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des changes
CITATIONS :
« Pourquoi ne pas laisser le chien remuer la queue, au lieu de laisser la queue remuer le chien ? »
Friedman, 1969.
« Un modèle capable d’expliquer plus de 50% des variations trimestrielles des cours de change
devrait soit être rejeté car cela est trop beau pour être vrai, soit être envoyé au Vatican, un tel
miracle justifiant la canonisation d’un nouveau Saint ». Michael Mussa, 1979.
« A mon avis, un système de taux de change de monnaies nationales liées de manière rigide
[comme le SME] est pire que chacun des deux extrêmes, à savoir une véritable monnaie unique ou
des monnaies liées entre elles par des taux flottants librement. » Friedman, 1993.
« Si les taux de change ne correspondent pas à l’équilibre des balances commerciales, le libre-
échange ne peut être que nuisible et fondamentalement désavantageux pour tous les pays
participants. ». Maurice Allais, Combats pour l’Europe, 1994.
« Il faut protéger la société des faiseurs de profit sans scrupules. Les transactions sur devises
devraient être illégales. Acheter de l’argent n’est nécessaire que lorsqu’on veut financer du
commerce réel », Mohamad Mahathir, premier ministre de Malaisie, 1998.
« Les changes flottants sont le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres », Robert Rubin,
1999.
« Tout se passe comme si les économistes n’en finiront jamais de se disputer pour savoir s’il vaut
mieux avoir des changes fixes ou des changes flottants », Arnold Harberger.
« Dire que le secrétaire américain au Trésor, John Snow, puisse agir sur la tendance à moyen
terme du dollar, c’est croire que le Père Noel apporte les cadeaux », Beatrice Majnoni Intignano,
professeur à Paris XII.
Chapitre 5 :
Dans les quatre premiers chapitres, nous avons traité du commerce international. Pour cela, Il a
été nécessaire de définir la nation. David Ricardo a proposé au début du 19ème siècle de définir la
nation comme un bloc de facteurs de production, c’est à dire que les facteurs de production sont
supposés parfaitement mobiles à l’intérieur de l’espace national alors qu’ils sont totalement
immobiles entre nations. Si cette définition est très utile pour analyser les flux commerciaux
internationaux, en revanche, elle n’est pas suffisante pour analyser les flux monétaires et financiers
internationaux.
Dans les trois chapitres suivants, nous allons parler d’économie monétaire internationale, c’est
à dire des relations monétaires entre plusieurs nations. Une nation se définit au sens monétaire
comme l’espace sur lequel une monnaie circule principalement. Les mouvements monétaires et
financiers entre les pays sont visualisés à travers la balance des paiements, document comptable qui
retrace les opérations entre les résidents et les non résidents pendant une période donnée. L’état de la
balance des paiements influence à son tour le taux de change, qui lui-même influence la balance des
paiements.
La mondialisation a accru l’ouverture des économies, les flux commerciaux et financiers
internationaux se sont fortement développés, et le taux de change est une variable de plus en plus
cruciale, d’autant plus que depuis les années 1970 de nombreuses monnaies sont devenues flottantes.
Dans ce chapitre, nous montrerons comment est construite la balance des paiements et à quoi
elle sert ; nous analyserons les déterminants des taux de change et comparerons les changes fixes et
flottants.
I) LA BALANCE DES PAIEMENTS
La balance des paiements est un document comptable qui recense l’ensemble des opérations
économiques intervenues entre les résidents d’un pays et les non-résidents au cours d’une période
donnée.
2- les opérations :
La balance des paiements permet de distinguer trois types d’opérations : commerciales, financières et
monétaires.
La balance des paiements retrace les flux d’échange de biens (exportations et importations) et de
services (tourisme, brevets, grands travaux, intérêts des dettes et créances, dividendes…), les flux
financiers relatifs aux transferts d’actifs (créances et dettes, investissements directs), les flux
monétaires (modification du stock de devises détenu par les banques commerciales et la banque
centrale).
A l’inverse, toute opération qui accroit le patrimoine des résidents s’inscrit au débit (-)
Cas principaux :
- une importation = augmentation des avoirs réels
- un investissement à l’étranger = augmentation des avoirs financiers
- un achat de titre à un non-résident = augmentation des avoirs financiers
- un remboursement d’emprunt à un non-résident = diminution des engagements
Prenons un premier exemple concernant les biens et services. Renault-Flins vend des Clio
pour un montant de 1 000 à des concessionnaires japonais et la FNAC achète des ordinateurs
fabriqués en Corée du Sud pour une valeur de 1 500. Les sommes sont réglées par voie bancaire.
Les exportations sont ainsi enregistrées sous leur aspect négatif d’appauvrissement physique de la
nation. Selon J.M. Siroën, pour atténuer le caractère contre intuitif de cette écriture, il fut décidé que les
exportations se verraient attribuer un signe positif.
Voici un deuxième exemple ayant trait aux flux de capitaux. Toyota créée une usine à
Valenciennes pour 2 000 et Renault achète 35% du capital de Nissan pour une valeur de 3 000. Les
sommes sont également réglées par voie bancaire. Prenons d’abord l’opération de Toyota, ses avoirs
augmentent suite à cette implantation, inversement les avoirs des résidents français baissent car ces
derniers ont vendu à Toyota des terrains, des machines, des équipements, etc. Et qui dit baisse des
avoirs des résidents, dit inscription au crédit (+). L’opération de Renault au Japon correspond à une
hausse des avoirs des résidents car Renault possède un stock d’action plus élevé, ce qui est
comptabilisé au débit (-).
Dans le cas ci-dessus, Renault achète des titres de propriété à des Japonais. Donc un résident
importe des titres, ce qui est comptabilisé par un signe négatif dans la balance des paiements. On peut
en tirer une règle générale qui nous sera utile par la suite :
Une exportation de biens, services ou titres => baisse des avoirs des résidents => signe (+)
Une importation de biens services ou titres => hausse des avoirs des résidents => signe (-)
La note d’information de la Banque de France citée plus haut mentionne une deuxième façon
d’enregistrer les opérations.
« Les flux résidents => non-résidents s’inscrivent au crédit (cessions d’actifs par les résidents) ; les
flux non-résidents => résidents s’inscrivent au débit (cessions d’actifs par les non-résidents).
Les deux manières de procéder aboutissent rigoureusement au même résultat car « toute diminution
du patrimoine des résidents (crédit) correspond à une cession d’actifs par les résidents aux non-
résidents. Toute augmentation du patrimoine des résidents (débit) provient d’une cession d’actifs par
les non-résidents aux résidents. »
On peut rajouter une troisième manière d’enregistrement des flux. Les flux qui génèrent une
entrée de devises sont notés au crédit (les exportations), les flux qui génèrent une sortie de devises au
débit (les importations). Par exemple, une importation d’inscrit au débit car si la marchandise entre,
les devises sortent.
Le tableau ci-dessous résume les trois méthodes d’enregistrement, qui aboutissent
évidemment au même résultat. A vous de choisir celle que vous maîtrisez le mieux.
a- la balance commerciale :
Exportations et importations de biens.
Son contenu exprime la spécialisation d’un pays et son solde est un indicateur de sa compétitivité.
Attention : ce qui est positif ou négatif d’un point de vue comptable ne l’est pas forcément d’un point
de vue économique. Un pays riche et en forte croissance peut avoir un déficit commercial, et
inversement un pays pauvre et en récession peut connaître un excédent commercial. Nous
reviendrons sur ce point dans le chapitre sur les déséquilibres externes.
c- la balance de base :
BTC + balance des capitaux à long terme. Il s’agit des opérations à caractère durable.
Son solde traduit le résultat des opérations les plus stables d’un pays, celles qui correspondent à ses
forces profondes et qui sont moins susceptibles d’être influencées par les facteurs les plus volatils
(spéculation, politique monétaire).
Les opérations qui entrent dans le calcul de la balance globale sont appelées opérations autonomes,
par opposition aux opérations induites qui sont des opérations monétaires. Celles-ci sont considérées
comme résultant des précédentes. Elles regroupent les mouvements de capitaux à court terme du
secteur bancaire et du secteur public (réserves officielles, avoirs sur le Fonds Européen de
Coopération Monétaire, avoirs sur le FMI, DTS…). Ces mouvements représentent la variation de la
position monétaire extérieure laquelle compense le solde de la balance globale. Par construction, le
solde de la balance globale et la position monétaire extérieure sont égaux mais de signe opposé. Si la
balance globale dégage un solde positif, la position monétaire est affectée d’un signe (-) : il y a
augmentation des avoirs (hausse des créances sur l’étranger, augmentation du stock de devises) ou
diminution des engagements des résidents.
Le problème est de savoir où passe la ligne qui sépare les opérations autonomes des opérations
induites. En France, on choisit de faire passer la ligne au-dessous du poste « capitaux à court terme
du secteur privé non bancaire ». Ainsi, pour bien distinguer mouvements économiques et
mouvements monétaires, on scinde la balance des paiements en 2 parties :
- « au-dessus de la ligne » : opérations sur biens et services, capitaux à long terme et à court terme du
secteur privé non bancaire
- « au-dessous de la ligne » : flux de capitaux à court terme bancaire et officiel permettant de régler
un solde excédentaire ou déficitaire des mouvements économiques.
Pour un pays, un chiffre positif dans les avoirs et engagements du secteur officiel signifie que
le déficit courant ou des capitaux hors réserves officielles a été couvert par les autorités monétaires
du pays. Cela indique que les réserves internationales détenues par la banque centrale diminuent
et/ou que les banques centrales étrangères (les non résidents) détiennent plus de monnaie nationale
et/ou que le pays a emprunté à des banques centrales étrangères. L’expression « déficit de la balance
des paiements » utilisé souvent par les économistes fait généralement référence à cette situation. Cela
signifie que les réserves officielles du pays diminuent.
Symétriquement, un chiffre négatif dans les avoirs et engagements du secteur officiel signifie
que les réserves internationales détenues par la banque centrale augmentent.
Prenons un exemple : une voiture a été exportée des USA vers la France pour une valeur de
10 000 dollars. L’acheteur français change des francs en dollars auprès de la Banque de France pour
payer l’achat. Dans la balance des paiements française, l’importation est enregistrée négativement
pour - 10 000 euros dans la balance commerciale, la contrepartie est l’enregistrement de + 10 000
dans le compte capital au titre des avoirs français sur les USA. La France a importé une voiture et
« exporté » des dollars.
Balance des paiements de la France
Crédit Débit
Balance commerciale - 10 000
Réserves officielles + 10 000
La balance des paiements permet de mesurer la hausse ou la baisse des réserves de change mais
pas leur niveau. Les réserves sont utiles en tant qu’amortisseur des chocs. Le FMI recommande d’en
détenir au moins l’équivalent de 3 mois d’importations.
À l’intérieur du compte financier il est intéressant de repérer les opérations ayant affecté les
avoirs de réserves. Le solde de ces opérations constitue la variation des “avoirs de réserve”.
Cette dernière concerne les mouvements d’or monétaire, les droits de tirage spéciaux, les positions de
réserve au FMI pour la Banque de France, et les avoirs en devises étrangères (en monnaie ou en
titres) pour la Banque de France et les autres banques.
