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Université de Sfax

Faculté de Droit de Sfax

Deuxième année mastère professionnelle en droit de l’entreprise et


des affaires

Exposé :

Les incitations à
l’investissement agricole

Elaboré par :
Roua Saad , Ilef Dhifallah et Aymen Nasser

Sous la direction de : Mr Mohamed KOSSENTINI

Année universitaire : 2023 -2024


Liste des abréviations

CII : code des incitations à l’investissement


TIA : Tunisian Investment Authority (instance tunisienne
d’investissement)
APIA : Agence de promotion des investissements agricoles
APII : Agence de promotion des investissements industriels
CRDA : Commissariat Régional au Développement Agricole
FTI : Fonds Tunisien d’Investissement
CDPF : Code des droits et procédures fiscaux
SICAR : Société d’Investissement en Capital à Risque
FCPR : Fond Commun de Placement à Risque
BNA : La Banque Nationale Agricole
BTS : La Banque tunisienne de solidarité
Plan

Première partie :
Réaménagent de la gouvernance de l’investissement agricole :
des pas vers la libéralisation

Section première : L’accès au marché, liberté accablée


Section deuxième : Obtention des incitations conditionné

Deuxième partie :
Une diversité au niveau des incitations à l’investissement
agricole

Section première : des incitations financières


Section deuxième : des incitations fiscales
L'agriculture a toujours constitué l'un des piliers les plus essentiels de
l'économie nationale et a contribué à la réalisation des divers objectifs de
développement pour le pays, tel que l'amélioration de la croissance économique,
la réalisation de la sécurité alimentaire, l'amélioration de l'exportation, la
valorisation des ressources naturelles et la conservation ainsi que la contribution
à l'évolution des régions et des zones rurales.1
L'agriculture est tellement importante pour l'autonomie et la paix social du pays,
d’une telle façon que les pouvoirs publics lui ont accordé un traitement
particulier de droit.
Le législateur s’est montré généreux en accordant des privilèges de droit et de
fait de différentes natures aux investisseurs exerçant dans ce domaine, ces
mesures sont faites par des textes relatifs soit à l'investissement en général, soit à
l'investissement agricole en particulier qu’on va s’intéresser spécialement.
Tenant compte de l'importance de l'investissement pour le développement
économique et puisqu'il est considéré comme une priorité vitale pour l'Etat, le
législateur tunisien soit de 1993 ou de 2016 n'a pas cessé de se montre trop
généreux en accordant des privilèges aux investisseurs exerçant dans le domaine
agricole. Ces privilèges, étant des dérogations pour le droit commun, ne sont pas
seulement de nature fiscale, administrative et financière. Par des incitations
consacrées par des différents législations.
« Privilégié pour réaliser objectifs projetés ».
Toutefois, pour mieux étudier les incitations aux investissements agricoles,
faudrait tout d'abord définir les notions clés du sujet
 L’investissement :
La loi de l'investissement du 30 septembre 2016, à la différence du CII qu'elle a
abrogé et qui s'est contentée d'une énumération des catégories d'opérations dans
l'article 5, a prévu une définition de l'investissement comme « tout emploi
durable de capitaux effectué par l'investisseur pour la réalisation d'un projet
permettant de contribuer au développement de l'économie tunisienne tout en
assumant ses risques et ce, sous forme d'opérations d'investissement direct ou
d'opérations d'investissement par participation»2. La loi distingue l'opération
d'investissement de celle de participation.
La première est définie comme « toute création d'un projet nouveau et autonome
en vue de produire des biens ou de fournir des services ou toute opération
1
Dhouha BEN SAID, « les incitations à l’investissement agricole » mémoire pour l’obtenir de mastère
de recherche en droit public, Faculté De Droit de Sfax 2020-2021,
2
Article 3, loi n° 2016-71 du 30 septembre 2016 portant loi d'investissement
d'extension ou de renouvellement réalisée par une entreprise existante dans le
cadre du même projet permettant d'augmenter sa capacité productive,
technologique ou sa compétitivité ».
La seconde est définie comme « la participation en numéraire ou en nature dans
le capital des sociétés établies en Tunisie, et ce, lors de leur constitution ou de
l'augmentation de leurs capitaux sociaux ou de l'acquisition d'une participation à
leurs capitaux »
 Les incitations :
Par le dictionnaire, l’action d'inciter est de pousser quelqu’un à quelque chose.
En relation avec l’investissement, les incitations sont des privilèges accordés par
