Été 2023

Vol. 20, n°3

Apprentissage Projet L’aide médicale ACFA

et sensibilisation Grande Ourse : à mourir : Évaluation clinique
aux allergies prévenir la paradoxes vécus des principaux
alimentaires en dépression par des infirmières symptômes et
milieu scolaire périnatale québécoises interventions
ciblées pour les
soins palliatifs et
de fin de vie
 PUBLIREPORTAGE

Pour que notre corps puisse intégrer une Besoin d’aide pour
nouvelle habitude — comme faire de l’exercice maîtriser votre glycémie?
régulièrement —, il faut l’encourager par des
récompenses et de la répétition.

Choisissez une activité ou une série d’exercices Demandez à votre médecin

qui soit à votre portée et que vous pourrez de vous renseigner sur l’efficacité
continuer de faire sans difficulté, comme du GLP-1 et les options qui existent.
aller marcher chaque jour.

Prévoyez d’en faire régulièrement. Il est

plus facile d’opérer une série de petits
Offert en comprimés
changements que d’accomplir une grande
ou sous forme injectable
transformation.

Questions à poser
Remarquez comme ce comportement à votre médecin pour
devient automatique et exige moins d’effort vous aider à maîtriser
votre glycémie.
et de volonté de votre part.

• Quels sont les autres

médicaments que je peux
N’abandonnez pas ! Certaines habitudes
prendre pour faire baisser
sont plus longues à acquérir; pensez-y avant
mon taux d’A1c?
de passer à autre chose.
• De quelles manières les
médicaments peuvent-ils
On estime qu’il faut compter de 59 à 66 jours pour influer sur mon poids?
acquérir une nouvelle habitude.* • Que sont les analogues
du GLP-1 et comment
aident-ils à réduire les taux
Pratiquer une activité physique peut vous aider d’A1c?
à réguler votre glycémie, préserver votre santé
• Comment les différentes
cardiovasculaire et contrôler votre poids. Demander
formes injectables et les
à votre médecin ce qu’il pense d’un programme comprimés d’analogues
d’exercice conçu spécifiquement pour vous. du GLP-1 se comparent-ils
les uns aux autres?
* Selon les résultats de deux études d’une durée de 12 semaines visant à évaluer la période
médiane nécessaire pour qu’une habitude devienne un automatisme : 1) selon une étude, • Que devrais-je envisager
cette durée serait de 66 jours (amplitude : de 18 à 254 jours; 96 participants); 2) selon l’autre,
elle serait de 59 jours (amplitude : de 4 à 335 jours; 192 participants). d’autre pour réduire mon
Rendu possible grâce à l’une des principales compagnies pharmaceutiques axées sur taux d’A1c ou améliorer
la recherche au Canada. ma santé en général?

CA21RYB00066F

02 ÉTÉ • 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE

 Le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue,
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C 2023-054 | V01 - Mai 2023

 SOMMAIRE
Été 2023 – Vol. 20, n o 3
ÉDITORIAL
07 — Examen professionnel :
accompagner les candidates
et candidats tout en s’assurant
de leur aptitude à exercer la
profession infirmière
PORTRAIT
12 — Mélanie Couty : pour une
meilleure intégration
des approches
complémentaires
MYTHES ET RÉALITÉS
40 — 
Détection et évaluation de
la douleur chronique chez
la personne âgée souffrant
d’un trouble neurocognitif
majeur (TNCM) et
présentant des symptômes
comportementaux et
psychologiques de la
démence (SCPD) la dépression périnatale
Réponses en pages 50
04 ÉTÉ • 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
EN BREF
08 — Santé mentale : pour un plus
grand apport des IPS
10 — Projet de loi no 15 : l’expertise
infirmière au cœur d’une
gouvernance clinique efficace
RECHERCHE
14 — 
Interventions prometteuses
destinées aux infirmières
gestionnaires pour optimiser
l’étendue de pratique infirmière
(ÉPI)
23 — 
L’aide médicale à mourir :
paradoxes vécus par des
infirmières québécoises
PRATIQUE CLINIQUE
31 — 
Projet Grande Ourse : prévenir
Évaluer, dépister et prévenir les
problèmes de santé mentale
durant la période périnatale
42 — 
Le jeu de rôle :
un procédé d’apprentissage et
de sensibilisation aux allergies
alimentaires en milieu scolaire
 PROFESSIONNEL CONTINU
Président de l’OIIQ — LUC MATHIEU
Directrice générale — MARIE-CLAIRE RICHER
Directrice, Stratégie de marque et communications — DENISE BEAULIEU

DÉVELOPPEMENT
RÉDACTRICE EN CHEF CONSEILLÈRE PRINCIPALE AU CONTENU
Isabelle Lacroix Joanie Belleau, inf., M. Sc.,
Conseillère à la qualité de la pratique
RESPONSABLE DE PRODUCTION Direction, Développement et soutien
Marianne Lapierre professionnel
GRAPHISME ET MISE EN PAGE
Dominique Nadeau, inf., M. Sc.,

31
Catherine Beaupré Conseillère à la qualité de la pratique
RÉVISEURS LINGUISTIQUES Direction, Développement et soutien

ACFA
Alexandre Roberge et Annick Loupias professionnel

CORRECTRICE D’ÉPREUVES
Marlène Lavoie
GRILLE GRAPHIQUE
Isabelle Gagné et Luc Girard pour

53
MissPixels
IMPRIMEUR
SOLISCO
PAGE COUVERTURE
© Stocksy / Sean Locke

COLLABORATEURS
Myriam Asri, inf., M. Sc. (adm. de la santé) – Monique Bourque, inf., B. Sc., M.A. (gérontolo-
gie) – Isabelle Brault, inf., Ph. D. – Marie-Ève Cimon, inf., M. Sc. – Ariane de la Durantaye, inf.,
B. Sc. inf. – Bénédicte Guimond, inf., B. Sc. – Maude Hébert, inf., Ph. D. – Anne-Frédérique
Hébert-Dolbec – Run Kim, inf., M. Sc. inf. – Valérie Samson, inf., M. Sc. – Diane Tapp, inf.,
Ph. D. – Anne-Marie Tremblay

12
.

