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Recherches et Applications en Finance Islamique

‫بحوث و تطبيقات في المالية االسالمية‬


Researches and Applications in Islamic Finance
ISSN : 9052-0224
Vol 6, No 1, 2022

L’assurance participative au Maroc

Yassine MOUHSSINE Abdellatif MABROUK


Laboratoire d’Analyse et Modélisation des Laboratoire d’Analyse et Modélisation des
Systèmes et Aide à la Décision, Systèmes et Aide à la Décision,
Université Hassan I Université Hassan I
Settat, Maroc. Settat, Maroc.
ymouhssine@gmail.com mabroukabdellatif@yahoo.fr

Résumé: Le développement d'un système financier solide est un objectif important pour un
pays comme le Maroc, qui a pour ambition de devenir une force redoutable sur le continent
africain. En utilisant la méthodologie de recherche qualitative et normative, cet article donne
un aperçu sur l’industrie assurantielle islamique au Maroc. Le document explore les défis qui
entravent le décollage de Takaful au Maroc. Nous avons trouvé que, malgré les efforts des
autorités publiques et l'énorme potentiel d'un service aussi unique, le développement de
l’assurance Takaful est encore embryonnaire. Au Maroc, le Takaful aurait dû enregistrer un
grand succès compte tenu de plusieurs facteurs positifs. Malheureusement, la réalité est loin
d’être le cas. Par conséquent, des recommandations ont été formulées pour inverser cette
tendance laide ; Le besoin urgent d'un cadre réglementaire complet, explorer les incitations
attrayantes du pays, la sensibilisation de la demande et la création de produits d'investissement
conformes de bout-en-bout à la Charia.
Mots clés : Finance islamique, Assurance islamique, Takaful, Retakaful, Maroc.

Abstract: The development of a strong financial system is an important objective, especially


for a country like Morocco, which aims to become a formidable force in the African continent.
Using qualitative and normative research methodology, this article provides an overview of
the Islamic insurance industry in Morocco. The paper explores the challenges that hinder the
take-off of Takaful in Morocco. We found that despite the efforts of public authorities and the
enormous potential of such a unique service, the development of Takaful insurance is still in
its infancy. In Morocco, Takaful should have been a great success given several positive
factors. Unfortunately, the reality is far from being the case. Therefore, recommendations have
been made to bring out change. There is an urgent need for a comprehensive regulatory
framework exploration of the country’s attractive incentives, and an awareness and creation
of end-to-end compliant investment products.
Keywords: Islamic Finance, Islamic Insurance, Takaful, Retakaful, Morocco.

Reçu le : 18 novembre 2021, Accepté le : 19 janvier 2022

Citation : Mouhssine Y. et A. Mabrouk (2022), L’assurance participative au Maroc, Recherches et Applications


en Finance Islamique, Vol 6, No 1, pages : 84-96.

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Introduction

Au Maroc, l’assurance Takaful est un produit financier dont on parle beaucoup en ce


moment. Sa caractéristique principale est sa conformité aux exigences morales telles que régies
par la loi religieuse, la Charia. Son existence est directement liée au développement récent des
institutions financières islamiques, dont la naissance remonte aux années soixante dix.
L'assurance Takaful se distingue fondamentalement de l'assurance conventionnelle du fait que
les primes sont considérées comme des contributions à un fond commun établi dans le but de
répartir le risque de survenance d’un événement défavorable touchant un ou plusieurs membres
du groupe.

Des travaux de recherche existants sur le même sujet, (Bensghir et Addou 2021, Ait
Malhou et Maimoun 2020, Attak 2020, 2018). Les travaux de Bensed et Fasli (2020) relatifs à
l’état des lieux au Maroc de l’assurance Islamique “TAKAFUL”, ainsi qu’un un travail mené
par Sahli (2018), relatif aux facteurs influençant le choix d’une assurance islamique en Tunisie.

