étranger, sont plus demandés; aussi, en 1928, l'exportation a été
le double de 192~, en quantité comme en valeur. Il faut signaler
l'exportation des machines et appareils dont l'accroissement est
presque de /<o p. 100.
Si l'on considère le commerce extérieur par rapport aux diffé-
rents pays avec lesquels la Hongrie fait des échanges, on constatera'
que l'Autriche est son meilleur client avec 34 p. 100 des exporta-
tions totales. Par contre, la Tchéco-Slovaquie, qui faisait également
partie de l'ancien empire d'Autriche-Hongrie, envoie le plus de
marchandises en Hongrie, 22,~5 p. 100. L'Allemagne en envoie
19,10 p. 100, tandis qu'elle ne reçoit de la Hongrie que 6,55 p. 100.
Ce fait s'explique par les conditions particulières dont jouit l'Alle-
magne, ses exportations à destination de la Hongrie proGtent de
tous les avantages accordés au point de vue des droits de douane à'
d'autres pays contre des compensations réciproques, sans que la
Hongrie, elle, se voie accorder le moindre avantage par voie de réci-
procité, puisque l'Allemagne poursuit une politique commerciale
qui ferme toutes ses frontières aux produits agricoles de la Hongrie.
Cette politique économique est celle que poursuivent presque tous.
les Etats successeurs à l'égard de la Hongrie et c'est bien ce qui rend
son redressement économique beaucoup plus difficile. La Hongrie
ne peut communiquer directement avec aucun Etat étranger, sans
avoir à traverser l'un quelconque des Etats successeurs, et sur sa
front'ère, tracée. en zigzags à travers champs,~s'éleve une Infranchis-
sable muraille de Chine.
Emile HORN:
LES BUDGETS DES PRINCIPAUX PAYS
ET

LES BUDGETS DE L'AVENIR

Une comparaison des charges budgétaires des principaux pays


-d'abord et des diverses parties du monde ensuite présentant un
incontestable intérêt, nous avons poursuivi nos recherches et avons
réuni les chiffres essentiels pour la plupart des Etats et colonies du
globe, afin de compléter notre précédent article. Mais tout travail de
c'; genre, entrepris sur le plan mondial, se heurte à maintes difn-
cultés. Si la plupart des pays et colonies publient, sans trop de retard,
des statistiques complètes, d'autres paraissent n'avoir qu'un médiocre
souci d'établir un inventaire de leurs richesses naturelles, de publier
les chiffres de leur commerce extérieur et de leur budget, et de les
faire connaître aux autres nations.
Dans les domaines de l'archéologie, de l'astronomie et de la phy-
sique, comme en matière de chimie, de mécanique et d'électricité,
-découvertes et progrès sont innombrables et se succèdent presque
sans interruption, mais nous ne connaissons encore que très vague-
ment les ressources naturelles de maintes contrées lointaines et nous
ne possédons que très peu de chiffres au sujet de leur vie écono-
mique. La multiplicité des monnaies et l'instabilité de leur cours
constituent une autre complication, car la comparaison de chiffres
exprimés en devises variées n'est pas possible et, pour qu'elle le
soit, il faut nécessairement convertir ces chiffres en une devise
unique. Nous avons entrepris cette conversion en' francs actuels
sur la base des cours moyens annuels résultant des cours pratiqués
en iga8, à New-York et à Londres, pour le franc et les autres
Devises. °
Ce double travail de recherches et de conversion nous a pris
beaucoup de temps, et nos lecteurs nous excuseront si des chiffres
~douteux et incertains figurent dans cette étude. Celle-ci n'est d'ail-
leurs qu'un premier essai ayant pour but principal de fixer les
idées et de faciliter une comparaison des recettes et dépenses bud-
gétaires des principaux pays et des diverses parties du monde.
Dans notre précédent article, nous avons publié les chiffres des
budgets des principaux pays de l'Europe, de l'Amérique du Nord
et de l'Amérique du Sud.
Voici le tableau que nous avons pu établir pour l'Asie

Dépenses.
Population Années Recettes Enfrancs
en millions des en millions En millions par
Pays et Colonies. d'habitants. budgets, de francs. de francs. habitant.
Établissementsanglais
des détroits malais. 1,0 1327 545 569 SGg
Hong-Kong. 0,7 1927 265 269 370

Japon.
Palestine

Formose.
0,9
6~,0
)927-!9:8
t928-i929
290
202/)8 20~8
303 336
3t6

Ceylan.
Turquie.
4,3
~a
i928-;929
1926-1927
1294
ic~t
129~
1199
3oi
250

Irak.
Indes néerlandaises..

Corée.
Siam.
]3,7
52,5
3,2
20,0
)929-i93o
~9~9
1927~~8
1928-19:9
Y928-J929
2688
83~
545
2633
ji36
z688
8983
507
2633
196
fyo
i5~
i3t
ii3
10,0 1129
Inde britannique. 252,0 t928-i929 20 85? 2i0[6 83
Iles Philippines 12,0 1927 1017 1001 83
Indochine.
Perse.
Chine.
2!,o
9.0 !926-i927
458,o
1928

1929
123:
735
Il 660
Ma
ia32

t2Q5o
59
70
28
États indigènes de
l'Inde et autres pays
et colonies. 99,5 8oio 8~9
Totaux. (027,0 82605 848<2 83

Les francs sont des francs français actuels, au cours moyen de


1928, à New-York.
Les pays et colonies sont placés d'après l'importance de leurs
charges budgétaires par habitant.
Dans ces chiffres ne sont pas compris ceux de la Russie d'Asie.
Ils sont incorporés avec ceux de la Russie d'Europe dans le tableau
de l'Europe figurant dans notre article précédent, et c'est pour cette
raison que la population de l'Europe apparaît à ce tableau avec !e
chiffre de 5i8,8 millions d'habitants, au lieu de 483,8, chiffre pro-
bable en iga8.
Pour les Etats indigènes de l'Inde, peuplés d'environ 3 millions- y
dhabitants (évaluation), nous ne possédons pas de chiffres. Nous
avons attribué à ces Etats et aux autres pays et colonies non indi-
qués ci-dessus (Afghanistan, Népaul, etc.), des recettes et dépenses
budgétaires égales, par tête d'habitant, à celles des autres pays et
colonies asiatiques, soit 83 francs (exactement 82 fr. 6o).
Nous pouvons faire, pour l'Asie, la même constatation que pour
les pays d'Europe et d'Amérique. Les colonies et pays ayant les
plus fortes charges budgétaires par tête d'habitant Etablissements
des Détroits, Hong-Kong, Japon, etc., sont ceux dont le commerce
extérieur est le plus actif, également par habitante
Le tableau ci-dessous indique les chiffres pour les pays et colo-
nies d'Afrique
Dépenses.
Population Années Recettes Entrantes
en millions des en millions En millions par
Pays et Colonies. d'habitants. budgets. defrancs. de francs, habitant.

Égypte.
AfriqueAustrale 7,8 1928-19:') 3~7 28[0 360

l'Or.
Côte de
i<t,3
a,!
!9z8-(929
1927
~~t
648
i235
5n7
585
ia35
358
279

Tunisie.
Algérie

Rhodésie.
6,1
2,2
1929
1928 440 ~9
202
199

tien.
Soudan

Kenya.
Afrique
ang)o-égyp-

occidentale
2,0

6,6
'2,8
1937

1927
32S

761
353
333

76;
3<2
167

ii5
112

française. i3,5 Soi 57


Ouganda. a 3,2
1929
1927 i6o
772
178 56
Tanganyika. ~,2 236 50
Congo belge.
1927 212
8,5 1928 372 372 44
Nigérie anglaise. 18,2 783 880 43

nies.
:927
Autres pays et colo-
5t,5 8060 7879
Totaux. t43,o 22375 2t885 i53

La plupart des colonies françaises, anglaises, portugaises et ita-


liennes publient leurs budgets, mais leur nombrej est très grand et
l'indication de leurs chiffres prendrait trop de place. La République
de Libéria figure parmi les pays divers.
Pour l'Ethiopie, nous ne possédons aucun chiffre et nous l'avons
classée parmi les pays divers, avec un chiffre moyen par tête, égal
à celui des autres contrées..
La même constatation peut être faite pour l'Afrique, comme pour
l'Europe, l'ATnérique et l'Asie.
Les pays et colonies dont l'activité économique a progressé
Afrique australe, Egypte, Algérie, etc., apparaissent au tableau
avec des charges budgétaires par tête plus élevées que celles des
autres contrées.
Voici le tableau que nous avons établi pour l'Océanie
__Dépenses.
Population Années Recettes Enfrancs
en millions des en minions En millions par
Pays et Colonies. d'habitants. budgets. defrancs. defrancs. habitant.
Nouvelle-Zélande. 1,4 3071 3o~2 2)73
Australie.
-Iles Hawaï
6,3
0,96
192R
igaô-jgz?
]937-~9a8
9707
275
io837
2~5
i 747
Q~2
Des Viti (Fidji). o,:7 1927 C6 388
.Autres pays et colonies. 3,57 398 398
Totaux. 11,7 13524 t458S t2~
Parmi les contrées diverses figurent l'île de Bornéo, celle de la
Nouvelle-Guinée et divers archipels. Ne pouvant leur appliquer une
charge budgétaire semblable à celles de la Nouvelle-Zélande, de
l'Australie et des îles Hawaï, nous avons adopté, pour ces îles et
archipels, la charge par habitant de la colonie anglaise de la Nou-
veDe-Guinéc, soit 117 francs. L'Inde néerlandaise et les îles Philip-
pines figurent dans le tableau de l'Asie.
L'établissement do nos divers tableaux nous a permis d'en établir
-un pour le globe entier.
_Dépenser.
Recettes EnTrancfT
Population
en millions en millions En millions par
Parties du monde, d'habitants. de francs. de francs. habitant.

Europe. 5!S,8 ~02!~ 417720 805

Amérique du Nord.. 162,77 j]8S70 n552B 708


Amérique du Sud. 83,o3 z5t64 24~9 ~5

Asie. Ensemble.
Afrique.
a45,8
t02'o
j43,o
t~o34
82605
M3~
j3g98t
8~8i2
2j885
56g
83
i53
Océanie. 11,7 <3524 !4588 1~7
Totaux. J9~6,3 682~55 678 g86 3~

Ce tableau pourrait difucilement, pour les raisons que nous avons


énoncées dans notre article précédent et dans celui-ci, être considéré
comme absolument exact. Les budgets fédéraux de l'Allemagne, de
la Suisse, des Etats-Unis et d'autres pays encore ne comprennent
pas toutes les dépenses, pas plus, du reste, que les budgets fran-
fais, belge, anglais et autres ne comprennent celles des départe-
ments, provinces et villes.
D'autre part, pour divers pays, les chiffres ne sont pas connus.
Mais les chiffres de ce tableau ne s'écartent ceri&inement
pas
beaucoup, dans l'ensemble, de la réalité, et leur comparaison ne
manque évidemment pas 'd'intérêt. Cette comparaison confirme,
pour les parties du monde, les constatations que nous avons faites
pour les principaux pays. L'Océanie, l'Europe et l'Amérique figurent
au tableau avec des charges budgétaires beaucoup.plus élevées, par
tête d'habitant, que l'Afrique et l'Asie. Or, pour l'importance du
commerce extérieur, par tête d'habitant également, les trois pre-
mières parties du monde précitées devancent aussi de beaucoup les
d?ux autres.
Le commerce extérieur ne représente évidemment qu'une partie
de l'activité économique des nations et il 'faudrait tenir compte
aussi de la valeur de leur production agricole et industrielle, mais
nous n'avons pu encore, jusqu'à présent, procéder aux recherches
nécessaires pour établir cette valeur. En attendant que nous avons
pu entreprendre ces recherches, qui nous prendront certainement
aussi beaucoup de temps, les chiffres que nous avons réunis nous
permettent d'établir un tableau comparatif de l'importance du
commerce extérieur et des charges budgétaires des diverses parties
du monde.
Commerce extérieur Commerce en francs
cnmitîîardsde francs.
Impor- Expor-
par
Impor-
habitant.budgétaires
Expor- enfrancs
e

Parties du monde, tations. tations. tations. tations. par habitant.


Europe. 5tt,8 ~07,~ toCo 843 805
Amérique. io3o
Asie.
Afrique.
210,t
1~7,7
39,9
253,2
'SS.g
37,t1
855
123
283
tM
a63
569
83
t53
Oceanie. 26,8 .28,2 ssgo 2~07 1 247
Totaux. 9t6,3 86~.8 ~5t 349

T ue chiffres
Les nh;ifroe des quatre premières
nlne I1T1~.ro n"'OYn1~I)'C! colonnes
nnlnnnoe sont R.i`
no"v qui figurent'
~("\nt ceux
dans notre article « Les grands marchés mondiaux et les routes
commerciales », paru dans le Journal des Economisles du i5 mai
10~9. Nous avons signalé déjà, dans maints articles, que le déEcit
de la balance commerciale de l'Europe est comblé largement par
les 'dépenses des touristes des autres parties du monde en Europe,
l'encaissement de frets de la marine marchande européenne, d'assu-
rances, de commissions, intérêts de capitaux placés dans divers
pays' du globe (emprunts, chemins de fer, entreprises industrielles,
etc.).
Pour l'importance par tête du commerce extérieur et des charges
budgétaires, FOcéanie, la moins peuplée des parties du monde, se
place au premier rang, suivie par l'Europe et l'Amérique, devan-
çant elles-mêmes sensiblement l'Afrique et l'Asie.
Si nous comparons les mêmes chiffres pour quelques pays, la
même situation sera constatée également.
Commerce extérieur
francspar tête.
onfranMpartête. h~IF..
budgétaires
Impor- Etpor- en francs
Pays. taHonp. tations. par tète.

Irlande.
Grande-Bretagne.
Canada.
323i
3~;66
3n88
32?S
)8~
35o5
200~
tSoi
822

Australie.
Nouvelle-Zélande

ï!es!Tawat'
365o
;~45
~5Q5
26~
2~3
i~~

Chine.
Inde britannique
6~70
76
40
St34
95
36
9~9
83
~S

Les deux derniers pays, avec un commerce extérieur très faible


par tête, ont également des charges budgétaires proportionnellemert
très faibles.
Cette constatation a d'ailleurs son explication dans ce fait que.
pour développer son commerce extérieur et notamment ses expor-
tations, un pays doit donner à sa production une ampleur de p)<
en plus grande et pour arriver à ce résultat, il doit nécessairement
développer son outillage industriel, son réseau ferré, ses ports
sa marine marchande, ainsi que son enseignement supérieur, tech-
nique et professionnel, le confort de ses maisons d'habitation, etc.
Il a généralement le souci également d'enrichir sans cesse ses col-
leclions artistiques et scientifiques dont la valeur réelle peut être
qualifiée d'inestimable dans les principaux pays d'Europe et dans
quelques-unes des autres parties du monde.
On peut donc en conclure que tous les pays à forte production
et à grand commerce extérieur ont inévitablement, parce que réali-
sant de plus grands, profits et vivant avec plus de confort, des
charges budgétaires plus élevées que celles des contrées produisant
moins et ayant un plus faible commerce extérieur.
11 convient de rappeler ici que la guerre de i()!~ à iQi8 fit éprou-

ver, aux principaux pays d'Europe, des pertes énormes en vies


humaines et en biens immobiliers et mobiliers de tous genres,
pertes beaucoup plus fortes que celles subies par les belligérants
des autres parties du monde, et que ces pertes, dont l'importance
totale pourrait difficilement être calculée, eurent une répercussion
profonde et durable sur la production, le commerce extérieur et les
finances publiques et privées de l'Europe. Nous avons signalé aussi,
dans notre précédent article, les dépenses considérables qui résul-
tèrent, pour les lointaines Australie et Nouvelle-Zélande, de leur
participation à la guerre mondiale.
A propos du commerce extérieur des diverses parties du monde,
dont nous venons de citer quelques chiffres essentiels, nous, devons
signaler que des mots sensationnels autant que fantaisistes récem-
ment prononcés et reproduits dans les journaux, tels que « déséqui-
libre économique », « manque de pouvoir d'achat », etc., s'appli-
quant à l'Europe, ne sont pas confirmés par les faits.
Voici une comparaison de chiffres qui montrent clairement )a
situation réelle.
Importations. 1913. 1926. t927. 1998.

Europe.
(Enp.lCO.)
61,5 53,8 54,6 55,g

Asie.
Amérique.
Afrique.
20,0
if,8
4,t
2~,2
)4,5
4,!
23,9
j4,i
~,3
23.9
<3.9
4,4
Océanie. a.6 3,4 3,[ 3,9

100 !00 100 100

Les chiffres de 1913 et 1927sont ceux de la Société des Nations;


ceux de igaf) sont extraits d'un tableau que nous avons publié en
décembre 1927 et ceux de 19,28 figurent dans notre étude « Les
Grands marchés mondiaux » qui parut dans le .Jou.rnal des Econo-
mistes du 15 mai 1929.
La guerre de 1914 à K)i8 fit subir à l'Europe une perte de fo mil-
lions d'hommes valides, dont la plupart étaient des producteurs,
techniciens, etc., et le recul de l'Europe par rapport à 1913
s'explique aisément, d'autant plus que, pendant et après la guerre,
l'Amérique, l'Asie et l'Océanie purent fournir leurs produits à une
clientèle à laquelle les pays d'Europe ne pouvaient plus expédier
que très peu de marchandises. Au début de 1919, nous eûmes l'oc.
casion de visiter les régions dévastées de France et de Belgique
mines, usines, voies ferrées, routes, canaux, ponts, étaient détruits
ou fortement endommagés; machines, locomotives, wagons avaient
disparu et les populations ouvrières avaient énormément souffert de
la guerre et des déportations. 11 fallut plusieurs années pour panser
toutes ces plaies et remettre mines, usines et chemins de fer en
activité plus ou moins normale. On peut donc considérer comme
satisfaisants le pourcentage de l'Europe dès 1926 et les progrès réa-
li&ésen n)2y et en 1928' alors que la part des autres parties du
monde, sauf celle de l'Afrique, est en recul.
En 1928, les importations de l'Europe, dont la population repré-
sente un quart de c~lle du monde, dépassent largement la moitié
de celles du globe entier.
La comparaison des chiffres relatifs aux exportations ne manque
pas non plus d'intérêt.
Exportations. 1913. MM. ]997. 1928.

Europe.
(En p. 100.)
55,2 M,9 46, ~7,;

Asie.
Amérique.
Afrique.
24,9
12,5
4,7
29,7
j7,8
3,9
29,6
16,8
4,4
1
'sg.S
16,t

Océanie. 2,7 3,7 3,1


~,S
3,2
1r
JOO 100 100 100

Ici encore, après un recul par rapport à igi3, l'Europe regagne


1,3 p. 100 en 1~2'; par rapport à ig26 et i p. 100 encore en 1928
par rapport à igzy. Et l'effort de l'Europe est d'autant plus méri-
loire qu'elle est moins favorisée que l'Amérique en ressources natu-
relles notamment en céréales, élevage, pétrole, coton, café, etc.
Un autre mot « multiplication des frontières en Europe n n'est
guère plus justiGé que les autres. Le fait que l'Europe, d'étendue
moindre que les autres parties du monde, comprend vingt-huit pays
différents pourrait expliquer l'élévation des chiffres de son com-
merce extérieur, commerce dont l'importance totale diminuerait si
les frontières étaient moins nombreuses ou si' une union douanière
englobait la plupart des pays européens. Or, si l'on excepte les Etats-
Unis et le Canada, dont les vastes territoires représentent près du
double de l'étendue de l'Europe entière, on constate que l'Amérique
centrale, avec 21 860 ooo habitants, comprend sept pays (sans comp-
ter le Honduras britannique et la zone du canal de Panama) dont
la population moyenne n'est que de 3 icoooo habitants; que tes
Ahtilles, avec io3i4ooo habitants, comprennent douze Etats on
colonies, ayant chacun, en moyenne, moins de gooooo habitants <:t
que l'Amérique du Sud, avec 84 millions d'habitants, comprend
(sans compter les trois Guyanes et les îles Falkland) dix pays ayant
chacun, en moyenne, 8 4oo ooo habitants. Avec les Etats-Unis et le
Canada, l'Amérique entière comprend trente et un pays ayant cha-
cun une population moyenne de 8 millions d'habitants, tandis que
Jes vingt-huit pays d'Europe ont chacun, en moyenne, 17 millions
d'habitants (non compris la Russie d'Asie).
Trois langues principales sont employées en Amérique anglais,
espagnol et portugais (au Brésil), tandis que trois langues le sont en
Suisse, ce qui n'empêche nullement ce pays d'avoir un commerce
extérieur très important, si on le calcule par tête d'habitant, et supé-
rieur à celui de l'Amérique.
Une union douanière pourrait être conclue entre Etats-Unis et
Canada et une -autre entre les pays de l'Amérique latine. En appa-
rence, les obstacles ne doivent pas être bien grands, et cependant
il en existe un d'importance réelle. La plupart des pays américains
ont des tarifs douartiers à droits élevés; par exemple, les recettes
douanières prévues au budget chilien de igag représentent 35 p. io<r
de la valeur des importations de 1928 et 23,~ p. 100 du total des
recettes budgétaires, tandis que les droits de sortie sur le nitrate
exporté interviennent pour 22,~ p. 100 dans ce total. En cas de
réduction sensible ou de suppression totale des droits d'entrée et
éventuellement aussi des droits de sortie, de nouveaux impôts
devront être créés pour combler le vide laissé par la réduction ou la
suppression des droits. La même difuculté surgirait en Europe si
une union douanière englobait la plupart ou la totalité des Etats.
Commerce extérieur et tarifs douaniers ont donc un rapport direct
avec la question budgétaire et c'est pour cette raison que nous avons
cru utile d'aligner les chiffres ci-dessus et de les faire suivre de
quelques commentaires. Mais nous reviendrons maintenant à la ques-
tion budgétaire proprement dite.