42
POLITIQUE DE LA REVUE POUR NOUS JOINDRE
Perspective infirmière est publiée quatre fois par année par 4200, rue Molson,
l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Les Montréal Qc H1Y 4V4
opinions et points de vue qui y sont exprimés n’engagent
revue@oiiq.org
que leurs auteurs. L’acceptation d’un annonceur ne constitue
en rien une reconnaissance des produits et services de PUBLICITÉ
l’annonceur et ne correspond pas à un endossement par Julie Diamond
l’OIIQ de ceux-ci ni de l’annonceur. Aucune reproduction
Communications
n’est permise sans autorisation. Afin de faciliter la lecture
des textes, Perspective infirmière utilise de façon générale Courtier publicitaire
le terme « infirmière ». Cette désignation n’est nullement En collaboration avec
restrictive et englobe les infirmiers. L’éditeur tient à préciser Opale Média
que cela ne constitue en aucune façon une négation des 514 509-9118
privilèges et des droits des infirmiers du Québec. Le contenu
des articles publiés a été approuvé par les auteurs ainsi partenaires@oiiq.org
53 — Évaluation clinique des que par les personnes interviewées et a fait l’objet d’une
principaux symptômes et vérification sérieuse et diligente de leur part.
interventions ciblées pour les
soins palliatifs et de fin de vie
(SPFV) ABONNEMENT DÉPÔT LÉGAL 2023
Michelle Dalphond Bibliothèque nationale
du Québec
Tél. : 514 935-2501 ou 1 800 363-6048 poste 288
ventepublications@oiiq.org Bibliothèque nationale
www.oiiq.org/abonnement-pi du Canada
ISSN 1708-1890
TARIFS pour 1 an

23
Répertorié
Canada : 17,27 $ taxes comprises dans Repère, Cinahl, PubMed,
Autres pays : 77,45 $ CISMeF et BDSP
À RETROUVER SUR OIIQ.ORG Les membres de l’OIIQ, les étudiantes immatriculées ayant Nº d’enregistrement 9790
terminé leur deuxième année d’études et les personnes Parution : Été 2023
inscrites comme membres inactifs reçoivent un abonnement.
En supplément de chaque numéro, vous Convention de la
Pour les membres de l’OIIQ, il est possible de choisir de Poste-publications
retrouverez sur notre site Web dʼautres recevoir Perspective infirmière en version papier et/ou Nº 40062569
contenus cliniques à de recevoir une alerte par courriel de la publication de sa
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les cases correspondant à leur choix dans les Préférences
de communication de leur compte sur oiiq.org.

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 05

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© 2023 Banque Nationale du Canada. Tous droits réservés. Toute reproduction totale ou partielle est strictement interdite sans l’autorisation préalable écrite de la Banque Nationale du Canada