Le terme Takaful est une terminologie Arabe dérivé de la racine 𝐾𝑎𝑓𝑎𝑙𝑎 qui signifie
entre autres Garantie et Responsabilité Partagée. Selon AAOIFI (norme N. 26), « Takaful est
un accord entre un groupe de personnes contre des risques spécifiques et imprévisibles qu’ils
peuvent confronter. Cet accord porte sur le versement des contributions à titre de donations et
conduit à la création d’un fonds d’assurance qui jouit du statut d’une entité juridique et à la
responsabilité financière indépendante. Les ressources de ce fonds sont utilisées pour
indemniser tout souscripteur contre un risque prescrit dans le contrat, conformément aux règles
et procédures de la police d’assurance. De son côté, l’IFSB (IFSB, 2015) définit Takaful comme
étant « l’alternative islamique à l’assurance conventionnelle et existe dans ses formes vie pour
la couverture de personnes ‘’familly Takaful’’ et générale pour la couverture des biens
‘’General Takaful’’. Il est basé sur les concepts de solidarité mutuelle... ». De même, l’Autorité
de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) du Maroc définit Takaful
comme « opération d’assurance réalisée en conformité avec les avis conformes du Conseil
Supérieur des Oulémas, ayant pour objet la couverture des risques prévues au contrat
d'assurance… »

Le lancement des banques participatives au Maroc sans pour autant décider de


l’assurance « Takaful » laisse le système incomplet. Ceci dit, l’objectif principal de cet article
est d’éclaircir la problématique suivante : Quelles sont les opportunités, les enjeux et
recommandations pour le développement de Takaful au Maroc ?

L’objectif de cet article est de définir l’importance de l’assurance « Takaful » dans la


finance islamique. Cette assurance apparaît aussi importante au Maroc avec le lancement des
contrats de financement islamiques qui restent incomplet par l’absence de celle-ci.

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Pour obtenir une vue d'ensemble et comprendre la réalité du sujet, nous avons utilisé,
dans un premier temps, l’analyse descriptive, qui est basée sur la collecte de références et
données sur le sujet de l’assurance participative Takaful au Maroc. Puis, l’analyse normative
consistante à déduire et préparer des conclusions, à l’aide les paramètres et chiffres statistiques.
Et enfin, l’analyse comparative sur l'importance et la réalité du Takaful au Maroc par rapport à
ces voisins.

Dans cet article, dans un premier lieu, nous allons voir des généralités. Ensuite l’aspect
théorique de l’assurance islamique (les opportunités pour le Maroc). Puis, le développement
Takaful au Maroc : Enjeux et recommandations. Enfin des problèmes qui entravent le décollage
rapide de Takaful au Maroc.

1. Généralités sur le Maroc

Le Maroc a de nombreux avantages qui le prédisposent à mettre en œuvre avec succès


l’assurance islamique, en tant que nouveau segment majeur de la FI.

 Population musulmane

Le Maroc est un pays presque totalement musulman (CNDA, 2020). L’islam est la religion
officielle de l’État. La population marocaine est constituée majoritairement de personnes qui
ont un profond intérêt pour les services financiers islamiques.

 Stabilité politique

À l’opposé des tensions politiques et sécuritaire qui règnent au Moyen-Orient, et aux


conséquences du printemps arabe ayant secoué ses voisins, le Maroc a réussi de garder intacte
sa stabilité politique. L’élément le plus recherché par les investisseurs dans leur quête de
nouveaux marchés. Grace à cette stabilité, le Maroc continue à renforcer son positionnement
parmi les meilleures destinations pour les investissements en Afrique. Il a pu drainer plus 113
projets d’investissement étrangers en 20191. L’industrie financière islamique a été brouillée en
Égypte après la chute du gouvernement de Morsi en 2013, tandis que la Libye s'est désintégrée
politiquement après la destitution de Mouammar Kadhafi. Même en Tunisie, qui a directement
désigné son président en décembre 2014, débute la vente de Sukuk a été reportée au plusieurs
fois. La stabilité politique du Maroc par rapport à la Tunisie, l'Egypte et la Libye s'est avérée
attrayante pour les opérateurs Takaful.

