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Pays de la Loire.
Martin GUIBERT
A madame S.V-M, pour son aide dans l’obtention d’articles nécessaires à la réalisation de ce
travail.
A l’AG, groupe de travail sur lequel j’ai pu compter durant ces 3 années.
Enfin, je remercie ma famille, pour son soutien durant ses trois ans et pour la préparation de
ce travail.
Résumé
La réalisation de ce travail écrit de fin d’études porte sur l’étude du cas clinique de monsieur
M. Ce patient de 71 ans a été admis au centre de rééducation fonctionnelle de Perharidy
suite à un AVC sylvien droit survenu le 10 Février 2015.
Il est au centre depuis plus de 6 mois et sa rééducation est freinée par un syndrome de
l’hémisphère mineur incluant un pushing syndrome. La rééducation qui lui est proposée se
veut la plus fonctionnelle possible afin de permettre son retour à domicile.
Mots Clés
Retour à domicile
Pushing syndrome
He stayed at the center for over 6 months and his rehabilitation was slowed by a minor
hemisphere syndrome including a pushing syndrome. Rehabilitation offered to him was to
be as functional as possible to allow her return home.
However, behind the limited functional recovery of the patient at this stage of re-education,
the choice of returning home was made taking into account others important factors. This
work resumes the reflective process induced by this home return.
Keywords
Stroke
Back home
Pushing syndrome
1 Introduction ............................................................................................................................ 1
1 Cadre conceptuel ................................................................................................................. 2
2 Présentation du patient et de sa pathologie ....................................................................... 4
2.1 Le patient ..................................................................................................................... 4
2.2 Antécédents ................................................................................................................. 4
2.3 Anamnèse .................................................................................................................... 4
3 Bilan initial ........................................................................................................................... 5
3.1 Déficit de structure ...................................................................................................... 6
3.2 Déficits de fonction ...................................................................................................... 6
3.3 Limitation d’activités ................................................................................................. 11
3.4 Restriction de participation ....................................................................................... 13
3.5 Diagnostic kinésithérapique ...................................................................................... 14
4 Objectifs ............................................................................................................................. 15
5 Principes ............................................................................................................................ 15
6 Traitement ......................................................................................................................... 16
7 Bilan final (07/10/2015)..................................................................................................... 21
8 Discussion .......................................................................................................................... 24
9 Conclusion ......................................................................................................................... 30
Références
Annexes : 1 à 3
IFM3R-IFMK 2015/2016 TEFE Martin Guibert
1 Introduction
Dans les pays industrialisés, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la troi-
sième cause de mortalité et la première cause de handicap non traumatique chez l’adulte.
On dénombre 130 000 cas par an en France, engendrant 40 000 décès et 30 000 personnes
lourdement handicapées.(1)
L’AVC est défini par l’Organisation mondiale de la santé par « la présence de signes cliniques
de dysfonctionnement cérébral focal (ou global) de survenue rapide avec des symptômes
persistants 24 heures ou plus, ou conduisant à la mort, sans autre cause apparente qu’une
origine vasculaire ». Il correspond en fait à l’obstruction ou à la rupture d’un vaisseau irrigant
le cerveau et causant un défaut d’oxygénation de ce dernier. Le fonctionnement des zones
touchées est alors mis en danger. On distingue 2 types d’AVC (2) :
Les AVC ischémiques qui sont majoritaires et représentent environ 80% des AVC,
Les AVC hémorragiques qui représentent le reste, soit 20%.
Outre les troubles moteurs et sensitifs de l’hémicorps gauche, les lésions causées par l’AVC
sur l’hémisphère mineur (qualifié ainsi en opposition à l’hémisphère droit et son rôle dans le
langage qui lui valent le qualificatif de majeur) peuvent entrainer de nombreux autres
troubles entravant la rééducation. (2) Monsieur M a présenté un AVC sylvien droit. On re-
trouve chez lui une atteinte sensitivo-motrice, une héminégligence gauche, une anosogno-
sie, des troubles cognitifs (attention, concentration…) et une fatigabilité importante. Autant
de troubles qui viennent compliquer la prise en charge rééducative.
Enfin, et c’est ce qui nous a interpelé, il présente un pushing syndrome (touchant environ 5%
des patients hémiplégiques gauches). Il correspond à un biais extrême de la construction de
la verticale, entrainant chez le patient pusher une latéropulsion contralésionnelle (le patient
pousse vers le côté paréthique) et une résistance à toute tentative de correction passive de
sa position. (3)
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1 Cadre conceptuel
Il existe dès la prise en charge initiale des patients post AVC des signes de mauvais pronostic
fonctionnel. Parmi ces signes on retrouve le signe de Babinsky bilatéral, les troubles de la
déglutition, les troubles de la tenue du tronc, l’incontinence fécale et /ou urinaire supérieure
à 15 jours ou encore des antécédents d’AVC. En outre, le pronostic est mauvais si aucune
récupération n’est observée après 3 semaines post AVC. On sait aussi que la majorité des
progrès sont observés entre les semaines 8 et 12 de la rééducation. Malgré cela, des progrès
continuent d’être observés entre 6 mois et 1 an post AVC. (4) Ce temps de latence dans la
récupération peut notamment s’expliquer par la présence d’un syndrome de l’hémisphère
mineur chez les hémiplégiques gauches. Celui-ci peut associer différents troubles dont une
anosognosie, une héminégligence, une hémiasomatognosie, un pushing syndrome, des
troubles cognitifs (attention, concentration…) et une fatigabilité importante. Ces troubles
parasitent la rééducation et peuvent entrainer une augmentation du temps
d’hospitalisation. (4) (5) On sait notamment que pour des hémiplégies sévères avec négli-
gences spatiales et anesthésie associées, la marche nécessite entre 6 mois et 1 an de réédu-
cation. (6)
Le pushing syndrome, qui peut exister dans les syndromes de l’hémisphère mineur se définit
comme un comportement postural qui découle d’un biais extrême dans la construction de la
verticale subjective ou biologique. La construction de cette verticale subjective dont dépend
le comportement moteur humain s’effectue selon trois types d’informations sensorielles
(visuelle, otholitique et graviceptive) auxquelles on associe trois référentiels afin de coder
cette verticale : le référentiel exocentré, le référentiel égocentré ou axe Z, et le référentiel
géocentré qui donne la verticale physique. La verticale physique est invariable tandis que la
verticale biologique ou subjective est construite par chacun d’entre nous et peut donc varier.
