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10 décembre 1977
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A PROPOS D'UN ARTICLE DE ROBERT 8RENNER
ra~port ax~lica~iue, ce qu'au cuntraLr& en ne d~ctle ;u~re chez les auteurs précé-
dents1»thesa factors d~ net, cf c~urse exalein economic ~evslo ment ;hav meral
describe what econornic develo,ement 11 ~ p. 36). Ce~te re,,1arc~ua est d'une grande p8rtée:
dans cha.:ue ana lys& , i Ï-~ tent'âr de oistingwer, sinon d<> sé.parr:ix:, ,::e qui relr:;va
de la description et ce qui rel~ve de l'explication. Impératif épiet~mologique cat~-
goriqus, certes ddlicat à mettre en oeuvre, mais dent 1•~pplication s'impose chaque
jour avac plus d'~vidence.
dea auteurs mis en cause ot va :::; ian au-delà ,je 13 déno.nciat ion, au cemeurar.t saLJ-
taire, da l'crthoda xie fonci~rem ent am~ig □ e qu'ils ont cc~tribué à !riger. Cette
critique sst c~rnple,<a, .:;n peut assa;.,er d*en distingue r trcis aspects, tou·t en mon-
trant qua ces trois ciel.es sont liées.
Le premier aspect, la plus civident, peur ~tre simple G'sn e s t pes moins décisif
il s'agit :.ie la démoli.tie n de ces 11 facteurs o;:-;Jectifs détermina nts"t qui · n'est au
fond qu'une ap~licati on du principe cien =cnnu selon lequel des causes gtn,rales ne
peuvent e~ auc~n cas expliquer des phinom~ne s particuli ers. Le cas de l'ivclutic n
dérnograph iqur:: est bie:, clair : un accroissam er,t p:-cvoc;ui3 dans tel CdS l'essor éco-
nomi(iue, dans tel autr.8 l'involut ion. A fortiori, on 5-3 demande ccmïr.ent des histo-
riens peuvent encore cro!ra qu'ils proposent une explicati on de telle ou , tella évo-
lution en invoquant 1~ suGite prope Gsion à ccnscmrna r, ou p~opensio n • l'innovat ion,
de tel grcupe social, m@me s•ils baptisent ce tour de passe-pas se d& l'appella tif
reluisant de "mentalit és" .. On pourrait sans difficult é; c~la a d'ailleur s déjà é-:é
fait, se livrsr à ce petit jeu avec 0 1 2.utres facteurs ·: le climat au la massa mo-
nétair·e-~
force da persuasiG n de l'afficac it( avec laquelle il parv~ent è écarter tel autre
11
facteur 11 s t, r.s remettre en cause le pri.ncip2 rr.ême du "facteur oc.jectif dét.ermin a,tn,
L'exe~p l e chcisi _-~. Postan et E. Le Roy Ladurie rejetant l'idée oue le développu -
ment commer~ia l pu i sse on&raînar de lui-mg: a des m~dificat ions sociales et un d~ua-
loppemant de la productio n- est fort suggestif puisqu'il permet de montrer coffi~.ent
ces critiquas , mime si leurs résultats sent justes, restant purement empirique s et
s'arriten t ainsi avent d 1 avoir fait ressortir le principe fallacieu x qui sous-~end
aussi bi en la position qu'ils attaquent qua celle qu'ils défendent , la réduction
d'un :cappor.-r: sccia.l à un pr.ancmàne "otjecti.f ", par exemple la réduct.icn da servoge
à la rente en travail (p0. 43-44).
Le troisiàr.:e aspect, qua i. que mo i ns explicite , est sans doute le plus importar:t .