 Emplacement géographique

Grace à sa position géographique, le Maroc constitue un marché financier islamique favorable.


Il s’agit d’une principale passerelle entre l'Europe et l'Afrique. En raison de cette position, il
jouissait d’un dynamisme économique qui jusqu'à présent n'a été que faiblement affecté par les

1
https://www.huffpostmaghreb.com

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crises financières (Abdelilah, 2015). Elle lui a également permit le développement d’un réseau
bancaire et assuranciel à l'étranger, principalement en Afrique. Le système bancaire marocain
a 10 branches, plus de 59 bureaux de représentation, principalement en Europe, et plus de 25
filiales, avec plus de 1200 agences principalement en Afrique. Localement, pour l’année 2019,
le nombre des intermédiaires d’assurances agréés s’est élevé à 2977. Le réseau de distribution
est constitué de 1993 agents et courtiers d’assurances, 498 bureaux directs, 11 banques agréées
pour la présentation des opérations d’assurances à travers plus de 6000 agences et captives.
Situation donnant aux futures opérateurs Takaful des opportunités considérables d’envahir
rapidement des marchés, distribuer leurs produits et de collecter de l'épargne.

En outre, les chiffres suivants montrent aussi que l’industrie financière participative au Maroc
est performante, et aussi porteuse. ces statistiques renforcent les propos du rapport de Thomson
Reuters sur le développement de la finance islamique en 2018 et qui a noté que le Maroc dispose
d’un fort potentiel de croissance particulièrement en Afrique, et que la propagation de la finance
participative en Afrique suivra le succès de cette industrie financière au Maroc en 2017 et en
20182. En effet, les banques participatives ont augmenté à un rythme prometteur. Selon le
rapport publié par Bank Al-Maghrib sur les indicateurs des banques participatives, les derniers
chiffres de septembre 2019 montrent qu’il existe 128 agences relevant des différentes banques
participatives contre 100 agences en décembre 2018. Le même rythme de croissance a été
enregistré pour les comptes à vue qui sont chiffrés à 78 497 contre 56 918 sur la même période.
Concernant les dépôts à vue des banques et fenêtres participatives, 2,188 MMDH ont été
enregistrée en septembre 2019 contre 1,546 MMDH à fin 2018 et les dépôts d’investissement
ont atteint 163,3 MDH. Finalement dans la même période, les encours de financement
Mourabaha des banques et fenêtres participatives, ont atteint 7,83 MMDH contre 4,55 MMDH
à fin 2018 (Ait Malhou et Maimoun (2020)).

 Casablanca Finance City : centre financier régional

Pour devenir un centre financier régional, le Maroc a lancé le Casablanca Finance City,
reconnue aujourd’hui parmi les premières places financières en Afrique et partenaire des plus
grands centres financiers internationaux. CFC a réussi à construire une forte communauté de
membres composée d'entreprises financières, de sièges régionaux de multinationales, de
prestataires de services et de holdings. Ainsi, la transformation du CFC en un hub régional pour
les banques participatives, tout en développant l’expérience financière islamiques, le Maroc
pourra tirer des activités et des opérations des banques avec les marchés que la Banque
Islamique de Développement (BID) considère comme importantes en Afrique de l'Ouest
comme la Guinée, le Bénin, le Sénégal et le Niger. Ceci constituera évidemment l'un des
moteurs favorisant l'accélération du développement Takaful au Maroc.

2
Thomson Reuters. (2018), Islamic Finance Development Report, available at:
https://ceif.iba.edu.pk/pdf/Reuters-Islamic-finance-development-report2018.pdf.