Il est à noter que ces modifications entrainent une nouvelle définition de la balance globale.
La ligne principale séparant la balance des opérations non monétaires (le haut de la balance) de la
variation de la position monétaire extérieure (le bas de la balance) n’est plus tracée comme
précédemment. Jusqu’en 1993, on séparait les opérations de la balance globale (ou des flux non
monétaires) des mouvements de capitaux à court terme du secteur bancaire et officiel. C’est ce solde
qui était égal, au signe près, à la variation de la position monétaire extérieure.
L’inconvénient est qu’il ne pouvait que partiellement être rapproché de la création monétaire
résultant des opérations avec l’étranger, à court et à long terme. On s’est orienté vers un solde de la
balance globale égal au solde du compte courant, du compte en capital et du compte financier hors
les flux à court et long terme du secteur bancaire et de la Banque de France.
Une variation des avoirs de réserve a des conséquences macroéconomiques importantes :
Une augmentation des avoirs de réserve est une source de création monétaire pour les banques.
Chaque fois qu’une banque porte des devises à la Banque centrale, son compte à la Banque centrale
est crédité en monnaie centrale. Elle dispose donc d’une capacité supplémentaire de refinancement
des crédits qu’elle accorde.
Une augmentation des avoirs de réserve procure à la Banque centrale des moyens supplémentaires
pour intervenir sur le marché des changes si elle souhaite.
NB : Un excédent de la balance globale se traduit par une augmentation des avoirs de réserve
qui est enregistrée avec un signe négatif (en débit).
C) L’équilibre de la balance des paiements :
1) Un équilibre comptable toujours vérifié
Par construction, la balance des paiements est toujours équilibrée. Si les achats de biens et
services des résidents aux non-résidents excèdent les ventes, le déficit ainsi généré sera compensé par
des entrées nettes de capitaux ou par des prélèvements sur les réserves. Il est intéressant de
comprendre comment cet équilibre se réalise.
Il est parfois question dans la presse d’une balance des paiements déficitaire ou excédentaire.
Cette expression est inadaptée car par définition la balance des paiements est équilibrée. En fait ce
sont les sous-balances ou balances intermédiaires qui peuvent être excédentaires ou déficitaires. Mais
l’usage du mot « balance » est malheureux car une balance est une construction comptable équilibrée.
Il devrait être question de solde, à la fois expression et mode de règlement du déséquilibre,
permettant l’équilibre comptable de la balance.
Comme toutes les transactions internationales créent automatiquement deux entrées
équivalentes dans la balance des paiements, le total du crédit est nécessairement égal au total du
débit. C’est un équilibre comptable, rien de plus. Il nous indique qu’il n’y a pas d’erreur dans
l’enregistrement.
Pour expliquer cet équilibre, prenons une version simplifiée de la balance des paiements en
prenant deux balances seulement, celle des transactions courantes et celle des capitaux. En vertu de
l’écriture en partie double, la balance des transactions courantes et celle des capitaux s’équilibrent
nécessairement. On a donc :
Solde de la balance courante + Solde de la balance des capitaux = 0.
Cet équilibre de la balance des paiements se constate ex-post, à posteriori. La question majeure
est de savoir comment parvient-on à ce solde nul.
Prenons l’exemple du Japon et des USA sur la période 1990-2010. Le Japon connaît un
excédent courant vis-à-vis des USA. Logiquement il doit connaître un déficit du reste de la balance
des paiements pour arriver à l’équilibre, ce que nous avons appelé auparavant la balance des
capitaux. Ce qui pourrait vouloir dire que le Japon connaît un « déficit de la balance des capitaux ».
Mais cette façon de présenter les choses prête à confusion car les Japonais sont justement connus, sur
cette période, pour exporter leurs capitaux vers les USA, à travers des achats de firmes ou de bons du
Trésor nord-américains. Par conséquent, au lieu de balance des capitaux, on devrait parler de balance
des titres : les résidents nippons achètent des titres (actions, obligations) à des résidents américains
plus qu’ils n’en vendent, ils sont donc importateurs nets de titres.
Japon : excédent courant et déficit de la balance des titres
USA : déficit courant et excédent de la balance des titres
Titres
=================
Flux nets : USA ================= Japon
Biens et services
Ce processus a une implication importante sur la politique monétaire : en changes fixes, la masse
monétaire domestique est déterminée à long terme par les variations du solde de la balance globale, elle
devient une variable endogène sur laquelle les autorités n’ont plus de contrôle.
a) Présentation
Appelée aussi théorie de la croissance transmise par les mouvements de capitaux, cette théorie
développée par T. Boggs (1922), Charles Rist (1933) et A. Cairncross (1957) indique qu’il existerait
une relation stable entre le niveau de développement d’un pays et sa balance des paiements.
Le pays commence à recevoir des capitaux, qui permettent une croissance des revenus, lesquels
entrainent une croissance de l’épargne locale et le pays exporte à son tour des capitaux. on distingue
traditionnellement 4 étapes.
a- L’étape du pays jeune emprunteur : BC déficitaire, balance des revenus aussi (paiement
d’intérêts), balance des capitaux positive. Exemple : les pays neufs qui s’ouvrent à l’échange, les
Etats-Unis avant 1914, de nombreux PED aujourd’hui.
b- l’étape du pays emprunteur adulte : le pays commence à décoller et accroît ses exportations, BC
excédentaire, déficit de la balance des transactions courantes (le pays s’acquitte du service de la
dette accumulée antérieurement), balance des capitaux positive car l’entrée nette de capitaux reste
nécessaire pour faire face au service de la dette constituée antérieurement.
c- l’étape du pays jeune prêteur : BC excédentaire, balance des revenus de capitaux d’abord
négative devient positive, déficit des capitaux car l’épargne interne est supérieure à
l’investissement. au plan interne et car le solde courant est positif. Exemple : France de 1880 à
1914, Etats-Unis de 1918 à 1971, Japon depuis les années 1970.
d- l’étape du pays prêteur adulte : BC déficitaire, balance des services excédentaire (fret et négoce),
fort excédent des revenus de capitaux car le pays reçoit les revenus de capitaux exportés
précédemment, excédent courant et déficit de la balance des capitaux. Au plan interne, l’épargne
est inférieure à l’investissement, une partie de l’investissement est financée par les rémunérations
des capitaux placés à l’étranger. Le pays devient rentier. Au plan externe, le pays assure le rôle de
bouclage du SMI. Exemple : la Grande Bretagne au XIXème siècle qui est le créancier du monde
en asseyant encore plus sa prépondérance sur la livre sterling.
1
L’approche monétaire de la balance des paiements a aussi été développée par Harry Johnson et Robert Mundell.
Le tableau suivant, construit à partir du livre de Bye et De Bernis 2, schématise les relations entre
balance des paiements et balance interne.
Emprunteur évolué + - + +
Jeune prêteur + - puis + - +
Prêteur évolué - + - -
On peut faire apparaître un lien entre le solde des transactions courantes et l’équilibre I/S. En effet, la
balance des opérations courantes est le pur reflet de la balance interne mesurée par l’écart entre
l’investissement (I) et l’épargne (S).
Y = biens et services produits chaque année sur le sol national
M = importations
Y + M = ensemble des ressources dont dispose la nation, utilisées pour la consommation (C),
l’investissement (I), les exportations (X). Il vient :
Y + M = C + I + X => Y = C + I + X – M (1)
De plus, Y est aussi le revenu dont disposent les nationaux (salaires, profits, loyers, rentes, etc.). Ces
revenus sont soit consommés, soit épargnés : Y = C + S (2)
Il s’agit d’équation de définitions, toujours vraies.
2
M. Bye et G. Destanne de Bernis, Relations économiques internationales, Dalloz, 1987, p. 239.
(1) et (2) => C + I + X - M = C + S => I + X – M = S => X – M = S – I
Solde de la balance commerciale = différence entre l’épargne et l’investissement.
Il ne s’agit pas d’une théorie qu’il faudrait vérifier ; c’est une identité comptable incontournable, une
contrainte mathématique que toute théorie doit respecter pour rester cohérente.
1) Définition et importance
La B.R.I. révélait qu’en avril 2010 un montant quotidien de 3 981 milliards de $3 se trouvait
traité sur les marché des changes. Chiffre que l’on peut comparer aux 15 528 milliards de $
d’exportations mondiales de biens et services pour 2009 (les chiffres de 2010 ne sont pas encore
disponibles). Les transactions quotidiennes sur le marché des changes représentent donc l’équivalent
de trois mois d’échanges internationaux de biens et services, ou encore 50% des réserves mondiales
de change (8 000 milliards de dollars). Les plus importantes places mondiales sont Londres, New-
York, Tokyo, Singapour, Hongkong, Zurich, Paris.
Le marché des changes est le lieu où s’achètent et se vendent les devises, c’est-à-dire les
monnaies étrangères convertibles. Il est donc au centre des relations antre les pays. La confrontation
entre l’offre et la demande permet la détermination d’un prix qui est le taux de change entre deux
monnaies. Le taux de change est le prix de la monnaie d’un pays exprimé par rapport à la monnaie
d’un autre pays, autrement dit la quantité d’une devise étrangère qui peut être acquise avec une unité
de monnaie nationale.
L’écriture des cotations fait l’objet de deux conventions :
La cotation au certain, utilisée dans les pays anglo-saxons, indique le nombre d’unités
monétaires étrangères équivalant à une unité de monnaie nationale. Ex : 1 euro = 1.40 $
La cotation à l’incertain, utilisée à Paris, indique le nombre d’unités monétaires nationales
correspondant à une unité de monnaie étrangère. Ex : 1 $ = 0.71 euros.
Lorsque l’euro s’apprécie, son cours côté au certain s’élève, et son cours côté à l’incertain baisse.
Le marché des changes ne connaît pas de frontières, il y a un seul marché des changes dans le
monde, les transactions sur une devise de font en même temps à Paris, Londres ou New-York, et les
taux de change sont cotés en continu 24 heures sur 24. De par son caractère planétaire et son
organisation largement auto-réglementée, le marché des changes apparaît comme un marché parfait
au sens où les cours reflètent à tout instant toute l’information disponible.
Le taux de change n’est pas forcément constaté sur le marché des changes, il peut être imposé
par les autorités monétaires et/ou le gouvernement, notamment dans les pays où il n’existe pas de
véritables marchés de l’argent ou quand les autorités pratiquent le contrôle des changes. Les entrées
et/ou sorties de devises doivent être justifiés auprès des autorités monétaires, la détention des devises
est réglementée voire interdite. Il vise en général à défendre la valeur d’une monnaie.
Le taux de change est un des déterminants de la compétitivité, puisque le prix des produits
nationaux en monnaie étrangère s’en déduit, ainsi que le prix des produits étrangers en monnaie
nationale. C’est aussi un symbole de la puissance d’un Etat, la dévaluation étant souvent considérée
par l’opinion commune comme une défaite ou un échec. Le taux de change est donc un indicateur
essentiel.
Après avoir décrit le fonctionnement du marché des changes, nous analyserons comment se
déterminent les taux de change et de quelle manière ils agissent sur l’économie à travers les
politiques de change.
