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Master spécialisé : Juriste d’affaire (M1)

Droit des assurances

ASSURANCE TAKAFUL

ENCADRE PAR :
PR. RABHI TAOUFIK

REALISE PAR :
ABOULKHEIR KENZA AZEMMOUR KHALID

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2021/2022

1
SOMMAIRE :

Chapitre premier : Le cadre légal de l'assurance takaful et son champ


d'application

Section 1 : La conceptualisation de l'assurance takaful


Section 2 : L’assurance et réassurance Takaful à l’aune du code des assurances
marocain

Deuxième chapitre : L'assurance takaful, un secteur aussi performant


qu'inachevé
Section 1 : Distinction entre assurance takaful et l'assurance conventionnelle
Section 2 : Les défis et les contraintes
Section 3 : Modèles de fonctionnement de l'opérateur takaful

2
INTRODUCTION :
L’homme depuis longtemps, a cherché des moyens pour se prémunir contre les risques et
les aléas du temps et du destin qui menacent sa vie et sa santé et son patrimoine. Ce moyen
se concrétise dans l’assurance et celle-ci a une nature qui est très diversifiée et vue cette
nature a fait l’objet de plusieurs définitions.
Étymologiquement, le terme assurance provient du mot latin « assecuratio » qui signifie,
assurer la sécurité. Juridiquement, selon PICARD ET BESSON, l’assurance « est une opération
par laquelle une partie appelée « assuré »se fait promettre moyennant une rémunération «
la prime » une prestation par une autre partie appelée « l’assureur » en cas de réalisation
d’un risque »1. Cette définition a fait l’objet de critique pour quatre raisons :
Première raison : au niveau des personnes ayant une relation avec l’opération d’assurance,
dans ce cadre le preneur ou le souscripteur du contrat d’assurance, n’est pas toujours le
seul bénéficiaire, celui-ci peut être une tierce personne qui n’a pas contribué à la
souscription du contrat d’assurance.
Deuxième raison : L’objet de l’assurance n’est pas forcément le paiement d’une indemnité
pour dédommager l’assuré, il peut être le paiement d’un capital ou d’une rente
indépendamment de tout dommage.
Troisième raison : Le risque assurable n’est pas nécessairement un événement fortuit ou de
force majeure, il peut être une simple faute de l’assuré en cas de responsabilité civile ou
encore la survenance d’un événement heureux - natalité, nuptialité.
Quatrième raison : La rémunération peut être soit une prime soit une cotisation en fonction
de la forme de l'entreprise d’assurances2.
Cette définition juridique est purement contractuelle, elle met l’accent sur les obligations
essentielles réciproques et sur les différents partenaires dans cette relation sans toutefois
mettre en valeur les mécanismes de fonctionnement de l’assurance, à savoir la mise en
commun des risques homogènes susceptibles d’atteindre un groupement de personnes ou
de biens et les primes qui correspondent à leur couverture bref cette notion de « mutualité
des risques ».
Une autre définition d’ordre technique peut être avancé, en indiquant que l’assurance est
une technique d’amortissement des pertes des valeurs patrimoniales réelles ou espérées,
exprimées en terme monétaire qui résulte d’événements incertains en moyen de
constitution de provisions collectives dont les dotations individuelles sont en. Fonction de la
probabilité de chaque perte.
Au Maroc, et d’un point de vue historique, l’assurance - toutes branches confondues -
totalement étrangère à la tradition juridique du pays, elle n’a vu le jour qu’avec l’avènement

1
GHOMRI MOUNIR Mounia, « Droit des assurances », 2019, P2
2
Farid Hatimy, droit des assurances, 2017, P13

3
du protectorat. La transplantation de cette technique au Maroc se justifie à l’origine par
l’arrivée massive des Français et des étrangers au Maroc attirés par l’appât du gain, les
richesses du pays et l’abondance de ses matières premières ainsi que les avantages fiscaux
et les facilités opérationnelles, sociales et administratives que leur accordaient les autorités
du protectorat. Et d’autre part par la volonté de se prémunir contre les aléas du temps. Ainsi
cette demande croissante d’assurance rendit nécessaire l’installation sur place des sociétés
étrangères représentées par des agents généraux ou des succursales.
Cependant, cette entrée timide de cette industrie dans l’économie du pays n’a pas suffi à
consolider ou à parfaire la formation d’un marché local de l’assurance à l’exception de
l’assurance obligatoire du fait que la société marocaine musulmane était restée en marge de
la vie économique moderne. Il est à noter, par ailleurs, que la réticence des marocains face à
cette assurance est également d’ordre socio-économique, c’est pourquoi il ne faut plus
endosser ce peu d’intérêt réservé à cette technique uniquement aux préjugés religieux3.
Depuis le lancement des banques participatives au Maroc en 2017, la finance islamique a
rencontré un succès considérable et a pu s’imposer dans l’environnement bancaire national.
La loi 87.18 portant sur l’introduction de l’assurance Takaful, conforme à la Charia, est très
attendue par les professionnels des assurances et la finance islamique, elle a été soumise au
Parlement après son adoption en Conseil du gouvernement en 2018.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce qu’est l’assurance Takaful, il s’agit d’un concept
islamique d’assurance, basé sur les normes et règles de la Charia. Takaful provient du verbe
« Kafala », qui signifie « se garantir l’un l’autre » ou « garantie conjointe ». Il est basé, entre
autres, sur la coopération mutuelle, la responsabilité, l’assurance, la protection et
l’assistance entre des groupes ou des participants.
Tout comme une mutuelle d’assurance, une compagnie Takaful permet de mutualiser les
risques et de repartir les pertes éventuelles entre l’ensemble des assurés. Ainsi, les
membres d’une compagnie d’assurance Takaful sont à la fois assureurs (propriétaires des
fonds gérés par la compagnie) et assurés entant que bénéficiaires en cas de sinistres.
Au Maroc, l’assurance Takaful qui viendra compléter le dispositif « finance participative »
aura dans un premier temps un développement étroitement lié à celui des banques
participatives. En effet les produits d’assurance Takaful concernent en plus le contrat
d’investissement Takaful, essentiellement le financement de l’acquisition des biens
immobiliers. Ainsi les principaux types d’assurance qui seront endossés à ces financements
alternatifs seraient les assurances décès-invalidité et multirisques De bâtiment Takaful4.
Pour mieux détailler le sujet, il est primordial de répondre à la problématique suivante :
Jusqu'à quel point l'assurance Takaful a pu répondre aux exigences du domaine
d'assurance ainsi qu'aux règles de la loi musulmane ?