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 Le pouvoir public

La volonté des pouvoirs publics pour travailler à fournir le soutien nécessaire pour développer
le capital humain nécessaire à l’industrie financière islamique. Grand potentiel pour renforcer
la croissance de l'économie marocaine et les cinq à huit prochaines années peuvent être
importantes pour le secteur assuranciel islamique.

Bien que Bank al Maghrib en collaboration avec le conseil supérieur des oulémas ait donnés le
feu vert à huit banques participatives pour ouvrir leurs portes au Maroc, l’activité de ces
banques demeure restreinte à cause d’un écosystème incomplet (Es-sounboula et Hefenaoui
2019). Par ailleurs, le lancement d’un contrat de financement participatif nécessite une
assurance islamique. Le Conseil Supérieur des Oulémas interdit aux banques participatives de
faire recours aux assurances classiques. De ce fait, en attendant l’entrée en vigueur de
l’assurance Takaful, les banques remplacent cette assurance par des mécanismes qui respectent
la licéité préconisée par la Charia. Donc la nécessité des Sukuk et de l’assurance Takaful,
demeure primordiale pour le bon fonctionnement du marché participatif (Es-Sounboula Et
Hefnaoui (2019)3.

2. Assurance participative au Maroc

Dans tous les pays africains, à l’exception de l’Afrique du Sud, le niveau de pénétration
de l’assurance est faible. Ce taux est inférieur à 1% en Afrique subsaharienne alors qu’il est en
moyenne de 6,8% en Europe et de 5,4% en Asie, Au Maroc, en termes de taux de pénétration
assuranciel4, même si sa prouesse s’améliore d’année en année, le marché d’assurance est
encore vierge et reste porteur, synonyme de marge de progression pour les opérateurs Takaful
souhaitant s’opérer au Maroc. La performance du pays s'améliore depuis 2016, en passant de
3,5 à 4,3% en 2018, avec 1,9% pour l’assurance-vie et 2,4% pour la branche non-vie. Cette
situation a permis de progresser au quarante-troisième rang mondial et est désormais le premier
dans le monde arabe. En Afrique, il garde sa quatrième place, après l’Afrique du Sud, la
Namibie et l’île Maurice. Pour ce qui est de la densité d’assurance (primes d’assurance par tête),
elle a atteint 102,30 dollars en moyenne en 2016, contre 90 dollars en 2015. « Un Marocain
dépense en moyenne près de 41,90 dollars en produits d’assurance-vie et 60,40 en produits
assurance non-vie ».

3
Es-sounboula H., Hefnaoui A. (2019), « la Dette exterieure publique et son impact sur la croissance
économique marocaine : étude économétrique », Revue du Contrôle de la Comptabilité et de l’Audit, numéro 9,
ISSN : 2550-469X.
4
Part des primes d’assurances dans le PIB.

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3. Développement Takaful au Maroc : Enjeux et recommandations


3.1 Les nouvelles dispositions sur le Takaful

L’autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) a publié un


avis concernant l'application des dispositions Takaful de la loi sur les assurances. L'avis est
divisé en 4 chapitres et un total de 63 articles. Il prendra effet après son annonce et son
approbation dans le communiqué du ministre de l'Économie et des Finances du 25 octobre 2021.
Le premier chapitre de cet avis est le contrat Takaful et le règlement de gestion des fonds
takaful. Le deuxième concerne les critères de détermination de la Commission de gestion des
comptes du Fonds d’assurance «Takaful», et les modalités de leur exécution pour les contrats
d’assurance et de réassurance, ainsi que le plafond de cette commission. Pour favoriser le
démarrage de l’activité, l’Autorité s’est mobilisée pour la réception et le traitement des
demandes d’agrément des futurs opérateurs Takaful.

3.2 Le fonctionnement du Takaful

Le schéma de fonctionnement du Takaful est celui d’un système dans lequel des
personnes formant un groupe et contribuent mutuellement à un fond commun dans l’objectif de
s’octroyer une assistance mutuelle sous forme d’indemnités si un sinistre devait toucher un
membre (Budd 2016).

