Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ebauche Projet Memoire
Ebauche Projet Memoire
Sujet : Communication et société civile. Une lecture au travers des notes de presse des
associations de la société civile haïtienne durant la période dénommée « pays lock » en 2019.
Introduction Générale
Le concept de communication, dans son cadre catégorial, est « ce qui définit le sujet humain
en tant qu’être libre, doué de parler, de raison et d’action ; c’est à la fois la marque de distinction
catégoriale de l’être humain et le médium à travers lequel il entre en relation avec ses
semblables1 ». Partant de l’idée que personne ne peut affirmer son identité pour lui seul, alors « une
communication ordinaire fait sortir de soi2 » puisque société et individu se regroupent. À ce niveau,
l’idée du monde mérite d’être révisée. Le monde, selon Jean-Marc Ferry, « est ce dont nous
commençons à faire l’expérience quand nous avons quitté le milieu d’une communication
fusionnelle, la coappartenance des esprits, et qu’inversement, celle-ci est ce dont l’expérience est
à nouveau possible, lorsque nous quittons le monde3 ». En ce sens, la communication n’est
effective que sur la base d’un processus aboutissant à une entente entre des locuteurs capables de
discuter à propos de quelque chose existant dans le monde.
Alors, ceux qui communiquent appartiennent tous à un monde vécu ou monde de la vie.
Jürgen Habermas précise qu'un monde vécu « constitue l'horizon des procès d'intercompréhension
par lesquels les participants entre en accord ou en opposition au sujet de quelque chose qui
appartient à l'unicité du monde objectif, à la particularité du monde subjectif, ou à la communauté
du monde social4 ». Si nous nous référons aux propos de Ferry, le concept pragmatique formel
traduit le monde vécu en un espace de communication où les êtres peuvent interagir dans le sens
commun, si bien qu'il présente « le monde de la vie comme l'espace d'une communication possible
entre les êtres capables de parler et d'agir, de rendre compte de leurs actes et de les justifier à l'aide
d'énoncés susceptibles d'être eux-mêmes critiqués5 ». Eu égard aux avancées de Habermas et de
Ferry, il importe de comprendre que tout ce qui résulte de l’échange des hommes entre eux, comme
la politique, doit sa possibilité à l’espace du communiquer.
À l'intérieur de ce monde vécu les individus entretiennent entre eux des relations. Ainsi les
acteurs entrent-ils en discussion dans l'espace public que Habermas définit « comme un réseau
1
Luné Roc PIERRE LOUIS, Communication et espace public. Une reconstruction à travers l’espace public politique
haïtien, p. 233 et passim.
2
Jean-Marc FERRY, Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine. Tome I. Le sujet et le
verbe, , Paris, Cerf, « Passages », 1991, p. 170 et passim.
3
Jean-Marc FERRY, Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine. Tome I. Le sujet et le verbe,
op. cit., p. 171.
4
Jürgen HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel, Tome I : Rationalité de l’agir et rationalisation de la
société, traduction de Jean-Marc Ferry, Paris, Fayard, « L’espace du politique », 1989 (1985), p. 148.
5
Jean-Marc FERRY, op. cit, p. 161.
3
permettant de communiquer des contenus et des prises de position, et donc des opinions6 ». Cette
notion d'espace public fait évoquer également celle de société civile qui est constituée par
l'ensemble des organismes non-étatiques ayant pour mission de publiciser l’opinion en permettant
des échanges entre les citoyens sur une base d'intercompréhension. À ce point, Habermas enseigne
que « le noyau constitutionnel de la société civile est constitué par ces groupements volontaires
hors de la sphère de l'État et de l'économie qui vont, […], des églises, des associations et des cercles
culturels, en passant par des médias indépendants, des associations sportives et de loisirs, des
clubs de débats, des forums et des initiatives civiques, jusqu'aux organisations professionnelles,
aux partis politiques, aux syndicats et aux institutions alternatives7 ».
Dès lors, il importe de préciser que le rôle de la société civile est d’éclairer l’opinion
publique et « dans le cadre d'espaces publics organisés les discussions qui se proposent de résoudre
les problèmes surgis concernant les sujets d'intérêt général8 ». En ce sens, « l'enjeu de la société
civile est celui de la démocratie elle-même9 ». Ainsi, la société civile doit faire fi tout ce qui nuirait
l'État de droit démocratique comme la manipulation et la propagande. Bien que la société civile
soit liée à l'espace public juste pour rejoindre le champ de la formation de l'opinion publique mais
l'opinion publique ne doit pas se faire dans une visée stratégique ou manipulatrice. Au contraire
les individus doivent viser l'intercompréhension.
