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La Lettre des Neurosciences

Bulletin de la Société des Neurosciences Printemps - Été 2011 N°40

Sommaire
Éditorial p. 2

Histoire des Neurosciences p. 3


• Fragments de médecine médiévale
en langues arabe et persane : le système
nerveux et sa continuité historique
Dossier - seconde partie p. 7
• Recherche biomédicale : quelle procédure ?
Petit précis (non exhaustif) à l’usage du
chercheur

À la rencontre des Neurosciences


Françaises p.16

Nouveautés en neurosciences p.17


• La révolution optogénétique dans la
biologie moderne

Tribune libre
• Pour une éthique de la communication
en Neurosciences p.20

Comptes rendus réunions de clubs p.23


• Club Aromagri
• Club de Neuroprotection
Éditorial
ÉDITORIAL

par Yves Tillet

A
vec ce numéro de printemps, la Lettre arrive à Dans ce numéro, nous avons aussi inséré une nouvelle
son quarantième numéro et dans quelques rubrique : “nouveautés en neurosciences”, au sein de
semaines, du 24 au 26 mai, nous nous retrouve- laquelle nous souhaitons mettre l'accent sur des résultats
rons à Marseille au 10e Colloque de la Société des et approches originales. Cette fois-ci c'est d'optogéné-
Neurosciences. Deux points qui marquent la vitalité de tique dont il sera question, une nouvelle technologie issue
notre Société. Les 20 ans de la Lettre soulignent en premier des progrès de la génétique et de l'optique, très promet-
lieu sa maturité et son entrée dans l’âge adulte, sans teuse pour l'étude du fonctionnement neuronal in situ.
apparente crise d’adolescence, tout ceci bien sûr grâce à Aussi chers amis lecteurs, n'hésitez à nous faire des
mes talentueux prédécesseurs, tout d’abord Jacques propositions pour alimenter cette rubrique.
Epelbaum en 1991 puis les nombreux autres collègues qui J'écris ces lignes en pleine préparation de la Semaine du
lui ont succédé. Le 10e Colloque biennal de Marseille Cerveau, entre deux conférences pour le grand public.
ensuite, dont nous ne doutons pas qu’il sera dans la conti- Au cours de cette semaine, un certain nombre d'entre-
nuité de ceux de Montpellier et de Bordeaux, confirmant nous va se plier au difficile exercice de la vulgarisation des
ainsi l’attractivité de notre Société. connaissances en neurosciences. Comme je l'ai déjà écrit
dans ces colonnes, c'est un rendez-vous important pour
Avec le Comité de rédaction, nous avons essayé de faire connaître notre discipline et les avancées de nos
préparer un numéro des plus attrayants avec pour com- travaux. Nous avons cette chance de pouvoir diffuser nos
mencer un voyage dans le Proche et Moyen Orient au connaissances dont nous souhaitons tous bien sûr qu'elles
Moyen Age. Vous découvrirez que, dans les civilisations puissent aider à comprendre puis à soigner, mais dans
arabo-persanes, le cerveau et ses pathologies étaient déjà notre enthousiasme, gardons-nous de ne pas faire naître
un sujet de préoccupation important pour les médecins de faux espoirs au public qui nous écoute. À cet égard,
et savants de cette époque. Ils soulignaient déjà l'impor- je recommande vivement la lecture de la Tribune libre de
tance de garder un contact avec le sujet d'étude et François Gonon et Jan-Pieter Konsman “Pour une éthique
l'observation des malades qui devaient compléter les de la communication en Neurosciences”. La Semaine du
discours théoriques. Vous découvrirez également que la Cerveau sera terminée lorsque vous lirez ces lignes, nous
chirurgie était déjà pratiquée pour traiter certaines en serons au bilan, mais ce texte restera d'actualité pour
pathologies. C'était un début… Maintenant, les études et les prochaines éditions.
recherches cliniques réalisées sur des patients ou des Avant de conclure, je vous donne rendez-vous à
volontaires sains sont rigoureusement encadrées et régle- Marseille pour un moment important de la Société des
mentées, et vous trouverez dans ce numéro le second Neurosciences avec le 10e Colloque biennal. Nous pouvons
volet du dossier coordonné par Serge Pinto avec l'aide faire confiance à nos amis marseillais emmenés sous la
efficace de Carine Cleren, David Blum et Anne Didier. houlette d'André Nieoullon et Bruno Poucet pour faire
Je tiens à les remercier et à souligner la qualité de ce de ce colloque un grand succès.
Dossier extrêmement fouillé qui aborde toutes les facettes Je vous souhaite une bonne lecture de ce quarantième
de la recherche clinique, notamment dans ses détails numéro, en attendant le plaisir de vous retrouver à
réglementaires qui laissent perplexes et décourageraient
Marseille ! ■
plus d'un expérimentateur rompu à l'utilisation de nos
classiques modèles de laboratoires. yves.tillet@tours.inra.fr

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES

Fragments de médecine médiévale en langues

HISTOIRE DES
arabe et persane : le système nerveux et sa
continuité historique
par Mehrnaz Katouzian-Safadi

Les textes de médecine médiévale de langue arabe sont le fruit de la rencontre des civilisations
grecque, persane, indienne et de nombreuses autres de la région du Proche-Orient, de l’Afrique et
de l’Andalousie. Au VIIe siècle, les circonstances géopolitiques au Proche-Orient – l’affaiblissement
des deux empires perse et byzantin – ont facilité l’émergence d’une religion, l’Islam, et l’épanouis-
sement de la nouvelle civilisation arabo-musulmane qui va s’étendre en peu de temps de l’Indus à
l’Andalousie. Les savants participant à ce riche milieu intellectuel n’étaient pas tous arabes ou
musulmans, mais ils venaient de régions aux traditions, aux langues diverses (arabe, persan,
syriaque…), et aux religions elles-mêmes diverses (musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, et
autres), pour travailler ensemble dans les grands centres urbains. L’instrument linguistique des
conquêtes au VIIe siècle et de l’expansion culturelle était la langue arabe qui, en peu de temps,
a permis le syncrétisme des sciences de l’époque et a ouvert de nouvelles voies de recherche.
La langue arabe a donc permis la diffusion et les échanges entre divers peuples d’ethnies,
de religions et de langues différentes.

E
ntre le VIIIe et le IXe siècles au Proche-Orient, les le médecin de la recherche des causes de la maladie.
traductions en arabe de textes scientifiques grec, Au livre premier, il insiste sur le fait que le médecin doit
persan ou sanskrit sont élaborées dans un milieu tenir compte de ses observations et ne pas se perdre
de savants, chercheurs et intellectuels. Très tôt, grâce à dans une recherche métaphysique et philosophique.
une figure comme Hunayn Ibn Ishâq (XIe siècle) traduisant À l’époque médiévale, les débats entre les médecins-
des textes médicaux du grec vers l’arabe (et parfois vers philosophes se nourrissaient de la compréhension des
le syriaque), le vocabulaire scientifique médical arabe est textes et du rapprochement des théories et des observa-
forgé. À partir de cette terminologie, devenue un outil tions personnelles.
indispensable, les savants réfléchissent, échangent, inven- Deux traditions, chacune ayant son corpus et ses auto-
tent des concepts théoriques et pratiques(1). rités savantes cohabitent : Aristote pour la philosophie et
Au cours de cette période, la théorie des humeurs, Hippocrate et Galien pour la médecine. Ces auteurs
systématisée par Galien, reste le fond théorique de la constituaient les bases de la formation des savants après
médecine. Pour la formation théorique des médecins et le VIIIe siècle. Les nouveautés étaient débattues par
des savants, la lecture des philosophes et des médecins rapport à ces textes anciens et à leurs propres observa-
grecs était le socle incontesté, quelle que soit la zone géo- tions. Ainsi, certains débats anciens comme le centre vital
graphique, zone de pouvoir ou de croyance. La lecture du corps(4), l’existence et la primauté des semences mâles
d’auteurs grecs pouvait conduire à des positions philoso- ou femelles se poursuivaient et trouvaient des réponses
phiques différentes et parfois opposées. Mais les médecins variables.
comme Râzî (ou Rhazès des latins, mort en 925 après JC) Nous aborderons quelques grandes lignes théoriques
et Ibn Sînâ (ou Avicenne des latins, mort en 1037 après de cette médecine médiévale et certains aspects
JC) défendaient dans leurs écrits une formation médicale pratiques comme la thérapie de certaines maladies,
théorique associée à la pratique. Ainsi Râzî écrit dans ses l’ophtalmologie, la chirurgie et les hôpitaux. Pour les théo-
aphorismes adressés aux jeunes médecins : “La lecture des ries nous évoquerons principalement Le Canon de la méde-
livres de la médecine est nécessaire, mais insuffisante à la maî- cine d’Avicenne ; ce choix ne doit pas faire croire que
trise de l’art médical. Il faut soutenir ses lectures par des visites cette œuvre est un aboutissement, mais l’une des étapes
aux malades”(2). importantes dans l’organisation de la pensée médicale.
Le Canon de la médecine (en arabe “al-Qânûn fî al-tibb”) Avant et après Avicenne, au sein des cités appartenant à
d’Avicenne a été rédigé pendant les douze années de la civilisation arabo-musulmane, les médecins-philosophes
voyage de l’auteur pour être achevé presque dix ans avant ont entrepris des recherches théoriques, mis en place des
sa mort. Dans l’introduction, l’auteur précise qu’il diagnostics et ont inventé des thérapies au gré de leurs
consacre son ouvrage aux deux branches de la médecine, propres lectures et de leurs propres observations.
la théorie et la pratique(3). Le Canon de la médecine d’Avicenne(5) a été traduit en
Cependant, ces savants insistent sur le fait que les latin par le traducteur tolédan Gérard de Crémone (mort
préoccupations philosophiques ne doivent pas détourner en 1187 après JC). Cet ouvrage a été très étudié dans le
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NEUROSCIENCES
Fragments de médecine médiévale en langues arabe... (suite)
HISTOIRE DES

monde latin et a eu une très grande influence dans le présent dans les ventricules cérébraux, la moelle épiniè-
développement de la pensée médicale en Europe(6). re et les nerfs périphériques.
La Physiologie et le cerveau. Ce que nous appelons
aujourd’hui la Biologie couvrait la philosophie naturelle et Le schéma des nerfs. Le siège central du système
la médecine. Aristote, qui étend sa philosophie à la méde- nerveux est le cerveau, le bulbe et la moelle épinière.
cine, relie les causes de la santé et de la maladie à la Certains nerfs se dirigent vers le cerveau. Ceux qui
physique ; il crée ainsi une dépendance de la médecine partent de la moelle épinière vont vers la périphérie du
vis-à-vis de la philosophie. La médecine hippocratique corps. Les nerfs assurent les fonctions suivantes : la sensi-
possédait déjà un tel lien mais avec Galien (IIe siècle après bilité (al-hiss), le mouvement (al-haraka), la fonction
J.C.), la médecine accédera à un certain niveau d’autono- gouvernante (al-‘adimat al-hiss), c'est-à-dire une fonction
mie tout en se fondant sur la philosophie. qui livre au cerveau l'état des parties du corps assurant
Chez Avicenne, nous trouvons une synthèse des des fonctions involontaires comme par exemple celles de
présupposés antérieurs intégrant ses idées originales. l'estomac. Avicenne s’appuie principalement sur les trai-
La vie est maintenue dans le corps par une physiologie tés de Galien traduits en arabe, Des différences entre les
générale dont les fonctions importantes sont réalisées par accidents et Des causes des accidents(9).
trois facultés ; chacune est elle-même animée et nourrie Les nerfs sensitifs partent de la zone antérieure et les
par un pneuma de nature différente(7). Avicenne atténue à nerfs moteurs de la zone postérieure du cerveau.
la fois les divergences entre Aristote et Galien, et ses Pour leur répartition dans le corps, Avicenne les classe
propres contradictions avec eux. Il place ses innovations ainsi : nerfs crâniens, cervicaux, dorsaux, lombaires et
dans une continuité de pensée. Il tente ainsi d’éviter sacrés. Ces catégories subissent
certains débats théoriques qu’il considère inutiles et crée des subdivisions. Ce schéma offre
un cadre conceptuel pour les activités physiologiques en une architecture théorique solide,
donnant des définitions et des schémas précis. La physio- basée à la fois sur la lecture et sur
logie d’Avicenne, aux origines grecques évidentes, devient l’observation, sans que l’auteur ne
un outil original, très organisé, à forte capacité heuristique précise la part de chacune. Mais
et didactique pour bâtir sa conception théorique et cette architecture permettra de
présenter sa pratique médicale. riches avancées spéculatives et
Avicenne affirme cependant certains choix et comme heuristiques. La figure 1 illustre
Galien, il privilégie le rôle essentiel du cerveau, plutôt que une représentation du système
celui du cœur comme Aristote. Avicenne s’intéresse nerveux réalisée par Mansûr Ibn
particulièrement à l’anatomie du cerveau. Il s’appuie sur Ilyâs, savant du XIVe siècle dans
les traductions en arabe des œuvres de Galien et en son ouvrage en persan, Tashrîh al-
particulier De l’utilité des parties du corps(8) mais il affine badan (figure 2, la page d’introduc- Fig. 1 : représentation
du système nerveux
fortement cette anatomie ; car il souhaite mettre en tion de cet ouvrage, voir site : réalisée par Mansûr Ibn
rapport l’activité lésée et la partie affectée bien plus que http://www.nlm.nih.gov/exhibition Ilyas, savant du XIVe
Galien ne l’a fait. Il innove en localisant dans le cerveau les siècle, tirée de son
/historicalanatomies/mansur_home.html) ouvrage intitulé “Tashrîh
sens internes, une localisation qui lui sert pour expliquer al-badan”.
les maladies mentales. La psychopathologie, l’observa-
tion et le diagnostic. Avicenne
Les éléments constitutifs de sa physiologie peuvent être constitue les bases de sa neurolo-
ainsi résumés : gie sur les troubles fonctionnels et
• Les facultés naturelles ou al-quwwa al-tabî’iyya, ont pour les troubles sensoriels. Selon
siège le foie et assurent la conception, la croissance et la F. Sanagustin(7), la détermination
nutrition ; elles sont animées par le pneuma naturel ou des troubles sensoriels (de la
végétatif (al-ruh al-tabî’î). vision, du goût, du toucher, de
• Les facultés animales ou al-quwwa al-haywâniyya, ont pour l’ouïe et de l’odorat) est essentiel-
siège le cœur et assurent la vie des organes et leur le pour le diagnostic. Pour la vue,
motricité (par exemple celles du cœur) ; elles sont les hallucinations, la perception de
animées par le pneuma vital ou animal (al-ruh al-haywânî). mouches ou d’auréoles autour des
• Les facultés psychiques ou al-quwwa al-nafsâniyya ont pour objets sont les signes d’une ano-
siège le cerveau et assurent la raison, l’intellect, l’émo- malie. Pour le toucher, le médecin Fig. 2 : ouvrage en
tion et le mouvement volontaire ; elles sont animées par cherche la présence d’engourdis- persan de Mansûr Ibn
le pneuma psychique (al-ruh al-nafsânî). Ce pneuma est sements ou des fourmillements. Ilyas “Tashrîh al-badan”.