Examen professionnel
Accompagner les candidates et candidats
tout en s’assurant de leur aptitude
à exercer la profession infirmière
© Audrey Boivin
LUC MATHIEU, inf., DBA, ASC
Président de l’Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec
POUR EN SAVOIR PLUS
• Pour obtenir de l’information
factuelle sur les travaux de l’OIIQ
en lien avec l’examen, visionnez
la vidéo Retour sur l’examen
sur notre chaîne Youtube .
• Pour connaître les mesures
d’accompagnement et d’assou-
plissements offertes aux CEPI,
consultez notre page Web à :
oiiq.org/preparation-examen
• Pour prendre connaissance
de notre réponse au deuxième
rapport du Commissaire, consul-
tez notre page Web : oiiq.org/
rapport-commissaire-etape2
ÉDITORIAL
La question de l’examen d’admission à la profession a été au cœur de l’actualité pendant
plusieurs semaines. Je tiens à vous réaffirmer que la situation nous préoccupe et que
nous travaillons à y remédier au bénéfice des candidates et candidats à l’examen, mais
également au bénéfice de la population québécoise.
L’essentiel pour nous est d’accompagner les candidates et candidats adéquatement dans
leur préparation à l’examen d’admission de septembre prochain tout en veillant à ce que ces
personnes soient aptes à exercer la profession infirmière de façon autonome et sécuritaire.
Je profite donc de cette tribune pour, d’une part, rappeler les mesures d’accompagnement
et d’assouplissement offertes aux candidates et candidats et, d’autre part, vous informer des
travaux que nous avons entrepris en vue de répondre aux recommandations du Commissaire
à l’admission aux professions, ainsi que nos réponses aux questions soulevées.
DES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT ET D’ASSOUPLISSEMENT
Dans la foulée des travaux du Commissaire et soucieux de favoriser la réussite des per-
sonnes candidates à l’examen, nous nous sommes en effet engagés à les accompagner
et à les soutenir en leur donnant accès à divers outils qui leur permettront non seulement
de se familiariser avec la forme, le contenu et le déroulement de l'examen, mais aussi de
consolider leurs connaissances.
Toutefois, dans le but de leur offrir un accompagnement maximal, nous avons fait
appel à la collaboration des parties prenantes, et des milieux cliniques, notamment celles
de la Direction nationale des soins et services infirmiers (DNSSI) et des directions de soins
infirmiers (DSI). Le ministère de l’Enseignement supérieur, quant à lui, accompagne en par-
tenariat avec le Cégep du Vieux Montréal, les infirmières et infirmiers diplômés hors Canada
(IDHC) en offrant des activités de préparation à l’examen.
Je tiens donc à remercier tous nos partenaires pour leur engagement et leur excellente
collaboration dans la mise en œuvre de ce plan d’accompagnement visant à préparer les
candidates et candidats à l’examen. Une collaboration qui devrait perdurer, comme
l’a demandé, par résolution, le Conseil d’administration de l’OIIQ en instaurant un programme
national de soutien aux candidates et candidats à l'exercice de la profession infirmière (CEPI)
visant à mieux les préparer à l’exercice de la profession. D’ailleurs, lors d’une rencontre, le
31 mai dernier, la DNSSI et les 34 DSI des établissements du réseau s’accordaient justement
pour la mise en place de ce programme national.
UNE COLLABORATION CONTINUE AVEC LE COMMISSAIRE
Depuis la remise du premier rapport d’étape du Commissaire en janvier 2023, nous collabo-
rons étroitement avec lui en vue de répondre à ses recommandations en accord avec notre
mission, à savoir la protection du public.
En effet, le taux d’échec aux examens de septembre 2022 et mars 2023 nous préoccupe
tout autant. Nous nous questionnons sérieusement sur les raisons qui sous-tendent cette
situation malheureuse pour plusieurs CEPI, dont la contribution à titre d’infirmière et d’infirmier
est très attendue dans le réseau de la santé québécois. Nous nous sommes alors penchés sur
les recommandations du Commissaire, au nombre de huit, ainsi que sur les plausibles raisons
de cette chute du taux de réussite. Le 14 juin dernier, nous lui avons remis notre réponse.
Je vous souhaite un bel été et quant aux candidates et candidats à l’examen, une bonne
préparation, car plus que jamais le Québec a besoin de votre expertise! •
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 07
 Santé mentale : pour un plus
grand apport des IPS
Alors que de plus en plus de Québécois attendent de recevoir des services en santé mentale, le gouvernement
et le milieu de la santé comptent sur les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) pour prendre en charge des
patients, effectuer des suivis et délester les professionnels de soins de deuxième ligne.
Or, certaines ambiguïtés persistent à propos des limites encadrant les pratiques de ces dernières en santé
mentale. Pour encourager les IPS à occuper pleinement leur champ d’exercice et à maximiser le potentiel de
leurs interventions, Christine Laliberté, présidente de l’Association des infirmières praticiennes spécialisées
du Québec, répond à nos questions.
par ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC
L’accès aux soins et services en santé mentale est de plus
en plus difficile au Québec. Selon les dernières données
du ministère de la Santé et des Services sociaux, plus de
21 000 personnes attendent de recevoir des services de
première ou de deuxième ligne en santé mentale dans
le réseau, soit une augmentation de 30 % depuis 2019.
Pour améliorer l’accès aux services, le gouvernement
et le milieu de la santé comptent de plus en plus sur les
IPS, qui sont souvent les premières à entrer en contact et
à établir une relation avec le patient. En 2021, l’entrée en
vigueur de la Loi modifiant la Loi sur les infirmières et les
infirmiers et d’autres dispositions afin de favoriser l’accès
aux services de santé a permis de mieux encadrer la pra-
tique et le champ d’exercice des IPS, en fonction de leur
classe de spécialité. Depuis, plusieurs IPS se questionnent
sur ce qu’il est possible de faire quant à l’évaluation des
troubles mentaux et l’évaluation de la condition mentale
d’un client symptomatique tout en respectant leur champ
d’exercice.
Christine Laliberté, présidente de l’Association des
infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ),
offre quelques réponses aux questions les plus fréquentes
afin d’outiller les IPS et de les encourager à occuper plei-
nement leur champ d’exercice et, ainsi, optimiser leur
intervention en santé mentale.
CHRISTINE LALIBERTÉ, IPSPL., M. SC., D.E.S.S.
Présidente de l’AIPSQ
La crainte des IPS d’outrepasser leur champ d’exer-
cice provient notamment de l’ambiguïté qui persiste
lorsque vient le temps de distinguer le problème du
trouble mental. Quelle est la différence entre les deux?