Le système d’assurance islamique « Takaful » est connu comme un concept de


coopération mutuelle « Taawun » et de don « Tabarru », où le risque est réparti entre les
membres du groupe de participants pour garantir la protection mutuelle des membres.

L’assurance Takaful est alors une garantie mutuelle, basée sur les principes de la finance
islamique qui sont :

- Le partage des risques entre les parties du contrat ;


- L’attachement de toute transaction à une finalité matérielle, liée directement ou
indirectement à la transaction économique réelle ;
- L’interdiction de financer le "𝐻𝑎𝑟𝑎𝑚" ou les activités illicites en rapport avec la
production de boissons alcoolisées, le porc, la pornographie, les jeux de hasard, etc.
- La non exploitation : les transactions financières ne doivent jamais donner lieu à
l'exploitation d'une des parties contractantes.

Dans ce sens, les seuls investissements permis par la Charia sont ceux dont la rémunération
résulte d’un partage du résultat entre investisseurs et bénéficiaires. Ces principes découlent de
la prohibition de trois pratiques qui sont :

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- Le Riba : littéralement augmentation, addition. Il s’agit en fait de l’usure, de l’intérêt


produit par l’argent prêté, emprunté ou déposé sur un compte bancaire ;
- Le Maysir : jeu de hasard, spéculation ;
- Le Gharar : la vente d’un bien non possédé.

Plusieurs raisons expliquent l’intérêt et l’importance de l’assurance islamique pour le


Maroc. Fin 2017, l’Islamique Financial Services Industry Stability a évalué le marché mondial
de l’assurance Takaful à 23,2 milliards USD. Selon (Finance, 2017), ce marché devrait atteindre
52,5 milliards USD d’ici 2025, avec une population cible représentant plus de 20 % de la
population mondiale. En plus, ce segment connaît une croissance annuelle de deux chiffres ces
dernières années selon Ernst & Young. Selon la même source, 51% des 57 pays membres de
l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) abritent au moins une société Takaful,

Ensuite, il y a le fait que le Maroc, après avoir longtemps ignoré la finance islamique a
fini par s’ouvrir sur ces produits participatifs qui sont un complément et une diversification de
l’offre qui reflète la diversification qui caractérise la société marocaine. Aujourd’hui, avec
l’ambition de faire de Casablanca une place financière régionale, avec Casablanca Finance City,
le Maroc doit renforcer son écosystème de la finance participative pour attirer davantage des
capitaux étrangers, proviennent à titre d’exemple de pays du Golfe. Pour que le Maroc puisse
bénéficier réellement de cette dynamique, il faudra qu’il relève un certain nombre de défis
d’ordre règlementaire, financière et les ressources humaines. C’est dire qu’il faudra à l’avenir
compter sur les produits islamiques même si ceux déjà expérimentés au niveau de la place n’ont
pas de produits à effets escomptés.

L’écosystème du financement participatif appelle à :

- Une plus grande incitation des Marocains à investir dans l’économie réelle.
- Une meilleure intégration du Sukuk dans les mécanismes de financement ;
- Une mobilisation de l’ensemble des acteurs pour créer des partenariats ;
- De meilleurs moyens en faveur de la pédagogie sur le financement participatif.

Le fonctionnement efficace de Takaful nécessite le soutien d'opérateurs de Retakaful.