Le tableau suivant, extrait des statistiques de la BRI, donne la répartition des opérations sur le
marché des changes par devises.
3
http://www.bis.org/publ/rpfxf10t.htm, rubrique final summary tables.
Currency distribution of OTC foreign exchange turnover
1 2
Net-net basis, percentage shares of average daily turnover in April
1 2
Adjusted for local and cross-border inter-dealer double-counting (ie “net-net” basis). Because two currencies are involved in each transaction,
the sum of the percentage shares of individual currencies totals 200% instead of 100%.
2) Les différents compartiments :
Le marché au comptant :
La livraison des devises a lieu dans deux jours ouvrables qui suivent la date de la négociation, au
cours de change arrêté par les deux parties.
Comme il y a un risque de change notamment pour les exportateurs et les importateurs dès qu’ils
signent un contrat commercial libellé en monnaie étrangère, d’autres marchés existent pour le limiter.
Le marché à terme : le cours des devises est fixé immédiatement mais les devises ne seront livrées
qu’ultérieurement. Les contrats à terme sont des engagements fermes d’acheter ou de vendre une
quantité convenue d’un actif, à un prix fixé à l’avance et à une date ultérieure.
La couverture à terme consiste pour un opérateur à prendre une position à terme de même montant et
de sens inverse à sa position de change. Les futures sont la traduction anglaise de contrats à terme.
4
J.-Y. Carfantan, Les finances du monde, Seuil, 1989, p. 152.
les options sur devises :
Une option sur devises est un droit d’acheter (call) ou de vendre (put) une devise contre une autre
devise, à une certaine date et à un certain prix. L’acheteur de l’option paye une prime au vendeur et
exerce ou non son droit selon l’évolution du taux de change.
Les options sur devises ont été massivement utilisées lors de la crise du SME en 1992 lors de laquelle
Georges Soros a gagné 1 milliard de $ en spéculant contre la livre. Avant la sortie de la £ du SME le
16 septembre 1992, les opérateurs ont acheté à leur banque des options de vente de £ contre DM à un
prix proche du cours plancher de la £ dans le mécanisme de change européen soit 2,7780 DM pour
1£, pensant que la £ allait tomber à un cours plus bas. Les opérateurs anticipaient la dévaluation de la
£, ce qui se produisit après le 16/09/1992 car la £ fut dévaluée. Les opérateurs ont exercé leurs
options et vendu leur £ à un cours supérieur au cours du marché.
Le marché des options sur devises s’est développé dès 1982 à Philadelphie, puis à Chicago, à
Londres, et à Paris depuis 1994.
Pour terminer, laissons la parole à Pascal Salin, un libéral convaincu, et à ce titre défenseur du
spéculateur, personnage qui selon lui rend un service en prenant en charge une partie du risque et en
atténuant l’instabilité des prix.
« De manière plus générale, on peut d’ailleurs s’étonner que la spéculation soit si souvent considérée
comme une activité nuisible, alors qu’elle résulte d’un effort pour essayer d’imaginer le futur et qu’en ce sens
elle constitue une spécificité de l’esprit humain. Ce qui caractérise l’homme c’est en particulier, sa capacité à
imaginer le futur, même s’il l’imagine de manière imparfaite. En ce sens, tout homme est un spéculateur et on
peut même dire qu’il est homme dans la mesure où il est spéculateur. Ainsi, l’étudiant qui espère améliorer
son revenu futur (incertain) grâce à son ‘achat’ de connaissances actuelles est un spéculateur. (…)
Pourquoi, dans ces conditions, la spéculation est-elle si fréquemment critiquée ? La raison en est
peut-être simplement que les responsables de l’inflation – les producteurs de monnaie étatique – trouvent
ainsi un alibi commode à leur incapacité de produire une ‘bonne’ monnaie en accusant les spéculateurs
d’être responsables de la hausse des prix et de la dépréciation de la monnaie. Et ils arrivent d’autant mieux à
imposer cette erreur intellectuelle à notre époque qu’ils bénéficient d’un accès privilégié au marché des idées
dans le monde médiatisé, politisé et centralisé qui est le nôtre 6».
Selon la thèse de la PPA, il existe un taux de change entre deux monnaies qui donne le même
pouvoir d’achat à ces deux monnaies dans les pays concernés. Le taux de change permet donc
d’établir la parité entre le pouvoir d’achat interne et le pouvoir d’achat externe d’une monnaie.
La loi du prix unique est le socle de base de la théorie de la PPA. La loi du prix unique
développée par Alfred Marshall énonce que sur un marché unique il ne peut y avoir qu’un seul prix
pour des biens identiques, la concurrence et les comportements d’arbitrage assurant cette égalisation
des prix. Appliquée à des échanges entre deux pays utilisant des monnaies différentes, cette loi
stipule que le taux de change est la variable d’ajustement qui permet d’aboutir à un prix unique. Une
unité monétaire domestique permet d’acheter autant de biens dans le pays lui-même qu’à l’étranger,
une fois faite la conversion de la monnaie nationale en monnaie étrangère.
Par exemple, si une tonne d’acier vaut 1 000$ aux EU et 6000 f en France, alors l’unicité du
prix implique 1 000$ = 6 000f ; en divisant les deux membres par 1 000, on obtient 1$ = 6f.
Comme les échanges entre les EU et la France ne concernent pas que l’acier, les économistes
choisissent un panier de biens similaires dans les deux pays.
Imaginons qu’un certain panier de biens coûte 2 000$ à New York et 12 000 francs à Paris, alors le
taux de change qui assure la PPA est de : 1 $ = 12 000/2 000 = 6 francs.
Plus généralement le taux de change qui assure la PPA est défini par S = P/P*
6
Pascal Salin, Macroéconomie, PUF, 1991, p. 261.
Avec P le niveau général des prix dans le pays, P* le niveau général des prix à l’étranger et S le
nombre d’unités de monnaie domestique obtenu avec une unité de monnaie étrangère.
Cette loi n’est pas toujours vérifiée pour de nombreuses raisons telles que les préférences
différentes des consommateurs suivant les pays (la part accordée à chaque bien dans P et P* sera
différente), la différenciation internationale des prix par les firmes, l’existence de coûts de transports,
de droits de douane, de biens différenciés et donc imparfaitement substituables, de biens non
échangeables (les indices de prix prennent en compte le prix de biens non échangeables comme les
loyers d’immeubles d’habitation, les coupes de cheveux, etc.).
La PPA absolue suppose une comparaison parfaite et instantanée des pouvoirs d’achat des
monnaies. Mais beaucoup de facteurs peuvent perturber cette relation, de sorte qu’une liaison moins
stricte, en termes de taux de variation, est mieux admise.
Hausse de la masse monétaire => hausse des prix => baisse du taux de change
c) La validité de la PPA
Vérifier la thèse de la PPA revient à comparer un taux de change observé sur le marché avec
des indices du niveau général des prix. Mais les indices de prix possibles sont divers (prix de détail,
prix de gros, prix des seuls biens échangés, etc.).
A court terme, il y a des déviations substantielles. Les taux de change varient plus que les
prix, notamment car le marché des changes réagit plus aux anticipations sur les événements futurs
plutôt qu’aux informations passées révélées notamment par l’évolution des prix. En outre, les
monnaies sont demandées en tant qu’actifs financiers, pas seulement pour se procurer des biens. A
long terme, la PPA agit comme une force de rappel puissante. Plus un pays est inflationniste, plus sa
monnaie se dévalue.
C’est généralement par rapport à la PPA qu’une monnaie est dite sous-évaluée ou surévaluée.
L’instrument le plus couramment utilisé est l’écart entre le taux de change nominal (TCN) et le taux
de change réel (TCR). Le taux de change réel7, obtenu après correction des écarts de prix entre les
deux pays, est égal à Sij. Pi/Pj où Sij est le taux de change nominal (valeur d’une unité de monnaie i en
monnaie j), Pi l’indice des prix du pays i, et Pj l’indice des prix du pays j.
Si TCR > TCN => la monnaie nationale est surévaluée
Si TCR < TCN => la monnaie nationale est sous-évaluée
Exemple : l’inflation en France est de 10% et de 0% en Allemagne, si le franc ne se déprécie pas, il
est surévalué car il devrait baisser de 10% selon la PPA.
TCR = TCN. 1,1/1 > TCN
Ainsi, chaque année The Economist publie un Big Mac Index8, comparant les prix du Big
Mac, bien homogène s’il en est, dans les grands pays du monde. Pour l’édition 2011, on peut lire que
le Big Mac coûte 4.07$ aux EU et 3.44 euros dans la zone euro. L’unicité des prix implique 3.44
euros = 4.07 $, soit 1 euro = 4.07/3.44 = 1.18 $. C’est le taux de change de PPA. A comparer avec le
taux de change constaté, tournant autour de 1.40 $. En prenant comme étalon le Big Mac, l’euro est
surévalué par rapport au dollar, ce que prétendent d’ailleurs plusieurs économistes français.
Cependant, la mesure de la sur ou sous évaluation d’une monnaie est un sujet controversé, comme
l’illustre l’article suivant de Jean-Marc Vittori.
7
A ne pas confondre avec le taux de change effectif qui est calculé en donnant à chaque monnaie un poids qui correspond à la
répartition géographique des échanges du pays considéré.
8
http://www.economist.com/blogs/dailychart/2011/07/big-mac-index.
L’euro est-il à sa valeur d’équilibre par rapport au dollar ?
Que vaut vraiment l'euro ? Revenant de 1,60 dollar à un peu plus de 1,20 dollar en moins de deux
ans, il a pratiquement perdu le quart de sa valeur face au billet vert. Et il semble parfois devenu la monnaie du
diable. Il brûle les mains de ceux qui en ont et qui s'en débarrassent par wagons entiers avant parfois de le
racheter le lendemain. Il brûle aussi les têtes des experts, qui annoncent un matin que tout est en place pour
un formidable rebond de la devise européenne avant d'expliquer le soir qu'elle pourrait bien plonger. En même
temps, cette chute incontrôlée est aussi une bonne nouvelle. Non seulement parce que, en stimulant les
exports, elle redonne de l'air à une économie européenne encore asphyxiée par les conséquences de la crise
financière de 2008, mais aussi parce qu'elle ramène l'euro à une valeur jugée plus normale. C'est le sentiment
que traduisait mercredi John Lipsky, le numéro deux du Fonds monétaire international : « L'euro est plutôt
proche de ce que nous pourrions considérer comme sa valeur d'équilibre après une longue période où il s'est
échangé au-dessus de sa valeur. »
C'est bien sûr le marché qui fixe la valeur des monnaies. Il a donc par définition toujours raison. Mais il
fait aussi souvent n'importe quoi - un fait de moins en moins contestable, particulièrement sur les actifs
financiers. Comme pour les actions, les économistes tentent de déterminer la valeur « fondamentale » des
monnaies. La première technique consiste à regarder les pouvoirs d'achat. L'hebdomadaire londonien « The
Economist » compare ainsi régulièrement les prix du Big Mac. Dans sa dernière livraison, en mars, le
hamburger valait en moyenne 3,58 dollars aux Etats-Unis et 3,36 euros dans la zone euro. Le taux de change
qui donnerait aux deux monnaies la même capacité d'achat (les experts parlent de PPA, parités de pouvoir
9
d'achat) serait donc 1,07 dollar pour un euro .
Mais, par bonheur, nous ne mangeons pas que des Big Mac dans la vie. Les experts comparent donc
non seulement les prix des sandwichs, mais aussi ceux de la lessive, des voitures, des forfaits téléphone et
tout ce qui constitue le panier de la ménagère pour calculer un chiffre PPA. Pour l'année 2009, l'OCDE donne
un taux de 1,17 dollar pour 1 euro et le FMI 1,19 dollar. Juste au-dessous des valeurs récentes - et par hasard
au niveau de la toute première cotation de l'euro le 4 janvier 1999, à 1,18 dollar. D'où cette sensation de
« retour à l'équilibre ». Mais ce n'est pas si simple. Avec une technique de calcul différente, la Banque
mondiale donne pour la France en 2008 un taux un peu supérieur, de 1,34 dollar.
Et la valeur de la monnaie ne s'explique pas seulement - voire pas du tout -par le souci de donner le
même prix au chariot du consommateur dans tous les pays. Elle se joue sur des marchés financiers, en
fonction de l'offre et de la demande. Les économistes Hamid Faruqee et Ronald MacDonald (pas celui du
hamburger) ont mis au point une technique dite du taux de change d'équilibre comportemental (Beer en
anglais). Elle prend notamment en compte la possibilité pour un pays de payer les intérêts qu'il doit au reste
du monde avec l'excédent de sa balance commerciale. D'après les calculs du Centre d'études prospectives et
d'informations internationales (Cepii) réalisés en 2008, le taux Beer serait autour de 1 euro pour 1,10 dollar.
Là aussi, un peu au-dessous du niveau actuel.
Les chercheuses du Cepii, Agnès Bénassy-Quéré, Sophie Béreau et Valérie Mignon, ont employé une
autre technique, le taux de change d'équilibre fondamental (Feer en anglais) défini par John Williamson - à ne
pas confondre avec Oliver, le Nobel 2009. Elle consiste à déterminer le taux de change compatible avec un
déficit « soutenable » des comptes courants, fixé à 3 % du PIB aux Etats-Unis. Elle aboutit à des chiffres
sensiblement différents : le taux devrait se situer alors autour de 1,50 dollar pour 1 euro, voire plus de
2 dollars dans certaines hypothèses extrêmes !
Ces modèles ont cependant un biais qui devient aujourd'hui une faiblesse. Ils sont fondés sur les
déséquilibres extérieurs, qui sont surtout américains. Pour l'année 2010 par exemple, le FMI prévoit un déficit
des comptes courants américains de 500 milliards de dollars tandis que la zone euro serait à l'équilibre. Si ce
déficit paraît encore énorme, la crise financière l'a fait revenir dans la fameuse zone de 3 % du PIB jugée
supportable, car les Américains ont moins dépensé et plus exporté. Le principal problème, aujourd'hui, c'est
l'Europe (jusqu'au jour où les investisseurs redécouvriront l'effroyable situation des comptes américains, à la
fois du côté du Trésor et de celui de la Réserve fédérale).
La glissade de l'euro est peut-être une réponse simple à une anxiété profonde : la croissance européenne
sera trop faible pour rembourser des dettes trop lourdes. Si l'on refuse le défaut de paiement, l'inflation ou
l'étalement de la dette, la seule marge de manœuvre qui reste au Vieux Continent est la dévaluation de sa
monnaie. Patrick Artus, l'économiste en chef de Natixis, chiffre la baisse nécessaire à… 30 %, ce qui doperait
la croissance européenne de 1,5 % par an. Le chiffre paraît bien sûr énorme. Il ramènerait l'euro au-dessous
des 90 cents, comme en 2000. Mais après tout, le Royaume-Uni s'est sorti de la Grande Dépression en
dévaluant la livre de 40 % d'un coup en 1931.
JEAN-MARC VITTORI, Les Echos, 21/05/10.
9
La fin de la phrase a été reformulée pour éviter toute confusion.
2) Le solde de la balance des transactions courantes
Un excédent courant => paiement de cet excédent par le reste du monde => demande de
monnaie nationale contre monnaie étrangère => appréciation de la monnaie nationale.
Un déficit courant => paiement du déficit par les résidents => demande de devises contre
monnaie nationale => dépréciation de la monnaie nationale.
Cette analyse s’inscrit dans les modèles keynésiens Mundell-Fleming du début des années
1960 où le taux de change dépend surtout du solde courant, lui-même relié à la demande interne et
aux taux d’intérêt.
En moyenne période, ce lien est vérifié car les pays à monnaie forte sont ceux dont le solde
courant est positif (Allemagne, Japon) et les pays à monnaie faible sont ceux dont la balance courante
tend à être déficitaire.
Cependant cette explication souffre deux limites.
Premièrement, au sein de la balance des paiements c’est les transactions courantes qui sont ici
déterminantes. Or on constate un net affaissement de la part des transactions courante au sein de la
structure de la balance des paiements, au profit des transactions financières, et notamment des
investissements de portefeuille, comme le montre le tableau suivant. Les flux de capitaux sont donc
aujourd’hui autant voire plus déterminants que les flux de marchandises pour expliquer les échanges
de dives et l’évolution des taux de change.
Deuxièmement, si on prend le cas du dollar, le déficit courant américain n’a pas entrainé
pendant des années la baisse du billet vert que l’on aurait pu imaginer. Car le dollar est la principale
monnaie du monde en termes de facturation ou de réserves. Le cours du dollar sur les marchés des
changes dépend de l’offre et de la demande de dollars dans le monde entier, bien plus que du solde
des paiements extérieurs des USA.
3) Le taux d’intérêt :
La parité des taux d’intérêt a été mise en évidence notamment par Keynes11. Cette théorie
stipule que sur des marchés nationaux différents, et pour des actifs ayant le même degré de risque et
de liquidité, le rendement doit être identique en raison des comportements d’arbitrage.
Selon la théorie de la parité des taux d’intérêt, il existe une relation inverse entre le taux
d’intérêt et le taux de change : si une monnaie offre un taux d’intérêt plus élevé, elle est amenée à se
dévaluer, si elle offre un taux d’intérêt plus faible, elle est amenée à s’apprécier. Si par exemple, le
taux du marché monétaire est de 8% en France et de 3% en Allemagne, et si l’arbitrage se fait
librement (pas de coûts de transaction), le franc se dévaluer de 5%.
Par conséquent, sur deux ou plusieurs marchés nationaux, le rendement net (taux nominal
ajusté des variations de change) sur plusieurs actifs strictement équivalents doit être identique. L’idée
de base est que le marché des changes est en équilibre si les dépôts dans les différentes devises
offrent le même rendement attendu. C’est la condition de parité des taux d’intérêt montrée par le
graphique suivant.
10
Moyenne approchée du crédit et du débit.
11
J.M Keynes, The Tract on Monetary Reform, MacMillan, 1923.
La ligne de parité des taux d’intérêt
Variation du taux +
de change
(Nombre de francs
pour un mark)
5%
_ 45%
+
0 5%
iF-iDM
On constate empiriquement que monnaie faible et taux d’intérêt élevé vont corrélés, comme
l’Italie ou la France pendant les années 1970, par opposition à l’Allemagne. Des taux d’intérêt élevés
sont souvent signe d’une forte inflation et d’une dépréciation anticipée de la monnaie. La relation de
PTI est toujours vérifiée, dès lors que les agents ne manifestent pas d’aversion pour le risque et
peuvent arbitrer immédiatement et sans coût entre ces différents placements. Empiriquement, il existe
des déviations par rapport à la PTI en raison de l’existence de primes de risque, ce qui signifie que les
actifs libellés dans une monnaie ne sont pas des substituts parfaits des actifs libellés dans une autre
devise. Les primes de risque sur une monnaie sont surtout liées à la volatilité des taux de change et
peuvent être mesurées par les différentiels de taux d’intérêt.
En outre, et sans que cela contredise ce qui précède, une hausse des taux d’intérêt, toutes
choses restant égales par ailleurs, doit provoquer une appréciation de la monnaie nationale, et
inversement. D’ailleurs, les autorités monétaires utilisent très souvent l’arme des taux d’intérêt pour
défendre leur monnaie attaquée sur le marché des changes. Si l’inflation anticipée reste constante, la
hausse des taux d’intérêt aboutira à l’appréciation de la monnaie nationale ; en revanche, si l’inflation
anticipée augmente, les choses ne sont plus égales, et la monnaie peut continuer à se déprécier. Par
exemple, la hausse des taux américains au début des années 1980 est allée de pair avec la hausse du
dollar.
Globalement, le lien statistique entre taux d’intérêt et taux de change est assez distendu. Ainsi
Michel Dupuy peut écrire : « (…) selon les études économétriques, la sensibilité du cours du dollar
au différentiel de taux d’intérêt entre les Etats-Unis et le reste du monde est faible. Au total, les taux
d’intérêt ne permettent pas d’expliquer convenablement les fluctuations du dollar, du moins sur
longue période »12. De même, le taux de change DM/yen était extrêmement volatil par rapport à
l’impressionnante stabilité de leur taux d’intérêt.
4) La croissance économique :
Si la PPA était vérifiée, les taux de change réels devraient rester constants dans le temps puisque
les différences de prix devraient être compensées par l’évolution des taux de change nominaux. Or on
observe dans la réalité d’amples variations de longue période des taux de change réels.
Depuis les travaux de Gilbert et Kravis (1954), il a été établi qu’à long terme l’évolution du TCR est
étroitement liée au niveau relatif de développement d’un pays. Lafay l’a montré à partir d’un
échantillon de 31 pays en 1975. L’explication tient à trois facteurs structurels :
- Le différentiel de croissance : une hausse de ce différentiel doit provoquer une appréciation de la
monnaie nationale. En effet, une plus forte croissance signifie que, toutes choses égales par
ailleurs, une unité monétaire nationale pourra acheter plus de biens et services. Une hausse du
pouvoir d’achat de la monnaie entrainera une hausse de sa valeur en termes des autres devises.
- le mécanisme des productivités relatives : à mesure qu’un pays se développe, la productivité du
secteur exposé s’accroît relativement plus que celle du secteur abrité. Cf. l’effet Balassa-
Samuelson.
- le développement améliore la qualité de sa spécialisation internationale avec une meilleure
adaptation à la demande mondiale. Cette compétitivité structurelle élève les prix du secteur
exposé et accroît le TCR sans pénaliser la croissance et l’équilibre externe.
- les effets de domination à travers l’imposition de normes de production et de consommation.
12
M. Dupuy, Le dollar, Dunod, 1999, p. 46.
- Le phénomène d’habitat préféré dont bénéficient les monnaies aux marchés domestiques larges,
liquides et surs.
L’effet Balassa-Samuelson :
On constate que les taux de change des monnaies des pays à faible niveau de développement en
termes des monnaies des pays développés sont inférieurs à ceux de PPA.