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES

HISTOIRE DES
L'examen des troubles liés à la fonction de la mémoire est exagérée, le mal d’amour inguérissable provoquant des
essentiel pour Avicenne, car la mémoire (visuelle, auditive, insomnies. La typologie d’Ishâq Ibn Imrân favorise une
gustative, tactile…) participe au maintien du bon fonc- thérapie plus adaptée. Sur le plan thérapeutique, l’auteur
tionnement physiologique. Au tome 2 du Canon de la remarque que certaines associations de médicaments et
médecine, Avicenne écrit qu’un ensemble de gestes et de changements de mode de vie améliorent l’état du malade.
mémorisations est nécessaire pour exercer un métier. Il Le traitement global comporte souvent des bains selon
donne l’exemple d’un géomètre, d’un musicien et d’un des prescriptions très précises pour le malade qui doit
médecin lors de la mesure du pouls. Cet ensemble de parfois être assisté totalement par le médecin.
mémorisations est un indicateur du fonctionnement nor- Ce traité sera diffusé rapidement en Occident et en
mal ou pathologique de la mémoire(10). Orient. Quelques années après Ishâq Ibn Imrân, Râzî,
Les céphalées, les tumeurs, les troubles psychiatriques vivant entre Ray (près de Téhéran d’aujourd’hui) et
et les névropathies constituent des troubles importants Bagdad, fera l’éloge de cet ouvrage et appliquera ces
du cerveau. Les céphalées se manifestent sous deux traitements. Avicenne, dans le cas de la manie souligne
formes : la migraine localisée dans la moitié du cerveau et fortement l'agressivité du malade et l’apaisement que le
le “casque” qui est une douleur englobante, constante. médecin doit apporter. Ishâq Ibn Imrân insiste beaucoup
Le patient fuit la lumière. Avicenne invoque comme cause sur la nécessité de connaître le comportement et les
l’inflammation de la pie-mère ou de la dure-mère. habitudes du malade avant l’aggravation de la maladie et
Les tumeurs et les inflammations se manifestent par la souligne l’individualité de chaque malade. L’aspect exté-
méningite. La léthargie et l’hydrocéphalie (coma) forment rieur du cerveau et du corps de la personne représente
une autre catégorie de maladies cérébrales. Selon des signes à suivre par le médecin pour révéler le tempé-
Avicenne, la diphtérie ou la pleurésie engendrent des rament de la personne avant la maladie. Ce domaine est
prédispositions à ces atteintes. Ci-dessous nous examine- appelé la physiognomonie, tradition ancienne qui intervient
rons quelques aspects liés aux problèmes neurologiques peu chez Ishâq Ibn Imrân, mais qui occupe une place plus
ou sensoriels. grande chez Râzî et dans Le Canon de la médecine
d’Avicenne, pour qui elle peut indiquer le tempérament du
L’épilepsie. L’histoire de cette maladie par ses manifes- patient avant l’atteinte de la maladie.
tations et ses symptômes a été pendant longtemps asso-
ciée à une causalité surnaturelle. Hippocrate, et par la La chirurgie de l’œil. Les textes destinés à la chirurgie
suite Galien, écartent cette pensée et donnent une étio- (al-djibra ou al-’amal bi al-yad) peuvent former un chapitre
logie liée au phlegme. Cette proposition est reprise par de des encyclopédies médicales, ou être rassemblés dans un
nombreux auteurs médiévaux dont Avicenne qui propose ouvrage spécifique. Al-Zahrawî, latinisé sous la forme
des thérapies intéressantes. Un traitement adapté au cas d’Albucacis ou Abulcacis (Xe-XIe siècles), est un auteur
de chaque malade est prescrit en associant la pharmaco- andalou et l’un des grands praticiens de cette spécialité.
pée, le régime et l’hygiène. Il réserve le dernier chapitre de son encyclopédie à la
chirurgie. Il présente les détails de deux cents instruments
La mélancolie et la manie. Pour Galien et les médecins dont une trentaine est inventée par lui-même (Figure 3,
médiévaux, l’étiologie de la maladie est attribuée à une Kitâb al-tasrîf). L’opération de la
dyscrasie de la bile noire. Au IXe siècle, Ishâq Ibn Imrân, cataracte se faisait par l’abaisse-
médecin au service d’une dynastie régnant sur la Tunisie ment du cristallin en introduisant
actuelle, rédige un traité novateur qui approfondit l’œuvre dans l'œil un stylet pour basculer
du médecin Rufus d’Ephèse vivant à l’époque de Trajan le cristallin opaque dans le corps
(1er – 2e siècle). Ishâq Ibn Imrân se démarque de Galien, vitré. En Egypte, Al-Mawsilî (XIe
définit la maladie, ses formes cliniques, la pathogénie et les siècle) invente une nouvelle
formes associées. Selon Omrani, Ishâq Ibn Imrân(11) pro- méthode en introduisant une
pose des causes anténatales, des causes physiques et psy- aiguille creuse pour aspirer par
chiques. Sa classification est beaucoup plus affinée que succion les parties du cristallin
celle de Galien ; elle conserve les formes décrites par opacifié.
Rufus avec plus de détails et donne sept formes cliniques. La vision, au carrefour de
Fig. 3 : instruments de
L’auteur décrit les formes qui affectent le comportement diverses branches scientifiques, chirurgie inventés par
et le relationnel (formes appelées aujourd’hui parfois associe les approches théoriques Al-Zahrawî, (Albucacis
ou Abulcacis en latin)
névrose ou psychose de caractère). Ishâq Ibn Imrân insis- et expérimentales. Comme un auteur andalou du
te sur certaines particularités sociales observées parmi Aristote et Galien, Hunayn Ibn Xe-XIe siècle, spécialiste
ses malades : une envie d’études et d’apprentissages Ishâq (IXe siècle) à Bagdad adoptait de la chirurgie.

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES
Fragments de médecine médiévale en langues arabe... (suite)
HISTOIRE DES

la théorie de rencontre des rayons lumineux. Pour eux, le turc et le latin, après sa transmission en Europe. Comme
rayon est issu de l’œil et sort de la pupille pour rencontrer le souligne D. Jacquart(9), les influences théoriques et
l’objet visible. Peu après Hunayn Ibn Ishâq, le médecin et pratiques arabes sont nombreuses et décisives, et elles se
savant Râzî, s’est opposé à cette théorie. Il a exposé cette mêlent à l’héritage gréco-latin. L’établissement précis de
thèse dans Les doutes sur Galien, œuvre essentielle sur le ces influences exige des recherches historiques et
plan épistémologique, où il explicite ses différences avec géographiques minutieuses. ■
Galien et présente ses arguments(12). Le savant Ibn al- Katouzian.safadi@orange.fr
Haytham (Alhazen en latin, Xe- XIe siècle), né à Bassorah, (CNRS - UMR 7219 / Université Paris 7, Lab. SPHERE - CHSPAM)
établit par la théorie et par l’expérience le sens du rayon
lumineux. Après lui, l’optique n’a plus le sens d’une géo-
Bibliographie
métrie de la perception(13). Elle comprend désormais deux
parties : a) une théorie de la vision à laquelle sont égale- (1) Katouzian-Safadi, M., “La pharmacie arabe” dans Dictionnaire de la pensée
ment associées une physiologie de l’œil et une psychologie médicale, Presse Universitaire de France, Paris, 2004, p.870-874.
(2) Razî, M., Guide du médecin nomade, traduit par El-Arbi Moubachir, Actes sud, Paris,
de la perception ; b) une théorie de la lumière liée à une
1980, aphorisme n° 364.
optique géométrique. L’histoire de l’expansion de cette (3) Ibn-Sînâ, al-Qânûn fî al-tibb, Edition Bûlâq, Egypte, 1877, tome 4, p. 3.
nouvelle conception dans le milieu médical en Orient et en (4) Debru, A. Le corps respirant, Leiden, New York, Cologne, 1996, p. 70-71.

Occident latin est fort intéressante et doit être poursuivie. (5) Ibn-Sînâ, al-Qânûn fî al-tibb, édition Bûlâq, Egypte, 1877.

Hôpitaux - Bibliothèque - Cénacles. La biographie (6) Weisser, U., “Avicenna xiii. The Influence of Avicenna on Medical Studies in the West”

d’Avicenne nous révèle le rôle fondamental des biblio- dans Encyclopaedia Iranica, éd. Université de Columbia, 1984. En ligne :
http://www.iranica.com/articles/avicenna-xiii
thèques richement fournies en manuscrits dans la forma- (7) Sanagustin, F., Avicenne. Théoricien de la médecine et philosophe, Presses de
tion du jeune savant. Un des lieux importants pour la l'Ifpo, Beyrouth, 2010.
confrontation des observations médicales et des résultats (8) Galien, De l'utilité des parties du corps humain (livres I à XI), traduit par

thérapeutiques est l’hôpital. Comme en témoigne le Ch. Daremberg ; J. B. Baillière, Paris, 1854. Bibliothèque numérique :
bibliographe Ibn al-Nadîm (Xe siècle) avant la conquête de http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?cote=34857x01&do=chapitre
(9) Jacquart, D., “Lectures universitaires du Canon d’Avicenne” in Avicenna and his
l’empire Perse, cette tradition existait dans la ville de
heritage. Edit. Jules Janssens et Daniel De Smet, Leuven Univesity Press, Louvain,
Djundîshâpûr (au sud-ouest de l’Iran d’aujourd’hui) où la 2000, p. 313-324
famille des Bakhtîshu’ exerçait à l’hôpital depuis plusieurs (10) Ibn-Sînâ, al-Qânûn fî al-tibb, édition Bûlâq, Egypte, 1877 tome 2, p. 8.

générations. Avec l’avènement de l’Islam, la fondation et (11) Ishâq Ibn Imrân, Traité de la mélancolie. Présentation, traduction française et

l’expansion des grandes villes, la création des hôpitaux commentaire par Omrani, A., Académie tunisienne des Sciences, des Lettres et des
Arts, Beït al-Hikma, Carthage, 2009.
s’est accélérée. Pour la thérapie, les médecins se fondaient (12)
Katouzian-Safadi, M., “La cornue et l’alambic, instrument d’analyse et de preuve dans
sur les expériences de leurs réussites et de leurs échecs Les doutes sur Galien de Râzî”. Dans De Zénon Elée à Poincarré, Recueil
cumulés dans ces centres de soins. Ces hôpitaux et les d’études en hommage à Roshdi Rashed, édit. R. Morelon et A. Hasnawi, Peeters,
cénacles des mécènes (madjlis) formaient des espaces de Louvain, Paris 2004, p. 377 - 390.
(13)
débats sur les conceptions théoriques et pratiques. Rashed R., “L’optique géométrique”, dans Histoire des sciences arabes, vol. II, sous
la direction de Roshdi Rashed, édit. Seuil, 1997, p. 310-313.
Ces espaces ont été déterminants dans l’enrichissement (14)
Katouzian-Safadi, M., “Salon ou madjlis, lieu d’échanges scientifiques et point de
intellectuel et les commandes par les mécènes d’ouvrages départ pour l’élaboration d’un traité”. Dans Les éléments paradigmatiques
nouveaux(14). thématiques et stylistiques dans la pensée scientifique, Publication de la Faculté
Dans la zone géographique et temporelle qui nous des Lettres et des Sciences Humaines, Rabat, série : Colloques et séminaires n° 116,
préoccupe, les théories philosophiques et médicales 2004, p.157 - 165.
(15)
Grmek, M., “A plea for freeing the history of scientific discoveries from myth”, dans On
étaient diverses et parfois opposées, aucune n’ayant une Scientific Discover. Edit. M.D. Grmek, R.S. Cohen, G. Cimino, Boston, Reidel, 1980, p. 9-42.
hégémonie totale dans la société. Quant à la pratique, les
savants s’influençaient, mais aucune forme de pratique
n’avait le monopole de l’action, de la thérapie médica-
menteuse ou de la chirurgie. Des théories philosophiques
Ouvrages récents en histoire des neurosciences
divergentes entre Râzî et Avicenne n’empêchaient pas
l’admiration de ce dernier pour l’œuvre médicale de Râzî.
Les thèses d’Avicenne ont pris des directions fort diffé-
rentes et des interprétations variées. Les innovations en
médecine, ici comme ailleurs, suivent une histoire non
linéaire, à ramifications multiples et surprenantes(15).
Ultérieurement, cette connaissance influencera la science
médicale vers l’est (l’Inde et la Chine) et vers le monde
latin à partir du XIe siècle. Elle poursuivra son existence à Edouard Brissaud Le paradigme neuronal La naissance du neurone
travers d’autres langues telles que le persan, l’hébreu, le Hermann, 2010, J. Poirier Hermann, 2010, J.-G. Barbara Vrin, 2010, J.-G. Barbara

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LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale : quelle procédure ?
Petit précis (non exhaustif) à l’usage du chercheur

