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QUATRlEfllE SEANCE

10 décembre 1977

1
A PROPOS D'UN ARTICLE DE ROBERT 8RENNER

r. QUELQU~s REMARQU(S PAR ALAIN GUERREAU

Dans un article clair et densej Ro~ert Brenner prtsente un ensern~le ccnstruit


et cohérent c'id~es à pro~cs de la ~ani~re ccminante ocnt on expliqua, pour l'heure,
l'évolution ~conomique e~ sociale de l'Eurcpc du XIIi 0 au XVIII 0 si~cle. S'en ~re-
nant avec une véh~~ence incisive è ~. Postan et E. Le Rey Ladurie, il montre comment
le orimum mova:-,s a ;warent de leur sysû me ,, '.interprétation - la déi:;09rai:,hie - est
0

en fait sutarconn~ à la ccnception cien connue du marché cJmme régulateur an car-


niÈ:re instance d8 toute évolut.i.:,r. ~conon.Üïua et r:,ême s:.cia.:..a, par la jeu 9e l 'of.f.!.2_
et de la dema~de. Ayant prouvé que ce genre de catégories ne permet pas en réalitd
d'expliquer quGi que ce soit, il met eG place schématique~ent l2s lignes essentielles
d'un syst·~e différent, a~ les rapports sociaux dE production et les luttes sociales
tiennent le rBle central~

Il convient, c 1 aoord et surtout, da soul~gner avec fe=metJ les aspects positifs


te ce texte: une talle prise de pcsition est aujourd'hui non seulemen~ utils, mais
nécessaire. Trois points retiennent particuli~rement l'attsntion.

1. Les caract~res formals da ce texte et ds la aé@ürche qu! la sous-tend sont


parf~itement adaptés~ l'objet que ~ren~er s'est donné. c~ t~xte, sn sf~et, em~rasse
una zone et u~E pJrica~ en apparance fer: étsnduas, quij l'auteur int~g~e décisoi-
rement dans u~ exposé schi~at~que et un sché:;a simple. Pourtant, ce sch~ma est oeau-
caup·rncin~ sjrn~le _quG ca à quoi se récu~sen~ au f~~~ las lc~gs discou=s da l'histo-
riograpr-,ie dc::-._:_;1an~_., sw:- le ;;iê:;:ci s:..;jet Davant•ge : ce sd:é:r.a rac\la aes mises e:-i
y

ra~port ax~lica~iue, ce qu'au cuntraLr& en ne d~ctle ;u~re chez les auteurs précé-
dents1»thesa factors d~ net, cf c~urse exalein economic ~evslo ment ;hav meral
describe what econornic develo,ement 11 ~ p. 36). Ce~te re,,1arc~ua est d'une grande p8rtée:
dans cha.:ue ana lys& , i Ï-~ tent'âr de oistingwer, sinon d<> sé.parr:ix:, ,::e qui relr:;va
de la description et ce qui rel~ve de l'explication. Impératif épiet~mologique cat~-
goriqus, certes ddlicat à mettre en oeuvre, mais dent 1•~pplication s'impose chaque
jour avac plus d'~vidence.

ce-principe posé a t ad~ ; s, il faut dttarffi~~er la nature at la teills de l'c~jet


d'étudej aLJtrement cit -~ ·~ l:~ira scientifiqtJ~)~;ar,t cet at.j,,t en mettant en place un
rJseau de concepts permet t a ,t de rendre compte raticnnallc~ent de ~'ensemLle des
phdnom\nes observables dans le champ circo~scrit. A cet ~gard, Brenner a~opte deux
options fondamentales: d'une part, il choisit ds placer son ·analyse au niveau cie
l'Eurcpe prise globalement et sur une p~rioda longue; a'aGtre part, il rornpl~ce le
"facteur cbjec~if d~tarminant 1' par un ensem~le ordonné de relation~. Ces deux options,
soulignons-le, ne peuvent ltre ind~pe~oantes: chercher è 2Jcouvrit un réseau da
relations entraîne nécessairement, si l' e n ne veut pas se contenter .ce c~nstruire
des mod~les mais s'en servir peur l'analysa c'une réali~~ c~servajle, la repéra~e
d'un espace et d'une dur~s è l'incérieur desquels ces rel~:ions ont réellamert fonc-
tionné. La misa sa évidence de ce lien nécessaira ap~ara!t en définitive co~no la