Charges budgétaires par habitant


Nous avons indiqué, dans notre dernier article, la charge relati-
vement élevée que représente, par habitant, la représentation diplo-
matique et consulaire pour les pays peu peuplés désirant être repré-
sentés dans la plupart des pays.
Nous avons eu l'occasion,. maintes fois, de signaler la difficulté
de comparer l'activité économique et le commerce extérieur des
pays peuplés de i million d'habitants seulement (Esthonie, Parâ-
guay, etc.) et ceux d'Autres peuplés de dizaines et de centaines de
millions d'habitants. Il est donc plus logique également, pour la
comparaison des charges budgétaires, de grouper les pays d'après
l'importance de leur population; par exemple grands pays de plus
de 3o millions d'habitants; pays moyens, de 10 à 20 millions et
petits pays de moins de 10 millions d'habitants.
Voici un essai de comparaison, pour leurs dépenses par habitant,
entre les principaux pays- groupés comme nous venons de l'indi-
quer (chiffres en francs par tête)
Défense rKt<tona!e Grande-Bretagne, 3o4; France, 238; Etats-
1.
Unis, i53; Italie, 118; Pologne, 7~; Allemagne, 71; Russie, yo;
Japon, 59, etc.;
II. Argentine, 118; Espagne, 100; Slavie du Sud (Yougoslavie),
8g; Mexique, 80; Roumanie, 70; Turquie, 87, etc.;
III. Chili, 17~; Suéde, i5o; Uruguay, 136; Danemark, n~; Suisse,
io6; Pays-Bas, 101; Paraguay, 101, etc.
I! convient de tenir compte du fait que des nations possèdent des
colonies lointaines auxquelles elles doivent assurer un minimum de
protection et de sécurité et avec lesquelles elles doivent maintenir
un contact permanent et que d'autres pays ont des côtes très déve-
loppées, et très exposées par conséquent à des attaques, à protéger
et à défendre.
Affaires étrangères. I. France, 6; Allemagne, 6; Pologne, 5,5;
Japon, 3; Italie, 2,6; Etats-Unis, 2, Brésil, 2,2, etc.;
II. Espagne, 7,5; Argentine, 7; Turquie, 4; Roumanie, 0,8, etc.;
III. Chili, i3,4; Uruguay, 9,7; Danemark, 9,2; Norvège, 8; Equa-
teur, 8; Belgique, 6, tD
Finlande, 6; Pays-Bas, 5,4, etc.
Instruction publique. I. Etats-Unis, ~76 (dépenses des Etats fédé-
rés) Canada, 32i; Grande-Bretagne, 109; Prusse, 106; France, i5;
Pologne, 45; Russie, 4o; Italie, 38, etc.;
II. Argentine, 162 (y compris Justice); Roumanie, ~3; Espagne,
38; Slavie du Sud, 3o, etc.;
III. Nouvelle-Zélande, 276; Pays-Bas, 198; Australie, 186; Suède,
161; Uruguay, 127; Danemark, 121; Afrique australe, 116; Chili,
Jio; Islande, 106; Portugal, 100, etc.
La comparaison est, dans ce domaine, également difficile, car, de
même que les Etats fédérés des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
les départements, provinces et villes en France, Belgique, Grande-
Bretagne, etc., ont leurs propres budgets, souvent importants, pour
l'enseignement et notamment pour l'enseignement, technique et pro-
fessionnel.
Les budgets de !'o.t'c~[r

Le rapprochement des chiffres des divers pays et des diverses par-


ties du monde auquel nous avons procédé ci-dessus nous permet
de faire des constatations intéressantes, notamment celle relative à
l'élévation des charges budgétaires des pays qui se distinguent pré-
cisément par l'importance de leur commerce extérieur.
Il n'en résulte évidemment pas que l'accroissement illimité des
charges bugétaires puisse être considéré comme le signe de l'enri-
chissement des nations. Pour pousser plus loin la comparaison et
apprécier exactement la situation, il faudrait tenir compte de la
diminution générale du pouvoir d'achat des devises des divers
pays, par exemple depuis un demi-siècle ou tout au moins depuis
iQi4. Le dollar lui-même, considéré comme étalon-or, n'a pu con-
server sa valeur réelle d'avant guerre. Si le nombre-indice des prix
de gros fut, en'1928, de i~a à 146,7 p. 100 de celui de 191~ et
celui du coût de la vie, de 160 à i63,6 aux Etats-Unis, on peut
en conclure que le pouvoir d'achat, la valeur effective, en somme,
du dollar a diminué. Au cours des périodes de grande inflation en
Allemagne et en Russie, les prix en chiffres suivis de nombreux
zéros, montrant apparemment une hausse fantastique de la valeur
des produits, n'indiquaient, en réalité, que la chute du cours du
mark et du rouble.
Les budgets présents et ceux de demain, où s'accumulent et s'ac-
cumuleront des chiffres en millions et en milliards, selon la valeur
des devises des pays, sont devenus et deviendront d'une élaboration
de plus en plus difficile.
Les perplexités et les embarras des ministres des Finances et de
leur personnel, comme ceux des Commissions du budget et des Par-
lements, ne feront que s'accroître et l'importance considérable 'les
crédits à affecter au service des intérêts et u l'amortissement des
dettes publiques devient réellement inquiétante, avec cette consta-'
tation affligeante que la plupart des pays alliés et vainqueurs ont à
supporter, de ce chef, les charges les plus lourdes.
La dette publique de la Grande-Bretagne au Si mars 1929 repré-
sente exactement onze fois le chiffre de cette dette au i" août 19~.
Le chiffre actuel représente 20 83o francs français par tête d'habi-
tant. En Nouvelle-Zélande, ce chiffre est de 22 3oo francs; en Aus-
tralie, de 9 y4o; au Canada, de 5 679, etc. Les ressources naturelles
et l'outillage économique de ces pays ont certainement une valeur
considérable, mais dettes et charges ont pris une ampleur inconnue
encore jusqu'à présent. Le service de la dette publique exige, par
tête et par an, 8~3 francs en Grande-Bretagne, 6i5 en France, 328
au Canada, etc. (chiffres des derniers budgets cités dans cet article
et le précédent).
En cas de crise économique et de chômage industriel important
de quelque durée venant affaiblir le chiffre des recettes fiscales, on
peut se demander si des charges aussi lourdes pourraient être sup-
portées par les peuples.
Si la génération actuelle s'émeut déjà de devoir! consacrer une
part énorme du produit de son travail au service des intérêts et à
l'amortissement de la dette publique, qu'en pensera la génération
de demain?P
Les dirigeants actuels de la Russie, ou du moins leurs prédéces-
seurs de i<)tS, ont proclamé l'annulation des dettes de l'Etat et con-
fisqué tous les biens immobiliers et mobiliers des entreprises créées
par les étrangers. Les suites de cette annulation- et de cette confis-
cation ne paraissent pas brillantes et les résultats obtenus sont pro-
bablement inférieurs à ceux qu'aurait obtenus un régime normal se
rapprochant de ceux des autres nations. La Chine annonce, pour
le if janvier ig3o, l'annulation des concessions territoriales accor-
dées aux étrangers et a soulevé déjà, à Genève, la question de l'an-
nulation des traités « inégaux )). D'autres demandes de ce genre
seront probablement formulées tôt ou tard. Il fut d'ailleurs déjà
question, naguère, de l'annulation des dettes interalliées, et il est
probable que si l'application du plan Young se heurtait à des diffi-
cultés ou aboutissait, par exemple en cas de crise industrielle, à la
carence du débiteur, l'examen de cette question s'imposerait aux
pays alliés.
D'autre part, les idées d'ententes et d'unions douanières partielles
ou totales paraissent progresser et peut-être en verrons-nous la réa-
lisation, sur une échelle plus ou moins grande, dans un avenir peu
éloigné.
Un accord de ce genre aura pour conséquence directe la dispari-
tion, totale ou partielle, des recettes douanières, et de nouvelles
formules de budgets devront être étudiées.
Nous ne croyons pas à la possibilité de l'annulation totale des
dépenses pour la défense nationale dans un avenir très rapproché.
Malgré les accords pouvant intervenir entre certaines grandes puis-
sances ou même sur le plan mondial, il faudra sans doute assurer
d'abord la sécurité sur terre, sur mer et dans les airs. Le gouver-
nement danois envisage déjà la transformation de son armée et de
sa flotte de guerre en police terrienne et maritime. Sur toutes les
mers du globe, il faudra nécessairement assurer la sécurité des
communications et des transports, car les échanges par rail et par
avion coûtent beaucoup plus cher que ceux par mer et la diminu-
tion du trafic maritime aurait immédiatement une répercussion
accentuée sur l'activité industrielle des principaux pays.
Mais on peut, dès maintenant, envisager une réduction des
charges militaires et une transformation des systèmes actuels de
recrutement et d'emploi des hommes appelés sous les drapeaux. Si
la formation des cadres est assurée, les effectifs sur pied de paix
peuvent être ramenés à des chiffres beaucoup plus réduits. Les
guerres de l'avenir, s'il doit malheureusement en survenir encore,
seront très différentes de celles du passé. Les progrès rapides réalisés
en aviation et en d'autres branches auront inévitablement une
grande transformation des méthodes d'attaque et de défense. L'ar-
rière industriel aura peut-être une importance en réalité plus grande
que le front en armes et en abris bétonnés. L'étude de nouveaux
modes d'emploi de la plupart des hommes, recrutés ou volontaires,
devrait être à l'ordre du jour. Une partie des effectifs sera évidem-
ment affectée aux services techniques. Le service militaire (nous ne
disons pas l'encasernement) peut et doit avoir son utilité. Des
jeunes gens venant de tous les rangs de la société et de toutes les
régions, après une période d'instruction générale la plus courte
possible, peuvent apprendre, après le maniement des armes, cèlui
des outils et apprendre un métier utile ou se perfectionner dans
celui qu'ils exerçaient déjà dans la vie civile. L'exécution de tra-
vaux publics routes pour autos, voies ferrées, canaux,'ponts, etc.,
t'amélioration des procédés de culture, l'élevage, le reboisement,
des travaux de distribution d'eau et d'autres encore sont utiles pour
le pays en tout temps et la plupart d'entre eux peuvent être consi-
dérés comme productifs. il serait donc possible à la fois de réduire
les dépenses dites militaires et de retirer des profits certains de
'l'utilisation des hommes.
La suppression ou la réduction des droits d'entrée viendra aussi,
un jour prochain, à l'ordre du jour. En ce qui concerne les vivres
et denrées, les matières premières, les machines et outils utiles aux
industries qui ne peuvent se les procurer dans le pays, il y aurait
évidemment avantage à réduire ou à supprimer les droits. La ques-
tion sera certainement examinée sous tous ses aspects.
Mais nous ne croyons pas non plus une annulation totale dési-
rable. Peut-être faudra-t-il prendre des précautions contre une
offensive possible d'industries étrangères puissantes, produisant en
masse dans des pays peuplés où elles écoulent aisément leurs pro-
duits à prix rémunérateurs, et qui pourraient être tentées de vendre
à l'étranger, à des prix très bas, la partie de leur production restant
disponible. Il suffit de citer deux catégories de produits autos et
fi)ms pour montrer les éventualités possibles. Des trusts puissants
disposant de grands moyens financiers et pouvant d'ailleurs compter
sur un appui efficace d'établissements financiers aux ramifications
nombreuses en pays étrangers, pourraient, en développant leurs
ventes dans un pays à des conditions plus avantageuses que celles
pouvant être accordées pfar les industries nationales, réduire rapi-
dement ces dernières industries à la ruine et leur personnel ouvrier
au chômage et à la misère. A côté d'un tarif réduit appliqué en
temps normal pourrait être élaboré un tarif de défense industrielle,
à droits élevés, entrant immédiatement en vigueur dès que des
'groupes étrangers commenceraient à pratiquer le « dumping )).
Il y a là un aspect troublant des luttes économiques qui peuvent
éclater, demain, à la place des luttes en armes, et les peuples les
moins forts et les moins bien outillés risqueraient d'être vaincus
en peu de temps.
Si l'ère de l'élaboration d'accords internationaux, fédérations,
unions douanières, etc., ouvre des perspectives riantes vers un avenir
meilleur, des mesures élémentaires devront néanmoins, dès qu'on
passera à la période de réalisation, être prises pour empêcher l'écra-
sement des petits pays par les grands..
L'élévation des impôts et des taxes mécontente, certes, la majeure
partie des contribuables, mais on peut ajouter que la multiplicité
des catégories-d impôts et de taxes, les formalités, ta paperasserie,
etc., ne sont pas faites pour atténuer ce mécontentement. Une trans-
formation des régimes fiscaux en vigueur dans les principaux pays
devra probablement être envisagée, surtout si les grandes nations
arrivent à une entente pour la réduction des armements et si des
accords douaniers sont conclus. II serait utile d'examiner, dès a
présent, les modifications qu'il serait possible d'apporter à l'élabo-
ration des budgets. C'est une question que nous avons-eu l'occasion
déjà d'étudier à maintes reprises. ISous pensons que les recherches
devraient être orientées vers la simplification et que les ressources
nécessaires pourraient être demandées a un petit nombre de caté-
gories d'impôts.
Il semble bien établi que la plupart des contribuables désirent
une réduction des charges et surtout une simplification de systèmes
fiscaux. Nous avons résidé et voyagé environ vingt-deux ans en
divers pays des deux mondes et avons pu constater, un peu par-
tout, le même désir d'obtenir une amélioration des services publics
en même temps qu'une réduction des impôts. D'une part, certains
semblent vouloir une multiplication et une complication plus
grande encore des rouages administratifs et fiscaux, afin d'y trou-
ver, peut-être, des emplois de tout repos pour eux, leurs proches
o'] leurs amis. Par contre, d'autres réclament la réduction des
effectifs du personnel administratif, ce qui permettrait de nom-
breux citoyens jeunes et actifs de choisir une carrière vraisembla-
blement plus fuctueuse pour eux et plus productive, qui pourrait
contribuer efficacement au bien-être général et aux progrès de la
nation.
La réalisation de tous les désirs et de tous les vœux paraît chose
bien difficile, sinon impossible, et il s'écoulera sans doute beau-
coup de temps encore avant qu'un régime idéal soit organisé et
fonctionne à la satisfaction de tous. Un bouleversement général des
régimes ou systèmes est peu probable dans un avenir très prochain
et ne doit pas être désiré, car les nations qui ont cru pouvoir faire
un grand saut dans l'inconnu ne paraissent pas, jusqu'à présent,
avoir à s'en féliciter. Même en Europe, en cas de fédération géné-
rale ou partielle des pays, ou de création d'une union douanière
englobant ~ensemble ou la plupart des nations, nous ne croyons
pas à la possibilité d'instaurer actuellement un régime politique
uniforme, ni même un système fiscal unique, mais nous pensons
qu'une simplification et des améliorations dans les administrations
publiques et dans le domaine fiscal seraient favorablemeni~aecueil-
lies dans tous les milieux et dans tous les pays.
R.-J. PIERRE.
L'INDUSTRIE SUCRIÈRE MONDIALE
ET LA TCHÉCOSLOVAQUIE

J9!
1

La production mondiale du sucre, depuis la campagne igi3-igt~

!9'3'
jusqu'à nos jours, est mise en évidence dans le tableau suivant, qui
est tiré d'un livre édite par la Société des Nations, sous le titre
&'f!cre

!9<5.
Production du sucre

!9!6~
J9!?.
en millions

jgtS.
Années, de tonnes métriques.

:9,9

]9<9.
19,3

t92j.
1~,8

1920.
1922.
J923.
!'92~
18,2
l8,4
~,2

i9:5.
16,6
j8,i

1926.
19,2

t927.
j9,4
2!

J928.
Par conséquent, nous voyons que ia production mondiale
2~,9
26,0
24,7
a6',7
28,4

i. Par M. Prinsen Geerligs MM. Licht et M. G. Mikusch. Genève, ig2g.


dimi-

a. Pour faire les tableaux moins'volumineux, je n'y emploie, pour


marquer la campagne .sucrière respective, qu'un seul an. Mais chacune
des années ci-dessus indiquées doit être complétée d'un chiffre de l'année
suivante, pour avoir une idée claire de quelle campagne il s'agit. Autre-
ment dit, « jgt3 » veut dire la campagnede igiS-jg]~, etc.
nué pendant la grande guerre de 191~. Mais, après cette guerre,
elle augmente, et la production de 1928 a dépassé celle de !9i3 de
4ap.ioo.
En nous référant aux données sur la consommation mondiale du
sucre, qui, évidemment, joue un grand rôle dans l'industrie sucrière,

!gf3.
nous voyons que cette consommation, pendant le laps de temps
entre 1913 et 1928, a un tel aspect

tgzS.
192~
tQsS.
Années.
Consommation
mondiale du sucre
en millions de
tonnes métriques.

]927.
tS,5

]g28.
21,2
23,:
24,5
1926 2~,C
20,7
37,0

Par conséquent, la consommation mondiale du sucre a manifesté,


pendant tout ce laps de temps, une tendance vers l'augmentation,
et, en 1928, cette consommation a dépassé celle de igt3 de 46 p. 100.
Il est intéressant de jeter un coup d'oeil sur les proportions de la
participation de l'Europe dans la production et dans la consomma-
tion du sucre.
La production mondiale du sucre brut, lors de la campagne igi3-
191~, a atteint plus de ig 3/~ millions de tonnes métr., dont 8 i/'l
revenaient à l'Europe et 11 1/2 millions de tonnes aux autres parties
du monde. La consommation générale du sucre, pendant la même
campagne, a atteint 18 i/a millions de tonnes, et presque la moitié
de cette consommation a été satisfaite par le sucre de production
européenne. Par conséquent, la production du sucre en Europe,
avant la guerre mondiale, était non seulement suffisante pour la
satisfaction de là consommation intérieure, mais aussi pour.l'expor-
tation dans les pays non européens.
La guerre de igi~ a porté un coup terrible à l'industrie sucrière
de l'Europe. Une longue série de causes a contribué à sa décrois-
sance. Signalons parmi ces causes les plus essentielles, notamment
le recrutement pour l'armée des ouvriers qualifiés de l'industrie
sucrière; la négligence dans la culture du sol, faute de main-
d'œuvre et d'engrais artificiels; la réduction des surfaces ensemen-
cées en betterave à suc e; l'usure des machines et l'impossibilité de
les remplacer par de nouvelles.

i. Voir Sucre, pp. 48-49.


Tout cela a amené le phénomène suivant en même temps que la
production du sucre en Europe diminuait, la production de ce pro-
duit dans les autres parties du monde augmentait. Et cette produc-
tion s'élevait dans de telles proportions qu'en 1919 la production
générale du sucre brut ayant atteint 17 millions de tonnes, il n'en
revenait à l'Europe que i5 p. 100, tandis qu'il en revenait 85 p. 100
nux autres parties du monde. La guerre étant finie, l'Europe com-
mença à reconstruire peu à peu son industrie sucrière, qui a atteint
dans la campagne de vgaS-ig~ag, 8 i/a millions de. tonnes métr..
quantité de !()i3. Cependant, la production du sucre augmente éga-
lement après la guerre dans les autres parties du monde. Cela
touche spécialement les pays qui produisent le sucre de canne. Cette
production a incroyablement augmenté; elle atteignait, en i9t3,
!),3 millions de tonnes métr., tandis qu'en 19~, i6,a millions.
Elle ne composait que 5a,5 p. 100 de toute la production du sucre
en 1913; elle a atteint 66 p. 100 en 19281. Il faut spécialement
signaler dans ce sens Cuba et Java.
Il y a à peine quinze ans, ces Jeux pays ne produisaient encore
qu'environ 4 millions de tonnes métr., c'est-à-dire, à peu près i/5
de la production mondiale. A l'heure actuelle cette production s'est
augmentée considérablement tant au point de vue relatif qu'au
point de vue abso)u.
Par exemple
Tonnes métriques.

JQ26-I927.
CubaaproduitenjgoS-jgog.
]()28.
1622

Javaaproduitenigio.
Contre en

en
~Sog
i28o3
zg~iSa

En même temps, la consommation mondiale du sucre est de


beaucoup inférieure à sa production, ce que nous avons déjà vu
dans le tableau précédent. Cette surproduction du sucre, en com-
paraison de sa consommation, est une cause des grandes réserves du
sucre dans le monde entier.
On peut le voir par le tableau suivant, élaboré par la maison
Lamburn et C° (New-York) 2.

TABLEAU.

r. Voir Sucre.pp.t5, 17.


2.Voir le rapport fait par M. Novatchek, le 8 avril 1929, à Prague Les
Causes de la crise mondiale dans l'industrie sucrière.
Campagne de
1924
1925.1928-1929.

Réserves. (En milliers de tonnes

5a6g
métriques.)
8:60

Consommation
Total.
Production mondiale

mondiale.
2~666
39835
22680
27976
36!36
27023
Reserves au 31 août t0f5 et 192~ 7i55 Qti~

En général, la production sucrière mondiale dans la période Je


i<)t()-!()2o à iga8-iQ2() s'est élevée de ~5 p. 100. Et cela a eu pour
conséquence une baisse considérable des prix du sucre sur les mar-
chés mondiaux. On peut juger de l'abaissement des prix du sucre
par le tableau suivant de ces prix, en ce qui concerne les quantité!,
qualités et conditions de livraison tout à fait homogènes, à la fin

!).).
du mois d'avril
1924. 1929.

a) A New-York (American granulated en


cents pour 8 ~,9

c)

d) A
en
icwt)'
jookig.).
b) A Java (cristal supérieur, en florins
hol. pour
A Londres (granulated en shil. pour

klg).
Prague (sucre brut franco Usti n/L
cour.tch. pour 100
a5 i4,25

58,io5 28,75

3j5 ]27,5
`

Une telle tombée des prix fait une impression défavorable géné-
ralement en ce qui touche la production du sucre en Europe. Le
prix de revient du sucre dans les usines de sucre européennes est
consid-frjblemcnt plus élevé que le prix de revient du sucre dans les
fabriques de sucre à Java et surtout à Cuba. Le prix de revient infé-
rieur du sucre de Java dépend de la nature des choses, notamment,
du soleil très favorable au sucre et de la main-d'œuvre à bon mar-
ché. En ce qui concerne le soleil, il est bien compréhensible qu'il
est un élément très puissant pour la production du sucre, et dans ce
sens, la fabrication du sucre à Cuba se trouve dans une situation
beaucoup plus favorisée que la même fabrication en Europe.
En ce qui touche la main-d'œuvre, elle est à meilleur marché a
Java et à Cuba qu'en Europe. Un ouvrier homme reçoit, a Java,
~t6cents hol., environ 7 cour. tch., par jour et une femme 35 cents
hol. Un ouvrier reçoit, à Cuba, un salaire d'un tiers plus élevé

i. Voir D~ Erich Troje Aus Java nnd seiner Zucherindustrie


Malgré cela, un tel salaire est au moins trois ou quatre fois moins
élevé que celui qui est donné en Europe. Pour avoir une idée plus
ou moins claire des prix de revient du sucre dans les pays exotiques,
nous pouvons placer ici les prix calculés par la Commission des
tarifs des Etats-Unis en igai-igaS. Cette Commission a fixé les
moyennes suivantes (du prix de revient) en cents par livre de suc.re
brut 1
Cuba. Java. Hawaï Porto-Rico. Louisiane.

2,ti 3,3 4,5 4,3 5,0

Par conséquent, les prix de revient du sucre de la production


non-européenne étant beaucoup moins élevés, la baisse des prix du
sucre sur les marchés mondiaux est imminente.
C'est pourquoi la baisse des prix du sucre est une menace pour
la production du sucre européen, mais non pas pour le sucre cubain
ou javanais. D'après l'opinion de connaisseurs renommés de l'indus-
trie sucrière, le sucre de Java pourrait encore tenir les marchés,
même si le prix du sucre tombait à 100 cour. tch. par i q.
Il est clair que ces conditions inégales de la production du sucre-
et de son prix de revient dans les différents pays, ainsi que là sur-
production du sucre, comparativement avec la demande, sont les
causes principales de la crise actuelle de cette industrie en Europe;
crise qui, en fin de compte, n'est à l'heure actuelle qu'une crise de
l'industrie sucrière en Tchécoslovaquie.

II
En ce qui concerne la quantité de la production 'du sucre, un
rôle important appartient en Europe à la Tchécoslovaquie. A l'heure
actuelle la République tchécoslovaque, d'e concert avec l'Allemagne,
l'Autriche et la Pologne, produtt 75 p. 100 de toute la production
du sucre en Europe. Cependant, en ce qui touche l'exportation du'
sucre, c'est la Tchécoslovaquie qui y est intéressée dans la plus
grande proportion. Trois de ces quatre pays sus-mentionnés con-
somment presque tout ce qu'ils produisent, tandis que la Tchéco-
slovaquie produit beaucoup plus qu'elle consomme.
Arrêtons-nous d'une manière plus détaillée sur l'évolution de la.
production du sucre en Tchécoslovaquie. En ce qui touche les sur-

i. Voir Sucre. prix de revient (y compris les intérêts), au départ dm


port.
!9'
L'INDUSTRIE SUCMKRE MONDIALE ET LA TCHECOSLOVAQt.'tE

faces ensemencées en betterave et la récolte annuelle, nous pouvons


en donner le tableau suivant
Surface
ensemencée

1918.
t9t9.
Années. en betteraves. Récolte.
(En milliers (En milliers

jgzo.
d'hectares.) de tonnes m.)

J92j.
325 9475
4oj4,5

J923.
182

t933.
183 3.6,5

'924.
)93 4 aoo
jg~ 3462

1925.
]9~6.
J927.
j928.
185
226
300
3:2
258
281
251
4385
5839
8235
8826
6:33
74?6
6988

La production du sucre se fait, en Tchécoslovaquie, presque exclu-


sivement dans les fabriques appartenant aux sociétés par actions. En
ce qui concerne le nombre global des fabriques de sucre brut en
Tchécoslovaquie, nous pouvons en juger par le tableau suivant

Fabriques de sucre brut en activité en CSR


1912-1913. 1918-1919. 1925-1926. 1927-1928.
l86 ]6~ 166 l52

Outre ces fabriques, en 192~-1928, près de soixante-trois raffine-


rie~ existaient en Tchécoslovaquie.
Lé tableau suivant donne une idée claire de la production du
sucre brut dans toute la Tchécoslovaquie

TABLEAU.

i.Les sources pour ce tableau ainsi que pour les tableaux ultérieurs
sont a) Rocenka CSR jgao-fgag et b) «Zpravodaj)), p?i)oha «Listu
Cukrovarnick~chH, igzS-igag.
a. Voir la remarque de la note 2 page i.
t9'8'
i~K).
t920.
Production du sucre brut en Tchécoslovaquie

tgzf.
1922.
1923.
en 1000 quintaux métriques
6~4

t9'!4.
&074

]ga5.
7'7~
6 6:5

!926.
1928.environ
t927
7~~
10032
1~90
t5 ioï
10~20
125412
to55o

En même temps la consommation du sucre en Tchécoslovaquie


est beaucoup moins considérable que sa production dans le passé
et encore davantage dans le présent. Cela est clair par ce tableau

!9l8~ Consommation du sucre

!Qt9.
En 1000 En p. 100

t920.
!92t.
quintaux de la
métriques, production.

!9aa.
3178 5t

!923.
33o6 65

!924.
3!83 44
3094 47

1925.
1926.
!Q37.
1928. environ
35ao
3Ct8
390:
4o83
3699
393':
4 000
47
36
a4
23
3:
28
33

Un rapide coup d'oeil sur ce tableau nous dit que l'exportation du


sucre a une grande portée pour la Tchécoslovaquie. Les quantités
de cette exportation, dans les dernières années, sont évidentes par
ce qui suit

TABLEAU.

t. Voir la remarque note a, p. i.


a. Ln<y cukrovarnické, 1928. b, )2.
3. Voir la remarque note 2, p. t.
l9!8'
<Q:0.
<g:t0.
tQ9i.
t~92.
Exportation du sucre
En 1000
quintaux
métriques,
1606
En p. 100
de la
production
26

!9~3.
3~o5

jp9<
67
~!<t4 58

)ga6.
t9:6.
3 ~63 6o
38~2 52
658a 64

!<)27.
!0t5a 71
io8o5 79

<()28. environ
7083
8i3o
6700

Par conséquent, l'exportation du sucre en Tchécoslovaquie dé-


68
65
67

passe considérablement sa consommation.


L'échelle même de cette exportation est si considérable qu'à
l'heure actuelle la Tchécoslovaquie est le pays qui exporte les plus
grandes quantités de sucre de betterave dans le monde. L'exporta-
tion du sucre de la Tchécoslovaquie a atteint, en dix ans, depuis
i!)!Q jusqu'à 1928, d'après la valeur des produits exportés, 22,3 mil-
liards de cour. tch. D'un autre côté, c'est récemment que la Tchéco-
slovaquie exportait encore du sucre dans toutes les parties du
monde, excepté en Australie. En Europe, presque tous les pays
importaient du sucre de la Tchécoslovaquie, excepté ceux où les
droits d'entrée pour ce produit étaient très élevés.
Cependant, en ces dernières années, l'accroissement de l'expor-
tation du sucre de la Tchécoslovaquie se trouve de plus en plus
sous la menace des circonstances nouvelles. Peu à peu la Tchéco-
slovaquie perd ses marchés d'autrefois en Europe. Une des causes
principales est le désir des autres pays, Yougoslavie, Hongrie, An-
gleterre, etc., de créer leur propre production de sucre. Les me-
sures prises-par ces Etats ont une influence défavorable sur l'expor-
tatton du sucre par la Tchécoslovaquie. Dans ce sens, le marché
anglais joue pour la Tchécoslovaquie un rôle spécialement impor-
tant. Sur ce marché, en ces dernières années, à partir de la cam-
pagne de 1923, la Tchécoslovaquie a placé de grandes quantités de
sucre qui atteignirent parfois la moitié de l'exportation globale du
sucre de l'année courante. Cette exportation du sucre en Angleterre
atteignit, en 1923-1924, 3,3 millions de q., c'est-à-dire 5o,3 p. 100

]. Voir ta remarque note 2, page


TOME XCIV. NOVEMBRE 1929. 12
de l'exportation du sucre; en !<)a5-!<)26, 5,5 millions de q., c'est-i
à-dire 5i,a p. 100 de l'exportation du sucre, etc.
Cependant, cette exportation décroît et elle est menacée à l'avenir
d'une décroissance encore plus considérable, grâce aux mesures
prises par le gouvernement anglais pour faire se développer une
industrie sucrière propre au pays. Vraiment, à partir de la cam-
pagne 1924-1925, l'Angleterre est entrée dans la voie de la subven-
tion à l'industrie sucrière indigène, en payant pour chaque kilo
de sucre produit en Angleterre avec la betterave indigène près de
3,5 de cour. tch., (5 d.). Le total de telles subventions, pendant les-
quatre années 1925-1928, a dépassé io,3 millions de liv. st. Cela
a provoqué l'apparition, en Angleterre, de quinze nouvelles raffi-
neries et a permis à ce pays d'importer des quantités de sucre beau-
coup moins considérables. Hors d'Europe, la perte des marchés
pour l'exportation du sucre peut être expliquée par la concurrence
insoutenable des pays de production de sucre de canne. En ce qui
touche, par exemple, les Indes britanniques, où la Tchécoslovaquie
exportait encore récemment de grandes quantités de sucre, là dimi.
nution de l'importation du sucre de Tchécoslovaquie s'explique par
I.t concurrence de Java. Cette dernière s'efforce de produire du sucre
de qualité supérieure et, malgré cela, le prix de revient du sucre-
fabriqué dans ce pays étant beaucoup moins élevé qu'en Tchéco-
slovaquie, celle-ci voit diminuer son exportation du sucre aux Indes
britanniques, tandis que Javà augmente; en 19~0 elle a exporté aux
Indes britanniques 6 millions de pikulu, en 1926-1927 plus dû
i3 millions. Il faut y ajouter que l'industrie sucrière en SCR
souffre beaucoup à cause des conditions défavorables de la'
République tchécoslovaque en ce qui touche les frais de transport.
La Tchécoslovaquie étant éloignée des mers, les exportateurs de
sucre sont obligés de payer des taxes de transport beaucoup plus
considérables, surtout à l'heure actuelle. M. Mandelik 1 'donne, à cc6
égard, des renseignements très intéressants. Avant la guerre de 1914,
par exemple, le transport de 10 ooo kilos de sucre de Cakovice (en
Tchécoslovaquie) à Trieste ne coûtait que 189 cour. autr., tandis
que maintenant il coûte 3 2~6 cour. tch. Nous remarquons que c'est
chose semblable en ce qui concerne le transport pour la Suisse en
1914 il ne coûtait que 2,08 fr. s., maintenant ~,i4 fr. s.
Tout cela, évidemment, exerce une influence défavorable sur là
position du sucre tchécoslovaque sur le marché mondial. Quoi qu-'il
en soit, il faut noter qu'en 1927-1928 la Tchécoslovaquie a exporta

]. Voir som-apport fait à Prague au commencement de 1929.


6,~ millions de q. de sucre, tandis qu'en 1928-1929 elle n'en à
exporté que 5,6 millions de quintaux.

in
Un tel état de choses, qui est. sans doute un peu inquiétant, doit
amener la Tchécoslovaquie à penser aux mesures qui pourraient
tirer l'industrie sucrière de cette République de la situation bien
pénible dans laquelle elle se trouve actuellement.
La plus efficace de ces mesures pour le développement de l'indus-
trie sucrière tchécoslovaque, c'est l'augmentation de la 'consomma-
'tion du sucre en général à l'intérieur du pays ainsi qu'à l'extérieur
de celui-ci. En ce qui concerne la consommation intérieure du sucre
en Tchécoslovaquie, elle s'accroît peu à peu en iga6-ig2~ on y
consommait 22 3/4 kilos en moyenne par tête; en igay-ig~g,
kilos 1. C'est un progrès, sans doute, mais c'est une norme qui
n'est pas tout à fait satisfaisante, étant dohné qu'aux Etats-Unis on
consomme annuellement 36 kilos de sucre par tête en moyenne et
en Grande-Bretagne, même 45 kilos Il est donc clair que même
un tel accroissement de la consommation du sucre en Tchécoslova-
quie ne serait pas suffisant pour écarter la crise de l'industrie
sucrière.
L'augmentation de la consommation moyenne du sucre par tête,
de la part de la population du monde entier, serait une mesure
beaucoup plus effective pour l'affaiblissement de cette crise. En
effet, d'après les données de ig2~-iga8, la consommation mondiale
du sucre atteignit 160 millions de quintaux métr., ce qui donne
8 kilos par tête. La consommation du sucre en Europe pour une
population de 5a5 millions atteignit g5 millions de q. m., c'est-à-
dire 18 kilos par tête en moyenne, tandis que le reste du monde ne
consommait que 65 millions de q. m., c'est-à-dire 4 kilos en
moyenne. Mais, en ce qui concerne la Chine, avec ses 5oo millions
'd'habitants, la consommation du sucre ne dépasse pas a kilos par
tête en moyenne. Il est donc bien clair, par là, que l'augmentation
de la consommation moyenne du sucre par habitant dans le monde
entier adoucirait considérablement la crise de l'industrie sucrière
contemporaine, surtout en Tchécoslovaquie.
Pour remédier au mal, la libération la plus prompte possible de
la Russie et de l'Ukraine du pouvoir communiste serait bien à

t
i. Et même 27, comme insistenti-- C. /f
les auteurs du Sttcre (voir ~ft
pp. /n~
~8-~9).
3. Voir Sucre, pp. 48-49.
souhaiter. Grâce à une série de mesures absurdes de ce pouvoir,
l'industrie sucrière de l'Empire russe d'autrefois a considérablement
diminué. Avant la révolution la Russie, à dire vrai l'Ukraine pro-
duisait annuellement plus de 100 millions de pouds de sucre et
exportait annuellement près de y millions de pouds de sucre, et la
consommation moyenne du sucre par tête de la population dcpas
sait 8 kilos, tandis qu'aux heures des bolchevistes la production e~t
tombée jusqu'à 5,5 millions de pouds, en toao-igai, et même. jus-
qu'à 4 millions, en toai-ig~a, la consommation moyenne par tête
de la population étant tombée jusqu'à 3 kilos et même moins. Pen-
dant ces dernières années, la production du sucre est montée; en
1925, elle a atteint 45,5 millions de pouds (~58ooo tonnes metr.);
en 192' comme l'indiquent les données statistiques soviétiques
mêm&s, plus de 80 millions de pouds. Vraiment, ces dernières don-
nées sont bien douteuses, comme la plupart des données statistiques
bolchevistes. L'augmentation de la production du sucre en Russie' et
en Ukraine, durant ces 'dernières années, est un fait indéniable,
mais elle n'atteint aucunement de telles proportions, comme les
communistes le prétendent. Leur affirmation, que la consommation
au sucre par la population des Républiques soviétiques a considéra-
blement augmenté, ayant atteint g kilos par tête en iga"; est éga-
lement fausse. Elle est fausse, étant donné qu'une telle proportion
3e la consommation absorberait toute la production du sucre en
iqs~, même calculée d'après les données des communistes. Mais,
comment se peut-il que les bolcheviques exportent certaines quan-
tités de sucre annuellement? C'est pourquoi il est plus juste que la
consommation du sucre dans les Républiques bolchevistes ne dé-
passe pas 4 kilos par tête en moyenne.
En ce qui concerne l'affirmation sur le prix de revient du sucre
bolcheviste, affirmation qui a trouvé place dans l'édition Sucre,
citée plus haut, et d'après laquelle le prix de revient du sucre en
Russie bolcheviste atteignait, en igay, 14 roubles 5y kop. (too kil's),
c'est-à-dire 3,4 cents américains par livre anglaise, elle est égale-
ment erronée.
Le prix de revient du sucre produit en Russie bolcheviste est, sans
aucun doute, plus élevé que celui du sucre produit dans d'autres
pays européens, et ne peut nullement s'approcher du prix de revient
du sucre de Java, où l'exploitation de la main-d'œuvre dépasse de
beaucoup celle des Républiques communistes.
Quoi qu'il en soit.~sous le régime économique organisé par l'*s

i. Près de ] 700 millions de kilos en jgi/t-jgiS, par exemple


z.VoirSttcre,?.
L'INDUSTRIE SUCRIERS MONDIALE ET LA TCHÉCOSLOVAQUIE

communistes dans les Républiques soviétiques, ni la production ni


la consommation du sucre ne peuvent compter sur l'accroissement
systématique.
Une fois les communistes éloignés, l'Ukraine, et surtout la Russie,
auront besoin d'au moins dix ans pour ramener l'industrie~sucrière
jusqu'à I'écheHe antérieure. Et pendant tout ce laps de temps le
sucre tchécoslovaque trouverait non seulement en Russie, mais
aussi en Ukraine, un large marché, sans avoir peur de la concur-
rence de Cuba ou de Java, étant donné que la population de la
Russie et de l'Ukraine est depuis longtemps habituée au sucre de
betterave et surpayerait volontiers pour un tel sucre, au lieu de
consommer du sucre de canne à bon marché.
Dans la catégorie des mesures d'un caractère palliatif, il faudrait
iutroduire des essais de conventions t~errKt<[orta<M sur la réduction
de la production du sucre et son exportation.
Le premier essai de ce genre a eu lieu à Paris, au mois de no-
vembre 1927, sur l'initiative de Cuba. Les représentants de l'indus-
trie sucrière de Cuba, de l'Allemagne, de la Pologne et de la Tché-
coslovaquie y assistaient. Les résultats de cette conférence ont été
les suivants. Cuba s'est engagée, dans la campagne 19~7-1928, a
limiter sa production de sucre à !i millions de tonnes m. Trois
autres pays contractants ont souscrit à l'obligation de limiter, dans
la campagne de 1927-1928, leut exportation, autant qu'il est pos-
sible et de diminuer les semailles de betterave. En réalité, ce n'est
que la Tchécoslovaquie qui a rempli son engagement, tandis que la
Pologne et l'Allemagne ont~ augmenté la surface des semailles.
Plus tard, le 20 janvier 1928, les représentants de l'industrie su-
criëre de l'Allemagne, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie ont
signé le soi-disant procès-verbal de Berlin. Selon ce dernier, ces
trois pays se sont engagés à n'exporter, dans la campagne de 1928-
dont
1929, que 11 ]/a millions au plus, de quintaux m. de sucre,
66 p. 100 revenait à la Tchécoslovaquie, 16,6 p. 100 à l'Allemagne
et 17,5 p. 100 à la Pologne. Pour la réalisation des décisions du
procès-verbal de Berlin, un Conseil a été créé en Tchécoslovaquie
pour la défense des industries de la betterave et du sucre. Ce Con-
seil comptait quarante membres et était fondé sur le principe de
parité. Indépendamment de cela, un Comité permanent a été orga-
nisé à Berlin; la fâche de ce Comhé consistait à préparer la convo-
cation d'une nouvelle conférence sucrière à Paris, en 1928. Cepen-
dant, au mois d'octobre 1928, les représentants des raffineurs de
sucre ont acquiescé à une proposition sur l'annulation des conven-
tions précédentes. Une des causes principales de cette annulation
était que Java, second pays en ce qui concerne la quantité du sucre
exporta, a refusé de se joindre à la convention de 19~ en ce qu-11
touchait la limitation de la production du sucre et a commencé à

ig28-tQ29.
la développer, en la portant jusqu'à 3 millions de tonnes métr. en

Dans le but de défendre les intérêts de l'industrie sucrière de fa


Tchécoslovaquie, l'Union centrale de l'industrie sucrière tchécoslo-
vaque a présenté au gouvernement, le 11 avril 1928, un mémoire
attirant son attention sur l'état difficile de l'industrie sucrière de
ce pays. Ce mémoire était motivé par les mesures prises par l'An-
gleterre pour défendre sa propre industrie sucrière et par sa déci-
sion d'établir pour le sucre importé un droit d'entrée différentiel.
Plus tard, le 3 octobre 1928, le cartel des raffineurs a décidé
motu proprio de hausser le-prix du sucre indigène de 53o cour: tch.
pour 100 kilos jusqu'à 690, avec un supplément de i4 cour. tcit.
pour les frais de transport. Cette décision a provoqué, pourtant, une
protestation de la part des organisations socialistes, et le gouverne-
ment a reconnu comme nécessaire de revoir à nouveau les prix du
-sucre avec les représentants de l'industrie tchécoslovaque. En insis-
tant sur la diminution des prix, le gouvernement a donné son con-
sentement à secourir l'industrie sucrière tchécoslovaque par la voiè
de la diminution des impôts commerciaux respectifs ainsi que des
taxes du roulement commercial.
En conséquence, le 8 octobre 1928, les prix du sucre ont été
baissés par le cartel de 35 cour. tch. par 100 kilos. Ces prix devraient
être en vigueur jusqu'au 3o septembre 1929.
Tout ce que nous venons de dire amène les producteurs de sucré
de CSR à la nécessité de prendre des mesures pour la diminution
<Iu prix de revient du sucre, ainsi que pour une limitation quel-
conque de l'exportation de ce produit.
Donc, la nécessité pour la Tchécoslovaquie de diminuer l'expor-
tation du sucre a dicté tout naturellement l'urgence de la diminu-
tion de la production du sucre.
A son tour, la diminution de la production du sucre pourrait
!tre atteinte, partiellement, par la diminution du nombre des
fabriques de sucre.
L'idée de la nécessité d'une telle diminution est allée si loin qu'on
a pensé, au commencement de tgsg, à la fermeture de treize
fabriques de sucre brut sur cent cinquante-trois en activité et de
trente-trois raffineries sur les soix&nte-trois existantes
Cependant, cette diminution de 20 p. 100 des fabriques de sucre

]. Voir Ceske Slovo 1929. jv/20.


he parle aucunement de la diminution respective de la production
de sucre. Dans beaucoup de cas la diminution du nombre des
fabriques de. sucre a résulté de la fusion de pe!ite? fabriques en
une grande dans le but de-diminuer les dépenses d'administration
et, en même temps, d'arriver à l'abaissement du prix de revient du
sucre. Mais, quoi qu'il en soit, la diminution de la production du
sucre en Tchécoslovaquie est dictée par l'état actuel des choses, ce
avec quoi il faut compter.

Conc!uston.
Ainsi, dans les dernières années, sous l'influence du développe-
ment grandiose de l'industrie sucrière dans les pays d'outre-mer,
sous la press'on du pr'x de revient du sucre beaucoup plus bas dans
les pays sus-mentionnés, les Etats européens, producteurs de sucre,
traversent une crise bien difficile. Ce'ie crise se fait sentir spécia-
lement en Tchécoslovaquie dont les deux tiers de la production
sucri~re demandent à être placés sur les marchés étrangers. Pour
remédier à ce ma!, il serait très souhaitable d'augmenter la
moyenne de la consommation individuelle de la population, non
seulement en Tchécoslovaquie, mais aussi dans le monde entier,
où on ne consomme, jusqu'à présent, annuellement, que 4 kilos
par habitant en moyenne. La libération de la Russie et de l'Ukraine
du pouvoir communiste pourrait aussi soulager cette crise pour une
lonsue série d'années. Le gouvernement travailliste pourrait aussi
affaiblir l'acuité de cette crise. On peut penser que les travaillistes
ne suivront pas le chemin des conservateurs pour faire protéger la
production nationale du sucre en dépit des intérêts des consomma-
teurs. Par conséquent, on peut supposer que la production du sucre
national en Angleterre ne se développera pas, et que le sucre de la
Tchécoslovaquie sera importé en Angleterre dans les proportions de
naguère.
Evidemment, si tout cela ne donne pas de résultats favorables,
il faudra penser à une diminution assez considérable de la produc-
ticm du sucre en Tchécoslovaquie. Mais il faut souligner que la
Tchécoslovaquie, malgré tout, malgré des conditions défavorables
pour l'exportation de son sucre, a exporté dans la campagne 1928-
ioag, environ 5,6 millions de tonnes métriques.
Cela peut être expliqué par la qualité supérieure du sucre tchéco-
slovaque, et dans ce fait se trouve la garantie que la crise de l'in-
dustrie sucrière en Tchécoslovaquie ne peut se transformer en un&
catastrophe et que cette crise sera surmontée, par le pays, sans
grandes perturbations. Nous nous en sommes convaincus -d'autant
plus que la prochaine Conférence mondiale sucrière, qui est déjà
décidée en principe, et qui sera convoquée, probablement sous
peu, trouvera, sans doute, des voies pour l'anaibtiaseBaent conside-
rable de la crise mondiale dans l'industrie sucrière, affaiblissement
qui aura, indubitablement, une influence favorable sur l'état de
l'industrie sucrière tchécoslovaque.
Prof. S. BORODAËWSKY.
INDUSTRIES D'ÉTAT

1 ET INDUSTRIE PRIVÉE

Ce n'est pas d'hier que date l'ouverture de la lutte entre les par-
tisans des industries d'Etat et ceux de l'industrie privée. Elle a,
chez bien des peuples, un long passé et l'avenir ne lui est sans
doute pas fermé; mais rien de ce qui peut jeter un peu plus de
lumière sur les expériences récentes ne saurait être négligé, surtout
à l'heure où le socialisme aspire à participer à la direction des
affaires publiques et à appliquer ses méthodes de monopolisation et
d$ mainmise de l'Etat sur tout ce qui concerne le commerce, l'in-
dustrie, l'agriculture, la production et la consommation, méthodes
qui. n'ont déjà fait que trop de progrès sous l'influence d'hommes
de bonne volonté peut-être, mais guidés surtout par des préoccupa-
tions d'ordre secondaire.
Dans son numéro d'octobre 192~, la Revue générale des chenues
de fer a publié une analyse étendue d'un article du professeur
R. M. Weidenhammer, de l'Université de Minnesota, sur les che-
mins de fer allemands administrés par l'Etat et par une compagnie
privée. Question d'autant plus intéressante pour nous que, dans peu
d'années, la concession de nos cinq grands réseaux concédés vien-
dra à expiration et que, pour deux d'entre eux, il faudra bientôt
statuer sur le nouveau régime qui leur sera appliqué.

Du i" avril igao à 192~, les chemins de fer allemands ont été
administrés par l'Etat. Une compagnie privée en a pris la direction
cette
en iaa4, conformément au plan Dawes. Elle doit conserver
direction jusqu'en 196~, époque à laquelle elle fera retour au gou-
vernement.
Les deux tableaux ci-dessous montrent les déficits et les dépenses
d'exploitation des chemins de fer allemands pendant les trois
années 1930-19~2 de l'administration par l'Etat comparés aux
chiffres de 1913. M. Weidenhammer a estimé que l'année i~aS fut
trop chaotique au point de vue financier pour qu'il fût possible d'en
donner une évaluation exacte.

Bénéfices ou déficits

Marks. Marks or.


t<)!3 BénéSee i ooo ooo oco
t92oDéCcit. iSoooooo
ooo ooo ooo
goooooooo
jQ2j 7000000 Soc ooo ooo

)9t3.
!922 188000000 i~Soooooo

'gzt.
f<)20.
Dépenses d'exploitation

J922.
70 p. ioo des recettes
~3
,,55
log

Il convient de reconnaître que tous les dencits ne sont pas attri-


buables à l'administration. Le trafic avait décru. La loi de huit
heures, appliquée depuis novembre 1918, avait exigé une augmen-
tation de personnel. L'emploi de machines plus puissantes et de
charbon de qualité médiocre avait augmenté de 38 p. 100 la con-
sommation de combustible. Le matérie) était, pour une grande
` partie, très fatigué et de lourdes taxes pesaient sur les matières
nécessaires à sa remise en état.
Mais bien des mesures auraient pu être prises pour atténuer Je
déficit. L'administration de l'Etat se garda d'y recourir. Notamment,
les recettes voyageurs, abstraction faite de l'impôt sur les trans-
ports, de la diminution du trafic, de la réduction des parcours par
suite de la perte de territoires résultant du traité de Versailles,
étaient, en 1920-19.21, inférieurs de 5o p. 100 et en 1922 de 20 p. no
aux recettes de' 1913 parce que les tarifs n'avaient pas été aug-
mentés dans la mesure où le mark se dépréciait et, qu'en outre, les
voyageurs, abandonnant .les voitures des classes supérieures don-
naient la préférence aux voitures de 3° et de 4° classes. Même, tandis
qu'en 1913 ces deux classes avaient à peu près le même nombre de
voyageurs, en 1922 la 4" classe comptait trois fois et demie plus de
clients que la 3*.
Les recettes marchandises représentaient, en 1920, ~o p. 100; en
~921, ~o p. 100; en 1922. 85 p. too des recettes d'avant guerre.
Evalués en or, tous les prix de transport 'étaient très inférieurs à
ceux de igi3.
M. Weidenhammer écrit « Etant propriété de l'Etat, les che-
mins de fer étaient considérés comme une entreprise publique au
service du pays. » Voilà une belle pensée socialiste! Il suffit d'imiter
Gorenuot baptisant « carpe )' une poularde pour tout transformer;
ce qui est au service du pays doit être à la portée de tous et la
« princesse » doit être bien satisfaite qu'on condescende à lui'
payer une rémunération, même insignifiante, au lieu d'exiger un
service gratuit. Cela n'explique-t-il pas l'indifférence avec laquelle
le gouvernement allemand regarda les déficits des chemins de fer
s'accumuler?P
U aurait pu, tout au moins, les comprimer, dans une certaine
mesure, par des réductions de dépenses sur le personnel et le maté-
riel. Il ne fallait pas penser à diminuer les salaires, mais par une

if)i3.
meilleure organisation du travail, il était possible de diminuer le
personnel.