l’Etat aux investisseurs exerçant des investissements dans des certains domaines
dans le but de la réalisation des objectifs économiques pré définis.
Elles peuvent prendre la forme des incitations fiscales ou financières ; des
incitations fiscales généralement des techniques de réductions des assiettes des
revenus ou des bénéfices, des suspensions des taxes sur la valeur ajoutée ou
même des avantages en relations avec des droits de douanes.
Pour les incitations financières, elles sont définies comme des mesures sous
formes des primes, des participations au capital et des prêts à des conditions et
taux préférentiels.
 Activité agricole
Elle est définie par le dictionnaire comme « l’exploitation organisée des
ressources naturelles et d'êtres vivants à des fins économiques ». Elle peut être
une activité liée (accessoire) ou de première transformation.
L'article 27 de l'ancien CII, après avoir déterminé le champ d'application du
régime d'incitation à l'investissement agricole, alors que la fixation de la notion
de l'activité agricole a été attribué au pouvoir exécutif et ce selon l'article 1er du
CII. Par application de cet article, le décret n°94-492 du 28février 1994 est venu
fixer dans son annexe la liste des activités agricoles dans lesquelles peuvent
avoir lieu des investissements.
Le dite décret cite les cultures maraîchères, l'arboriculture, la production de
semences et de plants, la floriculture, l'élevage y compris l'aviculture, la
cuniculture, l'apiculture, ...
La nouvelle loi de l'investissement de 2016 comporte une définition générale
d'investissement, sans déterminer les investissements qui peuvent être
considérés comme agricoles. Toutefois, l'article 2 a renvoyé à la nomenclature
des activités économiques annexée au décret gouvernemental n°2017-390 du 09
mars2017 la compétence de regrouper et classer l'information économique et
sociale selon les activités
Finalement l’article 2 du décret gouvernementale n°2017-398 du 09 mars 2017
relatif au incitations financières a définit l’activité par une liste des
investissements agricoles.
Historiquement, la réglementation relative aux incitations l'investissement
édictée au temps du protectorat ne servait pas le développement de la création
des richesses mais elle favorisait les intérêts du colonisateur.
L'indépendance et la mise en place d'un nouvel Etat ont constitué une rupture
fondamentale par rapport au passé, pendant cette période, l'Etat a misé sur le
développement du secteur agricole à travers la promotion des investissements
dans les zones délaissées par la colonisation, la nationalisation des terres des
colons et l'élimination des systèmes traditionnels.
Pendant cette époque l'intervention de l'Etat s'est limitée aux travaux
d'infrastructure alors que la modernisation de l'agriculture a été laissé à
l'initiative de la propriété privé.
Au début des années 60s l’Etat tunisienne a opté pour une stratégie de création
des monopoles, cette période était marquée par l'intervention directe de l'Etat.
Durant cette période, la politique de l'Etat s'est basée sur la modernisation de
l'économie en générale et du secteur agricole en particulier à travers le système
coopératif. Ce système était destiné à favoriser la collectivité de l'outil de
production et la promotion d'une forme d'économie solidaire. Pendant cette
période, malgré les efforts, les résultats n'a pas atteint les objectifs prévus par les
plans de développement au niveau de l'exploitation et l'amélioration du niveau
de vie ainsi que celui de la production, bien au contraire elle n'a fait qu'aggraver
la situation économique du pays.
Après l'échec de la politique coopérative, le pays est passé d'une économie de
monopole essentiellement administrée et protégée à une économie de marché
ouverte sur l’extérieur et l’initiative privé. Cette époque est marquée par
l’adoption des d’une série des règlementations d’encouragements du secteur
privé.
La loi n°86-67 du 06 aout 1982 portant encouragements aux investissements
dans le secteur de l’agriculture et de pèche où le secteur agricole avait bénéficié
d'un cadre juridique nouveau visant la modernisation. En effet, cette loi
traduisait la volonté des dirigeants de se mettre une politique économique
libérale.
Ladite loi avait en outre mis en place une structure de gouvernance spécifique au
secteur agricole, dotée de l'indépendance administrative et financière dénommée
l'Agence Promotion des Investissements Agricoles APIA. Cette loi a été
remplacée par la loi n° 88-18 du 02 Avril 1988 portant promulgation du code
des investissements agricoles et de pêche.