Montrant ~u e la mise en oeuvre de tcus ces ''facteurs ocjectifs détermina nts" suppose
toujours l ' app l ication générale □ e la "lei da l'cffrE & ~ cie la demande" tur un mar-
ché postulé o:,:nii:;rés ent, ,::l'f;.-lnner s I attaqu.e en définitivG à to1Jte ter,tativa visant
à déga~cr une quelccn~u a rat icnali té dc cnomiaue dans l'Europe féodale. L~ leçon
est
double: il es~ vain cte vou lo ir appli qu er~ l 'Europe féodale oes catégorie s propres
au syst ~me capitalis te ; il est tout aussi vain ce chercher I l'explica tion de 1•~co-
nomis féodale dans ::et-::e écona::.i.; al le-même, qU!:;ique soit d ai1laurs ls nom ore das
facteurs qu'en essaye da comcinar.
3. La construct ion qu'ébauch e Brenner apr~s avoir fait pl a ce nette est, dans
une large masure; une remise sur leurs pied s de nombreux concepts. Soit trois exem-
ples. Les prix (pp. 65-67)e Procédant à une o~servati cn co=parée des prix agricoles
en Anglaterr a, en France et en Italie au XVIII 0 si1cle, il montra nettem~nt ~ue ce
na sont pas las pri x qui ont détermind l'évolutio n agricclb, mais bien l'invers e:
ce sont des ra~ports sociaux particuli ers ~u i correspon dent t telle productiv ité,
laquells d~termine las prix ; nous ~vans ici un cas tr~s concret du problLme oien
connu de la correspcGdance entre forces productives et ra~ports sociaux de prcauc-
tion. La quantité de p,:;pulation (pp. 58-59) o S 1 app1.1yant sur una comparaison des
structures de la population paysanne allemanda 6U XVI 0 si~cle à l'ouest et à l'est
de 1 1 Elbe, Brennar montre bien qus c'est le typs c'organisation scciala at polit~que
des paysans ~ui détermine dans certain~s limites la dansité du peuplement at non
l'inverse4 Lee · luttes sociales : c'est d'une certaine façon le th~me central da
l'article ct~ Brenner. Ces luttes ne sont pas ''conjoncturelles", elles font parti~
intégrante du syst~me, elles en sont même une pi~ce essentielle, et c'as: de le~r
forme et de lgur issue que dépend dans la plus lerçe mesure l 1 évoluticn des carac-
t~res de la production~
Le risc;ue, dans l'évalua tien o I ur, tal toxt.e, est plus j ' Bn restreindr2 que d'en
'
suraiti~er la .ortée, At c'est pr~c :si, 8~t s n roison d2 sa ~crtée c~nsidérabls ~u'il
importe rJ 1 .:,n iclai.rer cer.ta_~nt'.;s .i.ns uf'fis2.ncss et. d'essayer je r~o:-,tr0r comment il est
pcssi~le da les comcler.
arenner eraplc~e dans son analyse quel~uas termes tr~s ambigus, ~ui, s'ils ne
sont pas stricteme nt faux, sont trsp flous pour ne pas pa~~attre de-ci de-1~ des
fcr~ulations proches ~a la tautologie eu du paralogisme: ''autonomie relative",
11
éccnornü, tr.?.l-Ji;: ior:nelle", "Europe preli ndui:n: riEèl.ia" • "croj_ r,sance auto-scuten1.1e 11 •
Ces termes évoquent trcp les platitudes de ~ostow pour ne p~s susciter quelques
soupçnns~
Cala dit~ deux peints doivent gtre soulignée: 1. i! est impcssi~la de ccnsicé-
rer la reppcrt fondamental d'extraction de rents comms un rspport coercitif. 2. il
est impossible de se cGntentec d'ana l yses juxtapcsées aas civerses régions de l'E~-
rope, comme si ces régions n'étGient en effet que juxtaposdas. Au fane, ces cieux
insuffisances ont trait l'una et l'autr~ t la nature exacts de et qua Srenner en-
tend par 11 c:.ass structure".