Ce pushing syndrome entraine une latéropulsion contralésionnelle (les patients se poussent
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avec le côté non parétique vers le côté parétique) et émettent une résistance à toute tenta-
tive de correction passive. (7) Ce faisant, les chutes du côté lésé sont fréquentes, et ce sans
aucune réaction d’équilibration. Le pushing syndrome est observé dans toutes les positions,
aussi bien en décubitus dorsal, qu’assis, qu’en position debout. Cependant c’est en position
debout qu’il s’exprime le plus et à fortiori lors de la marche. En effet, le thérapeute doit
s’opposer à la latéropulsion active contralésionnelle, qui est majorée lorsqu’il sent le contact
qu’on lui oppose. De plus, par peur de tomber sur son coté sain, le patient ne transfère pas
son poids du côté non parétique. (8)
Enfin, il semble qu’à long terme, le pushing syndrome n’influence pas le pronostic fonction-
nel des patients atteints. En revanche, une étude de Pedersen et al. montre que le temps
d’hospitalisation peut considérablement augmenter jusqu’à être multiplié par 2. (10)
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2.1 Le patient
2.2 Antécédents
On retrouve dans ses antécédents une hypertension artérielle (HTA), une hypercholestéro-
lémie et un épisode d’arythmie cardiaque par fibrilation auriculaire (AC/FA). Aussi monsieur
M a fait un AVC ischémique sylvien gauche sur sténose serrée de la carotide interne (sténose
a 45%) survenu en 2012 et traité par endartériectomie de la carotide interne gauche le 8
février 2012.
En dehors des facteurs de risque évoqués plus haut (HTA, AC/FA, l’hypercholestérolémie, et
les antécédents d’AVC) monsieur M était fumeur à hauteur de 50 paquets/année et con-
sommait occasionnellement de l’alcool. Son père a fait un infarctus du myocarde à l’âge de
45 ans.
2.3 Anamnèse
Le 6 juin 2014, un echo doppler des troncs supra aortique (EDTSA) met en évidence une ca-
rotide interne gauche libre mais révèle une sténose de la carotide interne droite à 70%.
Cette sténose est asymptomatique et il est recommandé un suivi régulier par par echo dop-
pler. Le 2 décembre 2014 il est admis en cardiologie pour un épisode de tachycardie supra
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ventriculaire paroxystique à 150 battements par minute. Les examens réalisés à cette occa-
sion révèlent une accentuation de la sténose de la carotide interne droite à 80%.
Il est alors réalisé une angio IRM le 8 janvier 2015 qui montre une sténose serrée de la caro-
tide interne droite entrainant la programmation d’une endartériectomie pour le 11 février.
Seulement, 2 jours avant l’intervention, soit le 9 février, le patient est hospitalisé en neuro-
logie pour paralysie faciale centrale gauche, déficit moteur brachial gauche et dysarthrie en
lien avec un AVC sylvien droit. La sténose devient symptomatique.
3 Bilan initial
Le bilan initial est réalisé le 7 septembre 2015. Le patient a déjà bénéficié de plus de 6 mois
de rééducation. Lors de la phase initiale, une attention particulière a été portée à la préven-
tion des troubles du décubitus, des troubles orthopédiques et des rétractions musculo-
tendineuses ainsi qu’à l’éveil de la motricité du tronc et des membres. Par la suite, la majori-
té des séances de kinésithérapie ont été consacrées à la compensation du syndrome de
l’hémisphère mineur qui parasite et rallonge la rééducation.
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Douleurs à type de picotement sur la cuisse, le genou et la plante de pied du côté gauche.
Ces douleurs sont côtées à 2/10 sur une échelle numérique allant de 0 à 10. Ce sont des dou-
leurs permanentes et constantes, monsieur M ne s’en plaint pas.
Légère douleur de l’épaule gauche côtée à 2/10 lors de la mobilisation dans tous les plans.
au milieu de la patella : +2 cm
5 cm au dessus : +2 cm
5 cm en dessous : +2 cm
A partir de 15 cm au dessus et en dessous du genou il n’y a plus d’œdème.
Pour la cheville et le pied, la périmétrie ne donne pas de différence avec le côté controlaté-
ral.
Des chaussettes de contention sont portées des 2 côtés.
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En position assise :
La position assise est tenue grâce à un appui du membre supérieur droit (accroché à la table
le plus souvent) et sur un temps limité à cause du pushing syndrome qui entraine une chute
du patient du côté paréthique.
En position debout :
Le pushing syndrome empêche le maintien de la position debout. Le patient une fois levé
cherche systématiquement l’appui sur le membre inférieur gauche, entrainant sa chute de
ce côté.
Lorsqu’il est levé, on observe la même attitude en rotation droite du tronc et de la tête
qu’en position assise, due à la NSU gauche.
Membre supérieur :
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Les autres articulations des membres supérieurs ont des amplitudes semblables à gauche et
à droite.