1. "Agrari~n Glass Str~ctLr~ ~~~ Eccn~~~c ~evalcpment i~ Pre-incustrial


Eurcpe", fast and Present, ?C (1976) 1 p~. 3~-75.
seconde raison qui justifie la forme et la lcn9ueur de cet article ; car s'il est
vrai que, cans un premier temps, en peut cbserver am~irique mant comment ces quel-
ques peges sont plus explicati ves que de tr ~. s lon~es .::nÈ:ses, on peut, dans un se-
cona te~ps, justifier théoriquem ent cette d~marche en man:raGt qu'elle se situe
~xactemen t au ~ivaau da gén,ralit ~ et d'abstrac tion propre~ son otjet : : le passage
au stade de ~'explic~ tion suppose simultanJ ment, dans la situation actuelle de la
recherche s• 1r l'Europe féodale, un affinemen t et une co~plexif ication des concepts
employés, et, d'autrE part, l'élargiss erner,t de la visée à l'ensem:.;l i de cette Europe
f~odale.,

2 la p~rt~ da la critique que Branner exerce~ l'ancontr e des typas dominants


0

d interprét ati c n de liévolutiw G de l'Europe féodale dépasse largement la personne


1

dea auteurs mis en cause ot va :::; ian au-delà ,je 13 déno.nciat ion, au cemeurar.t saLJ-
taire, da l'crthoda xie fonci~rem ent am~ig □ e qu'ils ont cc~tribué à !riger. Cette
critique sst c~rnple,<a, .:;n peut assa;.,er d*en distingue r trcis aspects, tou·t en mon-
trant qua ces trois ciel.es sont liées.

Le premier aspect, la plus civident, peur ~tre simple G'sn e s t pes moins décisif
il s'agit :.ie la démoli.tie n de ces 11 facteurs o;:-;Jectifs détermina nts"t qui · n'est au
fond qu'une ap~licati on du principe cien =cnnu selon lequel des causes gtn,rales ne
peuvent e~ auc~n cas expliquer des phinom~ne s particuli ers. Le cas de l'ivclutic n
dérnograph iqur:: est bie:, clair : un accroissam er,t p:-cvoc;ui3 dans tel CdS l'essor éco-
nomi(iue, dans tel autr.8 l'involut ion. A fortiori, on 5-3 demande ccmïr.ent des histo-
riens peuvent encore cro!ra qu'ils proposent une explicati on de telle ou , tella évo-
lution en invoquant 1~ suGite prope Gsion à ccnscmrna r, ou p~opensio n • l'innovat ion,
de tel grcupe social, m@me s•ils baptisent ce tour de passe-pas se d& l'appella tif
reluisant de "mentalit és" .. On pourrait sans difficult é; c~la a d'ailleur s déjà é-:é
fait, se livrsr à ce petit jeu avec 0 1 2.utres facteurs ·: le climat au la massa mo-
nétair·e-~

Lo sec c nd aspectr qui, au ~lan épistimol ogi~ua, formels co~pl~men t du précédent ,


11 11
ccnsiste t mor·trer comment chaque tenant C: ur1 de ces fac-:eurs tire: eç' réalité sa
1

force da persuasiG n de l'afficac it( avec laquelle il parv~ent è écarter tel autre
11
facteur 11 s t, r.s remettre en cause le pri.ncip2 rr.ême du "facteur oc.jectif dét.ermin a,tn,
L'exe~p l e chcisi _-~. Postan et E. Le Roy Ladurie rejetant l'idée oue le développu -
ment commer~ia l pu i sse on&raînar de lui-mg: a des m~dificat ions sociales et un d~ua-
loppemant de la productio n- est fort suggestif puisqu'il permet de montrer coffi~.ent
ces critiquas , mime si leurs résultats sent justes, restant purement empirique s et
s'arriten t ainsi avent d 1 avoir fait ressortir le principe fallacieu x qui sous-~end
aussi bi en la position qu'ils attaquent qua celle qu'ils défendent , la réduction
d'un :cappor.-r: sccia.l à un pr.ancmàne "otjecti.f ", par exemple la réduct.icn da servoge
à la rente en travail (p0. 43-44).

Le troisiàr.:e aspect, qua i. que mo i ns explicite , est sans doute le plus importar:t .
Montrant ~u e la mise en oeuvre de tcus ces ''facteurs ocjectifs détermina nts" suppose
toujours l ' app l ication générale □ e la "lei da l'cffrE & ~ cie la demande" tur un mar-
ché postulé o:,:nii:;rés ent, ,::l'f;.-lnner s I attaqu.e en définitivG à to1Jte ter,tativa visant
à déga~cr une quelccn~u a rat icnali té dc cnomiaue dans l'Europe féodale. L~ leçon
est
double: il es~ vain cte vou lo ir appli qu er~ l 'Europe féodale oes catégorie s propres
au syst ~me capitalis te ; il est tout aussi vain ce chercher I l'explica tion de 1•~co-
nomis féodale dans ::et-::e écona::.i.; al le-même, qU!:;ique soit d ai1laurs ls nom ore das
facteurs qu'en essaye da comcinar.

3. La construct ion qu'ébauch e Brenner apr~s avoir fait pl a ce nette est, dans
une large masure; une remise sur leurs pied s de nombreux concepts. Soit trois exem-
ples. Les prix (pp. 65-67)e Procédant à une o~servati cn co=parée des prix agricoles
en Anglaterr a, en France et en Italie au XVIII 0 si1cle, il montra nettem~nt ~ue ce
na sont pas las pri x qui ont détermind l'évolutio n agricclb, mais bien l'invers e:
ce sont des ra~ports sociaux particuli ers ~u i correspon dent t telle productiv ité,
laquells d~termine las prix ; nous ~vans ici un cas tr~s concret du problLme oien
connu de la correspcGdance entre forces productives et ra~ports sociaux de prcauc-
tion. La quantité de p,:;pulation (pp. 58-59) o S 1 app1.1yant sur una comparaison des
structures de la population paysanne allemanda 6U XVI 0 si~cle à l'ouest et à l'est
de 1 1 Elbe, Brennar montre bien qus c'est le typs c'organisation scciala at polit~que
des paysans ~ui détermine dans certain~s limites la dansité du peuplement at non
l'inverse4 Lee · luttes sociales : c'est d'une certaine façon le th~me central da
l'article ct~ Brenner. Ces luttes ne sont pas ''conjoncturelles", elles font parti~
intégrante du syst~me, elles en sont même une pi~ce essentielle, et c'as: de le~r
forme et de lgur issue que dépend dans la plus lerçe mesure l 1 évoluticn des carac-
t~res de la production~

Soulignons encore une f ci s avec force lo car2ct~ra racicalement différent d&


cette assertion par rapport à toutes les i~ter~rétation fcndjas sur des ''facteurs
o=Jectifstt: une lutta sociale, un rap~ort ccnflictuel autour de l'organisation ae
la production ne sen~ en•a~cune mani~re des ''facteurs objectifs~, des grandeurs
physiquss et ~esuraoles comme la population, les prix 1 les m&sses monétaires ; il
ne s'agit en aucune mani~ra de chercher une fc is de plus t reGplacer un facteur
par un autre ; il aEagit au ccntraira de découvrir un s~sc~tl~ mouvant et co~plexe
de relations crdcnnéas, peut-fitre hiirarchisJast snsem~le dont le Jau, difficile à
dé~rouiller, c~nstitua à p;8pre1~ent parler, st dans un ms~~ mouvement, le fonction-
nement et l 1évclution d'une s0ciété. Ni ls5 prixt ni les ~~rchcis, ni les chiffras
de population n'évoluent aléatoirement par rapport aux groupas sociaux, st eaux-ci
n'évoluent et ~B fa~cti □ nnant que les uns par rapport aux autres au s~in d'une so-
ciatf. Le prirr:at, dans l 1,rnalyse,, de l::1 r,cJ.aticn sur las ter-mes c'ir.-1 la relat).on doit
doit être cla i tement posd: tian évidemment, cela ne signi~ie pas qu'il faille re-
noncer à co~sic~rer des grandeurs matérielles et à les mesurer. au ccntraire; m&is
ce ~e sont e ue des paramttres, et il ne faut pas confonar s paramètre et inconnue.

Le risc;ue, dans l'évalua tien o I ur, tal toxt.e, est plus j ' Bn restreindr2 que d'en
'
suraiti~er la .ortée, At c'est pr~c :si, 8~t s n roison d2 sa ~crtée c~nsidérabls ~u'il
importe rJ 1 .:,n iclai.rer cer.ta_~nt'.;s .i.ns uf'fis2.ncss et. d'essayer je r~o:-,tr0r comment il est
pcssi~le da les comcler.

arenner eraplc~e dans son analyse quel~uas termes tr~s ambigus, ~ui, s'ils ne
sont pas stricteme nt faux, sont trsp flous pour ne pas pa~~attre de-ci de-1~ des
fcr~ulations proches ~a la tautologie eu du paralogisme: ''autonomie relative",
11
éccnornü, tr.?.l-Ji;: ior:nelle", "Europe preli ndui:n: riEèl.ia" • "croj_ r,sance auto-scuten1.1e 11 •
Ces termes évoquent trcp les platitudes de ~ostow pour ne p~s susciter quelques
soupçnns~

Cala dit~ deux peints doivent gtre soulignée: 1. i! est impcssi~la de ccnsicé-
rer la reppcrt fondamental d'extraction de rents comms un rspport coercitif. 2. il
est impossible de se cGntentec d'ana l yses juxtapcsées aas civerses régions de l'E~-
rope, comme si ces régions n'étGient en effet que juxtaposdas. Au fane, ces cieux
insuffisances ont trait l'una et l'autr~ t la nature exacts de et qua Srenner en-
tend par 11 c:.ass structure".

La ddfinit!on qu'il en conne, explicitement fondée en rlférsnce à ~arx (p. 31),


corraspo11d à e s qu'il est convenu d'appeler le ~tda de proc~ction, ctesc-b-dira la
co~~inaison ds s "forces sociales de production" et des ttra~~crts sociaux ~e produc-
tion''• Que là r,side le noeuc dro 1'6volution économique, cela est clair, mais il
faut chercher è savoir beaucoup plus nettemEnt ce que recouvrent ces termes. Brenner
raconnaic bien lui-même que les rappcrts sociaux da prcauction étaient cirectement
liés è des rapports "sxtra-6concmiques'', qu 1 il assimile~ des rapports de force,
S4
des rapports de coercition : position totalement insuffis~nt e. Tout montre que
l'emplo~ direct da la force, s'il rsstait toujours un recours possiale, étai~ en
fait exceptionne l et que les mJcanismes de ~cminaticn et a•extractio n d~s surplus
étaient bea~ccup plus complexes.

C'ist ici le lieu de rappeler que ~arx a clairement montr~ qua le capitalisme
est le premi&r rr.odi:: de production dans lequel les· rap;.orts économiques sont direc-
tement perçus comme tels et que par là .il se, cistinç;ue radicalemen t de t.:;us les .
rr,odas de ;irodwctior'; ant2.ri&urs, da:1s lesquels ë- d contrair;:; ces rap~orts de procuc-
tion étalent toujours su □ sumés par une institution ~ vocation non économique (paren-
té, institution s politiques etc.) 1 da sorte que tous ces ~o~es de production étaient
aeoarerr,1:1e_Q.t dominée par des insti~ut ions n::: n-économiqu es. S • agissant da :i. 'Eurcpe
féodale, la question reste ouverte, mais il n'est ~ue trop visibla que toute te~ta-
tiva pour réduire l'ensem~le des rapports sociaux de l'Europe féodale aux rapports
dconomiques entre las paysans et les seigneurs est une taG:ative réauctrice au pire
sens du terme, car enfin, il n'est ~as sérieux de réduire & un rang subalterne et
uniuc~uemen t citterminé les monarchies, l'Eglise, les villes marcManaes. Il est oien
clair qu'il s'agit là de réalit~s sociales~ la fois massives et coextensive s à
l'Europe féodale cia7& le temps et dans l'espace: aucune analyse limitée à l'aspect
agraire de la soci6té méoiévale ne sa-rait prétendre ~tra explicative . L~s rapports
sociaux de production comportent à la f~is les rapports par leai;uels est déterminé
l'acc~s aux ressources et moyens de production, las rapports par lesquels ast dé-
terminé 1 1 acc _s aux ressources et moyens ds production, les rappor~s par lesquels
est contrSlé e~ organisé le proc~s de travail, las rap~orts par lesquels sont opé-
rées la r~partition et le distrioutio n des p~oduits. La culture écrite, la connais-
sance de la loi, les multiples pratiques relig~euses , les ~changes commerciaux , les
affrontemen ts militaires, autant de rapports sociaux de première importance dar,s
l'Europe féodale et dont il faut aDsolument tenir compte si l'on vaut tirer toutes
les conséquencs s du rejet de la nction da "rationalic é ~ccnomique" . Branner suggàre
déjà une telle cirecti0n de recharche ~uand il insiste su: la nécessitt de connaitre
tr~s précisément les structures pcliti~uea des paysannerie s, en particulier las
communaut.~s rL,!'alt1s. Il y a lt un exemp.ia privilégié pour {tuoier la rr.ar,ière dent
....
srimbriquen t, de façon complexe et tr~s mouvante, les rapports économiques (en-
traide, contra!~ts collective) , familiaux (parent~l&, choix des conjoints, dévolu;
tion), religie~x~ militaires. fiscaux.

Parler d~s formes d 1 organisatio ns politiques, religieuses ou commerciale s am~ne


inJvit&blem ent ~ se peser l<l question de l'organ~sat ion globale du syat~me de l'Eu-
rope féodale, ce la nature réelle de son unité et de ses rapports avec l'extérieur .
Brenner a visé juste en utilisant toutes les analyses régicnales comma des pi~ces
d'un syst~me a'axplicatio n plus vaste et qui les englace. Il faut aller plus loin
et se demander le pourquoi de la taille du syst~me et les principes de son fonction-
nement global. Jn dcit rappeler ici que, au sens o~ Marx l'entendait , la base éco-
nomique d 1 une Eoci6té comporte~ la fois les rapports des t.ommas entre eux à pro-
pos de la production, et les rapports des homffies et de la nature, ce qu'on appelle
aujourd'hui l 1 8co-systè:ne . Pour dire les choses plus ccncrÈ.temen t, on est, par exem-
ple, en droit c2 se demander a'il n'y a~rait pas un rapport entre le passage du mode
da production ~nt!que au moda de producticn féodal et le passage d'une iconomie or-
ganisée autour du bassin méditerran~ en à une éconc~ie centr~e sur lss bassins de la
Seine et du Rhin. Relief, sols, fleuuas, climats, taille des espaces géographiqu es
na son~ pas des élé~ents aléatoires par rapport~ l'~rganisat ion économique. Bien
sûr, il n'est i:,as questi..:n de revenir ~\ un .:;uelconquc déta::::minisme des 11 conoiticns
naturelles" , qui n'est qu'une autre ferma de cause générale proauisant des effets
particulier s, mais ces conditions exis~ent et an peut faire l'nypoth~se qua la
taille d'un mode de production esc l'une des formes essentiElle s de sen adaptation ·
è ces dites ccnd~tions naturelles. Or il est clair iue c&tte adaptation dépend pour
une part ccnsidérabl e des moyens de déplace~ent individuels et collectifs, des moyens
da transport des diverses marchandise s, das moyens de stoc~age, du syst~me des tran-
sactions, tous facti3urs qui r. 'entrstiennen ·:; que des rapporti5 indirects et complexes
avec l'organisat ion de la production agricole$ On notera ~galement que l'un des plus
forts f acte u rs d ' u nit~ de l ' EuropB férirlole étnit la relinion chrétiunn a qui s □ us­
t.e1,cla:it à lrJ fcdë; 1 1 usélQCJ ci 1 1.1m~ l;:_,r,qul, sm1a11t.1, crn;1r ,urn: ot lcJ fo11r;tior111cwrnt, cl ' ur1c
1

ir,st.i tution u n:i.filfo, cGci r u~;Lrn t VI'3i bion a u-- dt-: là drJ .l I ap pDr.Dnt r'i clalcmm:t ciu
XV ro s.i8clP.

L 1 é quat ic;n soc i,~ti:: fé ocJ alo:.:: r.oocié tci GCJIEJ ir r-,, ou sociét.1.:'! rurzü D, Elbt dom: f,1Lrn:;r:·
au p.lRn tant de Ja rn:i cro--l:Li,;81:V,Jtiun r1 Lm dLJ L1 mcicro - nLisorvr=1Lj_on , L cna.lys~i, ln
I

1
c;irnpJ.o dcscr:ipt.:iun 111êrr1G, drrn rapporLs soc.L-:iux u(~ product:i.on dans l [Ll,.'Dpn f~ude.1.!3 1
roste r1t enc or e lar~Jrnric-rnt ~-: fairo ot sDr,::it vraürn111lJ.lablrn:rn11 t l ' ou j nt rJC:J I't)ch,.:n-ci:cé;
et rfo détJab, ciar1'.:i .l.E,s anr1ûe~, 2:1 vernir . Touteifoi.,;, :i.J. r:)[lraîl; r,écns~mjn: c_fr, sDulic;,11er
dùs s présr.rnt que cet.te description, donL la part.i.c centra.le doit uviciemnH:mt f:lrG
consac1'88 mJ>< rnoda1itéis cfo pr(JH,vemr:rnt du sur-lrr.::1/c.:il dsn pDyi:;érnf3, do.i.t u11 tuut cite!.:.
de csuse com porter ci eux a s pects s oig 11e u semsnt □ rtic ul ée, l 'a spoct l ocal nu r6gi on al
et l ' aspect gl obal : ni l ' involution polonaise ni l ' essor anglais ne sont 18 fruit
diune logique purornEmt rr~lJionalo. D' où J. ' intér-êt ciu ' il y aurait à réfll"chj_r dos Èi
prése nt, d 'un c8té au x CLl nc epts de cen tr e , d 'au réol es et de périp hé rie, et d'un
a utro côté au rôln drJs r·appDrt,., du système mmc .1 ' F,xtûr.iEJur : commerce du Lev,_;r,t }
comr.:erce ave c Jar, ln dré!s orienta l es E,t occiclentalos, conm1erct1 triang ulaire, aussi
bien qu e Cr oi sades , Gré:lndos rléco uv ertos , dE~Vf,l □ pperne n t dE'JS col on .i es de pl ar1tat.icn.s"

L. 'article de f1ol!e:rt Ercnner, da ns son s d d rn 2.t i i-, mB même , pr és ente .1 i rnme n'.:,G in•-
1

t é r ê t de pl3cc~r da m, uri orclr e .logiqu G les pr.i..11cip au x 6l éme 11t t, d ' a nal ys 8 du s ys t ème
de l'Europ e .féoci Alo du XII 0 au XVIII 0 si~cle. C'est un mé rite qu'on ne saurait ass sz
louer. Le r6lo et l'im po rtance dos lutte s social e s s ont mi s en va leur de mani ~re
exemplair e . Il f a ut c e pe ndant soul ig n~r que l'ex ce s sive pa uvre tci de l a notio n ic i
t➔ mployéo dFJ "c1 as s st r uctur e " affaiblit darigerm.rsgnmnt la force de l argun1sn t at-,ion
1

et qu'il eGt ét é nécess a ire d' é voquer - mêm e tr ~s son1rnajr oment - quel ques directi ons
de recherche, plutôt qu e de tenter de réduire, maladroitement, la comme rce ou J Et a t
1

à un simpJe face-à-face dos paysans et des seign eurs, san s parl e r de l'EgJise qui
n'est mgme p2s mentionnée.

II. GUY BOIS CONTRE MALTHUS, QUEL MARX?

L'article de Mr. Robert Brenner présonte un double mérite : il se drosse avec


courage contre le mod~le malthusien et il affirme lo rôle dicisif de la lutte des
classes dans l'évolution économique de longue durée notamment dans la phase préin-
dustrielle de l'histoire européenne. Sur ces deux points, je soutiendrai mon érninsnt
coll~gue mais sans partager son argumentation et en me séparant radicale ment de son
orientation méthodologique .

** *

Soulignons d'abord nos convergences. Comme lui, je déplore que le mod~le mal-
thusien ait pris figure d'orthodoxie (1). Servi par la notoriété des historiens qui
en sont les défenseurs, il enserre dan~ ses tentacules notre historiographie . Pour
les périodes médiévales et modernes la plupart des chercheurs s'en .inspirEJnt impli-
citement ou explicitement et ne jugent plus nécessaire de s'en justifier. Que d'a-
venture, uno autre analyse récusant cette orthodoxie, soit avancée, aussitôt s'ef-
force-t-on de réintégrer l'intrus dans le bercail malthusien. Ainsi la Crise du

1. Pa r mod è le malthu s ien (ou 11 n é o-rné➔ lthu s.üi11 11 ) entBnclons, dans un s e ns J.argG,
tout mod ~le dan s lequBl les dé terminati ons princip a les sont en derni~r o in s t a nce
d'ordre dé moçîra ,J hique. Il conviendrait naturellement de différsncior cet er1se.m:::1 le
en tonant compte det1 positions distirictes de W. Abel, M.M. Postan ou E. Lo Roy La-
durie (pour ne citer qu'au x ) mais ce n'est pas ici l'objet de notre propos

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