En 1964, les économistes Bela Balassa13 et Paul Samuelson14 ont expliqué ce phénomène par les
écarts de productivité, qui sont plus élevés dans les secteurs exposés à la concurrence internationale
que dans les secteurs abrités
L’effet Balassa-Samuelson repose sur deux éléments :
la distinction entre biens échangeables (secteur exposé) et bien non échangeables (secteur
abrité). La concurrence internationale ne porte que sur les biens échangeables. Or le taux de
change de PPA prend en compte les biens échangeables mais aussi les biens non
échangeables
le surcroit de productivité des pays développés pour les biens échangeables. Qu’un pays soit
riche ou pauvre, un coiffeur fera un certain nombre de coupes par jour, mais il y aura par
contre de grandes différences pour la production d’ordinateurs.
Dans le secteur exposé (la majorité de l’industrie), les prix sont à peu près identiques entre les pays,
en raison de la concurrence internationale. Dans les PED, la productivité plus faible est compensée
par des salaires plus faibles, ce qui permet d’afficher les mêmes prix que dans les pays riches.
Dans le secteur abrité (la majorité des services). les différences de prix sont importantes. Dans les
PED, les salaires faibles permettent d’avoir des prix très bas. (Exemple de la coupe de cheveux au
prix modique pour un Occidental). Dans les pays riches, les salaires élevés du secteur exposé se
diffusent au secteur abrité via la concurrence sur le marché du travail ou les conventions collectives.
(Le coiffeur a le même salaire qu’ouvrier de l’automobile). Confrontés à des salaires élevés, les
entreprises des secteurs abrités augmentent leurs prix pour conserver leurs marges, d’autant qu’elles
ne sont pas contraintes par la concurrence internationale.
Si on agrège les prix des deux secteurs, on obtient un niveau moyen de prix plus bas dans les
pays en développement que dans les pays industriels. Effectivement, les études empiriques montrent
que dans les PED, le niveau général des prix est plus bas que dans les pays avancés. Ce lien positif
entre niveau de prix et niveau de revenu par tête est lié en grande partie au prix des biens non
échangeables : les prix plus élevés des biens non échangeables dans les pays riches contribuent au
niveau général des prix plus élevé de ces pays.
Cet écart est plus marqué dans les secteurs abrités de la concurrence internationale que dans les
secteurs exposés à la concurrence. Il en résulte un ratio ‘prix des biens échangeables/prix des biens
non échangeables’ plus élevé dans le pays en développement,
13
B. Balassa, “The Purchasing Power Parity Doctrine : A Reapprisal”, Journal of Political Economy, 1964.
14
P. Samuelson, « Theoretical Notes on Trade Problems », Review of Economics and Statistics, 1964.
15
B. Guilochon, Economie internationale, Dunod, p. 178.
Mais le taux courant S n’a pas de raison d’être égal à SPPA puisqu’existent des biens non échangés.
Par contre, on peut supposer que le taux courant assure la parité des pouvoirs d’achat pour les biens
échangés : S = PE / P*E
Comme les prix des biens échangeables sont à peu près identiques dans les deux pays alors que les
prix des biens non échangeables sont très bas dans les PED comparativement aux pays développés,
on a l’inégalité suivante : PE / P*E < PNE / P*NE soit encore S < PNE / P*NE
En partant de cette inégalité, et moyennant quelques opérations, on peut comparer le taux de change
courant au taux de change de PPA :
S < PNE / P*N
S1-α < (PNE / P*NE)1-α
Sα × S1-α < (PNE / P*NE)1-α × Sα
S < SPPA
Donc le taux de change courant de la monnaie nationale du pays en développement est inférieur à
celui de parité des pouvoirs d’achat.
Conséquences :
En statique :
Le taux de change des PED parait sous-évalué par rapport à la PPA en raison du bas prix du secteur
abrité.
Les taux de change en PPA, fondés sur l’ensemble des biens et services, surestiment la compétitivité
des pays les moins développés.
Cela permet de comprendre pourquoi les prix sont moins élevés dans les pays les moins développés
En dynamique :
Une économie dont la productivité s’accroit voit son taux de change réel s’apprécier : c’est
l’effet Balassa-Samuelson.
En effet, à mesure que le pays se développe, la productivité s’accroit dans le secteur exposé et les
salaires augmentent. Dans le secteur abrité, cette hausse de salaire se répercute sans que la
productivité n’augmente. Les prix des biens non échangeables augmentent par rapport au reste du
monde et le taux de change réel s’apprécie.
Le taux de change réel est donné par la formule : Qij = Sij. Pi/Pj où
Sij est le taux de change nominal (valeur d’une unité de monnaie i en monnaie j)
Pi l’indice des prix du pays i
Pj l’indice des prix du pays j
L’appréciation du taux de change réel peut s’obtenir soit par l’appréciation du taux de change
nominal soit par la hausse des prix16.
Par conséquent, les pays émergents en forte croissance connaissent soit une appréciation du taux de
change nominal, soit un taux d’inflation plus élevé (dans le cas des PECO, les études montrent que le
surcroit d’inflation ou l’appréciation réelle des taux de change imputables à l’effet Balassa-
Samuelson seraient compris entre 0 et 4% par an17), soir un mélange des deux.
Illustration : hausse du yen et du DM dans les années 1950 et 1960, les monnaies des pays d’Asie du
Sud-est depuis une vingtaine d’années.
« En résumé, parler d'effet "Balassa-Samuelson" revient à considérer que l'égalisation des prix par
le taux de change, c'est-à-dire la détermination du taux de change selon la parité des pouvoirs
d'achat (PPA), ne peut se faire qu'entre des économies ayant le même niveau de développement et
d'efficacité du capital et de la main-d’œuvre, les pays en retard connaissant systématiquement une
16
Une hausse de Qij traduit une perte de compétitivité-prix de pays i vis-à-vis du pays j.
17
Conjoncture, BNP Paribas, octobre 2004, n°9, p. 32.
inflation plus forte que les pays avancés » écrit Jean-Marc Daniel, professeur à l'ESCP-EAP, le
29.01.2008.
Synthèse :
Parmi les fondamentaux, l’inflation a perdu son rôle de déterminant prioritaire depuis qu’elle
est partout éradiquée. Par contre, la croissance, l’investissement, l’emploi et le solde des finances
publiques ont pris le relais. Stein a proposé d’utiliser le Natrex (Naturel Real Exchange Rate), tenant
compte d’une part la productivité du capital et de l’investissement, d’autre part du cumul des
créances ou dettes sur l’étranger.
La valeur de la monnaie d’un pays est déterminée moins par la performance économique que
par l’offre et la demande de monnaie. Pour une quantité donnée de monnaie, une augmentation de la
production de marchandise augmente la valeur de la monnaie, car chaque unité monétaire permet
d’acheter davantage de marchandises. A l’inverse, l’augmentation de la monnaie en circulation par
rapport à une quantité fixe de production entraine un déclin du pouvoir d’achat, car chaque unité de
monnaie peut acheter moins de marchandises.
Comme l’affirme Milton Friedman, « la baisse d’une monnaie A par rapport à une monnaie B
n’est pas nécessairement une marque de faiblesse de l’économie dont la monnaie baisse. Pas plus
que la hausse de la monnaie B par rapport à A n’est en soit un signe de vitalité. La variation des
deux monnaies l’une par rapport à l’autre exprime un phénomène monétaire qui n’a rien à voir avec
la force relative des deux économies en présence18 ».
Comme le graphique ci-dessus le montre, un taux de change stable est une exception. Le cours
du dollar en fonction de l'euro est très volatil.
18
Géopolitique, n° 53, printemps 1996.
1) Le modèle de sur réaction :
Il a été développé en 1976 par Rudiger Dornbusch pour expliquer notamment la volatilité du $ à
partir du début des années 1970 dans un contexte de flottement des monnaies et de des mouvements
accrus de capitaux.
a) Intuition du modèle :
L’instabilité des taux de change provient du fait que les vitesses d’ajustement sont différentes sur
les marchés financiers et les marchés des biens et services. Dornbusch fait l’hypothèse que les prix
sur les marchés financiers s’ajustent instantanément aux variations de l’offre et de la demande. En
revanche, les prix des biens et services sont rigides à court terme.
A long terme, le taux de change suit son sentier de parité des pouvoirs d’achat (PPA), l’évolution
du taux de change est déterminée par le différentiel d’inflation entre les pays. La PPA joue donc son
rôle de point d’ancrage du système à long terme.
A court terme, le marché des changes est dominé par les mouvements de capitaux et le taux de
change est déterminé par la parité des taux d’intérêt (PTI). L’écart de taux d’intérêt entre deux
monnaies est égal au taux anticipé de dépréciation du change.
b) Fonctionnement du modèle :
Supposons qu’un choc monétaire se produise, par exemple l’accroissement de l’offre de monnaie
non anticipé. L’équilibre ne peut être retrouvé par l’augmentation de la production ou des prix. C’est
le secteur financier qui l’absorbe par la baisse du taux d’intérêt national. Celle-ci, ainsi que
l’anticipation d’une dépréciation de la monnaie liée au laxisme monétaire, déclenche une
dépréciation instantanée du taux de change allant au-delà de sa valeur de long terme respectant la
PPA. Le passage de S1 à S219 décrit la dépréciation à court terme. Il y a ainsi sur réaction
(overshooting) du taux de change, au sens où le mouvement immédiat du taux de change est trop fort
et doit être compensé par la suite. En effet, dans un second temps, la dépréciation de la monnaie
nationale améliore le solde de la balance commerciale, ce qui amène une appréciation de la monnaie
nationale jusqu’à ce que la PPA soit respectée. Le passage de S2 à S3 décrit l’appréciation à moyen
terme.
Taux de
change
Le schéma de la sur réaction
S2
Taux de change
de PPA
S3
S1
Expansion
monétaire Temps
19
Ici, est utilisée la cotation à l’incertain, le cours indique le nombre d’unités monétaires nationales correspondant à une
unité de monnaie étrangère.
La sur réaction se produit quand, à la suite d’un choc économique comme l’augmentation de
l’offre de monnaie, le taux de change s’éloigne momentanément de son niveau dit d’équilibre qui se
formerait si le marché appliquait instantanément le principe de la PPA.
c) Intérêts et limites :
Si les politiques monétaires sont imprévisibles, il en ira de même des écarts d’inflation et les
taux de change seront volatils avec des variations amplifiées. L’atonie des prix et des salaires oblige
le taux de change à absorber les chocs pour le compte de la politique monétaire. Ce modèle suggère
qu’une politique monétaire plus stable entrainerait des taux de change plus stables.
Cette analyse a pu expliquer une partie de la forte volatilité des taux de change après 1973
ainsi que la forte appréciation du dollar entre 1981 et 1985. Mais les agents anticipent de mieux en
mieux les changements de politique monétaire. Dans le modèle, la sur réaction se produit car les
agents sont incapables d’anticiper le taux de change à long terme. Mais les agents devraient
apprendre de leurs erreurs et anticiper le taux de change de long terme. Si les anticipations sont
parfaites, les agents anticipent de suite le taux de change qui sera atteint à long terme et il n’y a pas
de sur réaction.
