Olivier Burgelin

Joseph T. Klapper. "Mass Communication Research: An Old

Road Resurveyed"
In: Communications, 5, 1965. pp. 125-126.

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Burgelin Olivier. Joseph T. Klapper. "Mass Communication Research: An Old Road Resurveyed". In: Communications, 5, 1965.
pp. 125-126.

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 Notes de lecture

«d'un langage, et de transmission d'un depuis en des termes plus généraux

.langage d'une espèce à l'autre (p. 112 par Mm0 Petruszewycz x.
-à 123). Mais l'essentiel n'est pas là.: Comme le signale la conclusion de
il importe peu finalement de se deman l'ouvrage, le mot « information » est
der si le langage humain a ou non en soi un mot dangereux : « II incline
-émergé de la communication animale, à confondre la mesure et la commun
«ar nous n'avons actuellement aucun ication, l'information et le mes
.moyen d'observer une telle évolution. sage » (p. 205). A. Moles montre qu'en
Le fait capital est l'identité de formes réalité il y a non pas une, mais deux
^pii apparaît grâce à la théorie de l'i notions fondamentales, l'intelligibilité
nformation entre ces deux langages : et l'information ; l'opinion naïve tend
nous disposons désormais de concepts à les confondre ; la théorie montre au
fondamentaux qui rendent compte contraire leur aspect antagoniste
^uissi bien « du répertoire des signaux (p. 19).
-des sauterelles » que « de la réparti Cette difficulté n'est pas propre à
tion des items de l'Encyclopédie br la théorie de l'information : la logique
itannique » (p. 205). formelle rencontre une difficulté ana
L'observation des langages rudi- logue dès que l'on quitte le terrain
mentaires (tels que la communication de l'algèbre de Boole pour essayer de
animale ou les langues sifflées...) prend préciser le sens concret des mots
•alors un sens nouveau : ces langages « vrai » et « faux ». On est alors con
ne sont plus envisagés comme l'or duit là aussi à des compromis plus
igine éventuelle du langage humain ; ou moins heureux entre l'unicité du
ils sont considérés (fictivement) comme système formel et la diversité des
le résultat d'une réduction, d'un situations concrètes (par exemple :
appauvrissement de ce langage. Ils emploi des quantificateurs).
prennent place aux côtés des divers Il ne faut pas en conclure que les
procédés expérimentaux qui visent, systèmes formels, tels que la théorie
«oit par une déformation systémat de l'information, sont inaptes à rendre
ique, soit par une reconstitution arti compte d'une façon satisfaisante de la
ficielle des sons, à déterminer quels réalité, mais qu'ils peuvent être l'o
sont les éléments fondamentaux de ccasion d'un réexamen et d'une clari
la signification (Meyer-Eppler, p. 51 fication des concepts.
A 65).
Bien entendu la théorie de l'info Jacques Durand
rmation ne peut rendre compte des
■divers types de communication qu'en
considérant chacun d'eux sous un
angle restrictif. A de nombreuses Joseph T. Klapper, Mass Communic
reprises les . auteurs de l'ouvrage in ation Research : An Old Road
sistent sur la prudence dont on devra Resurveyed, Public Opinion Quart
faire preuve dans l'application de cette erly, Vol. XXVII, N. 4, Winter
théorie. Un exemple frappant de ces 1963.
limites est fourni par Pierre Guiraud
qui montre que la loi bien connue de parmi Devant le scepticisme provoqué
le public et les chercheurs amé-
Zipf (relation rang-fréquence) peut
s'expliquer aussi bien à partir d'un îicains par les recherches consacrées
schéma informationnel (distribution à aux communications de masse, Joseph
coût minimal) qu'à partir d'un pro T. Klapper publiait il y a quelques
cessus purement aléatoire (p. 38 à 45). années un ouvrage dans lequel il est
La démonstration de P. Guiraud n'est possible de trouver à la fois une réac-
d'ailleurs pas totalement probante
car elle postule des probabilités égales 1. M. Petruszewycz, « Loi de Pareto
et indépendantes pour les signes suc et processus markovien », Mathématiques
cessifs ; mais le problème a été étudié et sciences humaines, avril 1963.

