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La justice berbère considération générale

Les tribus de coutume berbère avaient une certaine autonomie sur le plan
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administratif et sur plan judicaire c’est pourquoi la justice berbère était
considérée une justice d’arbitrage .le pouvoir juridictionnel de ce régime
coutumier trouvait son unité dans la cohésion du groupe, les traditions des
tribus et la recommandation et prescription musulmans
Historiquement les Berbères au Maroc ont essayé de percevoir quelle était la
vision que pouvaient en avoir les Sultans durant le XIXe siècle, et surtout à la
fin de cette époque, avant que les Français ne s'installent dans ce pays. Tous les
historiens du Maroc, de quelque nationalisme qu'ils aient été, ont reconnu que
deux très grandes dynasties Berbères sont à l'origine du Maroc : les
Almoravides et les Almohades.
Les nationalistes ne manqueront pas de le rappeler dans de nombreux textes,
montrant par là que dire des Berbères qu'ils étaient faiblement islamisés était
totalement faux , Il n'en demeure pas moins que, passés ces moments brillants de
l'histoire du Maroc, les berbères ne furent pas perçus comme porteurs de
civilisation, mais bien plus comme s'opposant aux dynasties arabes. Les tribus
berbères, incapables de s'unir et d'échafauder une politique, furent assimilées au
bled es siba, c'est-à-dire au territoire de la dissidence, refusant de payer l'impôt
et de fournir des contingents au Sultan. Il est donc normal de trouver dans les
textes les concernant des propos fort critiques, les jugeant fourbes, menteurs, ne
respectant pas la parole donnée, donc indignes de toute confiance. Le
Makhzen avait toujours considéré les Berbères comme étant
l'incarnation de la Jahiliya, car d'une part, leurs pratiques religieuses étaient
entachées de survivances , païennes et d'autre part, la loi ne pouvait naitre d'un
groupe. la djemaa, qui se référait à des règles antéislamiques Seule la loi divine,
la Charia, était applicable à tous les Marocains, quels que soient les territoires
où ils vivaient. et quelle que soit la langue qu'ils utilisaient .
Si la politique berbère de Lyautey, avec le cachet particulier, qu'elle prit dans
le sud du Maroc, semble être une réponse pragmatique aux problèmes
posés par la résistance à la pénétration française dans le contexte de la première
guerre mondiale, elle procède en fait d'une vision particulière de la réalité
marocaine, vision antérieure à l'arrivée de Lyautey au Maroc, dont il hérite, et
qu'il fait sienne. Le Maroc était alors perçu d'une façon systématique comme un
champ clos où s'affrontaient le bled Makhzen et le bled Sib.
BLED MAKHZEN • BLED SIBA
Il est indéniable que, bien avant le traité de protectorat, il existait au Maroc une
opposition entre les territoires où le pouvoir du Sultan était effectif, où les
populations payaient l'impôt et fournissaient des soldats ~ le bled Makhzen -, et
le bled Siba « le pays des révoltes et de l'anarchie »), peuplé de Berbères qui «
ont réussi à garder presque intactes leurs institutions et leurs coutumes propre .
Mais cette opposition n'était pas aussi tranchée. Toute une série de liens
existaient entre les deux (( bleds )), sans oublier que le bled siba reconnaissait le
Sultan comme chef de la communauté musulmane dont il faisait partie.