3
https://medias24.com/, consulté le 27/02/2022
4
GHOMRI MOUNIR Mounia, « Droit des assurances », 2019, P4

4
Chapitre premier : Le cadre légal de l’assurance Takaful et son champs
d’application :
Plusieurs mois de tractations ont été nécessaire pour peaufiner le cadre légal du « Takaful »,
des allers-retours chez le Conseil supérieur des ouléma (CSO)5, des modifications dans les
textes d’application, des latences dans le circuit législatif…etc. Finalement, nous y sommes.
Le texte de loi a été adopté à l’unanimité par la chambre des représentants.
L’élaboration de la loi finale n’as pas été une chose aisée. En Avril 2018, le CSO a émis une
série de recommandations de fond sur le premier jet des textes d’application de la loi n°59-
13 présentés en 2016. La recommandation la plus importante portait sur la substitution des
comptes d’assurance Takaful de l’entreprise d’assurance et de réassurance Takaful (EART),
par des fonds d’assurances et de réassurance Takaful doté de la personnalité morale et de
l’autonomie financière6.

Section 1 : La conceptualisation de l’assurance takaful ;

L’assurance islamique est dite, en arabe, « takaful » signifie se garantir mutuellement7. La


pratique du Takaful doit être conforme à la loi islamique qui est la Chariaa, appelée aussi le
droit musulman comme nomination moderne, cette dernière à comme source trois élément
:

 Le Coran : Principale source écrite du Droit musulman, parole de Dieu transmise par
le Prophète.
 La Sunnah : l’ensemble des paroles et des actes du Prophète, elle comprend,
essentiellement, deux composantes : l’Hadith et la Sira.
 Le Fiqh : ou la jurisprudence, il définit comme l'interprétation temporelle des règles
du Coran et de la Sunnah. Cette jurisprudence se fait soit par l’Ijmaà (consensus) ou
bien le Qiyas (le raisonnement par analogie) des experts du domaine
Le Takaful doit être conforme aux normes de la Chariaa pour éviter trois éléments
considérés illicites dans l’islam. Riba, Gharar, et le Maysir.

 Riba : Ou l’intérêt usuraire, perçus sur les prêts, pratiqué souvent dans l’assurance
conventionnelle, et qui est prohibé selon l'islam, vue qu’il considère l'argent comme
un simple moyen d'échange et de transaction, il ne peut pas, à lui seul, faire l’objet
d’un contrat ou être utilisé comme un moyen de réaliser un profit.

5
CSO : instance suprême au Maroc ayant le monopole en matière d’avis de conformité à la charia. Ce Comité
central constitue le point fort du modèle déployé au Maroc dans la mesure ou les avis de conformité sont émis
exclusivement par une instance compétente et indépendante de tous les établissements bancaires.
6
https://www.boursenews.ma/, consulté le 28/02/2022
7
https://www.leboursier.ma/, consulté le 23/03/2022

5
 Gharar : Le Gharar signifie incertitude, aléa. Dans l’Islam, le Gharar désigne toute
vente à caractère aléatoire ou possédant un élément vague, imprécis, ambigu,
incertain, caché ou dépendant d’autres événements. En droit musulman, les
contrats contenants des éléments d’incertitude sont réputés nuls, la pratique de
l’assurance conventionnelle comprend le Gharar, car au moment de la conclusion
du contrat d’assurance l'assureur ne sais pas s'il sera amené ou non à verser des
indemnités à l’assuré, de même qu’il ignore le montant de ces indemnités en cas de
survenance du sinistre. L’assuré, quant à lui, paie une prime mais ne sait pas s'il va
être indemnisé à l’avenir.
 Le Maysir : On parle de Maysir lorsque le hasard fait partie de l’équation, dans le
cadre d’un contrat par exemple. Le Maysir fait partie des interdits des préceptes de
l’Islam au motif que l’accord entre les signataires d’un contrat est basé sur
l’incitation immorale fournie à ces mêmes signataires que le hasard va les faire
gagner, sans possibilité de perte. Le Maysir en Finance Islamique se dessine par
l’enrichissement injustifié moralement d’une entité au détriment d’un autre : de
l’argent acquis sans travailler, et par la spéculation (le hasard)8.

Ce principe repose sur trois interdits fondamentaux, conformément à la charia (loi


islamique) : le hasard, les intérêts et la spéculation. Pour exclure toute notion de hasard, ou
d’incertitude dans leurs contrats, les compagnies recourent donc au « tabarru » : un contrat
« à titre gratuit ». Concrètement, cela signifie que les souscripteurs versent une « donation
», et non une prime, à l’opérateur. Deuxième point, pour exclure toute notion d’intérêt, le
montant de ce « don » ne couvre que les frais de gestion du contrat ; les éventuels bénéfices
doivent être partagés entre les assurés et l’opérateur. De plus, il est interdit d’investir les
fonds sur un certain nombre de secteurs précisément définis : l’alcool, les drogues, le jeu,
l’alimentation non halal, le tabac, les banques et les assurances non takaful, et également
l’industrie de l’armement, sauf s’il s’agit de celle des États.
Généralement, le système Takaful est caractérisé par la coopération mutuelle et le partage
des risques d’une manière collective et volontaire, le Takaful donc nécessite :
1- La séparation des fonds des preneurs d’assurance et des actionnaires : séparation des
dons et des contributions des sociétaires et les commissions perçus par les actionnaires en
contre partie de leur service et management.
2- La distribution des bénéfices aux preneurs d’assurance : la compagnie Takaful s’engage à
redistribuer les bénéfices à ses sociétaires.
3- L’évitement des actifs non conformes à la Chariaa : L'investissement doit être
essentiellement effectué dans des actions cotées de sociétés dont l'activité n'est pas
incompatible avec la Chariaa. Est ainsi exclu l'investissement dans des sociétés dont
l'activité principale concerne les secteurs du tabac, de l'alcool, des produits à base de porc,
des services de la finance conventionnelle (banque, assurance, ...), de l'armement et de la

8
https://fnh.ma/, consulté le 28/02/2022

6
défense, du jeu et du divertissement (casino, jeu de hasard, cinéma, musique, ...). Les
sociétés Takaful doivent également respecter les trois filtres financiers pris en considération
à ce jour par le « Sharia Board du Dow Jones Islamic Market ». Ce système de filtres
financiers permet de ne pas investir dans des sociétés trop endettées.
4- Le Conseil de la Chariaa : la création d’un conseil de surveillance de la Chariaa qui
supervise les opérations d’assurance et contrôle leur conformité à la Chariaa. Ces conseils
peuvent être internes à chaque société, comme c’est le cas dans les pays du Golfe ou
centralisés au niveau d’un pays, comme en Malaisie9
Le système takaful fonctionne sur la base d’une séparation de deux entités : Les adhérents
ou assurés et le gestionnaire du fonds ou apporteur de capital.
Le fonds des adhérents
Dans le système d’assurance takaful, l’assuré (l’adhérent) verse une cotisation à un fonds.
En contrepartie de cette cotisation, les membres du fonds, les autres adhérents, acceptent
de supporter collectivement le risque.
C’est le fonds des adhérents qui collecte les primes et paie les sinistres. A la fin de l’exercice,
les surplus qui ne sont pas conservés comme provisions techniques sont remboursés aux
adhérents ou versés sous forme de zakat (impôt islamique, constituant une des cinq
obligations de l’Islam) à une institution charitable.
Le gestionnaire du fonds
C’est le gestionnaire du fonds qui apporte le capital nécessaire à la création et à la
solvabilité de la société. Les déficits éventuels du fonds sont renfloués par le gestionnaire.
La rémunération du gestionnaire du fonds peut se faire sous deux formes :