Ainsi, le propre de ce travail de recherche est de comprendre le sens des énoncés discursifs
de certaines associations de la société civile haïtienne au cours de la période « pays lock » en 2019
à travers leurs notes de presse. Étant donné que les notes de presse sont des discours politiques, il
devrait question de l’intercompréhension pour autant qu’il s’agisse des sujets participants à une
discussion. Toutefois, ces discours ne visent pas tous l'intercompréhension mutuelle puisque le
discours politique, selon Charaudeau, est une vérité piégée et de faire semblant.
6
Jürgen HABERMAS, Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société
bourgeoise, traduction de Marc Buhot de Launey, Paris, Fayard, p. 60.
7
Jürgen HABERMAS, op. cit, p. xxxi.
8
Jürgen HABERMAS, cité par Luné Roc PIERRE LOUIS in Habermas et Haïti. Prologomènes à une sémantique
politique, Port-au-Prince, Média Texte, 2015, p. 262.
9
Luné Roc PIERRE LOUIS, ibidem, p. 262.
4
Problème de recherche
Après le départ des Duvalier, l'élite politique haïtienne a choisi la démocratie comme
régime politique. Mais l'instauration d'un tel régime s'est heurtée plusieurs fois à des crises
majeures, des turbulences, des protestations politiques, des tensions sociales. Sous ce jour, en
analysant la situation du pays depuis la fin de la dictature des Duvalier, Paul-Austin soutient que :
« Si Haïti est sortie de la dictature, elle n'est pas assurément entrée dans la démocratie, dans sa
stabilité politique que préfigurent le règne du droit et la mise en place d'institutions républicaines
et légitimes10. »
En effet, les différentes crises que connaît le pays depuis cette période sont toujours plus
aiguës, les unes que les autres. Notamment, le mouvement de déchouquage contre les tontons
macoutes du régime des Duvalier (février 1986), les élections noyées dans le sang à la ruelle
Vaillant (29 novembre 1987), les coups d’État et les tentatives de coup d'État (17-18 septembre
1988, avril 1989, 30 septembre 1990), les protestations contre Aristide notamment avec le groupe
184 (novembre 2003), les émeutes de la faim (avril 2008), l’émeute contre la montée du prix du
carburant ( 6 et 7 juillet 2018), l’opération « pays lock » (septembre 2019-novembre 2019).
Chacune de ces crises ont bouleversé l’échiquier politique et social du pays. Et de surcroît, elles
apportent souvent une nouveauté dans leur déroulement.
À cet effet, en parlant de crises après l'année 1986, la crise politique de 2019 sous le régime
bonapartisme Parti Haïtien Tèt Kale était sans précédent. En effet, de septembre 2019 à novembre
2019, diverses villes du pays étaient sous le poids d'un mouvement de protestation inédit. « Des
pneus usagés enflammés et des barricades de pierres sont dressés un peu partout. Les unités de la
Police Nationale d’Haïti (PNH) ont éprouvé beaucoup de difficultés à maintenir le calme sur le
territoire national. Dès le mois de septembre 2019, une grande crise humanitaire a plané sur le
pays. La faim et le manque de soins ont démangé plus d’un11. », a précisé l’agence en ligne
Alterpresse. Cette crise était caractérisée par la paralysie totale des activités socio-économiques de
la capitale, ce qui a fallu à cette crise le nom de « Pays lock ». Toutefois, au cours de cette période,
la principale revendication était « la démission du chef de l’État et le reddition de compte sur le
10
Lucie Carmel PAUL-AUSTIN, La transition haïtienne 1986-2006 comme construction théorique. Ses
représentations à travers Frankétienne et Lyonel Trouillot, Port-au-Prince, C3 Éditions, 2012, p. 27.
11
Alterpresse, « Haïti : une crise politique sans précèdent en 2019 », [document internet] :
https://www.alterpresse.org/spip.php?article25116, consulté le 26 août 2023.
5
12
Hérold JEAN-FRANCOIS, « Haïti, pays débloqué, oui, mais…», in Le point, [en ligne], URL :
https://www.lepoint.fr/monde/haiti-pays-debloque-oui-mais-22-12-2019-2354434_24.php#11, consulté le 27 août
2023.
6
qui est lui-même la reconnaissance. La xylolalie renvoie chez Habermas à ce qu'il appelle les
pathologies de la communication. Pour Pierre Louis, « la xylolalie, cynique et perverse, renvoie
donc à toute forme de perversion, de corruption, et de détournement de la communication à des
fins à soi contingentes»13.