1919.
Or, voici quel a été, successivement, l'effectif.des employés

I()20.
tQ22-t,923.
!g2J
7~[ooo
1123 000
1090000
o5l 000
999000

Coïncidant avec une diminution du trafic 'et de la longueur du


réseau, ces accroissements d'effectifs-avaient pour causes l'applica-
tion (maintenant modifiée) de la loi de huit heures, l'augmentation
des congés, le temps consacré par les agents aux réunions de syn-
dicats, le remplacement de la paye mensuelle -par la paye hebdo-
madaire.
H y avait aussi plus de réparations, à cause du mauvais état du
matériel. En Prusse, en igig, on comptait deux fois et demie plus.
d'employés qu'en 1913. Le rendement était, en 1919, les 43 p. 100,.
en 1921, les 60 p. 100 de celui de 1913. D'après les règlements de-
démobilisation, les chemins de fer devaient employer des mutilés
'de guerre, souvent incompétents. En outre, l'opinion publique-
demandait que tous les anciens combattants sans travail fussent
enrôlés dans les administrations publiques. Celles-ci devaient aussi,.
conformément au traité-de Versailles, occuper les employés prove--
nant des territoires récupérés par les Alliés.
Qu'il en résultât une pléthore de personnel, c'est évident. Mais-
l'administration des chemins de fer n'en était pas trop responsable;
comme toutes les autres administrations publiques, elle avait la
main forcée. Elle aurait pu, cependant, tout en faisant place aux
hommes sans travail, les admettre seulement :< titre d'auxiliaires,
afin de rester libre de licencier ceux qui auraient fait preuve d'une
incapacité notoire.
Bien au contraire, dans les premiers mois de 1930, elle titularisa
de nombreux agents qui, dès lors, ne pouvaient plus être congédies
que pour des fautes graves.
En !9!9, le nombre des agents titularisés était ~de 3~7000 pour
':6~ooo temporaires; en 192:, il y avait /~5ooo titularisés pour
606000 temporaires. Le rapport entre les deux groupes était passé
de 34 à 4a p. 100.
De 1913 à 1920-1933, les dépenses pour les matières consommées
étaient passées de 39 a 71 p. 100 des dépenses totales. Sans doute,
il fâut tenir compte du renchérissement de tous les produits, du
déséquilibre monétaire et de bien d'autres circonstances qui ont eu
et auront, longtemps encore, des répercussions sur le monde entier.
Mais si la comparaison des prix peut prêter à contestation, il n'en
est pas de même 'pour celle des poids. Or, nous voyons qu'en
Allemagne la consommation kilométrique de charbon par locomo-
tive était de ~3 kilos en t9t3, qu'elle s'était élevée à 35 kilos en
1919, puis était descendue a 29 kilos en 1932. Cela tenait a diverses
causes, dont l'une était la mauvaise qualité du charbon. Cela tenait
aussi la grande idée qu'avait eue l'administration en quête d'éco-
nomies de supprimer les primes d'économie sur le combustible et
l'huile de graissage. Tout autre qu'une administration d'Etat aurait
prévu que cette économie se traduirait par une augmentation da
dépense; c'est en effet ce qui arriva.
En outre, on peut penser qu'il y eut des complaisances irrégu-
lières dans l'exécution des marchés. C'est du moins ce que, paraît
indiquer discrètement M. Weidenhammer quand il écrit « Les
chemins de fer se montraient très accommodants avec leurs fournis-
seurs et faisaient exécuter, par des firmes privées, des réparations
qu'ils auraient pu confier .') leurs ouvriers inoccupés. »

II

La Deu<sche Re~c~bortA; Gesellschaft entra en fonction en 19~.


Les finances des chemins de fer furent séparées de celles de l'Etat;
la compagnie dut vivre sur ses recettes. Outre les dividendes et les
intérêts, elle dut payer une annuité de 600 millions de marks à
titre de réparations de guerre; en cas de non-payement de cette
annuité, l'agent général des réparations avait le droit de faire
com-
paraître la Compagnie devant une Commission alliée.
Bien que les tarifs de transport aient été relevés de
ao p. 100
pour les voyageurs et de 3o p. 100 pour les marchandises sur ceux
de tgtS ce qui réduit dans une certaine mesure le traGc bien
que les dépenses de salaires aient augmenté de 88
p. 100 et celles
do charbon, de matières premières, etc., de 60
p. 100 sur igi3, la
Compagnie autonome a augmenté, depuis 192~, son capital de
55o millions de marks pris sur ses gains.
La première mesure prise par elle fut de congédier progressive-
ment 3to ooo agents commissionnés ou temporaires. A la fin de
K)a4, l'effectif du personnel n'était plus que de 710000 agents,
dont go ooo mutilés de guerre. La compagnie installa des machines,
grues, élévateurs et chariots électriques, chargeurs automatiques de
charbon, etc. La seule mise en service d'un frein automatique pour
trains de marchandises rendit disponibles ig ooo hommes.,
Des réformes, presque négligeables en apparence, ont parfois une
grande importance. C'est ainsi qu'en reportant. d;avril à janvier
l'ouverture de son année budgétaire, la compagnie a pu engager,
dans de meilleures conditions, les travaux prévus durant la belle
saison.
D'heureuses initiatives n'ont rien négligé pour réduire tes
dépenses au nécessaire et réaliser de grosses économies. Nous n°
pouvons entrer dans tous les détails. Un point cependant vaut d'être
signalé. Les réparations de matériel sont toutes faites, depuis igaj.
dans les ateliers de la compagnie. Ces ateliers sont spécialisés pour
certains types de locomotives ou de véhicules. Las réparations de
locomotives sont faites rapidement. La pièce en mauvais état est
remplacée, puis réparée, et mise en magasin jusqu'au jour où elle
remplacera une autre pièce avariée sur une autre machine du même
type. Le temps passé par une locomotive dans les ateliers a été
réduit à vingt-six jours en moyenne, au lieu de cent dix jours
dans les années précédentes. Cela a permis de diminu'r le nombre
des ateliers; de plus les spécialistes font te travail plus rapidement
et l'on paraît escompter qu'en réduisant le nombre des types, il
sera possible de fermer encore des ateliers, d'où de nouvelles écono-
mies résulteront.
Voih~, pour les chemins de fer allemands, une comparaison fort
instructive entre les deux gestions administratives. Coté de l'Etat
négligence, incurie, mauvais emploi du personnel et des fonds,
~déncit à la charge des contribuables; coté de l'industrie privée
préoccupation de répondre aux besoins du public, souci d'éçono-
miser, d'améliorer le matériel et les conditions d'exploitation, de
veiller à l'emploi judicieux du temps, de prendre toutes les mesures
uliles pour éviter le coulage; résultat bénéfices.

ni
Ce n'est pas seulement en Allemagne que les choses ont coutume
de se passer ainsi. Il en va de même partout quand l'Etat se fait
industriel. L'exploitation des chemins de fer par l'Etat, aux Etats-
Unis et en Angleterre, pendant la guerre, a été désastreuse.
Chez nous, dans le même temps, le gouvernement s'est attribué
un monopole à peu près général. H s'est fait marchand de charbon,
transporteur, épicier. M. Clémentel, ministre du Commerce, a
conçu la « chaussure nationale » qu'il rêvait de compléter par le
« costume national )). Le socialiste Colliard, ministre du Travail,
nous a, à point nommé, gratifiés de la loi de huit heures.
Le radical-socialiste Daniel-Vincent, ministre du Travail, a
amorcé la loi des âssurances sociales qui donne les plus belles espé-
rances de paperasserie, d'inquisition, de lourde surcharge pour l'in-
dustrie et le commerce, d'agitation pour les salariés, de renchéris-
sement de la 'vie pour tout le monde.
Et ce n'est pas fini. Le récent congrès radical-radical-sociâliste de
lieiins a, dans son sac, un nouveau lot de « réformes démocra-
tiques » qui fera le bonheur de tous les démagogues.
Mais tout cela, qui tend à supprimer toute initiative individuelle,
à étouffer la liberté et à faire de l'Etat, personnage mythique. ou
dictateur polycéphale, l'unique organisateur d'une société ce qui
est bien le principe fondamental du socialisme n'est que le déve-
loppement d'idées bien anciennes à la propagation desquelles n'ont
que trop contribué des hommes à l'esprit chimérique.
Sans remonter bien haut vers le passé, on est fondé à soutenir,
et on ne s'en est jamais fait faute ici, que l'ingérence de l'Etat dans
c: qui concerne l'industrie, le commerce, les fabrications, le tra-
vail, etc., est toujours funeste.
Nous venons de montrer que l'Allemagne a fait une bonne opé-
ration en remettant les chemins de fer à une compagnie autonome.
Qu'avons-nous fait de notre côté? Quand, en i836, les Chambres
eurent à se prononcer sur l'établissement des chemins de fer, !o
monopole d'Etat trouva des partisans, mais la majorité opta pour
le régime actuellement en vigueur. Les grandes compagnies
jouissent d'une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans. Cette con-
cession expire, pour les diverses compagnies, aux dates ci-après
Est.
Nord.
Midi.
Or)eans.
P.-L.-M.
3t décembre 1950
27 novembre igS~
31 décembre 1956
3i décembre 1957.
3t décembre ig6o

A ces différentes époques, les réseaux reviendront en toute pro-


priété à l'Etat, gratuitement, réserve faite du matériel roulant et
des approvisionnements que l'Etat aura à payer à leur valeur
Mais l'Etat pourra, bien entendu, soit assurer lui-même l'exploita.
tion des chemins de fer, soit passer des conventions avec des socié-
tés privées qui lui payeront une redevance.
Parmi les droits que les cahiers des charges confèrent à l'Etat,
Egure celui de racheter, à toute époque, un ou plusieurs réseaux.
C<j droit n'a été exercé qu'une fois, à l'égard de la compagnie Je
l'Ouest. Les chemins de fer étaient, à cette époque, sous le régime
des conventions de i883 qui, en cas d'insuffisance de recettes,
garantissait aux actions des compagnies déncitaires un minimum
d'intérêt, à titre d'avances remboursables. Ce sont ces conventions,
remplacées par celle du 28 juin ig2r, qui a institué le fonds com-
mun, que Camille PeUetan dénonçait avec fureur et traitait de
=« conventions scélérates ».
Tous les réseaux, sauf celui du Nord, furent souvent obligés de
recourir à la garantie d'intérêt, notamment celui de l'Ouest, dont
les insuffisances atteignirent, au maximum, ig millions. Une vio-
lente campagne fut menée contre cette compagnie et, en igo8, Je
ministère Clemenceau déposa un projet de loi tendant à autoriser
le rachat.
On en promettait de grands avantages. M. Joseph Caillaux, alors
ministre des Finances, affirmait qu'au pis aller, le rachat serait
~< une opération blanche » et M. Clemenceau s'étonnait des résis-

tances que rencontrait, surtout au Sénat, « une modeste réforme


démocratique )). Quel rapport y a-t-il entre la démocratie et une
exploitation de chemins de fer Insondable mystère! Toujours est-
il que !e i" janvier igog te réseau de l'Ouest pas~a aux mains de
Etat et que, depuis lors, il a été un foyer de socialisme, et d'agita-
tion révolutionnaire.
Quant aux avantages du rachat ils sont merveilleux. L'indemnité
annuelle de rachat a tout d'abord été fixée à 100 millions, la
-concession du réseau prenant fin en 1935. Mnis des contestations

i. Marcel Peschaud, Politiqué et /oMC<«!f!ft<nMft< des transports par


-chemins de fer pendant la guerre, un vol. in-8". Presses universitaires.
furent soulevées entre les liquidateurs et l'Etat sur la valeur do
reprise du matériel et des approvisionnements, sur les dépenses du
service des titres, etc. Une transaction intervint, aux termes de
laquelle l'indemnité annuelle de rachat fut portée à n6g8t .'28
francs 56, et la fin de la concession retardée de vingt et un ans,
reportée ainsi en 1956, soit pour les vingt-sept, ans restant à courir,
une dépense de 3 i584g3 198 francs.
Si nous nous reportons au rapport sur les comptes de !<)2~. le
dernier publié nous voyons que le produit net d'exploitation est de
t2! 43i 916 francs; que les charges nettes de capital, dans lesquelles
est comprise l'indemnité de rachat, s'élèvent à 3~5 ~g 5~2 francs
et que l'insuffisance couverte par le fonds commun est de a~t mil-
lions 161 698 francs.
Cette même année, deux compagnies seulement recouraient au
fonds commun et se 'faisaient verser ensemble i5~ 6o3 o3: francs.

IV

Depuis une vingtaine d'années, je publie ici, tous les ans, des
articles où sont analysés les rapports présentés aux assemblées géné-
rales des réseaux concédés et ceux du réseau de l'Etat. Ce dernier
réseau paraît mettre son honneur à avoir régulièrement le coefficient
d'exploitation le plus élevé. Celui de jgay était de g3,8g p. too,
tandis que le plus haut des compagnies était de 82,82 p. 100 et que
le coefficient moyen des cinq réseaux concédés était de ~8 p. 100.
Le nouveau directeur général, qui est entré en fonctions au début
de cette année, introduira-t-il dans l'organisation de-ses services,
les réformes désirables? il Nous voulons l'espérer, mais certains de ses
prédécesseurs se sont succédé trop rapidement pour pouvoir faire
œuvre utile. D'autres ont vu leurs projets approuvés par un ministre
des Travaux publics et rejetés par le successeur que le hasard d'une
crise ministérielle lui avait donné. Non seulement ils n'agissent pas
comme dans les réseaux concédés, de concert avec un comité de
direction qui leur fait confiance et les maintient dans leur poste le
plus longtemps possible; mais trop souvent ils doivent s'incliner
devant des sollicitations quasi-impératives qui sont d'ordre politique
ou électoral bien plutôt que ferroviaire. D'autres entin, comme le
premier directeur du réseau de l'ELat, M. Beaugey, voulant innover,

r. Les comptes des chemins de fer de l'État pour 1928 ont <~té publiés
ces jours derniers. Nous les examinerons dans notre prochain numéro.
Nous pouvons dire tout de suite que le coefficient d'exploitation est de
89, p. 100 et que le réseau doit demander au fonds commun de couvrir
une insuffisance de x~ 837646 (r. 49.
jettent le désordre en remplaçant les trois divisions normales p~r
douze divisions, qui se renvoyaient les dossiers commè balle au
tennis. Notons encore la tournée que son successeur, M. Cla veille,
fit avec M. Albert Thomas, alors rapporteur du budget des chemins
de fer, qui signa!:), dans son rapport, l'exagération des dépenses
inutiles.
V

Ce n'est pas seulement dans la gestion des chemins de fer que


l'Etat exerce ses capacités industrielles; il ne se sépare jamais
d'elles. Faut-il rappeler l'histoire des. formules télégraphiques
qu'Emmanuel Brousse découvrit jadis? L'Imprimerie nationale les
facturait a francs le cent aux P. T. T., mais elle chargeait une
imprimerie privée de les fabriquer et elle les lui payait 5o cen-
t'mes le cent.
Un peu avant la guerre, les ateliers de la marine, à Guérigny,
lancèrent la nouvelle qu'ils fabriquaient des plaques de blindage à
un prix de revient défiant toute concurrence. Un de nos confrèrËS
du Temps, M. Rousseau, surpris de ce bas prix, parvint.à connaître
les comptes et prouva irréfutablement que certaines dépenses
avaient été omises et que, loin que le prix de revient fût inférieur
à celui des usines privées, il lui était notablement supérieur.
Il y a quelques mois, M. André Tardieu disait à la Chambre que
l'azote synthétique fabriqué par l'Etat à l'ancienne, poudrerie de
Toulouse était de qualité inférieure à celui que produit l'industrie
privée et que le prix de revient en est beaucoup plus élevé.
Faut-il rappeler l'état misérable dans lequel sont tombés les télé-
phones dès que l'Etat s'en est attribué le monopole? Cet étrange
commerçant aimait mieux refuser de nouveaux clients plutôt que
de se mettre en mesure de les accueillir, de rajeunir son matériel
et de profiter des progrès scientifiques, toutes choses dont il com-
mence à peine à s'occuper.
Le monopole des tabacs, établi à titre provisoire en 1810, et pro-
rogé sine die par la loi de finances, il y a une quarantaine d'an-
nées, n'a donné' que des résultats discutables. Ses comptes, dont le
dernier publié est de !9i3, soitt très confus, et le plus habile
expert-comptable serait bien embarrassé d'en dégager le bénéfice
réel. Depuis que le produit des tabacs est attribué à la Caisse
d'amortissement, il a bien été parlé d'établir une. '( comptabilité
industrielle ». Il en avait été question bien souvent auparavant,
mais on avait toujours démontré que les règlements de comptabilité
publique ne pouvaient s'adapter à ce procédé. Où en est-on aujour-
d'hui ? Je ne crois pas qu'aucun compte ait été publié.
Le monopole des allumettes, institué après la guerre de t8yo
et exploité tout d'abord, successivement, par deux sociétés dont les
affaires n'ont pas été brillantes, a été converti ensuite, par M. Pey-
tral, ministre des Finances, en un monopole exploité directement
par les manufactures de l'Etat et l'administration des contributions
"indirectes. C'est le système encore en vigueur. Comme pour les
tabacs, des comptes ont été publiés jusqu'en igi3. On en peut dire
autant que pour les comptes des tabacs; les uns sont calqués sur 'es
autres.
On se souvient qu'à la fin de la dernière législature, M. Poin-
caré, assisté de M. Blondeaux, directeur général des manufactures
de l'Etat, commissaire du gouvernement, présenta à la Chambre un
projet de loi abrogeant le monopole des allumettes et approuvant
une convention, fort avantageuse pour nous, passée avec la plus
importante société allumettière de Suède. Cette société s'engageait
non seulement à nous verser une somme importante, mais à occu-
per dans ses établissements en France tout le personnel du mono-
pole de l'Etat, aux mêmes conditions que celui-ci. II n'y avait
donc pas à craindre que ces ouvriers fussent privés de leur salaire
ni de leur droit à la retraite et rien ne s'opposait à un vote rapide.
Ce ne fut cependant pas sans peine que le projet fut adopté par
la Chambre. Les socialistes et les radicaux-socialistes prirent avec
passion la défense du monopole d'Etat. Toute autre considération
les laissait indifférents.
Le projet fut cependant adopté par la Chambre. Mais on était à
la veille des élections Le Sénat ne pouvait donner son avis qu'à la
rentrée. Il ne le put donner. Le premier « geste symbolique )) du
ministère cartelliste fut de retirer le projet.
Un peu plus tard, autre « geste symbolique », autre industrie
d'Etat. M. Peytral, ministre des Travaux publics, mit fin aux négo-
ciations engagées entre ses services et la compagnie de l'Est pour
le rattachement des lignes d'Alsace et de Lorraine à cette compa-
gnie, et en faisant de ces lignes un second réseau d'Etat.

VI
Que d'économies ne pourrait-on réaliser en supprimant les mono-
poles d'Etat et en laissant aux industries privées le soin de faire ce
à quoi l'Etat est incompétent! Mais l'esprit de monopole hante bien
des cerveaux. Même mis en présence des faits les plus certains, des
preuves les plus probantes ils ne renoncent pas à leur marotte.
Ce que nous avons dit plus haut montre que, sous l'empire de la
nécessité, l'Allemagne a eu le bon sens de rejeter le fétiche étatiste,
que d'autres nations se sont bien trouvées de s'être libérées le plus
vite possible des exploitations industrielles..par l'Etat.
Faisons comme elles. Ecoutons la voix des hommes qui, comme
Bastiat, Michel Chevalier, Paul Leroy-Beaulieu, Léon Say, Gustave
de Molinari, Yves-Guyot, ont combattu le socialisme d'Etat, dont
!ea monopoles d'Etat sont une forme et souvenons-nous que, par ces
monopoles, nous sommes toujours très coûtcusement et très mal
servis.
Georges de Nouvio~
LA VIE ÉCONOMIQUE

DE LA VILLE LIBRE DE DANTZIG EN ~8


La ville libre de Dantzig faisant partie du territoire douanier
po-
lonais participe, de ce fait, à la vie économique de la Pologne, dont
son développement dépend. Pourtant, ayant sa propre monnaie,
son administration, son système d'impôts, Dantzig représente, jus-
qu'à un certain point, une unité économique parljculière dont
l'étude s impose.
Dantzig comprend, maintenant, le caractère des liens qui
l'unissent à la Pologne et s'efforce de devenir un élément actif de
,l'expansion maritime polonaise. Danfzig n'a adopté cette attitude
qu'après plusieurs années de passivité, on peut même dire d'oppo-
sition. Les résultats atteints prouvent que le développement écono-
mique de Dantzig commence à partir de l'époque où la Ville lihre
a commencé de collaborer avec la Pologne et a, à la suite' de ce
fait, profité du développement de l'industrie et du commerce polo-
nais.
Aussi, pour Dantzig comme pour la Pologne, l'année tQ~S a élé
une année de stabilisation des relations économiques comme, entre
autres le prouve, le taux du disconte qui pour les traites est passé de
n p. 100 en iga~ a 6 p. 100 en iga8.
Une conséquènce du développement économique du pays a. été

;9a/).
aussi une nouvelle augmentation du chiffre des billets de banque

1925.
émis. Cet accroissement est présenté par les chiffres suivants

1926.
tf)'<7.
)928.
Gulden.
3i9tS~70
346<6';85
35717970
36oo75i5
39~5~5
Les prix à Dantzig étant stabilisés, l'augmentation du chiffre de
l'émission des billets de banque constitue une preuve du dévelop-
pement de l'activité de la vie économique. La couverture de l'émis-
sion de la Banque de Dantzig était en p. 100

199~
Or. Devise. Total.

3t décembre
1925.
t926.
67,33
~8,18
62,91
54,g6
:2o,2~
!û3,~

1927.
!928. 1.
56,82
38,25
~6,3o
53,56
6:,62
61,59
to9,38
!o5,87
107,89

La réserve monétaire de la Banque de Dantzig se montait, au


31 décembre 1928, à 2~1~ 3~5 gulden. Le reliquat des emprunts
de la 'Ville contracté en Angleterre en K)a5, du monopole de tabac,
du Conseil du Port s'élevait, à la même date, à tooo333~ gulden.
Le guidon étant étro!tement lié à la livre anglaise, on peut dire
qu'il n'a jamais eu un cours indépendant, mais qu'il a toujours
suivi lés fluctuàtions de la livre.
Les crédits d'escompte accordés par les banques de Dantzig M
présentaient comme suit (en millions de gu!den)
3t décembre. 192~
19M"]927.
BanquedeDantzig.
Banques allemandes.
)i,t ]8,5 12,i
<6,t 34,5 46,2
Autres banques t,! 3,3
Au total. 28,3 56,3 65.S
-7,0

On voit que l'activité des banques privées allemandes gagne de


l'importance.
Les dépôts d'épargne ont, en 1928, atteint la somme de 3g,3 mil-
lions de gulden contre !y millions en iga~. Tous ces chiffres sont
une preuve aussi bien de la stabilisation que du développement de
la vie économique de Dantzig, ce qui ne peut être que connrmê
par le fait que le nombre de chômeurs, en tgaS, n'a pas dépassé
7695. Pendant 'i guerre, environ 20000 ouvriers étrangers sont
arrivés à Dantzig pour travailler dans différentes branches de l'in.
dustrie de la guerre. Ces branches ont été, depuis, comptètement
liquidées, mais les ouvriers sont restés et ont quand même trouvé
du travail.
Les salaires dés ouvriers, en igaS, ont peu augmenté par rapport
à l'année précédente, et il n'y a pas eu de grerve.
1 Une grande importance pour Dantzig se trouve 'dans le passage
'des étrangers qui, de ~4 583 en 1926, a atteint le chiffre de 89 840'
en ig~8. 3y i~y personnes'étaient de Pologne.
Le facteur principal dans la vie de Dantzig est lé trafic du port.
Les chiffres suivants présentent son développement au cours des
dernières années.