Un problème de santé mentale est une perturbation
qui interfère avec le fonctionnement habituel du patient.
Ses symptômes s’apparentent à ceux liés aux troubles
mentaux tout en étant moins importants et d’une durée
plus courte. Il peut survenir chez des individus qui
subissent une perte considérable ou qui vivent un évé-
nement traumatisant, comme une perte d’emploi, une
séparation amoureuse, un deuil ou une maladie grave.
Des symptômes d’anxiété ou des troubles de sommeil
en sont de bons exemples. Ces symptômes se résorbent
habituellement avec la disparition de l’agent stresseur ou
avec la fin de l’événement en cause.
08 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
Les troubles mentaux, quant à eux, se définissent comme
des affections cliniquement significatives qui se carac-
térisent par le changement du mode de pensée ou de
l’humeur, par un comportement associé à une détresse
psychique, ainsi que par une altération des fonctions
mentales.
L’IPS est autorisée à intervenir en présence de pro-
blèmes de santé mentale. Qu’est-ce que cela veut dire,
concrètement?
L’IPS peut évaluer la condition physique et mentale du
patient et identifier des symptômes qui s’apparentent à
un trouble mental. Elle ne peut toutefois pas conclure à
un trouble mental. Si un traitement pharmacologique est
nécessaire, et que l’impact fonctionnel sur le patient n’est
pas majeur, l’IPS peut amorcer une médication à court
terme afin de soulager un symptôme ponctuel comme un
trouble de sommeil.
L’IPS peut aussi accompagner le patient en lui appor-
tant du soutien et en l’encourageant à adopter des
comportements sains et de bonnes habitudes de vie.
Toutes les IPS peuvent-elles évaluer un trouble
mental?
Non. Seules les IPS en santé mentale (IPSSM) le peuvent,
car elles possèdent la formation et l’habilitation pour
évaluer les troubles mentaux des personnes en confor-
mité avec le Règlement sur la formation et l’expérience
clinique requises des infirmières pour l’évaluation des
troubles mentaux. L’IPS, de son côté, peut déceler et iden-
tifier un problème de santé mentale. Toutefois, elle ne peut
pas établir un diagnostic de trouble mental ni déterminer
d’un plan de traitement.
Elle doit toutefois être en mesure d’identifier la pré-
sence de symptômes qui s’apparentent à des troubles
mentaux afin de pouvoir en référer, en temps opportun,
aux professionnels qualifiés. Dans son évaluation de la
condition du patient, l’IPS peut donc noter des symptômes
compatibles avec un trouble anxieux, par exemple, qui
nécessitent un suivi plus poussé avec un médecin, sans
toutefois conclure à un diagnostic provisoire ou définitif.
Quelles sont les autres interventions possibles de l’IPS
dans un contexte de santé mentale?
L’IPS est autorisée à effectuer des suivis pour des troubles
déjà diagnostiqués et pour lesquels un plan de traitement
est établi.
Le médecin ou l’IPSSM peut déterminer le plan de trai-
tement avec précision ou le laisser au jugement de l’IPS.
Par conséquent, il ne contient pas toujours des détails sur
le nom de la molécule, la dose de départ et l’ajustement
possible. Avec l’accord du prescripteur, et si cela est prévu
et inscrit dans le plan de traitement, l’IPS peut donc être
 EN BREF
amenée à amorcer, à ajuster ou à modifier une molécule. Quels seraient les impacts d’une intervention
Dans l’attente de la rencontre avec le médecin et du diagnos- plus massive des IPSSM sur l’accès aux soins?
tic, elle peut amorcer un traitement pour une courte durée afin L’IPS pouvant prendre en charge des patients aux prises avec
de soulager un symptôme. des problèmes de santé mentale, n’ont pas à consulter un
médecin ou une IPSSM en deuxième ligne. Le dédoublement
À titre d’exemple, quelles informations doit contenir ce plan de service est restreint, ce qui exempte le patient de devoir se
temporaire établi par l’IPS? confier à un nouveau professionnel. Une prise en charge rapide
Le plan doit contenir : permet d’améliorer la fluidité du service, de diminuer les listes
• Les éléments de la pratique infirmière avancée (PIA), d’attente des médecins, des psychiatres et des IPSSM, et leur
tels que l’enseignement et la sensibilisation à l’hygiène donne davantage de temps pour traiter des cas plus complexes.
de vie, ainsi que tout ce qui relève de l’approche non Lorsque le patient a un trouble de santé mentale, l’IPS assure
pharmacologique. un soutien en collaboration avec l’équipe interdisciplinaire, dans
• L’approche pharmacologique. le but de l’accompagner dans la gestion de ses symptômes. Elle
• Les prescriptions d’analyses de laboratoire, ainsi que les peut aussi aider et outiller le patient en attendant un suivi par le
examens complémentaires demandés, comme un électro- professionnel habilité, le médecin ou l’IPSSM, ce qui réduit consi-
cardiogramme, un dosage de l’hormone thyréostimulante, dérablement les risques de détérioration, et donc d’absentéisme
une formule sanguine complète, une glycémie ou le dépis- à l’école ou au travail. En évitant de surutiliser les services, on
tage de drogues, entre autres. épargne des coûts, autant à la société qu’au système de santé.
• Les références vers d’autres ressources professionnelles Pour améliorer l’accès aux soins et services en santé mentale,
et les demandes de consultations spécialisées (IPSSM, tous les professionnels de la santé formés en ce sens doivent
médecin collaborateur, psychologue, travailleur social, être mis à contribution. Le travail d’équipe est essentiel.
ergothérapeute).
• La planification du suivi et la mise en place d’un filet de Un dernier mot?
sécurité. Je le répète souvent : je pense que le Québec en sortirait gagnant
• Les raisons pour lesquelles le patient devrait reconsulter. si toutes les infirmières, peu importe leur niveau de pratique,
• L’accord du patient avec le plan proposé. étaient bien outillées pour évaluer la condition de santé mentale
d’un patient, gérer les symptômes et savoir à quel moment il est
Y a-t-il un risque de préjudices pour une IPS qui intervient essentiel de consulter un autre professionnel. Plus nous serons
dans les problèmes de santé mentale? fortes dans notre évaluation, plus nous serons préventives dans
Le risque de préjudices est très faible, car l’IPS dispose de la for- nos références, et plus l’accès sera facile pour les patients qui
mation nécessaire, et d’un code d’éthique et de déontologie qui ont des conditions de santé mentale temporaires. Les IPS font
éliminent les risques de faire une mauvaise évaluation. Chaque partie de la solution. •
IPS doit respecter son propre niveau d’expertise. Elle seule est à
même d’évaluer son degré de confort dans une situation donnée.
Si une IPS ne se sent pas à l’aise, elle peut toujours demander
une évaluation supplémentaire.

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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 09

 Projet de loi no 15
L’expertise infirmière au cœur
d’une gouvernance clinique efficace
En mai dernier, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) a profité de l’occasion offerte par la Commission de la santé
et des services sociaux pour déposer un mémoire en vue de commenter le projet de loi no 15, avec cette perspective unique de la
profession et de l’expertise infirmières et en suivant sa mission première de protection du public et celle de promotion d’une pratique
infirmière de qualité.

Le projet de loi no 15 propose de jeter les premières pierres d’une « Le ministère devra s’assurer que
nouvelle gouvernance en proposant plusieurs changements structu-
rants d’importance. En instituant Santé Québec et en révisant le socle
les orientations prises permettent une
législatif du système, le gouvernement souhaite se doter de moyens contribution optimale des infirmières
pérennes pour atteindre ses objectifs d’efficacité. qui, comme la pandémie de COVID-19
Or, cette transformation substantielle du système de santé et de nous l’a démontré, représentent une
services sociaux ne peut s’opérer avec succès sans la perspective
unique de la profession qui y est la plus représentée : la profession
force vive des soins et des services
infirmière. En effet, la très vaste majorité des quelque 83 000 infir- de santé. »
mières y travaillent, et ce, dans tous les secteurs d’activité. Il est LUC MATHIEU, Inf., DBA, ASC
indéniable que ces professionnelles sont au cœur des trajectoires de Président de l’OIIQ
soins des patients et de leurs proches et qu’elles doivent faire partie
de la solution en matière d’accès à des soins et services sécuritaires EN CONCLUSION
et de qualité, l’un des objectifs du projet de loi. D’ailleurs, à tous les L’OIIQ réitère qu’il accueille favorablement les solutions structurantes
jours, dans des fonctions cliniques, d’enseignement, de recherche et envisagées à la gouvernance du système de santé et de services
de gestion, les infirmières du Québec, malgré des environnements de sociaux pour en améliorer l’efficacité. Toutefois, cette transformation
plus en plus complexes, cherchent à améliorer et à optimiser les par- du système de santé et de services sociaux doit notamment se faire
cours de soins en les rendant plus simples, sécurisants et sécuritaires. par, pour et avec les infirmières. À tous les niveaux de gouvernance,
Bien que l’OIIQ ait accueilli favorablement la mise en place de l’expertise infirmière et interdisciplinaire doit être associée à des
cette solution structurante et qu’il en salue les objectifs, il identifie fonctions stratégiques et décisionnelles qui permettent d’avoir un
également des opportunités pour que l’expertise infirmière et la col- réel impact sur la sécurité et la qualité des soins et services offerts à
laboration interprofessionnelle, déployées pleinement, contribuent à la population. •
optimiser le système de santé et de services sociaux et à rehausser
la qualité des soins et services. D’autre part, l’OIIQ se questionne
à savoir si les intentions d’une orientation vers cette collaboration
interprofessionnelle au sein de la structure du système de santé et de
services sociaux se reflètent véritablement au projet de loi.
Ainsi, sous les thèmes de la gouvernance, des mécanismes d’exa- POUR EN SAVOIR PLUS
men des plaintes et d’évaluation de la qualité des soins et services,
de la gestion des ressources et finalement, des facteurs de succès, Projet de loi no 15 Consultez le mémoire de
16 recommandations ont été proposées afin d’atteindre de manière Loi visant à rendre le système
de santé et de services sociaux
l’OIIQ avec ses 16 recom-
optimale la visée du projet de loi, soit l’efficacité. L’Encadré 1 présente plus efficace mandations à oiiq.org/pl15
quelques-unes de ces recommandations. Mémoire présenté à la Commission
de la santé et des services sociaux

10 mai 2023

Encadré 1
QUELQUES RECOMMANDATIONS
Que le ministère instaure une direction générale des affaires infirmières,
s ce qui constituerait une fonction de sous-ministre adjoint.
a Que Santé Québec prévoie une direction propre aux soins et services infir-
s miers relevant du président et chef de la direction.

Que la gouvernance clinique offre aux différentes directions et aux diffé-

. rents conseils des responsabilités à portée égale.

- Que des instances interdisciplinaires et intersectorielles soient prévues à

e tous les niveaux de gouvernance du système de santé.

Que soient harmonisés et dévolus aux instances appropriées les rôles et les
responsabilités en matière d’évaluation, d’appréciation, de surveillance et
t de contrôle de la qualité des actes professionnels.

Que le PDG d’un établissement de santé élabore un « plan des effectifs

s infirmiers » suivant les recommandations du DSI et du CII.
- Source : OIIQ, 2023
e
e

10 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE

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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 11


© Audrey Boivin
« J’avais envie d’outiller
les infirmières pour
qu’elles puissent utiliser la
pleine conscience comme
approche complémentaire
chez les femmes pendant
leur grossesse et leur
accouchement. »
12 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
Mélanie Couty :
pour une meilleure
intégration des approches
complémentaires
Mélanie Couty, infirmière clinicienne assistante au supérieur immédiat (ICASI) au CIUSSS
du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, plaide pour une plus grande intégration des
approches complémentaires, telles que des techniques de méditation, dans la pratique
infirmière. Formée en tant que professeure de yoga, l’infirmière est convaincue que ces
approches, encore trop peu connues et utilisées dans les milieux de soins, peuvent appor-
ter de grands bénéfices, non seulement aux patients, mais aussi aux équipes soignantes.
par ANNE-MARIE TREMBLAY
D’abord infirmière d’équipe volante mère­ conscience comme approche complémen-
enfant au Centre hospitalier de l’Université taire chez les femmes pendant leur grossesse
de Montréal (CHUM), Mélanie Couty a ensuite et leur accouchement, et d’offrir des cours
occupé plusieurs postes au CIUSSS du prénataux plus poussés, incluant du yoga
Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal avant prénatal, se rappelle-t-elle. Toutefois, la
de devenir ICASI, en 2023. Elle s’intéresse COVID-19 a fait obstacle à ce projet. » Selon
depuis longtemps aux approches com- l’infirmière, la méditation et le yoga faci-
plémentaires. C’est lors d’une première litent la gestion de la douleur et favorisent
expérience de yoga que le déclic s’est produit. un lâcher-prise qui permet d’accueillir plus
« Je vivais une perte de sens par rapport à sereinement ses émotions et de vivre moins
ma pratique infirmière. Je venais de devenir de résistance lors de l’accouchement.
maman, je travaillais douze heures par jour Mélanie Couty partage aussi ses connais-
et je vivais beaucoup de stress. Il y avait sances avec ses collègues du CIUSSS du
un centre de yoga tout près de mon lieu de Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, en offrant
travail et, chaque jour, je me disais qu’il fallait notamment des séances de yoga nidra à
que j’y aille! Finalement, je me suis décidée à distance pendant la pandémie, une période
pousser la porte », explique-t-elle. difficile, tant physiquement que psychologi-
Elle est tout de suite impressionnée par la quement, pour les équipes soignantes. « Je
sensation de calme qui émane de la profes- pense que ce type de pratiques apporte
seure et qui contraste avec son propre état d’énormes bénéfices pour les infirmières,
de tension, et décide de se lancer, à peine ne serait-ce que pour la gestion du stress.
trois semaines plus tard, dans une formation Comme en situation d’urgence en avion, il
d’un an en enseignement du yoga. « Environ faut mettre son propre masque à oxygène
70 % des enseignements dispensés pendant avant d’aider quelqu’un d’autre, rap-
cette formation portaient sur la philosophie pelle-t-elle. Cette attitude influence aussi
derrière cette pratique : la méditation, la positivement la prise en charge de nos
pleine conscience, la respiration abdomi- patients. »
nale, le fait d’être attentif à ses pensées… Au CIUSSS, elle aimerait maintenant
Car le yoga, c’est beaucoup plus que l’en- mettre en place un projet pour offrir plus de
chaînement d’une série de postures. On y place à des approches comme la méditation,
apprend à s’adapter à la vie, à vivre dans le les soins énergétiques ou le yoga nidra dans
moment présent. Cela ouvre aussi la porte à la pratique des soins infirmiers. « Je pense
la connaissance de soi. » qu’il est possible de prendre soin des patients
Sa formation terminée, Mélanie Couty d’une autre manière, d’être à leur écoute,
décide d’approfondir ses connaissances en explique-t-elle. Quand on discute avec eux,
yoga prénatal et postnatal, puis en yoga on sent d’ailleurs qu’ils en ont besoin. Ils
nidra, aussi appelé « yoga du sommeil », qui aimeraient qu’on prenne en charge davan-
se pratique allongé sur le dos et qui apporte tage l’aspect holistique de leur santé, qu’on
une profonde relaxation aux participants. puisse leur offrir un moment de bien-être. »
L’infirmière s’est ensuite formée à d’autres Ce changement de paradigme arriverait
approches, comme les soins énergétiques ou à point nommé, puisque l’Ordre des infir-
la méditation de pleine conscience. mières et infirmiers du Québec vient tout
juste, en janvier 2023, de publier son cadre
PARTAGER SON SAVOIR AVEC SES de référence sur le sujet, intitulé Obligations
PATIENTS ET SES COLLÈGUES à l’égard des approches complémentaires
Mélanie Couty voit tout de suite l’intérêt utilisées de manière conjointe à l’exercice
d’utiliser ses nouveaux savoirs pour aider de la profession infirmière. Mélanie Couty y
les patients. « J’avais envie d’outiller les infir- a d’ailleurs participé à titre de membre du
mières pour qu’elles puissent utiliser la pleine comité de lecture.

« Les infirmières peuvent intégrer ces
approches à leur pratique et les proposer
en exerçant leur jugement clinique,
en fonction de l’évaluation de l’état de
santé globale du patient. Elles peuvent
le renseigner sur les risques et les
bénéfices potentiels, effectuer un suivi
et évaluer les changements dans l’état de
santé de la personne, tout comme on le
fait pour les soins conventionnels. »
QUAND SOINS ET APPROCHES
COMPLÉMENTAIRES SE CONJUGUENT
« Les approches complémentaires ne
visent pas à remplacer les soins et services
conventionnels, qui ont tout à fait leur raison
d’être. L’idée, c’est plutôt de voir si certaines
approches, utilisées de manière conjointe,
peuvent être utiles au patient », explique-
t-elle. Mélanie Couty donne l’exemple d’un
patient qui subirait des traitements de
chimiothérapie. « S’il est fatigué, s’il a la
nausée ou s’il a du mal à dormir, on pourrait
profiter d’une pause pendant le traitement
pour baisser la lumière et lui offrir une séance
de yoga nidra de quelques minutes. On ne
cherche pas à guérir les symptômes, mais à
lui proposer un moment de bien-être qui lui
permettra peut-être de mieux vivre sa situa-
tion. C’est une forme d’accompagnement
différent. »
Les infirmières pourraient aussi miser
sur la méditation de pleine conscience, un
outil de plus en plus utilisé notamment dans
les hôpitaux américains pour aider à gérer
la douleur. Elles pourraient proposer, par
exemple, une séance guidée avec le patient
ou lui recommander des outils en ligne
afin qu’il puisse utiliser l’approche chez lui,
avec les autres soins et services qu’il reçoit.
Lorsque préconisé par une infirmière, donc
réfléchi de manière conjointe aux soins infir-
miers, « même le fait de se promener dans un
espace vert peut servir de moment de médi-
tation contemplative », ajoute-t-elle.
L’intégration d’approches complémen-
taires à la pratique infirmière permet aussi
de démontrer de l’ouverture, explique-t-elle.
Elle l’a d’ailleurs constaté maintes fois dans
son travail avec diverses clientèles comme
les femmes enceintes, les personnes toxico-
manes, les jeunes de la rue ou les patients
vivant avec le VIH. « Ce qui me touche le plus,
c’est de constater que le patient se sent bien,
qu’il arrive à accéder à davantage de paix,
de calme, à un espace intérieur ressourçant »,
résume-t-elle.
FAIRE PREUVE D’OUVERTURE DANS
LES SOINS
En intégrant à leur pratique des approches
complémentaires, les équipes infirmières
peuvent aussi établir un lien de confiance et
favoriser les échanges avec les patients. En
effet, alors que bon nombre d’entre eux ont
recours à des approches complémentaires
comme la naturopathie, l’aromathérapie ou
l’ostéopathie, bien peu osent en parler à leur
équipe soignante. « Lorsqu’on fait preuve
d’ouverture, les patients se sentent enten-
dus. On peut alors les accompagner, discuter
avec eux des symptômes pour lesquels ils ont
recours à des approches complémentaires
et analyser les effets de ces approches. On
arrive ainsi à mieux comprendre les per-
sonnes dans leur globalité, ce qu’elles vivent
réellement. » De plus, comme les mécanismes
d’action et les effets de certaines approches
complémentaires sont maintenant mieux
connus, plus d’infirmières se sentent outillées
pour établir la pertinence de les utiliser ou de
les recommander en prenant appui sur leur
jugement clinique.
« Les infirmières peuvent intégrer ces
approches à leur pratique et les proposer en
exerçant leur jugement clinique, en fonction
de l’évaluation de l’état de santé globale du
patient. Elles peuvent le renseigner sur les
risques et les bénéfices potentiels, effectuer
un suivi et évaluer les changements dans leur
état de santé, tout comme on le fait pour les
soins conventionnels. » Bref, une infirmière
qui a acquis des connaissances et développé
des compétences suffisantes pour utiliser
une approche complémentaire conjointe-
ment à ses soins infirmiers peut elle-même
enseigner certaines techniques ou accompa-
gner un patient ayant déjà recours à diverses
pratiques, et partager son expérience avec
le reste de l’équipe soignante. Les infirmières
devraient également se former aux pratiques
existantes et se tenir à jour, tout comme pour
d’autres types de soins.
« La recommandation d’une approche
complémentaire s’insère bien dans l’ap-
proche patient-partenaire, c’est-à-dire dans
PORTRAIT
© Audrey Boivin
un cadre collaboratif et respectueux de ses
valeurs et de ses croyances », remarque-t-elle.
DES AVANTAGES POUR LE PATIENT
COMME POUR L’ÉQUIPE SOIGNANTE
D’origine française, Mélanie Couty estime
que certaines approches sont plus répan-
dues en Europe qu’ici. Par exemple, on y
utilise davantage l’hypnose comme moyen
d’anesthésie. « Par contre, au Québec, on
accorde plus d’importance au bien-être, à
une saine alimentation, à l’exercice de la
pleine conscience. »
Elle voit aussi d’autres bénéfices à l’utili-
sation d’approches complémentaires avec
les patients. « Les soins et services conven-
tionnels, qui prennent souvent racine dans
les disciplines biomédicales, soignent des
symptômes physiques, et on en a bien besoin.
Mais il est aussi important de considérer la
personne dans sa globalité et de s’attarder à
son bien-être mental, psychologique, énergé-
tique ou physique pour la comprendre dans
ses différentes dimensions. »
Plus encore, elle considère que ces
approches peuvent inciter les patients à
jouer un rôle plus actif sur leur santé. « Les
approches complémentaires peuvent faire
partie des outils pour aider les patients à
prendre en charge leur santé, à mieux se
connaître et à prendre soin de leur corps. »
Avec leur bagage scientifique, les infirmières
se trouvent donc aux premières loges pour
accompagner les patients sur ce chemin. Un
changement dans les postures et les pra-
tiques aussi attendu que bénéfique. •
POUR EN SAVOIR PLUS
Découvrez le cadre de référence,
intitulé Obligations à l’égard des
approches complémentaires utilisées
de manière conjointe à l’exercice de la
profession infirmière à l’adresse oiiq.
org/approches-complementaires
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 13
© Shutterstock / SeventyFour

Interventions prometteuses
destinées aux infirmières
gestionnaires pour optimiser
l’étendue de pratique infirmière
(ÉPI)
Le système de santé du Québec a connu de multiples réformes au cours des dernières années (Boucher, 2021;
Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2015), dont la plus récente, la réforme « Santé Québec »
avec le dépôt du projet de loi 15 en mars 2023. En effet, les transformations du système de santé et des ser-
vices sociaux visant à répondre à la complexité de soins liée au vieillissement de la population et aux maladies
chroniques ont entraîné des impacts colossaux sur l’organisation des soins et sur la profession infirmière
(Boucher, 2021; Ganz, Toren et Fadlon, 2016; MSSS, 2015). Ces transformations appellent à modifier le rôle de
tous les professionnels de la santé nécessaire pour répondre aux besoins évolutifs de la population en déve-
loppant des pratiques professionnelles novatrices issues des résultats probants (Boucher, 2021; Ganz et al.,
2016). En conséquence, les infirmières gestionnaires sont constamment invitées à renouveler l’organisation
et l’utilisation optimale des ressources infirmières, financières et technologiques (MSSS, 2017).
par RUN KIM, inf., M. Sc. inf. et ISABELLE BRAULT, inf., Ph. D.
Face à cette restructuration et réorganisation de soins, Ainsi, il appert que les infirmières, par le déploiement
à la pénurie du personnel infirmier et aux demandes optimal de l’étendue de leur pratique (ÉPI), l’utilisation
grandissantes des soins liées au vieillissement de la efficace de leurs compétences et leur implication auprès
population et aux maladies chroniques, les infirmières des patients, ont un rôle déterminant à jouer pour favo-
gestionnaires sont interpellées pour trouver des solu- riser un accès aux soins sécuritaires et de qualité et
tions novatrices et concrètes afin de répondre de notamment, pour optimiser la performance du système
manière efficace et efficiente aux besoins de la popula- de santé (Boucher, 2021; Déry et al., 2016). Selon Déry
tion, tout en offrant des soins et des services sécuritaires et al. (2017), l’ÉPI consiste en un ensemble de fonctions
et de qualité optimale (Boucher, 2021; Ganz et al., 2016; et de responsabilités dévolues légalement aux infir-
MSSS, 2015). mières ayant les compétences, les connaissances et les
Selon les écrits (Déry, D’Amour et Roy, 2017; Dubois habiletés pour les exercer.
et al., 2012; Ducharme, 2018; Jones, Hamilton et Murry, Bien que le cadre légal québécois autorise une auto-
2015; SIDIIEF, 2015), l’optimisation de l’étendue de nomie et des responsabilités professionnelles accrues
pratique infirmière (EPI) et le déploiement du champ aux infirmières depuis 2003, des études réalisées au
d’exercice infirmier constituent un levier essentiel pour Québec (D’Amour et al., 2012; Déry et al., 2016, 2018)
y répondre. Il s’avère alors que l’expertise infirmière constatent que les infirmières déploient environ 50 %
constitue un apport essentiel au système de santé en de l’ÉPI. Alors que des efforts ont été déployés pour
transformation pour améliorer les services de santé.

