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E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
3. Doctorant chercheur, Université Cadi Ayyad, FSJES Marrakech, Laboratoire INREDD, Marrakech,
Maroc, anaslimam14@gmail.com
Résumé :
Les banques participatives au Maroc ont connu une croissance significative, atteignant un encours
de financement de 22,91 milliards de dirhams à la fin de 2022. Cependant, leur développement
est limité en raison de l’absence de compagnies d’assurance Takaful. Afin de remédier à cette
situation, les autorités ont mis en place la loi 59-13 modifiant et complétant la loi 17-99 sur le
code des assurances et introduisant l’assurance Takaful.
Notre objectif est identifié les attitudes et les perceptions des compagnies d’assurance marocaine
envers l’introduction de l’assurance Takaful et leur vision de son avenir au Maroc. Nous avons
mené une enquête qualitative exploratoire avec une logique inductive auprès de huit
responsables d’assurance Takaful en utilisant des entretiens semi-structurés. Après la
transcription objective et complète des entretiens, nous avons mené notre analyse avec le logiciel
Nvivo 12.
Les résultats montrent que l’existence du Conseil Supérieur des Oulémas (CSO) est un élément
motivant les attitudes des compagnies à l’égard de ce marché, car il confère une image conforme
à la charia à l’assurance Takaful. De plus, ces compagnies cherchent à répondre à la demande
réelle et potentielle des banques participatives, et prévoient un marché en pleine expansion.
Abstract:
Our objective is to identify the attitudes and perceptions of Moroccan insurance companies
towards the introduction of Takaful insurance and their vision of its future in Morocco. We
conducted an exploratory qualitative survey with an inductive logic with eight Takaful insurance
managers using semi-structured interviews. After transcribing the interviews objectively and in
full, we conducted our analysis using Nvivo 12 software.
The results show that the existence of the Conseil Supérieur des Oulémas (CSO) is a motivating
factor in companies' attitudes to this market, as it lends a Shariah-compliant image to Takaful
insurance. In addition, these companies are seeking to meet actual and potential demand from
participative banks, and anticipate a rapidly expanding market.
La finance islamique est considérée de plus en plus comme une alternative crédible au modèle
classique. Cette finance s’est principalement développée dans deux directions à savoir les
banques islamiques et l’assurance islamique (Takaful). Bien que les informations sur les banques
islamiques soient de plus en plus répandues, celles concernant l’assurance Takaful sont encore
très limitées.
Il y a seulement quelques années que les acteurs économiques marocain ont commencé à
s’intéresser et à investir dans le domaine de la finance participative (HAFIANE et ALLOUCH 2021).
Le cadre légal et réglementaire relatif aux banques islamiques, appelées banques participatives,
a été finalisé en 2017. En fin 2022, d’après le rapport de Bank Al Maghrib sur les statistiques
monétaires (BAM, 2023), les banques participatives ont un encours des financements de 22,91
milliards de dirhams. En dépit de cette croissance et de l’absence de l’assurance Takaful, on
constate d’une part que les banques ne proposent qu’un seul produit (la Mourabaha) et d’autre
part, les clients ayant déjà bénéficié d’un financement sont préoccupés par le risque de perdre
leurs biens en cas de décès ou d’invalidité (FNITIZ, 2023). De plus, de potentiels clients sont
découragés de s’orienter vers ces banques. Cependant, la loi 17.99 relatives à l’activité des
compagnies d’assurance Takaful est publier dernièrement au bulletin officiel. De même, l’Autorité
de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS, ci-après), a publié les circulaires
d’application de loi 17.99 relatives à l’activité des compagnies d’assurance Takaful.
Par conséquent, plusieurs agréments ont été accordés pour accéder pour ce marché de
l’assurance Takaful. C’est dans ce contexte nous posons la problématique suivante : Quels sont
les attitudes et les perceptions des compagnies d’assurance marocaine vis-à-vis de
l’introduction de l’assurance Takaful au Maroc ?