Le CII de 1993 a marqué un réel revirement des politiques publiques dans le


secteur. Il a assisté à un changement du traitement du secteur, poussé vers
l'émancipation. Les avantages du développement agricoles visent à la fois
l'amélioration de la gestion et la création de valeurs ajoutées par des incitations
aux activités de la première transformation et aux activités liés.
Le Code d'investissement de 1993 avait essayé d'unifier le dispositif législatif
relatif à l'investissement en y intégrant la procédure relative à la réalisation de
l'investissement et l'ensemble des incitations fiscales et financières.
Mais une autre fois le code a été abrogé par la loi n° 2016-71 du 30 septembre
2016 portant loi de l’investissement.
La loi n°2016-71 portant loi de l'investissement, qui est rapidement suivi par la
loi n°2017-8 du 14 Février 2017 portant refonte du dispositif des avantages
fiscaux
D’après ces récentes réformes du droit de l'investissement, la Tunisie est passée
d'un système moniste (CII) à un système dualiste où un dispositif d'incitations
financières a été prévu par la loi de l'investissement de 2016 et un dispositif
d'incitations fiscales rattaché aux codes correspondants, introduit par la loi
portant refonte des avantages fiscaux (prévu par la loi de 2017).

Alors la problématique qui se pose ici est la suivante :


Quels sont tout d’abord les nouveautés au niveau de la gouvernance de
l’investissement agricole consacré par la nouvelle législation et est-ce que cette
réforme des incitations fiscales et financières au profit du secteur agricole a
vraiment réussi à la mise en valeur du potentiel inexploité de l’agriculture
tunisienne ?

Première partie : la gouvernance de l’investissement


agricole : des pas vers la libéralisation
D’abord, La gouvernance est la façon dont les normes et les règles de jeu sont
élaborées, appliqués et contrôler.

La gouvernance d’investissement agricole et malgré la tendance libérale


clairement et explicitement consacré par le principe de la liberté
d’investissement par le CII et la loi de 2016, a était toujours questionnable et
critiquée à cause des restrictions procédurales exigés.

Ces restrictions procédurales englobent des procédures générales d’accès au


marché d’investissement (section 1) et des procédures spéciales concernant
l’obtention des incitations à l’investissement agricole (section 2)

Section 1 : l’accès au marché : une liberté accablée

Depuis le début des années 70s et suite à l'échec de l'expérience socialiste et


l'adoption d'une politique libérale3, il y'a eu une succession de politique
publique cherchant à encourager l'initiative privé, cette période a été marqués
par le désengagement de l’Etat, ainsi, le pays est passé d'une économie dirigée,
administrée et protégée a une économie de marché libérale ouverte sur
l’extérieur.

3
Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations à l’investissement 2023-2024 »
La Tunisie a adopté ce principe de la manière qu'elle a annoncé la liberté
d'investissement d'une façon claire et nette dès le CII, article 2 4 , cette
consécration s'est renforcée par la loi 2016-71 à travers l'article 45 .

Puisque la liberté n’est pas synonyme d’anarchie. « La procédure est sœur


jumelle de la liberté » c’est pourquoi, la liberté implique le respect des certaines
formalités6 .

Ce qui explique qu’en réalité et malgré cette tendance libérale annoncée par la
loi 2016, les pouvoirs publics n'ont pas pu se détachée d’un conservatisme
accablant qui a donné lieu à des formes des procédures tel que la déclaration
d'investissement (1) et l’autorisation à l’investissement (2).

Paragraphe 1 : La déclaration d'investissement : une formalité


annonciatrice

Il s'agit pour le particulier d'une formalité à remplir non d'une éventuelle barrière
à opposer à sa volonté, elle ne constitue pas alors une limite à la liberté
d'investissement mais une simple formalité annonciatrice de la volonté
d'investissement7 .