JQJ2.
i925.
J926.
Arrivages.
N&vires. Tonnes.

!927.
3992 970653

1928.
3g86 1869979
6967 3~32~80
695o 3899854
6927 4078]~
o
Le trafic des marchandises accuse un progrès encore plus impor-
tant en comparaison avec les années d'avant guerre.

t9ta.
jg25.
1926.
Arrivage.

–~li4l455
Départ.

l Sn~S~
Totat.

2453312

Ig2~
690779 2031969 2722748

1927.
1928.
64o686
1517194
ISI~Ig~y
1780000
56596o5
6380~20
Ô3Fi0420
6755000
63oo3oi
7897614
'jÔg"JÔIIy
8485ooo

Les chiffres du trafic des marchandises en 1928 accusent une.


nouvelle augmentation, malgré une diminution considérable dans
l'exportation du bois et dans l'importation du blé.
Dans la même mesure qu'augmente le trafic du-port de Dantzig
s'accroît la participation de la Ville libre au commerce étranger de

tQ~
]9a2.
la Pologne. Cette participation exprimée en p. 100 se présente

1923.
comme suit
Impor- Expor-
tation. tation.

!Qa5.
1926.
t<)'jt~
j928.
so
30
ao
26
3t
33
l 5
6
10
16
25
3t
33

Les progrès réalisés dans le courant des deux dernières années


sont d'autant plus remarquables que dans cette période l'activité du
port de- Gdynia devait déjà être prise en considération. C'est donc
une preuve irréfutable que Gdynia n'est pas un port de concurrence
et que la Pologne est eufRsamment grande pour assurer le trafic né-
cessaire aux deux ports.
La navigation sur la Vistule se développe lentement, mais au
moins elle marque un progrès.

1927.
i.9a8.
En amont.
(Tonnes.)
169410
'797~
En aval.
(Tonnes.)
15~7~7
!6~7§5

L'établissement des tarifs ferroviaires unitaires sur le territoire


de la Pologne et de la Ville libre, ainsi que la mise à la disposi-
tion de la Ville libre du bassin de munitions à Westerplatte assu-
reront, en 19x9, un accroissement considérable de l'activité du port.
Le commerce de Dantzig suit le développement du commerce po-
lonais, dont il est en grande partie l'intermédiaire. Ainsi, en 1928,
des quantités importantes de marchandises destinées pour la Tché-
coslovaquie et la Roumanie, ont été importées par Dantzig. De
même, en 1928, la Pologne a, pour la première fois, exporté via
Dantzig une partie (i~oooo tonnes) de son sucre.
L'industrie de Dantzig se développe constamment, en travaillant
principalement pour le marché polon&is. Les résultats attirent l'af-
fluence des capitaux étrangers, ce qui permet la réalisation de nou-
nouvelle fa-
veaux investissements. En 1928 a été construite une
brique de soie artificielle, ainsi que des usines pour le tissage
~'étoffes en Gbre artificielle.
Une importante place dans l'industrie de la Ville libre est détenue
moment, ces chantiers subissent
par les chantiers maritimes. Pour le
la crise dont tous les chantiers allemands sont affectés. Uniquement
les K Chantiers de Dantzig », Snancés en -partie par la Pologne,
obtiennent des commandes en nombre suffisant.
L'industrie sucrière représentée par trois fabriques a produit, au
de L'indus-
<ours de la campagne 1927-1928, 285oo tonnesde sucre.
trie du chocolat a eu, en 1928, une production 225 tonnes, dont
aussi une
i5o tonnes ont été vendues en Pologne. Dantzig possède
industrie de conserves des produits alimentaires bien développée.
L'industrie chimique est représentée par deux usines de super.
production. La
phosphates qui exportent une grande partie de leur amé-
situation de l'industrie pharmaceutique s'est considérablement
difficile la
liorée depuis la stabilisation du franc, qui a rendu plusfrançais. La
concurrence sur le marché dantzicois, des industriels
production des couleurs et vernis se développe favorablement graca
à l'activité de la construction.
L'agriculture fait des progrès, malgré que les nationalistes alle-
mands prétendent qu'elle est handicapée par l'agriculture polo-
naise. La superficie des terrains est passée de t33 ooo hectares, en
toay, à 1~1 ooo hectares en Joa8. Dantzig possède aussi un élevage!
de chevaux et de bétail très bien développé.
La situation économique de Dantzig s'est considérablement amé-
liorée grâce à sa collaboration en Pologne. On peut dire qu'ac-
tuellement cette situation est prospère et que dans l'avenir elle fera
de nouveaux progrès, résultat de cette coopération. Les milieux
commerçants dantzicois prétendent que le mouvement de cartellisa-
tion en Pologne leur est nuisible, car il les -empêche de jouer le
rôle d'intermédiaire. Par contre, les industriels polonais accusent les
commerçants dantzicois de posséder trop peu d'initiative lorsqu'il
s'agit d'exportation des produits polonais. Une plus étroite collabo-
ration entre les milieux polonais et dantzicois ne manquera pas de
supprimer les fautes qui, de part ou d'autre, peuvent actuellement
être commises.
L'orientation dantzicoise a subi un changement radical au cours
des négociations commerciales polono-allemandes à l'occasion des-
quelles Dantzig s'est rendu compte que l'Allemagne n'hésiterait pas
à lui faire du tort au point de vue économique, si cela était néces-
saire à ses propres vues économiques et surtout politiques. Ce qui a
surtout créé un différend, entre Dantzig et l'Allemagne, c'est la
politique maritime de cette dernière, tendant à protéger à tout prix
le développement des ports allemands par des tarifs ferroviaires net-
tement déficitaires.
La bonne volonté de la Société des Nations et des Hauts Commis-
saires délégués a créé une base de collaboration entre la Pologne
'et Dantzig. La bonne volonté et la patience de la Pologne ont élargi
cette base. Les faits mêmes et le bon sens de la majorité des Dant-
zicois ont permis de créer, sur cette première base d'entente, les
commencements d'une collaboration économique qui permettra à
Dantzig d'atteindre la prospérité des anciennes villes hanséatiques
et à la Pologne de disposer d'un port dont elle a besoin.

C. DE Kow~ACt:
Co?M~untgue de l'Agence internationale.
LA SITUATION FINANCIÈRE
DE LA LETTONIE EN 1928

Pendant les six dernières années le bilan de~'Etat letton accuse


un excédent des recettes qui fut

f922-t923.
J923-t924.
i924-!9a5.
Millionsde tate.

21,6

t925-j926.
f926-i927.
)Q27-~()2S.
32,6
i~,t
1,5
4,6

total. Au
[!,9
88,9

En 1928, les inondations ayant partiellement détruit les récottes,


le gouvernement fut ob)igé d'employer les 11,9 millions de l'excé-
dent de l'année précédente ainsi que 25 millions provenant de l'em-
prunt étranger accordés par le trust suédois des allumettes, afin de
pouvoir faire face aux dépenses exceptionnelles.
Le i" avril 1928 un excédent de~i millions provenant de l'exer-
cice 19~8-1929 fut déposé à la Banque de Lettonie. Toutefois, comme
les années précédentes, plusieurs millions de cet excédent seront
probablement dépensés, si bien que le surplus définitif sera à peu
près de n,5 millions. Etant donné que tout l'excédent de l'année
192~-1928 fut, par- la suite, dépensé, il y a lieu, si l'on considère
les i!,5 millions restant comme excédent, de dire que l'exercice
i92y-tg28 fut fermé sans déficit et sans excédent.
Le budget pour l'année 1929-1930 se monte à i65 millions de
lats contre 164,1 millions pour l'année 19~8-1929. On espère pou-
voir faire face aux dépenses sans avoir recours à un budget supplé-
mentaire.
Parmi les recettes de l'Etat la première place revient aux impôts
indirects (droits de douane, monopoles, etc.), la seconde aux entre-
prises de l'Etat (forêts, chemins de fer, etc.) et la troisième, la
moins importante, aux impôts directs dont le montant atteint, envi-
ron t~ millions de lats.
En igag-ig3o on espère que les droits de douane donneront
~8,5 millions de lats, soit a,5 millions de plus que pendant l'exer-
cice précédent. C'est un résultat palpable du développement du com-
merce étranger de la Lettonie. Le monopole de l'alcool donnera,
probablement, a8 millions, la même somme que l'année précé-
dente. Les autres recettes sont -5 millions les banques de l'Etat,
7 millions les chemins de fer, 2,5 millions les postes, télégraphes et
téléphones.
Parmi les dépenses, il y a lieu de retenir 4o millions de lats
pour la Défense nationale, 18 millions pour l'Instruction publique,
i~ millions pour la Prévoyance sociale. Les dépenses du ministère
des Communications étaient de 23 millions, soit 2,5 millions de
plus que l'année précédente.
Les dettes étrangères de la Lettonie s'élèvent à na,2 millions de
lats contractées
MHUonsdeiats.
Après du gouvernement britannique. 52,3
Etats-Unis.
des 28,8
Syndicat suédois des
allumettes 21,1

112)2

A la suite du manque de capitaux privés, le gouvernement ieîiopi


est obligé d'accorder d'importants crédits aux entreprises privées~

!92'1933.
Les crédits prévus à ces fins ont été

]9:3-t92~
Millions de lats.

192~-1925.
2;~

ig25-i930.
]ga6-tg97.
1927-1928.
i3,o
~6,6
~6,5

i928-:929.
~8,5
'o,6

t<)'!9-i93o. ~')9
i?,5

Les crédits exceptionnels accordés en 1928-~929 sont un résumât


de la crise économique provoquée par les mauvaises récoltes de
1928.
Le i~ avril 1929 les réserves del'~tat déposées à la Banque de Let-
tonie se montaient à 8x,g millions millions réserves réelles,
ai,a millions excédent de l'année 1928-1929, 1~,7 millions réserves
<I'or. Les millions de devises étrangères que l'Etat possédait
furent dépensées en 1928-19x9 pour l'achat du blé.
Le crédit à court terme est relativement facile en Lettonie; par
contre, il est très difficile d'obtenir du crédit à long terme et même
d'évaluer le montant de la somme du crédit à long terme qui est
demandé par l'agriculture, le bâtiment, les industries, etc. Le taux
du crédit privé est actuellement de 11 à 12 p. 100.
A la suite de la politique d'émission très réservée de la Banque de
Lettonie, le cours du lat n'a subi aucun changement dans le coû-
rant de l'année r928.
C. K.

Communiqué de l'Agence internationale.


LES TRAVAUX
DES
CHAMBRES DE COMMERCE FRANÇAISES

LES PROJETS RECTIFICATIFS'DE LA LOI SUR LES ASSURANCES SOCIALES

La Chambre de commerce de Bordeaux, dans sa séance du ~6


sep-
tembre, a examiné le projet de loi déposé par M. Loucheur et mo-
difiant, en ce qui concerne les agriculteurs, la loi sur les assurances
sociales.
De l'exposé fait par M. le Président nous détachons ce qui suit
D'après le projet de M. Loucheur seul le risque vieillesse serait
couvert par un simple prélèvement de a p~ 100 sur les salaires, dont
i p. 100 à la charge du patron et i p. 100 à la charge de l'ouvrier,
au lieu de 3,60 p. 100 environ dans le commerce et l'industrie.
Ce taux de cotisation ne permettant pas d'assurer aux ouvriers
agricoles le minimum de retraite garanti par la loi du 5 avril 1928,
le projet prévoit la création d'un fonds spécial destiné à permettre
de verser aux ouvriers une majoration qui s'ajoutera à la rente
produite par leurs propres versements et les versements patronaux.
Ce fonds spécial sera alimenté 1° par un prélèvement sur les
S p. 100 ci-dessus mentionnés; a° par une contribution de l'Etat.
En ce qui concerne le risque maladie, maternité, décès, l'assu-
rance cesse d'être obligatoire pour l'intéressé. Mais si l'ouvrier
agricole veut user de la faculté que lui accorde la loi de se couvrir
contre ces divers risques, son employeur est alors obligé de verser
une contribution égale à la cotisation ouvrière, contribution qui ne
saurait cependant dépasser 5 francs par mois.
Dans cet ordre d'idées, la Caisse générale de garantie destinée à
couvrir le risque vieillesse accorderait, pour les risques maladie, ma-
ternité et décès, une subvention égale à 3o p. 100 de la double con-
tribution ouvrière et patronale dans la limite de 3 francs par mois.
Enfin, le projet ajourne l'assurance du risque invalidité.
En ce qui concerne l'assurance facultative et dans le but d'en-
courager les non-salariés agricoles, les petits exploitants, les tâche-
rons, les petits entrepreneurs, particulièrement intéressants dans
l'agriculture, puisqu'ils constituent la m'ajoritë de la classe pay-
sanne, à s'inscrire comme assurés facultatifs, le projet de loi leur
apporte une aide pécuniaire sérieuse. Dans ce but, tous ces assurés
facultatifs qui s'inscriraient pour le risque vieillesse verraient leurs
versements doublés par la Caisse générale de garantie, dans la limite
de 80 francs par an. Ceux qui désireraient s'assurer contre le risque
maladie auraient droit, comme les assurés obligatoires, à une majo-
ration de 3o p. 100 de leur cotisation, .'( concurrence d'un maxi-
mum de 3 francs par mois.
Il semble enfin que la fixation de la limite de salaire ou revenu
au-dessus de laquelle les avantages de l'assurance obligatoire cessent
de constituer un droit pour les intéressés, n'ait pas été maintenue
pour les artisans agricoles, ce qui risquerait de créer une nouvelle
inégalité profonde dans une même commune -entre l'artisan rural
privé du bénéfice do l'assurance si le produit de son travail dépasse
le maximum prévu, et l'artisan agricole qui ne subirait pas les
conséquences de cette limitation.
La deuxième partie du projet de M. Loucheur prévoit que la mise
à exécution des précédentes dispositions sera assurée par les Socié-
tés de secours mutuels. Le régime des Caisses départementales et des
Caisses primaires est complètement aboli. L'assurance vieillesse
serait confiée entièrement aux Caisses autonomes mutualistes et, à
défaut, à la Caisse nationale des retraites. Quant à l'assurance ma-
ladie, elle est réservée aux seules Sociétés de secours mutuels qui
fixeront librement, selon leurs statuts, les cotisations et les pres-
tations.
Le projet oblige seulement ces Sociétés à se réassurer entre elles
à des Unions groupant au moins a5 ooo abonnés, unions qui de-
vront verser 5 p. 100 de leurs recettes globales à un fonds de secours
confié à la Caisse générale de garantie. Ce fonds sera géré par un
Conseil d'administration spécial, où les groupements agricoles
seront représentés.
Enfin, le projet prévoit que 60 p. 100 des fonds'provenant des
assurés agricoles pourront être employés par l'entremise des Asso-
ciations de crédit agricole à des prêts de court, moyen ou long
terme.
M. Loucheur explique que, par ce projet, le gouvernement a
voulu tenir compte des possibilités actuelles de l'agriculture. II faut
reconnaître qu'il est conforme aux vœux unanimes exprimés
devant le ministre du Travail et le ministre de l'Agriculture par
l'assemblée générale des présidents des Chambres d'agriculture et
qu'il libère en partie le monde rural des contraintes et des ch&rges
de la loi sur les assurances sociales obligatoires.
Mais si le gouvernement a compris l'impossibilité d'assujettir tes
salariés des campagnes et leurs employeurs à l'organisation étatiste
de la loi du 5 avril 1928, il doit également reconnaître que la même
impossibilité existe en ce qui concerne l'application au, commerce,
à l'industrie, aux professions libérales et à la classe ouvrière, des
dispositions hâtivement votées qui constituent la loi du 5 avril
1928. Il est tout à fait inadmissible que seuls les ruraux soient
affranchis des servitudes dont tous les autres restent tributaires et
qu'un traitement différent soit admis pour des masses qui ne con-
tribuent pas moins. que les agriculteurs, dans les ordres d'activité
les plus divers, à la formation de la richesse nationale.
Ce projet, par ses répercussions économiques et sociales, appa-
raît donc comme particulièrement grave et la Chambre de corn-
merce jugera sans doute devoir soumettre au gouvernement ses
objections à ce sujet.
Cet exposé entendu, la Chambre de commerce de Bordeaux,
Considérant que le projet exposé par le ministre du Travail prévoit,
d'une part, un allégement sérieux des charges que l'application de la loi
fera peser sur les agriculteurs, tant patrons qu'ouvriers; que, d'autre
part, en vue d'augmenter les prestations allouées aux agriculteurs bénéfi-
ciaires de la loi par les organismes chargés de l'application de celle-ci,
l'État prend la charge de subventions supplémentaires;
Qu'ainsi, pour l'application d'une loi d'intérêt général, les Français
seront arbitrairement partagés en deux catégories
D'un côté, tous ceux qui n'appartiennent pas aux professions agricoles
et qui devront supporter, dans toute leur ampleur, les répercussions de
la loi sur les assurances sociales, comme ils en subiront les limitations
De l'autre côté, les Français appartenant aux professions agricoles qui
supporteront des prélèvements plus faibles et qui, par surcroît, bénéticie-
ront d'une aide supplémentaire mise à la charge du reste de la nation;
Considérant qu'il y a là une situation absolument contraire aux prin-
cipes mêmes qui sont à la base du statut des citoyens français
Considérant que si les charges que doit faire peser sur la production
nationale le fonctionnement de la loi sur les assurances sociales appa-
raissent trop lourdes pour être compatibles avec le développement normal
de l'agriculture, le commerce et l'industrie sont fondés à réclamer un
allégement identique
Qu'on ne saurait trop protester contre le dispositif qui tend à faire
supporter à tous les citoyens autres que les agriculteurs la charge des sub-
ventions que l'État accorderait aux organismes qui auront le soin d'assurer
le jeu des assurances sociales dans les professions agricoles
Considérant que si la loi du 5 avril 1028 peut, en dehors du risque
vieillesse, être renduefacultative pour l'agriculture, on ne voit pas pourquoi
it n'en serait pas de même en ce qui concerne les autres branches de la
production;
Considérant enfin que le vote de la loi du 5 août 1929, modificative
de la loi du 5 avril 1928, comme la préparation du projet rectificatif
actuellement analysé prouvent surabondamment que la loi sur les assu-
rances sociales a été préparée et votée avant qu'une étude suffisante ait
été faite de ses possibilités de réalisation et de ses conséquences,
Ëmet te vœu
Que le Parlement, mieux éclairé sur les conséquences redoutables
qu'aura, pour l'ensemble de la production française, l'application de la
loi sur les assurances sociales; conscient, d'autre part, des répercussions
que pourrait entraîner le régime d'inégalité prévu par le projet dont il
est fait état dans la-lettre de M. Loucheur à M. Veyssière,
Vote, avant le 5 février ig3o, date de la mise en application de la loi
sur les assurances sociales, une loi rectificative tenant mieux compte des
possibilités de l'économie nationale française et appliquant exactement le
même régime à toutes les branches de la production agriculture, indus-
trie et commerce. »

De son côté, la Chambre de commerce de Marseille a, le '22 oc-


tobre, entendu un exposé présenté par M. Camille Grand-Dufay,
l'un de ses membres, sur ces modifications proposées par le ministre
du Travail.
Après échange de vues, la Chambre de commerce de Marseille,
adoptant les conclusions de son rapporteur, a émis le vœu suivant
qu'elle a décidé de transmettre aux Pouvoirs publics

Considérant que les difficultés d'application de la loi sur les assurances


sociales, maintes fois signalées par de nombreux groupements industriels
et commerciaux et tout particulièrement par les Chambres de commerce,
ressortent avec évidence du projet rectificatif concernant tes professions
agricoles, qui cesse de rendre obligatoires pour les agriculteurs les risques
maladie, maternité, décès, ajourne l'assurance du risque invalidité et
ramène de 3,60 p. 100 à 2 p. 100 le taux des versements exigés pour
l'assurance vieillesse
Que ce dernier dispositif envisage ainsi, pour une catégorie privilégiée
d'assujettis des conditions ptus favorables, en réduisant le pourcentage de
leurs cotisations
Que ce régime établirait, s'il était adopté, une différence de traite-
ment entre les citoyens français, suivant, qu'ils appartiennent à l'agri-
culture ou au commerce et à l'industrie, et consacrerait une regrettable
injustice
Que cette injustice serait _encore aggravée du fait que l'insuffisance des
versements ainsi réduits 'pour les agriculteurs, retomberait à la charge
de l'État, c'est-à-dire que ce serait,
en définitive, l'ensemble des autres
contribuables qui y pourvoiraient
,Que cette double injustice, qui n'a pas été dans la pensée des auteurs
de la loi, serait d'autant plus choquante qu'elle imposerait plus tourde-
ment la catégorie de contribuablesla plus chargée d'impôts le commerce
et l'industrie, qui versent au Trésor seize fois plus d'impôts que l'agri-
culture
Que le devoir du ministre du Travail étant de tenir la balance égale
entre tons, et de ne pas établir un régime plus avantageux pour les uns
au détriment des autres, l'extension aux assujettis du commerce et de
l'industrie des dispositions envisagées pour l'agriculture s'impose
Qu'elle aurait comme double résultat de ne pas créer une injustice et
de permettre l'application progressive, par paliers, d'une loi dont le prin-
cipe n'est plus discuté, mais dont les répercussions sur l'Économie natio-
nale seront très graves s'il n'y est pas apporté d'importants changement*
La Chambre de commerce de Marseille, n'ayant en vue que l'intérêt
supérieur de la production nationale, demande très instamment à M. le
ministre du Travail de bien vouloir prévoir l'application aux professions
commerciales et industrielles des nouvelles dispositions de la loi sur les
assurances sociales envisagées pour l'agriculture.

LA RÉFORME DES COMMISSAIRES AUX COMPTES. LA RERLEMENTATfON


DES BILANS

La Chambre de commerce de Paris a déjà été appelée à donner


son avis sur un projet de réforme des commissaires aux comptes
et de la réglementation des bilans, à l'occasion de la proposition de
loi déposée la Chambre des députés le 26 février 1926, par M. Chas-
tenet.
La Chambre des députés a été saisie, le 20 décembre 1928, par
M. Chastenet et plusieurs de ses collègues, d'un nouveau projet
ayant un double but limitation, pour certaines sociétés, du choix
des commissaires aux comptes; obligation, pour d'autres sociétés,
d'établir leur bilan sur des modèles déterminés.
Reprenant, en grande partie, les conclusions du rapport adopté
par elle le 6 juillet 1927 sur la première proposition de loi de
M. Chastanet, la Chambre de commerce émet, le ~3 octobre, le vœu
ci-après, qui lui est présenté par M. Brizon, au nom de la Commis-
sion de législation, Questions financières et fiscales.