DOSSIER
coordonné par Serge Pinto, Carine Cleren, David Blum, Anne Didier

SECONDE PARTIE

INTRODUCTION par Serge Pinto LA RECHERCHE CLINIQUE AUJOURD’HUI : DÉFINITION,


LIMITES, IMPLICATIONS ÉTHIQUES ET PRATIQUES
La première partie de ce dossier a mis l’accent, dans la Philippe Ryvlin (Service de Neurologie Fonctionnelle et
lettre précédente, sur le cadre législatif auquel doit se d’Epileptologie, Hôpital Neurologique, Lyon)
confronter le neuroscientifique. Les procédures existent,
elles sont nombreuses, variées et font appel à de multiples La recherche clinique se définit comme une activité médi-
intermédiaires. Ce parcours administratif oblige les expéri- cale visant à améliorer la connaissance soit d'une maladie
mentateurs à perfectionner et mûrir leur protocole grâce soit d'une thérapeutique. Elle rentre donc dans le cadre plus
aux diverses évaluations menant finalement à l’autorisation large de la recherche médicale qui englobe par ailleurs une
de mise en place du protocole. Que l’on soit médecin ou composante fondamentale, et se base sur les résultats de
chercheur, la recherche biomédicale soulève de nombreux cette dernière pour inventer et prouver l’efficacité de
questionnements au quotidien. nouveaux traitements ou de nouvelles techniques.
La seconde partie de ce dossier se propose de présen- Si la recherche clinique concerne par définition l'être
ter de manière pratique deux exemples d’investissements, humain, elle n’englobe pas nécessairement tous les travaux
deux points de vue : l’un très “clinique” et l’autre plus de recherche effectués chez l’Homme, et notamment ceux
“fondamental”. La recherche biomédicale, portant sur sans liens directs avec la Santé. Certaines études occupent
l’être humain mais pas forcément sur des malades, est l’af- cependant une place particulière, telles celles effectuées
faire de tous. Dans le contexte national actuel, de plus en chez des patients dans le but, non pas de mieux connaître
plus de responsabilités sont délocalisées au niveau des ou traiter la maladie, mais de progresser dans le domaine
universités. Les universités américaines ont depuis long- des sciences fondamentales. Citons l’exemple des enregis-
temps intégré cet aspect de la recherche dans leurs ensei- trements EEG intra-cérébraux effectués chez des patients
gnements, leurs pratiques au quotidien et ce, dans le cadre- souffrant d’épilepsie en vue de déterminer la région du cer-
même du laboratoire. Pour ce qui relève des recherches veau à opérer pour les guérir de leur maladie. Ces enregis-
non-interventionnelles, la tendance est à l’uniformisation trements fournissent aux chercheurs en Neurosciences
des procédures (d’après la mise en place imminente de la Cognitives, un moyen tout à fait unique d’explorer certains
loi Jardé, 2009)… L’Université pourrait avoir son mot à aspects du fonctionnement cérébral normal, inaccessibles
dire : et si un comité d’éthique universitaire validait les chez le sujet normal. Il s’agit donc d’une recherche a priori
protocoles et expérimentations non-interventionnelles ? “non clinique”, mais réalisée chez des patients. Pour autant,
Dans le cadre des expérimentations interventionnelles, ce type d’étude est soumis aux mêmes procédures régle-
peut-on distinguer la recherche clinique de la recherche mentaires et dispositions éthiques que celles encadrant la
biomédicale ? La distinguer, peut-être pas, mais certaine- recherche clinique proprement dite, notamment la consul-
ment lui accorder certaines spécificités. Elle concerne tation du Comité de Protection des Personnes (CPP).
l’être humain, certes, et a pour objectif de mieux connaître Un aspect particulièrement important de la recherche cli-
une pathologie ou les effets d’un traitement. Dans ce nique concerne la démonstration de l’efficacité d’un traite-
dernier cas, les études pharmacologiques portant sur les ment, ou parfois d’une procédure diagnostique. On parle
médicaments y ont un rôle prédominant. La recherche alors d’études ou d’essais cliniques, qui comportent typi-
clinique nécessite des financements importants pouvant quement plusieurs phases : Phase I, réalisée le plus souvent
être sollicités lors d’appel d’offres relevant de Programmes chez le sujet normal (typiquement 20 à 80 sujets) en vue de
Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC), et peut être tester la sécurité d’emploi ainsi que la pharmacocinétique
réalisée dans un environnement médicalisé ; les centres du produit ; Phase II, réalisée chez les patients (environ 100
d’investigation clinique (CIC) en sont un exemple adéquat. à 300) en vue de déterminer la dose optimale du médica-
Nous avons essayé d’aborder à travers ce dossier divers ment dont l’efficacité réelle sera testée dans des essais de
points de vue, cadres de recherche, diverses expériences… plus grandes ampleurs (phase III) ; Phase III, correspondant
Nous espérons que l’intégralité de ce dossier vous apporte- à l'étude d'efficacité proprement dite, en comparaison soit
ra les informations fondamentales qui vous permettront de d’un placebo, soit d’un traitement de référence, selon une
progresser rapidement dans vos démarches expérimentales. méthologie incluant une randomisation et un double insu
Très bonne fin de lecture ! ■ (des patients et des investigateurs). Les populations
serge.pinto@lpl-aix.fr étudiées sont de grande taille, impliquant des coûts estimés
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LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale... (suite)
DOSSIER

entre 20 et 100 millions de dollars par étude ; enfin, les


études de Phase IV dites également post-marketing, visent à
poursuivre la surveillance des effets secondaires du produit
une fois commercialisé.
L’éthique occupe bien évidemment une place fondamen-
tale dans le cadre de la recherche clinique. Son application
se décline sous diverses formes qu’il convient de préciser.
Le consentement éclairé : il consiste à recueillir l’accord
signé de la personne soumise à l’étude, après que cette
dernière ait reçue une information claire, précise et objec-
tive du protocole. Cette information doit être présentée Les valeurs moyennes ainsi que les variances attendues
sous la forme d’un document écrit préalablement validé par pour ce critère, dans chacun des groupes ou pour chacune
le comité de protection des personnes. Deux écueils parti- des conditions étudiées, doivent être définies à partir des
culiers sont à éviter : d’une part, l’utilisation d’un langage informations déjà disponibles dans la littérature, et/ou sur la
trop technique, ne permettant pas aux sujets auxquels l’étu- base d’hypothèses de travail pertinentes. Par exemple, la
de est proposée d’en comprendre réellement la nature, comparaison d’un nouveau traitement, non encore testé
d’autre part, un document trop long ou trop détaillé ame- mais espéré plus efficace que le traitement de référence
nant le sujet à renoncer à une lecture intégrale et attentive d’une pathologie donnée, nécessitera d’une part de réaliser
de ce document. En la matière, le mieux est souvent l’enne- la synthèse des informations connues pour ce traitement
mi du bien, et l’excès d’information tue l’information. de référence, et d’autre part de formuler une hypothèse de
Ce problème est malheureusement de plus en souvent supériorité du nouveau traitement. Cette hypothèse devra
constaté dans les protocoles thérapeutiques proposés par se fonder sur la différence minimum d’efficacité jugée
l’industrie pharmaceutique, dont la lourdeur amène certains cliniquement pertinente, tout en restant réaliste. Si ces
patients à s’en remettre à l’avis du médecin investigateur conditions sont remplies, il devient alors possible de définir
sans se forger de point de vue personnel sur le protocole. avec une grande précision la taille de la population à étudier
En l’occurrence, la nécessaire subjectivité dont fait preu- pour tester l’hypothèse de travail avec une puissance
ve tout investigateur lorsqu’il propose à un sujet, sain ou statistique adaptée (en général de 95 %, soit 5 % de risque
malade, de participer à une de ses études, doit être souli- d’aboutir à un résultat faussement négatif).
gnée. Son impact peut être majeur dans le cadre d’une Il existe cependant des champs de recherche clinique où
relation de confiance établie entre un médecin investigateur cette approche est mise en défaut, du fait de critères d’éva-
et ses patients, et anéantir le sens même du consentement luation nécessairement multiples. C’est le cas des études en
éclairé. D’où l’importance d’un document écrit de qualité, neuroimagerie où la recherche d’une différence entre
permettant au sujet une évaluation personnelle pertinente groupes ou conditions porte souvent sur l’intégralité du
du protocole qui lui est proposé. cerveau, soit souvent plus de 100.000 voxels. La dépendan-
La balance bénéfice/risque : cette notion fondamentale à ce importante de l’activité de chaque voxel par rapport à
l’appréciation de l’intérêt pour les sujets de participer ou celle de ses voisins, permet de réduire cette problématique
non à une étude, peut être difficile à définir. Elle met aussi des comparaisons multiples à grossièrement celle de 500
en jeu des degrés divers de subjectivité, tant dans l’évalua- structures indépendantes. Pour autant, il reste impossible
tion du bénéfice, que dans celle des risques éventuels. d’y appliquer les règles rigoureuses de calcul d’échantillons
pour l’évaluation d’un critère principal unique. De fait, le
Dans ce cadre, la qualité méthodologique de l’étude et sa calcul du nombre de sujets nécessaires à la réalisation
capacité à pouvoir répondre à la question posée (puissance d’études en neuroimagerie reste à ce jour essentiellement
statistique et taille de l’échantillon adaptées) représentent empirique, fondé sur l’énorme expérience acquise dans ce
des éléments factuels de premier plan, qui occupent de fait domaine. Il en est de même aujourd’hui du domaine de la
une place prépondérante dans l’évaluation des projets de génétique moléculaire, et notamment des études pan-géno-
recherche clinique. La méthodologie doit reposer sur un miques réalisées dans des pathologies multifactorielles
objectif principal, en général unique, se traduisant par une telles la schizophrénie, qui amènent à revoir constamment
hypothèse formulable en termes statistiques. Il s’agit le plus à la hausse le nombre de sujets nécessaires à l’obtention de
souvent de comparer deux ou plusieurs groupes de sujets, résultats robustes.
ou les mêmes sujets dans deux ou plusieurs conditions, avec En conclusion, la recherche clinique représente un champ
l’objectif de mettre en évidence une différence significative d’investigation d’importance croissante dans notre société,
entre groupes ou conditions, pour un critère d’évaluation caractérisé par des contraintes méthodologiques et
principal (ou parfois l’absence de différence dans le cadre éthiques en constante progression. Ces dernières, initiale-
d’études d’équivalence). ment développées dans le cadre particulier des essais
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LA LETTRE - N°40
DOSSIER
thérapeutiques, s’étendent actuellement au domaine plus l’action et de ces cibles et de l’intensité de la réponse thé-
hétérogène de l’exploration physiopathologique, et notam- rapeutique). Elle se base sur des populations de volontaires
ment celui de la génétique moléculaire et des neuros- sains puis des petits groupes de malades homogènes.
ciences cliniques. Un point commun à l’ensemble de ces • La phase 3 est l’évaluation du rapport risque/bénéfice au
approches est l’impact fondamental de la qualité du phéno- cours d’études contrôlées randomisées en double aveugle
typage des patients. Il est de fait fréquent d’observer que sur des grandes populations de patients. Elle peut débou-
l’excellence en recherche clinique s’appuie sur des équipes cher sur une autorisation de mise sur le marché avec une
reconnues pour l’excellence de leur pratique médicale. ■ indication précise.
ryvlin@cermep.fr • La phase 4 est la phase observationnelle de la tolérance
du médicament sur une très large population de patients
L'EXPÉRIENCE DU NEUROLOGUE : LE PROTOCOLE souvent après l’autorisation de mise sur le marché.
PHARMACOLOGIQUE Elle permet de détecter des effets indésirables très rares
David Devos, Dominique Deplanque (Service de ou à long terme.
Pharmacologie Médicale, Univ. de Lille 2), Caroline Moreau
D’un point de vue méthodologique, les protocoles
(Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement, Univ. de Lille 2) doivent être très complets en raison du caractère inter-
ventionnel de l’étude. La recherche pharmacologique
La recherche en santé a pour but d’améliorer la connais- reprend tous les aspects essentiels des essais cliniques, à
sance des mécanismes physiologiques ou physiopatholo- savoir la définition précise d’un objectif, de la méthodologie
giques, le développement d’outils diagnostic ou encore le de l’essai (idéalement, pour être pertinent, l’essai thérapeu-
développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. tique doit être randomisé en “double aveugle” avec comme
La recherche en santé est divisée en recherche non inter- plan expérimental une méthode en groupes parallèles, en
ventionnelle (étude observationnelle, collections (ou collec- “cross over” ou en plan factoriel 2 x 2), de critères de
te) de données ou collections biologiques) et intervention- sélection des patients (les critères “inclusions” et “non
nelle. Cette dernière comprend surtout la recherche inclusions” permettent d’obtenir des groupes homogènes ;
biomédicale à côté de la recherche en soins courants. cependant des critères trop rigoureux peuvent limiter
La recherche biomédicale s’effectue sans ou avec des considérablement les capacités d’inclusion de patients dans
produits de santé. Les produits de santé comprenant des l’étude, rendant l’étude irréalisable), du choix d’un compa-
médicaments ou des dispositifs médicaux. rateur (idéalement, un groupe recevant un placebo ou un
La recherche pharmacologique consiste donc à l’étude traitement de référence), de critères d’évaluation primaires
des mécanismes d’actions et de leurs conséquences lors (un seul) et secondaires et d’un plan d’analyse statistique
d’administration de produits de santé, comprenant les (permettant le calcul a priori du nombre de patients néces-
médicaments déjà commercialisés ou en cours de dévelop- saires, le risque alpha de conclure à tort qu’un traitement
pement mais aussi tout autre produit de santé, comme par est efficace, le risque beta de conclure à tors qu’il ne l’est
exemple, l’administration d’un radiotraceur isotopique ou pas et la puissance statistique des tests statistiques qui
des produits de contraste au cours d’examens radiolo- seront réalisés). Enfin, les aspects éthiques et réglemen-
giques. L’emploi d’une substance ou d’un médicament taires et les effets indésirables devront être également par-
comme outil d’étude d’une hypothèse physiopathologique ticulièrement détaillés pour les essais thérapeutiques.
revêt également tous les aspects d’un protocole pharmaco- S’agissant des aspects éthiques, si le médicament est déjà
logique. Par exemple, l’administration au cours de la phase connu et développé dans d’autres indications, la bonne
de sommeil paradoxal d’une substance anticholinestéra- connaissance du médicament permettra de préciser les cri-
sique peut être utilisée pour augmenter la transmission tères d’inclusion et d’exclusion des patients, les risques d’ef-
cholinergique et donc son influence sur le sommeil et des fets indésirables pour appréhender l’intérêt pour le patient
tâches de mémorisation. Enfin, le protocole pharmacolo- de participer à l’étude en vue de développer une nouvelle
gique peut consister en un essai thérapeutique qui peut indication. En revanche, s’il s’agit d’une molécule non
alors se dérouler selon différentes phases d’évaluation : connue en développement, on procédera prudemment par
• La phase 1 correspond à la phase d’évaluation du risque. les différentes phases d’évaluation (1, 2, 3, 4) précédemment
Il s’agit de la première administration chez l’homme. décrites. Les aspects éthiques et réglementaires prennent
Cette phase définit, chez des volontaires sains, des aussi en considération s’il s’agit d’une étude avec un bénéfi-
courbes de dose-réponse (doses maximales tolérées, ce direct ou sans bénéfice (comme des études mécanis-
cinétiques,… tiques physiopathologiques). Dans la grande majorité des
• La phase 2 correspond à la phase de mesure du bénéfice. études pharmacologiques de type essais thérapeutiques, on
Elle s’appuie sur des études pharmacocinétiques (études considère que le patient peut tirer un bénéfice d’une telle
quantitatives et qualitatives du devenir du médicament) et étude, car il reçoit en plus de sa prise en charge diagnos-
des études pharmacodynamiques (études de la nature de tique et thérapeutique habituelle, un traitement pour tenter
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LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale... (suite)
DOSSIER

de soulager un symptôme dans le cadre des essais théra- Cette collaboration peut s’avérer très intéressante pour les
peutiques symptomatiques ou pour tenter de ralentir deux parties : d’une part, l’investigateur qui reçoit une aide
l’évolution naturelle de la maladie dans les essais thérapeu- financière, d’autre part, le laboratoire pour développer une
tiques dits “disease modifier”. nouvelle indication qu’il n’aurait pas réalisée seul. Cela peut
L’ensemble de ces aspects méthodologiques, réglemen- donc être très profitable pour les patients, les investigateurs
taires et éthiques doit être dûment rédigé par l’investiga- et l’industriel dont les coûts de l’étude sont souvent
teur principal avec l’aide des investigateurs conjoints. beaucoup moins importants que s’il l’avait réalisée seul.
Un projet d’étude est idéalement mené avec l’aide de struc- Lorsque l’ensemble des autorisations et des financements
tures telles que la Fédération de la Recherche dans les est obtenu, l’étude peut débuter avec la nécessité d’inclure
CHRU ou l’INSERM. Un promoteur est désigné comme le un nombre prédéfini de patients selon des critères stricts
CHRU qui contracte une assurance pour cette étude. et dans un temps souvent imparti par le délai de péremp-
La demande d’autorisation s’effectue par le promoteur aux tion du médicament souvent très court, de l’ordre d’un an.
autorités sanitaires, l’AFSSAPS qui, depuis le 01/06/08, est Les difficultés potentielles d’inclusion peuvent être liées
un interlocuteur unique. Celle-ci répondra si l’étude est notamment au caractère parfois trop strict des critères de
conforme dans un délai de 60 jours au promoteur qui sélection et de non-sélection. Par ailleurs, le risque d’effets
transmettra à l’investigateur principal. La protection des indésirables parfois graves peut ou non conduire à des
personnes s’exposant à la recherche biomédicale est assu- sorties d’étude. Le nombre de sorties d’étude a été égale-
rée par le Comité de Protection des Personnes (CPP) de la ment calculé a priori dans le nombre de patients néces-
zone géographique du promoteur. Le CPP s’attachera saires, cependant, si ce nombre devenait trop important, il
notamment à s’assurer que la lettre d’information et tous pourrait mettre en péril la puissance statistique de l’étude.
les documents transmis aux patients sont suffisamment En conclusion, il existe de nombreux écueils dans la mise
clairs pour que le patient puisse donner un avis éclairé sur en place et la réalisation d’un essai thérapeutique. Pourtant,
sa participation ou non à l’étude. On s’assure notamment il s’agit d’un élément essentiel car décisif de la recherche
que le patient a bien compris qu’il est entièrement libre de biomédicale qui permet de vérifier chez les patients la per-
participer et d’arrêter quand il le souhaite et que cela ne tinence d’un ou plusieurs mécanismes physiopathologiques
changera pas sa prise en charge. Le CPP émet un avis dans suspectés et surtout de permettre d’améliorer la santé des
les 35 jours qui peut-être favorable ou demander des com- patients au travers de la prise en charge thérapeutique.
pléments d’information ou être suspensif. Les relations À titre d’exemple, en neurosciences, il existe de très nom-
entre les investigateurs et les sujets de l’étude sont régies breuses études expérimentales pertinentes sur les méca-
par les lois Huriet de 1988, des directives européennes de nismes de la mort neuronale avec des pistes concrètes de
2001, des lois de bioéthiques de 2004 et des derniers traitements “disease modifier”. Pourtant, peu d’essais théra-
décrets d’application de 2006. peutiques permettent de valider de nouvelles stratégies
Un aspect très important de la recherche pharmacolo- thérapeutiques. L’association des études expérimentales et
gique et surtout des essais thérapeutiques est représenté cliniques devrait être plus précoce et plus importante et la
par les coûts souvent très élevés de ces études. En effet, facilité de mise en place d’études thérapeutiques pilotes sur
l’établissement d’un placebo comparable au produit actif un faible nombre de patients devrait permettre de relever
pour assurer le “double aveugle” est très onéreux. ce très grand défit à venir pour les neurosciences. ■
De même, la sécurité sociale ne prend pas en charge les David.devos@chru-lille.fr
coûts des consultations, hospitalisations et transports qui dominique.deplanque@univ-lille2.fr
caroline.moreau@chru-lille.fr
viennent en supplément de la prise en charge habituelle de
la maladie. Deux types d’essais thérapeutiques peuvent
alors se rencontrer : soit une étude purement industrielle LE RÔLE DES FINANCEMENTS PHRC (PROGRAMME HOSPITALIER
en vue notamment d’un dépôt d’autorisation de mise sur le DE RECHERCHE CLINIQUE)
marché, soit une étude académique avec un partenariat Jean-Pierre Duffet (DGOS-SDPF-PF4, Chargé des AAP PHRC,
industriel. En effet, l’industrie pharmaceutique peut alors PRT), Marie Lang (DGOS-SDPF-PF4, Chargée DRCI, DIRC, CIC)
être un partenaire privilégié en plus des organismes de
financement de la recherche (gouvernementaux ou privés). Le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC)
Ils peuvent ainsi aider le développement d’une nouvelle est piloté par le bureau de l’innovation et de la recherche
indication d’une de leur molécule, sous la responsabilité de clinique (bureau PF4, sous la direction du Pilotage de la
l’investigateur principal. Cette collaboration est alors spéci- performance des acteurs de l’offre de soins), de la Direction
fiée dans un contrat passé entre l’industriel, le promoteur Générale de l’Offre de Soins (DGOS). Il a vocation à finan-
et l’investigateur principal qui définit les modalités d’infor- cer, en crédits d’assurance-maladie, des études obéissant à
mation et d’utilisation des données scientifiques. la définition générale de la recherche clinique, c'est-à-dire

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LA LETTRE - N°40
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une recherche effectuée chez l’homme et dont la finalité est L.1121-1 et suivants du CSP et un avis final argumenté de
l’amélioration de sa santé dans le respect de la personnali- l’expertise. Les rapporteurs et les experts sont préalable-
té et de l’intégrité de chaque individu. Elle est située en aval ment prévenus que leurs évaluations, anonymes, seront
de la recherche fondamentale qui lui est indispensable et transmises aux porteurs des projets.
sur laquelle elle s’appuie mais dont elle est distincte, et de Une ou plusieurs journées de réunion sont nécessaires
la recherche translationnelle qui assure le continuum entre pour permettre aux rapporteurs des CNRC et CIR2C de
recherche fondamentale et recherche clinique. Le dévelop- proposer par un avis collégial la liste des projets et leurs
pement de l’activité de recherche clinique dans les établis- financements à retenir au Ministre de la santé. Un avis moti-
sements de santé conditionne à terme la qualité et le vé des comités scientifiques des DRCI est transmis à la
progrès des soins et constitue un axe stratégique majeur de DGOS sur chacun des projets déposés et complète celui
la politique de santé. des rapporteurs en séance plénière. Les résultats (ou leur
Depuis 1993, le PHRC fait l’objet d’un appel à projet absence) du suivi du déroulement des projets des
(AAP) national annuel sur des axes thématiques définis par programmes des années antérieures sont pris en compte et
le Ministre de la santé en accompagnement des plans de peuvent influer sur l’avis final. À l’issue de cette présélec-
santé publique définis dans le cadre de la stratégie de sa tion, le Ministre de la santé décide des projets qui seront
politique de santé. Il est accompagné d’un “programme définitivement retenus en fonction du budget disponible.
blanc” (impact des stratégies, essais cliniques, réseaux thé- La modulation des avis des rapporteurs est organisée de
matiques). Depuis 2005, l’axe cancérologie de l’AAP natio- manière à permettre à des projets mal finalisés lors de la
nal est géré en partenariat avec l’Institut National du première sélection, d’être représentés l’année suivante.
Cancer. En 2001, un AAP régional devenu interrégional en Schématiquement, les études interventionnelles randomi-
2006, est venu compléter l’AAP national. L’AAP interrégio- sées correspondantes au champ de la recherche clinique tel
nal, géré par les Délégations Interrégionales à la Recherche que défini en préambule doivent être déposées dans un
Clinique (DIRC) dans une logique de réseau, est circonscrit PHRC. Depuis 2007, ont été lancés des AAP de recherche
à des problématiques inscrites dans un cadre géographique translationnelle (transmission de la connaissance entre
plus restreint avec des niveaux de financement moins chercheurs et médecins, soutenus par les centres d’investi-
élevés. Les thématiques de l’AAP national sont exclues du gation clinique (CIC), à l’interface des programmes de
champ de l’AAP interrégional. recherche fondamentale (concept, modèle animal ou
La sélection (évaluation ex ante, au préalable) des projets mathématique) et de recherche clinique. Ce programme de
déposés à l’AAP national est assurée par un comité natio- recherche translationnelle a été institué en partenariat avec
nal de la recherche clinique (CNRC) et un comité interna- l’Inserm, financé à 50 % par des crédits assurance-maladie
tional de la recherche clinique cancer (CIR2C) distincts. ou INCA et 50 % des crédits Inserm. Si le projet implique
En 2010, 75 % des rapporteurs de projets, membres du un dispositif médical (DM) qui ne dispose pas du marquage
CNRC (37), étaient des PU-PH avec une valence Inserm ; européen CE et/ou un médicament sans autorisation de
24 % de ceux du CIR2C (33) étaient Européens. mise sur le marché (AMM) ou autorisation temporaire
Les membres des comités sont nommés par le Ministre de d’utilisation (ATU) le passage par un PHRC devient obliga-
la santé sur une liste de candidats, internationalement toire. À cette phase de son développement, le DM et/ou le
reconnus pour l’excellence de leurs travaux de recherche médicament sont à la charge de l’industriel.
clinique dans leur discipline, pour une durée de 3 ans non Le financement des PHRC par les crédits d’assurance-
renouvelable. Chaque rapporteur désigne trois experts maladie est fixé pour une durée de 3 ans (50 % la premiè-
français ou étrangers (CNRC 2010 : 1500 experts dont 52 re année et 25 % les deux suivantes). Ces crédits d’assu-
% liés à l’Inserm et 4-5 % d’étrangers) par projet déposé qui rance-maladie ne peuvent être délégués qu’à l’établissement
ont préalablement signé une déclaration de non-conflit d’in- de santé promoteur dans lequel est affecté le chercheur
térêt. En ce qui concerne l’AAP interrégional, ce sont les investigateur. Le délai moyen pour l’obtention du résultat
comités scientifiques des DIRC qui assurent la sélection final d’un projet du PHRC est de 7 à 10 ans en fonction de
(évaluation ex ante) des projets avec des experts issus des sa nature. Le “contrat” établi entre les investigateurs et la
interrégions voisines. Les grilles d’expertises de chaque DGOS doit être finalisé par la publication des résultats du
projet sont transmises aux rapporteurs qui en assurent la projet dans une revue internationale d’excellence à comité
synthèse selon un format de rapport standardisé. de lecture. Sur la publication, doit apparaître la mention
Les grilles d’évaluation des experts et des rapporteurs “The study received a grant from the Programme
comportent 4 rubriques à renseigner : une évaluation scien- Hospitalier de Recherche Clinique XXXX (année de sélec-
tifique (originalité, méthodologie, faisabilité et utilité notées tion)”. À terme, il conviendra de développer un indicateur
chacune de 1 à 4), une évaluation de la demande financière d’impact de la recherche sur la prise en charge des patients.
du projet, une évaluation éthique au regard de l’article L’ambition de la structure de concertation “alliance pour

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LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale... (suite)
DOSSIER

les sciences de la vie et de la santé” (AVIESAN) réunissant


le CEA, le CNRS, la Conférence des directeurs généraux de
CHRU, la Conférence des présidents d’universités, l’Inra,
l’INRIA, l’Inserm, l’Institut Pasteur, l’IRD et l’ANR en
membre associé, est d’assurer la coordination entre les
Exemple : organigramme du personnel dans un CIC
différents programmes d’AAP pour couvrir tout le champ plurithématique.
de la recherche en biomédecine, sciences de la vie et santé
publique.
Depuis 2007, un programme annuel de recherche sur la • CIC plurithématiques (CIC-P) : ils ont pour mission de
qualité hospitalière a été développé en partenariat avec la développer la recherche clinique en collaboration avec les
Haute Autorité de Santé (HAS), sur crédits assurance-maladie. structures de recherche fondamentale (INSERM, universi-
Depuis 2010, un programme annuel de recherche té). La très grande majorité des CIC plurithématiques ont
infirmière a été mis en place, sur crédits assurance-maladie. une activité scientifique ciblée sur un petit nombre d’axes
Il sera étendu en 2011 à l’ensemble des 12 professions thématiques correspondant aux axes prioritaires du site.
paramédicales (infirmiers, masseur-kinésithérapeutes, Il peut s’agir d’axes thérapeutiques tels que le système
pédicure-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, nerveux central, cardiovasculaire, oncologie etc.
orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradio- • CIC d’épidémiologie clinique (CIC-EC) : ils conduisent
logie médicale, techniciens de laboratoire médical, principalement des études de grandes cohortes ;
audioprothésistes, opticiens-lunettiers, prothésistes et • CIC innovations technologiques (CIC-IT) : ils sont dédiés
orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées à l’évaluation des biomatériaux, des dispositifs médicaux
et diététiciens). ■ utilisés pour le diagnostic ou le traitement de certaines
jean-pierre.duffet@sante.gouv.fr maladies ;
marie.lang@sante.gouv.fr
• CIC intégrés en biothérapies (CIC-BT) : ils ont pour
mission de réaliser des projets de recherche en thérapie
cellulaire et génique, immunothérapie et vaccination.
LE CENTRE D’INVESTIGATION CLINIQUE (CIC) Chaque CIC est soumis tous les quatre ans à une évalua-
Stéphanie Dornier (Unité de Recherche Clinique, Hôpital tion scientifique sur le modèle de l’évaluation des unités de
Pitié-Salpêtrière, Paris) recherche. Le comité d’évaluation est composé d’hospitalo-
universitaires et de chercheurs nommés par l’Inserm et la
Implanté dans un centre hospitalier universitaire (CHU), Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS).
le centre d’investigation clinique (CIC) est une infrastructu- Aujourd’hui, les CIC occupent une place importante au
re de recherche clinique mise à la disposition des investiga- sein de l’hôpital car ils contribuent à l’essor, à la dynamique
teurs pour y réaliser leurs projets de recherche clinique. et à l’animation de la recherche clinique. ■
Les investigateurs peuvent donc réaliser leurs projets de stephanie.dornier@psl.aphp.fr
recherche institutionnelle ou industrielle portant sur
l’Homme sain ou malade. PETITES QUESTIONS D’ÉTHIQUE À SE POSER LORSQU’ON EST
Il peut s’agir de projets visant à mieux comprendre une CHERCHEUR EN NEUROSCIENCES ET QUE L’ON EXPÉRIMENTE
maladie et dont l’idée est née des résultats des travaux dans CHEZ L’HOMME…
les laboratoires de recherche, de l’Inserm par exemple. Christine Assaiante (Pôle 3C, Marseille)
Il peut également s’agir de projets testant de nouveaux
traitements. Lorsque la loi Huriet a été rédigée, son objectif principal
Cette structure comprend des lits d’hospitalisation, du n’était vraisemblablement pas de réglementer spécifique-
matériel technique d’investigation avec des personnels ment les “bonnes pratiques” de la recherche scientifique en
soignants spécialement formés et qualifiés aux bonnes Neurosciences Cognitives ou en Psychologie Expérimen-
pratiques de recherche clinique. Cette structure garantit tale. Néanmoins, au fil des adaptations successives de la loi
donc la sécurité des personnes qui se prêtent à la et de sa mise en conformité avec la législation européenne,
recherche et la qualité de la recherche. son périmètre d’application s’est considérablement élargi,
La diversité des besoins des CHU et des chercheurs a laissant actuellement peu d’études expérimentales au bord
conduit à mettre en place plusieurs modules de CIC ; en du chemin des comités de protection des personnes, les
effet, depuis la création du premier CIC en 1992, il existe “fameux” CPP.
aujourd’hui un réseau national de 24 CIC plurithématiques, L’expérimentation chez l’homme, même réduite au
11 CIC dans le domaine de l’épidémiologie clinique, 7 CIC domaine des Neurosciences Cognitives, comprend un large
dans le domaine des biothérapies et 8 dans le domaine des éventail de méthodologies depuis les simples question-
innovations thérapeutiques : naires, jusqu’aux investigations cérébrales. Se pose donc

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LA LETTRE - N°40
DOSSIER
légitimement la question de savoir si cette recherche est antérieures aux années 2000 ont une validité permanente,
reconnue comme “invasive” pour le sujet. Si l’on travaille à condition, bien évidemment, de ne pas détruire ou trans-
chez le sujet sain adulte sur la base de questionnaires et de former les précieux locaux en question !
recherches comportementales, le doute est encore admis. La recherche d’un promoteur constitue actuellement la
En revanche, quelle que soit sa méthodologie, si l’on difficulté la plus tenace à surmonter. Qui peut être promo-
travaille chez le sujet pathologique, chez l’enfant ou chez la teur ? En théorie, toute personne ou organisme public ou
personne âgée, leur qualité de “vulnérabilité” reconnue par privé qui se chargera d’acquitter les frais d’assurance inhé-
la loi doit nous conduire à envisager, dès à présent, une rents à l’étude envisagée. En pratique, les promoteurs sont,
demande d’autorisation auprès des CPP. le plus souvent, des organismes publics comme les
Autre façon de se poser la question, lorsque vous rédigez Universités, l’INSERM, le CNRS, l’Assistance Publique des
vos papiers ou encore une demande de financement à la Hôpitaux de diverses grandes villes… La durée, souvent
rubrique “sujets”, avez-vous déjà pris l’habitude de rajouter longue pour obtenir l’accord des promoteurs, est fonction
une phrase évasive mais néanmoins informative sur le fait des dits organismes et elle peut varier considérablement de
que votre étude a été approuvée par un comité d’éthique l’un à l’autre, tout comme peut varier la qualité des conseils
local ! Si tel est le cas, vous avez déjà fait un pas significatif d’aide au montage des dossiers que l’on reçoit… ou pas !
sur la route sinueuse de la nécessité de monter un dossier Néanmoins, cette étape est absolument indispensable afin
éthique. de pouvoir déposer votre étude à l’un des CPP de votre
Si le doute subsiste encore dans votre esprit de choix qui se trouvent dans votre région.
chercheur, parce que votre expérimentation chez l’enfant Avec un promoteur, une attestation d’assurance et un
n’est absolument pas invasive et que vos sujets sont de véri- investigateur principal de l’étude, qui est obligatoirement un
tables petits rois que vous entourez de toutes les attentions médecin, votre programme de recherche peut maintenant
possibles, n’hésitez pas à contacter un CPP proche de votre être présenté à un CPP. Dans le cadre de l’application de la
lieu de travail ou mieux, prenez rendez-vous pour en discu- loi actuelle et de la suivante (loi Jardé qui vient d’être discu-
ter de vive voix. Le président du CPP et/ou la secrétaire tée devant le sénat), il est important de rappeler qu’en
sont aussi là pour vous aider dans vos questionnements et qualité de chercheur, vous n’occuperez pas la fonction d’in-
dans vos démarches. Ils sont disponibles en dehors des vestigateur principal, mais de co-investigateur scientifique.
séances plénières qui réunissent mensuellement l’ensemble Cette lacune bien légitime de la part de nombreux collègues
des membres du CPP pour débattre des protocoles propo- chercheurs sera de toute façon systématiquement corrigée
sés. Au besoin, ils vous fourniront une précieuse attestation par les CPP. À ce propos, la plupart des CPP possède des
précisant que votre étude ne relève pas de l’autorité du sites internet sur lesquels sont détaillées les présentations
comité de protection des personnes. Dans les autres cas, optimales des dossiers. Je ne saurais trop vous conseiller de
il faut envisager de monter le dossier en vue d’obtenir l’in- vous en inspirer largement afin de faciliter la lecture de
dispensable “sésame” pour expérimenter, publier et deman- votre étude par les membres du CPP. Sur ces sites figurent
der des financements en toute légalité et… tranquillité ! également les calendriers des réunions du comité ainsi que
Vous voilà maintenant convaincu de l’utilité de la les dates limites de soumission des dossiers.
démarche et vous vous posez la question de savoir com- L’examen de votre programme de recherche par le CPP
ment faire un dossier éthique et obtenir les avis favorables se fait en session plénière devant l’ensemble des membres
dans les meilleurs délais. Un préalable est absolument indis- après avoir été présenté par deux ou trois rapporteurs,
pensable : savoir où aura lieu l’expérimentation envisagée. certains plus focalisés sur les objectifs scientifiques et les
Dans un hôpital ? Bonne réponse ! Dans ce cas, vous venez moyens de les explorer et d’autres plus focalisés sur la per-
de franchir brillamment la première difficulté car il n’y a pas tinence et la clarté des informations adressées aux sujets.
de nécessité d’être en possession d’un indispensable agré- Aussi clair et incontestable que soit un projet scientifique,
ment des locaux. En revanche, si l’expérimentation a lieu il est rare qu’il n’existe pas quelques compléments à appor-
dans le laboratoire, il est important de savoir s’il existe un ter dans la compréhension du protocole, afin, notamment,
agrément des locaux dans la pièce où se dérouleront les de faciliter la communication entre l’expérimentateur et le
expériences. Si tel est le cas, ouf ! Un premier cap décisif en sujet. Généralement, à l’issue du premier examen, il est
terme de temps est franchi. Petite précision : il est impor- demandé un certain nombre de compléments par le comi-
tant de connaître la date à laquelle a été obtenu l’agrément té. S’ils sont minimes, ces compléments peuvent aboutir, dès
des locaux. En effet, les agréments des locaux qui sont déli- réception, à l’avis favorable du CPP pour le démarrage de
vrés actuellement par la DDASS (Direction votre étude. Si les compléments sont plus importants, leur
Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales), au prix réponse sera à nouveau examinée par les rapporteurs et
d’une démarche assez longue, sont d’une durée de 5 ans et discutée en séance plénière, lors de la prochaine session qui
nécessitent d’être activement renouvelés pour conserver suit la réception du courrier. Actuellement, les CPP ne
leur validité. Les autorisations plus anciennes, par exemple disposent que d’un seul aller-retour avec les responsables

13
LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale... (suite)
DOSSIER

du projet. À l’issue de ces échanges une décision sera prise, responsable et à l’amélioration des pratiques scientifiques.
qui aboutit dans le plus grand nombre de cas à un avis favo- Ces comités (IRB), composés de professeurs et de divers
rable de la part du CPP. membres de l’université, se réunissent régulièrement
Reste alors à communiquer votre autorisation à votre durant l’année académique pour évaluer les dossiers scien-
promoteur afin qu’il puisse procéder à la déclaration de tifiques soumis à l’approbation éthique, dans le cadre
mise en œuvre d’une recherche biomédicale auprès des d'études impliquant des participants humains. Le dossier
autorités compétentes et vous communiquer en retour un scientifique comprend un questionnaire clair rapportant les
numéro d’enregistrement. Gardez-vous bien de perdre ce informations les plus exhaustives possibles sur le design
précieux numéro, que vous pourriez avoir à fournir à des expérimental, le recrutement des participants, leur rémuné-
revues scientifiques lorsque l’heure sera venue de ration (indemnisation) et la collecte, l’analyse et le stockage
soumettre le fruit de votre travail à la sagacité de la com- des données les concernant. L'élaboration de ce question-
munauté scientifique internationale. Enfin, il est important naire nécessite de la part des expérimentateurs d’identifier
de savoir qu’il est également possible d’apporter des “modi- les problèmes éthiques réels ou potentiels qui pourraient
fications substantielles” à un protocole qui a initialement survenir au cours de l’étude et de trouver des solutions
reçu un avis favorable du CPP. Cela peut concerner une pour y remédier. Par exemple, certaines catégories de per-
augmentation du nombre de sujets, un allongement de la sonnes sont considérées comme “vulnérables” : les enfants,
durée de l’étude, un changement de lieu d’expérimentation les personnes handicapées ou malades, les étudiants.
ou encore des co-investigateurs. Si les changements sont Les chercheurs doivent faire particulièrement attention à
plus massifs, avant toute nouvelle soumission, il est recom- ne pas sombrer dans l'abus de participation et rester
mandé de consulter directement le CPP pour adopter la raisonnables quant à la sollicitation des participants. Dans le
meilleure solution. Les conseils recueillis sont précieux et le cas des étudiants, confrontés à des relations hiérarchiques
gain de temps toujours appréciable. avec leurs enseignants-chercheurs, il est primordial de déve-
Au début difficile et caillouteux, le parcours sur le chemin lopper des procédures de recrutement des participants qui
de l’éthique peut se révéler au final un excellent exercice ne mettent pas de pression, directe ou indirecte, sur ces
“obligé” d’argumentation et de clarté scientifique ! ■ individus pour qu’ils participent aux expériences de maniè-
re volontaire et sans ambiguïté. Cette participation ne doit
christine.assaiante@univ-provence.fr pas être liée à leur réussite (crédits obtenus après passation
d’une expérience) ou simplement parce qu’il est difficile de
ÉTHIQUE ET UNIVERSITÉ : UNE EXPÉRIENCE AMÉRICAINE dire “non” à des personnes en position de force.
Pauline Welby (Laboratoire Parole et Langage, UMR 6057, Les universités américaines encouragent, voire même
CNRS/Université de Provence/Université de la Méditerranée) exigent des chercheurs (étudiants ou professeurs) qui
conduisent des recherches sur des participants humains, de
Les universités américaines recevant des financements du suivre des sessions de formation, diffusées soit sur le cam-
gouvernement fédéral doivent avoir leur propre comité pus, soit en ligne. Ces formations présentent un historique
d’éthique local, ou Institutional Review Board (IRB). du développement des IRBs, incluent les principes de base
Ces institutions sont chargées de veiller à la protection des du concept de responsabilité, de la recherche éthique, du
participants humains dans le cadre des recherches compor- respect et de la protection des participants aux recherches,
tementales et biomédicales. La grande majorité des univer- la préservation de l’anonymat des personnes et le consen-
sités est concernée par cette obligation. tement libre et éclairé. Ainsi, le consentement est bien plus
Ces comités d’éthique universitaires ont été établis en qu’une simple obligation technique pour collecter des
grande partie afin d’éviter des dérives scientifiques, notam- signatures sur un formulaire. Il implique que le participant
ment les abus faits au nom de la science, dans la recherche potentiel doit être informé des buts généraux de l’étude, de
médicale ou en sciences sociales. Les atrocités des expé- la tâche à accomplir, des risques et des bénéfices mais aussi
riences médicales en Allemagne nazie, l’expérience sur du droit de se retirer de l’étude sans aucune sanction.
l'évolution naturelle de la syphilis dans la population noire à L’IRB rend sa décision par écrit après avoir débattu d’un
Tuskegee en Alabama, siège d’un drame qui dura quarante dossier. La décision commence par l’approbation ou pas du
ans ou encore l’expérience monstrueuse réalisée sur des projet de recherche et le détail des changements néces-
enfants bègues à qui l’on donnait des feedback négatifs, pour saires qui doivent être réalisés avant qu’un protocole ne
ne citer que celles-ci, sont autant de dérives de la science soit utilisé et que l’étude ne commence. Certains départe-
qui ont participé à la prise de conscience des chercheurs en ments et laboratoires utilisent des “protocoles blancs”
matière d’éthique et de respect d’autrui. Ces institutions et permettant aux chercheurs de réaliser des expériences
la procédure éthique en général jouent un rôle essentiel, similaires à celles dont le consentement a déjà été approu-
non seulement en protégeant les participants mais aussi en vé, sans avoir à soumettre à nouveau une demande au
sensibilisant les chercheurs à la pratique d’une recherche comité avant chaque nouvelle étude. Ceci s’applique, par
14
LA LETTRE - N°40
DOSSIER
exemple, pour des expériences standards de psycholinguis- ÉTHIQUE ET UNIVERSITÉ FRANÇAISE : UN DYNAMISME NAISSANT
tique pour lesquelles des temps de réaction sont collectés Pauline Peri (Laboratoire Parole et Langage, UMR 6057,
après la présentation de stimuli à l’écrit ou à l’oral. CNRS/Université de Provence/Université de la Méditerranée)
Lorsqu’un protocole ne remplit pas les conditions néces-
saires d’éthique et que la version approuvée n’est pas “La civilisation a pour but, non pas le progrès de la
respectée, des sanctions sévères sont appliquées. Ces science et des machines, mais celui de l'homme”. Citation
sanctions peuvent aller jusqu'au retrait des financements d’Alexis Carrel(1) dans L’Homme, cet inconnu.
fédéraux pour la recherche ou même le rejet d’une thèse Il est admis que si une recherche et les découvertes qui
doctorale au moment de la soutenance. en découlent nuisent au bien être de l’homme, alors, il ne
La plupart des recherches en phonétique et psycholin- peut être considéré comme un progrès. Néanmoins,
guistique, par exemple, sont non invasives et ne portent comment évaluer objectivement les risques que peuvent
aucune atteinte à l’intégrité physique des participants. comporter les recherches scientifiques, en jaugeant équi-
Cependant, dans une université américaine, les recherches tablement ces risques et leurs applications ? Précisément,
de ce type requièrent l’approbation préalable de l’IRB. Des ces applications qui amènent à rejeter certaines
informations d’ordres personnel et médical (niveau d’édu- recherches dont les développements ultérieurs à la
cation, déficits neurologiques, dysfonctionnements langa- découverte, sont jugées dangereuses. Quand et comment
giers, troubles développementaux, etc.) sont nécessaires doit-on réagir et départager les motivations scientifiques
avant le début de la passation. Ces informations peuvent qui mènent à des innovations ou à des ambitions mal
déstabiliser la personne qui préférerait conserver ces contrôlées ? En effet, les limites entre science et science-
informations privées. De plus, lorsque des enregistrements fiction sont parfois ténues. C’est peut-être le cas des
audio et vidéo sont réalisés, le stockage et l’utilisation de ce nanotechnologies, des recherches sur les cellules souches
type de données posent un défi éthique lié au devoir de ou sur le clonage, pour ne citer que celles-ci.
rendre anonyme tous ces recueils d’informations, l’identifi- Les considérations éthiques sont au centre de ces
cation des individus par les traits du visage ou par leur voix réflexions sur les évolutions “possibles ou permises” de la
étant tout à fait possible. Toutefois, la mouvance actuelle recherche scientifique. Une grande attention est portée
tend à s'orienter vers un cadre unique concernant les aux recherches scientifiques portant sur des populations
recherches interventionnelles et non interventionnelles. humaines notamment dans le domaine biomédical ou des
Des comités similaires à ceux décrits jusque-là pour- sciences humaines et sociales. L’éthique vise à protéger
raient être systématisés en France, un dynamisme naissant... l’intégrité physique et psychologique des participants, et
D’un point de vue pratique, et de manière croissante, des tente d’assurer ces personnes contre les préjudices
recherches en collaboration avec des partenaires améri- potentiels. Aux États-Unis, les universités sont dotées
cains requièrent que tous les principaux investigateurs, d’IRB (Institutional Review Boards) (voir l'article de
incluant ceux rattachés à des laboratoires de recherche Pauline Welby dans ce Dossier). Ces comités indépendants
hors États-Unis, doivent suivre les sessions de formation en d’éthique ont pour mission de surveiller et d’approuver le
ligne sur les principes éthiques de la recherche. bien fondé des recherches biomédicales et comporte-
Actuellement, de nombreux journaux scientifiques exigent mentales portant sur des êtres humains. Leur mission
l’approbation du protocole par un comité d’éthique avant consiste à protéger les droits et les intérêts des per-
l’acceptation de publication. sonnes, ce qui les autorise à demander des modifications
Au-delà de ces considérations pratiques, en tant que de protocoles avant que l’accord ne soit donné.
chercheurs, de nombreuses responsabilités nous incom- En France, les instituts de recherche se sont dotés de
bent, non seulement de respecter les principes éthiques de comités d’éthique telle que le COMité d'Ethique du
la recherche mais aussi de transmettre ces valeurs aux CNRS (COMETS). De plus, de nombreux journaux scien-
étudiants et à la communauté au sens large. Le participant tifiques exigent l’approbation du protocole par un comité
à qui on reconnaît des droits, qui est traité avec respect, qui d’éthique avant l’acceptation de publication.
donne un consentement libre et éclairé et est ensuite Ainsi, les universités françaises se dotent elles-aussi de
informé des hypothèses et buts dans la session de débrie- comités d’éthique qui donnent un avis consultatif concer-
fing, repart avec ce sentiment juste qu’il est un membre à nant les recherches impliquant des participants humains.
part entière du processus scientifique et de la création de C’est le cas du comité d’éthique de l’université de
nouvelles connaissances. ■ Provence, crée depuis plus d’un an. À l’instar d'un CPP, le
conseil se compose de quatorze membres : juristes,
pauline.welby@lpl-aix.fr psychologues, sociologues, biologistes, philosophes et
médecins. La variété des disciplines scientifiques repré-
sentées permet de donner des points de vue riches et
variés sur les questions éthiques sur lesquelles le comité
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LA LETTRE - N°40
Recherche biomédicale... (suite)
DOSSIER

doit plancher. Il se propose de fournir des avis sur des La question des nanotechnologies par exemple a fait
dossiers scientifiques pouvant être invasifs, intervention- l’objet de débats au sein du comité de l'Université de
nels ou simplement observationnels. L’avis du comité n’est Provence.
pas obligatoire mais représente souvent une étape prépa- Comme il a été dit plus avant, les universités gagne-
ratoire à la constitution des dossiers susceptibles d'être raient à généraliser ce type de comité en leur sein, à les
présentés devant un Comité de Protection des Personnes rendre plus visibles et à en faire de véritables institutions,
(CPP). L’avis consultatif permet de sensibiliser les cher- lieux de réflexion et d’échange vers une seule et même
cheurs en évaluant en quoi la procédure de recherche voie : celle de la recherche responsable. Car, comme le
implique une conduite éthique et déontologique. Au-delà disait Claude Levi-Strauss(2) dans Le Cru et le Cuit :
des modifications du protocole, le comité s’enquiert éga- “Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies
lement des questions de responsabilités (assurances, réponses, c’est celui qui pose les vraies questions”. ■
promoteurs) ainsi qu’aux formulaires de consentement pauline.peri@lpl-aix.fr
éclairé permettant de garantir l’autonomie et l’intégrité
personnelle des participants. Ce comité se réunit égale- Références
ment pour débattre de questions éthiques qui ébranlent (1)
Carrel, A. (1935). L’Homme, cet inconnu. Paris : Plon
le monde scientifique et dont même la société s’est saisie. (2)
Levi-Strauss, C. (1964). Mythologiques. Le Cru et le cuit. Paris : Plon

À la rencontre des Neurosciences Françaises


par Alain Chédotal et Stéphane Oliet

Le 15 novembre 2010, s'est tenue à San Diego à l'occasion du congrès de la SFN, une soirée
conviviale destinée principalement à présenter, à des post-doctorants français actuellement à
l'étranger, les principaux centres de Neurosciences français et les programmes de retour.

C
ette rencontre a été un L'organisation de cette soirée a été
réel succès puisque plus possible grâce au soutien financier et
de 200 personnes y ont logistique de l'Ambassade de France à
participé, dont une centaine de Los Angeles (et plus particulièrement
jeunes chercheurs. Mme M. Guyader), de l'ENP, la fondation
A. Brice (Directeur de l'ITMO Voir et Entendre, l'institut de la Vision,
Neurosciences) a exposé la nou- l'Institut des Neurosciences de
velle organisation des structures Grenoble, le Neurocentre Magendie,
de la recherche française, notam- l'Institut des mala-
ment autour de l'alliance nationa- dies neurodégéné-
le pour les sciences de la Vie et ratives (Bor-deaux),
de la Santé, (Aviesan) ainsi que les programmes de l'Institut Interdisci-
retour (ANR, ATIP-AVENIRS). J.-A. Girault (Institut du plinaire des neuros-
Fer à Moulin) a présenté les réseaux Franciliens : ciences (Bordeaux),
École de Neurosciences de Paris (ENP) et le Centre des
Neuropôle. Neurosciences de
S. Oliet (Neurocentre Magendie, Neurocampus Lyon et la Société
Bordeaux) et C. Feurstein (Institut des Neurosciences de des Neurosciences.
Grenoble) ont présenté leurs instituts de recherches, Cette initiative
les programmes d'accueil de jeunes équipes et les futurs sera renouvelée à l'occasion du prochain congrès de la SFN
développements locaux. qui se tiendra à Washington cet automne (contact :
Enfin, A. Nieoullon (IBDML, Président de la Société des V. Castellani : valerie.castellani@univ-lyon1.fr). ■
Neurosciences) a commenté les actions de la Société des
Neurosciences envers les jeunes chercheurs. Les discussions alain.chedotal@inserm.fr
se sont prolongées tard dans la soirée autour d'un buffet. stephane.oliet@inserm.fr

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES

NOUVEAUTÉS EN
La révolution optogénétique dans la
biologie moderne
par Philippe Isope et Matilde Cordero-Erausquin

Les systèmes optogénétiques combinent les avancées du génie génétique avec les nouvelles
technologies d'illumination optique et ont permis d’atteindre l’un des “Graal” des sciences
biologiques modernes : la capacité de visualiser ou contrôler un événement dans un type cellulai-
re ciblé génétiquement, à un temps défini et dans un système intact. Loin d’intéresser seulement
les électrophysiologistes, cette approche ouvre également des perspectives nouvelles aux
biologistes cellulaires et aux comportementalistes.

Bref historique

Au début des années 2000, le groupe de Miesenböck a


réussi à faire co-exprimer trois éléments de la cascade
de transduction de la rhodopsine d’invertébrés
(arrestin-2, rhodopsine et sous-unité α de la protéine G)
dans des neurones de mammifères, tout en complémen-
tant les neurones avec du rétinal, le chromophore sensi-
ble à la lumière(1). Les neurones transfectés répondent à
la lumière par une dépolarisation entraînant une
décharge de potentiels d’action, cependant la triple
transfection rend la technique peu reproductible.
L’optogénétique a pris son envol et son nom avec l’utili- Figure 1. Les molécules photoactivables

sation des opsines microbiennes (en particulier la chan- (1) Ionotropiques. (a) En plus de la famille des ChR2, activables à 470nm,
la VChR 1 a une activation à 535-589nm(5). Dans certains variants, le canal
nelrhodopsine-2, ou ChR2) par le groupe de Karl est fermé par une longueur d'onde différente. (b) L’halorhodopsin (NpHR)
Deisseroth(2,3). L’intérêt de ce canal cationique trans- est une pompe Cl- photoactivable par de la lumière jaune. Elle permet d’hy-
perpolariser le neurone et donc de supprimer rapidement les potentiels d’ac-
membranaire activable par la lumière est qu’il accepte
tion(6). (c) Dans la famille des “photo-interrupteurs”, un analogue du gluta-
comme chromophore le rétinal produit de façon mate est associé à une chaîne photoisomérable et lié de façon covalente à
endogène par les cellules de mammifères, et que le une cystéine introduite dans la séquence d’un récepteur glutamatergique.
Lorsqu’elle est illuminée à 380 nm, la chaîne change de géométrie et
rétinal peut se régénérer sans l’aide d’une autre positionne l’analogue du glutamate dans le site de liaison du récepteur,
molécule. On peut ainsi induire l’expression stable de la activant ainsi le canal. Avec une lumière à 500 nm, la géométrie est réversée
et le canal désactivé(7). Le HyLighter est un récepteur photoactivable inhibi-
ChR2 dans des neurones de mammifères et les dépo-
teur, puisque son pore provient d’un récepteur glutamatergique bactérien
lariser par de brefs pulses de lumière bleue. La résolu- ayant un canal K+ alors que son site de liaison provient d’un récepteur
tion temporelle de l’activation de la ChR2 est de l’ordre kainate de mammifère, rendu sensible à la lumière(8).
(2) Entraînant une cascade biochimique. (d) On peut créer une forme
de la milliseconde, rendant cette approche compatible photoactivable de la GTPase Rac1 en la fusionnant au domaine photo-sen-
avec l’échelle de temps des événements synaptiques. La sible LOV (light oxygen voltage) de la phototropine-1 (Avena sativa) par l’in-
termédiaire d’une hélice J∝. L’illumination entraîne la dissociation de LOV et
ChR2 n’est cependant pas le seul outil optogénétique
J∝ et libère Rac1 qui peut alors se lier à son effecteur(9). (e) Les opto-XRs
disponible ; d’autres protéines membranaires entraînant (opto-∝1AR,opto-∝2AR) sont issus de la rhodopsine bovine (protéine à 7
des courants, excitateurs ou inhibiteurs, ont été segments transmembranaires couplée à la protéine Gt). Ces protéines chi-
mériques ont les boucles intracellulaires du récepteur adrénergique ∝1a
employées, ainsi qu’une large palette d’effecteurs intra- humain ou du récepteur adrénergique ∝2 de hamster ; l’activation de ces
cellulaires activables par la lumière (figure 1). Nous ne récepteurs par la lumière conduit donc respectivement à l’activation de la
protéine Gq et de la protéine Gs(10). Il est également possible de contrôler la
parlerons pas dans cet article des “senseurs” optogéné-
production d’AMPc et l’activation de voies intracellulaires en quelques
tiques, molécules rendant compte d'une activité intracel- dizaines de millisecondes en utilisant l’adenylyl cyclase photoactivable
lulaire (potentiel de membrane, variations de concentra- d’Euglena gracili : l’euPAC∝. Elle est composée de deux unités photorécep-
trices et de deux unités catalytiques dont l’activité est 80 fois plus forte à la
tion en calcium ou événements de libération lumière qu’à l’obscurité(11). (f) Le système PIF/PhyB (voir exemple 2) permet
synaptiques), les rendant visibles à l'expérimentateur(4). de recruter des facteurs à la membrane(12).

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES
La révolution optogénétique... (suite)
NOUVEAUTÉS EN

Optimisation des outils optogénétiques prolongements les plus fins des cellules. Ces construc-
tions sont flanquées d’une ou deux paires de séquences
Les canaux ChR1,2 ont une faible conductance et une loxP afin de les rendre Cre-inductibles : elles nécessitent
cinétique lente et inactivante. Ils permettent aux micro- la recombinase Cre pour s’exprimer. La spécificité de
algues d’avoir une réponse graduelle et de pouvoir faire l'expression dans un type cellulaire donné est garantie par
face à une lumière intense. Des mutations ont été intro- l’utilisation de souris exprimant la Cre dans le type
duites pour augmenter la conductance du canal et provo- cellulaire d’intérêt (via un promoteur spécifique, figure 2).
quer des potentiels d'action dans les neurones de mam-
mifères. Une autre mutation (nommée ChETA) accélère la
cinétique du cycle du canal, rendant possible des stimula-
tions répétées à des fréquences de 200 Hz. Certaines
modifications rallongent la durée de l'état ouvert et
modifient la sensibilité à la lumière générant de véritables
interrupteurs cellulaires. Ces versions “SFOs” (pour Step
Function Opsins) s'ouvrent par une illumination à 470 nm
et se ferment par une illumination au-dessus de 550 nm.
Certaines constructions ouvrent ainsi la voie au contrôle
de la cellule par photo-courant imposé(13). Outre l'optimi-
sation des photo-courants, la génération d'un répertoire
de constructions photo-activables à des longueurs d'on-
des différentes laisse entrevoir le couplage entre des
effets activateurs et inhibiteurs, en particulier grâce à aux Figure 2. Stimuler sélectivement une voie de projection
modifications apportées à l’halorhodopsine (désormais Des virus (AAV2 ou 5) porteurs d'une construction optogénétique sont
eNpHR3.0 avec une bonne expression membranaire chez injectés dans la structure d'origine de la voie de projection d'intérêt
les mammifères), dont le pic d'excitation est à 589 nm(14). (zone d'infection virale). La construction ne s'exprime qu'après excision
Les limites des outils ionotropiques déjà caractérisés sont d'un codon stop ou retournement de la cassette. Seuls les neurones A qui
possèdent la recombinase Cre dans leur génome peuvent réaliser cette
ainsi surmontées les unes après les autres, et de nouveaux étape. Ainsi, parmi tous les neurones infectés, seuls les axones des
outils, en particulier déclenchant une cascade biochim- neurones porteurs du promoteur spécifique A seront excitables par la
ique, apparaissent régulièrement ; l’éventail d’événements lumière.
cellulaires désormais contrôlables in vitro ou chez l’animal
entier s’élargit. En guise de conclusion… un encouragement

Les méthodes d'expression des outils optogénétiques En permettant l’activation spécifique et contrôlée, en
particulier in vivo chez l’animal en mouvement, d’une
Plusieurs techniques d'expression cellulaire peuvent population (parfois minoritaire au sein d’un noyau,
être envisagées pour introduire les constructions dans les cf. exemple 1), l’optogénétique permet d’identifier l’impli-
cellules cibles. La génération de souris transgéniques, via cation de cette population dans un comportement.
l'utilisation de BAC (Bacterial Artificial Chromosomes), In vitro, elle se révèle un outil unique pour déchiffrer des
permet d'insérer dans le génome hôte le gène de la réseaux encore mal connus. Or, la majorité des construc-
molécule photoactivable sous le contrôle d’un promoteur tions génétiques est gracieusement rendue disponible
spécifique d'un type cellulaire. Toutefois, le promoteur (par exemple, http://www.optogenetics.org ou Addgene),
d’intérêt est rarement assez fort pour permettre et la production de virus ou de souris transgéniques est
l’expression d’une quantité suffisante de protéine dans les couramment externalisée. Si des lasers dispendieux
prolongements fins, rendant impossible la génération de étaient indispensables pour délivrer une lumière
potentiels d'action lors de l'illumination des axones. cohérente suffisamment puissante pour illuminer via une
Alternativement, la molécule photoactivable peut être fibre optique des tissus profonds, aujourd'hui de simples
encodée sous le contrôle d’un promoteur fort et ubiqui- LEDs de nouvelle génération sont suffisantes. Ainsi les
taire dans un vecteur viral (adeno-associated virus - AAV techniques d'optogénétique, révolutionnant la plupart des
- ou lentivirus dont la production est maintenant com- domaines de recherche, comptent parmi les plus accessi-
merciale). Ces vecteurs s'intègrent dans le génome hôte bles et les moins onéreuses ! ■
(rongeurs ou primates) et permettent l'expression
robuste de la construction optogénétique, générant une Philippe.Isope@inci-cnrs.unistra.fr
quantité de protéine suffisante y compris dans les Matilde.Cordero-Erausquin@inci-cnrs.unistra.fr

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LA LETTRE - N°40
NEUROSCIENCES

NOUVEAUTÉS EN
Exemple 1. Les interneurones cholinergiques contrôlent l’activité des autres
neurones du nucleus accumbens et le conditionnement à la cocaïne
(Witten et al. Science 2010, 330 : 1677-1681).

Les interneurones cholinergiques ne représentent que 1 % de la population du


Nucleus Accumbens (NAc), et il était jusqu’à ce jour impossible de les stimuler
(ou de les inhiber) spécifiquement pour élucider leur implication dans le
conditionnement aux drogues. Dans cette étude, le groupe de Deisseroth a
entraîné l’expression de l’eNpHR3.0 dans ces interneurones en injectant dans
le NAc de souris ChAT-Cre (exprimant la Cre recombinase exclusivement dans
les neurones cholinergiques) un AAV codant l’eNpHR3.0 dans une construction
Cre-inductible. Les interneurones cholinergiques sont activés par l’application de
cocaïne (A), mais cette activation peut-être empêchée lorsque ces interneurones
expriment l’eNpHR3.0. Lorsque le NAc reçoit de la lumière jaune in vivo
pendant la phase de conditionnement à la cocaïne dans un test de préférence
de place, les souris ne développent qu’une faible préférence de place pour le
compartiment où elles ont reçu de la cocaïne (B). Ainsi cette étude démontre
que l’inhibition sélective de la petite population d’interneurones cholinergiques
du NAc empêche le conditionnement à la cocaïne chez les souris(15).

Source : Cholinergic Interneurons Control Local Circuit Activity and Cocaine Conditioning. Llana B. Witten, Shih-Chun Lin, Matthew Brodsky, Rohit Prakash, Ilka Diester, Polina Anikeeva,Viviana Gradinaru, Charu Ramakrishnan, Karl Deisseroth. Science 330, 6011
(2010). Image reproduite avec l’autorisation de AAAS.

Exemple 2. Contrôle spatio-temporel de la signalisation intracellulaire


par l’activation lumineuse d’interactions protéique
(Levskaya et al., Nature 2009, 461 : 997-1001).

Les auteurs tirent partie de la propriété du phytochromeB (Phy) de changer de confor-


mation après activation de son chromophore (la phycocyanobiline) par la lumière rouge
et de se lier à un facteur protéique (PIF). Les domaines d’échange du GTP de Rac1ont
été fusionnés avec le module PIF. Lors d’une illumination à 650 nm, cette protéine de
fusion est recrutée à la membrane par le phytochrome lui-même fusionné à un
rapporteur et accroché à la membrane. Ce mouvement peut être déclenché
spécifiquement dans un compartiment de la cellule (voir time-lapse ci-dessous) et ainsi
conduire à la translocation précise de Rac1 activé à la membrane plasmique. Cette
étape conduit à la polymérisation locale d’actine et la protrusion d’un lamellipode(12).

Image reproduite avec l’autorisation de Macmillan Publishers Ltd: Nature (Levskaya A, Weiner OD, Lim WA, Voigt CA. Spatiotemporal control of cell signalling using a light-switchable protein interaction. Nature. 2009 Oct 15, copyright 2009.

Références
(1) (9)
Zemelman, B.V., et al., Selective photostimulation of genetically chARGed neurons. Wu, Y.I., et al., A genetically encoded photoactivatable Rac controls the motility of
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(2) Boyden, E.S., et al., Millisecond-timescale, genetically targeted optical control of (10) Airan, R.D., et al., Temporally precise in vivo control of intracellular signalling. Nature,
neural activity. Nat Neurosci, 2005. 8(9): p. 1263-8. 2009. 458(7241): p. 1025-9.
(3) Deisseroth, K., et al., Next-generation optical technologies for illuminating genetically (11) Schroder-Lang, S., et al., Fast manipulation of cellular cAMP level by light in vivo.

targeted brain circuits. J Neurosci, 2006. 26(41): p. 10380-6. Nat Methods, 2007. 4(1): p. 39-42.
(4) Miesenbock, G., The optogenetic catechism. Science, 2009. 326(5951): p. 395-9. (12) Levskaya, A., et al., Spatiotemporal control of cell signalling using a light-switchable
(5) Zhang, F., et al., Red-shifted optogenetic excitation: a tool for fast neural control protein interaction. Nature, 2009. 461(7266): p. 997-1001.
(13) Wen, L., et al., Opto-current-clamp actuation of cortical neurons using a strategically
derived from Volvox carteri. Nat Neurosci, 2008. 11(6): p. 631-3.
(6) designed channelrhodopsin. PLoS One. 5(9): p. e12893.
Zhang, F., et al., Multimodal fast optical interrogation of neural circuitry. Nature,
2007. 446(7136): p. 633-9. (14) Gradinaru, V., et al., Molecular and cellular approaches for diversifying and extend-
(7) Szobota, S., et al., Remote control of neuronal activity with a light-gated glutamate ing optogenetics. Cell. 141(1): p. 154-65.
receptor. Neuron, 2007. 54(4): p. 535-45. (15) Witten, I.B., et al., Cholinergic interneurons control local circuit activity and cocaine
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optical inhibition of neuronal firing. Nat Neurosci. 13(8): p. 1027-32.

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LA LETTRE - N°40
LIBRE

Pour une éthique de la communication


en Neurosciences
TRIBUNE

par François Gonon et Jan Pieter Konsman

N
ous avons tous eu l'occasion de constater qu'il Greenberg a analysé le réseau des citations concernant
existe souvent une distance considérable entre cette question(5). Selon cette analyse, la distorsion des
les résultats obtenus en neurobiologie et les citations est si considérable qu'elle génère des dogmes
conclusions abusives tirées de ces mêmes résultats par les non fondés.
médias. Nous nous sommes alors probablement indignés
du manque de professionnalisme des journalistes. Le but La déformation des conclusions
du présent article est de montrer que nous, les
neurobiologistes, sommes largement responsables de La déformation des conclusions apparaît souvent au sein
cette dérive du discours. En effet, au-delà des articles même d'un article scientifique. Nous en avons
d'opinion(1), quelques études récentes ont mis en distingué 3 types que nous avons étudiés dans le cadre
évidence trois formes de déformation des données dans d'une analyse de la littérature concernant la neurobiologie
la littérature scientifique. Nous les présenterons d'abord, du TDAH(6). Le premier type, heureusement rare,
avant d'en évoquer les conséquences sociales. consiste en incohérences flagrantes entre résultats et
conclusions exprimées dans le résumé et la discussion.
Les biais de publication Dans le deuxième type, une conclusion forte est affirmée,
par exemple dans le résumé, en omettant de mentionner
Dans le domaine des essais cliniques, il est notoire que aussi les données qui relativisent la portée de la conclu-
les essais négatifs sont moins souvent publiés que ne le sion. Pour illustrer cette déformation, nous avons analysé
sont les résultats positifs. Mais ce biais est aussi observé l'ensemble des résumés mentionnant une association
dans bien d'autres domaines de la biologie(2). En effet, significative entre les allèles du gène codant pour le récep-
lorsque plusieurs équipes concurrentes s'intéressent à la teur dopaminergique D4 (DRD4) et le TDAH. Selon les
même question, la première qui trouve une relation statis- méta-analyses les plus récentes cette association est statis-
tiquement significative entre deux événements s'efforcera tiquement significative, mais confère un risque faible : 23 %
de publier rapidement alors que celles qui n'ont pas des enfants souffrant du TDAH sont porteurs de l'allèle 7-
observé de relation significative ne publieront qu'en R mais également 17 % des enfants en bonne santé. Parmi
réponse à la première publication(3). Par exemple, la les résumés qui affirment une association forte, 80 %
première étude portant sur la relation entre le taux omettent de mentionner qu'elle confère un risque faible.
d'expression du transporteur de la dopamine et le trou- Il ne faut alors pas s'étonner que, dans certains textes
ble de l'attention avec hyperactivité (TDAH) a été publiée écrits pour le grand public, le gène du DRD4 soit présen-
en 1999 dans The Lancet et a montré une augmentation té comme un marqueur biologique du TDAH(6).
de 70 % de ce taux chez les patients. Les études Le troisième type de déformation consiste à affirmer
ultérieures ont rapporté des effets plus faibles ou nuls. que les résultats d'études pré-cliniques ouvrent de nou-
Une étude longitudinale de plusieurs dizaines de méta- velles pistes thérapeutiques. Pour illustrer ce biais, nous
analyses a mis en évidence la généralité du phénomène : avons analysé l'ensemble des études réalisées chez la
la première étude publiée rapporte très souvent un effet souris en relation avec le TDAH. Nous avons considéré
plus spectaculaire que les études ultérieures(3). que les perspectives thérapeutiques étaient abusivement
Ces études initiales sont plus souvent publiées dans des affirmées lorsque le lien entre ces souris et le TDAH était
revues prestigieuses(4) et sont donc plus médiatisées que uniquement basé sur des similitudes de comportements.
les études ultérieures. En effet, le TDAH est un trouble complexe, très souvent
associée à d'autres problèmes (e.g. anxiété, dépression) et
La distorsion des citations le comportement observé chez la souris ne peut pas en
saisir la complexité. Notre analyse montre que des per-
Nous avons tous tendance dans nos articles à citer de spectives thérapeutiques étaient abusivement affirmées
préférence les études qui sont en accord avec nos dans 23 % des articles. De plus, la fréquence de ce type
hypothèses. L'étendue de ce biais a été récemment d'affirmation abusive est positivement corrélée avec le
étudiée dans un cas particulier: la relation entre la pro- facteur d'impact du journal(6). Comme les articles publiés
téine ß amyloïde musculaire et la maladie d'Alzheimer. dans les revues à fort facteur d'impact sont ceux-là
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LA LETTRE - N°40
LIBRE

