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Éditorial

L’entrepreneuriat et la jeunesse, un sujet en quête de sens


Olivier Toutain, Caroline Verzat
Dans Entreprendre & Innover 2017/2 (n° 33), pages 5 à 9
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 2034-7634
ISBN 9782807391031
DOI 10.3917/entin.033.0005
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 11/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.243.3.230)

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Éditorial
L’entrepreneuriat
et la jeunesse, un sujet
en quête de sens
> Olivier Toutain
> Caroline Verzat
Dans un contexte d’aggravation continue du chômage des jeunes depuis les années
quatre-vingt, un ensemble de programmes et d’incitations se sont succédé dans l’espoir
que l’expérience entrepreneuriale soit préparée voire intégrée dans la formation des
jeunes, pour favoriser leur insertion professionnelle.
Cependant, depuis quelques années, pour reprendre les propos du sociologue allemand
Hartmut Rosa, le temps s’accélère de manière quasi exponentielle. L’entrepreneuriat fait
l’objet d’un nombre étonnant d’initiatives, d’événements et de discours, dont une grande
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partie s’adresse aux jeunes. Ce phénomène, que l’on retrouve dans une majorité des pays
de l’Union Européenne et dans le monde occidental, se diffuse en France dans un grand
nombre de sphères sociales, éducatives et professionnelles. Cela touche une diversité
croissante de jeunes, qu’ils soient sans diplôme, à l’école primaire, secondaire, dans les
centres de formation professionnelle, à l’université, dans une grande école d’ingénieur
ou de management ou impliqués dans le secteur associatif et culturel.
Les initiatives pédagogiques, les événements, les associations, clubs, incubateurs,
espaces d’innovation foisonnent, tant et si bien que le paysage entrepreneurial dans
le secteur de la jeunesse prend les multiples couleurs de l’automne actuel : relayé avec
entrain par le monde médiatique, le paysage est magnifique de diversité dans sa globa-
lité, mais bien difficile à décrypter si l’on commence à y regarder de plus près !
Ce monde entrepreneurial, parfois présenté comme le monde enchanteur de la réali-
sation de soi, de la création de sa propre activité professionnelle, libre des contraintes
salariales et d’un employeur, ce monde dans lequel tout est possible car les opportunités
sont à prendre pour qui sait être un peu malin, ce monde de la start-up et du digital, ce
monde ouvert sur le monde, hyperconnecté qui accélère le changement des hommes
et des organisations, ce monde qui redonne l’espoir aux jeunes les plus défavorisés

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Graine d’entrepreneurs, vol. 2 (33), 2017
Éditorial

socialement, ce monde qui génère un ensemble de transformations des rapports à l’édu-


cation et au travail, favorisant l’exacerbation des valeurs libérales de liberté mais aussi de
réussite individuelle et d’entreprise privée, banalisant voire normalisant l’incertitude…
Eh bien il interroge, ce monde actuel ! Il interroge vu la difficulté à définir clairement les
objectifs et compétences visés, les publics et les âges auxquels il convient d’introduire
l’entrepreneuriat, la/les pédagogie(s) adéquate(s), les rôles des différents intervenants,
les débouchés réels, la réussite effective et plus généralement les philosophies, les ima-
ginaires et les idéologies sous-jacents.
Devant cette effervescence soutenue par des initiatives lumineuses, voire aveuglantes,
autour de l’entrepreneuriat et de la jeunesse, nous avons souhaité faire de ce dossier l’oc-
casion de marquer un temps de pause. Le temps de laisser la parole aux chercheurs, pra-
ticiens, enseignants qui s’interrogent sur ce que signifie l’entrepreneuriat et la jeunesse
aujourd’hui. Où en sommes-nous ? Comment se définit cette relation entre l’entrepre-
neuriat et les jeunes ? Quels enjeux sont soulevés ? Conscients de l’ampleur de ces ques-
tions, donc des limites de l’exercice imposant d’abandonner toute velléité d’exhaustivité,
nous avons ainsi interrogé la communauté scientifique et professionnelle. Nous avons
reçu de nombreuses propositions et remercions chaleureusement tous leurs auteurs.
Ce dossier a fourni l’opportunité d’ouvrir une nouvelle rubrique dans la revue,1 autour
du cas d’une pratique pédagogique innovante dans le domaine de l’entrepreneuriat : son
contexte, ses objectifs et principes, son déroulement pédagogique, ses premiers résul-
tats et le questionnement qui jaillit de cette expérimentation.
Le principe de cette rubrique s’inspire du principe de l’ « evidence based education » en
médecine. Il s‘agit de faire circuler l’information sur les expérimentations pédagogiques
innovantes, de communiquer les premiers résultats dans un format court, avant de pro-
duire un article scientifique basé sur un jeu d’hypothèses issu de la littérature et sur un
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large échantillon. Le but est de faire réagir des collègues, afin qu’ils expérimentent et
documentent progressivement cette pratique dans d’autres contextes. Nous espérons
que de nombreux enseignants s’inspireront de ce cas, testeront certains éléments dans
leur contexte, réagiront par leurs questions. Toutes ces réactions serviront à alimenter
un forum de discussion sur le site de la revue. Bien entendu, nous attendons de nou-
veaux cas d’expérimentations à publier dans le cadre de cette rubrique dans les prochains
numéros de la revue.
Le dossier s’ouvre avec l’article d’Alain Fayolle et de Catherine Laffineur qui présentent
une étude issue des données GEM2 et GUESS3 sur le passage à l’acte entrepreneurial des
jeunes Français(es). Les auteurs montrent notamment un écart saisissant entre l’inten-
tion entrepreneuriale et le taux d’entrepreneuriat et en proposent une analyse fondée
sur le manque de perception des compétences et des opportunités entrepreneuriales. Ce

1 Le cahier des charges de cette nouvelle rubrique est présenté sur le site de la revue https://revueentreprendreinnover.
wordpress.com/
2 Global Entrepreneurship Monitor.
3 Global University Entrepreneurial Spirit Students’ Survey.

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Olivier Toutain, Caroline Verzat

premier article ouvre des voies de réflexion et de débat, notamment sur les conditions à
créer pour améliorer le taux d’entrepreneuriat des jeunes.
Dans le monde académique, malgré un discours qui cherche à favoriser le développe-
ment de l’entrepreneuriat dans l’ensemble du monde scolaire, une grande majorité des
initiatives visant la sensibilisation, la formation et l’accompagnement à la création/
reprise d’entreprise ont lieu dans le champ de l’enseignement supérieur. Matthias Pépin
fait partie des rares chercheurs qui s’intéressent à l’éducation entrepreneuriale dans les
écoles primaires et secondaires. Il présente ici un article intitulé « S’entreprendre pour
apprendre à l’école primaire : un défi pédagogique », dans lequel il interroge clairement
les raisons d’être de l’entrepreneuriat introduit à un stade précoce de la scolarité des
élèves. Pour illustrer ses propos, il nous fait part de ses travaux menés au cours de sa
recherche doctorale dans une école primaire au Québec. Il montre notamment que le
projet entrepreneurial peut servir de tremplin pour transmettre aux élèves des contenus
disciplinaires et développer leur esprit critique, à condition qu’il soit bien exploité péda-
gogiquement.
Dans le champ de l’enseignement supérieur, le projet entrepreneurial pose la question
de l’intégration professionnelle à la sortie des études. Pascale Brenet, Nathalie Schieb-
Bienfait et Jérôme Authier présentent un article intitulé « concevoir un référentiel de
compétences pour les étudiants entrepreneurs : la démarche PEPITE ». Les responsables
et animateurs du réseau national PEPITE se sont lancés dans l’élaboration d’un référen-
tiel de compétences partagé, dans un contexte marqué par une histoire déjà longue et
l’existence de nombreux référentiels et certifications issus d’acteurs variés. Les auteurs
racontent la démarche suivie au sein du réseau PEPITE réunissant des accompagnateurs,
des enseignants-chercheurs en entrepreneuriat et en sciences de l’éducation, combinant
approche empirique et théorique, ainsi qu’une conception itérative, testant les proposi-
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tions retenues et leur appropriation par l’ensemble des parties prenantes.
À une échelle plus exploratoire et localisée, Stéphane Foliard et Sandrine Le Pontois
s’intéressent dans leur article « Équipes entrepreneuriales étudiantes : comprendre pour
agir », à la manière dont les équipes d’étudiants entrepreneurs identifient et verbalisent
les compétences développées au cours du processus de création et de gestion de leur
entreprise. En s’appuyant sur une étude de terrain au plus près des interactions dans
une équipe de création d’entreprise étudiante, les chercheurs s’interrogent notamment
sur la manière d’aider les étudiants à comprendre, (re)négocier et assumer leur place au
sein de l’équipe entrepreneuriale. Ils montrent notamment que les membres de l’équipe
peuvent rapidement s’enfermer dans une identité de rôle correspondant à la place qu’ils
se sont eux-mêmes attribuée ou bien qu’ils se sont vus assigner dans l’équipe.
Dans un article intitulé « Small Firm Acquisition, a Credible Pathway to Entrepreneurship
for Young Business School Graduates », Robert Sheldon nous invite à explorer le sujet
peu exploré de la reprise entrepreneuriale par des jeunes. Il souligne notamment que la
reprise entrepreneuriale, ou la reprise avec l’intention de développer l’affaire acquise de
manière significative, est bien adaptée aux jeunes car le risque d’échec est atténué par
la présence d’actifs, d’informations, d’un accompagnement, et de l’aide. D’autre part, la

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Éditorial

formation de personnes souhaitant reprendre une micro entreprise est une opportunité
pour les écoles de commerce qui pourraient mettre en valeur à la fois leurs compétences
dans les formations en gestion et en entrepreneuriat.
Nous terminons ce premier tour d’horizon académique par le récit d’un événement
consacré à l’innovation pédagogique au Québec intitulé « Récit d’un pèlerinage pédago-
gique en entrepreneuriat », par lequel Franck Barès et Louis-Jacques Filion plaident en
faveur de la réhabilitation de l’innovation pédagogique, longtemps considérée comme le
parent pauvre des écoles de management. Les auteurs nous font part de leurs réflexions
et analyses sur l’utilité des temps d’échange entre enseignants. Ils racontent l’histoire,
le développement et les apports d’« une journée ressource » centrée sur la valorisation
et les échanges d’expériences.
Le monde associatif et professionnel de l’entrepreneuriat n’est pas en reste en matière
d’expérimentation et de réflexion autour de l’entrepreneuriat des jeunes. L’entretien réa-
lisé par Caroline Verzat auprès de Bénédicte Sanson est à ce titre riche d’enseignements.
Insistant sur les valeurs et le mode de fonctionnement communautaire susceptibles
d’aider les jeunes à assumer leur identité d’entrepreneurs, Bénédicte Sanson souligne
quelques conditions-clés touchant aux postures d’accompagnement. Celles-ci doivent
faciliter la transition identitaire de l’école à l’entrepreneuriat. Elle pointe également les
défis qui se posent aujourd’hui pour former les mentors et toucher des jeunes moins favo-
risés. Accompagner le changement des perceptions et des postures des jeunes vis-à-vis de
l’entrepreneuriat est un processus de type systémique qui génère des actions similaires
de transformation des accompagnateurs et des entrepreneurs impliqués dans ces dispo-
sitifs de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes.
Dans un autre lieu vers un autre public, Olivier Toutain interroge Olga Bourachnikova,
Cécile Chapus et Sabrina Budiman sur les raisons qui incitent à former des jeunes en
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Service Civique sur le développement de l’esprit d’entreprendre. Dans leur interview croi-
sée intitulée « devenir auteur et acteur de sa vie en se libérant des croyances négatives »,
les trois personnes interrogées racontent comment l’acte d’entreprendre est considéré
comme un moyen qui accompagne la transformation de la personne en l’aidant à devenir
entrepreneur(e) de sa propre vie.
Nous clôturons ce dossier par une revue d’ouvrage réalisée par Valérie Ballereau et Olivier
Toutain sur le livre écrit par Valérie Gauthier : « Le Savoir-relier, vers un leadership intuitif et
relationnel ». Ancienne sportive de haut niveau, poète et peintre, Valérie Gauthier est une
professionnelle et auteure hors normes dans le monde de l’entreprise. Elle fait partie de
cette modeste communauté de penseurs et d’acteurs qui travaillent à relier les personnes
et les éléments, considérant de l’intérieur l’entreprise et le monde en général comme un
ensemble complexe, interconnecté, producteur d’un sens vivant. Dans son ouvrage, l’au-
teure nous invite à quitter notre regard obnubilé par la vieille lanterne d’un leadership ver-
tical, rationnel et autoritaire. En d’autres termes, son approche du leadership relationnel
ouvre une voie de réflexion et d’action originale, invitant le leader au lâcher-prise…
Inaugurant la nouvelle rubrique Pratiques pédagogiques innovantes, Mélanie Ciussi et
Dominique Vian analysent le programme ID de SKEMA Business School sous l’angle de

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Olivier Toutain, Caroline Verzat

l’approche dite « effectuale ». Les deux enseignants-chercheurs relatent une expérience


menée dans une formation ayant pour but le développement de l’esprit d’entreprendre.
Ils présentent et questionnent le processus pédagogique visant à aider les étudiants à
développer huit compétences non cartésiennes : argumenter une pensée critique (1),
se repérer face au complexe et à l’incertitude (2), revisiter le monde comme un espace
d’opportunités (3), communiquer et convaincre (4), être créatif (5), proposer des solu-
tions innovantes à des problèmes complexes en appliquant des méthodes construites
selon les principes de la logique effectuale (6), s’engager dans des actions durables (7) et
enfin savoir décrire ses talents pour une meilleure connaissance de soi (8).
Ce numéro s’achève sur une tribune de Philippe Albert et Etienne Krieger, qui soulèvent
le problème de l’image de l’entrepreneur en France. Les auteurs décrivent une évolu-
tion historique des relations entre l’entrepreneur et la société. Ils discutent ainsi les
mutations profondes qui transforment la société française « par le bas », parfois loin
des radars médiatiques et pointent les limites actuelles au développement des PME et
de l’entrepreneuriat dans un univers mondialisé. Leur point de vue exprimé dans cette
tribune invite le lecteur à une réflexion critique et prospective sur les enjeux à venir du
type de société et d’entrepreneuriat imaginé, entre faisabilité et désirabilité...
Nous espérons que ce dossier vous permettra de tirer profit de cette pause en vous appor-
tant des idées, des questionnements liés à vos propres activités et engagements et en
vous invitant plus généralement à la réflexion, si utile pour soi et dans le partage. Et si
celle-ci vous donne envie de prendre la plume, n’hésitez surtout pas, vos contributions
sont les bienvenues !
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