En ce qui concerne l'opposition bled Makhzen-bled Siba, Doutée est tout aussi
catégorique: « En un sens, l'expression de bled Makhzen opposée à celle de
bled Siba n'est pas exacte , car tout le Maroc. sous des formes différentes et à
des degrés variables subit l'action du MaklIzen, Et il propose d'adopter
l'expression pays obéissent et pays insoumis, Quant à déterminer sur une
carte la frontière entre les deux « pays ». c'est une entreprise difficile, car les
Musulmans de l'Afrique du Nord n'ont pas une conception territoriale de leur
empire, mais bien une conception ethnique. L'élément principal pour eux n'est
pas l'idée de limite d'un territoire, mais l'idée de sujétion d'une population.
Il était donc évident aux yeux des Européens, qu'une telle absence d'ordre (au
sens cartésien du terme) et l'impuissance du gouvernement central à se faire
obéir, faisaient du Maroc un pays en totale déliquescence, Le Makhzen était
loin d'avoir le monopole des armes, et fusils, balles, poudre et chevaux
existaient sur tout le territoire, tout comme les hommes déterminés à les
utiliser, et à entrer en dissidence . La siba, dissidence ou révolte, n'était pas une
rupture totale entre un groupe politique (une ou plusieurs tribus) et le
souverain il semble que ces groupes cherchaient essentiellement à échapper à
des impôts excessifs, ou à un comportement insupportable de la part d'un
serviteur du sultan au nom duquel il sévissait , Nombreux sont les exemples où
un chef de tribu enter en rébellion, ne mettait pas en cause son respect de
l'autorité du Sultan, mais refusait de s'incliner devant un fonctionnaire, certes
nommé par le Sultan, mais dont l'exigence première était de récupérer les
sommes qu'il avait dépensées pour acquérir sa charge, celle-ci étant vénale, ou
pour s'enrichir rapidement, Dans d'autres cas, celui du Souss par exemple, la
siba des tribus de cette région semble essentiellement due à leur volonté de
préserver leur autonomie face aux exigences financières du Makhzen, mais
sans pour autant mettre en cause leur allégeance au pouvoir spirituel du
Sultan.
-La justice berbère sous protectorat
Parallèlement aux études destinées à recenser les lois et les coutumes suivies par les
Berbères, à les mettre en ordre pour essayer d'en tirer une politique d'organisation et de
contrôle, d'autres analyses de la réalité berbère se faisaient jour, particulièrement en ce qui
concernait les croyances religieuses, L'analyse de ces dernières va revêtir un caractère très
important dans la mesure où les observations faites vont déterminer une vision particulière
de cette religion, vision qui, à son tour, va entrainer des spéculations sur le faible degré
d'islamisation de ces tribus, et donc, sur la possibilité d'éventuelles transformations de cette
religion.
le Maroc était le pays le plus propice à l'étude des vieux cultes dans le mahométisme : les
sources, les arbres, les pierres surtout jouent encore dans la religion du peuple un rôle
important », La raison en est que c'est une région où « l'élément berbère est encore
prépondérant, ce qui veut dire que les indigènes ny sont pos tous islamisés.
En 1914 le Maroc était sous la résidence générale de la République française au Maroc
faisait paraître un rapport général sur la situation du protectorat au Maroc. En ce qui
concerne l'action politique, le rapport résume ses modalités d'action face aux populations
qu'il classe en trois catégories:
a) - Populations de tout temps soumises au Makhzen ;
b) - Populations ayant passé, suivant les variations de la
puissance chérifienne, alternativement de l'état de soumission à l'état de rébellion;
c) - Populations berbères n'ayant jamais été effectivement soumises au Makhzen.
La première catégorie est composée des « tribus Chaouia, Doukkala, du Gharb, el celles de la
banlieue immédiate de Fès », Elles n'aspiraient qu'à la paix, et leur résistance armée à la
pénétration française , Les tribus de la seconde catégorie sont situées aux environs de Fès,
au sud de Meknès, près de Rabat, et dans le sud autour des grands caïds. Ces tribus ont eu
des rapports avec le Makhzen ,qui fluctuaient selon que celui-ci était plus ou moins puissant.
Restent les populations berbères n'ayant jamais été soumises au Makhzen. La tâche est
difficile, reconnaît le rapport, car elles apparaissent dotées « d'un état social à forme
démocratique très accentuée ».
. Très rapidement la démarcation entre tribus soumises à leurs coutumes ou orf et les tribus
arabes soumises à la législation coranique ou chraa fut difficile à déterminer d'une façon
précise, tant elle était variable, la distinction entre tribus arabes et tribus berbères. Mais
pour des raisons politiques évidentes« diviser pour mieux régner», cette distinction
s'imposait malgré l'interpénétration des deux aires. La langue et la soumission aux lois
coutumières semblent avoir été les critères essentiels de détermination d'une tribu berbère,
mais ce n'était pas suffisant comme en témoignent certaines hésitations.
Ainsi, pour concevoir cette notion, on l,interprétera par des exemple ; la tribu des Guerouane,
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dans la région de Meknès, fut divisée en deux : les Guerouane du nord étant classés tribu de
chraa, et ceux du sud, tribu de coutume. En 1916, chez les Zemmour de la région de
Khemisset, un cadi fut institué pour appliquer la loi islamique parallèlement à la djemaa
judiciaire qui appliquait la coutume, cette tribu fut, en 1920, reclassée dans la catégorie des
tribus de coutume , En 1923, la tribu des An Sadden, à vingt-cinq kilomètres de Fès, fut
classée parmi les tribus de coutume Tribus de coutume
en 1923, elles sont reclassées tribus de chraa en 1927.