Elle constitue un moyen d'information et un moyen de vérification de la part de


l'administration, cette dernière est tenue de veiller au respect de l’égalité

4
Article 2 : « Les investissements dans les activités prévues par l'article premier du présent Code sont
réalisés librement sous réserve de satisfaire aux conditions d'exercice de ces activités conformément
à la législation et à la réglementation en vigueur.
5
Art. 4 de la loi n° 71-2016 : « L'investissement est libre ».
6
Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations à l’investissement 2023-2024 »

7
Hedi BEN MRAD, la liberté de commerce et d’industrie, p160
formelle de la déclaration, en s'intéressant à son contenu et aux différentes
pièces justificatives présentés par le promoteur8 .

L'administration ici est une partie neutre, n'a que le rôle de consulter les
documents déposés de la part de l'investisseur et entamer les formalités, elle ne
peut refuser une déclaration que dans le cas où le dossier présenté par le
promoteur est incomplet ou lorsque l'activité qu'on se propose d'exercer n'est pas
du genre celles pour lesquelles est prévu le régime de la simple déclaration.

Le but de la déclaration préalable, alors, est « celui d'informer l'administration


qu'une activité quelconque va être exercée, afin de lui permettre de suivre cet
exercice et le contrôler éventuellement »9

Sous l’empire du CII :

L’article 2 du CII a prévu dans son alinéa 2 que « les projets d’investissement
font l’objet d’une déclaration auprès des services concernés par l’activité. Ces
services sont tenus de délivrer une attestation du dépôt de la déclaration. Les
services compétents et le contenu de la déclaration exigée seront précisés par le
décret mentionné à l’article premier du présent code »

Il s’agit du décret n° 94-492 du 28 février 1994 qui prévoit dans son article 3
que « la déclaration citée au paragraphe 2 de l’article 2 du CII doit contenir
surtout les éléments relatifs à : La nature de l’investissement ; L’activité
principale ; Le régime d’investissement ; La localisation du projet ; Les données
concernant le marché ; Le coût et le schéma de financement et
d’investissement ; La forme juridique de l’entreprise ; La participation étrangère
; Le calendrier de réalisation du projet ; Le nombre d’emplois à créer ».

8
Habib AYEDI, droit fiscal, CERP, Tunis, 1989
9
Habib AYEDI, droit fiscal, CERP, Tunis, 1989
Le décret n°94-492 du 28 février 1994 a précisé aussi dans son article 2 les
structures administratives compétentes pour recueillir les déclarations
d’investissement selon la nature de l’activité projetée.

Les secteurs d’activité agricole et de pêche, les activités de première


transformation et de conditionnement des produits agricoles et de pêche lorsque
de telles composantes font partie des projets intégrés agricole et les services liés
à l’agriculture et la pêche font la déclaration à l’Agence de Promotion des
Investissements Agricoles.

La déclaration d’investissement avait une double fonction : une fonction


informative des autorités publiques de la réalisation de l’opération
d’investissement et une fonction constitutive de l’éligibilité aux incitations
fiscales et financières prévues par le CII10

A l’issue de la promulgation de la loi de 2016 :

Le régime de La déclaration est prévu par le « titre IV » de la loi 2016, intitulé «


gouvernance de l'investissement », selon les dispositions de l'article 15 11, et tout
comme le CII, la loi de 2016 a exigé le dépôt d’une déclaration
d’investissement.

La déclaration d’investissement est alors maintenue, elle prend la forme d'une


liasse unique déposé auprès de guichet unique de l'instance tunisienne de
l'investissement (TIA). Cette instance est créée afin de remplacer toutes les

10
Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations à l’investissement 2023-2024 »
11
Article 15 de loi 71-2016 « La déclaration de l’opération d’investissement direct et de l’opération de
constitution juridique des entreprises est effectuée suivant une liasse unique dont le modèle, la liste des
documents d’accompagnement et les procédures sont fixés par décret gouvernemental. L’interlocuteur unique
de l’investisseur fournit à l’investisseur une attestation de dépôt de la déclaration de l’investissement et les
documents de création ou d’extension de l’entreprise dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date du
dépôt de la déclaration accompagnée de tous les documents requis »
structures préexistantes chargées de recueillir les déclarations de l'investissement
tel que l'APII et l'APIA pour une meilleure accessibilité aux procédures.