Au niveau empirique, d’après Kenneth Rogoff c’est un échec indiscutable, au moins pour les
taux de change du G-3 (USA, Europe, Japon) ; en effet, il constatait en 2002 que la politique
monétaire des membres du G-3 est beaucoup plus stable que dans les années 1970 sans que la
volatilité des taux de change n’ait baissé20.
c) L’hypothèse de rationalité du marché des changes est-elle pertinente ? Le marché des changes
est-il efficient ?
Fama (1970) a défini l’efficience en considérant que le taux de change à la période t contient
toute l’information disponible en t. Cela implique le respect de deux hypothèses.
Les arbitrages sont parfaits, c'est-à-dire que si les actifs financiers sont parfaitement
substituables, les rendements anticipés des actifs en différentes monnaies sont égaux. Si le franc
bénéficie de taux d’intérêt supérieurs de 2% à ceux du mark, cela signifie que les opérateurs
anticipent une appréciation du mark/franc de 2%.
Les anticipations sont rationnelles : d’une part les agents utilisent toute l’information
disponible, et d’autre part ils connaissent le bon modèle de détermination du taux de change, ce qui
implique que les agents ne font pas d’erreurs de prévision systématiques, ce qui signifie
statistiquement que les écarts entre le taux de change constaté en t et le taux de change anticipé pour
cette période ont une espérance mathématique nulle.
L’hypothèse d’anticipations rationnelles est très forte. Elle suppose d’une part que les agents
connaissent le modèle pertinent permettant d’expliquer les variations du change. Or non seulement il
y a plusieurs modèles théoriques possédant de sérieuses limites et il est difficile d’invoquer un soi-
disant modèle vrai, mais en plus pour le change on ne voit guère ce qui peut tenir lieu de valeur
fondamentale, au sens par exemple de la somme des dividendes futurs actualisés pour une action.
Elle suppose d’autre part que les agents, étant aussi bien informés que le modèle, ne font pas
d’erreurs systématiques, pas plus qu’il n’en fait lui-même. Or la psychologie des opérateurs peut aller
à l’encontre de cette hypothèse de rationalité.
André Cartapanis (1996) explique l’instabilité des taux de change par l’hétérogénéité des
acteurs avec d’un coté des opérateurs qui se basent sur les fondamentaux (les fondamentalistes) et
de l’autre des traders utilisant une stratégie de court terme (les chartistes) (modèle chartiste21 ou
extrapolatif), à l’affut de la moindre occasion de profit, et très influencés par les rumeurs, les modes.
Le poids de ces derniers est devenu très important, il peut donc être rationnel d’ignorer les
fondamentaux dans la très courte période si les parités sont effectivement déterminées par ces traders.
Ces professionnels qui font le marché forment un milieu très restreint où tout le monde pense la
même chose. La moindre information prend alors un poids considérable. Ainsi, au gré des modes et
des influences, les indicateurs sur lesquels se fondent les opérateurs changent : un jour le déficit
courant américain est jugé décisif, la semaine suivante il devient accessoire, sans qu’il se soit réduit
d’un seul dollar.
André Orléan (1986) parle de contagion mimétique des anticipations. Quand pour former leurs
anticipations, les agents ont le choix entre acquérir une information en la payant, ou l’obtenir
gratuitement ne se basant sur le prix du marché, c’est généralement la seconde solution qui est
retenue. « Si on se trouve dans une situation d’imitation généralisée, dans laquelle chacun copie
l’autre en croyant qu’il détient l’information, alors qu’aucun agent n’est informé, le prix qui se
forme ne reflète que la ‘psychologie du marché’ et ne contient aucune autre information. On est en
présence d’un processus d’anticipations ‘auto réalisatrices’ dans lequel un prix va s’auto confirmer,
même s’il s’éloigne de plus en plus de son niveau d’équilibre fondamental.22 »
Les opérateurs qui voient sur leurs écrans les cours baisser (monter) sans en connaître les
causes se disent que les autres opérateurs doivent avoir des informations qu’eux n’ont pas, et tels des
moutons de Panurge se mettent eux aussi à vendre (acheter) ; cela précipite la baisse (hausse) des
cours, laquelle déclenche à son tour des ventes (achats) par les assureurs de portefeuille. Et la baisse
(hausse) nourrit la baisse (hausse). Pour réussir, il faut se préoccuper non de la valeur véritable d’une
21
Du mot anglais chart qui veut dire graphique.
22
D. Plihon, Les taux de change, la découverte, 2001, p. 66.
monnaie mais de la valeur que le marché, sous l’influence de la psychologie des masses, lui
attribuera dans le futur proche. Il ne set à rien d’avoir raison contre la majorité. Si la majorité pense
que le prix va monter, le prix monte, il est rationnel d’acheter. Un acteur doit se décider en fonction
non de ce qu’il pense mais de ce que les autres pensent. Ce jeu de miroir à l’infini laisse l’évaluation
finale indéterminée.
Cette importance du mimétisme en période d’incertitude sur les marchés financiers avait déjà
été formulée par Keynes avec l’exemple du concours de beauté (cf. encadré) L’élection de la plus
belle fille résulte d’un vote, pour inciter le public à voter, les organisateurs promettent un cadeau à
celui qui aura voté dans l’ordre pour le trio gagnant. Le comportement rationnel de celui qui veut le
cadeau n’est pas de voter selon ses préférences, mais selon ce qu’il pense être les préférences
moyennes des votants.
Mais si on ne trouve pas d’agent connaissant la vraie valeur, il y a imitation généralisée. Ainsi
survient le paradoxe de Grossman (1976) selon lequel tous les agents observent les prix bien que
ceux-ci ne contiennent plus aucune information.
D’après Dominique Plihon23, « l’hypothèse d’efficience est rejetée par la plupart des tests
économétriques ». Pour cet auteur, on peut l’expliquer par l’imparfaite substituabilité des actifs
libellés dans des devises différentes, illustrée par l’existence de primes de risque. Ces primes de
risque peuvent être liées à la volatilité des taux de change (plus le taux de change d’une monnaie est
instable, plus elle apparaît risquée) ainsi qu’au phénomène d’habitat préféré (certaines monnaies,
comme le dollar jusqu’à nos jours, sont toujours très demandées car leur marché financier offre à la
fois liquidité, sécurité et diversité des placements).
(…) la technique du placement peut être comparée à ces concours organisés par les
journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de
photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s'approchent le plus de la sélection
moyenne opérée par l'ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les
visages qu'il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu'il estime les plus propres à obtenir le suffrage
des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s'agit pas
pour chacun de choisir les visages qui, autant qu'il peut en juger, sont réellement les plus jolis ni
même ceux que l'opinion moyenne considérera réellement comme tels. Au troisième degré où
nous sommes déjà rendus, on emploie ses facultés à découvrir l'idée que l'opinion moyenne se fera
à l'avance de son propre jugement. Et il y a des personnes, croyons-nous, qui vont jusqu'au
quatrième ou au cinquième degré ou plus loin encore.
Peut-être le lecteur objectera-t-il que pendant une période assez longue un homme habile
doit nécessairement réaliser, aux dépens des autres joueurs, des bénéfices considérables si,
indifférent au passe-temps prédominant, il persiste à acheter des investissements à la lumière des
prévisions véritables à long terme les plus parfaites qu'il puisse établir. À ceci il convient de
répondre tout d'abord qu'il existe en effet des esprits sérieux de ce genre et que, suivant que leur
influence ou celle des simples joueurs prévaut, la physionomie d'un marché financier diffère
profondément. Mais nous devons ajouter que plusieurs circonstances s'opposent à la
prédominance de semblables esprits sur les marchés de capitaux modernes. Le placement fondé
sur une véritable prévision à long terme est de nos jours une tâche trop difficile pour être souvent
possible. Ceux qui s'y attellent sont sûrs de mener une existence beaucoup plus laborieuse et de
23
D. Plihon, Les taux de change, La découverte, 2001, p. 61.
courir des risques plus grands que ceux qui essayent de deviner les réactions du public plus
exactement que le public lui-même ; et, à égalité d'intelligence dans les deux activités, ils risquent
de commettre dans la première des erreurs beaucoup plus désastreuses.
L'expérience ne prouve nullement que la politique de placement qui présente une utilité
sociale coïncide avec celle qui rapporte le plus. Il faut plus d'intelligence pour triompher des forces
secrètes du temps et de l'ignorance de l'avenir que pour « voler le départ ». Au surplus la vie n'est
pas assez longue pour cette tâche ; la nature humaine exige de prompts succès, et l'enrichissement
rapide a une saveur particulière, l'homme moyen calculant la valeur actuelle des profits différés à
un taux d'escompte fort élevé. Le placement professionnel est une tâche fastidieuse et
astreignante au point d'être intolérable pour quiconque n'a aucunement le goût du jeu, et ceux qui
l'ont doivent payer pour ce penchant la redevance appropriée. Au surplus, celui qui veut investir
sans se préoccuper des fluctuations momentanées du marché a besoin pour sa sécurité de
ressources plus importantes et ne peut donc, au moins avec de l'argent emprunté, opérer sur une
échelle aussi considérable ; nouvelle raison pour qu'à égalité d'intelligence et de ressources il soit
plus avantageux de se consacrer au passe-temps.
Finalement l'individu qui investit à long terme et qui par là sert le mieux l'intérêt général est
celui qui, dans la pratique, encourra le plus de critiques, si les fonds à placer sont administrés par
des conseils, des comités et des banques. Son attitude en effet doit normalement le faire passer
aux yeux de l'opinion moyenne pour un esprit excentrique, subversif et inconsidéré. S'il connaît
d'heureux succès, la croyance générale à son imprudence s'en trouvera fortifiée ; et, si, comme c'est
très probable, il subit des revers momentanés, rares sont ceux qui le plaindront. La sagesse
universelle enseigne qu'il vaut mieux pour sa réputation échouer avec les conventions que réussir
contre elles.
J.M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Payot, 1936, pp. 168 à 170.
24
P. Isard et L. Stekler, « US International Capital Flows and the Dollar », Brookings Papers on Economic Activity (1),
1985.
Cours au 11-1-1999 Prévision dans 12 mois Cours au 11-1-2000
Euro/dollar 1.15 1.21 1.01
Euro/livre 0.7 0.74 0.62
Dollar/yen 109.3 122.8 105.2
Source : Consensus FX
D’après l’économiste belge Paul De Grauwe (2000), les théories économiques ne peuvent
expliquer que 5% de l’évolution des taux de change.
L’analyse de l’évolution des taux de change s’est encore complexifiée avec l’avènement des
taux de changes flexibles qui entraine parfois des variations erratiques. Michael Mussa, professeur
d’économie à Chicago et chef économiste du FMI de 1991 à 2001, notait avec ironie dès 1979 : « Un
modèle capable d’expliquer plus de 50% des variations trimestrielles des cours de change devrait
soit être rejeté car cela est trop beau pour être vrai, soit être envoyé au Vatican, un tel miracle
justifiant la canonisation d’un nouveau Saint ».
Le pourvoir explicatif relativement faible des théories du change peut trouver son origine
d’une part dans les asymétries entre monnaies avec le phénomène d’habitat préféré (exemple du
dollar), et d’autre part dans les interventions des banques centrales. Nous allons maintenant étudier
ces dernières à travers l’étude des régimes de changes.
Propos d’étape : quel est l’impact des interventions des banques centrales sur les taux de change ?
Il est faible sans être nul. La banque du Japon ne cesse d’intervenir sans vraiment de succès pour
limiter l’appréciation du yen. De même, le dollar a commencé à baisser dès le début de l’année 1985 alors
que les accords du Plazza ne furent signés qu’en septembre 1985. Etant donne les volumes échangés
quotidiennement sur le marché des changes, il serait illusoire de penser que les banques centrales puissent
s’opposer a une tendance forte sur le marché des changes. Selon Beatrice Majnoni Intignano, professeur à
Paris XII, « Dire que le secrétaire américain au Trésor, John Snow, puisse agir sur la tendance à moyen
terme du dollar, c’est croire que le Père Noel apporte les cadeaux 25».
Il n’est cependant pas nul. D’après une étude réalisée en 1993 par K. Dominguez et J. Frankel, sur
11 interventions de la FED et de la Bundesbank au cours de la période 1985-1991, dans 10 cas sur 11, les
deux banques centrales sont parvenues à renverser la tendance dans le sens quelles souhaitaient. Les trois
clés de réussite : effet de surprise (elle doit se produire a un moment ou les marches ne s’y attendent pas),
publicité (son impact étant plus psychologique que réel, une intervention qui reste secrète est dépourvue
d’effet), coordination (une intervention isolée dune banque centrale est condamnée a l’échec car elle n’agit
que d’un cote du balancier).
25
Le Monde, 16 décembre 2003.
D) Les régimes de changes
1) Typologie des différents régimes de change :
On distingue et oppose habituellement deux régimes de change : à une extrémité se situe le
régime de changes purement flexibles, c’est à dire que les offreurs et demandeurs sur le marché
déterminent librement le taux de change sans aucune intervention de la banque centrale. La détention
d’or et de devises par la banque centrale est inutile. A l’autre extrémité, il y a le régime de changes
parfaitement fixes : la banque centrale s’engage à maintenir le cours de sa monnaie à un niveau fixe.
Le gouvernement détermine une fois pour toutes le taux de change qu’il souhaite pour sa monnaie.
Dans ce système de changes, la banque centrale détient des devises pour stabiliser le cours de sa
monnaie.
Entre ces deux systèmes, il existe une variété de régimes de change. En particulier
l’encadrement de la monnaie dans une bande de fluctuation : la monnaie évoluera autour d’un taux
pivot, et la banque centrale devra veiller à ce que les parités ne sortent pas de cette fourchette. Il
existe une version plus souple, l’ancrage à crémaillère, appelé crawling peg en anglais, qui, tout en
retenant l’idée de la bande de fluctuation, ménage l’éventualité de dévaluations graduelles.
Ce que l’on appelle couramment régime de changes fixes – tels Bretton Woods ou le SME – est
en réalité un système de changes administrés ou un système d’intervention de la Banque centrale
selon les termes de Pascal Salin. Dans ce système de Bretton Woods par exemple, il existait une
marge de flexibilité, c’est à dire que les banques centrales étaient tenues d’intervenir lorsque le taux
de change atteignait +/- 1% de la parité. Dans un tel système, le taux de change constaté peut donc se
situer en n’importe quel point entre les limites de flexibilité et ne coïncider que rarement avec la
parité.
En 1975, le FMI a établi 3 catégories de régimes de change : parités fixes, flexibilité limitée,
flexibilité étendue. Après la crise asiatique, Le FMI a proposé un nouveau classement des régimes de
change, en huit groupes, du plus rigide au plus flexible :
D’après cette classification, la part des pays utilisant (de jure) un régime de changes fixes est passée
de 80% en 1974 à 40% environ en 2000. Depuis les années 1970, la part des monnaies flottantes s’est
donc progressivement accrue.
Dans ce qui suit, nous entendrons par changes fixes les systèmes avec intervention de la
banque centrale type Bretton Woods ou SME. En effet, ce sont généralement ces systèmes qui sont
visés quand on compare changes fixes et flottants.
USA : la FED n’a pas son mot à dire et doit se contenter d’exécuter, pour le compte de l’Etat, les
instructions gouvernementales. Le secrétaire au Trésor est la seule personne habilitée à parler de la
politique de change.
2) Les caractéristiques des changes fixes :
a) La politique monétaire :
En changes fixes, les pays doivent avoir un même taux d’inflation, donc la politique
monétaire est dépendante du pays à monnaie clef.
Prenons le cas d’un pays moins inflationniste que le pays à monnaie clef. Par suite de
l’inflation extérieure, les produits nationaux deviennent plus compétitifs, entrainant un excédent
commercial. Les exportateurs obtiennent des devises qu’ils convertissent en monnaie nationale, ce
qui fait monter son cours.
En raison des changes fixes, dès que la limite supérieure de la marge de fluctuation est atteinte,
la banque centrale achète ces devises et vend en contrepartie de la monnaie nationale. Elle crée de la
monnaie nationale et ainsi de l’inflation. Il s’agit ici de la 3ème source de création monétaire : la
contrepartie externe de la masse monétaire, c'est-à-dire le poste ‘Créances extérieures’ de l’actif de la
banque centrale.
Banque centrale
Actif Passif
Créances intérieures sur l’Etat
Billets
Créances intérieures sur l’économie
Réserves des banques commerciales
Créances extérieures (devises)
Pour éviter cette inflation non désirée, la banque centrale peut pratiquer une politique de
neutralisation en essayant d’accumuler d’autant moins de créances intérieures qu’elle recevra plus
de devises, en mettant en place une politique monétaire plus stricte (hausse du taux d’escompte,
hausse du coefficient de réserves obligatoires, etc.). Mais cette politique, si elle peut être d’une
certaine efficacité à court terme, n’atteindra pas son but à long terme.
La politique de neutralisation (appelée aussi stérilisation) implique que les variations des
avoirs nets en devises soient strictement compensées par des variations en sens inverse des
contreparties internes de la masse monétaire, de façon à ce que la base monétaire (billets + réserves
des banques commerciales) ne soit pas modifiée. La politique de stérilisation consiste donc pour la
Banque centrale à vendre des titres publics pour compenser l’accumulation de réserves en devises à
son actif afin de ne pas augmenter la masse monétaire.
Mais plus sa politique monétaire sera restrictive, plus le besoin d’encaisses du public sera
important et plus l’excédent de la balance globale sera grand. La baisse des créances intérieures sera
contrecarrée par la hausse des créances extérieures. En outre, la hausse des taux d’intérêt va attirer les
capitaux étrangers et constituer une nouvelle source de devises et de création monétaire.
L’accélération des entrées de devises conduit nécessairement la banque centrale à abandonner un jour
ou l’autre sa politique de neutralisation.
Le pays importe la politique monétaire expansionniste du reste du monde. Pour arrêter
l’inflation, une banque centrale n’a que deux moyens à sa disposition :
soit adopter les changes flottants et ainsi retrouver son indépendance monétaire
soit annoncer une nouvelle parité, mais le recours à une dévaluation ou une réévaluation est la
preuve que la banque centrale n’a pas été capable de tenir ses engagements et les variations
des taux de change par à-coups sont plus déstabilisantes que les évolutions progressives.
Symétriquement, un pays qui connaitrait un taux d’inflation plus élevé que le taux d’inflation
du pays à monnaie clef subirait des pertes en devises et serait obligé de modérer sa création
monétaire. En effet, l’inflation plus élevée diminue la compétitivité et entraine un déficit extérieur,
les sorites de devises affaiblissent la monnaie nationale sur le marché des changes. Pour soutenir le
cours de sa monnaie, la banque centrale vend des devises et achète sa propre monnaie. Ce faisant,
elle diminue le montant des billets en circulation. La réduction de la liquidité de l’économie est une
conséquence de l’intervention de la banque centrale.
Celle-ci peut alors, à court terme, en annuler les effets intérieurs en augmentant ses prêts au
Trésor ou au système bancaire. Il y a alors neutralisation de l’intervention sur le marché des
changes. Mais, selon le même mécanisme qu’indiqué plus haut, la création monétaire qui va s’en
suivre affaiblira la monnaie nationale et obligera la banque centrale à la racheter.
Conclusion : dans un système de changes fixes, un pays doit avoir le même taux d’inflation que
le pays à monnaie clef. Il est contradictoire de désirer en même temps les changes fixes et
l’indépendance à l’égard du pays à monnaie clef.
Parité Limites de
1$=5f
flexibilité
1$=5.01f
La Banque de France Dévaluation du franc
achète des francs et
vend des dollars
1$=6f nouvelle
parité
Temps
Dépréciation
du change
Déficit Inflation
commercial importée
Perte de
compétitivité
Robert Mundell, le père de la théorie des zones monétaires optimales, affirme : « Je considère que le
marché libre fonctionne pour tous les biens sauf pour les monnaies qui dépendent des
gouvernements. Rappelons-nous la période de l’après-guerre quand les devises étaient fixées par
rapport au dollar, et celui-ci convertible en or. Les grandes économies ont alors connu une forte
croissance, une inflation faible et le plein emploi. Il faut empêcher les fluctuations excessives de
change26 ».
Les partisans des changes fixes mettent en avant le risque d’instabilité des cours et de bulles
spéculatives en changes flottants : les taux de change peuvent s’écarter des niveaux compatibles avec
l’équilibre de la balance globale, affecter à la baisse les relations commerciales et les flux d’IDE.
Risque de retour au protectionnisme. Jean Denizet écrivait en 1984 : « Dix années de changes
flottants nous ont appris que les marchés de change livrés à eux-mêmes sont essentiellement
spéculatifs, c'est-à-dire abandonnés aux comportements d’imitation, de contagion psychique, et par
suite aux excès27 ».
26
Entretien au Figaro, 6 décembre 1999.
27
L’Europe soit sauver le dollar, L’Expansion, 16 mars 1984, p. 159.
3) Les caractéristiques des changes flottants :
Les partisans du flottement des monnaies, en particulier Milton Friedman28, en attendent cinq
avantages.
1- La formation de taux de change « vrais », c’est à dire déterminés non de façon administrée
par les autorités monétaires, mais par les conditions d’offre et de demande. Les agents privés sont
plus performants que les gouvernements pour fixer les taux de change compatibles avec les équilibres
interne et externe de chaque économie. Les gouvernements poursuivent plus une logique politique
qu’économique quand ils fixent un prix. Les changes fixes ne sont rien d’autre un prix bloqué et ils
ont tous les inconvénients du contrôle des prix et du faux prix qu’ils engendrent.
2- L’effacement du rôle des banques centrales. Les banques centrales n’ont plus à détenir des
réserves de change coûteuses pour intervenir sur le marché des changes. En principe, la banque
centrale ne détient pas d’avoirs extérieurs. Seules des créances nationales apparaissent à l’actif de son
bilan. Cette hypothèse ne correspond pas exactement à la réalité actuelle car d’une part il existe un
legs du passé : quand certains pays ont adopté les changes flottants, ils possédaient une certaine
quantité de créances extérieures. D’autre part, le système de changes actuels est un système de taux
de changes flottants impurs car dans de nombre pays la banque centrale intervient de manière
discrétionnaire sur le marché des changes.