Membre inférieur :
La motricité volontaire est côtée avec l’échelle de Held et Pierrot Desseiligny, dédiée à
l’évaluation de la commande motrice chez l’hémiplégique. La force est appréciée selon une
cotation de 0 à 5 (voir annexe)
flexion plantaire : 1
flexion dorsale : 0
Genou :
Flexion : 1
Extension : 2
Hanche :
Flexion : 2
Extension : 3
Abduction : 0
Adduction : 1
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La spasticité est évaluée avec l’échelle d’Ashworth modifiée qui la côte selon 6 cotations
(voir annexe)
Membre supérieur :
Triceps brachial : 2
Fléchisseurs des doigts : 2
Extenseur du pouce : 1
Adducteurs de hanche : 2
Quadriceps : 1
Ischio-jambiers : 1
Triceps : 3
3.2.6 Sensibilité
La sensibilité thermo-algique est présente même si elle est perturbée. Le patient ne localise
pas de manière précise la zone touchée par le stimulus, même si il le perçoit, que ce soit sur
le membre supérieur gauche ou le membre inférieur gauche.
La sensibilité superficielle est perturbée sur tout le membre supérieur. Monsieur M obtient
un score de 6/10 sur la paume de la main au pic-touche et sa discrimination est nulle sur la
totalité du membre supérieur. Pour le membre inférieur, la sensibilité superficielle est éga-
lement perturbée, il obtient un score de 7/10 au pic-touche sur la plante du pied gauche.
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Cette négligence spatiale unilatérale est associée à une négligence corporelle. Le patient ne
fait pas attention à son hémicorps gauche et va jusqu'à l’oublier.
Enfin, on remarque des difficultés de concentration (le patient est facilement distrait durant
les séances) et de mémorisation (difficultés à retenir les consignes par exemple).
L’équilibre assis est précaire et perturbé par les troubles de la sensibilité, l’héminégligence
mais aussi et surtout par le pushing syndrome qui provoque une chute du côté atteint. Pour
évaluer le pushing syndrome, on utilise le scale for contraversive pushing (SCP) proposé par
Karnath et al. Ce score permet d’évaluer la latéropulsion et la résistance à toute tentative de
correction passive. Cette échelle est basée sur 3 items (la symétrie posturale, la nécessité
d’étendre la surface d’appui et la résistance aux corrections) tous évalués assis et debout.
Un score supérieur ou égal à 1 à chacun de ces items permet de confirmer le comportement
pusher.
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Pour évaluer l’équilibre de monsieur M, on utilise le Postural Assessment Scale for Stroke
(PASS) auquel un score de 10/36 est obtenu.
Ainsi, il ne tient pas assis, pieds au sol, avec les 2 mains sur les genoux, en revanche, il tient
10 secondes assis pieds au sol avec la main droite accrochée à la table.
L’équilibre debout est également précaire. Il est perturbé par le pushing syndrome,
l’héminégligence et les troubles de sensibilité mais aussi par un manque de force musculaire
et de contrôle moteur du membre inférieur gauche. En outre, le membre inférieur droit
manque lui aussi de force. La position debout n’est donc pas maintenue sans appui, et on
doit placer une table ergonomique à la droite du patient pour qu’il s’y appuie. Pour passer
de la position assise à debout un soutien au niveau du sacrum est nécessaire.
Une fois en position debout, monsieur M tient quelques secondes avant de chuter du côté
gauche et de se rasseoir.
Les transferts ne sont pas réalisés en autonomie. Lors des séances de kinésithérapie :
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Pour ses déplacements, principalement dans le service, monsieur M utilise un fauteuil rou-
lant manuel dans lequel il n’est pas autonome compte tenu de son hémiplégie gauche, mais
une tierce personne doit le pousser.
La marche est possible dans les barres parallèles, sur une courte distance (maximum un al-
ler-retour pendant la séance), avec des pauses conséquentes compte tenu de la fatigabilité.
Pour pallier aux déséquilibres, monsieur M est dépendant de l’appui et de la traction qu’il
exerce sur la barre parallèle de droite. Une aide conséquente du kinésithérapeute est re-
quise à ce stade compte tenu de l’absence totale de réactions d’équilibrations et de réac-
tions parachutes. Le relevé du sol est impossible.
Une attelle permet de limiter la flexion de genou à environ 20° lors de la phase por-
tante à gauche.
Une sangle est installée afin de servir de releveur du pied gauche. Elle est tendue
entre les lacets et l’attelle et permet de maintenir le pied en flexion dorsale durant la
marche.
Une corde tenue par le thérapeute est reliée à la chaussure gauche du patient. Cette
corde permet d’aider le passage de la jambe gauche de monsieur M.
Une semelle de 2 cm est installée sous la chaussure droite afin de faciliter le passage
de la jambe gauche.
gauche grâce à la cordelette reliée au pied gauche du patient. Lors du pas portant à gauche,
l’attelle permet le contrôle du genou gauche en extension et donc l’appui monopodal. Cela
permet le passage du pas à droite. Le patient amorce lui-même son demi-tour mais une aide
à l’orientation du membre inférieur gauche est nécessaire.
Au niveau des activités de la vie quotidienne, les amplitudes du membre supérieur droit
permettent une alimentation autonome. En revanche, elles sont insuffisantes pour
l’habillage qui requiert une aide complète. En ce qui concerne la toilette, elle est autonome
pour le haut du corps mais impossible pour les membres inférieurs. Les déficits articulaires
du membre supérieur droit (notamment en élévation et en abduction) ne permettent pas les
préhensions au dessus de la tête.
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Monsieur M souhaite rentrer chez lui avec un maximum d’autonomie et notamment pouvoir
faire quelques pas, seul, chez lui. Cependant compte tenu de l’avancée de la rééducation,
son retour à domicile est impossible pour le moment. Son autonomie dans les activités de la
vie quotidienne est contrariée par son membre supérieur gauche flasque mais aussi par son
manque d’amplitude articulaire au niveau du membre supérieur droit. Ainsi, il peut manger
seul mais l’habillage et la toilette restent partiellement ou totalement aidés. Les transferts
ne sont pas réalisés en sécurité et nécessitent donc une aide. Le patient ne se met pas de-
bout tout seul, et une fois atteinte, cette position reste précaire. En effet, le manque de
force et de contrôle moteur du membre inférieur gauche et le pushing syndrome le faisant
chuter à gauche, l’empêchent de tenir debout sans danger. Tous ses transferts nécessitent
donc la présence d’une tierce personne. La déambulation est également très limitée pour le
moment. Outre le fait que la position debout soit précaire (pour les raisons évoquées plus
haut), sa fatigabilité limite les possibilités d’entrainement. De plus, son anosognosie,
l’empêchant de prendre conscience des risques de chute liés à la marche, et son héminégli-
gence, rendant difficile l’appréhension de son environnement, représentent des risques
supplémentaires à la réalisation de cet exercice.
Cependant, monsieur M est entouré par sa femme et ses deux enfants qui viennent le voir
régulièrement. Cela l’aide à rester positif et motivé et facilite les progrès. Le patient adhère
au projet thérapeutique proposé qui vise à l’autonomiser en continuant à réduire son pus-
hing syndrome afin d’améliorer son équilibre assis et debout et ainsi permettre son retour à
domicile dans les meilleures conditions possibles.
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4 Objectifs
Le projet thérapeutique est fonction des objectifs du patient qui souhaite retourner à son
domicile avec le maximum d’autonomie. Ainsi à ce stade de la rééducation, l’objectif premier
est de rééquilibrer un maximum le patient afin de diminuer le Pushing syndrome que ce soit
en position assise ou debout. (11) Une fois que l’équilibre assis et debout seront meilleurs,
des activités plus fonctionnelles (marche, transferts) pourront être envisagées.
Il faut également optimiser les capacités motrices du patient au membre inférieur gauche
afin d’améliorer l’appui de ce côté et donc la stabilité en position debout. Au niveau du
membre supérieur gauche, il est important de lutter contre le diastatsis de l’épaule et de
stimuler les capacités motrices de ce membre.
Enfin on s’attache à rétablir les amplitudes articulaires à gauche et à les maintenir du côté
droit.
5 Principes
Respecter la fatigabili- Donner des repères ver- Respecter les principes de la plas-
té. ticaux au patient. ticité cérébrale (répétition des
taches, variabilité des exercices).
Etre infra douloureux. Etre vigilant par rapport
au risque de chute. Orienter la rééducation vers
Eviter les mises en
l’hémi-espace gauche.
échec.
Préserver l’épaule gauche.
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6 Traitement
Monsieur M bénéficie de 2 séances de rééducation par jour, à raison d’une le matin et une
l’après-midi. La séance du matin est généralement consacrée à la mobilisation des membres,
au développement de la motricité volontaire des membres supérieur et inférieur gauches, à
la prise en charge de la négligence spatiale unilatérale ainsi qu’au maintien de la position
assise. La séance de l’après midi est centrée sur le travail du maintien de la position debout
dans un premier temps, puis une fois cette position acquise, sur la récupération de la déam-
bulation.
Le traitement de l’épaule chez l’hémiplégique est primordial. En effet le déficit moteur pré-
sent (les muscles de l’épaule sont cotés à 0) entraine sous l’effet du poids du membre une
distension des structures passives, auxquelles il faut ajouter une fragilité globale de l’épaule
due à l’âge de monsieur M. Ainsi on observe un diastasis d’environ 1 cm que l’on soulage
grâce à la pause d’un strap ayant pour but de soutenir le moignon de l’épaule. Il permet de
remonter le membre supérieur afin de réduire le diastasis. L’utilisation du strap est ici préfé-
rée à l’orthèse active d’épaule Omo train compte tenu de la douleur provoquée par la dé-
sinstallation du dispositif.
Le travail commence sur plan de Bobath avec une mobilisation passive des membres supé-
rieur et inférieur gauches dans le but de maintenir les amplitudes disponibles et d’étirer les
muscles spastiques. Cette mobilisation est lente compte tenu de la spasticité et réalisée dans
le respect des douleurs, notamment au niveau de l’épaule gauche.
Dans la même position, on optimise la motricité volontaire du patient en réalisant des exer-
cices de type Perfetti. (12) Pour le membre supérieur dont les muscles sont cotés à 0 sur
l’échelle de Held et Pierrot Desseiligny, on demande au patient, yeux fermés, de ressentir
des mouvements réalisés en mobilisation passive tout en se représentant ces mouvements
mentalement. Pour le membre inférieur gauche, on peut réaliser ce type d’exercice : on
trace sur le plan de Bobath, le long de la jambe du patient une graduation (numérotée de 0 à
8 avec 15 cm entre chaque trait par exemple). Après avoir fait sentir à monsieur M la posi-
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tion de sa jambe dans chaque graduation, on la place passivement en face de l’une d’elle et
on lui demande de retrouver en face de quelle graduation sa jambe se trouve. On passe en-
suite à une phase active ou active aidée durant laquelle le kinésithérapeute annonce un nu-
méro (entre 0 et 8) en face duquel le patient doit amener sa jambe. Ce type d’exercice est
utilisé pour stimuler la motricité volontaire dans d’autres mouvements comme la flexion
plantaire ou dorsale de cheville ou encore l’abduction et l’adduction de hanche. L’aide ap-
portée par le kinésithérapeute est plus ou moins importante en fonction du mouvement
demandé et de la fatigue de monsieur M. Les difficultés de perception du patient peuvent
compliquer les exercices. Pour les contourner, il faut se placer dans des degrés de mouve-
ment suffisamment espacés pour que le patient sente la différence, quitte à travailler dans
des amplitudes extrêmes (flexion maximale puis extension maximale). (12)
Le maintien de la position assise étant compliqué, un intérêt particulier est donné à cet as-
pect de la rééducation. En effet, avant d’envisager par exemple le travail des transferts, il
faut valider le maintien de cette position. On l’envisage selon plusieurs étapes. Pour com-
mencer, le patient est assis sur un plan de Bobath avec la possibilité de se tenir à la table
avec son membre supérieur non parétique. L’objectif pour lui est de maintenir cette position
le plus longtemps possible. Une fois la position assise validée dans ces modalités, on com-
plique l’exercice en demandant au patient de tenir assis sans l’aide de l’appui sur la table du
membre supérieur droit. Enfin lorsque le patient est équilibré sans appui du membre supé-
rieur droit, on induit des déséquilibres intrinsèques ou extrinsèques. Des plots sont par
exemple placés au sol et monsieur M doit les ramasser afin de les reposer derrière lui sur le
plan de Bobath. Durant ces exercices, nous proposons au patient différents types de repères.
Des repères verticaux (bâton placé à sa gauche par exemple), ou encore un miroir quadrillé
placé en face de lui afin de lui faire prendre conscience de sa position et des corrections qu’il
apporte. La voix du thérapeute, placé préférentiellement à la gauche du patient sert égale-
ment de feed-back afin de guider le patient. Enfin des repères tactiles ont été utilisés, en
proposant par exemple au patient de maintenir le contact avec un point fixe placé à sa
droite.
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Figure 2 : Figure 3:
intrinsèque
Le travail de la négligence spatiale unilatérale s’effectue tout au long des séances et au court
de chaque exercice. En effet l’hémi-espace gauche est constamment stimulé en faisant venir
les informations visuelles et auditives du côté gauche du patient. Malgré cela, des exercices
spécifiques sont réalisés. Un laser est placé sur la tête du patient qui doit viser des images
précises sur un tableau situé légèrement sur sa gauche.
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De la même manière que pour le maintien de la position assise on procède par étapes. Pour
commencer, on place une table ergonomique à la droite du patient afin qu’il puisse s’y ap-
puyer avec le membre supérieur droit. Une fois stable dans cette position, on demande pro-
gressivement au patient de décoller sa paume de la table afin qu’il n’appuie plus qu’avec la
pulpe des doigts. Puis, au fur et à mesure des progrès, le but est de diminuer le contact du
membre supérieur droit avec la table ergonomique jusqu'à supprimer ce contact. D’abord de
manière très ponctuelle en demandant au patient de venir attraper un objet qu’on lui tend,
puis de manière plus prolongée en lui faisant par exemple déplacer des plots sur la table afin
de l’amener progressivement à se sevrer de cet appui sans appréhension. Comme pour le
travail de la position assise, des feed-back sont proposés au patient (visuels avec des repères
verticaux, auditifs de par la voix du thérapeute placé à gauche ou encore tactiles en lui de-
mandant par exemple de maintenir sa hanche droite en contact de la table comme sur la
figure 6).
La reprise de la déambulation est d’abord envisagée entre les barres parallèles et nécessite
une aide matérielle supplémentaire (voir bilan de la marche et photo associée). Monsieur M
part de son fauteuil roulant en se servant de sa main droite pour se lever, un appui sacré est
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nécessaire au départ. Le maintien du genou gauche en extension par l’attelle lui permet de
passer sans problème le pas à droite. En revanche, malgré la semelle de 2 cm placée à droite
et censée faciliter le passage du membre inférieur gauche, une aide est nécessaire dans un
premier temps pour passer le pas de ce coté. Une corde placée au bout du pied gauche per-
met au kinésithérapeute d’initier le mouvement que le patient termine activement. Pour les
demi-tours dans les barres parallèles, une aide est également requise pour orienter le pied
gauche. Malgré une bonne force du côté droit et notamment du membre supérieur droit qui
assure un bon maintien dans les barres, une extrême vigilance est nécessaire compte tenu
du risque important de chute vers le côté gauche, dû au pushing syndrome.
parallèles
La prise en charge du pushing syndrome est essentielle dans le traitement puisqu’il freine la
progression de monsieur M. En effet, tant que le patient chute systématiquement du côté
parétique, l’équilibre, assis ou debout, est impossible et l’autonomie du patient est forte-
ment limitée. Ainsi on intègre durant tous les exercices des outils pour que le patient puisse
corriger sa posture. Lors des exercices d’équilibre assis, il est demandé au patient de venir
s’appuyer sur son membre supérieur droit, puis progressivement sur sa fesse droite lorsque
l’on retire l’appui de la main sur le plan de Bobath. De plus, on place un miroir en face du
patient afin de lui faire prendre conscience de la position de son corps dans l’espace et lui
redonner des repères verticaux en faisant des exercices de redressement et de rotation du
tronc et de la ceinture scapulaire. En effet il a été montré que le travail avec miroir a un effet
sur la négligence spatiale. (13) On procède de la même manière lors du travail de la position
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debout et de la marche dans les barres parallèles en stimulant l’appui à droite et le redres-
sement postural face au miroir.
Ainsi, le pushing syndrome est pris en charge de manière continue pendant les séances de
kinésithérapie en intégrant ces principes de redressement postural et la recherche de l’appui
à droite durant tous les exercices proposés.
Enfin, un travail des transferts est envisagé à travers la réalisation de ces exercices. En effet,
monsieur M ne cesse de changer de position. Si on prend un exemple de séance durant la-
quelle l’équilibre debout est travaillé, le patient passe tout d’abord de son fauteuil au plan
de bobath et travaille ainsi le transfert assis-assis. Puis il passe plusieurs fois de la position
assise à la position debout pour les besoins de l’exercice. Ainsi, à travers l’entrainement au
maintien de la position debout, un travail analytique des transferts en inclus.
En dehors de ses séances de kinésithérapie biquotidienne, monsieur M bénéficie de séance
quotidienne d’ergothérapie ainsi qu’une prise en charge neuropsychologique.
On ne s’intéresse dans ce bilan final qu’aux éléments du bilan ayant évolué pendant les 5
semaines de prise en charge. En effet, en ce qui concerne la douleur, la fonction articulaire
et la fonction sensitive, on ne constate pas de changement notable.
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Assis : monsieur M tient assis sur le plan de Bobath sans appui du membre supérieur droit
durant toute la durée des exercices. Pour autant, s’il n’a pas la consigne de ne pas s’appuyer,
il retrouve rapidement cet appui. Pour ce qui est de la rotation des ceintures et du tronc vers
la droite, le patient est capable de corriger volontairement cette position et de maintenir ses
épaules et son regard dans l’axe sur la durée des séances. En revanche lorsqu’on ne le sti-
mule pas, sa position spontanée reste en rotation à droite.
Debout : La position debout est maintenue avec un appui supplémentaire à droite. En effet
la chute du côté parétique n’est plus observée car le patient vient transférer le poids de son
corps sur ses membres supérieur et inférieur droit. Lorsque l’on retire l’appui pour le
membre supérieur droit, le maintient de la position debout devient plus précaire et n’est
possible qu’une dizaine de secondes.
On observe une amélioration de la NSU avec une nette diminution de la rotation des cein-
tures et du tronc à droite sur le temps des séances. La prise de conscience par le patient de
son hémichamps gauche semble meilleure, monsieur M l’explore plus facilement visuelle-
ment. En outre on constate une amélioration de la concentration lors des exercices qui per-
met une disponibilité plus longue de monsieur M lors des séances.
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Globalement l’équilibre est meilleur, un score de 17/36 est obtenu au PASS. La diminution
du pushing syndrome par le transfert du poids du corps du côté droit permet au patient de
moins chuter du côté parétique. Par conséquent la position assise est possible sans appui et
monsieur M tient debout avec l’aide d’une canne tripode. En revanche les réactions
d’équilibrations et les réactions parachutes sont toujours inexistantes. Dès que le patient est
déséquilibré, il tombe. Cela représente un frein important à l’autonomisation puisque le
risque de chute est élevé. En effet, si se mettre debout est possible, il est toujours inenvisa-
geable que les transferts soient autonomes compte tenu du risque de chute et de la mise en
danger que cela représente. Les transferts sont réalisés en autonomie lors des séances de
kinésithérapie, mais une aide est nécessaire le reste du temps. Pour ce qui est de la marche,
l’endurance a augmenté puisque 3 allers-retours sont désormais possibles dans les barres
parallèles. L’initiation et le passage du pas sont réalisés seuls à gauche, tout comme les de-
mi-tours (une aide peut cependant être nécessaire en fin de séance pour orienter le pied). La
marche en dehors des barres parallèles est commencée lors des 2 dernières semaines de
prise en charge. Cet exercice reste compliqué et nécessite un soutien important de la part du
kinésithérapeute. Le même dispositif est mis en place au niveau des membres inférieurs et
une canne tripode est placée du côté droit de monsieur M, lui permettant de réaliser
quelques pas (10 au maximum). La difficulté dans la réalisation de cet exercice, pour mon-
sieur M, réside dans le fait de ne pas se tracter sur la canne, habitude prise dans les barres
parallèles et reproduite ici, mais de venir appuyer sur celle-ci. Ainsi, si les progrès sont no-
tables, ils restent insuffisants pour envisager une déambulation autonome compte tenu de
l’important risque de chute et de l’impossibilité de se relever.
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8 Discussion
Dans le cas de monsieur M, on peut penser que l’entourage, (notamment sa femme et ses
deux enfants) compte tenu de sa proximité et de sa disponibilité remplira son rôle d’aidant.
Le logement a été adapté et la situation financière de la famille n’est pas problématique.
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Ainsi, une fois que l’équipe soignante à domicile a été mise en place, les critères extérieurs
au patient ne représentent plus une entrave au retour à domicile et présagent plutôt du bon
déroulement de celui-ci. En revanche, lorsqu’on regarde les critères propres au patient, ils
ne sont pas tous réunis, et posent la question du retour à domicile dans de bonnes condi-
tions. En effet, si le patient est volontaire et que son état clinique est stable, il n’a pas re-
trouvé une capacité fonctionnelle de transfert et n’a pas l’intégrité de ses fonctions supé-
rieures.
Pouvait-il en être autrement compte tenu de l’état initial du patient à la suite de son AVC?
Il existe pour les patients hémiplégiques des facteurs cliniques prédictifs de leur devenir
fonctionnel. On peut les classer en 2 catégories :
Les facteurs intrinsèques au patient : l’âge, l’autonomie avant AVC, le sexe, l’histoire
du patient, les antécédents et la situation socio-familiale.
Les facteurs extrinsèques au patient : la gravité de l’hémiplégie et les déficiences et
incapacités entrainées par celle-ci. (15)
Le facteur prédictif du devenir fonctionnel des patients hémiplégiques le plus fiable reste la
sévérité de l’hémiplégie.
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Quelle analyse peut donc être faite sur le traitement proposé à monsieur M. ?
Il est légitime de se demander si la rééducation proposée au patient lui a donné les meil-
leures chances de récupérer des capacités fonctionnelles optimales.
En ce qui concerne le traitement du pushing syndrome, le choix a été fait de posi-
tionner autant que possible le patient en position verticale lors des exercices. En ef-
fet, les patients pushers ayant une représentation faussée de l’orientation de leur
corps notamment due à la perception de la gravité, il est préférable de travailler en
position assise ou debout, plutôt qu’en position horizontale. (11) De plus, lors de
l’entrainement au maintien de cette position, un maximum de repères verticaux sont
donnés au patient, afin de lui donner un feedback sur sa posture. Ces repères peu-
vent être donnés par le kinésithérapeute ou par les éléments présents dans la pièce
(barre verticale, miroir quadrillé, porte …). Car si les patients pushers ont un déficit
d’intégration des informations somesthésiques graviceptives, les informations vi-
suelles leurs permettent de percevoir ces repères verticaux. Cependant, ils ne les
considèrent pas forcément comme la verticale réelle et n’alignent pas spontanément
leur posture dessus. Il est donc primordial pour le thérapeute de prouver au patient
que les repères verticaux qu’il voit correspondent à la verticale sur laquelle il doit ali-
gner sa posture.
La négligence spatiale unilatérale (NSU) quand à elle, étroitement liée au pushing
syndrome, (7) a surtout été traitée selon un axe de travail consistant en un entraine-
ment intensif de l’exploration visuelle. Cette méthode est empirique et consiste à
stimuler et augmenter les mouvements volontaires du patient vers son côté gauche.
Pour cela, le thérapeute offre un maximum de stimulation provenant du côté négli-
gent. Le but est de donner un feedback de son résultat au patient et de diminuer
progressivement ces stimulations. (6) On dénombre plusieurs approches de traite-
ment. L’approche top-down, méthode choisie pour traiter monsieur M qui utilise
l’exploration visuelle, mais aussi l’approche bottom-up, cette dernière utilisant des
méthodes comme la manipulation sensorielle ou l’adaptation prismatique de la vi-
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sion. On sait que les meilleurs effets à long terme dans le traitement de la NSU sont
obtenus en combinant 2 méthodes, afin de cumuler les effets positifs de chaque mé-
thode qui mettent en jeu des réseaux neuronaux différents. (16) Or dans la rééduca-
tion proposée ici, seul l’approche top down soit l’exploration visuelle a été proposée.
Il existe dans l’approche bottom-up de la rééducation de l’héminégligence des tech-
niques simples qui auraient pu être mises en œuvre pour monsieur M comme
l’adaptation prismatique de la vision. Cette technique qui utilise l’adaptation visuo-
motrice, consiste à équiper le patient de lunettes, sur lesquelles des prismes sont
adaptés, afin de décaler sa vision vers la droite. (17) On entraine ensuite le patient
grâce notamment à la technique du droit devant. Le but est de pointer des cibles qui
sont placées en face de lui (et donc décalées artificiellement par les prismes). Rapi-
dement on observe une adaptation du pointage avec un décalage du droit devant
vers la gauche et une amélioration de la négligence dans les tests neuropsycholo-
giques classiques. Après une seule séance d’adaptation prismatique, le bénéfice sur
les effets de la négligence est de courte durée. En revanche, si l’utilisation de cette
méthode se fait plus intensive, des résultats à long terme sont observés. Une étude
de Frassinetti et al. (18) a montré en 2002, sur un groupe de 7 patients héminégli-
gents (comparé à un groupe contrôle de 6 patients), bénéficiant de 2 séances
d’adaptation prismatique par jour, pendant 2 semaines, des effets se maintenant sur
5 semaines après l’arrêt desséances. Quatre ans plus tard, une étude de Humphreys
et al. (18) utilisant un protocole différent (18 séances d’adaptation prismatique, à rai-
son de 2 par semaine pendant 9 semaines) montre des bénéfices s’observant à plus
long terme. Les progrès sont cette fois constatés plus d’un an après l’arrêt des
séances (progrès uniquement constatés sur certaines tâches comme la bissection de
ligne mais pas sur la lecture).
A la vue de ces résultats, on peut penser que l’utilisation de cette méthode, en plus
de l’exploration visuelle proposée, aurait pu améliorer la NSU de monsieur M. En ef-
fet, cette technique peu couteuse en temps et en matériel aurait pu s’inscrire dans la
rééducation afin de réduire plus rapidement les symptômes de l’héminégligence, fac-
teurs de mauvais pronostic fonctionnel et frein à la rééducation.
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Enfin, nous arrivons au point sur lequel a été centrée la rééducation : le travail fonc-
tionnel, à savoir l’entrainement aux transferts et à la marche. La récupération de la
déambulation sur quelques pas était un objectif qui nous semblait primordial. En ef-
fet, ces quelques pas permettent, s’ils sont possibles, une amélioration franche de la
qualité de vie du patient. Pour satisfaire cet objectif, une séance de 40 minutes par
jour était consacrée au recouvrement de la marche (voir dans la partie traitement
pour la méthode de réentrainement).
A son départ, monsieur M n’était pas capable de marcher, même quelques pas, en autono-
mie et en sécurité. On peut donc considérer que cet objectif, qui représentait une priorité
dans la prise en charge de ce patient, et un gage de meilleure qualité de vie, n’a pas été at-
teint.
Cependant, il semble que d’autres paramètres soient à prendre en compte en ce qui con-
cerne la qualité de vie après retour à domicile des patients post AVC.
En effet, la question de la qualité de vie est complexe en ce sens qu’elle possède de nom-
breuses composantes (fonctionnelles, sociales, psychologiques…) Une étude française réali-
sée en 2007 et incluant 80 patients victimes d’un AVC cherche à évaluer la qualité de vie des
ces patients après leur retour à domicile (comparativement à un groupe contrôle composé
de patients considérés en bonne santé au moment de l’inclusion), et d’en déterminer les
principaux facteurs prédictifs. Différentes échelles ont été utilisées pour réaliser cette étude.