Elle est venue pour faciliter la procédure, selon l'article 15, l'interlocuteur
unique de la TIA n'est pas un simple agent de réception puisqu'il est chargé de
réaliser toutes les procédures nécessaires pour la réalisation du projet, il accueil,
oriente, informe l'investisseur en coordination avec les différents organismes.

En réalité, l’Instance Tunisienne de l’Investissement n’a pas jusqu’au jour


d’aujourd’hui exercé les missions qui lui sont attribuées à cause du retard accusé
dans la mise en place de ses représentations régionales.

Vu le manque des moyens et des capacités, le traitement des projets n'est plus le
rôle exclusif de TIA, cette compétence est partagée avec les services concernés
par chaque secteur d'activité.

Pour le secteur agricole, l'organisme concerné par le traitement des dossiers


dépend du montant du projet. Si le cout du projet est inférieur à 60 mille dinars,
la Commissariat Régional au Développement Agricole (CRDA) est concernée

par le recueille des déclarations des investissements, si le cout du projet varie


entre 60 mille dinars et 1 million de dinars, le dépôt se fait au sein de l'APIA
régional. En cas ou le montant dépasse le 1 million de dinars mais reste inférieur
à 15 millions de dinars, la structure concernée par la réception des déclarations
sera l'APIA centrale, sinon, si le cout de l'investissement est supérieur à 15
millions de dinars, le rôle de recueille des déclarations revient à la TIA. 12

Cette délégation des missions trouve ses fonds au sein de l'article 40 du décret
n°2017-388 qui prévoit que l’Instance peut déléguer les missions de supervision

Dhouha BEN SAID, « les incitations à l’investissement agricole » mémoire pour l’obtenir de mastère
12

de recherche en droit public, Faculté De Droit de Sfax 2020-2021, p11


des opérations d’investissement dont le coût est égal ou inférieur à quinze
millions de dinars aux organismes concernés par l’investissement, et ce jusqu’à
la mise en place de l’instance et l’exercice de toutes ses missions.

Même si la liberté d’investissement est érigée en un principe, il n’en reste pas


moins vrai que les exceptions apportées à ce principe sont tellement nombreuses
qu’elles risquent d’amputer le principe lui-même.13

Certaines de ces exceptions découlent de la tenue d’un agrément ou d’une


autorisation administrative préalable lors de l’accès à certains investissements
d’une part et même à travers l’existence de certaines interdictions d’une autre
part.

13
Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations fiscale et financières à l’investissement 2023-
2024 mastère professionnel en droit des affaires et de l’entreprise »
Paragraphe 2 : Les autorisations : une limite au principe de la liberté
d’investissement

« L’agrément constitue un acte juridique unilatéral de l'administration, sur la


naissance ou l'exercice d'une activité, où l'administré ne dispose pas d'un droit à
l'autorisation, il n'a qu’introduire une demande d'autorisation aux services
compétente qui disposent d'un pouvoir discrétionnaire pour accorder
l'autorisation sollicitée, ce qui fait que le choix de l'activité soumise à ce régime
ne dépend plus de la simple volonté de l'opérateur, mais aussi celle des pouvoirs
publics ».14

Constituant un régime d’exception, l’agrément d’investissement ne peut être


exigé que dans les cas limitativement prévus par la législation en vigueur.

A défaut d’exigence législative expresse de l’agrément, l’investisseur sera


simplement soumis au régime de la déclaration pour accéder à l’investissement
projeté.15

Les autorisations sous l’empire de l’ancienne législation ont été caractérisés par
son éparpillement ; des autorisations exigées par l’alinéa 2 de l’article 2 du CII,
des autorisations exigées par l’alinéa 2 de l’article 3 et des autorisations exigées
par des lois spéciales.

