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Résumé
Le mythe de l'Homme primordial, comme substance ou agenceur des trois mondes, était répandu dans de très nombreuses
contrées. Jusqu'ici, beaucoup de chercheurs en matière de religions ont raconté ce mythe. Nous nous efforçons maintenant
d'en rechercher l'origine et de dégager les sens profonds qui s'y cachent. En Inde notamment, on retrouve des versions écrites
très anciennes et très savamment élaborées du mythe. Ce mythe indien dit « du Purusa », à travers le temps, est arrivé à se
combiner avec d'autres mythes semblables de création, avec celui de Prajāpati par exemple, et a beaucoup contribué à
l'élaboration de la pensée religieuse, mystique et philosophique de l'Inde.
Hoàng-sy-Quy Hoành-son. Le mythe indien de l'Homme cosmique dans son contexte culturel et dans son évolution. In: Revue
de l'histoire des religions, tome 175, n°2, 1969. pp. 133-154;
doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1969.9444
https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1969_num_175_2_9444
LE MYTHE
En Inde
Dans l'Inde, ce mythe se serait peut-être répandu dans
les masses populaires avant d'être introduit dans la
littérature védique, notamment dans le Hgveda, l'Atharvaveda,
le Yajurveda, le Satapathabrâhmana, le Taittirîya-âranyaka
et l'Aitareya-upanisad. Avant de l'étudier d'une manière
approfondie, nous commençons par en donner ici un bref
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Vers l'Ouest
1) C'est la raison pour laquelle, il est le Père des princes «lu Ciel et de la Terre,
le Souverain des trois puissances.
k2) II semble qu'on retrouve ici le thème brahmanique de l'agencement
Cosmique.
.'{) De là son autre nom de IIwan Tun.
]«W REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
les arbres, ses dents et os avec leur moelle les métaux, rochers
et pierres précieuses, sa sueur la pluie. Les insectes qui
rampaient sur son corps enfin devinrent des êtres humains.
D'après une légende, l'esprit de P'an Kou, ayant quitté son
corps, erra dans l'espace vide, cherchant un support fixe.
Il entre alors en la bouche d'une dame céleste. T'ai Yuan,
qui devint par le fait enceinte. Le personnage ainsi né d'elle
fut un avatar de P'an Kou, connu sous le nom de Yuan-shih
T'ien-wang1.
Le P'an Kou -rappelé ici est celui des Taoïstes. Celui des
Bouddhistes chinois présente un visage différent.
Pour les Bouddhistes, avant l'arrivée de P'an Kou, les
cieux étaient déjà illuminés, mais la Terre inhabitée pour
une grande partie. Toutes communications étaient alors
impossibles entre le Ciel et la Terre et entre diverses régions
de la Terre elle-même. En effet, le Ciel était enveloppé de.
nuages et la Terre de ténèbres. Les quatre îles (quatre
continents) de la Terre (ou du Monde du Sud) demeuraient inondées.
Le Bouddha suprême ne savait que faire lorsqu'un bouddha
inférieur, To-Pung-Pao, nommé aussi P'an Kou, s'offrit d'aller
y mettre l'ordre. Mais il appréhendait de contracter en ce
travail la contamination de son corps et la perte de sa pureté
originelle. Le Bouddha suprême ayant promis de le restaurer
par la suite en son état premier, il fut satisfait, quitta l'Ouest
et se dirigea sur un nuage vers le Sud où l'eau se répandait
d'une manière sauvage et désordonnée.
Il sauta juste au centre de la Terre et prit immédiatement
la forme d'une pêche dont le noyau ressemblait à un enfant.
Il commença par lier de haut en bas sept fois sept (49) fois le
Ciel et la Terre et acquit peu à peu la taille d'un Homme de
.°>6 pieds. De sa tête sortirent alors deux cornes et il possédait
un œil de sagesse avec des sourcils divins. De sa tête sortirent
1} Cf. China review, vol. XI, pp. кО-82 : Scraps from rhinese mylhology, trad,
par le Rév. Dypr Ball et arm. par Dyer Ball.
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1) dišah : les quartiers, les points cardinaux. Il est curieux de remarquer que,
da.ns le conte chinois, l'es directions (ou points cardinaux) se trouvent sur les lèvres
(c'est par les lèvres qu'on indique les directions), tandis que dans le récit indien,
elles se situent dans les oreilles (par les oreilles, on reçoit ces indications). Mais
alors, pourquoi pas sur les yeux, la vue permettant en premier lieu de discerner
les directions ?
2) manas : fonction interne de perception et de désir.
3) Traduction L. Silburn, avec quelques petites retouches. Les eaux, apns,
sont porteuses de la vie.
LE MYTHE INDIEN DE L'HOMME COSMIQUE 141
« on dira que, l'homme doit manger l'homme. » Par la suite, sitôt que
le feu se fut allumé autour d'elles, il les retira et offrit des oblations
aux mêmes divinités... »l.
(IV, T)3, 1 sq.)1 et Nrpati (X, 61, 5-6 et 11)2, dont le germe
répandu au firmament engendre tout ce qui existe. Le terme
prajupati, appliqué à Savitr, reste dans le passage un attribut,
pas encore un nom propre (IV. f>3, 2).
On pense aussi que Prajàpati est le même que le Visva-
karman du RV, X, 81 et 82. Visvakarman, l'Artisan
universel, présente un visage de sculpteur, alors que Prajàpati
est aussi et surtout le Procréateur et la Matrice des créatures.
Dans RV, X, 121, Prajàpati se présente à la fois comme
celui qui engendre les êtres et qui mesure en même temps
le Ciel : double thème d'émanation et d'agencement qui se
retrouvera chez le P'an Kou taoïste.
Le Yajurveda blanc confond, lui aussi, le Purusa avec
Hiranyagarbha (XXXII, 3), et ensuite avec Prajàpati
(XXXII, f>) en tant que Créateur du Ciel et de la Terre
(VIII, 36; XIII, f>6; XII, 61). Seigneur de l'Année et des
saisons, et le Male à qui Ton adresse des prières afin d'obtenir
un fils (VIII, 10). Prajàpati y est célébré comme le Mâle
primordial qui s'unit à la Terre, principe féminin (XIII, 17).
Et de cette union naissent tous les êtres qui, une fois morts,
retournent à leur source qu'est Prajàpati (XXXIX, 6).
Dans l'Atharvaveda, Prajàpati présente les mêmes
caractéristiques. Père des créatures, il dispose les naissances aussi
bien que le plaisir (III, 6) et la prospérité (VII, 80, 3). Mâle,
il communique l'héroïsme et la gloire (XIX, 46, 1). Comme
* **
La révolution du Sumkhya-Ynrja
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La révolution du Vedânta
Purusa, la substance du Cosmos et le Soi-même immortel
du sacrifiant des Brâhmana, est devenu l'esprit de l'homme
dans le Sâmkhya-Yoga aussi bien que dans la littérature
populaire. Contraire au Sâmkhya dualiste qui rend l'esprit
irréductible à la matière, le peuple indien aime à représenter
l'âme à la manière d'un purusa (homme) de la grosseur d'un
pouce1, c'est-à-dire comme l'essence de tout l'homme.
L'âtman, le Soi-même du Vedânta, est bien cette essence
humaine2. Cette essence, dans le Vedânta, a pris pourtant
l'aspect absolument spirituel, intérieur et transcendant du
Purusa sâmkhya-yoguien. Le Vedânta, quelque peu
panthéiste au début, est devenu peu à peu une synthèse entre
le dualisme spirituel du Sâmkhya-Yoga et le monisme plus
propre au mythe védique du Purusa-Prajâpati. Le Purusa
védique, comme le Prajâpati brahmanique, comporte en
effet une partie terrestre et coagulée (murla) et une partie
transcendante et informe. Des spéculations abondantes du
SB sur cette partie informe et mystérieuse finirent par
engendrer le mépris de la forme et conduisirent à la négation de
cette dernière dans les Upanisad, les moins anciennes
notamment.
Les Veda et les Brâhmana tendent plutôt à la
structuration et à la consolidation du Cosmos. Cette structuration et
HOÀNH-SON HoÀNG-SY-QuY.