La Chambre de commerce de Paris,


Considérant que la loi de !86-7, en précisant que des commissaires
nommés par l'Assemblée générale des actionnaires doivent faire un rapport
sur la situation des sociétés, sur les bilans, sur les comptes présentés par
les administrateurs, a entendu indiquer qu'il ne s'agissait pas uniquement
de rappr- jhement d'écritures;
Consacrant qu'aux termes de la loi de tSG~ rien ne s'oppose à ce que
t'asserft'ée des actionnaires, qui est entièrement maîtresse de nommer
qui elle veut, s'adresse à un expert-comptable agréé ou non, si 'elle
l'estime, mais qu'elle peut considérer à juste titre nécessaire de choisir,
danst'~ntérêt de la Société, comme commissaires des gens susceptibles de
juger a marche de la Société, ses besoins matériels et moraux, la politique
qu'il y a lieu de suivre;
Considérant que rien ne s'oppose, dans t'état actuel de la !égis)ation, à
ce que les commissaires des comptes soient assistés d'experts-comptables
pour accomplir, s'ils le jugent utile, leur mission
Considérant qu'en ce qui concerne les droits d'investigation, ia loi de
1867 est plus large même que la proposition de loi actuellement en
discussion, puisqu'elle donne la possibilité d'examiner tous les comptes,
tous les livres, toutes les opérations sociales;
Considérant qu'il est toujours fâcheux de créer des monopoles, que
celui proposé en faveur des associations d'experts-comptables reconnues
par 1 État peut présenter les plus sérieux inconvénients 0
Considérant, d'un autre côté, qu'il semble impossible d'établir
un bilan-
type pour banques et établissements de crédit qui, en fait, n'ont pas tous
le même genre d'opérations, qu'un bilan-type devrait prévoir des opéra-
tions multiples dont une partie ne serait pas du ressort de toutes les
banques, qu'il est à craindre que cela ne serait point une gêne pour ceux
qui voudraient ne pas présenter d'écritures sincères mais une complica.
tion inutile pour ceux qui tiennent, au contraire, à ce que leurs affaires
soient examinées au grand jour par leurs actionnaires,
Emet le vœu
Que soient rejetées toutes les dispositions de la proposition de loi de
M. Chastanet, aussi bien celles qui sont relatives à l'obligation,
pour
certaines sociétés, d'avoir recours à un commissaire faisant partie d'une
association d'experts agréée par l'État, que celles qui ont trait à déter-
miner statutairement la forme des bilans des sociétés et également à uni-
formiser, suivant un modète-type établi par le ministère des Finances, les
bilans des banques et établissements de crédit acceptant des dépôts de
fonds

TO\IE XOV. NOVEMBRE 1929. 13


SOCIÉTÉ D'ECONOMIE POLITIQUE

SÉANCE
DU 3 NOVEMBRE 1929

Présidence de M. COLSON, de l'Institut, président

Mcàs.
ÛUVRAMS PRÉSENTÉS.
ORDRE DU JOUR Les dernières réformes agraires dans les pays de l'Est
de l'Europe.

M. le Président annonce que la Société d'Economie politique


dép!cre la perte qu'elle vient de faire en la personne de M. Louis
Aubert.

M. Emmanuel Vidal, secrétaire perpétuel, donne lecture de la


liste des membres qui s'excusent de ne pouvoir assister à la séance
,de ce soir.
Il signale, d'autre part, parmi les ouvrages reçus Travail et Pro-
duction à travers les âges, de M. Marcel Blanchard (MontpelUer);
-Ca/Mt~ de Panama, de MM. Georges-Edgard Bonnet et Louis Lucas
(Desfossés, Paris); l'Orientation de la rationalisation de la produc-
<ton. de M. Braconnier (extrait du Journal de Liège); le SoeM~n~e,
de M. Emile Labarthe (l'Action nationale, éditeur, Paris); la Situa-
f;07t financière de la France e< le Budget de ~930, de M. Edouard
Payen (extrait du Journal des Economistes); la Coopérative de venle
par les producteurs, de M. J.-L.-G. Rahder (librairie du Recueil
Sirey, Paris); les Idées de M. A'cyn.M sur le problème des transferts,
de M. Jacques Rueff (Reuue d'Economie politique), etc.

La parole est ensuite donnée à M. Joseph Barthélémy pour


exposer le sujet inscrit à l'ordre du jour
T.ES MRNFÈRES RÉFORMES AGRAIRES DANS LES PAYS A L'EST DE L'EUROPE

Ce qui frappe l'attention, c'est le grand mouvement qui est né 5


l'orient de l'Europe, sous l'iniluence du bolchevisme, grand mouve-
ment similaire et spontané qui a éclaté dans tous les pays de l'Eu-
rope centrale Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie et
Yougoslavie.
La simultanéité indique le besoin profond de reîormes qui est
parti du fond des masses. Aussi ce mouvement est-il singulièrement
attirant pour les réflexions des économistes, des sociologue: des
jurisconsultes.

L'orateur tient àdéclarer que pour l'étude de ce mouvement il


emploiera les méthodes juristes. Il prie la Société d'Economie poli-
tique~ de vouloir bien l'excuser, persuadé qu'elle approuvera ces
méthodes.
Il commencera donc par citer les textes essentiels en la matière.
Dans le royaume yougoslave, le texte fondamental est un décret du.
26 février 1919. En Tchécoslovaquie, nous trouvons la loi- du Il juil-
let 1919. En Roumanie, nous rencontrons toute une floraison de
textes le décret de décembre 1918 pour le vieux royaume; le décret,
du to septembre igig pour la Transylvanie; la loi du 3o juillet if)~
etc.
Après avoir ainsi énuméré les textes, M. Joseph Barthélémy
déclare que la réforme agraire telle qu'elle a été réalisée à l'est de
l'Europe, soulève des problèmes de trois ordres différents, à savoirr
un problème d'ordre social, un problème économique et enfin un
probième d'ordre international.

En oe qui concerne le premier problème, le pjroblème d'ordre


social, c'est le fondement même du droit de propriété qui est po?é.
La propriété, telle qu'elle est conçue dans !es pays à l'est de l'Eu-
rope, est très différente de la notion de propriété que nous avons
reçue du droit romain, dans lequel la propriété est le jus utendi, le
jus fruendi et le jus abutendi. Elle est très dissemblable également
de la notion de propriété définie dans notre déclaration des droits
de l'homme et du citoyen.
La constitution yougoslave déclare, dans son article '3~, que la
propriété est garantie; mais de cette propriété, en contre-partie du
droit, découlent des obligations. C'est ainsi que l'étendue de la pro-
priété est déterminée par la loi. Elle reconnaît le droit pour chaque
famille de posséder un minimum inaliénable (art. ~3 in fine). Donc
la loi détermine le maximum et le minimum de l'étendue de la pro-
priété susceptible d'appropriation. C'est la démocratisation de la
terre arable et l'étatisation des forêts. La constitution yougoslave e~t
tout imprégnée de doctrines socialistes.
La réforme agraire soulève le grand problème de l'inégalité des
conditions. Celle-ci est particulièrement dangereuse au point de
vue social lorsqu'il s'agit de la terre, car en cette matière elle est
plus apparente. C'est un phénomène qui mérite réflexion. Une for-
tune immense à l'américaine, telle que la fortune de Ford, frappe
moins l'imagination populaire qu'une fortune exclusivement fon-
cière. Cette inégalité des conditions était-elle donc si exagérée dans
les pays l'est de l'Europe?
M. Joseph Barthélemy reconnaît qu'il existait des latifonds en
Pologne, en Hongrie, en Roumanie, en Autriche, en Allemagne;
mais la disproportion extrême dans la possession de la terre existait
surtout dans ce qu'on appelle aujourd'hui la Tchécoslovaquie. Le~.
chiffres suivants en donneront une idée. Dans les pays historiques
(Bohême, Moravie, Silésie), a36 grands propriétaires ayant chacun
plus de 5 ooo hectares possédaient 2~ p. 100 du sol.
i o48 ooo petits propriétaires, ayant chacun moins de hectares,
possédaient 6,5 p. 100 du sol, soit quatre fois moins!
La famille des Schwartzen'Bergpossédait à elle seule i~ ooo hec-
tares, soit quatre fois le département de la Seine comme superficie.
En Slovaquie et en Russie subcarpathique, g35 latifundistes avaient
35 p. 100 de la terre; a85 ooo petits propriétaires n'en possédaient
que 4 p. 100.
En somme, d'un côté, de très gros propriétaires, de l'autre, une
poussière de petits propriétaires disposant de peu de moyens.
Entre ces deux classes de. propriétaires, il existait un gouffre.
Ce régime de la propriété correspondait à un certain régime poli.
tique. Une république démocratique, a-t-on dit, ne peut être fondée
que sur la démocratisation de la propriété foncière. « Un peuple
libre politiquement ne doit pas être économiquement sous le joug. ))
On peut aller loin avec cette théorie.
Pourquoi soumettre à un régime spécial le capital ~err;' et ne pas
l'appliquer au capital argent? Avec ce système tous les édiBccs
traditionnels se trouvent ébranlés dans leurs bases.
En Transylvanie, i) y avait un meilleur équilibre entre la grande,
la petite et la moyenne propriété.
Mais ici intervient un élément, ainsi qu'en Tchécoslovaquie, e!
que nous reverrons. Les grands propriétaires sont allogènes Hon-
grois. La puissance politique est tchèque ou roumaine, tandis que
la puissance économique est aux allogènes. C'est une source inévi-
table de conflits.
En Roumanie, seuls les Roumains peuvent avoir la pleine pro-
priété.
Un autre aspect de ce problème social est celui-ci. L'Etat veut
combattre l'inégalité des conditions. Il désire créer l'égalité. Quelle
mesure alors donner à la propriété? On ne saurait diviser la terre
mathématiquement; la nature du sol lui-même s'y oppose, car il
faut compter avec les terrains plus ou moins fertiles et quelquefois
même stéri)es. Alors où s'arrêtera-t-on? Quelle propriété sera licite
et quelle autre ne le sera pas?
En Yougoslavie a été déclarée licite toute propriété qu'on peut
travailler soi-même avec sa famille! Mais alors quelle sera la super-
ficie d'une terre qui a été donnée à un père de sept enfants si, par
exemple, quatre de ses enfants viennent à décéder? Quelle sera, d'un
autre côté, la part de propriété d'une veuve? C'est un système
absurde, à rejeher. En Yougoslavie, on s'est arrête au chiffre
de 5'y hectares. Les socialistes tchécoslovaques demandaient 5o hec-
tares, On est arrivé au maximum de i5o hectares de sol arable ou
a5o hectares d'autre.
C'est d'ailleurs en Tchécoslovaquie que la réforme fut la plus
mesurée, la plus scientifique, la plus modérée, la plus pondérée.
En Roumanie, il existe des différences en ce qui concerne les
optants, les forêts, les terres arables.
On a voulu, par cette réforme, créer une classe de petits proprié-
taires. C'est là un idéal français. Constituer une réserve de sagesse
de la démocratie, une garantie de la solidité des charpentes sociales.
La préoccupation des hommes qui ont fait la réforme agraire a été.
une préoccupation de paix sociale, mais de paix sociale faite avec
des méthodes bolchevistes. C'étaifla révolution ou bien révolution.
Au fond, cette expropriatTon forcée a produit, par sa brutalité,
des effets fàcheux.
On a jeté à la rue des propriétaires autrefois riches qui sont
aujourd'hui sans rien. On en a fait des déclassés, des mécontents.
C'est un élément de troubles au cœur de l'Europe.
Cette expropriation forcée vient encore se compliquer du pro-
blème de l'indemnité.
Si la réforme agraire s'opérait moyennant une juste indemnité,
il y aurait au moins ce baume sur la plaie des victimes. C'est ainsi
qu'en France, sous la Restauration, le milliard des émigrés à indem-
nisé les propriétaires qui avaient été dépouillés par la nationalisa-
tion de leurs biens. Le Concordat, qui a duré jusqu'en igo5, avait
institue une équitaMe indemnité, sous forme de traitement, pour
dédommager le clergé de la perte de ses biens.
Mais qui doit payer cette indemnité d'éviction dans. les pays d&
l'Europe centralea
C'est l'Etat en Yougoslavie et en Roumanie, bien qu'on ait pense
à la faire supporter, dans ce dernier pays, au paysan bénéficiaire.
C'est le paysan attributaire en Tchécoslovaquie. Il se libérera en,
de très nombreuses annuités et en ayant recours, le cas échéant, au
crédit de l'Etat.
L'indemnité, pour être efficace, ne doit pas être quelconque, elle
doit être juste. Il faut reconnaître qu'elle n'a pas ce caractère dans
ces législations. En Yougoslavie, la solution est bien simple. On a
pris la terre aux propriétaires en 1919 et aucune loi d'indemnité
n'a encore été votée. Depuis dix ans, dépouillés de leurs terres, ils-
doivent payer les impôts pour les bâtiments qu'on leur a laissés,
car c'est la terre seule qui a été expropriée. Heureux ceux qui possé-
daient des bijoux et des valeurs, sans cela il ne leur resterait abso-
lument rien aujourd'hui.
En Roumanie, c'est la cascade de subtiles inventions juridiques,.
d'écrans successifs, pour masquer le néant de l'indemnité; c'est ce
qui résulte des articles 5o et suivants de la loi du 3o juillet 1921.
Le domaine est estimé, à son prix de 1914, en couronnes-or, la cou-
ronne est assimilée au leu papier (soit 4o fois- moins que l'or)
et l'Indemnité en lei papier est payée sous forme de titres de rente
sur l'Etat, intransmissibles et portant intérêt à 5 p. 100.
L'arrêté du 3 avril 192~ porte l'obligation, pour le bénéficiaire,.
de renoncer à toute réclamation ultérieure.
Les bons du Trésor do Roumanie, libellés en livres sterling',
payables à'Londres et à Paris, sont cotés de 33 à 4o p. 100 de leur
valeur nominate.
Les rentes intransmissibles payables à Bucarest en lei papier
valent encore moins. Donc, avec ce système, on arrive à une indcrn*
nité de i p. 100 au maximum.
Personne né touche ces bons.
fi y a quelques bons en circulation, ruais provenant de l'ancien
territoire de Roumanie, plus avantageux que ceux de Transylvanie.
Pour les territoires de l'ancienne Roumanie, le gouvernement
roumain aurait permis la transmission. Ils sont cotés à 38 p. 100 de
leur valeur nominale. (Bulletin de la Bourse de Temesvar).
M. Titulesco appelle cette opération « paiement en or différé S-
l'avenir )).
Ce n'est, en somme, qu'une cascade de truquages.
Quant à l'indemnité tchécoslovaque pour cause d'expropriation,.
'el!e est un peu plus raisonnable, et elle varie de 8 à 12 p. 100.
Eniin, voici un autre aperçu du problème social que pose la
réforme agraire:
1° Qui va donner la terre?
2" A qui va-t-on la donner?
La solution de ce problème a nécessité une organisation adminis-
trative considérable, toute une" série de rouages nouveaux.
C'est ainsi qu'en Yougoslavie; il a été créé un ministère de la
Réforme agraire comprenant des directions agraires et des bureaux
~agraires. Des comités agraires de département et d'arrondissement
-ont élément été constitués. Cette formidable organisation admi-
nistrative, chargée de l'attribution des. terres, a engendré des
désordres sans nom, de la gabegie.
En Bessarabie, pendant les troubles bolchevistes, les paysans se
sont partagé les terres. La Roumanie, en prenant possession de ce
nouveau territoire, n'a fait que sanctionner le fait accompli.
En Yougoslavie, il s'est produit une véritable jacquerie. Des quan-
tités de gens se sont installés d'autorité sur les terres des grands
propriétaires; ils n'ont pas d'autres .titres que cette possession de
fait. t
Quant aux bénéHciaM-es de la réforme agraire ce furent i" les
soldats; 2° les occupants (fermiers, ouvriers, etc.); 3° les voisins;
~° les colons. transportés.
Pour apprécier les résultats d'une telle occupation, il est permis
-de rappeler la parole du grand Frédéric « Les choses ne
vont jamais aussi bien qu'on l'espérait ni aussi mal qu'on le redou-
tait. );
Mais les victimes de cette dépossession ont trouvé le procédé 'mau-
vais.
Les bénéficiaires de la réforme agraire ne s'en trouvent pas eux-
mêmes enchantés et, à ce propos, le rapport de l'année i~-i~S
de la Chambre des ouvriers yougoslaves en Voïvodie, sur la situa-
lion économique et sociale de la Voïvodie, présente un réel intérêt.
« Tout le monde attendait du nouveau régime yougoslave l'amé-
lioration de la' situation économique et que pour le partage des
grandes propriétés, ce régime prendrait en considération tous les
points de vue légitimes. La réalité présente un aspect tout contraire
à cette attente. Une réforme agraire moins opportune n'a jamais
~eté créée, même pas dans la Russie bolchevique. Tandis que, d'une
part, les propriétés moyennes et les grandes propriétés ont été
réparties, dans la plupart des bas, sans tenir compte des poinîs de
vue économiques les plus importants, d'autre part, les domaines
'féodaux et ecclésiastiques ont été exemptés en grande partie, de
sorte qu'ils conservaient des terres au nombre bien au-dessus du
maximum fixé. La majeure partie des terres ont été distribuées
parmi les mendiants et des montagnards nullement familiers avec
l'agriculture, alors qu'on aurait dû en faire bénéficier les ayants-
droit. de la région. Ceux-ci ont été refoulés sur les territoires méri-
dionaux où ils souffrent autant du climat malsain que les monta-
gnards colonisés en Voïvodie souffrent en raison du climat inac-
coutumé de cette contrée. La question des anciens légionnaires
serbes, bien qu'elle soit indépendante de la réforme agraire, a été
résolue à propos de celle-ci. Cette réforme agraire fut appliquée
exclusivement dans le but de fortifier l'élément national de la Voï-
vodie. L'es minorités ont été exclues de la manière la plus injuste du
bénéfice de la réforme agraire', ce qui provoquait des désillusions
amères, d'ailleurs compréhensibles, les minorités formant la popu-
lation autochtone de la région. En outre, une foule d'abus et des
affaires scandaleuses ont accompagné l'application de la réforme
agraire et on en rencontre de pareils tous les jours. Construite sur
la base de principes faux, et appliquée d'une manière plus injuste
encore, notre réforme agraire a fait monter le mécontentement qui
régnait déjà parmi les cultivateurs pauvres, premières victimes de
cette réforme.
« Jt est évident qu'une telle re/ormc agraire n'a réalisé aucun des
buts auxquels elle devait servir. Elle n'a même pas réalisé le buf
national proposé en premier Heu e< qu'elle croyait atteindre par fa
co!)n.tsa<:o~. des montagnards dans la plaine de Voïvodie. Ces mal-
heureux, le plus souvent renvoyés par les autorités agraires d'un
endroit à un autre, privés d'assistance, n'arrivaient pas à se créer
une existence matérielle. En dehors de cela, à la suite du climat
inaccoutumé et des mauvaises conditions de vie, la tuberculose et
la famine emportent des victimes dans leur milieu, beaucoup plus
qu'autrefois lorsqu'ils habitaient encore leurs anciens foyers. Dans
la colonie de Stepanovicsvo, près d'Ujvidék, sur l'ancienne grande
propriété Chotek, la mortalité des nourrissons atteint le taux de
100 p. 100. Ainsi, la réforme agraire ne parviendra jamais i'f
atteindre son principal but national, elle créera plutôt un cimetière
national.
«Les effets de la réforme agraire aux points de vue économique
et social ont été également méconnus. D'après les chiffres provi-
soires des statistiques exactes manquant encore ont été dis-
tribuées en Voïvodie 320000 arpents cadastraux environ, au profitt
'de 80 ooo familles, soit en moyenne 4 arpents par famille. Les lots
d'une si petite étendue ne sont pas susceptibles d'exploitation ration-
nelle, ils ne font qu'élever le nombre des propriétés naines. Leur
sort. est évident. La réforme agraire n'a donc pas réalisé l'idée prin.
cipale dont elle devait s'inspirer, à savoir d'accroître la classe des
propriétaires paysans capables- d'affronter les difficultés écono.
miques. Les bénéficiaires colonisés en Voïvodie aggravent la misère
et le désespoir 'de la population locale sans lots. D'autre part, le
partage des grandes propriétés entraîna la diminution considérable
des exportations, la décadence dans la production agricole, soit au
point de vue de la qualité, soit à celui de la quantité, la ruine en
matière d'industrie agricole et, par conséquent, il a entravé sur
tous les terrains le développement de la vie économique, tout en
mettant des obstacles au progrès en matière sociale et politique.
« Afin de défendre la réforme agraire, les hommes politiques et
les experts agronomes soutiennent souvent la thèse que dans l'intérêt
des buts nationaux de premier ordre, cette réforme agraire si cri-
tiquée ne pouvait être autre. Nous ne partageons pas leur avis,
indéfendable à la rigueur. Une période si courte en a déjà donné
les preuves. 11 nous faudra payer cher les fautes et les erreurs com-
mises et il sera difficile de les répa-rer.
« Il est à croire que les minorités en Voïvodie, ignorées et ruinées
par une telle réforme agraire, au mépris de tout droit, ne s'accom-
moderont jamais de la nouvelle situation. Exclue du bénéfice du
lotissement, privée par le partage des grandes propriétés de tous
moyens de gagner sa vie, ne trouvant nulle part ailleurs d'emploi
à la suite de la crise économique générale, la population, minori-
taire de la Voïvodie au nombre d'un demi-million environ,, est
exposée à la misère, à la famine et au désespoir. L'Etat a commis
un véritable crime envers ces malheureux, en les condamnant à la
mort. Il n'a pas et n'aura jamais le droit d'agir ainsi. Il devra,
dans son propre intérêt et sans délai, mettre fin à une politique
si peu pratique, car des événements imprévus peuvent se produire
au sein d'une masse irritée et désespérée. En attendant, il faudra
donner du travail à ces infortunés et assurer leur existence.
« Cependant, dans les circonstances actuelles, on ne pourra
s'at-
tendre à ce que l'existence d'une telle masse puisse être fondée sur
des bases solides. Autrefois, il y avait au moins la possibilité de
trouver du travail; à présent, c'est presque impossible, vu les mau-
vaises conditions économiques. Au lieu de venir au secours
de cette fraction de la population et d'assurer son existence, l'Etat
considère comme son devoir le plus important de favoriser Immi-
gration. Cependant, cela ne va pas facilement, il manque les res-
sources indispensables pour entreprendre un voyage par mer. L'Etat
ne s'efforce pas de leur procurer du travail à l'étranger, au moins
pendant les saisons du travail agricole. Par contre, les autorités
o
compétentes s'opposent catégoriquement a toufe action tendant
faire bënéncicr de lots,- au moins une part des véritables cultiva-
teurs d'entre eux, dans diverses autres provinces de la Serbie, par-
exemple dans la contrée méridionale. Elles invoquant des points de
vue nationaux et politiques, tout comme a l'époque des lotissements
en Vovodie. Pourtant, il serait opportun de réaliser un tel projet
tant au point de vue politique que dans l'intérêt de l'économie natio-
nale.
« Voici la situation qu'on fait en Voïvodie aux ouvriers agricoles,.
véritables ilotes du vingtième siècle. ))

<!

La réforme agraire soulève également un grave problème écono-


mique, relatif à la valeur comparée du grand domaine et de fa-
petite propriété.
Est-ce qu'un pays gagne économiquement supprimer les grands
domaines?a
A cette question M. Joseph Barthélémy répond résolument nonr
Le grand domaine sert d'exemple, de pépinière, de haras. On y
emploie des méthodes perfectionnées, on y pratique le drainage,
la sélection des graines, des arbres, des étalons. Mais il faut que-
le grand propriétaire fasse des labours profonds, qu'il procède au
niveHement des terrains.
D'autre pari, il y a des exploitations rurales qui ne se conçoivent
que sur de grandes propriétés. C'est le cas, notamment, pour les
distilleries, les raffineries de sucre (nombreuses en Slovaquie), pour
les forêts. Seules les grandes forêts peuvent être utilement exploitées.
La toute petite propriété est forcément retardataire. EUe n'a pas-
le moyen d'employer les procédés scientifiques. La propriété parcel-
laire ne produit que pour sa consommation. Alors le reste de la
population qui ne s'adonne pas à l'agriculture est appelé à mourir
de faim.
La brutalité de la réforme agraire, qui ne peut se faire que par
une lente évolution et non pas par une révolution, soulève encore
un autre problème d'ordre économique.
La plupart du temps on a laissé au propriétaire, après l'avoir
dépouillé de là terre, son château, ses bâtiments, ses chais, ses dis-
tilleries. On lui demande de payer des impôts pour tous ces im-
meubles. Il en est totalement empêché puisqu'il se trouvé-
avec un capital improductif par suite de la confiscation des terres.
D'autre part, les bénéficiaires de la réforme ont reçu une pro-
'priéte sans capital, sans cheptel, sans instruments aratoires, sans
rien pour l'exploiter. H en résulte une profonde misère des paysans.
M. Joseph Barthélémy cite, à l'appui de sa démonstration sur les
inconvénients de la réforme agraire, cet exemple typique. Un pro-
priétaire lui affirmait que toute une province produit aujourd'hui
moins qu'autrefois son seul domaine. La plupart des pays dans les-
quels la réforme agraire a été effectuée étaient jadis exportateurs
de céréales. A l'heure actuelle, leur production est insuffisante pour
la ptoulation.
Enfin, c'est une croyance absurde de s'imaginer qu'on improvise
des paysans e<ï général. Citez les' paysans eux-mêmes, il existe des
spécialisations. C'est ainsi que le paysan habitué exclusivement aux
coins de la -vigne, par exemple, ne s'entendra guère à la culture
ties céréales, et réciproquement.
Il est permis de dire qu'au point de vue économique, la réforme
agraire constitue un désastre. Cette réforme, faite dans un but
national, est également un désastre fiscal. Elle a anéanti des
sources considérables de revenus que l'Etat percevait sous forme
d'impôts. C'est en définitive un sacrifice qui a été fait dans une pen-
sée nationale.
<'
<!