Notre étude vise à analyser la façon dont le secteur des assurances va accueillir ce nouveau
compartiment du marché. Plus précisément, nous cherchons à évaluer les attitudes et les
perceptions des compagnies d’assurances marocaines envers l’assurance Takaful, leur maîtrise
des produits et les enjeux qui les entourent, ainsi que les perspectives à terme en termes de
rentabilité et de dynamisation du secteur de l’assurance au Maroc. Pour atteindre cet objectif,
nous adoptons une logique inductive avec une démarche qualitative d’investigation, nous avons
mené une enquête auprès de 8 responsables d’assurance Takaful au moyen d’entretiens semi-
structurés.
En plus de l’introduction et de la conclusion, cet article est divisé en cinq parties : une synthèse
de la revue de littérature, une présentation du marché marocain de l’assurance, la méthodologie
de recherche déployée, une présentation et une discussion des résultats.
Le mot Takaful provient du mot « Kafala » qui signifie en arabe « garantie », c’est-à-dire se garantir
l’un l’autre ou « garantie conjointe ». La caractéristique principale de l’assurance Takaful est Al-
Moucharaka qui signifie le partage. Le Takaful est un système de partage de risque reposant sur
les principes d’assistance mutuelle « taawun » et de don volontaire « tabarru » (Ma’Sum Billah,
2019).
L’assurance Takaful peut être définie comme un contrat d’assurance collectif, par lequel ses
souscripteurs s’engagent à verser une somme d’argent spécifique à titre de don pour indemniser
les victimes sur la base de la coopération et du Takaful, lorsque le risque se produit réellement.
Les opérations d’assurance sont gérées par une société spécialisée, en leur qualité d’agents
(modèle Wakala) pour le compte des titulaires des polices, moyennant des honoraires fixes
(AAOIFI, 2017). La compagnie d’assurance conclut des contrats avec les assurés et perçoit les
primes. Puis elle indemnise les victimes avec ce qui leur est dû selon des règles et des critères
spécifiques. Elle effectue également tous les travaux nécessaires aux opérations d’assurance.
L’objet du contrat implique l’engagement de tous les assurés à supporter les conséquences du
risque qui peut frapper l’un d’entre eux et à payer les primes requises sur la base de donations. Il
s’agit donc d’un contrat ou d’un accord basé sur le Takaful et la solidarité pour répartir les risques
et réparer les pertes. Le rôle de la compagnie d’assurance dans l’assurance Takaful est de gérer
les opérations d’assurance par la souscription et la gestion car les assurés eux-mêmes ne peuvent
pas le faire en raison de leur grand nombre.
L’approche néo-institutionnelle s’est développée en théorie des organisations dans les années
1980. Cette théorie s’est imposée comme une explication populaire et puissante de l’action
individuelle et organisationnelle (Dacin et al., 2002) ; (Zhao, 2011). Le fondement du modèle nous
apprend que des facteurs de contexte peuvent influencer les attitudes, les comportements et les
structures des organisations, des facteurs tel que l’environnement sociopolitique,
l’environnement économique, le contexte technologique et enfin, l’environnement légal (Di
Maggio et Powell, 1983) ; (Meyer et Rowan, 1991) ; (Martin et al, 2015) ; (Miller et Paradis, 2020) ;
(Kong et al, 2022).
La théorie néo-institutionnelle est devenue de plus en plus populaire parmi les chercheurs, en
particulier ceux qui explorent les processus de développement et de changement stratégiques
dans un contexte d’économie émergente (Dacin et al., 2002) ; (Hoskisson et al., 2013) ; (Martin et
al., 2015) ; (Poon et al, 2021). Cette théorie met en évidence l’importance des facteurs
Htay et Salman (2013) ont constaté que si les régulateurs soutiennent l’offre de l’assurance
Takaful, les opérateurs d’assurance peuvent élargir leurs champs d’application, les investisseurs
peuvent avoir plus de variété et la société va profiter des avantages du Takaful.
Ndiaye et Malou (2014) ont mis en évidence le potentiel de croissance important de l’assurance
Takaful sur le continent africain, à condition de surmonter certains obstacles tels que les
croyances selon lesquelles l’assurance est immorale, le faible niveau de vie et le faible taux de
bancarisation. Ils ont souligné l’importance d’une bonne communication pour faire comprendre
aux Africains le principe éthique et solidaire du Takaful, ainsi que le recours à la micro-assurance
islamique. Par ailleurs, ils ont insisté sur l’importance des aspects juridiques et réglementaires,
ainsi que sur la nécessité de former des personnes qualifiées pour favoriser le développement de
ce type d’assurance.
Au Maroc, le marché de l’assurance a connu une croissance significative au cours des dernières
années. En 2021, d’après le rapport d’activité de l’autorité de contrôle des assurances et de la
prévoyance sociale, le marché marocain d’assurances compte 23 entreprises d’assurances et de
réassurance en activité, dont 19 sociétés anonymes et 4 sociétés d’assurances mutualité (ACAPS,
2022).
Le secteur de l’assurance est parmi les secteurs les plus actifs au Maroc. En 2021, le chiffre
d’affaires directes (primes émises hors acceptations) s’est apprécié à 49,6 milliards de dirhams,
soit une croissance de 9,9%. Dans le détail, l’assurance vie a progressé de 12,5% à 22,9 milliards
de dirhams. Cette hausse est impulsée par l’épargne qui a enregistré une croissance de 12,9%.
L’assurance non-vie a affiché une croissance de 7,7% avec un volume d’émissions de 26,7 milliards
de dirhams. Celle-ci est essentiellement supportée par la performance de l’assurance automobile,
qui a enregistré un volume de primes de 13 milliards de dirhams et une croissance de 8,6%
(ACAPS, 2022).
Le secteur gère en 2021 un actif de plus de 196,2 milliards de dirhams, contre 183,4 milliards un
an auparavant, progressant ainsi de 7%. Ce constat est dû aux différentes tendances qui ont
marqué ce secteur durant ces dernières années (concentration, libéralisation, bancassurance…).
La mise en place de l’assurance Takaful au Maroc a nécessité une démarche participative entre
les différents intervenants, dont le ministère des Finances, les autorités de contrôle et les
opérateurs. Les banques participatives avaient besoin d’une couverture Takaful rapidement, mais
le Conseil Supérieur des Oulémas (CSO, ci-après) a remis en cause certains principes de base lors
de la première discussion. Cela a entraîné un retour à la case départ pour revoir certains principes.
Le cadre réglementaire marocain pour le marché de l’assurance Takaful comprend des éléments
uniques, tels que la limitation des frais de gestion perçus par l’opérateur d’assurance. Les frais de
gestion Wakala sont plafonnés à un maximum de 30% des cotisations, et les frais de gestion
relatifs aux produits d’investissement sont plafonnés à 1% de l’encours. De plus, les résultats
techniques restent à l’intérieur du fonds des participants, l’opérateur ne pouvant être rémunéré
que par une commission Wakala ou une participation bénéficiaire sur les revenus financiers
(Mudaraba). Enfin, le cadre réglementaire est complété par des éléments volontaires, tels que
des modèles de conditions générales types et de règlement de gestion de fonds types proposés
par l’autorité de contrôle avant le lancement de l’activité.
3. Méthodologie et échantillon :
Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons eu recours à une étude qualitative
exploratoire avec logique inductive (Mays et Pope, 1995). La recherche qualitative est utile pour
explorer les nouveaux phénomènes, car elle est sensible au contexte et à la séquence des
événements et actions organisationnels (Gephart, 2004).
Le choix de l’approche qualitative est justifié par la nature de notre problématique quasiment
inexplorée. L’insuffisance des travaux de recherche dans la matière, plus particulièrement dans
le contexte marocain, est aussi l’une des raisons favorisant notre choix méthodologique.
La recherche exploratoire qualitative est caractérisée par de petits échantillons n’ayant pas
d’objectif de représentativité au sens statistique du terme, mais répondant à des critères de
pertinence de la structure de la population étudiée prenant en compte le problème spécifique de
l’étude (Evrard et al, 2003). La condition nécessaire et préalable pour mener cette étude exige la
volante des compagnies d’assurance de se lancer dans le marché de l’assurance Takaful au Maroc.
D’où le choix des huit sociétés d’assurance suivantes :
Le choix de notre échantillon s’explique par deux principales raisons. Premièrement, les huit
entreprises représentent plus de 72% du chiffre d’affaires du marché de l’assurance au Maroc en
2021 (ACAPS, 2022). Deuxièmement, ce sont les compagnies intéressées par la commercialisation
de l’assurance Takaful au Maroc.
Les entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un magnétophone après accord des interviewés afin
d’éviter la prise de notes. La durée des entretiens a varié entre une heure et une heure trente.
Les entretiens sont intégralement retranscrits pour assurer l’objectivité du chercheur et exploiter
la richesse des informations recueillies (St-Denis, 2022). La retranscription est faite en respectant
les thèmes préalablement établis. Nous avons opté pour la méthode de l’analyse de contenu pour
le traitement des discours collectés. Cette méthode, repose sur le constat que la répétition
d’unités d’analyse du discours (mots, expressions ou significations similaires, phrases,
paragraphes) révèle les centres d’intérêt, les préoccupations des auteurs de discours (Giordano,
2016). C’est la démarche la plus pertinente pour bien exploiter la richesse des données collectées
(Trudel et Gilbert, 2022). Nous avons réalisé notre analyse à l’aide du logiciel Nvivo (version 12).
L’analyse de contenu nous a permis de relever les centres d’intérêt et les préoccupations des
interviewés. Afin de suivre la même logique que nous avons adoptée lors de la présentation de
notre guide d’entretien, nous présenterons les résultats de notre étude par axe.
L’expert constitue une figure incontournable au sein des entreprises (Bootz, 2014). Nos
interviewés sont des experts en assurance conventionnelle et Takaful. Ils ont des connaissances
très approfondies dans la matière. Il est donc essentiel de tirer parti de leur expertise et de leur
perception de l’assurance Takaful.
L’ensemble des questions posées a donné lieu à des réponses peut différentes. L’analyse de la
fréquence des mots dans ces réponses nous a permis de dégager les concepts les plus utilisés par
nos interviewés, ce qui nous a donné une idée sur leurs connaissances et perception du sujet de
recherche.
L’analyse de la fréquence des mots montre que certains concepts occupent une place
prépondérante dans la liste, ce qui reflète l’orientation des discours des interviewés. Parmi ces
concepts on trouve le mot « Takaful » qui est associé souvent au mot « Assurance ». Il est
intéressant de noter que nos interviewés ont également fait appel à d’autres termes en relation
avec le Takaful, même si leur nombre d’occurrences est relativement faible, tels que « marché »,
« finance », « participative », « banque ».
Pour identifier la perception de l’assurance Takaful, il est essentiel de commencer par la définition
de ce concept. De manière général, toutes les personnes interrogées associent l’assurance
Takaful, à un produit financier conforme à la sharia, ayant des origines dans les premiers temps
de l’Islam et venant compléter l’écosystème financier participatif. De ce fait, Il est donc clair que
l’assurance Takaful est une composante incontournable du système financier participatif. Ci-après
les propos de nos interviewés favorisant nos résultats :
Par ailleurs, nos interviewés affirme que l’assurance Takaful sera un marché prometteur du fait
qu’il répond aux besoins d’une catégorie de la population qui n’était pas incluse auparavant.
Certains interviewés ont également souligné que le Takaful est une assurance liée à l’économie
réelle, ce qui en fait un produit plus solide et stable. D’autres ont mis en avant l’importance du
Takaful dans l’animation du marché de capitaux à travers les différents produits Takaful tel que,
l’épargne, le décès invalidité, la retraite, etc.
Parmi les facteurs motivent les attitudes et le comportement des compagnies d’assurance à vis à
vis l’assurance Takaful est l’existence du CSO qui est l’instance Shariatique qui donne une certaine
confiance aux sociétés d’assurances Takaful. Ci-dessous quelques réponses qui illustrent ces
constats.
Les attitudes des compagnies d’assurance conventionnelle sont aussi influencées par l’existence
de relations de partenariats avec des groupes bancaires dans le système classique. Ce type de
partenariat ce concrétise par la bancatakaful qui est nécessaire pour accompagner les partenaires
dans la voix des produits participatifs.
« Nous avons deux partenaires bancaires. Notre objectif c’est de les accompagner dans
le marché de la finance participative. C’est le moteur de notre décision pour se lancer
dans l’assurance Takaful ».
L’élément crucial de ce nouveau concept d’assurance est le modèle d’application qui diffère d’un
pays à un autre. Cependant, tous les répondants sont d’accord pour dire que, dans le cas
marocain, le modèle le plus approprié est le modèle hybride (Mudaraba+Wakala) pour
l’assurance Takaful vie, et le modèle Wakala pour l’assurance Takaful non-vie.
Notre deuxième objectif est de déterminer la perception des compagnies d’assurance quant à
l’avenir de l’assurance Takaful au Maroc. Pour ce faire, nous avons consacré ce troisième et
dernier axe. En analysant la fréquence des mots nous avons obtenu les résultats ci-dessous (figure
n°2) :
Pourcentage pondéré
Mot Nombre
(%)
Fiscalité 16 0,54
Image 12 0,40
Soukouk 10 0,34
Toujours 10 0,34
Communication 6 0,20
Potentialités 6 0,20
Neutralité 6 0,20
Complémentarité 2 0,14
Source : Auteurs via Nvivo12
D'après nos répondant la partie fiscale concernant l'assurance Takaful au Maroc n'a pas encore
été détaillée. La majorité des compagnies d'assurances marocaines ont annoncé qu'il y aura
simplement une neutralité fiscale, sans avantage fiscal. En d'autres termes, la même fiscalité
appliquée au système conventionnel sera également appliquée au système Takaful, ce qui signifie
qu'aucun avantage fiscal ne sera accordé à l'un au détriment de l'autre.
« Il n’y aura pas d’avantage fiscal. Et ça ne devra pas l’être parce que c’est mauvais pour
les entreprises Takaful eu même, parce que s’a créé de la mauvaise concurrence. En
cherche la neutralité fiscale pas plus, c’est au marché et aux clients de nous juger sur le
même titre que les assurances conventionnelles et sur les mêmes critères ».
Pour l’image de marque, nous avons reçu des réponses contradictoires. Certains ont déclaré que
l’adoption de l’assurance Takaful serait bénéfique pour la réputation de leur compagnie, tandis
que d’autres ont déclaré que cela nuirait à leur image. Voici quelques exemples de réponses
illustrant un impact positif. D’autres ont exprimé une opinion négative, affirmant que l’adoption
de l’assurance Takaful peut avoir un impact négatif sur l’image de marque de la compagnie. Il y a
même des répondants qui sont neutres par rapport à cette question.
« Pour l’image de marque je pense que ça va être un intérêt positif. Même si selon des
enquêtes, ils disent que les opérateurs qui travaillent aujourd’hui dans la finance
participative sont plus au moins des opérateurs maquillés parce qu’au final elles font
partie d’un groupe qui travaille déjà dans le conventionnel ».
Par ailleurs, il est à noter qu’il y aura des contraintes à la mise en œuvre de l’assurance Takaful au
Maroc. Ces contraintes pourront être liées à différents aspects tel que le plan financier,
réglementaire, humain, technique et stratégique.
« Une contrainte réglementaire, du côté ACAPS et non pas du CSO. Il y a des contraintes
de spécialisation des opérateurs Takaful. Et quelques problèmes réglementaires par
rapport à tout ce qui est comptable et fiscale. C’est-à-dire qu’il aura trois volets qui
peuvent à un moment ou un autre causé la non-réussite du Takaful au Maroc ».
Les déclarations recueillies auprès des compagnies d’assurance révèlent que l’introduction de
l’assurance Takaful aura un impact positif sur le marché d’assurance marocain. Elle permettra une
grand entrée de fonds, l’amélioration du taux de pénétration, la dynamisation du marché de
capitaux et répondra aux attentes financières et religieuses des banques participatives et des
particuliers marocains. Cependant, ces avantages ne pourront être atteints que si toutes les
contraintes, financières, réglementaires, humaines, techniques et stratégiques, sont prises en
compte et que les conditions sont mises en œuvre de manière appropriée.
Les résultats de cette étude révèlent la position des responsables des compagnies d’assurances
au Maroc à l’égard de l’assurance Takaful. Il est remarquable que la connaissance de cette
dernière n’ait pas différenciée. Presque tous les responsables voient dans le Takaful la voie du
salut en plus de la collecte, la mobilisation, la dynamisation, l’enrichissement et l’affectation des
fonds.
Pour avoir un équilibre dans un marché financier, il faut avoir un certain nombre de
compartiments (Wang, 2016). Il est de même pour un écosystème financier participatif,
l’assurance Takaful étant une composante essentielle du système. Aujourd’hui l’existence d’une
demande réelle et potentielle de la part des banques participatives et des clients a fait que les
principales compagnies de la place se lancent dans ce marché sans hésitation.
Presque toutes les interviewés ont manifesté une opinion positive quant à l’avenir de l’assurance
Takaful au Maroc. Ils ont évoqué les raisons suivantes : premièrement, c’est un marché qui répond
à un besoin non satisfait jusqu’à présent, ce qui devrait améliorer le taux de pénétration de
l’assurance au Maroc. Deuxièmement, il offre une couverture d’assurance pour les produits de
financement des banques participatives. Troisièmement, il devrait dynamiser le marché des
capitaux grâce aux différents produits Takaful tels que l’épargne, le décès invalidité, la retraite,
etc.
Le Maroc a fait le bon choix d’avoir élaboré son sharia Board, vu son rôle très déterminant. De
plus, il assure aux compagnies une protection en termes d’image (conformité à la Sharia). C’est le
même consta fait par LEVY et REZGUI (2015) par rapport au banque islamique. Sallemi et al (2021)
ont examiner l’effet des mécanismes de gouvernance (taille du conseil d’administration,
indépendance du conseil sharia bord et la taille du conseil de la charia) sur la performance des
compagnies d’assurance Takaful. Les résultats ont montré que plus la taille du Sharia Board est
importante et plus le nombre d’administrateurs externes est élevé, plus la performance de la
compagnie d’assurance est importante.
Aujourd’hui, l’entrée de l’assurance Takaful sur le marché marocain est due principalement à la
demande effective et potentielle des banques participatives d’une couverture d’assurance pour
la commercialisation des produits, ce résultat s’aligne avec les résultats de Hassan et abbas (2020)
et Essarhiri et al. (2022). Cela signifie qu’en premier lieu, il y aura un lancement des produits de
l’assurance-vie, liés en premier lieu à la bancassurance (bancatakaful).
L’existence des relations de partenariats avec les groupements bancaires est le principal facteur
qui explique le choix d’adoption du Takaful. Autrement dit, la relation développée avec les
partenaires bancaires a incité les compagnies d’assurances aujourd’hui à développer et à
capitaliser ces partenariats pour ce nouveau marché à travers les relations de bancatakaful.
Abderrahim et Rachida (2011) ont trouver des résultats similaires dans le contexte algérien.
En ce basent sur notre revue de la littérature, en peut dire que les constats de la théorie néo-
institutionnelle sont bien présent au marché d’assurance marocain, l’environnement
sociopolitique, l’environnement économique et l’environnement légal influencent les attitudes
des compagnies d’assurance marocaine vis-à-vis de l’introduction de l’assurance Takaful au
Maroc ; (Hoskisson et al., 2013) ; (Martin et al., 2015) ; (Poon et al, 2021).
Le choix d’un modèle de rémunération est fortement lié à la branche d’assurance (assurance vie
ou non-vie). Pour tout ce qui est assurance vie (long terme) le modèle approprié est hybride
(Mudaraba+Wakala), alors pour l’assurance non-vie (court terme) le modèle Wakala s’avère le
plus approprié. Par contre, le model Wakala modifiée est le plus adopté par les pays avancés en
finance islamique, tels que l’Arabie saoudite et la Malaisie, qui détiennent respectivement 50%
et 25% de la part de marché mondiale (Yusuf et Babalola, 2015).
AYADI et GHARSALLI (2013) ont constater que le modèle hybride reste limité et présente plusieurs
difficultés d’application. Ce qui est contradictoire avec nos résultats. Ce modèle présente des
avantages pour la compagnie en termes de rémunération dans deux sens. Premièrement, au
niveau de la gestion, la Wakala permet de faire face aux charges mensuelles et récurrentes de la
compagnie. Deuxièmement, au niveau de l’investissement la Mudaraba incite la compagnie à
travailler plus efficacement pour obtenir plus de bénéfices.
La mise en place de l’assurance Takaful est confrontée à des défis de différents niveaux,
notamment financiers, réglementaires, humains, techniques et stratégiques. Par exemple la
lenteur des décisions et le manque de procédures réglementaires ralentissent la mise en place de
ce type d’assurance. Les compétences et les ressources humaines qualifiées sont également rares
dans ce domaine. Enfin, l’absence de modèles de calcul spécifiques pour l’assurance Takaful, tels
que l’actuariat, représente un autre défi.
L’adoption du Takaful peut avoir un impact positif ou négatif sur l’image de la compagnie auprès
de sa clientèle. Tout dépend de la perception et de l’analyse du client. Ce qui est sûre,
l’introduction de l’assurance Takaful sur le marché d’assurance marocain ne peut être que
bénéfique. Cela offre une alternative complémentaire à l’assurance classique répondant à une
demande potentielle de certains segments de la population. L’adoption de l’assurance Takaful
présente également des avantages à long terme, tels que l’augmentation du taux de pénétration
de l’assurance, un flux supplémentaire de fonds dans l’économie grâce à l’entrée de partenaires
étrangers et une dynamisation du marché des capitaux.
Conclusion et perspectives :
L’introduction des banques participatives sur le marché marocain est restée limiter en raison de
l’absence des autres compartiments complémentaires du système financier participatif, à savoir
un marché de capitaux Sharia compliant et l’assurance Takaful. Cette recherche fournit un aperçu
sur les attitudes et les perceptions des compagnies d’assurance marocaine vis-à-vis de
l’introduction de l’assurance Takaful au Maroc, ainsi qu’explorer la vision de ces compagnies
quant à l’avenir du Takaful au Maroc.
Selon les résultats de notre étude et en nous basant sur notre revue de la littérature, il est clair
que les observations de la théorie néo-institutionnelle se manifestent sur le marché de
l’assurance au Maroc. L’environnement sociopolitique, l’environnement économique et
l’environnement juridique influencent les attitudes et les perceptions des compagnies
d’assurance marocaines à l’égard de l’introduction de l’assurance Takaful dans le pays. Cela se
traduit par le fait que les principales compagnies d’assurances marocaines ont des attitudes et
des perceptions positives vis-à-vis de l’assurance Takaful. Elles considèrent que c’est un marché
prometteur offrant de nombreuses opportunités pour l’avenir de l’assurance et pour le
développement économique du pays.
Sur le plan méthodologique, nous avons délibérément opté pour la méthode de recherche la plus
approprier pour les études qui traitent les attitudes et les perceptions des compagnies
d’assurances. La méthode d’analyse du contenu nous a permis de répondre à notre
problématique en examinant la répétition d’unités d’analyse du discours ce qui nous a permis de
déterminer les centres d’intérêt et les préoccupations des auteurs. Cependant, il convient de
noter que nous n’avons pas pu confirmer nos résultats par le biais d’une méthode d’analyse
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