28
M. Friedman (1953), “The case for Flexible Exchange Rates”, in Essays in Positive Economics. University of Chicago
Press.
29
Milton Friedman, Inflation et systèmes monétaires, Calmann-Lévy, p. 221.
En changes flottants au contraire, la spéculation a un caractère rééquilibrant et l’instabilité
éventuellement constatée est un symptôme de l’instabilité propre une économie, surtout de la
politique monétaire. Nous utiliserons ici la démonstration proposée par Pascal Salin30.
Supposons un pays spécialisé dans l’agriculture et dont la monnaie est le franc. Le point A
correspond au moment des récoltes et la période qui suit est celle où on exporte le plus. Les
exportateurs reçoivent plus de monnaie étrangère que dans les autres périodes ; comme ils payent les
facteurs de production en monnaie nationale, ils vont vendre ces devises et acheter des francs. D’où
l’appréciation du franc avec le passage de Se à S1. Le taux de change est ici défini comme le nombre
de francs pour obtenir une unité de monnaie étrangère. Le comportement des exportateurs se traduit
par une variation AB du taux de change constaté (trajet t1). Ce trajet t1 représente l’évolution
‘normale’ du taux de change sans spéculation.
Introduisons maintenant la spéculation. L’idée habituelle selon laquelle la spéculation serait
déstabilisante se traduit par le trajet t2 où le taux de change est plus instable que dans le cas t1. On se
retrouverait à tout moment en un point plus éloigné du taux de change d’équilibre. Dans ce cas, cela
signifierait que les spéculateurs continuent à se porter acquéreurs de francs contre des devises, alors
même que le point E a été atteint, c'est-à-dire que le prix ‘normal’ maximum a été atteint. Pour passer
de E à C, il faut que des spéculateurs soient acheteurs de francs, ils imposent un taux de change S 2 au
lieu du taux normal maximum S1.
Le rôle rééquilibrant de la
Taux de
spéculation en changes flottants
change
S1 t1
E D
S2 t2
C
Temps
La dernière assertion implique que les spéculateurs sont, dans leur ensemble, acheteurs nets
de francs, alors qu’il est cher (portion EC). Certes, lorsque le point C a été atteint, il se peut que
certains spéculateurs qui avaient acheté le franc au taux S1, plus malins que les autres, vendent
immédiatement et fassent encore un bénéfice. Il n’en reste pas moins que, globalement, les
spéculateurs sont perdants dans l’hypothèse t2. La hausse du franc qu’ils ont provoqué par leurs
achats de francs est compensée par la baisse du franc qui se produit quand ils revendent. Mais
l’activité spéculative est couteuse car il faut rechercher l’information et financer les stocks
spéculatifs.
30
Macroéconomie, page 255 et L’ordre monétaire mondial, page 46.
Prétendre que la spéculation est déséquilibrante revient logiquement à prétendre qu’elle est en
moyenne perdante. Or puisqu’il existe toujours des spéculateurs, c’est qu’ils font des profits et
n’imposent pas ce type de trajet.
Il est probable que la spéculation aboutira au trajet t0 au lieu du trajet t1 ‘normal’. Les
spéculateurs, ayant acheté le franc avant A quand il était bas vont le revendre après quand il est plus
haut. Ils font un profit et rendent service aux demandeurs de francs puisque ceux-ci peuvent se
procurer des francs à un taux plus faible qu’en l’absence de spéculateurs. Ainsi le taux de change
maximum avec spéculation sera S1 au lieu de S2.
Ainsi, plus les spéculateurs sont gagnants, plus ils jouent un rôle équilibrant. Le gain des spéculateurs
rémunère leur service de stabilisation.
Signalons qu’il est socialement préférable que le taux de change constaté soit le plus proche
possible du taux de change d’équilibre car les fluctuations de taux de change ont des coûts réels liés à
l’incertitude et aux déplacements de facteurs de production. Par exemple, si le taux de change
s’apprécie momentanément, les producteurs nationaux sont incités à se tourner vers le marché
national où les ventes sont plus faciles. Il y a un déplacement de facteurs de production temporaire.
Quand on reviendra au taux de change d’équilibre, il faudra déplacer les facteurs dans l’autre sens. Il
existe des preuves empiriques d’un impact négatif de la variabilité des taux de change sur l’emploi et
l’investissement31, et ceci est encore plus marqué pour les pays émergents.
Les changes flottants permettent ainsi un ajustement régulier et de faible ampleur alors que les
changes fixes entrainent bien souvent un ajustement aléatoire et de grande ampleur lors des
dévaluations ou réévaluations.
Pour Friedman, « L’instabilité des taux de change est un symptôme de l’instabilité propre aux
structures économiques sous-jacentes. L’élimination de ce symptôme par une mesure administrative
de fixation des taux ne porte pas remède aux difficultés économiques fondamentales sous-jacentes.
Elle ne fait que rendre l’ajustement plus douloureux encore ». La volatilité d’une monnaie est une
force et non une faiblesse parce qu’elle permet à l’économie de s’ajuster plus rapidement à des
circonstances changeantes. Cette volatilité évite d’autres formes d’ajustement qui seraient plus
pénibles. La stabilité du SMI ne signifie pas rigidité des taux de change. Si les différents pays
appliquent des politiques monétaires non inflationnistes, la stabilité des taux de change s’ensuivra.
4) Bilan
a) Sur le plan empirique :
E. Levy-Yeyati et F. Sturzenegger32 ont analysé empiriquement les effets des régimes de change sur
les performances économiques sur la période 1974-1999. Ils concluent :
- pour l’inflation, pas de lien systématique entre les régimes de changes, flottants ou fixes, et
l’inflation ; les régimes intermédiaires accompagnent systématiquement une inflation plus forte
- pour la croissance, les régimes de changes fixes ont une croissance inférieure aux régimes de
changes flottants
En ce, quelque soit la classification des régimes de change utilisée, celle du FMI (de jure) ou la leur
(LYS-de facto). Ce que montre le tableau suivant :
FMI LYS
Flottement Intermédiaire Fixe Flottement Intermédiaire Fixe
Inflation 12.1 17.7 13.2 11.1 24.7 10.4
Croissance 0.7 1.8 0.3 1.9 0.6 0.3
Jean-Jacques Rosa écrit : « Friedman soutenait que les taux de change, comme les autres prix,
devaient varier dans le temps pour tenir compte de conditions changeantes et souvent divergentes de
la productivité et des pris entre les pays. Les faits lui ont donné raison, comme le montre la tendance
générale d’évolution vers des régimes de changes flexibles dans un nombre croissant de pays33 ».
L’Argentine en 2002
Le currency board a coïncidé avec une crise économique sans précédent en 2001-2002, le flottement
du peso a permis une reprise économique.
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Changes fixes Crise Changes flottants
Taux de change34 1 1 1 1 1 1 3.8 2.8 2.9 2.9 3.1 3.1 3 3.8 3.9
Croissance PIB 5.5 8.1 3.9 -3.4 -0.8 -4.4 -10.9 8.8 9.0 9.2 8.4 8.0 3.1 0.1 9.5
Solde budgétaire -0.3 0.4 0.7 1 0.8 0.5 0.6 1.9 3.2 3 2.9 2.5 2.5 1.2 1.4
Solde courant -2.1 -3.5 -4 -3.5 -2.6 -1.2 7 5.3 1.7 2.3 2.9 2.2 1.6 2.9 -0.3
D’après les chiffres de l’Institut National des statistiques de la République argentine 35, le taux
de croissance annuel moyen fut de 3.4% entre 1991 et 2001 (2.2% si on inclut l’année 2002, ce qui
n’est pas aberrant puisque la crise est l’effet direct du maintien des changes fixes, currency board) et
de 7% entre 2003 et 2010 (changes flottants). Ite missa est !
L’Islande en 2008
La dévaluation de la couronne islandaise en 2008 de plus de 40% a dopé la compétitivité des
exportations (aluminium et pêche) et a permis à ce pays de sortir peu à peu de la crise.
2010 2015
ISLANDE ZONE EURO ISLANDE ZONE EURO
Taux de chômage 8.4% 10% 2.6% 10%
Dette publique 115% 85% 80% 91%
Déficit public -10% -6% -1% -2.1%
Balance des -6% 0 +8% +4%
opérations courantes
RNB par habitant 89 100 108 100
base 100 zone euro
34
Taux de change au 30 juin de chaque année.
35
http://www.indec.gov.ar/
Selon le Prix Nobel d’économie Paul Krugman, l’Islande s’est relevée plus vite parce qu’elle
n’a jamais adopté l’euro. Les fonderies d’aluminium tournent à plein régime pour satisfaire la
demande étrangère, tandis que les produits locaux ont remplacé les légumes exotiques et autres
tomates de serre importés.
La pêche, le secteur aérien et le tourisme se portent bien. Le tourisme a d'ailleurs grandement
contribué au redressement du pays. Du fait de la dévaluation de la monnaie, les prix défient toute
concurrence. Les emplois créés dans l'hôtellerie, la restauration et les transports ont contribué à la
baisse du chômage. 700 000 touristes visitent l'Islande chaque année, soit le double de la population
locale. L'Islande attire aussi les réalisateurs de films. Depuis 2010, on ne compte pas moins de seize
tournages de films et séries sur le territoire islandais. Parmi eux, Thor 2, Interstellar ou encore Game
of Thrones.
Morale de l’histoire : si le choc d’une dévaluation peut déclencher une crise violente, une
politique de rigueur et de déflation par la dette finit par causer plus de dégâts.
Inversement, on note un succès des changes fixes avec le dollar de Hong Kong est uni au $
depuis 1983 par un comité monétaire, ou currency board. Obligation de ce comité monétaire : donner
7.8 $ de Hong Kong en échange d’un $ US, et inversement. Il peut le faire car il détient un volume
d’actifs en USD égal à la valeur en cette monnaie des dollars de Hong Kong en circulation. Cela
fonctionne assez bien car Hong Kong ignore les droits de douane, la structure des salaires y est
extrêmement flexible et les facteurs de production mobiles.
Conclusion :
D'un point de vue historique, les mécanismes de taux de change fixes ont toujours eu tendance
à s'effondrer tôt ou tard. Cependant, le flottement dispose d’une mauvaise image car on a toujours
recours à lui lorsque la situation économique est instable ou lors des crises. « Les changes flottants
sont le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres » ironisait en 1999 Robert Rubin, le
secrétaire américain au Trésor, en paraphrasant Churchill.
Les taux de change ont une valeur à la fois stratégique et symbolique pour les nations. Mais le
volontarisme des gouvernements a des limites : la valeur d’une monnaie ne se décrète pas, elle est
avant tout le reflet de la puissance économique et financière d’une nation.
Une devise n’a pas à être « forte » ou « faible », chère ou bon marché. Elle doit être honnête,
fixée par le marché, sans manipulation par les autorités.