Opérateurs qui assurent la couverture de risques des opérateurs Takaful. Le manque de services
adéquats de Retakaful limite considérablement la capacité de fonctionnement des opérateurs
Takaful. Ils auront besoin de tels services pour atteindre une capacité opérationnelle optimale
et fonctionnent efficacement. Le défi majeur pour les opérateurs Takaful marocains est le
manque de services de Retakaful pour protéger leur exposition au risque et absorber les chocs
dans l'industrie (Ado 2014). En raison de ce problème, les opérateurs Takaful seront obligés de
fréquenter les sociétés de réassurance conventionnelles en dernier recours. Cela inhibe la
pratique idéale d'assurer la conformité Charia de bout en bout. Par conséquent, la création de
sociétés de Retakaful est une question urgente pour la croissance et le développement des
opérations de Takaful.

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Un autre élément majeur est que le projet de circulaire prévoit que les assureurs Takaful fassent
obligatoirement appel à des réassureurs Takaful. Il ne sera possible de se réassurer chez des
compagnies de réassurance conventionnelles que lorsque l'opérateur est dans l'incapacité de
céder son risque à un réassurer Takaful et ce, dans des conditions précises prévues par l'ACAPS
(BourseNews, 2017).

4. Problèmes qui entravent le décollage rapide de Takaful au Maroc


Les points suivants sont des problèmes qui entravent le décollage rapide de Takaful au
Maroc, cité par Aliyu et Ahmad (2014), Saleh et al. (2016), Dewa (2013) ; Bensghir et Addou
(2021).

4.1. Législation Takaful : ce qui reste à faire

Le retard du lancement des opérations de l’assurance Takaful est le résultat de la réforme


du code des assurances, entamées tardivement par rapport à celui de la loi bancaire, causant
ainsi un vide et un décalage législatif significatif. La lenteur est également attribuée à
l’ambiguïté et aux lacunes de la première version du code et au niveau chétif de la synergie
apparente entre les principaux acteurs du secteur. Cette lacune réglementaire évidente laisse
place à l'incertitude législative et bloque ainsi les investisseurs.
A présent, Le Takaful pour le cas Marocain est limité aux produits de la Bancassurance. Pour
que le Takaful puisse voir le jour au Maroc, il est nécessaire de finaliser l’avis de l’ACAPS, du
Conseil Supérieur des Oulémas et du Secrétariat Général du Gouvernement sur le projet d’arrêté
et sur le projet de circulaire, qui propose les différents aspects opérationnels et réglementaire
de l’activité de l’assurance islamique. Notamment, les clauses de contrats, le fonctionnement
des contrats (tarification, revalorisation, etc.), les provisions et les placements. Ce processus,
qui nécessite un long circuit réglementaire, nous laisse encore attendre une longue période de
grâce législative.

4.2. Modèle économique imposé

Selon l’article 10-3 traitant l’excédent technique, de la loi 59-13 portant Code des
assurances et instaurant les assurances Takaful au Maroc, le modèle économique qui sera
dessiné par les futurs opérateurs Takaful consistera en celui de la « Wakala ». Ce modèle figure
parmi cinq autres modèles selon lesquels fonctionent généralement les opérateurs Takaful
(Wakala modifiée, Moudaraba, Waqf, et le modèle combiné de Wakala et Moudaraba…). Dans
le modèle Wakala, l’opérateur Takaful tire son unique rémunération exclusivement des
commissions prélevées à la source sur les contributions des participants au fond Takaful. Ce
modèle a l’inconvénient de surcharger significativement les primes des produits Takaful par
rapport aux produits classiques. Le model économique de l’assurance conventionnelle a
l’avantage de tirer sa rémunère des commissions et de l’excédent technique. De fait, l’adoption
du modèle Wakala, les primes des opérateurs Takaful seront plus élevées que celles des acteurs
classiques. Ce surcoût constituera un inconvénient majeur sur un marché concurrentiel comme

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le marché assuranciel marocain. Pour remédier à cela, l’adoption d’un modèle où en plus des
commissions, les opérateurs auront droit à un pourcentage de l’excédent technique est
recommandée5. Dans le contexte marocain, le modèle le plus approprié, notamment au
démarrage pour affaiblir les capitaux d’investissement, est le modèle hybride «Wakala modifiée
», où l’opérateur est rémunéré par des commissions ex-ante puis par une partie des plus values
générées par les activités de placement. Ce modèle est le plus adopté par les pays avancés en
finance islamique, notamment l’Arabie Saoudite et la Malaisie dont le marché s’accapare
respectivement de 50% et 25% du marché mondial du Takaful (Yusuf et Babalola 2015).