Dans le sens du renforcement de la liberté d'investissement, la loi de 2016 a


manifestement revu le régime juridique des autorisations par l’abrogation 16 du
CII et de ses décrets d’application par l’article 27 de la loi de 2016, les

14
Madame AKROUT Salma, Cours PDF- UVT- Fiscalité d'investissement, 2019-2018
Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations fiscale et financières à l’investissement 2023-
15

2024 mastère professionnel en droit des affaires et de l’entreprise »


16
Art. 27 - Sous réserve des dispositions des articles 28 à 32 de la présente loi, est abrogé le code d’incitation
aux investissements promulgué par la loi n° 93-120 du 27 décembre 1993
autorisations prévues par les alinéas 2 et3 de l’article 2 du CII (figurant dans les
articles 4 et 5 du décret n°492 de 1994) ont été supprimées.

Seules les autorisations prévues par les lois spéciales ont été maintenues du fait
que les lois les régissant n’ont pas été abrogées par la loi de 2016.

L'alinéa 3 de l'article 4 a fait un renvoi à un décret gouvernemental pour fixer la


liste des activités soumises à l'autorisation et la liste des autorisations
administratives pour réaliser les projets ce décret est prévu d'être promulguer
dans une année à partir de la date de promulgation de la loi 2016.

Ce décret qui a entré en vigueur le 09 Mars 2017 n'a pas prévu la liste des
activités soumises à autorisations, mais il s'est contenté de fixer des dispositions
relatives à « la création d'une unité de gestion par objectifs pour réaliser le projet
de révision des autorisations de l'exercice des activités »17

Or, le décret 2017-390 n'a pas prévu la liste des autorisations et s'est contenté de
faire une délégation a un autre décret gouvernemental.

Finalement le gouvernement a publié le décret attendu le 11 Mai 2018, il s'avère


qu'il est le plus long décret de l'histoire du droit tunisien, il se limite à deux
pages et les annexes au nombre de quatre, s'étalent sur 200 pages.

Le décret n°2018-417 a maintenu les autorisations pour 100 activités


économiques (annexe 1) et a supprimé les autorisations pour 27 activités
économiques (annexe 2) tout en prévoyant que pour ces 27 activités, les
ministères concernés peuvent édicter des cahiers de charges ; si bien qu'à défaut
de l'édiction du cahier de charges l'activité économique sera exercée librement.

L'article 3 cite une liste exclusive et limitative des secteurs soumis à


l'autorisation y est inclus les secteurs des ressources naturelles et substances

17
Article 1er du décret gouvernementale n°2017-390 du 09 Mars 2017.
utiles et dédie l'annexe 1er du décret au liste des activités économique soumises
aux autorisations.

D’autre part, le principe de la liberté d’accès au marché d’investissements


connaît des limites sérieuses à travers l’existence d’un régime des interdictions,
Il s’agit plus précisément de l’interdiction aux étrangers de s’approprier des
terres agricoles.18

Cette interdiction a été instaurée par tout un arsenal des lois qui se répètent pour
mettre l’accent sur la dimension politique et souverainiste de cette interdiction
qui limite la liberté d’investissement des étrangers dans le domaine agricole. Le
CII a été très explicite sur ce point en disposant dans l’alinéa 3 de son article 3
que « les étrangers peuvent investir dans le secteur agricole dans la cadre de
l’exploitation par voie de location des terres agricoles. Toutefois, ces
investissements ne peuvent en aucun cas entraîner l’appropriation par les
étrangers des terres agricoles »

Plus récemment, le décret-loi n°2022-68 du 19 octobre 2022 a permis aux


étrangers d’accéder à la propriété des terres agricoles, non pas directement, mais
par la constitution de sociétés aux capitaux desquelles ils prendront une
participation à condition que cette participation au capital social soit
minoritaire.19

Section 2 : Obtention des incitations conditionné

Mr Mohamed KOSSENTINI, cours « Les incitations fiscale et financières à l’investissement 2023-


18

2024 mastère professionnel en droit des affaires et de l’entreprise »


19
Article 2 de décret-loi n°2022-68 du 19 octobre 2022
Etant conscient que l'évolution du secteur agricole ne peut se réaliser sans
mesures incitatives, les pouvoirs publics ont opté pour ce choix depuis 1982 à
travers la loi portant encouragement aux investissements dans les secteurs de
l'agriculture et de la pêche. Le législateur a repris la même démarche à travers le
CII. Cette stratégie incitative s'est encore renforcée depuis 2016. Ainsi, le
législateur s'est montré généreux en adaptant un cadre juridique qui favorise la
promotion des investissements de manière générale et l'investissement agricole
particulièrement.
Toutefois, cette générosité de législateur est conditionnée par l’accomplissement
des certaines procédures pour l’octroi de ces incitations. Ces procédures ne sont
pas les mêmes pour les incitations financiers el les incitations fiscales. En effet
elles font l’objet de deux différentes législations ; les procédures d’octroi des
incitations financières ont été traité par la loi de 71-2016, par contre les
procédures d’obtention des incitations fiscale ont été prévu par la loi de 8-2017.