LE DROIT Coutumier : ORF ou IZREF


L'ensemble de ces lois et coutumes, qu'elles soient consignées sur des feuilles ou sur une planche de
bois (Iouh), ou qu'elles soien strictement orales, porte le nom deorf (Haut-Atlas) ou izref (Moyen

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Atlas) , L 'orf est l'ensemble des lois et coutumes qui régissent la vie intérieure des
groupements berbères. Lorf varie souvent de douar à douar.
Il se modifie et s'enrichit avec le temps grâce à la répétition des précédents qui
est une des principales sources de la coutume, Ce terme de orf désigne
essentiellement la coutume suivie dans le Haut-Atlas, pays des Chleuh. Seul le droit pénal
reste pur, le droit privé étant imprégné de chraa. Quant au mot ;zref, de consonance plus
berbère, utilisé dans le MoyenAtlas, il désigne un coutumier où l'influence de la loi islamique
est pratiquement nulle. La coutume pénale est souvent écrite ; par contre, la coutume privée
reste strictement orale.
Appelé izerf dans l’aire tamazight, llûh ou Ikccuden, l’urf dans le Haut Atlas et le Sous,
tiàqqidin chez les Aït Atta, le droit coutumier, qu’on peut désigner de droit positif tribal,
présente l’un des anciens systèmes juridiques en présence dans le Maroc historique. Avant
la réforme coloniale, il régissait l’ensemble des aspects de la vie privée et publique des
membres des populations rurales amazighes, organisées souvent en localités et en tribus, et
les relations que ces groupes entretenaient entre eux (alliances, marchés, lieux de cultes et
gestions des parcours communs,…). Il jouait également un rôle important dans l’organisation
de certains secteurs de la vie active dans les cités urbaines, comme les corporations
artisanales. Produit de la société en fonction des contextes et des conditions sociales et
politiques, il a subi des transformations après les réformes coloniale et nationale, et reste en
vigueur dans bien des secteurs de la vie sociale et économique. Si l’Azrf et l’urf désignent
tous les aspects de ce droit, la ta’qqitt et le lluh sont les noms qui sont utilisés
respectivement dans le Sud-Est et le Souss pour désigner les recueils où sont consignées les
règles qui organisent les rapports au sein d’une fraction, d’une tribu ou d’un igherm (Ksar)
ou qui régissent l’entretien et les rapports sociaux au sein d’un grenier collectif ( agadir), d’un
lieu saint (mosquée, timzgida), d’un marché ou d’un moussem.

Au-delà, la production juridique des légistes et les recue


ils coutumiers, accumulés après
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l’introduction de l’écrit dans les sociétés amazighes et particulièrement depuis la fin du XV
siècle, fournissent des informations importantes sur l’évolution, les institutions, les
procédures et les domaines d’application du droit. L’analyse des productions dont nous
disposons peut nous permettre de comprendre ses niveaux en fonction de la hiérarchie des
institutions tribales, ses objets et ses procédures ainsi que sa constitution en objet dans la
production juridique de l’époque.
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Almoravides et les Almohades : Entre le XIe et le XIIIe siècle, deux dynasties berbères, les Almoravides puis
les Almohades, ont unifié le Maghreb et la péninsule Ibérique. Pour la première et dernière fois, un pouvoir
maghrébin gouvernait les deux rives du détroit de Gibraltar
Antéislamiques ; les règles appliquée avant l’islam
Lyautey ; Louis Hubert Gonzalve Lyautey né le 17 novembre 1854 à Nancy et mort le 27 juillet 1934 à
Thorey, est un militaire français, officier pendant les guerres coloniales, premier résident général du
protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis
maréchal de France en 1921, académicien et président d'honneur des trois fédérations des Scouts de
France.

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