 La wakala qui peut être assimilée à un contrat d’agence. Le gestionnaire reçoit un


montant déterminé à l’avance pour gérer le fonds. Ce montant est prélevé à partir
des primes collectées par le fonds.
 La moudharaba qui est une association du gestionnaire du fonds aux bénéfices
réalisés par le fonds10.

Comme il est mentionné au-dessus du Takaful, la constitution d’un conseil de la Chariaa est
indispensable pour ce type d’assurance, et pour les finances islamiques en général. Au
Maroc, le décret royal publié au Bulletin Officiel N°6333 le 25 Février 2015 a donné
naissance à Chariaa Board, cet organe sera chargé de porter un avis sur la conformité des
opérations financières des institutions islamiques aux préceptes de la Chariaa.

9
DAHBI Abdessamad, « L’assurance islamique takaful », mémoire pour l’obtention de licence en science
économique et gestion, 2016, P11
10
https://www.atlas-mag.net/, consulté le 28/02/2022

7
Le Maroc dispose par ailleurs de certaines spécificités qui devaient être prises en compte
dans la mise en place d’un cadre juridique pour Takaful, alors que dans d’autres pays, le
Chariaa Board est la seule entité qui a la compétence pour homologuer les produits de
Takaful ainsi que ceux issus de la banque islamique, le Maroc, quant à lui, a choisi de confier
cette mission au Conseil supérieur des Oulémas. C’est ce dernier qui statue aujourd’hui sur
la compatibilité des produits avec les préceptes de la Chariaa.
D’après l’article 10 bis-2 du chapitre 5 intitulé ‘ Le comité de la Chariaa pour la finance
participative ‘ le comité de Chariaa sera composé d’un coordinateur du comité, et de 9
savants de la Chariaa (Oulémas), reconnues pour leurs connaissances approfondies des
préceptes de la Chariaa Islamique. Aussi, le comité peut consulter au moins 5 experts
permanents choisis parmi les personnes physiques et morales reconnues pour leurs
compétences et expériences dans les domaines du droit, de la finance participative, des
transactions bancaires, du secteur d’assurance et du marché des capitaux. Concernant la
mission de cet organe, dans l’article 10 bis sont énumérées les missions suivantes :
1 - Le comité est chargé d’émettre un avis concernant la conformité des produits financiers
participatifs que propose les établissements de crédits et organismes assimilés à ses clients
et les modèles de contrat relatifs à ses produits, aux préceptes de la Chariaa Islamique.
2 - Le comité est chargé d’émettre un avis par rapport à la conformité du contenu des
publications émises par le Wali de Bank Al-Maghrib aux préceptes de la Chariaa Islamique,
relatif aux produits financiers participatifs, aux dépôts d’investissements, aux opérations
effectuées par la caisse de garantie des dépôts bancaires participatives.
3 - Le comité est chargé d’émettre un avis en particulier concernant la conformité des
opérations réalisées par les assurances islamiques dites Takaful, dans le cadre de la finance
participative, aux préceptes de la Chariaa Islamique.
4 -Le comité est chargé d’émettre un avis également pour ce qui est de la conformité des
Sukuks (certificat d’investissement islamique) à la législation en vigueur et aux préceptes de
la Chariaa Islamique, quel que soit l’émetteur11.

Les contrats d’assurance Takaful visent à fournir les mêmes couvertures fournies dans le
cadre des contrats d’assurance conventionnelle, dans la limite de ce qui est permis par la
sharia, et tout en s'abstenant de couvrir tout ce qu’y déroge.
Comme l’assurance classique, l’assurance Takaful comprend également deux branches
d’assurances : Takaful général et takaful familiale.
Le Takaful général : qui englobe l’assurance des biens et l’assurance des responsabilités, la
plupart des assurances offrent les produits suivants :

 Takaful automobile

11
DAHBI Abdessamad, « L’assurance islamique takaful », mémoire pour l’obtention de licence en science
économique et gestion, 2016, P13

8
 Takaful habitation
 Takaful incendie
 Takaful Multirisques professionnelle
 Takaful Equipement Technique
 Takaful santé
 Takaful assistance12
Le Takaful familial quant à lui implique une solidarité entre un groupe d'individus et leurs
familles visant à protéger les participants et les personnes à leurs charges contre un incident
imprévu, comme un accident ou une invalidité permanente.
Parmi les produits de Takaful familial, nous pouvons citer : Takaful Crédit, Takaful Epargne,
Takaful Prévoyance.
Takaful crédit
Le Takaful Crédit est un contrat mis à la disposition des personnes ayant contracté des prêts
auprès des organismes financiers.et leur garanti la prise en charge de leur dette en cas de
non-respect de leur engagement vis-à-vis des créanciers.
TAKAFUL Epargne
Le Takaful Epargne est un contrat qui offre aux participants et leur famille une protection en
cas d’aléas de la vie. Il leur permet de se constituer un Epargne à fin d'éviter une diminution
brusque de leur niveau de vie suite à leur départ à la retraite, comme il leur permet de
constituer une épargne pour la poursuite des études.
TAKAFUL Prévoyance
Le Takaful Prévoyance est un contrat qui offre aux participants et leur famille des garanties
en cas d’aléa de la vie. Il donne aux membres de la famille les moyens financiers pour éviter
une diminution brusque de leur niveau de vie suite à la disparition ou à l'atteinte d'une
maladie grave du chef de la famille.
Takaful Santé
Le Takaful santé est un contrat qui offre aux participants une couverture médicale en cas de
maladie13

12
Mohamed Oussama FAIZ, Yassine MADFOUNE, « Etude d’opportunité de création d’un opérateur
Takaful », mémoire soutenu pour l’obtention du diplôme d’ingénieur d’Etat, 2013, P30
13
DAHBI Abdessamad, « L’assurance islamique takaful », mémoire pour l’obtention de licence en science
économique et gestion, 2016, P15