TRIBUNE
mêmes qui sont repris par les médias, ces perspectives de la preuve, mais posent rarement des limites au dis-
thérapeutiques abusives nourrissent des espoirs illusoires cours de la promesse. Ce système fonctionne pour le plus
dans le grand public. grand profit, à court terme, des chercheurs et des édi-
teurs, mais au détriment du grand public qui n'a accès qu'à
Les conséquences d'un vocabulaire imprécis sur le une information biaisée. Lorsque ce grand public inclut
grand public des médecins, des politiques et des administrateurs de la
fonction publique, la déformation du discours peut avoir
Le vocabulaire que nous utilisons à longueur d'article des conséquences très négatives.
génère en lui-même des interprétations erronées. Par
exemple, on pouvait lire dans Le Monde du 2 octobre 2010 Les conséquences sociales de la distorsion du
un article intitulé “La génétique impliquée dans discours
l'hyperactivité”. Cet article se faisait l'écho d'une étude
publiée le 30 septembre 2010 dans The Lancet et observant Dans le domaine de la neurobiologie, les informations
une plus grande fréquence de délétions et duplications qui intéressent le grand public concernent en premier lieu
(CNV) chez les enfants souffrant du TDAH. Les auteurs la santé mentale. Les déformations du discours renforcent
avaient observé des CNV de grande taille chez 12 % des le point de vue selon lequel les neurosciences sont à
enfants affectés et chez 7 % des enfants en bonne santé. même de rendre compte de toutes les affections
Il s'agissait d'une pure corrélation et rien ne prouve que neurologiques et psychiatriques. Cette prétention hégé-
ces CNV ont été la cause du TDAH chez les enfants qui monique des neurosciences devrait être évaluée à l'aune
en étaient porteurs. Le terme “impliqué” des résultats attendus du grand public. Or, force est de
utilisé par le journal Le Monde est la traduction de l'un de constater que le traitement des causes des principales
ces nombreux mots imprécis que nous utilisons si sou- maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson) n'a
vent dans nos articles tels “involved”, “play a role” ou pas fait de progrès majeur depuis cinquante ans. L'apport
“take part”. Toutes ces expressions n'affirment pas effectif des neurosciences à la psychiatrie est également
ouvertement un lien causal, mais en suggèrent la mince : aucun marqueur biologique d'un trouble psychia-
possibilité alors que les faits observés ne sont le plus trique n'a encore été validé et les neurosciences n'ont
souvent que des corrélations. Ces imprécisions de pour l'instant pas permis de découvrir de nouvelles
vocabulaire affectent la compréhension du grand public classes de médicaments.
mal préparé à distinguer une possibilité d'une preuve
scientifique. Au sein même de notre communauté, Les facteurs environnementaux ont une influence
les fréquentes imprécisions entre cause et corrélations ne majeure sur les troubles mentaux les plus fréquents
sont peut-être pas sans conséquences et mériteraient une (anxiété, dépression) mais aussi sur les maladies psychia-
étude épistémologique. triques et neurodégénératives sévères comme la
schizophrénie et les maladies de Parkinson ou
Le double discours des scientifiques d'Alzheimer. Même si les recherches en neurosciences les
plus récentes permettent d'entrevoir comment les
En tant qu'auteurs scientifiques, nous participons tous facteurs environnementaux modifient la neurobiologie(8),
peu ou prou à la distorsion des conclusions. Quand nous le grand public semble interpréter “une base neurobio-
envisageons de soumettre notre manuscrit à une revue logique” d'un trouble mental comme excluant des
prestigieuse, nous nous ingénions à le rendre “sexy” en en causes environnementales. La mise en avant des causes
faisant miroiter toutes les promesses, raisonnables ou neurobiologiques supposées de ces maladies pousse donc
irréalistes. De fait, les éditeurs de revues prestigieuses à minimiser leurs déterminants environnementaux et à
sont attirés par ces promesses potentiellement intéres- ignorer les mesures de prévention correspondantes.
santes pour la société car la médiatisation d'un article Par exemple, si le TDAH est considéré comme une
scientifique stimule en retour son taux de citations scien- maladie due à un déficit en dopamine d'origine principale-
tifiques(7) et, par conséquent, le facteur d'impact de la ment génétique, il n'y a donc pas d'action préventive
revue. On peut donc dire qu'un article scientifique possible. Or de nombreuses conditions environnemen-
présente deux parties. Un discours de la preuve scien- tales sont des facteurs de risque pour le TDAH : naissance
tifique développé dans les figures et les sections Résultats prématurée, mère adolescente, pauvreté, faible niveau
et Méthodes et un discours de la promesse qui apparaît à d'éducation des parents. À niveau de vie comparable, plus
la fin du résumé et de la discussion. Le premier est une société est inégalitaire plus ces facteurs de risque
destiné aux chercheurs et le deuxième au grand public augmentent. La prévalence du TDAH résulte donc, au
par l'intermédiaire des médias et des éditeurs. moins en partie, de choix politiques.
Les “reviewers” jugent la qualité scientifique du discours
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LA LETTRE - N°40
LIBRE
Pour une éthique de la communication... (suite)
TRIBUNE

Les conséquences vis-à-vis des politiques de Hommage


recherche par Chantal François
et Jérôme Yelnik
Les distorsions du discours altèrent le courant d'infor-
mation qui est circulairement mis en avant pour justifier
C’est avec une immense tristesse que
les projets de recherche. “Dès lors qu'un projet de
nous avons accueilli la nouvelle
recherche vient alimenter ce courant, il devient une force
de la disparition de Gérard Percheron.
incitative supplémentaire pour interpréter les nouveaux Gérard Percheron
résultats conformément aux prévisions afin de faire appa- Neurologue de formation, ancien
raître la réalisation du projet comme un succès, condition interne des Hôpitaux de Paris, il s’est très tôt tourné
nécessaire pour répondre à un appel à projet ultérieur”(5). vers la recherche, passionné par l’étude morphologique
Autrement dit nos systèmes actuels de publication et de des ganglions de la base. Il a été l’un des fondateurs de
financement de la recherche tendent à renforcer les l’IBAGS en Australie en 1983 et a organisé le congrès
dogmes et les effets de mode au détriment de la de 1992 à Giens. Ceux qui l’ont connu se souviennent
créativité(9). Par conséquent il est tout aussi essentiel de de son esprit indépendant, de sa générosité et de son
lutter contre la dégradation du discours du point de vue
enthousiasme, particulièrement débordant lorsqu’il
de nos responsabilités vis-à-vis de la société (exigence
parlait du thalamus, son sujet de prédilection.
éthique), que pour l'intérêt à long terme de notre
discipline. Sa culture scientifique était incroyablement vaste. L’ayant
Conscients de ces enjeux, les auteurs de ce texte ont côtoyé durant de longues années, nous pouvons témoigner
constitué un groupe pluridisciplinaire (neurobiologie, qu’il a réussi à transmettre sa passion, et à ce titre, nous
philosophie et sociologie des sciences) afin d'analyser le avons une reconnaissance toute particulière à son égard.
discours des neurosciences, d'en apprécier les Tous les collègues qui l’ont connu garderont en mémoire
conséquences et d'en dégager les enjeux sociaux et un chercheur qui ne laissait personne indifférent. ■
politiques. Ce groupe a reçu le soutien de la Région
Aquitaine et de l'Institut des Sciences de la chantal.francois@upmc.fr
Communication du CNRS (ISCC). Les lecteurs intéressés jerome.yelnik@upmc.fr
sont encouragés à prendre contact avec les auteurs. ■

francois.gonon@u-bordeaux2.fr
jan-pieter.konsman@u-bordeaux2.fr
Viennent de paraître...
Références
(1) Robillard, J. M. & Illes, J. (2011) Lost in translation: neuroscience and the public. Nat
Rev Neurosci 12, 118.
PARAPLÉGIE
(2) Ioannidis, J. P. (2005) Why most published research findings are false. PLoS Med 2, e124. Espoirs et réalités de la
(3) Ioannidis, J. P. & Trikalinos, T. A. (2005) Early extreme contradictory estimates may recherche fondamentale
appear in published research: the Proteus phenomenon in molecular genetics research et clinique
and randomized trials. J Clin Epidemiol 58, 543-9.
(4) Ioannidis, J. P. (2005) Contradicted and initially stronger effects in highly cited clinical
Jean-Claude Horvat
research. JAMA 294, 218-28.
(5) Greenberg, S. A. (2009) How citation distortions create unfounded authority: analysis Médecine Sciences
of a citation network. BMJ 339:b2680. Publications - Lavoisiers
(6) Gonon, F., Bézard, E. & Boraud,T. (2011) Misrepresentation of neuroscience data might

give rise to misleading conclusions in the media: the case of attention deficit hyperac-
tivity disorder. PLoS ONE 6(1): e14618.
(7) Phillips, D. P., Kanter, E. J., Bednarczyk, B. & Tastad, P. L. (1991) Importance of the lay

press in the transmission of medical knowledge to the scientific community. N Engl J


Med 325, 1180-3.
PSYCHOPHARMACOLOGIE
(8) Hackman, D. A., Farah, M. J. & Meaney, M. J. (2010) Socioeconomic status and the brain:
ESSENTIELLE
mechanistic insights from human and animal research. Nat Rev Neurosci 11, 651-9.
(9) Young, N. S., Ioannidis, J. P. & Al-Ubaydli, O. (2008) Why current publication practices
Bases neuroscientifiques
et applications pratiques
may distort science. PLoS Med. 5, 1-5.
2e édition
Remerciements Stephen M. StahlJean
Nous remercions Thomas Boraud, Erwan Bézard et Maurice Garret pour leurs commen- Médecine Sciences
taires critiques. Publications - Lavoisiers

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LA LETTRE - N°40
RÉUNIONS

COMPTES RENDUS
Réunions de clubs soutenues
par la Société des Neurosciences

7e Journée d’animation scientifique du Club Aromagri : 5e Rencontre annuelle du Club de Neuroprotection


les sens chimiques : des récepteurs au comporte- par Michel Dib
ment alimentaire, Dijon, 14/10/2010
par Patrice Congar et Loïc Briand La 5e rencontre annuelle du Club de neuroprotection a
eu lieu, avec le soutien de la Société des Neurosciences,
La 7e journée annuelle d’animation scientifique du Club le vendredi 22 octobre 2010, à la Maison de l’Amérique
Aromagri s’est déroulée le 14/10/2010 à Dijon au Centre latine, avec la participation de 70 personnes.
des Sciences du Goût et de l’Alimentation (CSGA) sur le
thème Les sens chimiques : des récepteurs au comportement Anselme L. Perrier (Institut de Thérapie cellulaire, INSERM
alimentaire. Cette rencontre organisée par L. Briand avait UMR 861, Evry) a parlé de la thérapie cellulaire dans la
pour but, comme toutes les précédentes, de faire le point maladie de Huntington : ses techniques in vitro, in vivo et
sur différents sujets de recherche qui intéressent les mem- chez l’homme, ses premiers résultats et perspectives.
bres d’Aromagri, autour de présentations de certains Le deuxième intervenant, Michel Dib (Fédération de
d’entre-eux. Le programme multidisciplinaire de cette neurologie, Pitié Salpétrière, Paris) a développé l’évaluation
journée était divisé en quatre thèmes qui ont permis clinique de la neuroprotection et notamment, les particu-
d’aborder de nombreux aspects des sens chimiques, de la larités de la neurodégénérescence et la définition d’un
réception des odeurs aux préférences et comportements neuroprotecteur.
alimentaires, via l’intégration centrale des signaux olfactifs et Marie-Christine Galas (INSERM U837, Alzheimer &
les apprentissages olfacto-gustatifs, des insectes à l’homme. Tauopathies, Lille) a parlé de “la protéine Tau neuronale, bien
Nous avons pu assister à de brillants exposés qui ont plus qu'une protéine associée aux microtubules”, les rela-
permis d’initier de nombreuses discussions. tions entre le stress oxydatif, l’ADN et la protéine Tau.
Cette journée a connu un beau succès. En effet, plus de Sylvie Claeysen (Institut de génomique fonctionnelle,
60 chercheurs et étudiants du Club y ont participé. Cette INSERM U661, Montpellier) a présenté les résultats de la
rencontre a été comme chaque année, le lieu privilégié Protection des neurones dopaminergiques par le RASSL
d’échanges et de discussions scientifiques qui animent 5-HT4 dans un modèle de stress excitotoxique. Ces tra-
depuis bientôt 10 ans notre communauté française de vaux s’inscrivent dans les perspectives de neuroprotec-
recherche dans le domaine des sens chimiques. tion dans la maladie de Parkinson et sa thérapie génique.
Une dizaine de conférenciers et une vingtaine de posters Christiane Charriaut-Marlangue (INSERM U676, Paris) a
ont servi de substrats à ces échanges. parlé de “Impact of intracranial blood flow redistribution on
Cette réunion a également été l’occasion de la signa- stroke size during ischemia reperfusion in 7-day-old-rats”.
ture d’un accord de partenariat entre les deux pôles de Claire Delattre (Lab. de Pharmacologie, Lille) a exposé les
compétitivité PASS (Parfums, Arômes, Senteurs, Saveurs) et travaux sur un nouveau modèle expérimental (rat MCAO
VITAGORA (Goût, Nutrition, Santé) qui participaient à model) prédictive de l’évolution long terme après un acci-
l’organisation de cette journée. dent ischémique cérébral.
Le succès de cette journée tient également aux Mehrnaz Jafarian-Tehrani (Lab. de Pharmacologie,
soutiens financiers que nous avons obtenus de nos Université Paris Descartes, UFR Pharmacie, Paris) a parlé de
partenaires. Les organisateurs remercient la Société des la Minocycline et neuroprotection dans le traumatisme
Neurosciences, les départements CEPIA et AlimH de crânien : un rôle potentiel du neuroprotecteur endogène
l’INRA ainsi que les pôles de compétitivité PASS et sAPPα.
VITAGORA. La subvention octroyée par la Société des Enfin, dans son intervention, Philippe De Deurwaerdère,
Neurosciences a permis de couvrir les frais de transport et (Université de Bordeaux 2, CNRS UMR 5227, Institut des
d’hébergement des conférenciers. Maladies Neuro-dégénératives) a évoqué “De la sérotonine
La réunion du bureau du Club s’est tenue pendant le dans les ganglions de la base au mécanisme d’action de la
déjeuner, et il a été décidé d’organiser la prochaine L-DOPA”, notamment dans la maladie de Parkinson.
journée d’animation d’Aromagri, en coordination avec le
pôle PASS, autour des thématiques Parfums, Senteurs, La réunion a été clôturée par une revue des réunions
Saveurs et dans leurs structures, en région Provence-Alpes- du Club en 2011. ■
Côte d’Azur. ■ dib.michel@wanadoo.fr
patrice.congar@jouy.inra.fr
loic.briand@dijon.inra.fr
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LA LETTRE - N°40
Mai 2011

La Lettre des Neurosciences est éditée


par la Société des Neurosciences
Université Segalen Bordeaux 2 • case 67
146, rue Léo-Saignat • 33076 Bordeaux Cedex • France
◗ Téléphone : +(0)5 57 57 37 40
◗ Télécopie : +(0)5 57 57 37 40
◗ Messagerie : info@societe-neurosciences.fr
◗ Internet : www.neurosciences.asso.fr

Directeur Yves Tillet


de la publication INRA - PRC - CNRS UMR 6175
Rédacteur en Chef
Univ. de Tours - IFCE
Centre de Recherche de Tours
37380 Nouzilly
◗ Télécopie : 02 47 42 77 43
◗ Mèl : yves.tillet@societe-neurosciences.fr
Fabrication I. Conjat, J.-M. Israel, J.-F. Renaudon
Concept maquette Mazarine communication
Impression Techniques et Impressions

Comité J.-G. Barbara (Paris),


de rédaction D. Blum (Lille), A. Didier (Lyon),
J.-L. Gonzalez De Aguilar
(Strasbourg), F. Eustache (Caen),
S. Gaillard (Strasbourg), M. Garret
(Bordeaux), C. Cleren (Nice),
S. Pinto (Aix-en-Provence),
A. Réaux-Le Goazigo (Paris).

Ont participé C. Assaiante, L. Briand,


à ce numéro A. Chédotal, M. Cordero-Erausquin,
P. Congar, D. Deplanque,
D. Devos, M. Dib, S. Dornier,
J.-P. Duffet, C. François,
F. Gonon, P. Isope,
M. Katouzian-Safadi,
J. P. Konsman, M. Lang, P. Ryvlin,
C. Moreau, S. Oliet,
P. Peri, J. Yelnik, P. Welbi

Dessins P. Ciofi (philippe.ciofi@inserm.fr)

Rappel Dates limites pour nous adresser


vos textes et annonces :
le 31 janvier pour le numéro
de printemps, et le 1er septembre
pour le numéro d’hiver.

Photographie de couverture :
Représentation du système nerveux réalisée par Mansûr Ibn Ilyas.
© U.S. National Library of Medicine, National Institutes of Health,
Islamic Medical Manuscripts, History of Medicine Division of the
National Library of Medicine

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