Paragraphe 1 : les procédures d’octrois des incitations financières :

Le régime d’octroi des incitations est prévu par le « titre V » de la loi 2016,
intitulé « LES PRIMES ET LES INCITATIONS » les dispositions de l’alinéa
dernier de l'article 19 font un renvoi à un décret gouvernemental pour fixer les
procédures de bénéfice des incitions financières.20
Le décret gouvernemental n°2017-389 du 9 mars 2017 relatif aux incitations
financière au profit des investissements réalisé dans le cadre de la loi
d’investissement a exigé l’accomplissement d’une panoplie des procédures au
sein de son titre troisième intitulé « des conditions et des procédures de bénéfice
des primes et des délais requis »
Mise à part le dépôt de déclaration, le promoteur doit présenter une demande
afin d'obtenir une décision d'octroi aux incitations financières.
Aux termes de l’article 8 de décret n°2017-398, les investisseurs qui proposent
réaliser des projets dans le domaine agricole et souhaitent bénéficier des
incitations financières doivent présenter, dans un délai d'une année à partir de la

20
Article 19 alinéa dernière de la loi 71-2016 « Les taux, les plafonds et les conditions de bénéfice de ces primes
ainsi que les activités concernées sont fixées par décret gouvernemental »
date de dépôt de la déclaration d'investissement, une demande écrite auprès de la
structure concernés et territorialement compétente.
Si le projet appartient à la catégorie « A »21 des investissements dans le domaine
agricole, le promoteur dépose ladite demande d'octroi auprès de la CRDA ou
l'APIA régional (tout dépend du montant du projet) et si le projet appartient à la
catégorie « B » la demande doit être présenté auprès de l'APIA central ou la
TIA. (Selon le montant de l'investissement).
Cette demande doit être motivée par une étude de faisabilité et de rentabilité du
projet comprenant des donnés relatifs à la nature de l'investissement, le cout de
l'investissement et son schéma de financement, le lieu d'implantation et le
nombre d'emploi à créer.

Contrairement à l’ancienne législation où les décisions d’octroi des incitations


ont été prise soit par le gouverneur soit par le ministre d’agriculture, la nouvelle
législation a édicté la délivrance des décisions d’octroi des incitations
financières relatives aux investissements agricoles au ministre de l'agriculture
après l’avis d’une nouvelle structure consultative crée par le même décret.
Des commissions sont créées par l'article 9 du décret gouvernemental n° 2017-
389, afin d'examiner et donner leur avis à propos les demandes d'octroi aux
incitations financières.
La composition de ces commissions et leur mode de fonctionnent est fixé par
l'arrêté ministériel de 28 Avril 2017, ces commissions se réunissent une fois par
trois semaines au moins et chaque fois qu'il est nécessaire22 et elles sont classés
en 3 selon le montant du projet sujet de la demande :
21
Art 2 du décret gouvernemental n°398-2017 « les investissements dans le secteur de
l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture sont classés comme suit :
1. Catégorie << A >> :
- investissement dans l'agriculture dont le coût ne dépasse pas deux cent (200) mille dinars,
- investissement dans la pêche dont le coût ne dépasse pas trois cent (300) mille dinars,
- investissement dans l'aquaculture dont le coût ne dépasse pas cinq cent (500) mille dinars,
- investissement réalisé par les sociétés mutuelles de services agricoles et les groupements
de développement dans le secteur de l'agriculture et de la pêche.
2. Catégorie <<B>> :
- investissement dans l'agriculture dont le coût dépasse deux cent (200) mille dinars,
- investissement dans la pêche dont le coût dépasse trois cent (300) mille dinars,
- investissement dans l'aquaculture dont le coût dépasse cinq cent (500) mille dinars,
- investissement réalisé dans les activités de services liés à l'agriculture et à la pêche et les
activités ti de première transformation des produits agricoles et cé de la pêche. »
22
Art 10 de l’l'Arrêté 28 avril 2017.
o Une commission nationale créer auprès de la TIA concernant les
opérations d'investissement dans tous les secteurs dont le montant dépasse
15million de dinars.
o Une commission nationale créer auprès de l'APIA en ce qui concerne la
création de nouveaux projets, les projets d'extension et de renouvellement
dans le domaine agricole et les projets intègres des activités de 1ère
transformation des produits agricole dont le cout est compris entre 1
million de dinars et 15 millions de dinars.
o Une commission régionales créée par l’APIA régional afin d’examiner les
projets dont le montant est inférieur à un million de dinars
o
Les membres de ces commissions sont nommés par décision du ministre
chargé d’agriculture sur préposition des ministères et structures concernés
NB : l’obtention d’une décision d’octroi des incitations de la part des
organes concernées ne signifie pas le déblocage des primes, ce pendant ces
avantages subissent à une vérification avant le déblocage, cette vérification
prend la forme d’un constat sur terrain par les commissariats régionaux au
développement agricole l’APIA.