9
Section 2 : L’assurance et réassurance Takaful à l’aune du code des assurances
marocain14

On ne cessera jamais de rappeler que la finance islamique s’impose de plus en plus dans le
paysage de l’industrie financière mondiale. Le Maroc, au même titre que d’autres pays
émergents, marque une volonté de s’inscrire dans le développement de cette industrie.
Ainsi, il importe d’insister sur la primordialité de l’assurance Takaful dans la sphère
financière islamique, et qui a connu un développement important dans plusieurs pays
musulmans et même dans des pays non musulmans, conscients du grand potentiel de ce
type d’assurance.
Aujourd’hui, des centaines de sociétés d’assurance pratiquent l’assurance Takaful et
ReTakaful dont de grandes sociétés reconnues dans le monde entier.
Au niveau du Maroc, le besoin à ce type d’assurance est de plus en plus ressenti par les
opérateurs dans le secteur des assurances. De ce fait, il a opté pour 2 textes phares,
modifiant et complétant la loi n° 17-99 portant code des assurances, envisageant de mettre
en place un cadre propice pour l’exercice de l’assurance Takaful.
De prime abord, suite à son adoption par le parlement, la loi n° 59.13 modifiant et
complétant la loi n° 17.99 portant Code des Assurances a été publiée au Bulletin Officiel N°
6501 du 19 septembre 2016 (17 Dhou Al Hijja 1437). Le texte avait été adopté par la
Chambre des représentants le 7 juin 2016 et par la Chambre des Conseillers le 2 août 2016.
Le texte établit notamment les dispositions réglementaires relatives à l’assurance Takaful,
assurance dont la conformité à la Charia est attestée par le Conseil Supérieur des Oulémas,
et dont les opérations sont notamment exemptes de tout versement ou perception
d’intérêts.
En effet, ce texte envisage de donner des définitions précises pour certains concepts de
l’assurance Takaful. Il s’agit des concepts « Assurance Takaful » et « Avance Takaful ». De
même, certaines définitions ont été complétées pour tenir compte de la particularité de
l’assurance Takaful telles que la prime d’assurance qui peut être appelée « participation »
dans ce type d’assurance, et le souscripteur ou contractant qui peut être « le participant »
dans l’assurance Takaful.
Par ailleurs, certains principes de base concernant ce type d’assurance ont été introduits. Il
s’agit du fonctionnement de l’opération d’assurance Takaful conformément aux préceptes
de la Charia, de la participation dans cette opération sur la base du don et sur l’entraide
entre les participants et de la couverture du risque par la collectivité des participants.
Aussi, le principe de la gestion de l’assurance Takaful par l’entreprise d’assurances et de
réassurance moyennant une rémunération a été introduit. Dans ce cadre, la loi oblige

14
Professeur Ahmed Mikou, « Assurance et Réassurance Takaful », droit des assurances, Faculté Hassan 2 des
sciences juridiques, économiques et sociales Casablanca, 2020/2021, P12

10
l’entreprise d’assurance gestionnaire de l’opération d’assurance Takaful de combler
d’éventuels déficits générés par cette opération par des avances sans intérêts. Ces avances
sont récupérables sur les excédents futurs. De même, les excédents techniques et financiers
réalisés dans le cadre de l’assurance Takaful sont répartis entièrement entre les participants
après déduction, le cas échéant, des avances Takaful. La répartition de ces excédents
techniques et financiers ne peut avoir lieu qu’après constitution des différentes provisions
et réserves15.

La loi dispose également que la conformité à la Charia des opérations d’assurance Takaful est
prononcée par le Comité Charia pour la finance, créé au sein du Conseil Supérieur des Ouléma.

Les autres dispositions portent sur l’amendement de certains articles du code des assurances afin de
tenir compte des spécificités de l’assurance Takaful. Il s’agit notamment de :

- L’obligation d’indiquer dans le contrat d’assurance Takaful les modes de rémunération de


l’entreprise d’assurances et de réassurance au titre de la gestion de l’assurance Takaful et le
montant de cette rémunération, les modalités de répartition des excédents entre les participants
ainsi que la politique de placement de l’entreprise d’assurances et de réassurance ;

- La spécialisation des entreprises d’assurances agréées pour pratiquer les opérations d’assurance
Takaful ;

- Le système de contrôle interne doit porter, également, sur le risque de non-conformité à la Charia.
A cet égard, la structure de contrôle interne doit établir un rapport spécifique sur la conformité aux
préceptes de la Charia ;

- La possibilité donnée à l’administration de fixer les modes de rémunération de l’entreprise


d’assurances et de réassurance au titre de la gestion de l’assurance Takaful, les critères de
détermination de cette rémunération ainsi que les modalités de répartition des excédents entre les
participants dans ces opérations16.

De second abord, il est à préciser que l’adoption le 09 juillet 2019 par la deuxième chambre des
conseillers du projet de loi Takaful 87-18 modifiant et complétant la loi N° 17.99 relative au code des
assurances et introduisant l’assurance Takaful, dont le dahir y afférent est publié au bulletin officiel
du 22 août 2019, constitue un pas de plus dans la construction de l’écosystème financier participatif
au Maroc.

Les grandes lignes de ce texte de loi portent en premier lieu sur la terminologie utilisée. Le texte
souhaite apporter des précisions pour des termes tels que « l’assurance Takaful » ou le « compte de
réassurance Takaful », mais aussi introduire les définitions du « contrat d’investissement Takaful »,
et « le fonds d’assurance Takaful » et le « fonds de réassurance Takaful ».

Les textes prévoient également la revue du système de couverture des risques stipulé dans le
contrat d’assurance Takaful. La nouvelle industrie devrait, par ailleurs, se conformer au principe de
rémunération Wakala en tant que base shariatique et juridique pour la gestion des opérations
d’assurance et de réassurance Takaful ainsi que pour la tenue des comptes des fonds Takaful.

15
Note de présentation du projet de loi n° 059-13 modifiant et complétant la loi n° 17-99 portant code des
assurances, p :3.
16
Ibid.

11
L’investissement dans les valeurs mobilières, devrait également être conforme à la sharia. D’autres
dispositions du Code des assurances ont connu quelques changements.

Notamment, en ce qui concerne la répartition des excédents techniques et financiers réalisés dans
l’assurance Takaful entre les participants selon le système de gestion du fonds Takaful.

Pour expliquer davantage, il est question également d’octroyer les principaux pouvoirs et missions à
l’assureur Takaful, en tant que mandataire rémunéré (Wakil Bi Ajr).). Le texte précise à cet égard que
la compagnie d’assurance Takaful est un gestionnaire mandaté par le Fonds Takaful et qu’elle n’a
pas le droit d’inscrire les actifs en son nom et perçoit en contrepartie des frais de gestion17.

Celui-ci devrait ainsi se tenir à certaines exigences dont l’obligation d’établir un règlement de gestion
relatif au fonds qu’il gère, avec la signature du règlement de gestion du fonds d’assurance Takaful
par le participant qui compte adhérer au système Takaful, signalant à cet effet qu’un nouveau titre a
été introduit dans ce sens : « TITRE II bis : LA GESTION DES FONDS D’ASSURANCE TAKAFUL ET DE
REASSURANCE TAKAFUL ».

De ce fait, il faut préciser qu’avant, le texte prévoyait que l’organisation des compagnies d’assurance
Takaful soit similaire aux compagnies d’assurance conventionnelles. Mais maintenant cela ne sera
plus le cas, puisque le Conseil Supérieur des Oulémas (CSO) a opté pour la création d’une structure
dotée d’une personnalité morale appelée le fonds Takaful, et ce fonds abritera toutes les primes qui
sont versées par les participants. Et à aucun moment, la compagnie Takaful n’a la propriété sur les
primes versées.

Il faut préciser aussi que la structure Takaful sera une société anonyme, avec un capital initial de 50
millions de DH déclaré, et le fonds Takaful qui n’a pas de capital, ni de directeur général ni de conseil
d’administration, mais doté également d’une personnalité morale. Ce fonds doit protéger les actifs
et le cash de la clientèle18.

À cela s’ajoute, la prise en compte des dispositions légales en matière d’héritage et de charité et de
la volonté de désigner des bénéficiaires dans les contrats d’assurance Takaful.

De leur côté, les courtiers d’assurances ont la possibilité de présenter les produits d’assurance et de
réassurance Takaful, à condition qu’ils aient les connaissances nécessaires dans le domaine.

Les banques participatives auraient, à leur tour, l’exclusivité pour la présentation des opérations
d’assurance Takaful familiales dédiées aux aides et aux prêts. Aussi, seules les associations de micro-
crédit agréées peuvent s’engager pour exercer des opérations de financement participatif et
présenter les opérations d’assurance Takaful « incendie & vol » au profit de leurs clients.

Concernant l’agrément et les conditions d’exercice, la loi sur le Takaful, a supprimé le principe de
spécialisation, les EART peuvent être agréées pour pratiquer toutes les opérations d’assurance et de
réassurance Takaful (vie, crédit, assistance autres opérations non-vie…), les compagnies
conventionnelles n’étant pas habilitées à opérer à travers des fenêtres. Les réassureurs exerçant à
titre exclusif la réassurance peuvent par contre être agréés pour pratiquer les opérations de
réassurance Takaful à travers des fenêtres19.

17
Professeur Ahmed Mikou, « Assurance et Réassurance Takaful », droit des assurances, Faculté Hassan 2 des
sciences juridiques, économiques et sociales Casablanca, 2020/2021, P13
18
https://www.challenge.ma/, consulté le 28/02/2022
19
https://www.ecoactu.ma/, consulté le 03/03/2022

12
Il y a aussi un plus qui a été ajouté. Il s’agit de la réassurance Takaful (ReTakaful). La loi prévoit la
mise en place d’un fonds ReTakaful. Ainsi, les compagnies d’assurance qui souhaitent s’aligner sur ce
créneau, vont le créer et celles qui ne souhaitent pas créer de fonds ReTakaful, pourront externaliser
cette activité en faisant appel à des réassureurs extérieurs20.

Aussi, l’article 165 du Code des assurances a été revu. Cet article prévoyait, avant, que les
compagnies Takaful ne pouvaient opérer que dans la branche Vie. Aujourd’hui, le code autorise ces
compagnies à opérer à la fois dans les branches Vie et Non Vie. Ce qui fait que la compagnie
d’assurance Takaful aura désormais la même force de frappe qu’une compagnie d’assurance
conventionnelle.

Enfin, l’ACAPS s’est investi pour préparer tous les textes d’application afférents à cette nouvelle
activité. Le conseil de gouvernement, réuni le 30 avril 2020, a examiné et adopté un projet de décret
portant application des dispositions des articles 10-5, 36-1, 248 et 248-1 de la loi relative à Takaful21

Ces décrets fixent les modalités de fixation des frais de gestion des compagnies Takaful, les clés de
répartition des excédents techniques et financiers entre les assurés des compagnies Takaful ou
encore les conditions générales et particulières des contrats-type Takaful.

20
https://www.challenge.ma/, consulté le 03/03/2022
21
https://www.boursenews.ma/, consulté le 03/03/2022

13
Deuxième chapitre : l’assurance Takaful, un secteur aussi performant
qu’inachevé.
Pour pouvoir entamer, la question de la performance de l’assurance et la réassurance
Takaful, il importe de mener une étude comparative entre cette dernière et l’assurance
conventionnelle (Section 1), pour procéder par la suite à l’analyse des divers défis et des
contraintes que peut rencontrer la mise en place de l’assurance Takaful (Section 2) en
donnant certains modèles de fonctionnement de l’opérateur Takaful (Section 3).

Section 1 : Distinction entre assurance takaful et assurance traditionnelle.

L’assurance commerciale classique diffère de l’assurance solidaire islamique dite Takaful :


l’idée même de l’assurance solidaire islamique est basée sur le verset coranique : « Aidez-
vous les uns les autres à l’accomplissement du bien et de la piété et ne vous entraidez pas à
commettre le péché et l’agression » Coran : sourate 5, Verset 2.
Personne ne peut nier que l’assurance Takaful et l’assurance conventionnelle présentent
des points de convergences et d’autres points de divergences, que nous allons étayer au fur
et à mesure.
De ce qu’il s’agit des points de convergence, le premier point est l’aspect « solidarité ». Dans
les deux formes d’assurance, l’assureur assiste l’assuré qui ne peut pas faire face aux risques
tout seul et durant des moments particuliers. Les sociétaires se solidarisent entre eux, il y a
une assistance mutuelle.
Le deuxième point se résume à l’amélioration du bien-être économique des assurés par le
biais de l’assurance. En effet, cela permet une meilleure allocation des risques et une bonne
répartition des budgets des assurés ou sociétaires au fil du temps. L’apport des deux formes
d’assurance est important que ce soit sur le plan individuel ou sur le plan sociétal22.
Elles facilitent la gestion et le transfert des risques, elles encouragent l’épargne, et elles
libèrent l’énergie entrepreneuriale des investisseurs assurés et rassurés.
Le troisième point est la participation au financement de l’économie : Etant donné que le
cycle de production est inversé, c'est-à-dire, les primes sont encaissées avant la prestation
de services, les compagnies d’assurance et TAKAFUL disposent des fonds importants23.
De nombreux chercheurs économistes sont arrivés à mettre en évidence l’apport du secteur
des assurances à l’économie et à la finance.
De ce qu’il s’agit des points de divergence, il est nécessaire de mettre l’accent sur
l’incertitude ou l’ambigüité (GHARAR).

22
AMIROU Rabah, « Essaie d’analyse de l’assurance mutuelle takaful », étude comparative entre le marché
takaful malaisien et le marché takaful de la coopération des Etats du Golf, 2018, P30
23
Mohamed Oussama FAIZ, Yassine MADFOUNE, « Etude d’opportunité de création d’un opérateur
Takaful », mémoire soutenu pour l’obtention du diplôme d’ingénieur d’Etat, 2013, P25/26

14
D’après Mohamed LEZOUL, enseignant à l’université d’Oran, l’incertitude peut s’entendre
par le manque de clarté dans l’objet ou la forme d’un contrat. C’est à dire une asymétrie
Informationnelle dans le contrat. L’économiste Joseph STIEGLITZ a soulevé le problème de
l’asymétrie informationnelle dans le secteur de l’assurance. La sélection adverse et l’aléa
moral sont les deux formes les plus mentionnées dans ses travaux de recherche.
L’avènement du sinistre est soumis à une probabilité de réalisation. Il y a incertitude sur la
date de réalisation du sinistre. L’objet du contrat est incertain. Le droit musulman n’accepte
pas un contrat dont l’objet est incertain.
Deuxième point important est le Pari (ALMAYSSIR). Le Pari est un jeu de hasard. Dans le jeu
il y a des gagnants et des perdants, le jeu opère un partage inégal de la richesse sans tenir
compte de la valeur de l’effort et du travail. Il crée des tensions entre les gagnants et les
perdants. La richesse est mal repartie, l’effort du travail n’est pas rémunéré à sa juste
valeur24.
Les penseurs et économistes musulmans condamnent le pari, et encouragent le travail,
l’entreprenariat, et le partage équitable des risques et des profits. L’assurance
conventionnelle s’assimile ainsi à un pari, avec une part aléatoire excessive dans le contrat
sous-jacent (jahala).
Toute activité d’assurance comportant un pari est considérée illicite vis-à-vis de l’éthique
musulmane. Sans oublier un dernier point ne caractérisant point le Takaful, qui l’intérêt
usurier (RIBA). Il s’agit alors d’une panoplie de dissemblances d’ordre conceptuel de ces
deux formes d’assurance. L’assurance « commerciale » conventionnelle comporte ainsi
plusieurs interdits et n'obéit pas aux recommandations de la Charia islamique. Il s’agit du «
Gharar », du « Riba » et du « Maysir ». Trois principes négatifs interdits par la Charia.

 Interdiction de RIBA :
Ar-Ribà : étymologiquement veut dire surplus, usufruit. Il est traduit au sens de la loi
islamique par usure, intérêt : il est Haram (illicite) en islam selon le Coran et la Sunna : en
Islam l’investisseur se comporte comme un entrepreneur et partage les risques et les
rendements.
Parmi les grandes implications « pratiques » de cette interdiction : l’absence de pénalités de
retard de remboursement, ceci en plus de l’impossibilité de facturer un crédit.
Ainsi, l’argent ne produit pas l’argent mais il est un moteur de l’économie qui doit circuler et
contribuer à notre bonheur et notre confort commun.
L’islam encourage le commerce et demande un prêt d’honneur (Qard hasan) au lieu d’un
prêt usuraire et Allah s’engage Lui-même à multiplier les mérites de celui qui aide quelqu’un
en lui octroyant un prêt (sans intérêt).
Allah (Gloire à lui) dit dans le Coran à ce propos :

24
BUDD Edward, « Les particularités du takaful, assurance selon l’Islam », mémoire, 2016, P30

15
« Ceux qui pratiquent (mangent) l’intérêt ne se lèvent qu’à la manière de celui qui, frappé
de folie, est rossé à tort et à travers par le Diable. Et ce parce qu’ils ont dit que le commerce
n’était rien d’autre qu’une forme d’intérêt. Or Dieu a permis le commerce et a interdit
l’intérêt. O vous qui avez cru ! Craignez Dieu et abandonnez le restant de l’intérêt si vous
êtes croyants. Si vous ne le faites pas, acceptez alors une guerre de la part de Dieu et de Son
Messager. Si vous revenez au droit chemin, vous avez droit à vos capitaux. Vous ne
commettez pas d’injustice et vous n’en subissez point. » Sourate 2, verset 275,278et279.
Si votre débiteur est dans la gêne, accordez-lui un délai jusqu’à ce qu’il soit en mesure de se
libérer de sa dette. Si vous pouviez savoir pourtant quel mérite vous auriez en lui consentant
une remise gracieuse, totale ou partielle.
Dieu réduira à néant le profit usuraire et fera fructifier le mérite des aumônes. Dieu n’aime
pas tout impie endurci et tout pécheur.

 L’interdiction de Maysir (Qimâr) :


Etymologiquement, le Maysir (jeux de hasard) (cité dans la sourate 2 verset 219 et la
sourate 5 versets 90 et 91), découle de l’adjectif arabe yasîr : qui veut dire facile : avant
l’avènement de l’Islam, les arabes considéraient ces jeux comme moyen facile de gagner
l’argent. Le Maysir est une cause des troubles dans la société. Spéculer, parier sont des
synonymes de Maysir.
Le Qimar et le Maysir se définissent ainsi comme toute forme de contrat dans lequel le droit
des parties contractantes dépend d’un événement aléatoire. C’est notamment ce principe
que l’on trouve dans les jeux de hasard et les pariages avec mise (Loto).
L’interdiction du Maysir et du Qimar est explicitement citée dans le Coran.

 L’interdiction du ‘Gharar’ :
Le Gharar se définit comme toute transaction dans laquelle il y a tromperie ou ignorance
(jahâla) sur l’objet du contrat ou ses éléments (caractéristiques, quantité…). La vente
‘Gharar’ est celle dont on ne sait pas si l’objet existe ou non, dont ne connaît pas la quantité
ou même s’il sera possible de la livrer ou non. Tout comme l’usure, l’Islam condamne toute
spéculation, pari sur l’avenir, et interdit les transactions faisant intervenir les jeux de hasard
et les incertitudes extrêmes… al-Gharar veut dire aussi toute transaction comportant un flou
ou un aléa…25
Selon certains savants : al-Gharar reprend les activités qui ont un élément d’incertitude,
d’ambigüité ou de déception. Dans un échange commercial, il se réfère à une tromperie ou
à une ignorance sur l’objet du contrat.
Grosso modo, Les assurances solidaires islamiques (Takaful) ne sont pas basées sur le
bénéfice (ce n’est pas leur but), elles ne font ainsi aucune spéculation sur l’aléatoire mais les
sommes collectées des participants (assurés) peuvent être placées (investies) selon un
contrat Mudarabah (par exemple) (avec leur accord) et des pourcentages convenus de

25
EL HABBOULI Hicham, « L’assurance takaful en France et au Maroc », 2017, page 115

16
profits sont versés aux participants (assurés) (partage des risques et profits). Les assurances
solidaires islamiques investissent ainsi selon des contrats ‘islamiquement ’ valides et dans
des secteurs licites.
D’un point de vue technique, les produits proposés par ces deux catégories d’assurance, on
peut estimer que généralement, les assurances Takaful proposent presque des produits
semblables à ceux de l'assurance classique, en plus d’autres avantages, du côté religieux,
grâce à l’absence des éléments illicites et aussi du côté économique, vue le cout réel
d’assurance (prime moins la part de l’excédent)26.
De ce qu’il s’agit de la Retakaful, ou la réassurance Takaful, elle considérée comme
l’alternative islamique à la réassurance conventionnelle.
On retrouve toutefois la même définition quant au mécanisme de réassurance : une société
d’assurance directe dite cédante, se fait promettre par un réassureur dit cessionnaire de la
prise en charge de tout ou partie du risque moyennant rémunération.
La réassurance Takaful peut être définit comme étant « un accord conclu entre les
compagnies d’assurance, au nom des fonds Takaful qu’elles gèrent et qui peuvent subir des
risques, d’éviter une partie de ces risques en versant en donation une partie des
participations payées par les assurés-participants pour former une caisse de réassurance
possédant une personnalité morale et un patrimoine distinct (caisse), afin de couvrir par les
fonds de cette caisse la partie assurée des dommages qu’elles subissent du fait de la
réalisation du risque assuré »27.
La réassurance islamique a été mise en place assez tardivement, vers le milieu des années
1980 et répond aux besoins d’éviter toute les incompatibilités déjà décriées pour
l’assurance conventionnelle qui existent aussi dans la réassurance conventionnelle.
En effet, les interdictions déjà évoquées comme l’interdiction de l’usure, de la spéculation,
et de l’aléa ainsi que des investissements Halal s’appliquent.
A la différence de la réassurance conventionnelle où il y a un transfert du risque contre
rémunération, il y a en réassurance islamique, un système basé sur un certain partage des
risques.
Enfin, le Retakaful peut exister dans deux types de compagnies, soit dans une entreprise de
réassurance conventionnelle par l’intermédiaire d’un guichet islamique soit par une
compagnie de réassurance pleinement Retakaful.
Sans prendre en considération le côté religieux, et parlant juste économiquement,
l’assurance chez un opérateur Takaful coute moins chers qu’en en assurance classique, vue
que à la fin de l’exercice, on reçoit une part d’excédent pouvant minimiser le cout réel de

26
https://www.boursenews.ma/, consulté le 15/03/2022
27
Idem.

17
l’assurance, du point de vue social, le Takaful reflète une bonne entraide et synergie entre
les participants28.
En gros, il s’agit d’un marché prometteur. Mais, peut-on considérer ces spécificités comme
suffisantes pour alterner l’assurance conventionnelle ?
Il paraît judicieux de cerner également les contraintes que rencontre ce secteur.

Section 2 : Assurance et réassurance takaful : Défis et contraintes à contourner.

Face à un lobbying des plus agressifs de la part des assureurs conventionnels redoutant la
concurrence des produits Takaful, le législateur a dû entamer cette activité en fournissant
toutes les garanties nécessaires aux compagnies d’assurances commerciales. À la tête
desquelles, la limitation de l’offre Takaful aux assurances de personnes (vie et accidents
corporels) qui ne représentent que 16,1% des profits du secteur en 2014, excluant de jure le
segment très profitable des assurances dommages qui accapare 83,9% des profits.
De l’autre côté, il a imposé, pour l’exercice du Takaful, la création d’une compagnie ad hoc
dotée d’un capital minimum de 50 millions de dirhams. De quoi dissuader plus d’un assureur
de se lancer dans cette activité. Obliger les acteurs à mobiliser autant de fonds pour si peu
de profit et à démultiplier les structures de gestion et les réseaux de distribution au lieu de
les mutualiser est un frein légal au développement de l’assurance islamique Au Maroc.
Cette configuration est d’autant plus incompréhensible que dans d’autres expériences, le
législateur a toléré l’exercice du Takaful dans le cadre des compagnies d’assurances
commerciales déjà existantes, réduisant ainsi considérablement le risque de lancement pour
elles29.
Ainsi, dans sa mouture initiale, les textes modifiant et complétant la loi 17-99 portant Code
des assurances et introduisant le Takaful, n’a malheureusement pas tenu compte du
caractère spécifique du Takaful et n’a pas jugé opportun de le doter d’un code à part
entière.
Le législateur s’est borné à apporter quelques amendements au Code des assurances, en y
intégrant des articles traitant du Takaful. Or une version personnalisée aurait permis de
cerner l’assurance islamique Takaful, de faciliter sa discussion à une large échelle.
Et pour cause, tant au niveau de la philosophie de droit (charia versus droit positif
continental) que de l’essence du contrat d’assurance (entraide versus aléa) ou du
fonctionnement de la compagnie d’assurance (opérateur et contributeurs versus
actionnaire) ou encore des modes de rémunération (frais de gestion versus dividendes), le
Takaful présente bien des particularités par rapport à l’assurance conventionnelle justifiant
un cadre légal ad hoc.

28
https://www.lavieeco.com/, consulté le 17/03/2022
29
https://lematin.ma/, consulté le 17/03/2022

18
Ceci pose la question de la préparation du législateur marocain à faire cohabiter deux
référentiels juridiques aux soubassements philosophiques diamétralement opposés. L’un se
fondant sur la charia et l’autre sur le Code civil napoléonien. Son hésitation dans le
lancement et sa prudence dans la mise en œuvre donnent un début de réponse30.

SECTION 3 : Les modèles de fonctionnement de l’opérateur Takaful.

De ce qu’il s’agit de la distribution et la répartition des bénéfices entre la société et l’assuré,


elle se fait en fonction du modèle d’exploitation choisie. : La plupart des sociétés
d'assurance Takaful s'organisent selon quatre modèles : Wakala et Moudharaba, le contrat
combinant entre les deux et le Waqf :

➢ Le Modèle Wakala : Le modèle Wakala pure est pratiqué en Indonésie et Soudan17. Sous
le modèle Wakala (Agence), la relation entre l'opérateur Takaful et participants est celle
d’un agent et prestataire du capital. L’opérateur Takaful agit autant que « Wakil » (Agent) au
compte des participants et sera payé des frais Wakala pour les services fournis (frais
d’administration et de gestion, conception des produits, salaires, publicité...).
En ce qui concerne les activités de souscription, l'opérateur reçoit des contributions, paye
les réclamations, organise le Retakaful, et gère l’ensemble des investissements du fonds
ainsi que toute autre mesure nécessaire liée à l'activité Takaful. En échange de ces tâches, la
société facture à chaque participant des frais prédéfinis connus sous le nom « frais Wakala »
, l’opérateur perçoit des frais pour la gestion du volet souscription de ses activités. Tous les
bénéfices ou pertes techniques sont imputés aux assurés.
. L’opérateur ne reçoit aucun bénéfice technique ou de placement. Il n'encoure aucune
perte technique, ou de placement. L’idée de base est que l’adhérent à un système de
solidarité, verse par tranches une somme donnée entre 20 et 60 ans. S’il décède avant l’âge
de la retraite, les héritiers légitimes reçoivent le montant du principal versé jusqu’à la date
du décès, les bénéfices accumulés à cette date et la somme que le décédé aurait payé s’il
avait vécu jusqu’à l’âge de 60 ans.

➢ Le Modèle Moudharaba : (participation aux bénéfices) : cette technique prône le partage


équitable des risques et des bénéfices, en associant le prêteur et l’emprunteur. L’opérateur
reçoit une part prédéfinie des excédents générés par le fonds et des bénéfices réalisés au
moyen des activités de placement, ce qui l’incite à se montrer efficace en termes de
souscription et de placement. C’est une technique utilisée également dans le domaine
bancaire31.

30
Professeur Ahmed Mikou, « Assurance et Réassurance Takaful », droit des assurances, Faculté Hassan 2 des
sciences juridiques, économiques et sociales Casablanca, 2020/2021, P24
31
Mohamed Oussama FAIZ, Yassine MADFOUNE, « Etude d’opportunité de création d’un opérateur
Takaful », mémoire soutenu pour l’obtention du diplôme d’ingénieur d’Etat, 2013, P33

19
➢ Modèle Hybride (Wakala/Moudharaba) : la pratique la plus courante au Moyen orient est
une combinaison des deux premiers contrats, Wakala pour la gestion technique et
Moudharaba pour l’investissement. L’opérateur reçoit une part proportionnelle fixée à
l’avance des contributions versées par les assurés, puis une part des plus-values générées
par les activités de placement. Certaines autorités de réglementation financière et des
organisations internationales recommandent le modèle hybride, car il permet de tirer parti
des points forts des deux modèles.

➢ Modèle Wakf : Présent au Pakistan, ce modèle prévoit le versement d’une contribution


initiale par l’opérateur au fonds Takaful. Les assurés y versent des contributions
supplémentaires, qui sont ensuite utilisées pour régler les sinistres. L’opérateur reçoit une
commission de souscription fixe. Quant aux assurés, ils reçoivent les fonds restants dans le
pool lorsque tous les sinistres ont été réglés. En d’autres termes Le modèle Wakf, c’est un
cas particulier du modèle mixte. Il impose la création d’une entité juridique par le biais d’un
don initial des actionnaires à un fonds appelé Fond Wakf au profit des participants à ce
fonds. Le Fonds Wakf est une entité conforme à la Chariaa, et beaucoup de chercheurs
trouvent que c’est le modèle qui affirme le plus la notion du Tabarru qui caractérise
l’assurance Takaful.
Les actionnaires font des dons initiaux de création du fonds Wakf, le montant de ces dons
est déduit des fonds propres de l’opérateur. Les cotisations versées par les participants sont
créditées au fonds Wakf et deviennent comme une propriété de ce fonds. Il convient de
noter que seul l’investissement et le rendement de ce fonds, (et non le montant Wakf lui-
même) peuvent être utilisés pour payer les sinistres et il faut ajouter aussi que l’opérateur
n’a pas droit au capital, les actifs ou les bénéfices du fonds Wakf, mais plutôt son travail est
l’administration et la gestion du fonds32.

32
Marie-Hélène DOUCERET– MBA Enass, « Le Takaful en France demain : fiction ou réalité ? » Thèse
professionnelle 2010, P22

20
CONCLUSION

En guise de conclusion, à travers cette étude de l’assurance Takaful, on peut admettre qu’il
s’agit d’un nouveau genre, mêlant des principes de l’assurance conventionnelle, islam et
valeurs éthiques.
Elle constitue ainsi une alternative séduisante à l’assurance conventionnelle. En effet,
l’assurance Takaful évite les principaux torts de l’assurance conventionnelle interdits par le
droit musulman comme l’aléa, la spéculation, l’intérêt, et les investissements dans les
secteurs interdits. L’assurance Takaful a de ce fait réussi à combiner un produit moderne,
compatible avec la religion.
En dépit de ce constat, personne ne peut nier que l’assurance Takaful détient un grand
potentiel, et qui doit être considérée comme un secteur stratégique jouant un rôle dans
l’actualisation de l’architecture du domaine des assurances au Maroc, et un facteur
d’attractivité du secteur financier, ce qui nécessite une réglementation encore plus
pertinente et pourquoi pas indépendantes de celle de l’assurance conventionnelle, pour
justement garantir la mise en place de la performance de ses produits.

21
BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages :
 Professeur GHOMRI MOUNIR Mounia, « Droit des assurances », 2019
 Professeur HATIMY Farid, « Droit des assurances », 2017
 Professeur Ahmed Mikou, « Assurance et Réassurance Takaful », 2020/2021

Mémoires et thèses :
 DAHBI Abdessamad, « L’assurance islamique takaful », mémoire pour l’obtention de
licence en science économique et gestion, 2016
 Mohamed Oussama FAIZ, Yassine MADFOUNE, « Etude d’opportunité de création
d’un opérateur Takaful », mémoire soutenu pour l’obtention du diplôme d’ingénieur
d’Etat, 2013
 BUDD Edward, « Les particularités du takaful, assurance selon l’Islam », mémoire,
2016
 Marie-Hélène DOUCERET– MBA Enass, « Le Takaful en France demain : fiction ou
réalité ? » Thèse professionnelle, 2010

Article :
 EL HABBOULI Hicham, « L’assurance takaful en France et au Maroc »,
Actuassurance : revue numérique en droit des assurances, n°37, 2014

Webographie :
 https://www.boursenews.ma/ , consulté le 28/02/2022
 https://www.leboursier.ma/ , consulté le 23/03/2022
 https://fnh.ma/ , consulté le 28/02/2022
 https://www.atlas-mag.net/ , consulté le 28/02/2022
 https://www.ecoactu.ma/ , consulté le 03/03/2022
 https://www.challenge.ma/ , consulté le 03/03/2022
 https://www.lavieeco.com/ , consulté le 17/03/2022
 https://lematin.ma/ , consulté le 17/03/2022

22

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