Le troisième problème que soulève la réforme agraire dans les


pays à l'est de l'Europe est un problème international. Il ne susci-
tera, déclare M. Joseph Barthélémy, que de brèves observations.
Beaucoup de ce3 grands domaines appartenaient à des allogènes.
Les étrangers, a-t-on dit, ne peuvent pas se plaindré puisqu'il s'agit
.d'une législation'ies atteignant aussi bien\ que les indigènes.
L'orateur examine le problème sous ses deux aspects différents
i" Au point de vue du droit international commun;
2" Au point de vue du droit des traités.
En ce qui concerne le droit international commun, la question
se pose sous la forme suivante
La propriété est-elle un droit de l'homme garanti par le droit
international?
On essayé de distinguer, mais aucune solution satisfaisante n'a
~té apportée.
Il faut, en définitive, laisser de côté le droit international com-
mun. II présente des dangers à cause de la Société des Nations.
La thèse que les étrangers peuvent être expropriés sans indemnité
est douteuse.
D'ailleurs l'expropriation sans indemnité est contraire à l'article 13
de la Convention germano-polonaise de Genève, dont la rédaction
est identique à l'article 250 du traité de Trianon. Il apporte une
garantie contre toute mesure de.liquidation.
Relativement au droit des tracés, Kl. Joseph Barthélémy rap-
pelle les textes des articles 267 du traité de Saint-Germain et 260
du traité de Trianon.
L'article 267 du traité de Saint-Gerrriâin porte « Nonobstant les
dispositions de l'article 2~9 et de l'annexe de la section IV, les
biens, droits et intérêts des ressortissants autrichiens ou des sociétés
contrôlées par eux, situés sur les territoires de l'ancienne monar-
chie austro-hongroise, ne seront pas sujets à saisie ou liquidation
en conformité de ces dispositions.
((
Ces biens, droits et intérêts 'seront restitués aux ayants-droit,
libérés de toute mesure de ce genre ou de toute autre mesure de
disposition, d'administration forcée ou de séquestre prises depuis le
3 novembre igi8 jusqu'à la mise en vigueur du présent traité. Ils
seront restitués dans l'état où ils se trouvaient avant l'application
des mesures en question.
« Les biens, droits et intérêts visés dans le présent article
ne comprennent pas les biens soumis à l'articie 208, partie IX
(Clauses financières).
« Rien, dans le présent article, ne portera atteinte aux disposi-
tions de l'annexe III à la section 1 de la partie VIII (Réparations)
relativement à la propriété des ressortissants autrichiens sur les
navires et bateaux. »
Quant à l'article ~5o du traité de Trianon, il s'exprime en des
termes presque identiques
« Nonobstant les dispositions de l'article 282 et de l'annexe de la
section IV, les biens, droits et intérêts des ressortissants hongrois
ou des sociétés contrôlées par eux, situés sur les territoires de l'an-
cienne monarchie austro-hongroise, ne seront pas sujets à saisie
ou liquidation, en conformité de ces dispositions.
« Ces biens, drorts et
intérêts seront restitués aux ayants-droit,
libérés de toute mesure de ce genre ou de toute autre mesure de
disposition, d'administration forcée ou de séquestre prises depui?
le 3 novembre igi8 jusqu'à la mise en vigueur du présent traité.
Ils seront restitués dans l'état où ils se. trouvaient avant l'applica-
tion des mesures en question.
« Les réclamations qui pourraient être introduites par les ressor-
tissants hongrois en vertu du présent article, seront soumises au
tribunal arbitral mixte prévu par l'article 23g.
« Les biens, droits et intérêts visés par le présent article, ne com-
prennent pas les biens soumis à l'article 191, partie IX (Clauses
financières).
« Rien dans le présent article ne portera atteinte aux dispositions
de l'annexe 111 à la section 1 de la partie VIII (Réparations) relati-
vement à la propriété des ressortissants hongrois sur les navires et
bateaux. »
Ces articles ont donc accordé aux ressortissants autrichiens et
hongrois une garantie contre toute mesure de liquidation de leurs
biens oj contre toute autre mesure semblable.

M. Joseph Barthélemy en arrive à la -conclusion de sa remar-


quable communication et il fait le bilan de la réforme agraire dans
les pays de l'Europe orientale.
Au passif, elle s'est traduite
1° Par un affaiblissement de la capacité économique des pays;
2° Par de graves atteintes à la propriété privée;
3° Par des perturbations sociales;
4° Par un mécontentement gênerai.
Quint à l'acfif il ne se réalisera, dans l'avenir, qu'avec beaucoup
d'efforts et beaucoup d'argent.
M. Georges,Blondel estime que Joseph Barthélemy a fait de
M.
la réforme agraire une critique exagérée. On ne peut vraiment
dire, comme il l'a fait, que c'est « un désastre )). La réforme était
une nécessité, mais la tâche à accomplir était trop compliquée pour
qu'on ait pu arriver, en si~peu d'années, à un résultat pleinement
satisfaisant. Les grands domaines ont des avantages et des incon-
vénients. Mais il ne faut pas croire que la décomposition qu'on a
entreprise soit un acheminement vers le socialisme. On a voulu, au
contraire, augmenter le nombre des petits propriétaires, et endi-
guer la poussée du bolchevismc qui était, après la guerre, si mena-
çant. Les paysans, dans les pays de l'Europe centrale et orientale,
sont très attachés au sol, très désireux d'être propriétaires du lopin
de terre qu'ils cultivent. On a été trop vite! La question politique
s'est mêlée à la question sociale. On a fait de trop petits domaines,
on les a souvent donnés à d'anciens combattants qui n'avaient pas
l'expérience nécessaire. Les rendements ont diminué. Les paysans
d'ailleurs, plaçant.leur intérêt particulier avant l'intérêt du pays,
se sont contentés de cultiver ce qui leur paraissait nécessaire pour
leur propre alimentation. Ils ont donné au bétail les semences sélec-
tionnées qu'on avait mises à leur disposition. Ils ont, quand ils
avaient besoin d'argent, vendu aux bouchers, ou à des intermé-
diaires louches, les animaux qui devaient servir à reconstituer le
cheptel. Mais de sérieux progrès ont été réalisés on l'a constaté
au Congrès d'agriculture de Bucarest. Des hommes de haute valeur,
qui ne sont nullement des socialistes, ont avoué à M. Blondel que
l'es difficultés somevées par la Téforme perdent, peu à peu, de leur
importance. M. Milon Ivsic, dont le beau travail a été utilisé par
M. Joseph Barthélemy, reconnaît aujourd'hui qu'en Yougoslavie
les choses vont beaucoup mieux. Le fameux Rodic allait trop loin
dans ses revendications pour la formation d'un « Etat paysan x. La
situation s'est assainie. La Tchécoslovaquie est peut-être le pays
le plus stable de l'Europe centrale. Le bolchevisme y est en recul.
C'est vers une sorte de socialisme nationaliste, admettant la pro-
priété privée, que s'orientent les esprits. Il y a Beaucoup de
domaines trop petits, quoiqu'on ait plutôt cherché à augmenter les
tout petits domaines qu'à en créer indéfiniment des nouveaux. Mais
oa peut, comme M. Bénès l'expliquait naguère à M. Blondel, arri-
ver par 1t. coopération (qui a déjà fait de grands progrès) à des
résultats « satisfaisants )). En Pologne aussi on agit avec pru-
dence, par étapes. On décompose, au maximum, 2oo ooo hectares
par an. ·
La réforme agraire est, en somme, une véritable révolution. C'est
dans les cadres d'une vie rurale, ne faisant pas trop de mécontents,
~que doit s'épanouir la démocratie à laquelle les peuples de l'Europe
orien'ale tendent aujourd'hui à leur tour. On ne peut pas b'âmer
Ics-paysans émjncipés de vouloir jouer un plus grand rôle. Il faut
une période de transition. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'ils
pourront organiser, d'une façon rationnelle, la mise en valeur du
sot, qui est, après tout, la première industrie de l'humanité.

M. Lecarpentier fait remarquer que les erreurs commises par les


pays de l'Europe centrale, en ce qui concerne les réformes agraires,
tiennent u ce qu'ils ignoraient les solutions données il y a environ
vingt-cinq ou trente ans aux trois problèmes agraires du Royaume-
-Uni.
En effet, il y avait un problème agraire en Irlande, un autre en
Ecosse et un troisième en Angleterre. J'ai eu, ajoute M. Lecarpen-
lier, l'occasion de les étudier tous les trois de très près.
En Irlande, bien que les tenanciers fussent les descendants directs
des anciens propriétaires et que le souvenir de la spoliation se fût
maintenu vivace, les lois agraires de la fin du dix-neuvième siècle
et du commencement du vingtième siècle ont décidé que les tenan-
ciers devraient indemniser les landlords. Ces lois ont très bien fonc-
tionné et aujourd'hui les paysans irlandais sont redevenus les pro-
prié!aires de leurs terres, au plus grand avantage de l'économie
agricole ctu pays.
Je note, à ce propos, que la grande propriété n'a pas toujours
'des avantages et, sur ce point, je ne puis me rallier aux conclu-
sions de M. Blondel et de M. Barthélémy.
En Irlande, la grande propriété foncière n'avait que des incon-
vénients. En Ecosse, quelques mesures ont été prises pour main-
tenir le droit des crofters à l'occupation permanente des terres,
mais. on n'a pas entrepris de les transformer en propriétaires fon-
ciers.
En Angleterre, le gouvernement de M. Lloyd George avait songea
ver; igio-ïgis, à édicter des lois agraires pour déposséder d'une
partie de leurs terres les grands propriétaires fonciers de l'Angle--
terre, mais il a dû y renoncer en constatant que la réforme serait
impossible pratiquement pour, à tout le moins, deux raisons
1° que les paysans que l'on aurait voulu installer sur de petites
fermes auraient dû être pris parmi des citadins ou parmi des
ouvriers agricoles sans aucune instruction technique et sans aucun
capital; 2° qu'étant donné les conditions économiques de l'Angle--
terre, les grandes fermes pouvaient produire à meilleur compte
que ne l'auraient fait les petites..
Ainsi donc, dans le Royaume-Uni, toutes les'hypothèses possibles-
en matière de réformes agraires se présentaient; elles ont été réglées
rationnellement et l'ensemble de ce pays s'est trouvé fort bien,
tant au point de vue social qu'au point de vue économique, des.
solutions prises.
Si la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Yougoslavie avaient
connu et appliqué les principes dont on s'était inspiré outre-
Manche, les résultats tant sociaux qu'économiques n'auraient pas
été aussi déplorables que ceux que vient de nous faire connaître-
M. Barthélémy.

M. Pottier rappelle qu'en Tchécoslovaquie, les habitants rive--


rains des forêts ont exigé que des mesures analogues à celles
qui avaient été édictées envers les paysans fussent prises en leur
faveur. Pour donner satisfaction à leurs réclamations, le gouver-
nement tchécoslovaque créa la tribu, entité juridique qui put alors
posséder la forêt. C'est ainsi que des forêts magnifiques furent don-
nées à ces tribus qui, ne possédant rien, furent incapables d'en
commencer même l'exploitation, car la mise en valeur des forêts
<ëxige d'énormes capitaux.
Après quelques années de possession infructueuse, les tribus ont
essayé de trouver des exploitants auxquels elles auraient accorda
des concessions de cinquante années. Mais là encore te; tentatives
demeurèrent vaines.
M. Pottier conclut en disant que l'exemple qu'il a.rapporte est.
la condamnation même du système.

M. de Guichen s'associe pleinement :,ux conclusions que vient


d'émettre M. Georges Blondel. Au lendemain de la guerre mon-
diale, un vas',c mouvement bolcheviste se développait dans toute
l'Europe, surtout en Bavière, en Hongrie et en Roumanie.
A ce moment, il aurait été extrêmement facile d'organiser une
expédition en Russie, avec un nombre d'hommes très limité. Les
gouvernements alliés ont taissé passer cette occasion et l'Angleterre,
notamment, ne tenait nullement à libérer la Russie du joug bolche-
viste, escomptant une diminution notable de la puissance russe.
C'est ce qui est survenu, mais la menace bolcheviste aux Indes
subsiste pleinement, et l'Angleterre pourrait un jour se repentir
amèrement de l'erreur qu'elle a commise.
En ce qui concerne la Roumanie, il est certain que la suppression
de la grande propriété a ralenti singulièrement, la production, les
paysans ayant besoin d'une instruction technique qui leur manque
encore. Avec deux ou trois très bonnes récoltes, la situation finan-
cière de la Roumanie s'améliorerait notablement, et l'exportation,
dont elle a tant besoin pour sa balance commerciale, prendrait un
nouvel essor.
M. de Guichen tient à faire remarquer que l'Allemagne est un
des rares pays d'Europe où la grande propriété n'ait pas été par-
tagée. Malgré l'explosion d'enthousiasme, qui s'est manifestée dans
tant de milieux, en France, à l'avènement de la République alle-
mande, ce qui était naïf, la caste militaire et féodale a conservé,
au point de vue foncier, tous ses privilèges. Les droits protecteurs
ont encore été accrus. La crise agricole est extrêmement préoccu-
panle, et de toutes parts on entend réclamer de r.ou'eaux terri-
toires, spécialement à l'est.
Quelle désillusion pour nos pacifistes français, et quelle leçon
pour ceux qui préconisent le désarmement à outrance au moment
où là République allemande reprend une grande partie des tradi-
tions de l'ancien régime!

M. Joseph Barthélemy intervient dans la discussion pour pré-


ciser certains points, et il tient tout d'abord à remercier les diffé-
rents orateurs.
L'ora'eur s'incline devant reproche qui lui a été adressé de
Je
n'avoir pas cité toute la bibliographie sur la question. En effet, il
a cmis, notamment, de rappeler les remarquables articles de
M. Georges Blondel. D'autre part, ce dernier n'a rien dit de con-
traire à ce que M. Joseph Barthélemy a lui-même avancé quand il
a proclamé qu'on avait traité le bolchevisme, dans les pays à l'est
de l'Europe, avec du virus atténué de bolchevisme. Cette méthode,
en définitive, est bien une méthode socialiste.
H y a des Roumains, a-t-on dit, qui sont satisfaits de la réforme
:ctuc]!e. Soit. Msis i!< convient de distinguer, en Roumanie, deux
législations agraires. L'une qui a été faite pour l'ancien royaume
de Roumanie (Moldavie et Valachie) et l'autre pour les territoires
annexés. 11 est incontestable que la réforme agraire qui a été faite
dans l'ancien royaume est de beaucoup la plus favorable.
On a objecté également que M. Maniu, le chef du parti national
paysan et le président actuel du Conseil des ministres de Roumanie,
avait eu une très grande majorité lors des dernières élections,
d'ailleurs sa popularité semble en baisse a l'heure actuelle. M. Joseph
Barthélémy répond qu'il n'y a rien d'étonnant a cela. Un chef de
gouvernement qui proposerait, en France, de partager les grandes
propriétés, aurait le plus vif succès auprès des classes rurales, mais
cela ne prcuverait pas qu'il a raison. Une classe paysanne cons-
titue, certes, la force d'un pays, mais M. Joseph Rarthé!emy ne
pense pas qu'on puisse créer une classe paysanne véritablement digne
de ce nom avec des moyens qui sentent la révolution.
L'orateur remercie M. de Guichen qui a apporté, dans la discus-
sion, son expérience des choses d'Allemagne et, en terminant,
M. Joseph Barthélemy déclare que si nos socialistes pouvaient res-
sembler aux travaillistes anglais ou aux affidés de la sociale-démo-
cratie allemande, ils auraient au moins le mérite d'être patriotes.

M. le Président
est heureux de remercier M. Joseph Barthélémy
et ceux de nos confrères~ qui lui ont répondu, des exposés si nourris
de faits et de doctrine présentés par eux, sur une question particu-
lièrement délicate, au point de vue juridique et au point de vue
économique. A l'un et à un intérêt capital à ce que
l'autre, il y a
!a légitimité de la propriété régulièrement acquise et transmise ne
soit jamais mise en doute. La justice et l'intérêt général exigent que
là terre reste aux mains de ceux qui l'ont mise en valeur, amé-
liorée ou conservée, et de leurs ayants-droit. Mais il faut recon-
naître qu'en fait dans tous les pays, la terre a été, à maintes
reprises, confisquée et partagée par les conquérants et que l'origine
de la propriété actuelle résulte d'invasions dont les plus récentes,
dans l'Europe occidentale, sont, en Angleterre, la conquête nor-
mande en Irlande, les conquêtes anglaises successives qui ont
encore donné lieu à des confiscations sous Cromwell et sous Guil-
laume III.
En Angleterre, bien que des traces de l'ancienne confiscation
subsistent en vertu de l'esprit conservateur qui empêche d'abroger,
les vieux usages, la fusion des Normands et des Saxons a beaucoup
réduit les conséquences survivantes de ce passé. Eu Irlande, l'absen-
téisme des Anglais devenus propriétaires, la distinction persistante
des races et des religions, les substitutions entravant la. vente du
sol, ont maintenu une haine vivace qui a engendré la- misère et.
l'émigration dépeuplante au milieu du dix-neuvième siècle, la.
législation généralisant le système des trois 8 au profit des femmes,.
le rachat des terres. entrepris par Gladstone et enfin le hom rM!e.
Dans l'Europe orientale, c.'est seulement la dernière guerre qui a
achevé de soustraire aux conquérants anciens la domination poli-
tique et a permis de leur reprendre la propriété d'origine féodale.
La division des anciens domaines féodaux, très avancée en France
dès l'ancien régime, et achevée par la vente des biens nationaux,.
réalisée dans une grande partie de l'Allemagne entre Tilsitt et
i8i3, pour soulever le peuple contre Napoléon, entreprise en Russie
par Nicolas II, n'a pu être effectuée qu'à partir de igao dans les
régions longtemps soumises aux Allemands, aux Hongrois, aux
Turcs, etc., sans qu'ils se soient fondus avec les races anciennes-
Dans quelle mesure les lois édictées à cet effet, dans les pays libérés,.
ont-elles porté atteinte à une propriété légitime ou, au contraire,
effacé les traces persistantes d'une conquête féodale? Il est difficile
de le dire, de même qu'il est difficile de distinguer les mesures qui
portent atteinte aux droits assurés par les traités aux nouveaux
citoyens devenus de maîtres sujets dans les régions libérées, de
celles qui ne font que leur appliquer des législations générales dans
le pays dont ils sont devenus citoyens? La difficulté de distinguer
ces cas explique les conclusions différentes des orateurs, également
pénétrés du respect du droit et de l'intérêt économique de l'invio-
labilité de toute propriété légitime, et c'est ce qui a rendu si inté-
ressante la discussion de ce soir.
La séance est levée à 10 h. 55. E. R.

OUVRAGES PRÉSENTÉS

MARCEL BLANCHARD. Travail et production à travers les âges. (Mont-


pellier.)
GEORGES-EDGAR BoNNET et Louis LucAS. Le Canal de Panama. (Paris,-
Desfossés.)
BRACONIER. -L'orientation de la rationalisation de la production. (Extrait
du Journal de Lt~~e, 28 octobre 192~.)
Juuo J. Dupuv. Estudio sobre organizaci6n y defensa de la Industria
<Ca/e<era en Colombia. (Editorial Minerva. Bogota.)
ËMtLE LABARTHE. Le Socialisme. (Paris. Éditions l'Action nationale.)
J. L. G. RAHDEN.– La Coopérative de vente par les producteurs. jParis;
Recueil Sirey.)
A. AUGUSTIN REY. La Précision des saisons. (Limoges, impr. C'"
Perrette.)
CAMILLE ROSIER. L'impôt, ccdutatre sur le revenu des valeurs mobitieres
affeinf-it les produits des actions ou les bénéfices de la Sociélé ? (Extrait de
!e Capital.)
La Transformation des Sociétés e< les droits d'enregistrement. (Extrait
'de le Tableau fiscal et juridique.)
Les Rémunérations occultes et la corruption des emptoyes des ehire-
,prises privées, (Extrait de !c<ua!fié ~tductatre.)
JACQUES RUEFF. From <he physical <o the social sciences. (Baltimore.)
Les idées de M. Keynes sur le probtente des transferts. (Revue d'Éco-
jtom:e politique.)
BAKQUE DE PARIS ET DES PAYS-BAS. Rapports et reso~ttofts.

PBmOBtQtJES HtANÇAtS

Banque. Banque françaiseitalienne pour l'Amérique du Sud.


e<
Bu~e~n bibliographiqué de documentation internationale contemporaine.
Bulletin de la Chambre de commerce de Cherbourg. Bulletin de la
Chambre de commerce de Marse~ne. BuHe<tn de documen<a<ton econo-
mique et financière F'rance-Be~gt'qrue.– Bulletin économique et financier
du «Sémaphore)). Bulletin fiduciaire. Bulletin de taSocteted'horttcui'-
<ftre de France. Bulletin de l'Office du gouvernement général de l'Algérie.
Bulletin trimestriel de l'Institut des Actuaires /rançats. Bulletin de
l'Union des Associations des Anciens élèves des j~'co~eï supérieures de com-
.merce. Comité central d'Études et de Défense fiscale. Les Documents
.du travail. L'Économiste parlementaire. La France économique et
financière. France-Grande-Bretagne. Journal de ta Bourse et de la
Banque. Journal des Économistes. Le Monde économique. La
Réforme sociale. Le Rentier. La Revue des Contributions et de l'Enre-
gistrement. Revue économique et financière de Bordeaux et du Sud-Ouest.
La Revue de Paris. Revue politique et parlementaire. La Revue
.des valeurs coloniales. Le Temps présent. La Vague rouge. La Vie
financière.
PÉRIODIQUES ÉTRANGERS

Bulletin de la Chambre de commerce belge de Paris. Bulletin de la


Société de Banque suisse. Bulletin de la Société franco-japonaise de
Paris. Comercio y A'auegaci<}n. La Estafeta. Feui!!es d'informations
corporatives (/<aMe). Le Moniteur des intérêts matériels. Revue men-
~ueUe du Bureau central de statistique des Pays-Bas. Revue trimestrielle
canadienne. La Riforma sociale.
CHRONIQUE

I. Le cabinet Tardieu. II. La trêve douanière. III. La banque des


règlements internationaux. IV. La crise de l'industrie charbonnière
en Angleterre. V. La dette publique du Brésil. VI. Les dégrève-
ments fiscaux. VII. La production mondiale de la soie artiécielle en
t~sg. VIII. La poussière des fortunes en France.

1. Le cabinet Tardieu. Le cabinet Tardieu a été constitué


le 3 novembre. Il est ainsi composé
Présidence du Conseil et 7n<erteur M. André TARDIEU; Affaires
étrangères M. Aristide BRIAND; Justice M. Lucien HuBERT; Com-
merce M. FLANDIN; Finances M. Henry CsÉRON; Guerre M. André
MAGINOT; Marine M. Georges LErcuES; Travaux publics M. Georges
PERNOT; Travail M. Louis LoucHEUR; Instruction pub!t'Que
M. Pierre MARRAUD; Agriculture M. Jean HEKKEssv; Pensions
M. GALLET; Co~O~tteS M. PIETRI; Air M. LAURENT-EYNAC;P. T. 7".
M. GERMAiN-MARTiN; Alarine marchande: M. ROLLIN.

SOUS-SECRÉTAIRES D'ÉTAT

Présidence du Conset< M. Marcel HERAUD; 7n<ertettr M. MA-


NAUT Finances M. CHAMPETIER DE RtBES; Guerre M. PETSCIIE;
Marine M. DELIGNE; Travaux publics M. MALLARMÉ; Agriculture
M. SEROT; Colonies M. Alcide DELMOjST; Hygiène M. OBEpKtRCH;
Beaux-Arts M. FRANÇois-PoKCET; Educa<ton physcqup M. HENRY-
PATE; Enseignement <echtuque M. BARÉTY.

Nous commentons, d'autre part, dans le premier article, les


conditions dans lesquelles s'est déroulée la crise ministéneUe
et le programme du nouveau gouvernement.

II. La trêve ~ouontére. La trentième session du comité


économique de la Société des Nations, présidée par M. Tren-
delenburg, a pris fin le ier novembre, sur l'objet principal de
son ordre du jour la préparation de la trêve douanière sug-
gérée par la dernière assemblée plénière. Le comité a rédigé
un rapport ainsi qu'un avant-projet de convention qui devra
servir de base aux délibérations d'une conférence internatio-
nale dont la date est encore à fixer par le conseil.
Dans son rapport, le comité économique envisage que la
trêve douanière devra instituer un régime d'apaisement et de
stabilité à la faveur duquel pourraient se négocier les accords
collectifs destinés à faciiiter les relations économiques entre
les peuples. Il a successivement étendu 'les obligations des
Etats, les exceptions et les prorogations, car il n'a pu se refu-
ser à admettre que la situation des Etats, au point de vue
tarifaire, est à beaucoup d'égards différente ainsi que les rela-
tions de la future convention avec les autres traités et conven-
tions. Considérée comme la première étape d'une action con-
certée des Etats en matière économique, la trêve douanière a
soulevé de nombreux points fort intéressants dont le comilé
économique a fait l'exposé.
Le projet de convention comporte vingt-deux articles. Le
préambule dit que les gouvernements contractants, désireux
d'assurer une application plus rapide et plus efficace aux réso-
lutions de la conférence économique internationale de tpa~ et
de créer pour l'action concertée envisagée par l'assemblée de
t()2~ des bases stables et une atmosphère de confiance, ont
décidé de conclure entre eux une trêve douanière pour mettre
fin au relèvement des tarifs douaniers et pour prévenir de
nouvelles entraves au commerce. D'une manière générale, les
obligations à assumer par les Etats contractants consistent à
maintenir, en principe sans altération, le régime que ces Etats
s'accordent à l'heure actuelle. Des dispositions spéciales pré-
voient toutes les mesures qui seraient nécessaires pour faire
face à des situations vraiment exceptionnelles. D'autres stipu-
lations ont été formulées en vue de permettre des prorogations
ou des exceptions.
L'article final comporte enfin l'engagement de prendre part
aux négociations prévues par l'assemblée en vue de la conclu-
sion d'accords collectifs tendant a faciliter les relations écono-
miques par tous les moyens qui sembleront profitables.
On se souvient que deux avant-projets ont été déposés, l'un
par M. Serruys (France), et l'autre par M. Trendelenburg
(Allemagne). C'est le projet français qui a servi de base à la
discussion du comité économique. A une conception trop
rigide il oppose des stipulations moins précises, mais sur cer-
tains points délicàts, il comporte une élasticité assez grande..
Le projet de convention établi, accompagné des commen-
tâmes du comité économique sous la forme d'un rapport a été,
grâce à une autorisation spéciale du conseil de la Société des
Nations, adressé dès le lundi a novembre aux gouverne-
ments intéressés.

III. La Bcinque des règlements internationaux. Le comité


d'organisation, prévu par le plan Young, qui a mission de
prendre les mesures préliminaires nécessaires à la mise en
vigueur du projet de Banque des règlements internationaux,
siège à Baden-Baden. C'est le 3 octobre que se sont réunis
pour la première fois, sous la présidence de M. Reynolds, up
des deux représentants américains, les quatorze personnalités
financières dont la tache essentielle est l'établissement des sta-
tuts de la future Banque.
Etant donné l'état des travaux du comité, on prévoyait, le
4 novembre, que les réunions de Baden-Baden se prolonge-
raient au moins jusqu'au i5 novembre.
L'accord était réalisé, pour ce qui concerne l'organisation
générale du futur institut, en tant qu'instrument bancaire.
Mais il restait à préciser ses fonctions en tant que trustee des
gouvernements créanciers pour la réception et la répartition
des fonds, représentant le service des annuités allemandes, au
titre des réparations. Quant au siège de la Banque, le comité a
décidé d'en laisser le choix aux gouvernements.
° Le t/t novembre on a publié des renseignements sur les sta-
tuts de la Banque des règlements internationaux, qui ont reçu
l'approbation de toutes les délégations du comité de Baden-
Baden la délégation belge ayant en fin de compte signé
les accords. Ils comportent 60 articles. En voici les disposi-
tions principales r
Capt<a!. Le capital de la Banque des règlements internationaux
a été fixé à 5oo mitUons de francs suisses (équivalant à 100 mil-
lions de dollars), dont 25 p. 100 seront versés durant le délai de
souscription.
Les actions ne donnent pas à leurs propriétaires Je droit de vote,
ce droit appartenant aux banques centrales d'émission intéressées
ou à leurs mandataires.
L'activité de la banque pourra commencer dès que 56 p. 100 du
capiial actions seront souscrits par les cinq grandes banques euro-
péennes d'émission, par le Japon et les Etats-Unis.
Le conseil d'administration devra faire en sorte que la partie non
émise du capital soit mise en souscription au cours des deux années
qui suivront l'ouverture de la banque. La partie non émise peut
être offerte aux banques d'émission ou autres banques des pays qui
n'ont pas participé à la souscription primitive.
Les pays dans lesquels les actions seront mises en souscription et
le montant du capital à émettre dans chacun d'eux seront désignés
par le conseil d'administration à la majorité des deux tiers.
Les actions ne devront être offertes que dans les pays intéressés
aux réparations ou ceux dont le change correspond, de l'avis du
conseil d'administration, aux exigences pratiques du change or.
Huit mil!& actions au maximum devront être émises dans cha-
cun de ces pays.
Tous les établissements financiers ou groupes bancaires ayant sous-
crit des actions peuvent les vendre au public, les faire vendre ou
délivrer des certificats sur !a base des actions'qui sont leur pro-
priété.
Le conseil d'administration. Le comité directeur sera composé
de deux directeurs de chacune des sept puissances directement inté-
ressées, de neuf directeurs des autres pays et, en plus, d'un direè-
leur !upp!émcn'aire français et aiemand, aussi longtemps que.
l'Allemagne payera des réparations.
Le président du conseil d'administration est en même temps gou-
verneur de la Banque. Il est nommé pour une durée de trois ans.
Le directeur général sera désigné par le conseil d'administration
sur la proposition de son président et sera responsable vis-à-vis de
ce dernier.
Le conseil d'administration se compose des présidents des sept
banques d'émission ainsi que de sept représentants de la finance,.
de l'industrie et du commerce. Ces det~t~ers seront désignés chacun
par le président de la banque d'émission de leur pays.
En ce qui concerne la présidence, le docteur Sehacht a indiqué
qu'il n'était pas question d'une personnalité touchant de. près aux
cinq grandes banques européennes. Peut-être qu'a l'avenir, en cas
de changement dans la présidence, la situation européenne se sera
assez consolidée pour permettre aux cinq grandes banques euro-
péennes de se mettre d'accord sur un choix dans leurs miïieux.
Les questions de personnes seront résolues après là seconde con-
férence de La Haye.
Ls rôle de la. Banque. La participation de l'Àmériqne et du
Japon lui donne un vêritab!e caractère universel.
La Banque des règlements internationaux aura pour tâche essen-
tielle d'appliquer les prescriptions financières du plan Young aussi
longtemps que ce dernier sera en vigueur. Elle aura, en outre, à
accepter les payements des réparations de l'Allemagne et à les répar-
tir, ainsi qu'à préparer la commercialisation et la mobilisation de
certaines parties des annuités allemandes.
Les affaires de la Banque doivent concorder avec la politique des
pays intéressés. Chaque banque d'émission peut faire dépendre son
consentement de conditions spéciales, le limiter à un domaine par-
ticulier, ou conclure un accord général. Les transactions faites par
la Banque pour son propre compte ne doivent avoir lieu que sur des
bases qui, de l'avis du conseil d'administration, satisfont aux néces-
sités pratiques du change ou de l'étalon or.
La Banque est autorisée a acheter ou à vendre, pour son propre
compte, ou pour le compte des banques d'émission, de l'or, mon-
nayé ou non; à avoir de l'or en dépôt pour son propre compte
auprès des banques d'émission; prendre de l'or en dépôt pour le
compte des banques d'émission; à accorder des emprunts aux
banques d'émission contre des garanties de tout premier ordre ou
de contracter de semblables emprunts auprès d'elles; a escompter,
à acheter ou à vendre des effets de change, etc., y compris des bons
de Trésor et autres obligations d'Etat a court terme, pour son
propre compte cu pour le compte des banques d'émission; à acheter
ou vendre des devises et des valeurs co'ées en Bourse, mais non
pas des actions; a escompter des -effets de change aux banques
d'émission et en réescompter auprès d'elles; à ouvrir auprès des
banques d'émission des comptes courants ou des dépôts; a accepter
des dépôts des banques d'émission, sous forme de comptes courants
ou de dépôts, ainsi que des dépôts sur la base d'accords fiduciaires
qui peuvent être conclus entre la Banque internationale et lès gou-
vernernenis relativement aux payements internationaux de compen-
sation.
La Banque est, en outre, autorisée a intervenir en qualité d'agent
ou de correspondant des Banques d'émission. Elle peut conclure
avec les banques d'émission des accords spéciaux en vue de faciliter
entre elles le règlement des affaires internationales de payement.
La Banque internationale n'aura le droit ni d'omettre des billets
de banque, ni de faire d'acceptations d'effets de ctiange, ni de s'in-
téresser d'une manière prédominante dans une entreprise commer-
cialé ou industrielle quelconque.
Elle devra particulièrement assurer le maintien de la liquidité des
fonds. L'actif liquide de la Banque peut être cbmpbsé de billets de
banque, de chèques à vue sur des banques de premier ordre, de
créa ices immédiatement exigibles, d'avoirs à vue ou de dépôts à
court terme auprès des banques de premier ordre, d'effets de pre-
mier ordre à échéance de <)o jours au plus et semblables à ceux que
les banques d'émission acceptent généralement pour les opérations
de réescompte.
Le statut fondamental de la Banque ne peut pas encore être
publié non plus que l'accord fiduciaire, qui n'est encore qu'à l'état
de projet susceptible de modification.
Le statut fondamental détermine la base juridique de la banque
et doit, par conséquent, s'orienter d'après le droit suisse et les lois
cantonales bâloises.
Le- droit commercial suisse n'étant pas applicable à la .Banque
internationale, il y aura lieu de promulguer une loi spéciale à com-
pléter par un traité international qui devra être conclu entre la
Suisse et les gouvernements intéressés.

IV. La crise.de ~dus~'tg char~o/~fuere en..4n-~e<en'e.


On a publié, le i~ novembre, les propositions du gouverne-
ment travailliste relatives à l'industrie charbonnière, qui ont
fait récemment l'objet de discussions entre une commission
ministérielle et les délégués des patrons, d'une part, des ou-
vriers, d'autre part. Ces propositions comportent 1° La réduc-
tion de la journée de travail dans les mines sans diminution
correspondante des salaires; 2° Le rachat par l'Etat des droits
individuels sur les minéraux du sous-sol (royalties); 3° La ré-
glementation de la production et de la vente des charbons. La
journée de travail serait réduite de 8 heures à 7 heures et
demie à partir du 6 avril ig3o. La nationalisation des richesses
minérales du sous-sol contre indemnités serait réalisée gra-
duellement. La réglementation de l'industrie charbonnière
s'appliquerait obligatoirement à toutes les mines dans tous les
bassins suivant un plan général qui est exposé.
Les représentants de la Fédération des mineurs ont longue-
ment conféré, le 31 octobre, avec les ministres. Certains
d'entre eux, notamment M. Herbert Smith, président de la
Fédération des mineurs, se montrent intransigeants et dé-
clarent qu'ils ne sauraient recommander à l'assemblée plé-
nière des délégués des mineurs, le 5 novembre, d'accepter les
propositions gouvernementales sans le retour à la journée de
sept heures. D'autres réclament des avantages compensatoires
pour l'abandon qu'ils reconnaissent fondé de cette revendica-
tion.
V. La dette publique 'du Brésil. La récente et profonde
crise du café a appelé l'attention sur la situation économique
et financière du Brésil, dont ce produit est l'un des princi-
paux facteurs de prospérité.
Selon le récent message présenté cau Congrès par le prési-
dent de la République du Brésil, la dette extérieure globale
s'établissait, au 31 décembre 1928, comme suit

ral.
Brésil. Francs Florins.
Dette extérieure. BsterUng. Dollars. français, hollandais.
Gouvernement fédé-

tés.
États et municipali-

bale.
Dette extérieure glo-
106968693 j5a8oo~27 333077086

~0782~~5 166252679 337853875 !~200000.

!4775io38 3t9o53to6 67t~3o<)6! f~~ooooo

Convertie en livres sterling, cette dette représente une


somme de près de £ 220 oqo ooo, dont le service en intérêts et
amortissements-a exigé, en 1928, une somme de £ t8 466 6~o.
La dette extérieure se répartit entre les Etats et les munici-
palités du Brésil comme suit

Francs Convertie en
États. français..f6ter)ing.Mo]hr6. Florlns. sterling'.

Par~
Amazone. 12~059
(EnmiUiersd'unités.)
350
83a2
j3~7
SSzz

Cearâ.
Maranhâo

Rio Grande do Norte.


16 do:

7000
1908
1980
5~
~o?
56
Pernambuco. 5856 3t3~i
Alagôas.
Bahia.
26 385
!3ooo
6955; 6854
929
!0&
~~[~
Santo.
Espirito 2 ooo 412
Rio de Janeiro. 4?~ ~?!7
fédéral.
Paulo.
District

Parana.
Sao
0~29
g~5a
2000
/t0<it0
~62~2 :4200
~3767
20~2
sooo
S. Catharina. 95 53t3 ij~S
Rio Grande do Sul. 867 5~369 isoS~t
Minas Geràes. 81~08 1769 8176 99t8

i. Sur la base de i = $ 4,86, fr. fr. '2~t, C. h. jz.iz.


La dette intérieure s'élevait, au 31 décembre 1~28, à 2 mil-
lions 3~2 7~6 contos, ce qui représente une diminution de
78 323 contes sur le chiffre au 31 décembre 192~.

VI. Les de~re~e/~B~~ fiscaux. L'assemblée des prési-


dents des Chambres de commerce, réunie à Paris le 5 no-
vembre, a proposé ce qui suit en matière de dégrèvements
fiscaux
Considérant que l'importance des excédents budgétaires souligne
la nécessité d'une large politique de dégrèvements Sscaux que le
déficit de la balance commerciale rend particulièrement urgente;
Considérant que tous les revenus, sans exception, doivent être
soumis au même régime d'abattements à la base et de déduction
pour charges de famille;
Considérant que, dans certains cas, l'importateur français se
trouve placé, du fait de la taxe sur le chiffre d'affaires, dans une
situation inférieure a celle de l'impfrtateur étranger;
Considérant que la taxe de luxe compromet, au détriment de
l'économie nationale, l'existence des industries de luxe; qui cons-
tituent le trait distinctif de la production française; qu'elle lèse gra-
vement les artisans et ouvriers spécialistes;
Considérant que l'élévation des impôts sur les valeurs mobilières,
spécialement en ce qui concerne la taxe de transmission, contrarie
la formation des capitaux indispensables au commerce et à l'in-
dustri'e et nuit ainsi à la reconstitution de l'épargDe nationale;
Considérant que les impôts sur tes successions découragent, par
leur exagération, l'esprit d'entreprise; qu'ils portent une grave
atteinte à la famille et au développement de.!a natalité; qu'ils pré-
cipilen enfin la désertion des campagnes en imposant trop souvent
!a liquidation des fortunes immobilières;
Considérant que la patente, dans son assiette actuelle, frappe
injustement les familles nombreuses;
Emet le vœu':
Que le Parlement suive une large pc litique de dégrèvements en
faveur du travail, de l'industrie, du commerce et de l'épargne;
Qu'il diminue le taux des impôts cédutaires et soumette les reve-
nus à un régime uniforme d'abattements a la base et de déductions
pour charges de famille;
Que l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux de tout
patenté dont le conjoint travaille avec lui, soit réduit de 20 p. 100
si son bénéfice imposable est inférieur à ao ooo francs;
Que l'importateur français de produits bruts, non prévus au
décret du i~ août !<)a5, soit placé, au point de vue de la taxe sur
le chiffre d'affaires, sur un pied d'égalité avec l'importateur étran-
ger
Qu'il abaisse l'impôt sur la taxe de luxe;
Qu'il modifie l'assiette et ]c taux de la taxe de transmission sur
les valeurs mobilières;
Qu'il dégrève les successions en ligne directe et entre époux; qu'il
exempte de !a patente les locaux d'habitation.

VII. La production mondiale de la soie artificielle en 1929.


La revue, américaine Textile World publie un rapport sur
la situation de l'industrie de la soie artificielle dans le monde.
II en ressort que la production enregistre, pour 1929, une aug-
mentation sensible et que, si le cours des actions des entre-
prises est au contraire en recul, ce fait doit être attribué i ce
que les baisses de prix, survenues par deux fois sur le mar-
ché américain, ont eu pour conséquence de ne laisser aux
producteurs qu'une faible marge de bénéfices.
A vrai dire, l'industrie de la soie artificielle a traversé, en
1920, aux Etats-Unis comme ailleurs, une période difficile;
ces difficultés doivent être attribuées, en premier lieu, a la
concurrence des fabriques nouvellement entrées en activité.
La crise actuelle est une crise de croissance et l'on est fondé
à penser que srs conséquences, baisse de prix et surproduc-
tion, sont purement transitoires.
La production américaine, à elle seule, est passée de 62 mil-
lions 6~5 ooo livres en 1926 à ~5o5oooo en 102~98600000
en ]Q28 et on estime qu'elle atteindra i3i 326000 livres en
JQ29 et i~365oooo en jo3o. De plus, les importations aux
Etats-Unis ont atteint 17285000 livres, ce qui donne une con-
sommation totale de J~8 600 ooo livres, trois fois et demie plus
grande qu'èn 192~.
Cet accroissement de la production et de la consommation
n'a été possible que grâce à des réductions considérables de
prix. La qualité standard (150 'deniers, première sorte) a
Haïsse, en février, de 20 cents; en juin, de r5 cents. Le prix
actufl est de i,r5 dollar, soit 23 p. 100 de moins qu'en jan-
vier.
La production mondiale est estimée devoir s'établir de la
façon suivante en 1020 ·.

TABLEAU.
Production moftdtQ!< en (~ MO livres)

1928.

États-Unis.
1927. 1929.

Italie.
7&o5o <)865o t3t32&
Angleterre. 38o83
36ooo
52000
52000
~85oo
50 000

France.
Allemagne

Hollande.
3tooo
21000
~1000
3oooo
44ooo
3Sooo

Belgique.
Suisse.
t65oo
!35oo
!65oo
!5ooo
20000
16000

Japon.
Pologne.
io
8000
34o 12000
fzooo
t2ooo
i~ooo

Autriche. 4ooo
35oo
7 500
~5oo
55oo
5 000

Espagne.
Tchécoslovaquie

Hongrie.
3 5oo
<ooo
3 5oo
2600
4500
3 000

Canada.
Brésil. 1000
3~5o 3~ao
~oo

pays.
Autres
Total.
2070
2075
266868
i5oo
i5oo
3~/)0o
i35o
!35o
397125

On notera que l'Ilalie est passée au second rang, l'Allè-


magne au quatrième, l'Angleterre du second au troisième. La
France vient au cinquième rang.
Par catégories de produits, la production se répartit ainsi
(en i ooo livres)

Soie
Soie à
viscose~
l'acétate.
~aoa

2p33ao
zSiôo
~ooQ

3g66a5
37760
Soie au cuivre i88oo
Autres procédés. t3g5o
!5o5o
Total.
15 o3o

3~4oo 397 125

Notons, en passant, qu'il ne peut être question d'une con-


currence entre la soie viscose et la soie à l'acétate, en dépit
des prqgrès réalisés par cette dernière. Notons aussi que l'aug-
mentation de la production s'est quelque peu ralentie en
192~ c'est !à une conséquence des difficultés signalées ci-
dessus.

VIII. La poussière des fortunes en France. L'administra-


tion des finances a récemment publié la statistique des succes-
sions déclarées en 1927. Cette statistique, comme les précé-
dentes, du reste, accuse le petit nombre des grandes fortunes
en France. Les successions déclarées ont été au nombre de
38i 456, représentant un actif net de 12 i~a 63g 116 francs.
Dans cet effectif et cet actif, les successions ayant un actif
net de i million et au-dessus ne sont qu'au nombre de i 272
avec un actif net de 3 6g5 429 854 francs.
Si nous décomposons cette catégorie des successions de
r million et au-dessus, nous constatons que celles de million
à 2 millions sont au nombre de 780 avec un actif net de
i o5y 269 ooo francs; celles de 2 millions à 5 millions au
nombre de 352 avec un actif net de 1017 453 ooo francs;
celles de 5 millions à 10 millions sont au nombre de 94 avec
un actif de 602 831 ooo francs. Enfin, il n'y a que 43 succes-
sions ayant un actif de 10 à 5o millions avec un actif net de
805942000 francs. Les successions au-dessus de 5o millions
ne sont que 3, se partageant un actif net global-de 211 935 ooo
francs, ce qui fait une moyenne de 70 645 ooo francs par suc-
cession.
Les successions dont l'actif net s'échelonne de i franc à
i million sont au nombre de 38o i84, représentant un actif
net global de 8447210000 francs.
Dans ce groupe des successions allant de i franc à i mil-
lion, ce sont les successions ayant un actif net entre 2 oor et
10000 francs qui sont les plus nombreuses; elles sont 129688
avec un actif net global de 686 648 ooo francs. Ce sont les
successions ayant un actif net de 10001 à 5oooo francs qui
ont l'actif global le plus élevé, soit 2 259 780 ooo francs que se
réparassent 107206 successions. Les successions de 5oooi à
j:oo ooo francs sont au nombre de 20 792 avec un actif net
global de i 374 s65 ooo francs.
En récapitulant ces divers chiffres, nous voyons que les suc-
cessions ayant un actif net ne dépassant pas 100 ooo francs ont
été au nombré de 363 oi6 sur un total de 38i 456 et leur actif
net global a été de 4 4i3 g5oooo francs, soit plus du tiers de
l'actif global de toutes les successions de 1927.
De 100001 à i million d'actif net il y a 17 168 successions,
représentant un actif global de 4 o33 259 ooo francs. Dans
cette catégorie, les successions entre 100 oor et 25o ooo francs
sont au nombre de Ir 741: on tombe ensuite à 3 700 pour
celles ayant un actif net de 25o ooo à 500 000 francs, et à
i 727 pour celles entre 500 oor et i million.
Les fortunes ne dépassant pas i million d'actif net sont donc
de beaucoup les plus nombreuses en France et on sait ce que
représentait déjà i million de francs en 192~; on ne peut pas
dire que ce fût la grande opulence. Et voilà une statistique
qui devrait être méditée par les législateurs.
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Le Socialisme, par Émile LABARTHE. (Paris, aux éditions de l'Action natio-
nale, 18, rue Duphot.)
L'Esprit international. i" octobre 1929. (Paris, Hachette et C")
La Réforme sociale. Numéros de juillet-août igag. (Paris, 54, ruedeSeine.)
The Economic Evolution o/ the United States. Its Background and signift-
cance, by Magnus W. ALEXANDER, President National Industrial Confe.
rence. (New-York.)
Die artderMng des ursprünglichen /lM/&aKp!afn des Mar.Mche~ « Kapital o
und ihre Ursachen, von Henryk GROssMAKf. Archives pour l'histoire du
socialisme. (Leipzig, Verlag von C. 4. Hirschfeld.)
The Economics o/ Australian Coal, by F. R. E. MAULDON. (Melbourne,
University Press et Mac Millan and C°.)
La Teoria economica de! ~tschto e della Assicurazione, i~~ vol. par Federico
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X. La prépondérance française au xvn" siècle et l'avènement de la science
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Révolution française. XIV. Napoléon. XV. L'éveil dès nationalités.
XVI. Les révolutions démocratiques (18~8 1860). XVII. Le triomphe de l'idée
natioMte (i86o-j878). XVIII..Le.mouvement industriel et.t'impéfialisme
colonial (i878-igo4). XIX. Les armements de la guerre. XX. Le monde
contemporain.

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