Dans ce travail nous considérons les notes de presse, les communiqués de presse comme
des discours politiques vues qu’elles ont fait l'objet d'une lecture politique. Ainsi, partant de cette
thèse de Patrick Charaudeau que « le discours politique est un lieu de vérité piégée, de " faire
semblant ", ou ce qui compte n’est pas tant la vérité de cette parole lancée publiquement, que sa
force de persuasion, sa véracité », il convient de poser la question suivante : quel lien les notes de
presse publiées par des organisations de la société civile haïtienne pendant la période dénommée
« pays lock » tissent-elles avec rationalité communicationnelle, du point de vue heuristique ?
L'enjeu de ce questionnement renvoie à l’identification du lien entretenu par les notes de presse
avec rationalité communicationnelle qui est basée sur le discours argumentatif tout en permettant
de réaliser l’entente et de susciter le consensus ou à défaut avec la rationalité cognitive-
instrumentale qui fait prévaloir la xylolalie. Et, voir dans cette visée le rapport assorti qu’elles
puissent avoir avec la sincérité, et ses corollaires, que sous-tend l’activité communicationnelle.
Cela étant, l'objectif de notre cheminement heuristique consiste à comprendre et à
reconstruire les notes de presse de certaines organisations de la société civile haïtienne à savoir le
Réseau National de Défense des Droits Humains, la Conférence Haïtienne des Religieux, le
Mouvement Paysan Papay, l’Association des Artistes Haïtiens, l’Observatoire Haïtiens des
Médias, au cours de cette période afin d'établir des liens de congruence qui existent entre celles-ci
[les notes de presse] et l’activité communicationnelle. En effet, notre cheminement heuristique
poursuit son cours à travers quatre moments : le premier consiste à délimiter notre objet d’étude,
le second quant à lui exposera notre méthodologie, laquelle sera l’herméneutique requise pour les
sciences praxéo-herméneutiques, le troisième, la reconstruction de la substance des notes de
certaines organisations de la société civile haïtienne, et, in fine, le dernier procèdera à la
reconstruction théorique.
13
Luné Roc PIERRE LOUIS, La constitution haïtienne de 1987 est-elle un produit importé ? Essai sur le folklorisme
médiatique, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 11.
7
Références bibliographiques
CHARAUDEAU, Patrick. Le discours politique : les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005.
ETIENNE, Sauveur Pierre. Haïti : L’invasion des ONG, Montréal, Les Éditions CIDIHCA, 199
ÉTIENNE, Sauveur Pierre. L’énigme haïtienne. Échec de l’État moderne en Haïti. Montréal, Les
Presses de l’Université de Montréal, 2007.
FERRY, Jean-Marc. Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine. Tome I.
Le sujet et le verbe, Paris, Cerf, « Passages », 1991.
FERRY, Jean-Marc. Les puissances de l’expérience. Essai sur l’identité contemporaine. Tome II
: Les ordres de la reconnaissance, Paris, Cerf, « Passages », 1991.
FRANÇOIS, Kawas. La crise de l’État en Haïti (1986-1990). Essai sociologique de l’Etat Haïtien,
Port-au-Prince, Henri Deschamps, « Histoire et société », 2008.
GHILS, Paul. « Le concept et les notions de société civile », in Équivalences, numéro 2, 1994, pp.
119-152.
HABERMAS, Jürgen. La théorie de l’agir communicationnel. Tome II, Pour une critique de la
raison fonctionnaliste, traduction de Jean-Louis Schiegei, Paris, Fayard, « L’espace du politique
», 1987 (1981).
8
HABERMAS, Jürgen. Droit et démocratie, Entre faits et normes, traduction de Rainer Rochlitz et
Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 1997 (1992).
JEAN-FRANCOIS, Hérold. « Haïti, pays débloqué, oui, mais…», in Le point, [en ligne], URL :
https://www.lepoint.fr/monde/haiti-pays-debloque-oui-mais-22-12-2019-2354434_24.php#11,
consulté le 27 août 2023.
PIERRE LOUIS, Luné Roc. Habermas et Haïti. Prolégomènes à une sémantique politique, Port-
au-Prince, Média Texte, 2015.
PIERRE LOUIS, Luné Roc. Communication et espace public. Une reconstruction à travers
l’espace public politique haïtien, Louvain-La Neuve, Presses Universitaires de Louvain (PUL),
2011.
PIERRE LOUIS, Luné Roc. La constitution haïtienne de 1987 est-elle un produit importé ? Essai
sur le folklorisme médiatique, Paris, L’Harmattan, 2018
RENÉ, Alix. La séduction populiste : Essai sur la crise systémique haïtienne et le phénomène
Aristide. (1986-1991), Port-au-Prince, 2003.
PLAN DU TRAVAIL
INTRODUCTION
A. Période 1957-1986
B. Période post-Duvalier
4. La crise dénommée Pays lock en 2019 et les discours des associations de la société civile
A. Méthodologie d’analyse
B. Grille d’analyse
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES