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INTRODUCTION

La littérature qui aborde les relations économiques internationales


peut être subdivisée en deux domaines de recherche en considérant le type de
flux internationaux étudiés.
Les travaux en commerce international étudient principalement
l’échange croisé de biens et services. Les questions que se pose cette
littérature concernent la nature des biens qui sont échangés, le volume des
échanges et les déterminants de la spécialisation des pays dans tel ou tel type
de biens.
Dans cette littérature, bien que l’analyse statique est très présente, elle
consacre une place importante au caractère dynamique de l’échange. En
effet, cette dynamique est au cœur de la macroéconomie internationale. Elle
s’intéresse, entre autres, à la raison pour laquelle certains pays s’endettent
sur les marchés internationaux, en important des capitaux étrangers. En fait,
On peut interpréter un tel endettement international comme un achat de
consommation présente en échange d’une promesse de consommation future,
c’est la dimension inter-temporel des échanges internationaux de biens et
services. Le pays prêteur net accepte de céder une partie de sa production
coura nte de biens et services au pays importateur net en échange de la
promesse d’être remboursé dans le futur, donc de pouvoir consommer plus.
Cette littérature s’intéresse donc à un second type d’échanges
internationaux, l’échange de biens et services contre des actifs financiers.
La finance internationale s’intéresse à un troisième type de
transactions internationales, l’échange croisé d’actifs financiers. Elle étudie
le volume des échanges bruts d’actifs et la nature des actifs échangés.
Le modèle le plus simple permettant de justifier cet échange croisé
d’actifs financiers est un modèle de choix de portefeuille. Dans ce modèle, les
marchés internationaux de capitaux offrent aux investisseurs des possibilités
supplémentaires de diversification du risque. L’investisseur averse au risque
choisit d’acheter des actifs financiers étrangers pour diversifier son
exposition. C’est ce qui explique des échanges croisés d’actifs financiers à
l’équilibre du modèle.
Dans ce qui suit, nous allons consacrer le chapitre 1 pour faire une
présentation de l’objet de l’économe internationale (les relations

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économiques internationales REI). Le second chapitre est réservé au
commerce international en particulier. Le troisième chapitre traitera des
théories alternatives du commerce international. Enfin, le chapitre quatre est
réservé aux débats entre le libre-échange et le protectionnisme économiques.

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CHAPITRE I : L’OBJET DE L’ECONOMIE INTERNATIONALE

L’économie internationale est l’étude des interdépendances entre


économies nationales. Ces interdépendances prennent la forme de flux
internationaux de biens et services, d’échanges d’actifs financiers, de
migrations ou encore d’investissements directs à l’étranger.
L’étude de l’économie internationale utilise les mêmes méthodes
analytiques que les autres champs de l’économie. En particulier, les
comportements des agents participant aux marchés internationaux sont
dictés par les mêmes motifs que pour des transactions sur les marchés
domestiques.
Certaines spécificités expliquent cependant le statut à part de ce
champ. Ces spécificités concernent à la fois les déterminants
microéconomiques de l’échange international et ses déterminants
macroéconomiques.
Au niveau macroéconomique, les échanges se font entre états
indépendants, qui décident de leur politique économique sur la base
d’intérêts purement nationaux. Cette spécificité implique que les politiques
économiques choisies à l’optimal d’un pays peuvent se révéler néfastes pour
le pays avec qui il échange. En outre, l’existence même de ces échanges
implique que les nations souveraines ont à décider de la conduite de nouvelles
politiques économiques. Ces nouveaux instruments de politique économique
concernent la régulation des flux internationaux de biens et services
(politique commerciale), la règlementation des flux de capitaux (régulation
financière) ou encore la politique de change.
Au niveau microéconomique, la participation par des entreprises ou
des institutions financières à l’échange international implique de prendre en
compte les spécificités de ces marchés. Les coûts à l’échange y sont plus
importants, du fait de l’existence de barrières tarifaires, de différences de
régulation ou encore d’écarts culturels. Ces coûts peuvent limiter la
propension des agents économiques à participer à l’échange international. A
l’inverse, l’échange international peut offrir de nouvelles opportunités de
contournement des régulations nationales (optimisation fiscale par exemple).

I. LE CHAMPS D’INVESTIGATION DE L’ECONOMIE INTERNATIONALE

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Les questions que se pose l’économie internationale sont étroitement
liées à la nature des enjeux de politique économique spécifiques aux
transactions internationales.
Par exemple :
 La question de l’optimalité d’une politique commerciale
régulant les flux de biens et services est étroitement liée à celle
des gains au commerce. ;
 La question de l’optimalité globale du libre-échange.
Les modèles que nous étudierons dans ce cours montrent comment
l’échange international de biens et services peut être source de gains en
bienêtre grâce à une utilisation plus efficace des ressources productives.
La question de l’échange international est également liée à celle des flux
internationaux de capitaux. A ce niveau, on essaye de comprendre pourquoi
il est bénéfique à un pays d’être un prêteur net sur les marchés
internationaux ou, au contraire, de vivre au-dessus de ses moyens en
empruntant à l’étranger.
En outre, l’échange d’actifs risqués entre les économies nationales peut
conduire à une meilleure diversification des portefeuilles nationaux et donc,
au niveau agrégé, réduire les risques.
Par ailleurs, si les gains à l’échange international, de biens et services
comme d’actifs financiers, sont positifs dans la plupart des cadres
analytiques, cela ne signifie pas qu’il améliore la situation de tous les agents
qui constituent l’économie nationale. Même avec des gains globaux positifs,
certains groupes peuvent se retrouver négativement affectés par l’ouverture
aux échanges internationaux. L’analyse économique s’inquiète évidemment
de cette possibilité qui peut conduire à des politiques de redistribution visant
à compenser les « perdants », voire à des politiques de régulation limitant les
effets de l’ouverture sur la répartition des ressources.
Historiquement, la question de la politique de change a été un thème
central de l’économie internationale. Jusqu’au début des années 70, la
plupart des économies contrôlent la valeur de leur monnaie en régulant les
flux de capitaux et/ou en jouant le rôle de contrepartie de la demande nette
de monnaie nationale pour maintenir une parité - en or ou en dollars.
Pourtant, depuis le milieu des années 70, de nombreux pays ont mis en place
des politiques de change flottant, laissant fluctuer la parité de leur monnaie
nationale en fonction de l’offre et de la demande sur le marché des changes.

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Les politiques de change fixe se sont en effet révélées contraignantes pour les
économies nationales, pouvant même mener à des crises financières lorsque
la parité se révélait incohérente avec les fondamentaux de l’économie
nationale.
II. LES ECHANGES INTERNATIONAUX : TRANSACTIONS REELLES ET
TRANSACTIONS FINANCIERES

L’économie internationale se subdivise en deux champs.


L’étude du commerce international est centrée sur les transactions
internationales de biens et services, i.e. sur des transactions réelles.
La finance internationale s’intéresse quant à elle à la contrepartie
monétaire du commerce international, aux flux financiers internationaux.
Evidemment, les deux types de transaction ne sont pas orthogonaux.
Cette interdépendance des flux réels et financiers est illustrée dans la
structure de la balance des paiements.
Pour comprendre l’interdépendance entre les flux réels et financiers,
repartons de l’équation comptable de base en macroéconomie. Pour un pays
le produit intérieur brut (Y) mesure la valeur de l’ensemble des biens et
services produits avec les facteurs productifs d’un pays. C’est aussi la somme
des revenus perçus par les agents économiques nationaux, au cours d’une
période donnée. Par définition, ces biens et services peuvent être utilisés pour
différents types de dépenses : la consommation (C), l’investissement (I), les
dépenses publiques (G) et, en économie ouverte, l’exportation nette
(différence entre la valeur des exportations et la valeur des importations,
𝑿 − 𝑴) :
𝒀 = 𝑪 + 𝑰 + 𝑮 + (𝑿 − 𝑴)
En notant S le montant épargné de la production nationale et en
utilisant la production et la somme de la consommation privée et publique
(𝑺 = 𝒀 − 𝑪 − 𝑮), on en déduit :
𝑺 − 𝑰 = 𝑿 – 𝑴 (𝟏)
La partie de gauche de l’équation (1) est l’épargne nationale (publique
et privée) qui n’est pas utilisée pour investir dans des facteurs productifs
nationaux.
Quand 𝑺 − 𝑰 est positif, ce supplément d’épargne est disponible pour
être investi à l’étranger, il correspond aux flux monétaires internationaux

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entre l’économie nationale et le reste du monde. C’est ce qu’on appelle le
solde financier.
La partie de droite est l’excédent de la balance commerciale ou solde
courant. Il correspond à la demande nette de biens domestiques par le reste
du monde. Les fluctuations de cette demande nette conduisent à des
fluctuations de la production nationale (et donc de l’emploi). C’est pour cette
raison que le solde courant est un élément important des discussions de
politique économique.
Un pays qui exporte plus que ce qu’il importe (la Chine ou l’Allemagne
par exemple) est dit en excédent courant. Par définition, c’est aussi un pays
qui épargne plus qu’il investit. Il n’a pas d’autre choix que d’exporter une
partie de son épargne excédentaire pour l’investir à l’étranger. Il devient
donc créditeur du reste du monde.
A l’inverse, un pays comme les Etats-Unis ou la France, en déficit
courant récurrent, est un pays qui consomme plus que ce qu’il produit/ qui
investit plus que ce qu’il épargne. Pour financer cette consommation
excédentaire, il a besoin d’emprunter à l’étranger, il devient donc
emprunteur net vis-à-vis du reste du monde.
III. LA PRESENTATION DE LA BALANCE DES PAIEMENTS
L’interdépendance entre les flux réels et financiers est prise en compte
dans la balance des paiements, un document comptable qui décrit l’ensemble
des transactions du pays avec le reste du monde, au cours d’une période
donnée. Les statistiques de balance des paiements sont une source utile de
données en économie internationale. Comme toute table comptable, la
balance des paiements inscrit les transactions au débit ou au crédit du pays.
Les transactions au débit correspondent à des transactions conduisant
à un paiement de l’économie nationale à l’étranger. Les transactions au
crédit impliquent un paiement du reste du monde au pays considéré.
La balance des paiements se présente sous la forme d'un état comptable
dans lequel les opérations sont regroupées dans quatre grands comptes. Un
poste résiduel (les erreurs et omissions nettes) sert à compenser les faiblesses
de la collecte statistique.
La disposition des quatre comptes et l'ordre d'enregistrement des
opérations au sein de chaque compte suivent la même logique : on va des
opérations les moins liquides vers les opérations les plus liquides. C'est
pourquoi on enregistre successivement les opérations concernant les actifs

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réels (échanges de biens et services par exemple), les actifs financiers
(investissements) et les actifs monétaires.
De haut en bas du tableau représentatif de la balance des paiements,
on trouve donc les principaux comptes suivants : le compte des transactions
courantes ; le compte de capital ; le compte d'opérations financières ; le
compte des réserves et postes apparentés.
1. Le compte des transactions courantes
Le compte des transactions courantes regroupe toutes les transactions
privées et publiques portant sur des valeurs économiques autres que des
actifs financiers entre résidents et non-résidents. Les transactions sont
classées par ordre de liquidité croissante : échanges de biens et services,
rémunération des salariés et revenus des investissements, transferts sans
contreparties: aides aux développement, transferts d'épargne des
travailleurs émigrés ou immigrés.
2. Le compte de capital
Le compte de capital regroupe les transferts de propriété des actifs
fixes, les transferts de fonds liés à la cession ou à l'acquisition de ces actifs,
les acquisitions et cessions d'actifs non financiers non produits (brevets,
contrats de locations, actifs incorporels, etc.), les remises de dettes des
administrations publiques.
3. Le compte d'opérations financières
Le compte d'opérations financières (hors avoirs de réserves) regroupe
toutes les transactions financières et monétaires des secteurs public et privé.
Les différents comptes financiers sont classés par ordre de volatilité
croissante des opérations. Le compte des investissements directs enregistre
les prises de participation dans le capital d'une entreprise pour des motifs de
prise de contrôle totale ou partielle. Le compte des investissements de
portefeuille regroupe les opérations de placement à caractère spéculatif sans
recherche de prise de contrôle. Le compte des autres investissements
recouvre les crédits commerciaux, les prêts à court et moyen termes, les
crédits et prêts du FMI, etc.
4. Le compte des avoirs de réserves et postes apparentés
Le compte des avoirs de réserves et postes apparentés enregistre
séparément l'ensemble des opérations monétaires de l'État. Par exemple,
l'achat par la banque centrale de devises étrangères au moyen de monnaie
nationale s'inscrit au débit au compte des avoirs de réserves.

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TABLEAU : STRUCTURE DE LA BALANCE DES PAIEMENTS
Titres-Posts-Rubriques Crédits Débits Soldes
I. Compte de transactions
courantes Exportations Importations
a. Biens
b. Services
c. Autres biens et services Reçus versés
d. Revenu
e. Transferts courants
II. Balance courante
III. Compte de capital
a. Transferts en capital Reçus versés
b. Aquisitions d’actifs non
financiers
IV. Balance de capitaux
V. Compte financier
a. Investissements directs IDE au ID Maroc/E
b. Investissements de portefeuille Maroc
c. Autres investissements
d. Avoirs et réserves
VI. Erreurs et omissions nettes
VII. Total (Balance des paiements)

Supposons qu’une entreprise marocaine achète un bien à une société


anglaise. Le paiement du bien par l’entreprise marocaine est inscrit au débit
de la balance courante du Maroc. Lorsque l’entreprise marocaine paie le
fournisseur, par exemple par virement bancaire sur son compte anglais, une
seconde transaction est enregistrée au crédit du compte financier. Cette
transaction correspond au transfert d’un actif financier du Maroc vers
l’Angleterre, un titre de dette de la banque anglaise sur la banque marocaine.
IV. L’UTILITE DE LA BALANCE DES PAIEMENTS
La balance des paiements permet de calculer, avec la comptabilité
nationale, des indicateurs intéressants pour la mesure et l’interprétation du
commerce international :
1. Le solde commercial
C’est la différence des exportations (X) et des importations (M) (𝑿 −
𝑴) au cours d'une période déterminée, qui est le plus souvent un mois, un
trimestre ou une année. On parle aussi de balance commerciale. Lorsque le
solde est positif, on parle d'excédent commercial, alors que s'il lui est négatif,
on parle de déficit commercial.

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𝑿
2. Taux de couverture : × 𝟏𝟎𝟎
𝑴

Si ce rapport est égal à 100, cela signifie que le solde de la balance


commerciale (𝑿 – 𝑴) est nul. Si ce rapport est supérieur à 100, la balance est
excédentaire, si ce rapport est inférieur à 100, la balance est déficitaire.
𝑴
3. Le taux de pénétration du marché intérieur : × 𝟏𝟎𝟎
𝑷𝑰𝑩

Aussi appelé coefficient de dépendance, ce taux permet de connaître la


part des importations dans le PIB et de savoir si un pays est plus ou moins
dépendant de l’extérieur.
𝑿
4. Le taux d’extraversion de l’économie : × 𝟏𝟎𝟎
𝑷𝑰𝑩

Mesure la part du P IB d’un pays consacrée à l’exportation.


∆𝑴

5. L’élasticité des importation par rapport au PIB : 𝑴


∆𝑷𝑰𝑩 × 𝟏𝟎𝟎
𝑷𝑰𝑩

Rapport qui étudie comment varie les importations quand le PIB varie.
Généralement quand le PIB augmente plus vite, les importations augmentent
elles aussi plus vite. En effet, quand la production repart à la hausse, les
besoins en matières premières, par exemple, sont plus importants d’où un
recours à la hausse des importations. Quand la situation se dégrade dans un
pays, celui-ci se met généralement à réduire ses importations.
𝑿+𝑴

6. Le taux d'ouverture ou degré d’ouverture : 𝟐


𝑷𝑰𝑩

Il mesure la place que tient le reste du monde dans l'économie d'un


pays. Il mesure le niveau de la contrainte extérieure et s'évalue par de
multiples éléments significatifs et informatifs du degré d'échange d'une
économie avec le reste du monde. Ainsi des flux comme les importations et/ou
exportations nettes peuvent être utilisés. Des rapports significatifs (ratios)
peuvent l'être aussi. Dans ce sens, le taux de dépendance par exemple peut
être mesuré par les importations, exportations ou leur moyenne rapportée au
PIB. Le taux de couverture des importations par les exportations peut être
utilisé dans ce sens.
𝑰𝒏𝒅𝒊𝒄𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒑𝒓𝒊𝒙 𝒅𝒆𝒔 𝒆𝒙𝒑𝒐𝒓𝒕𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔
7. L’indice des termes de l'échange :
𝑰𝒏𝒅𝒊𝒄𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒑𝒓𝒊𝒙 𝒅𝒆𝒔 𝒊𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔

Les termes de l'échange désignent le pouvoir d'achat de biens et


services importés qu'un pays détient grâce à ses exportations. Cet indicateur
permet de mesurer les conséquences de l’évolution des prix relatifs sur le

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commerce extérieur. On compare les prix relatifs des produits exportés par
rapport aux prix des produits importés.
Une dégradation des termes de l’échange signifie que les prix des
importations augmentent plus vite que ceux des produits exportés, et qu’il
faut donc augmenter le volume des exportations. Cet Indice correspond à une
amélioration des termes de l'échange lorsque, par exemple, un pays vend plus
cher ses exportations pour un prix à l'importation constant.
L'évolution des termes de l'échange ne détermine pas seule l'évolution
de la balance commerciale, qui reflète à la fois des prix et des volumes. La
relation entre une variation des termes de l'échange et l'évolution de la
balance commerciale est indécidable à priori, et dépend largement de
l'élasticité de la demande à court terme puis à long terme. Empiriquement,
on constate en général qu'une dégradation des termes de l'échange
s'accompagne dans un premier temps d'une dégradation du solde de la
balance commerciale, puis dans un second temps d'une amélioration du solde
8. La compétitivité
Elle constitue un élément crucial pour l’économie d’un pays. En effet,
la question de l’attractivité d’une économie pour attirer les IDE et le
maintien des investissements existants est conditionnée par sa compétitivité.
On distingue ici deux forme de compétitivité :
 La compétitivité-prix : est la capacité d'une entreprise d'une
industrie ou d'un pays à faire face à la concurrence en imposant
ses produits grâce à des prix relativement bas. Elle dépend de
trois facteurs : les coûts de production, les marges de l'entreprise
et le taux de change de la monnaie nationale.
 La compétitivité-produit (ou compétitivité structurelle ou hors
prix) : est la capacité d'une entreprise, d'une industrie ou d'un
pays à faire face à la concurrence en imposant ses produits
indépendamment de leurs prix mais de façon à ce qu’ils
répondent le mieux possible à la demande en termes
d’innovation, de fiabilité, d'image de marque, de réseau
commercial, de service après-vente, de conditions de
financement, de respect des délais de livraison…
La compétitivité-prix se mesure par le rapport entre les prix des
exportations des pays partenaires avec le prix des exportations du pays
(parfois est calculé la compétitivité-coût qui est le même rapport mais des

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coûts salariaux unitaires, c'est-à-dire par biens produits). La compétitivité
structurelle étant de nature qualitative ne se mesure pas vraiment.
9. La contrainte extérieure :
C’est la perte d’autonomie des politiques économiques liée à la
nécessité d’équilibrer ses comptes extérieurs. Ce sont les politiques de relance
par la demande qui sont contraintes par l’insertion dans l’économie
mondiale. Ainsi, une politique de relance budgétaire, qui augmente la
consommation et l’investissement intérieurs, peut se traduire par des
importations de biens de consommation et de bien de productions ce qui
dégrade le commerce extérieur. Cela peut se traduire, s’il y a déficit
commercial, par un endettement extérieur. De même, une politique de baisse
des taux d’intérêt (pour relancer l’investissement) peut se traduire par une
moindre épargne étrangère qui se place dans le pays ce qui peut réduire le
financement de l’activité économique.
V. FACTEURS AGISSANT SUR LA BALANCE DES PAIEMENTS.
L’équilibre de la balance des paiements est affecté de différentes
manière et selon le niveau concerné : transactions commerciales ou compte
financier.
La balance commerciale est influencée par la conjoncture, les
décalages de la compétitivité (prix et qualité), l’évolution des élasticités de la
demande étrangère (de la production nationale : exportations) et de la
demande nationale des biens étrangers (les importations), les importations
incompressibles, l’évolution des termes de l’échange…, en particulier les prix
de de l’énergie & matières premières. Les effets de la spécialisation
géographique (sur les grands marchés, en croissance ou stagnants), par
produits (consommation, matériels de production, tourisme) et selon le
niveau technologique. Enfin, l’effet de la réaction de l’offre nationale aux
variations de la demande étrangère (élasticité d’offre), des prix mondiaux et
de l’évolution du des changes.
Concernant les facteurs agissant sur le compte financier, on trouve :
Mouvements de capitaux : contrepartie de la capacité ou du besoin de
financement interne.
Investissements directs et de portefeuille selon l’attractivité du pays.
Variation de l’endettement des banques, de variations de taux de change et
de taux d’intérêt.

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CHAPITRE II : LES APPROCHES CLASSIQUES DU COMMERCE
INTERNATIONAL

La théorie (néo)-classique de l’échange international trouve ses


fondements dans le concept d’avantages comparatifs. Cette notion permet de
montrer en quoi le libre-échange est meilleur que le protectionnisme et
pourquoi les pays ont intérêt à se spécialiser dans les secteurs où ils disposent
de tels avantages.
I. L’AVANTAGE ABSOLU CHEZ ADAM SMITH
Dans « La richesse des nations (1776) », Adam Smith présente, en
rupture avec l’analyse mercantiliste, le commerce international comme un
jeu à somme positive. Pour chaque produit, il est préférable de l’importer s’il
peut être produit plus efficacement à l’étranger. Un pays se spécialise donc
dans la production des biens pour lesquels il a un avantage absolu, c’est-à-
dire qu’il est capable de produit à un coût plus faible que les pays étrangers.
L’ouverture commerciale et la spécialisation qui en découle, donc la division
internationale du travail, sont une source d’enrichissement pour chaque
nation. Comme ce sera le cas chez les classiques et les néo-classiques en
général, le gain à l’échange passe par les importations, non par les
exportations, car c’est grâce à elles que le pays peut se spécialiser dans les
productions pour lesquelles il est le plus efficace.
L’analyse d’Adam Smith repose sur un ensemble d’hypothèses :
i. D’abord, cette analyse passe d’une situation d’autarcie au libre-
échange. Elle suppose que, avant l’ouverture, l’offre et la demande
nationales sont en équilibre dans chaque pays ;
ii. Elle considère ensuite que les biens sont parfaitement mobiles
contrairement à l’unique facteur de production (le travail) qui est
parfaitement immobile ;
iii. Enfin, les prix relatifs des biens sont proportionnels à la quantité de
travail contenus dans chaque bien et les rendements d’échelle sont
constants.
Pour comprendre la logique d’Adam Smith, considérons l’exemple
suivant ave deux pays, A et B, produisant deux biens (blé et vêtement).

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T ABLEAU 1 : Q UANTITE DE TRAVAIL PAR UNITE DE BIEN
Pays A Pays B
Vêtement 100 60
Blé 80 110

On observe que le pays B est plus productif que le pays A dans la


production de vêtement (puisque 60 < 100). Inversement, A est plus productif
que B pour ce qui est du blé (puisque 80 < 110). Chaque pays possède un
avantage absolu de productivité sur son partenaire. Il est donc mutuellement
avantageux que chaque pays concentre toutes ses ressources à produire le
bien pour lequel il a un avantage absolu. Le pays B utilisera donc tout son
travail à produire des vêtements et le pays A ne produira que du blé. C'est ce
que l'on appelle la spécialisation internationale. Cette spécialisation ne peut
avoir lieu que si les deux pays ont des échanges commerciaux. Grâce à ces
échanges, les deux pays pourront consommer les deux biens. Le pays A
importera des vêtements en échange de ses exportations de blé et le pays B
importera du blé en échange de ses exportations de vêtements.
On peut montrer que ces échanges sont mutuellement bénéfiques de la
façon suivante :
Supposons que les biens s'échangent à raison des quantités de travail
nécessaires à leur production. Par conséquent, puisqu'une unité de blé
produite par A nécessite 80 heures de travail et qu'une unité de vêtements
produite par B nécessite 60 heures de travail, A pourra obtenir 80/60 = 4/3
=1,33 de vêtements contre une unité de blé exporté (au lieu de 80/100=0,80 en
l'absence d'échanges).
Réciproquement, B pourront obtenir 60/80 = 3/4 = 0, 75 unité de blé
contre une unité de vêtements exporté (au lieu 60/110 = 0,545 en l'absence
d'échange). Ainsi les deux pays bénéficient de l'échange.
Cet exemple simplifié montre que la spécialisation internationale est
bénéfique. On voit aussi qu'elle présuppose une réallocation des ressources à
l'intérieur des deux pays :
 Chaque pays renonceA à produire un des deux biens pour
produire davantage de l'autre. Ici, la réallocation des ressources
concerne le travail ;
 Cela signifie que bans B, les individus qui travaillaient dans la
production des vêtements sont réemployés dans la production du
blé ; De même, les individus qui travaillaient dans la production
du blé dans A sont réemployés dans la production des vêtements.

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Cette théorie repose sur l’hypothèse selon laquelle chaque pays est
meilleur dans certains secteurs de production. Elle ne nous apprend rien
dans le cas où un pays serait meilleur pour l’ensemble des secteurs de
production. La réponse à cette question est apportée par Ricardo : deux pays
bénéficiant d’avantages comparatifs différents ont intérêt à se spécialiser et
à échanger les produits pour lesquels leur productivité est relativement
meilleure, contre des produits pour lesquels ils sont relativement moins
performants.
II. LES AVANTAGES COMPARATIFS CHEZ RICARD
Dans la théorie des avantages absolus de Smith, un pays n’ayant
d’avantage absolu pour aucun bien ne parvient pas à commercer avec
l’extérieur et, un pays ayant un avantage absolu dans la production de tous
les biens n’a pas intérêt à échanger. Dans ses « Principes de l’économie
politique et de l’impôt (1817) », David Ricardo va plus loin en donnant
naissance à la théorie de l’avantage comparatif, c’est-à-dire le principe selon
lequel chaque pays a intérêt à se spécialiser dans le produit pour lequel il est
le plus avantagé ou le moins désavantagé relativement aux autres produits.
Tout pays a un avantage comparatif, même s’il n’a aucun avantage absolu,
et a donc intérêt à s’ouvrir au commerce extérieur. Ceci peut être montré
dans un modèle à deux biens et reste vrai si l’on considère un nombre
quelconque de biens. Dans ce cas, le rapport des salaires joue un rôle crucial
dans le partage des biens en deux classes, les biens exportés et les biens
importés.
1. Coûts en travail et spécialisations

Supposons que deux pays, notés A et B, produisent deux biens, le blé et


les vêtements s, grâce à un seul facteur primaire, le travail. Ce dernier circule
librement entre la branche «blé» et la branche «vêtements », à l’intérieur de
chaque pays, mais ne franchit jamais la frontière pour aller dans l’autre
pays. Les besoins unitaires en travail (ou coûts unitaires) diffèrent dans
chaque pays, en raison de technologies différentes et/ou d’avantages naturels
différents (climat, qualité des sols, etc.). On suppose (tableau1.1) que le
nombre d’unités de travail nécessaires à la production d’une unité de bien
est plus faible, dans les deux branches, dans le pays A. Celui-ci dispose donc
d’avantages absolus par rapport à B, ce qui pourrait conduire à conclure que
le pays A doit exporter les deux biens vers B. En fait, comme cela va être
montré, l’intérêt des deux pays est ailleurs. Pour que les deux profitent de
l’échange, il faut que A exporte du blé vers B et que B exporte des vêtements
vers A.

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TABLEAU 2 : NOMBRE D'HEURES DE TRAVAIL POUR PRODUIRE UNE UNITE
DE CHAQUE BIEN

Pays A Pays B
Blé 40 100
Vêtements 60 80

Si A reste en autarcie, il obtient, en renonçant à produire une unité de


blé, 2/3 unité de vêtements. Si, en vendant sur le marché international une
unité de blé il reçoit de B plus que 2/3 unité de vêtements, sa situation
collective s’améliore, il gagne à l’échange par rapport à l’autarcie.
Symétriquement, si B reste en autarcie, il obtient, en renonçant à
produire une unité de vêtements, 4/5 d’unité de blé. En échangeant avec A, il
peut obtenir plus de 4/5 d’unité de blé contre une unité de vêtements, il
bénéficie d’un gain par rapport à l’autarcie.
Ainsi tout prix de vêtements, en termes de blé, situé entre 4/5 et 3/2 est
avantageux pour les deux pays. Contre chaque unité de vêtements, B reçoit
plus de blé que s’il le produisait lui-même, et contre chaque unité de blé, A
reçoit plus d’unité de vêtements que s’il les produisait lui-même.
Ce sont donc les coûts relatifs, 4/5 et 3/2, et non les coûts absolus, qui
déterminent les avantages de l’échange. Ces avantages sont qualifiés
d’avantages comparatifs.
2.Prix de l’échange dans le modèle des avantages comparatifs

La détermination de la position précise du prix de l’échange nécessite


de disposer d’autres éléments que les coûts. Dès lors en effet que l’on connaît
la taille des pays (nombre total d’unités de travail disponibles) et les
comportements de consommation, il est possible de préciser toutes les
caractéristiques de l’échange, en particulier le prix.
Supposons que le nombre d’unités de travail disponibles dans le pays
A soit de 120 000 et que celui du pays B soit de 200 000. Nous désignons par
𝒑 le prix d’une unité de vêtements en termes de blé (p= nombre d’unités de
blé à payer pour obtenir une unité de vêtements ). Le blé étant choisi comme
numéraire (son prix vaut 1), le revenu national (RN) évalué en blé dans un
pays est défini par la relation suivante:
𝑹𝑵 = 𝑷𝒐𝒅𝒖𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅𝒆 𝒃𝒍é + 𝒑(𝑷𝒓𝒐𝒅𝒖𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅𝒆 𝒗ê𝒕𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕𝒔)
On admet par ailleurs que les consommateurs consacrent 50% de leur
revenu aux achats de blé et 50% aux achats de vêtements s.
a) L’équilibre en autarcie

15
En autarcie, le prix relatif d’une unité de vêtements en termes de blé
est égal au rapport des coûts en travail: dans le pays A, ce prix est égal à 60/40
= 1,5 et dans le pays B, il s’élève à 80/100 = 0,8.
En autarcie, le revenu est égal à la production maximum possible de
𝟏𝟐𝟎 𝟎𝟎𝟎
blé : en A le revenu national (RNA) vaut donc = 𝟑 𝟎𝟎𝟎 unités de blé
𝟒𝟎
𝟐𝟎𝟎 𝟎𝟎𝟎
et, en B, RNB s’élève à = 𝟐 𝟎𝟎𝟎 unités de blé.
𝟏𝟎𝟎
Les quantités consommées (C) et produites (P) de chaque bien
correspondent à ces revenus nationaux :
 C de blé en A= P de blé en A = 0,5 × RNA = 0,5 × 3 000 = 1 500
unités de blé;
 C de vêtements en A = P de vêtements en A = 0,5 × (RNA-/ 1,5 =
0,5 × 2 000 = 1 000 vêtements s ;
 C de blé en B = P de blé en B = 0,5 × RNB = 0,5 × 2 000 = 1 000
unités de blé;
 C de vêtements en B = P de vêtements en B = 0,5 × (RNB) / 0,8 =
0,5 × 2 500 = 1 250 vêtements s.

TABLEAU 3 : L'EQUILIBRE EN AUTARCIE


Pays A Pays B Total
Productionde blé 1500 1000 2500
Production de vêtements 1000 1250 2250
Revenu national 3000 2000 5000
Consommation de blé 1500 1000 2500
Consommation de vêtements 1000 1250 2250

b) L’équilibre de libre-échange

Supposons maintenant que les deux pays échangent. Comme aucun des
deux n’élève d’obstacle à l’entrée des importations et comme il n’existe aucun
coût de transport, le prix relatif p de l’échange entre A et B est identique au
prix relatif qui s’établit à l’intérieur de chaque pays. Ce prix va se situer
𝟒 𝟑
nécessairement entre les prix relatifs d’autarcie: ≪ 𝒑 ≪ .
𝟓 𝟐
Dans notre exemple, le prix est strictement compris dans la fourchette
des prix d’autarcie. Montrons-le. Pour ce faire, partant de l’hypothèse que p
est conforme à cette condition, nous déterminons son niveau qui se révèle être
compatible avec les contraintes de l’échange international, c’est-à-dire avec
l’égalité entre exportations et importations sur chaque marché. Puisque 𝒑 est
intermédiaire, le pays A se spécialise totalement dans la production de blé,
car son prix relatif 1/p est supérieur à celui d’autarcie qui vaut 2/3. De même,
le pays B se spécialise totalement dans la production de vêtements dont le
prix relatif 𝒑 est supérieur au prix d’autarcie qui vaut 4/5. A produit donc

16
𝟑 𝟎𝟎𝟎 unités de blé et aucune unité de vêtements, tandis que B produit 2 500
vêtements et aucune unité de blé.
Le revenu national évalué en blé s’élève à 3 000 dans le pays A et à 2
𝟓𝟎𝟎 × 𝒑 dans le pays B. La consommation de blé en A est égale à 0,5 × 3 000
= 1 500 unités de blé et celle de B vaut 0,5 × 2 500× 𝒑 = 1 250p unités de blé.
Puisque les pays échangent, l’exportation de blé par A est égale à
l’importation par B :
𝟑 𝟎𝟎𝟎 – 𝟏 𝟓𝟎𝟎 = 𝟏 𝟐𝟓𝟎 × 𝒑
Le prix 𝒑 se fixe donc : 𝒑 = 𝟏 𝟓𝟎𝟎 / 𝟏 𝟐𝟓𝟎 = 𝟏, 𝟐
Ce prix est bien conforme à l’hypothèse de départ puisqu’il est compris
entre 4/5 et 3/2.
La connaissance de ce prix permet de préciser toutes les
caractéristiques de l’équilibre international. Celles-ci figurent dans le
tableau1.2.
Comme la consommation de blé est la même qu’en autarcie, on peut
apprécier le gain de l’échange pour A par le surcroît de consommation de
vêtements rendu possible par l’ouverture, égal à :
𝟏 𝟐𝟓𝟎 – 𝟏 𝟎𝟎𝟎 = 𝟐𝟓𝟎 𝒖𝒏𝒊𝒕é𝒔 𝒅𝒆 𝒗ê𝒕𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕𝒔
Symétriquement la consommation de B en vêtements est la même qu’en
autarcie, et le gain de l’ouverture peut se mesurer par le supplément de
consommation de blé, par rapport à l’autarcie, soit :
𝟏 𝟓𝟎𝟎 – 𝟏 𝟎𝟎𝟎 = 𝟓𝟎𝟎 𝒖𝒏𝒊𝒕é𝒔 𝒅𝒆 𝒃𝒍é
Les échanges sont équilibrés : l’exportation de chaque bien est égale à
l’importation.
L’exemple numérique qui vient d’être exposé illustre le résultat
général suivant : dans le modèle des avantages comparatifs, si le prix relatif
de l’échange est strictement compris entre les coûts relatifs:
 Chaque pays est totalement spécialisé dans la production du bien
qui bénéficie d’un avantage comparatif ;
 Cette spécialisation permet à chaque partenaire d’obtenir un
gain par rapport à l’autarcie.

TABLEAU 4 : LE LIBRE-ECHANGE DANS LE MODELE DES AVANTAGES


COMPARATIFS

Pays A Pays B Total


Productionde blé 3 000 0 3 000
Production de vêtements 0 2 500 2 500
Revenu national 3000 3 000 6 000
Consommation de blé 1500 1 500 3 000
Consommation de vêtements 1 250 1250 2 500
Exportation 1 500 + 1 250 2 750
Importation -1 250 - 1 500 - 2 750

17
Les gains à l’échange sont liés au coût d’opportunité qui, en autarcie,
est supporté par le pays mobilisant des ressources pour produire un bien
alors que ces ressources pourraient être utilisées plus efficacement dans la
production d’un autre bien ; c’est également le coût d’opportunité qui justifie
la spécialisation même dans le cas où un pays un avantage absolu dans la
production de tous les biens. La division internationale du travail (la
spécialisation) s’explique ici par des différences de productivité du travail
associées à des techniques de production différentes selon les pays et
considérées comme des données.
Le modèle de Ricardo est un modèle à un seul facteur de production,
le travail, mobile au sein des nations, immobile au niveau international. Les
coûts de transport sont supposés négligeables. Une conséquence du modèle
est que la spécialisation des pays est totale : chaque pays ne produit qu’un
seul bien. Les coûts relatifs des biens dans les pays déterminent une
fourchette de prix relatifs de ces biens à l’intérieur de laquelle les échanges
commerciaux sont mutuellement avantageux ; c’est John Stuart Mill, dans
ses Principes d’économie politique (1848) qui complétera le modèle en
introduisant la demande pour chacun des biens dans les deux pays, ce qui
détermine le prix (relatif) d’équilibre au niveau international, selon le
principe de l’offre et de la demande.
III. UNE SPECIALISATION DETERMINEE PAR LES DOTATIONS FACTORIELLES :
LE MODELE HOS

Le modèle, considéré comme l’aboutissement de la théorie des


avantages comparatifs, est développé par les économistes suédois Eli
Heckscher (1919) et Bertil Ohlin (1933) puis par Paul Samuelson (1948),
appelé modèle HOS.
Fondamentalement, le modèle justifie l’ouverture commerciale sur
l’extérieur, donc le libre-échange, de la même façon que Ricardo : le
commerce avec l’extérieur accroit l’efficacité économique en permettant à
chaque pays de se spécialiser dans les productions pour lesquelles il dispose
d’un avantage comparatif et la structure du commerce international
s’explique par des différences de coûts d’opportunité selon les pays.
La différence avec le modèle de Ricardo se trouve dans la source des
avantages comparatifs. Elle ne réside plus dans des différences dans les
techniques de production mais dans des différences de dotations factorielles
(travail, capital…) : un pays a un avantage comparatif dans la production

18
qui est intensive dans le facteur relativement abondant (théorème d’Ohlin ou
d’Heckscher-Ohlin). Le principe de l’offre et de la demande conduit à un
prix (relatif) d’équilibre (unique) pour tous les biens au niveau international.
Il est important de bien comprendre que, comme chez Ricardo, ce sont les
mécanismes de marché (la concurrence), et eux seuls, qui sont à l’œuvre dans
ce modèle (néo-classique) : ils déterminent la spécialisation des pays et les
prix d’équilibre.
Comme chez Ricardo, le modèle HOS suppose que les facteurs de
production sont mobiles à l’intérieur des pays mais immobiles
internationalement1, que les coûts de transport sont négligeables. En
revanche, le modèle HOS prend en compte deux facteurs de production, le
capital et le travail (donc pas seulement le travail comme chez Ricardo) et
suppose des technologies (donc des fonctions de production) identiques pour
tous les pays. La spécialisation des pays n’est pas totale.
1. Hypothèses modèle HOS

i. Deux pays I et II qui produisent deux biens : vêtements (V) et automobiles


(A) ;
ii. La production de A est plus capitalistique ;
iii. Les différences nationales proviennent de différences de dotations en
facteur de production : dans le pays I , le facteur travail est plus abondant
et donc le salaire horaire est plus faible que dans le pays II;
iv. Les biens sont parfaitement mobiles ;
En autarcie, chaque pays produit les deux biens (pas de spécialisation
dans les secteurs pour lesquels les facteurs de production sont les plus
abondants). Les prix relatifs sont différents et le prix de A est plus bas dans
le pays II. Avec l’ouverture à l’échange international, les prix des biens
tendent à s’uniformiser et chaque pays va tendre à se spécialiser : pays I en
V et pays II en A. L’ouverture au commerce tend à faire converger les prix
relatifs : le prix de V va donc augmenter dans le pays I et diminuer dans le
pays II et inversement dans le pays II. La hausse des prix de V dans le pays I
fait diminuer la demande et augmenter l’offre qui est écoulée via l’échange
international.
2. Les effets de l’ouverture sur la rémunération des facteurs de production :T
le théorème de Stolper et Samuelson (1941)

1
Si les facteurs de productions étaient mobiles, les travailleurs quitteraient le pays I pour aller dans le pays
II où les salaires horaires sont plus élevés.

19
L’accroissement du prix relatif du bien pour lequel le pays a un
avantage comparatif augmente la rémunération du F.P. qui est utilisé
intensivement dans la production. La convergence dans les prix relatifs
conduit aussi à une convergence dans les rémunérations des F.P. (salaire
horaire et coût du capital).
En l’absence de commerce, le facteur travail est moins bien rémunéré
dans le pays I que dans le pays II. Sans commerce, le prix des vêtements dans
le pays I est relativement plus faible que dans le pays II. Lorsque I et II ont
des échanges commerciaux, les prix relatifs des biens (V et A) convergent.
Cette convergence à son tour entraîne une convergence des prix relatifs
des facteurs de production. Il existe donc une tendance à l’égalisation des
prix des facteurs de production. Pour comprendre comment cette égalisation
s’opère, il faut réaliser que lorsque I et II ont des échanges commerciaux,
ceux-ci ne se limitent pas uniquement aux échanges de biens I et II) mais
également de façon indirecte aux échanges de facteurs de production. En
effet, I permet à II d’utiliser une partie de son facteur de production
abondant (L). Cette utilisation ne s’effectue pas par une vente directe de I à
II de son facteur de production L mais par des exportations de biens plus
intensifs en facteur L avec II en échange de biens moins intensifs en L. Les
biens que I échange requièrent davantage de facteur L que les biens qu’il
importe en provenance de II, c’est-à-dire que les exportations de I sont plus
intensives en L que ses importations. Ainsi indirectement, I exporte son
facteur de production L qui est incorporé dans ses exportations intensives en
facteur L. De manière symétrique, les exportations de II sont plus intensives
en facteur capital que ses importations en provenance de I. Vu de cette
manière, il n’est pas étonnant que le l’ouverture aux échanges commerciaux
conduit à une égalisation des prix des facteurs de production.
3. Evolutions des dotations factorielles et modification de la spécialisation.

Dans son article de 1955, l’économiste polonais Tadeusz Rybczynski


démontre que l’évolution des dotations factorielles dans un pays modifie sa
spécialisation de la manière suivante : « Pour un prix relatif donné, une
augmentation de la dotation en un facteur de production augmente la
production du bien qui est intensif dans ce facteur et diminue la production
de l'autre bien. » (Théorème de Rybczynski (1955)).
Ainsi, des pays connaissant un processus de croissance économique (et
d’accumulation du capital) rapide peuvent glisser d’une spécialisation dans
des biens intensifs en travail vers une spécialisation dans des biens intensifs

20
en capital. Un autre scénario est évidemment possible : celui dans lequel c’est
le pays abondant en capital qui a un rythme d’accumulation du capital élevé
et le pays abondant en travail qui a une croissance démographique élevée, les
spécialisations initiales ayant alors tendance à se renforcer. Le modèle HOS
n’a en effet pas pour vocation d’expliquer ni l’accumulation du capital (c’est
le rôle des modèles de croissance) ni la croissance démographique (souvent
considérée comme exogène dans les modèles économiques).
IV. LES TESTS EMPIRIQUES DE LA THEORIE DES AVANTAGES COMPARATIFS
1. Le paradoxe de Leontief et ses suites

Si le modèle de Ricardo s’est révélé difficile à tester empiriquement, en


revanche le modèle HOS a été l’objet de plusieurs travaux sur le contenu en
services de facteurs des exportations et importations de différents pays.
L’étude de Wassily Leontief menée dans les années 1950 porte sur 200
industries en 1947 aux Etats-Unis. Il s’agit incontestablement de l’économie
la plus industrialisée du monde à cette époque, autrement dit d’un pays
(relativement) abondant en capital : on s’attendait donc à ce que les Etats-
Unis importent des biens (relativement) intensifs en travail et exportent des
biens (relativement) intensifs en capital. Or, le travail de Leontief révèle que
les industries des produits importés aux E-U utilisent 30% de + de capital
par travailleur que celles des produits exportés. Ce résultat a alors été appelé
« paradoxe de Leontief ».
2. Les travaux empiriques postérieurs à celui de Wassily Leontief

L’essentiel. Le paradoxe de Leontief a initié de nombreux travaux


empiriques dont les résultats apparaissent moins défavorables pour la
théorie des avantages comparatifs. Par exemple, certains montrent que la
pertinence empirique du modèle HOS peut se rétablir en décomposant
géographiquement les exportations selon qu’elles concernent des pays
développés ou des pays en développement ou en prenant en compte
l’abondance relative en capital humain, à côté de celles en capital physique
et en travail non qualifié. D’autres encore montrent que la prise en compte à
la fois des différences de dotations factorielles (modèle HOS) et les différences
de productivité selon les pays (modèle ricardien) permet assez bien
d’expliquer la structure des exportations. De manière assez générale, les
différences de dotations factorielles expliquent relativement bien les
échanges internationaux dans le cas où les dotations factorielles des pays sont

21
très éloignées (échanges Nord-Sud) et où les différences techniques
interviennent peu (produits banalisés).
Tatemoto et Ichimura (1959) montrent qu’au Japon, le paradoxe de
Leontief disparaît quand on procède à une décomposition géographique
(PVD/PD) des exportations. Stern et Maskus (1981) révèlent que le paradoxe
se vérifie aux E-U en 1958 mais a disparu en 1972. Kim (1983) montre qu’en
Corée, l’évolution de la structure des échanges par produit entre 1960 et 1980
s’explique correctement par l’évolution des dotations factorielles. Baldwin
(1971) étudie le contenu en facteurs des exportations américaines pour 1962
et montre que, relativement aux travailleurs (étrangers) des industries des
biens importés, les travailleurs (américains) des industries des biens exportés
: 1) ont un niveau d’éducation plus élevé, 2) sont plus fréquemment des
ingénieurs et des scientifiques. Selon Trefler (1995), les importations
européennes de biens intensifs en travail devraient être gigantesques en
volume si la faible dotation en facteur travail était l’explication (c’est le «
mystère du commerce manquant ») mais souligne cependant que le « mystère
» disparaît en partie lorsque l’on prend en compte les différences
internationales de productivité.

22
CHAPITRE III : LES APPROCHES MODERNES DU COMMERCE
INTERNATIONAL

INTRODUCTION : POURQUOI UNE « NOUVELLES » THEORIES ?


La nouvelle théorie du commerce international est née pour répondre
aux insuffisances de la théorie classique et notamment à son incapacité
d’expliquer des évolutions du commerce international :
i. Le développement du commerce surtout entre pays
industrialisés aux dotations factorielles comparables ;
ii. L’augmentation du commerce intra-branche ;
iii. Le rôle majeur des FMN ;
La nouvelle théorie repose sur des intuitions qu’avaient eues de
nombreux économistes par le passé. Mais pour la première fois ces intuitions
sont formalisées mathématiquement et intégrées à de très complexes modèles
abstraits. Les travaux de recherches dans cette théorie se focalisent sur trois
grands axes qui se recoupent :
i. Le commerce international est au moins partiellement déterminé
par des conditions d’économies d’échelle ;
ii. Par des phénomènes différenciation des produits ;
iii. Par les stratégies des FMN
La prise en compte des stratégies des firmes multinationales consiste
d’abord à analyser le comportement de firmes « price-maker » (cadre de
concurrence imparfaite). Elle consiste aussi, pour certains modèles des «
nouvelles » théories, à analyser les stratégies d’internationalisation des
firmes (investissements directs à l’étranger), donc à sortir d’un cadre où les
facteurs de production (capital) sont immobiles internationalement.
Avant que n’émergent les « nouvelles » théories, les travaux de Vernon
(1966) (théorie du cycle de vie des produits) et d’Akamatsu (1937,1962) (vol
d’oies sauvages), entre autres, décrivaient déjà un commerce international
(et une internationalisation des firmes) dans un cadre de concurrence
imparfaite. Ces travaux prenaient cependant une forme totalement
différente de celle des « nouvelles » théories, lesquelles développent des

23
modèles mathématiques reposant sur une levée partielle des hypothèses du
modèle néo-classique.

I. LES APPROCHES NEO-TECHNOLOGIQUES


L’économie de l’après-guerre se caractérise par la multiplication des
variétés pour les mêmes articles et par la poursuite d’une meilleure efficacité
via la fabrication en masse. On remarque aussi une évolution accélérée des
procédés manufacturiers grâce au progrès scientifique. Le progrès
scientifique et technologique contribue à expliquer la composition et
l’articulation des échanges internationaux. Nous résumerons tros théories
mettant l’accent sur l’importance de la fonction appelée recherche et
développement (R&D) pour percer les marchés et sur l’importance de
préserver cette fragile supériorité conquise par l’avantage technologique.
1. La thèse de l’écart technologique (Posner, 1961)

À partir d’observations empiriques, Posner affirme que l’introduction


de biens d’un genre inédit, ou de méthodes d’assemblage perfectionnées,
occupe une forte proportion du commerce entre les pays industrialisés. Les
entreprises responsables d’inventions, en récoltent des profits juteux,
puisqu’elles jouissent de monopoles temporaires dans le monde entier,
souvent grâce aux brevets et droits d’auteur accordés par les gouvernements.
Mais une fois que les firmes et les nations détentrices de connaissances
avancées auront exporté leur technologie, des concurrents étrangers
émergeront de manière progressive. Ceux-ci ayant au préalable assimilé,
puis étant devenus capables d’adapter le know-how requis de façon à réduire
les coûts. Étant donné que cette technologie est maintenant standardisée, elle
commande des salaires moins élevés.
Cependant, durant cette intervalle, les chercheurs et ingénieurs des
économies dominantes auront pu restaurer l’« écart technologique », par la
mise au point d’articles ou de moyens de les fabriquer avant-gardistes.
Autrement dit, pour un pays en avance sur le plan technique, le fait de vendre
sa technologie existante à des pays moins avancés, lui permet de gagner de
l’agent (qu’il réinvestit en R&D), tout en lui laissant le temps pour travailler
à de nouvelles innovations.
2. Le cycle de vie du produit (Vernon 1966)

24
Vernon introduira une approche dynamique de l’innovation avec son
modèle de cycle de vie du produit où les échanges s’expliquent par les
caractéristiques des produits offerts. Les innovations se réalisent dans les
pays riches qui créent constamment de nouveaux biens. Au départ, ces biens
sont coûteux et destinés au marché national. La croissance de la demande
intérieure stimule la production, ce qui permet de réaliser des économies
d’échelle. Le prix du bien nouveau baisse, il se crée un marché à
l’exportation. Progressivement, le produit se banalise, les producteurs
décident alors de délocaliser leur production pour bénéficier d’une main-
d’œuvre bon marché.
Finalement, le pays innovateur va passer d’exportateur net à
importateur net. Dans ce modèle, il y a dans cette analyse une articulation
entre les flux commerciaux et les investissements internationaux mais avec
une limite, les pays pauvres ne peuvent pas émerger par un processus de
rattrapage technologique.

3. La théorie de l’envol d’oies sauvages (Akamatsu, 1962)

Dans une étude menée en 1935, l’auteur compare le processus de


développement d’un pays peu industrialisé et son insertion dans les échanges
internationaux, à la migration des oies sauvages. C’est, dans une certaine

25
mesure, une théorie du cycle de vie du produit adaptée aux pays en
développement (PED).
Dans un premier temps, le PED n’exporte que des matières premières.
La demande intérieure de produits manufacturés ne peut être satisfaite que
par des importations en provenance des pays développés. À ce stade, le PED
développe peu ses échanges avec ses pays voisins qui ont des structures
économiques comparables. Les échanges se font surtout avec des pays
développés qui ont des structures très différentes.
Dans un deuxième temps, la croissance de la demande domestique
permet d’envisager sur place une fabrication rentable de produits
manufacturés. Pour ces produits, la production nationale tend
progressivement à se substituer à des importations, éventuellement
découragées par des mesures protectionnistes. En revanche, les importations
de biens d’équipement se développent, car elles sont nécessaires aux
industries locales de consommation.
Dans un troisième temps, les producteurs locaux de produits
manufacturés s’attaquent aux marchés des pays voisins. En même temps, les
importations de matières premières en provenance de pays moins développés
augmentent. On constate donc une expansion des échanges entre PED.
Simultanément, le pays considéré entreprend une production de biens
d’équipement qui seront, à leur tour, exportés dans un quatrième temps.

I. LES ECONOMIES D’ECHELLE EXTERNES A LA FIRME


1. La notion de rendements d’échelle (rappels)

26
Il faut bien distinguer la notion de rendement d’échelle, qui mesure
l’effet d’une augmentation proportionnelle et simultanée de tous les facteurs
de production sur la quantité produite, de celle rendement de facteur, qui
mesure l’effet de l’augmentation d’un seul facteur de production sur la
quantité produite. La notion de rendement d’échelle est distincte de celle
d’économie d’échelle, cette dernière traduisant le fait que le coût unitaire de
production décroit avec la quantité produite ; cependant l’existence de
rendements d’échelle croissants implique la présence d’économies d’échelle,
et réciproquement.
Les rendements d’échelle (donc les économies d’échelle) peuvent se
manifester lorsque l’échelle de la production se modifie au sein de tel ou tel
« espace » de production. En conséquence, on dira que les rendements
(économies) d’échelle sont internes à une entreprise (ou un établissement)
lorsqu’ils se manifestent lors d’un changement d’échelle de la production de
l’entreprise elle-même, et on dira que ces rendements (économies) d’échelle
sont externes lorsqu’ils se manifestent lors d’un changement d’échelle de la
production au niveau du secteur, de la région, etc., auquel appartient
l’entreprise. La distinction entre rendements d’échelle (ou économies
d’échelle) internes et externes a une grande importance quant aux types de
marchés qui s’établissent au niveau international : dans le cas des
rendements d’échelle externes, l’atomicité peut être préservée alors les
structures de marché sont oligopolistiques voire monopolistiques en cas de
rendements d’échelle internes.
L’origine de la notion de rendement d’échelle externe remonte aux
travaux de l’économiste Alfred Marshall à la fin du XIXe siècle : dans le
cadre de sa réflexion sur les « districts industriels », il remarque que la
concentration géographique d’entreprises dans une même zone bénéficiait à
chaque firme ; des externalités positives expliquent ici les rendements
d’échelle externes observés.
2. L’influence de l’histoire sur les spécialisations

Les avantages comparatifs n’expliquent généralement pas les échanges


dans le cas d’industries bénéficiant de rendements d’échelle. Dans ce cas, la
taille du pays et les « accidents historiques » peuvent expliquer la
spécialisation. Un pays de grande taille bénéficie d’économies d’échelle
importante sur son marché intérieur, ce qui lui permet de vendre à un prix
relativement faible sur le marché mondial, même s’il ne dispose pas
d’avantage comparatif dans la production du bien (les courbes de coût moyen

27
de certains petits pays peuvent se situer « en dessous » de celle du grand
pays). Les « accidents historiques », quant à eux, font que la production
débute dans un endroit plutôt que dans un autre, et, par conséquent, par le
jeu des économies d’échelle, le coût de production du bien est la plus faible à
cet endroit, donc également le prix de vente des entreprises se situant à cet
endroit (avantage de « first mover ») si la concurrence est préservée
(économies d’échelle externes) ; un exemple souvent cité par Paul Krugman
est celui de la production de boutons à Qiaotou (60% de la production
mondiale de boutons, 80% de la production mondiale de fermetures Eclair).
Cette spécialisation liée aux rendements d’échelle croissants peut être stable
même lorsque les avantages comparatifs évoluent. Un cas particulier est celui
des rendements d’échelle croissants dynamiques (qui peuvent être lié à un
processus d’apprentissage) qui impliquent que les coûts unitaires de
production décroissent avec la production cumulée au cours du temps.
3. Les dynamiques d’agglomération (l’économie géographique) : rendements
croissants et coûts de transport

Au début des années 1990, Paul Krugman va renouveler la géographie


économique en mobilisant les concepts de l’analyse économique. L’économie
géographique est définie de manière générale comme l’étude de « la
répartition spatiale des facteurs de production ». Proposant une analyse,
parmi d’autres, de la localisation des firmes. Cette nouvelle économie
géographique apporte en conséquence, dans le même temps, une explication
de la spécialisation des pays et des régions. Elle met en exergue, dans les
secteurs à rendements d’échelle croissants, l’influence de la taille de la région
ou du pays ainsi que des coûts de transports, et toutes les « frictions »
existantes dans la circulation des biens (intermédiaires ou finis) dans les
dynamiques d’agglomération. L’agglomération des unités de production,
c’est-à-dire leur concentration géographique, s’explique par l’économie de
coûts de transport (plus largement de coûts de transaction) et les économies
d’échelle qu’elle permet. Est alors susceptible d’apparaître la causalité
circulaire suivante : localisation de la demande ⇒ localisation de la
production ⇒ localisation de la demande (et des travailleurs) : « la
production industrielle tend à se concentrer là où le marché est grand, mais
le marché est grand là où la production industrielle est concentrée »
(Krugman (1991)). Les forces centripètes à l’œuvre peuvent conduire, au
niveau régional voire au niveau international, à l’opposition entre un « centre
» (industriel) et une « périphérie » (agricole) : « lorsqu’un certain indicateur,
prenant en compte les coûts de transport, les économies d’échelle et la part

28
des dépenses consacrées aux produits non agricoles, dépasse un seuil critique,
la population va commencer à se concentrer et les régions à diverger ; et une
fois déclenché, le processus est auto-entretenu. » (Krugman (1991)).
Cependant, des forces centrifuges existent également, notamment
l’intensification de la concurrence entre les firmes, qui s’accroît avec
l’agglomération et pèse négativement sur les marges des firmes au sein de la
zone. De plus, l’influence des avantages comparatifs (donc des coûts de
production dans les différentes régions ou pays) peut également être à
l’œuvre. Ainsi, si les dynamiques d’agglomération peuvent contribuer à
expliquer la formation de la « manufacturing belt » dans les années 1960,
d’autres facteurs et mécanismes doivent être mobilisés pour comprendre sa
transformation en une « rust belt » dans la période récente.
II. LES ECONOMIES D’ECHELLE INTERNES A LA FIRME
1. Préliminaires : les différents types de marchés en concurrence imparfaite

Les nouvelles théories du commerce international s’appuient


largement sur les modèles microéconomiques de marchés en concurrence
imparfaite. Plusieurs structures de marché peuvent être distinguées entre le
cas type de la concurrence parfaite (où la quantité optimale pour le
producteur est telle que le prix est égal au coût marginal) et le cas type de
concurrence imparfaite qu’est le monopole (où la quantité optimale pour le
producteur est telle que la recette marginale est égale au coût marginal). Les
modèles microéconomiques de concurrence imparfaite peuvent être classés
en plusieurs catégories, selon que les produits sont homogènes ou différenciés
et selon que la concurrence se fait en quantité ou en prix. Dans le cas de
produits homogènes, les modèles les plus connus sont l’oligopole de Cournot
et l’oligopole de Stackelberg lorsque la concurrence se fait en quantité et,
l’oligopole (duopole) de Bertrand lorsque la concurrence se fait en prix. Pour
ces différentes formes d’interaction stratégique entre les firmes, une question
soulevée est celle de la possibilité d’une collusion (tacite). Dans le cas de
produits différenciés, le type de marché qui s’établit est appelé marché de
concurrence monopolistique.
2. Oligopole de Cournot avec dumping réciproque

Brander et Krugman (1983), apportent une illustration parfaite


d’échanges similaires-similaires. Dans ce modèle, les économies d’échelle
internes expliquent en effet le commerce de biens homogènes (échange intra-
branche) et la spécialisation des pays, compte tenu des coûts de transport,

29
alors que les avantages comparatifs de ces pays sont exactement les mêmes.
Le modèle présente deux firmes qui, en autarcie, sont en situation de
monopole dans leurs pays respectifs. L’ouverture commerciale crée un
marché « à la Cournot » que se partagent les firmes. Les coûts de transport
ayant pour conséquence que les marges des firmes sont plus faibles sur la
production vendue à l’étranger que sur le marché domestique, les auteurs
parlent d’un « dumping réciproque ».
Dans ce modèle, les effets de l’ouverture sur le surplus collectif sont
indéterminés. D’un côté, les consommateurs bénéficient d’une baisse des
prix, car le prix d’équilibre d’un marché « à la Cournot » est plus faible que
celui d’un monopole. Cependant, les coûts de transport associés aux biens
exportés constituent un gaspillage de ressources qui n’existe pas en autarcie.
1. Le monopole contestable

a. La théorie des marchés contestables (rappels)


Le message principal délivré par la théorie des marchés contestables,
développée dans Baumol W.J., Panzar J.C. et R. D. Willig (1982) est qu’un
marché de concurrence imparfaite (en particulier un monopole) peut se
comporter comme un marché de concurrence parfaite dès lors qu’une
concurrence potentielle est présente. Les conditions pour qu’un marché soit
contestable est l’absence de coûts fixes irrécupérables, absence de barrières
(principalement légales) à l’entrée sur le marché, auxquelles on ajoute
souvent la possibilité d’entrer sans délai sur le marché (impliquant
l’impossibilité, pour la (ou les) firme(s) en place, de mettre en place une
stratégie de dissuasion de l’entrée). Sur un marché (parfaitement)
contestable (par exemple, un monopole contestable), le prix d’équilibre est
égal au coût marginal (donc les profits sont nuls), comme en concurrence
parfaite : la pression de la concurrence potentielle produit les mêmes effets
que celle de la concurrence effective.
b. Marché contestable et commerce international
Helpman et Krugman (1985) donnent l’exemple d’un modèle dans
lequel les économies d’échelle internes créent la possibilité d’un monopole
mondial contestable dans le cas où les firmes des différents pays ont des coûts
de production différents. La spécialisation est alors totale (une seule firme,
donc un seul pays, produit le bien homogène) et le surplus collectif est
supérieur à celui obtenu en autarcie (les consommateurs bénéficient
pleinement de l’extension des économies d’échelle au niveau mondial).

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III. LA DIFFERENCIATION
1. La différenciation horizontale

Il existe différents modèles microéconomiques traitant de la


concurrence monopolistique. Le modèle de Krugman P. (1979) décrit des
échanges intra-branche (les produits échangés sont différentes variétés d’une
même catégorie de biens et chaque variété n’est produite que dans un seul
pays, par la firme qui en a le monopole) entre des pays similaires et une
ouverture sur l’extérieur qui augmente le bien-être des consommateurs via
l’accroissement de la variété (dans les termes de Krugman (1980) : « Les
gains de l’échange surviennent car l’économie mondiale produit une plus
grande diversité de variétés que n’aurait pu en produire un pays isolé, offrant
à chaque individu un plus large éventail de choix »).
Dans le modèle de Krugman (1979), les firmes bénéficient d’économies
d’échelle qui s’expliquent par le coût fixe associé à la mise au point d’une
nouvelle variété. Chaque firme a alors le monopole de la production d’une
variété mais la concurrence s’exerce par la possibilité d’entrée de firmes dans
la branche, produisant une nouvelle variété. L’équilibre du marché se
caractérise par un profit nul pour chacune des firmes.
2. La différenciation verticale

Un des modèles proposant une analyse de l’échange international


reposant sur la différenciation verticale est celui de Gabszewicz, Shaked,
Sutton et Thisse (1981). Le modèle décrit des échanges intra-branches (les
produits se distinguent par la qualité) entre pays aux niveaux de vie proches
mais différents (la distribution des revenus explique que les consommateurs
se tournent vers des produits de qualité haute ou, au contraire, basse). Les
gains à l’échange pour les consommateurs proviennent de l’augmentation du
nombre de variétés disponibles au niveau de chaque pays et de
l’augmentation de la qualité moyenne des variétés.
IV. COMMERCE INTERNATIONAL ET INVESTISSEMENT A L’ETRANGER
1. Retour sur les « anciennes » théories

Dans la théorie des avantages comparatifs, les facteurs de production


sont supposés immobiles. Dans ses Principes, Ricardo justifie une telle
hypothèse en mobilisant des facteurs socio-culturels (l’attachement à sa
patrie notamment) et l’incertitude sur le respect du droit de propriété à
l’étranger. La théorie HOS, quant à elle, permet d’interpréter le commerce

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international de biens comme un échange implicite de facteurs de
production, suggérant une substituabilité entre commerce international et
investissement à l’étranger. Enfin, en inversant les hypothèses du modèle
HOS, le modèle de Mundell (1957) (immobilité des biens, mobilité des
capitaux) affirme clairement cette substituabilité.
2. Les imperfections de marché comme cadre pouvant justifier la
complémentarité

Les économies d’échelle, hypothèse centrale des « nouvelles » théories,


constituent un facteur explicatif de l’arbitrage proximité-concentration (IDE
horizontaux) : les avantages de la proximité (éviter les barrières douanières,
limiter les coûts de transport…) sont à comparer aux avantages de la
concentration de la production (économies d’échelle), tout en prenant en
compte, dans le choix de localisation de la production, les différences
éventuelles de dotations factorielles, de tailles et de technologies entre les
pays.
Dans le modèle de Melitz (2003), c’est l’hétérogénéité des firmes en
termes de productivité qui explique que certaines firmes investissent à
l’étranger (elles peuvent surmonter les coûts fixes d’entrée sur le marché
étranger) alors que d’autres se contentent d’exporter et que les moins
productives servent uniquement le marché domestique.
La complémentarité l’emporte clairement sur la substituabilité avec la
prise en compte des IDE verticaux, lesquels impliquent à la fois des
investissements à l’étranger et des exportations de biens intermédiaires. Les
facteurs qui déterminent les IDE verticaux sont les prix des facteurs de
production, les dotations en ressources naturelles, etc. (Helpman et Krugman
(1985), ainsi que les coûts de transaction.

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