Paragraphe 2 : les procédures d’octrois des incitations fiscales :

La nouvelle législation de l'investissement de 2016 a abrogé le Code


d'incitations aux investissements de 1993 (CII). Il s'ensuit que tout le
dispositif des avantages financiers et fiscaux accordés aux investissements
dans le cadre de l'ancien code a été abrogé.
La loi de l'investissement n°2016-71 s'est contentée de régir et de revoir
seulement les incitations financières, les pouvoirs publics ont procédé à la
révision des avantages fiscaux dans une loi séparée (la loi n°2017-8 du 14
février 2017) qui a intégré les avantages fiscaux accordés aux
investissements dans la législation de droit commun, c'est à dire, dans les
codes fiscaux en vigueur, tels que le Code de l'IRPP/IS et le Code de la TVA.

La nouvelle législation a allégé le régime d'octroi des avantages fiscaux,


cependant, selon les dispositions de l'article 72 le bénéfice des avantages
fiscaux est initialement conditionné par le dépôt d'une déclaration
d'investissement, le régime de la déclaration fut utilisé comme une condition
d'accès qui entraine l'application d'un statut fiscal dérogatoire fixé à l'avance
par le législateur et dont les principales dispositions seraient l'exonération ou
la suspension de la perception des certaines impôts et taxes, ce dépôt se fait
au près des services concernés par le secteur agricole, conformément à la
réglementation en vigueur23
Mis à part le dépôt de la déclaration, le législateur exige la réalisation d'un
schéma de financement, ce dernier doit contenir un minimum
d'autofinancement qui varie selon qu'il s'agit d'un investissement de la
catégorie « A » ou de la catégorie « B ». Pour un projet de la 1ere catégorie
un minimum de fond propres est fixé à 10%, pour la 2eme catégorie, le
minimum est fixé à 30%, cette condition est évidente puisque
l'autofinancement traduit l'engagement du promoteur envers le projet et
constitue une garantie pour l'administration concernée.
L'article 72 exige aussi une attestation justifiant l'entrée en activité effective
c'est une preuve de la réalisation de la lère opération de vente ou la prestation
du 1er service dans le cadre de l'opération d'investissement sujet de
déclaration.

23
Habib AYADI, « droit fiscal » p583
Deuxième partie :
Une diversité au niveau des incitations à l’investissement
agricole

Depuis 2016, la stratégie incitative s'est encore renforcée. Ainsi, le législateur


s'est montré généreux en adaptant un cadre juridique qui favorise la promotion le
des investissements de manière générale et l'investissement agricole
particulièrement. Ces incitations qui se caractérisent par leur variété, sont non
seulement d'ordre fiscal mais aussi financier.
Cette générosité des avantages financiers au profit du secteur agricole se
manifeste dans la diversité des incitions et la pluralité de leurs formes où on
distingue des incitations financières (section 1) et des incitations fiscales
(section 2)

Section 1 : les incitations financières

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