4.3. Un catalogue de produits moins diversifiés

Les opérateurs Takaful sont amenés par la force de loi à démarrer avec un catalogue de
produits très limité. Dans un premier temps, l’assurance participative au Maroc se limitera au «
Takaful familiale » qui est la traduction de l’assurance de personnes dans le secteur
conventionnel. Il s’agit d’une limitation imposée par les pouvoirs publics dans une démarche
d’arrangement de cette nouvelle industrie, décision objective pour, probablement, éviter la
déstabilisation du marché de l’assurance classique. Même si cette décision a l’avantage
d'explorer et d'ouvrir de nouveaux marchés en matière de prévoyance et d'épargne, elle laisse
de côté de nombreux avantages de l’assurance de biens, appelée « Takaful Générale » dans le
jargon de la finance participative. Le déploiement des premières offres de crédit est conditionné
à l’aboutissement du chantier du Takaful. Ainsi, les banques islamiques, pour se lancer
fortement et rapidement, auront tout autant besoin de ce type de garanties que de l’assurance de
personnes, entre autres, pour couvrir les biens objet de leurs contrats de financement.

4.4.Réseau de distribution limité

Selon la loi 59-13 portant Code des assurances, l'approbation pour les opérations
d’assurances Takaful ne pourra pas être accordée à une entreprise agréée pour d’autres
opérations d’assurances. Cette décision exclut la possibilité de créer des guichets ou des fenêtres
Takaful au sein d’assurances conventionnelles, contrairement aux banques participatives qui
peuvent liquider leur produit via des fenêtres islamiques au sien des banques conventionnelles.
Ainsi, les compagnies d’assurances existantes désirant aborder le marché Takaful devront créer
des entités juridiques distinctes.

4.5. Canaux limités d’allocation d’actifs

Les opérateurs Takaful seront tenus d'assurer de bout en bout la conformité à la Charia
autant que possible. Cela signifie qu'ils ne peuvent investir que dans des opérations conformes
à la Charia. En finance participative, le seul actif qui remplit ces critères est les Sukuks. La
disponibilité de telles voies d’investissement est encore très limitée au Maroc, principalement
en raison d’absence des marchés de capitaux islamiques. La prédominance sur le marché

5
http://www.lavieeco.com/news/economie/assurance-islamique-les-debuts-risquent-detre-difficiles.html

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marocain des options d'investissement basées sur les intérêts par rapport aux alternatives
conformes à la Charia limite les options d'investissement pour les opérateurs Takaful. De plus,
à l’instar des assureurs classiques, la loi contraint les opérateurs Takaful de placer au moins
30% des primes collectées dans des actifs non risqués, notamment souverains ou jouissant de
la garantie de l’Etat6. Ce problème est sérieux dans la mesure où il affecte la rentabilité des
opérateurs de Takaful, voir même leurs existences.

Pour combler ce vide les opérateurs auront toujours la possibilité de placer leurs primes
dans des Sukuks émis à l’étranger. Toutefois cette possibilité est également limitée par la
réglementation, étant donné que les placements hors Royaume sont plafonnés pour les assureurs
ayant une situation financière solide à 5% (DAPS, 2017) 7

Pour atteindre le besoin de la conformité Charia de bout en bout, il faut une revitalisation
des marchés financiers pour fournir des alternatives d'investissement efficaces et rentables
conformes à la Charia aux opérateurs Takaful et aux autres institutions financières souhaitant
investir conformément aux principes de l’Islam. Tout cela porte à croire que les débuts du
Takaful au Maroc devraient être tout sauf un long fleuve tranquille.

