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Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence 3 Mention Economie

U.F.R SEGMI Premier semestre 2010-2011


Dynamique économique: analyse des fluctuations Cours de Valérie Mignon

Brefs rappels sur la Courbe de Phillips

La relation de Phillips

Introduction

Dans les dernières décennies, les analyses économiques se sont largement préocupées du problème
de la recherche du plein-emploi et de la stabilité des prix (absence d’inflation). Les politiques
économiques inspirées du cadre IS-LM ont supposé au départ que les prix pouvaient
être considéré comme fixes, hypothèse qui a été par la suite largement remise en cause. Le
point de départ contemporain de cette réflexion est sans doute la relation de Phillips. En 1958,
l’économiste néo-zélandais A.W. Phillips a proposé une estimation de la relation expliquant les
variations du taux de salaire nominal à partir du taux de chômage observé en Grande-Bretagne
sur la période 1861-1957. Il ressort de ce travail empirique que le taux de chômage peut-être
considéré comme le déterminant principal des variations du salaire nominal. Ce que l’on a
appelé depuis lors la courbe de Phillips est une découverte importante dans la me-
sure où elle constitue l’équation manquante de la théorie keynésienne. Elle permet
de passer d’une macroéconomie statique à une macroéconomie dynamique. En effet, l’équilibre
macroéconomique relatif à une période décrit dans le modèle offre globale-demande globale se
modifie dans le temps en fonction de la dynamique des salaires nominaux.

La forme originelle de la relation de Phillips

Phillips a mis en évidence une relation entre le taux de chômage u et le taux de variations
des salaires nominaux (ω = ∆w/w). Cette relation résulte d’ajustements économétriques opérés
sur des séries statistiques concernant l’économie britannique sur la période 1861-1957 ; elle est
0
croissante (ω = f (u)) avec f (u) < 0, non linéaire (la pente est variable) et stable (sa forme et
sa position dans le plan ne se modifient pas). Graphiquement :

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Interprétation

Le travail étant considéré comme une marchandise dont le prix est le salaire nominal :
- si la demande de travail est forte (et donc si le chômage est faible), les entrepreneurs ont
tendance à augmenter les salaires pour se procurer la main-d’oeuvre dont ils ont besoin.
- Inversement, quand le taux de chômage est important, les salariés répugnent à offrir leurs
services à un niveau de rémunération inférieur au niveau de salaire existant. La relation est
non-linéaire du fait de cette résistance des travailleurs : on voit que pour un niveau de chômage
déjà important soit 5.5% pour la période 1861-1913.

De la relation de Phillips à la relation de taux d’inflation-taux de chômage

Liaison inflation-hausse des coûts salariaux

De la relation de Phillips précédemment décrite entre chômage et hausse des salaires nominaux, il serait
pour le moins hasardeux de déduire directement et sans précaution une relation entre inflation et chô-
mage : c’est en outre faire une hypothèses très restrictive sur les causes de l’inflation et présupposer que
l’inflation est uniquement d’origine salariale.
Nous allons monter formellement la relation selon laquelle, le taux de variation des prix est égal au taux
de variation des coûts salariaux diminué de la productivité du travail.
Si on admet que les entreprises fixent leurs prix par application d’un facteur de marge (ou de mark-
Lt
up) sur les coûts salariaux par unité produite (W L/Q), on a Pt = mt (Wt Q t
). En passant l’écriture en
logarithme :
log Pt = log mt + log Wt + log(Lt /Qt )
= log mt + log Wt + log(Lt /Qt )
En dérivant l’expression ci-dessus par rapport aux temps (si y = f (t) est une fonction uniforme quel-
conque de t on a alors d(log
dy
y)
= y1 dy
dt qui n’est d’autre que le taux de croissance instantané de y qu’il est
∆y
commode d’écrire : y )

∆Pt ∆mt ∆Wt


= + − ∆(Qt /Lt )/(Qt /Lt )
Pt mt Wt

- ∆P
Pt = taux de variation du niveau général des prix (= taux d’inflation quand son signe est positif)
t

- mt = comme on suppose que le taux de marge est constant dans la temps, ∆m


∆mt
mt = 0
t

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- ∆(Qt /Lt )/(Qt /Lt ) = mesure la variation annuelle de la productivité qui est supposée constante et qui
est notée µ

D’où la relation :
Πt = W − µ
Πt : taux de variation des prix
W : taux de variation des coûts salariaux
µ : taux d’accroissement de la productivité du travail

0
On a vu précédemment que (ω = f (u)), donc : Πt = f (u) − µ avec f (u) < 0

Le graphique permettant de lier taux de chômage (u) et taux d’inflation (π) s’obtient à partir de la
relation de Phillips entre taux de chômage et de variation des salaires nominaux ω en décalant vers le
bas l’échelle mesurant l’inflation d’un pourcentage égal à l’amélioration de la productivité du travail ; le
passage d’une relation à l’autre est tellement rapide et facile que dans un certain nombre de représenta-
tion, on appelle ’relation de Phillips" la relation "‘inflation-chômage".
Sur la base des estimations de Phillips sur la Grande-Bretagne, le taux d’accroissement de la production
par tête étant d’environ 2%, le niveau de chômage compatible avec un accroissement des salaires égal au
taux d’accroissement de la productivité des du travail étant de l’ordre de 2.25% ; ce taux de chômage
correspondrait à des prix stables. Ainsi, le graphique permettant de lier taux de chômage (u) et rythme
d’inflation (Πt ) s’obtient à partir de la relation taux de chômage-taux de croissance des salaires nominaux
en décalant l’échelle des prix vers le bas d’un pourcentage égal à celui de l’amélioration de la productivité.
On notera qu’il est usuel d’appeler "courbe de Phillips" aussi bien la relation entre la variation des salaires
nominaux et le taux de chômage que la relation entre le taux d’inflation et le taux de chômage. D’où un
risque de confusion...

Résultats empiriques

Les premiers résultats sont encourageants et confirment l’existence d’une relation négative entre chô-
mage et inflation entre 1961 et 1969 : la baisse du chômage va de pair avec l’augmentation de l’inflation.
Par contre, après 1969 il y a un déplacement verticale, on parle de dérive des courbes de Phillips, c’est-
à-dire que pour un taux de chômage donné, le taux d’inflation augmente (on parle de stagflation). Par
exemple en 1961, pour obtenir un taux de chômage de 6.5% il fallait accepter une inflation inférieure à

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1%, alors qu’en 1980, pour obtenir un taux de chômage de 7% il fallait accepetr une inflation supérieure
à 9%.

A ce phénomène de la dérive des courbes de Phillips, deux explications :

- Les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Ces chocs ont entraîné une hausse des coûts des entreprises,
ce qui a induit une augmentation des marges et des prix des entreprises quelque soit le taux de chômage.
- Il y a eu un changement dans la formation des anticipations des partenaires sociaux, lors des séances de
négociation des salaires. A partir des années 1970, on a observé une persistance de l’inflation à des taux
élevés (une inflation forte en t était susceptible d’être suivie par une inflation élevée en t + 1). Les agents
ont donc commencé à prendre en compte l’inflation élevée lors des négociations de salaires.

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