125
Notes- de lecture
tion contre le déferlement des cr
itiques et une confirmation partielle
de leur bien-fondé. Une réaction parce
que, fort raisonnablement l'auteur
ne procédait qu'à une critique nuancée,
et refusait de se laisser enfermer dans
une attitude de « tout-ou-rien » ; mais
une confirmation parce qu'il ressortait
malgré tout de son travail qu'un cer
tain nombre de problèmes mal posés
ont été au cœur de ces recherches ; et
pour commencer celui-ci, cher à tous
ceux qui rêvent de manipuler leurs
semblables ou redoutent d'être mani
pulés par eux : que font les commun
ications de masse à ceux qui les
consomment ? 1
Aujourd'hui Joseph T. Klapper
constate qu'un certain nombre de re
cherches prennent une nouvelle direc
tion. Nous passons nous dit-il, de tra
vaux construits sur des « one-to-one
cause and effects models » à des
« uses-and-gratifications studies ». Pour
reprendre encore une fois la fo
rmule de Wilbur Schramm, il ne
S'agit plus de se demander ce que la
télévision fait aux enfants, mais ce
que les enfants font de la télévision.
Toutefois Joseph T. Klapper ne se
contente pas de constater et d'ap
prouver ce renversement copernicien
de la sociologie américaine des mass
media. Il cherche à en montrer les
fondements théoriques, en le rappro
chant du célèbre paradigme de l'ana
lyse fonctionnelle établie par Robert
K. Merton. (Traduit en français dans
Éléments de méthode sociologique, Paris,
Pion, 1953).
De l'analyse de Klapper, il ressort
que l'application du modèle merto-
nien aux communications de masse
implique tout d'abord un progrès
dans la description des phénomènes.
Une analyse fonctionnelle doit en
effet préciser les éléments de la situa
tion qui sont liés à l'usage ou à la
« gratification » (contenu, et si oui
1. Joseph T. Klapper : The Effects
of Mass Communication, Free Press, 1960.
Cf. le Communications,
dans compte rendu den° G.1. Friedmann,
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quels éléments du contenu, processus
de la lecture ou du spectacle, image
du medium, etc.). Ce progrès en.
implique un autre, dans la position
scientifique des problèmes. L'analyse
fonctionnelle cherche en effet à mettre
en lumière les conséquences fonction
nelles ou dysfonctionnelles d'un usage,,
pour les divers individus ou groupes
concernés, et à formuler ces consé
quences sous forme d'hypothèses scie
ntifiquement vérifiables. D'où enfin un
progrès dans la connaissance de la
signification, structurellement déter
minée, des phénomènes observés. En
particulier l'analyse fonctionnelle doit
mettre en lumière des alternatives
entre des termes fonctionnellement
équivalents ; si la radio ou la télévi
sionne présentaient pas tel type de
programme, comment les spectateurs
chercheraient-ils à obtenir les « gra
tifications » dont ils seraient alors
privés ?
Il ne s'agit pas de perspectives très
profondément nouvelles. Il serait pos
sible de montrer que les meiUeures des
recherches anciennes satisfaisaient au
moins certaines de ces exigences. Par
ailleurs l'article de Klapper n'apporte
aucun élément théorique nouveau
quant à l'analyse fonctionnelle elle-
même. Mais la prise de conscience
fonctionnaliste dont il est le signe est
loin d'être dénuée de portée. Dans
le contexte américain la référence à
Merton est incontestablement une
réaction contre cet empirisme sans
principes qui a fait de la sociologie
américaine des mass media un gigan
tesque amas de faits qui, selon la
formule de Klapper, « défient toute
intégration ». Mais s'agit-il vraiment
de faits, et si oui, en quel sens ?
Comme l'a très bien vu Klapper,
l'analyse fonctionnelle est d'abord un
retour aux faits. Il s'agit de consacrer
l'effort scientifique non plus exclus
ivement à tenter de répondre aux
questions intéressées du public et des
commanditaires, mais d'abord à élu
cider les phénomènes eux-mêmes, ce qui
est pénétrer . dans l'anti-chambre de
la science.
Olivier Burgelin