4.6. Acceptabilité des produits et services de la finance islamique par des non-
musulmans

Tout comme l'introduction des banques islamiques a fait face à une opposition dans
plusieurs pays majoritairement non musulmans, Takaful ne sera pas une exception à cette
idéologie. Idéologie qui s'oppose aux idées nobles fondées sur des perceptions religieuses. La
phobie pour tout ce qui est étiqueté islamique par les non-musulmans en raison des activités de
certains groupes terroristes en utilisant faussement le nom de l'Islam dans leurs activités
odieuses contribue également au problème (Dewa 2013). Cette conception négative constitue
un frein pour la croissance de Takaful malgré l'immense viabilité du concept. Ce problème de
mauvaise perception nécessite beaucoup de sensibilisation par toutes les parties prenantes de
l'Islam. Au-delà de la sensibilisation, une approche plus efficace est l'exposition des caractères
nobles de l’Islam par les musulmans pour discréditer la perception erronée.

6
Loi N° 59.13 formant code des assurances et de l’assurance Takaful au Maroc.
7
Circulaire du Ministre des Finances et de la Privatisation n°DAPS/EA/07/08 du 18 Juillet 2017.

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Conclusion

Cette recherche fournit un aperçu sur les opérations du Takaful au Maroc.


Généralement, les potentiels de croissance sont impressionnants. Cependant, la croissance
réelle est élémentaire. La recherche a identifié plusieurs défis en tant que facteurs inhibant le
lancement de l’industrie assurantielle islamique au Maroc. Bien que ces défis persistent au fil
des années, la mise en œuvre efficace des solutions proposées contribuera certainement de
manière significative à améliorer l’instauration et la viabilité des opérations Takaful dans le
pays. Notamment, le besoin urgent d'un cadre réglementaire complet, incitations attrayantes, la
sensibilisation et la création de produits d'investissement conformes à la Charia, parmi d'autres
nécessités.

La nécessité d'un effort pour promouvoir Takaful est primordiale compte tenu des
avantages potentiels qu'elle représente pour le Maroc et de son rôle essentiel pour faire de la
stratégie du système financier 2022 une réalité. Ceci nécessite de suivre l'évolution du système
financier mondial dont la finance islamique gagne généralement de l'importance. Il est proposé
d’étudier les facteurs qui influencent l’intention de développement de l’assurance islamique
Takaful au Maroc à travers un développement d’un modèle examinant l'impact des variables
indépendantes telles que le contrôle comportemental, la religion, l’attitude, la norme subjective,
sur la variable dépendante. Enfin, le lancement des banques participatives sans assurance
« Takaful » engendre une grande réflexion sur le modèle adéquat pour se couvrir contre les
risques en attendant l’entrée en vigueur de cette assurance.

Références
 Ait Malhou F. et A. Maimoun. (2020), «L'expérience marocaine en finance
participative : bilan et défis à relever», Recherches et Applications en Finance
Islamique, Volume 4, Numéro 2, pp : 197-215
 Abdelilah, N. (2015). La finance islamique et le Maroc : Une longue histoire…qui finit
par commencer. Cahiers de la finance islamique n°3.
 Ado, A. (2014). Nigeria: Where are we? In S. Thiagaraja, A. Morgan, A. Tebbutt, & G.
Chan, The Islamic Finance Handbook: A practitioners guide to the global markets (pp.
355-367).
 Aliyu, M. B., et Ahmad, I. M. (2014). Shariah Compliant Insurance Product: an
overview of problems and prospects of Takaful-Insurance in Nigeria. Unilorin Shariah
Journal.
 Attak E. (2020), «Spécificités et évolution récente de la fiscalité des produits
participatifs au Maroc : perception des praticiens», Recherches et Applications en
Finance Islamique, Volume 4 : Numéro 2, pp : 216-229.

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