L’échelle ADRS (Aphasia Depression Rating Scale) pour la dépression, l’index de Barthel pour
évaluer les limitations d’activités et l’échelle de satisfaction de vie de Branholm et Fugl-
Meyer (LiSat 11) pour déterminer la satisfaction de vie du groupe de patient étudié (19)
(Nous pouvons d’ailleurs regretter de ne pas avoir utilisé ces échelles durant la prise en
charge de monsieur M afin de pouvoir suivre l’évolution de ces paramètres lors de la prise
en charge).
Les résultats de cette étude mettent en évidence une qualité de vie nettement inférieure
des personnes victimes d’un AVC par rapport à la population générale. De nombreux para-
mètres sont à prendre en compte dans cette évaluation, comme l’aphasie et la communica-
tion, l’hémiparésie, les chutes potentielles et l’autonomie. Cependant, les 2 facteurs ressor-
tant comme les plus influants sur la qualité de vie des personnes victimes d’AVC sont
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Aussi, si l’état clinique du patient à sa sortie est déterminant pour sa qualité de vie, on sait
aussi que la prolongation de l’hospitalisation entraine d’autres risques (nosocomiaux, nutri-
tionnels, psychologiques ou psychiatriques). (20) Ainsi, il semble qu’il y ait un équilibre com-
plexe à trouver entre l’état clinique du patient, devant idéalement se rapprocher au plus de
son état antérieur, et les risques liés à la prolongation de l’hospitalisation.
Ainsi, le retour à domicile de monsieur M s’est-il fait dans les meilleures conditions ?
La réflexion concernant le retour à domicile de monsieur M a sans doute privilégié des fac-
teurs d’équilibre psychologique au détriment de la récupération des capacités fonctionnelles
suffisantes (pour un retour dans de bonnes conditions selon les recommandations de l’HAS).
Si un grand nombre de paramètres ont été mesurés, nous pouvons penser que la durée du
séjour (plus de 8 mois) et l’expression forte par monsieur M de son désir de retourner chez
lui ont été déterminants.
Toute la question est donc de savoir de quelle situation monsieur M aurait tiré le maxi-
mum de bénéfices.
Rallonger son séjour au centre de rééducation de plusieurs mois afin d’obtenir poten-
tiellement les quelques pas qui lui manquent pour augmenter significativement son
autonomie, et par conséquent sa qualité de vie ?
Mettre fin à son séjour, en sachant qu’il a montré des signes de saturation liés à la
durée longue de son séjour, même si son autonomie à domicile restera limitée ?
Lors de la prise en charge de monsieur M, il est difficile pour un thérapeute de voir un pa-
tient, qui est en rééducation et qui fait des progrès, interrompre son travail pour rentrer
chez lui. Les progrès réalisés, s’ils ne sont pas gage d’un recouvrement des capacités fonc-
tionnelles, sont stimulants pour le thérapeute qui veut les optimiser, afin d’offrir la meilleure
récupération possible au patient. Le choix d’un retour à domicile a cependant été fait, en
tenant compte de critères plus larges que la récupération fonctionnelle seule. L’étude réali-
sée pour l’écriture de ce mémoire permet de mesurer et de comprendre aujourd’hui les
composantes de cette décision.
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9 Conclusion
Ce travail écrit de fin d’étude a permis de prendre la mesure de ce type de prise en charge.
En effet, les objectifs de récupération fonctionnelle posés initialement pour proposer au
patient un retour à domicile dans les meilleures conditions possibles, ont été remis en ques-
tion par la réalisation de ce travail et la réflexion qu’il a induite. Lorsqu’on regarde les capaci-
tés fonctionnelles de monsieur M lors de son retour à domicile, la question se pose de savoir
si les conditions étaient réunies au bon déroulement de ce retour à domicile. Si le pushing
syndrome a nettement régressé, lui permettant de tenir plusieurs minutes assis, et une di-
zaine de secondes debout, sans appuis, l’absence de réactions d’équilibrations et de réac-
tions parachutes rendent inenvisageable les transferts en autonomie en raison du risque de
chute trop important. De plus monsieur M n’a pas retrouvé l’intégrité de ses fonctions supé-
rieures, ce qui empêche le déplacement autonome en fauteuil roulant manuel. Cependant,
le choix a été fait du retour à domicile, et ce travail m’a permis de comprendre selon quels
critères.
Tout d’abord, le pronostic fonctionnel initial du patient laissait présager une récupération
fonctionnelle limitée compte tenu de facteurs prédictifs défavorables (gravité de
l’hémiplégie, antécédents cardio-vasculaires). De plus, après 7 mois d’hospitalisation, les
progrès, s’ils ne sont pas impossibles, sont limités. Enfin, la persistance du syndrome de
l’hémisphère mineur et de ses symptômes ralentit la récupération. Mais si ces éléments ont
participé à motiver ce choix de retour à domicile, ils n’ont pas été les seuls critères pris en
compte.
En effet, si l’accent est mis sur l’indépendance fonctionnelle dans la pratique de la kinésithé-
rapie, bien d’autres facteurs ont un rôle déterminant dans la décision d’un retour à domicile.
La fiabilité des aidants et de l’équipe soignante mise en place au domicile du patient, mais
aussi des facteurs sociaux qui sont directement liés à l’état psychologique de ce dernier, et
donc déterminants dans la réussite du retour à domicile. Le tout semble être de trouver un
équilibre entre tous ces critères, essentiels à la prise de décision, afin de proposer le retour à
domicile au meilleur moment.
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Références
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20. C. Jean, C. Tobie. Sortie d’hospitalisation, le juste moment. Soins gérontologie. 2015
May 5;20(113):17–9.
0 : absence de contraction
1 : contraction perceptible sans déplacement du segment
2 : contraction entraînant un déplacement quel que soit l’angle parcouru
3 : le déplacement peut s’effectuer contre une légère résistance
4 : le déplacement s’effectue contre une résistance plus importante
5 : le mouvement est d’une force identique au coté sain