C'ist ici le lieu de rappeler que ~arx a clairement montr~ qua le capitalisme
est le premi&r rr.odi:: de production dans lequel les· rap;.orts économiques sont direc-
tement perçus comme tels et que par là .il se, cistinç;ue radicalemen t de t.:;us les .
rr,odas de ;irodwctior'; ant2.ri&urs, da:1s lesquels ë- d contrair;:; ces rap~orts de procuc-
tion étalent toujours su □ sumés par une institution ~ vocation non économique (paren-
té, institution s politiques etc.) 1 da sorte que tous ces ~o~es de production étaient
aeoarerr,1:1e_Q.t dominée par des insti~ut ions n::: n-économiqu es. S • agissant da :i. 'Eurcpe
féodale, la question reste ouverte, mais il n'est ~ue trop visibla que toute te~ta-
tiva pour réduire l'ensem~le des rapports sociaux de l'Europe féodale aux rapports
dconomiques entre las paysans et les seigneurs est une taG:ative réauctrice au pire
sens du terme, car enfin, il n'est ~as sérieux de réduire & un rang subalterne et
uniuc~uemen t citterminé les monarchies, l'Eglise, les villes marcManaes. Il est oien
clair qu'il s'agit là de réalit~s sociales~ la fois massives et coextensive s à
l'Europe féodale cia7& le temps et dans l'espace: aucune analyse limitée à l'aspect
agraire de la soci6té méoiévale ne sa-rait prétendre ~tra explicative . L~s rapports
sociaux de production comportent à la f~is les rapports par leai;uels est déterminé
l'acc~s aux ressources et moyens de production, las rapports par lesquels ast dé-
terminé 1 1 acc _s aux ressources et moyens ds production, les rappor~s par lesquels
est contrSlé e~ organisé le proc~s de travail, las rap~orts par lesquels sont opé-
rées la r~partition et le distrioutio n des p~oduits. La culture écrite, la connais-
sance de la loi, les multiples pratiques relig~euses , les ~changes commerciaux , les
affrontemen ts militaires, autant de rapports sociaux de première importance dar,s
l'Europe féodale et dont il faut aDsolument tenir compte si l'on vaut tirer toutes
les conséquencs s du rejet de la nction da "rationalic é ~ccnomique" . Branner suggàre
déjà une telle cirecti0n de recharche ~uand il insiste su: la nécessitt de connaitre
tr~s précisément les structures pcliti~uea des paysannerie s, en particulier las
communaut.~s rL,!'alt1s. Il y a lt un exemp.ia privilégié pour {tuoier la rr.ar,ière dent
....
srimbriquen t, de façon complexe et tr~s mouvante, les rapports économiques (en-
traide, contra!~ts collective) , familiaux (parent~l&, choix des conjoints, dévolu;
tion), religie~x~ militaires. fiscaux.
ir,st.i tution u n:i.filfo, cGci r u~;Lrn t VI'3i bion a u-- dt-: là drJ .l I ap pDr.Dnt r'i clalcmm:t ciu
XV ro s.i8clP.
L 1 é quat ic;n soc i,~ti:: fé ocJ alo:.:: r.oocié tci GCJIEJ ir r-,, ou sociét.1.:'! rurzü D, Elbt dom: f,1Lrn:;r:·
au p.lRn tant de Ja rn:i cro--l:Li,;81:V,Jtiun r1 Lm dLJ L1 mcicro - nLisorvr=1Lj_on , L cna.lys~i, ln
I
1
c;irnpJ.o dcscr:ipt.:iun 111êrr1G, drrn rapporLs soc.L-:iux u(~ product:i.on dans l [Ll,.'Dpn f~ude.1.!3 1
roste r1t enc or e lar~Jrnric-rnt ~-: fairo ot sDr,::it vraürn111lJ.lablrn:rn11 t l ' ou j nt rJC:J I't)ch,.:n-ci:cé;
et rfo détJab, ciar1'.:i .l.E,s anr1ûe~, 2:1 vernir . Touteifoi.,;, :i.J. r:)[lraîl; r,écns~mjn: c_fr, sDulic;,11er
dùs s présr.rnt que cet.te description, donL la part.i.c centra.le doit uviciemnH:mt f:lrG
consac1'88 mJ>< rnoda1itéis cfo pr(JH,vemr:rnt du sur-lrr.::1/c.:il dsn pDyi:;érnf3, do.i.t u11 tuut cite!.:.
de csuse com porter ci eux a s pects s oig 11e u semsnt □ rtic ul ée, l 'a spoct l ocal nu r6gi on al
et l ' aspect gl obal : ni l ' involution polonaise ni l ' essor anglais ne sont 18 fruit
diune logique purornEmt rr~lJionalo. D' où J. ' intér-êt ciu ' il y aurait à réfll"chj_r dos Èi
prése nt, d 'un c8té au x CLl nc epts de cen tr e , d 'au réol es et de périp hé rie, et d'un
a utro côté au rôln drJs r·appDrt,., du système mmc .1 ' F,xtûr.iEJur : commerce du Lev,_;r,t }
comr.:erce ave c Jar, ln dré!s orienta l es E,t occiclentalos, conm1erct1 triang ulaire, aussi
bien qu e Cr oi sades , Gré:lndos rléco uv ertos , dE~Vf,l □ pperne n t dE'JS col on .i es de pl ar1tat.icn.s"
L. 'article de f1ol!e:rt Ercnner, da ns son s d d rn 2.t i i-, mB même , pr és ente .1 i rnme n'.:,G in•-
1
t é r ê t de pl3cc~r da m, uri orclr e .logiqu G les pr.i..11cip au x 6l éme 11t t, d ' a nal ys 8 du s ys t ème
de l'Europ e .féoci Alo du XII 0 au XVIII 0 si~cle. C'est un mé rite qu'on ne saurait ass sz
louer. Le r6lo et l'im po rtance dos lutte s social e s s ont mi s en va leur de mani ~re
exemplair e . Il f a ut c e pe ndant soul ig n~r que l'ex ce s sive pa uvre tci de l a notio n ic i
t➔ mployéo dFJ "c1 as s st r uctur e " affaiblit darigerm.rsgnmnt la force de l argun1sn t at-,ion
1
et qu'il eGt ét é nécess a ire d' é voquer - mêm e tr ~s son1rnajr oment - quel ques directi ons
de recherche, plutôt qu e de tenter de réduire, maladroitement, la comme rce ou J Et a t
1
à un simpJe face-à-face dos paysans et des seign eurs, san s parl e r de l'EgJise qui
n'est mgme p2s mentionnée.
** *
Soulignons d'abord nos convergences. Comme lui, je déplore que le mod~le mal-
thusien ait pris figure d'orthodoxie (1). Servi par la notoriété des historiens qui
en sont les défenseurs, il enserre dan~ ses tentacules notre historiographie . Pour
les périodes médiévales et modernes la plupart des chercheurs s'en .inspirEJnt impli-
citement ou explicitement et ne jugent plus nécessaire de s'en justifier. Que d'a-
venture, uno autre analyse récusant cette orthodoxie, soit avancée, aussitôt s'ef-
force-t-on de réintégrer l'intrus dans le bercail malthusien. Ainsi la Crise du
1. Pa r mod è le malthu s ien (ou 11 n é o-rné➔ lthu s.üi11 11 ) entBnclons, dans un s e ns J.argG,
tout mod ~le dan s lequBl les dé terminati ons princip a les sont en derni~r o in s t a nce
d'ordre dé moçîra ,J hique. Il conviendrait naturellement de différsncior cet er1se.m:::1 le
en tonant compte det1 positions distirictes de W. Abel, M.M. Postan ou E. Lo Roy La-
durie (pour ne citer qu'au x ) mais ce n'est pas ici l'objet de notre propos