14 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


améliorer le rendement global du système de santé, une
sous-utilisation de l’ÉPI est encore observée.
D’ailleurs, plusieurs écrits (Déry et al., 2016, 2018;
Ganz et al., 2016; Jones et al., 2015) ont déploré que le
déploiement de l’ÉPI ne soit pas optimal en raison de
plusieurs facteurs individuels et organisationnels qui
l’influencent.
En termes de facteurs organisationnels tels que la
surcharge de travail, les tâches administratives
importantes, ainsi que la mauvaise compréhension et
l’ambiguïté du rôle de l’infirmière au sein de l’équipe
interprofessionnelle peuvent influencer négativement
ce déploiement dans les milieux de soins (Déry et al.,
2016; Dubois et al., 2012; Jones et al., 2015).
De plus, les lacunes sur le plan organisationnel,
reflétées par des effectifs infirmiers insuffisants, une aug-
mentation de ratio infirmière-patients et, dans certains
milieux, une augmentation du temps supplémentaire
obligatoire de travail, ont aussi des impacts néfastes
(Aïken et al., 2017; Boucher, 2021; Déry et al., 2017; Jones
et al., 2015; Lavoie-Tremblay et al., 2010, 2020; OIIQ,
2020; Rochefort, 2019; SIDIIEF, 2015).
Les facteurs individuels associés au niveau de forma-
tion, d’expérience et de croissance personnelle peuvent
influencer la mise en œuvre de la pleine ÉPI (Déry et al.,
2016; White et al., 2008).
Au Québec, plusieurs écrits (Boucher, 2021; D’Amour
et al., 2012; Déry et al., 2017; Dubois et al., 2012; OIIQ,
2020) ont déploré que cette sous-utilisation constitue
un enjeu majeur de la profession, de l’organisation et de
l’amélioration des soins à la population.
D’ailleurs, le rapport des commissaires Ducharme et
Salois (Boucher, 2021) sur les États généraux de la pro-
fession infirmière a démontré que l’ÉPI au Québec est
déployée non favorablement et à géométrie variable au
sein des milieux de soins en raison, entre autres, de l’en-
vironnement et du contexte de pratique. Les conditions de
travail et l’organisation de soins précaires sont des enjeux
exceptionnels pouvant influencer la pratique infirmière
au Québec, enjeux avec lesquels les infirmières gestion-
naires doivent jongler notamment avec les contraintes
managériales (Boucher, 2021; Brousseau, 2019; Ferrada-
Videla, Dubois et Pepin, 2020).
En effet, les infirmières gestionnaires jouent un rôle
crucial dans le déploiement de l’ÉPI (Aïken et al., 2017;
D’Amour et al., 2012; Dubois et al., 2012; Simpson,
Lyndon et Ruhl, 2016). D’une part, elles apportent géné-
ralement du soutien pour la consolider dans un souci de
répondre aux besoins de la population. D’autre part, elles
s’engagent à assurer une pratique infirmière respectant
les normes légales permises et les standards de pratiques
professionnelles (Déry et al., 2017; OIIQ, 2014).
OBJECTIFS
Ainsi, suivant le constat d’une sous-utilisation de
l’éventail des activités professionnelles liées aux enjeux
d’ordre professionnel, organisationnel et systémique,
cette étude vise d’abord à faire un état de connaissances
et, aussi, à identifier et à décrire les interventions pro-
metteuses destinées aux infirmières gestionnaires pour
soutenir le déploiement optimal de l’ÉPI. Cette étude a
pour conséquence de répondre à la question suivante :
Quel est l’état des connaissances concernant les inter-
ventions effectuées par les infirmières gestionnaires pour
un déploiement optimal de l’ÉPI?
MÉTHODOLOGIE
Pour y répondre, un rapid review selon les cinq principales
étapes de Dobbins (2017) a été utilisé dans le cadre de
cette étude (Encadré 1).
Encadré 1
RECHERCHE
CINQ PRINCIPALES ÉTAPES
1 Définir la question de recherche selon la méthode PICO
a permis de déterminer les concepts pertinents pour
la recherche documentaire de manière rigoureuse et
structurée.
2 Réaliser la stratégie de la recherche documentaire en
relevant des résultats probants liés aux interventions
prometteuses dans la littérature scientifique, autant
des études quantitatives et qualitatives publiées et
notamment, dans la littérature grise1 portant sur le
sujet d’intérêt. La sélection des articles a été réalisée
selon une évaluation systématique de leur qualité mé-
thodologique.
3 Recenser les écrits pertinents selon une démarche
documentaire rigoureuse répondant au but et à la
question de recherche tout en s’inspirant d’un cadre
conceptuel.
4 Synthétiser la recension des écrits visant à présenter
un résumé des résultats obtenus en mettant en évi-
dence les divers thèmes regroupés.
5 Faire des recommandations susceptibles d’influen-
cer les prises de décisions, à la suite de la discussion
concernant les résultats de recherche obtenus.
Au terme du processus de recherche selon le rapid review,
46 articles ont été obtenus dont 29 issus des écrits scien-
tifiques et 17 documents provenant de la littérature grise.
Ces articles ont été systématiquement recueillis, évalués
et analysés afin de recommander des interventions pro-
metteuses aux infirmières gestionnaires.
RAPID REVIEW
Le rapid review est une forme de synthèse des
connaissances qui suit le processus d’examen
systématique (Dobbins, 2017). Ce type de syn-
thèse des résultats probants contribue à fournir
un examen rapide de la revue des écrits scienti-
fiques sur un sujet, en considérant le nombre de
publications identifié dans les recherches explo-
ratoires afin d’éclairer et d’influencer un enjeu
et, notamment, de favoriser la prise de décisions
concernant la pratique, les programmes et les
politiques (Dobbins, 2017).
En effet, le rapid review permet de faire une
recension des interventions favorables pour
déployer optimalement l’ÉPI en se basant sur
l’examen systématique des résultats probants
disponibles issus des écrits scientifiques et de
la littérature grise. Cette recension permettra
ensuite de formuler et d’émettre les recomman-
dations aux infirmières gestionnaires (Dobbins,
2017).
CADRE CONCEPTUEL
Le modèle d’utilisation des ressources infirmières (MURI) 1. La littérature grise
de Dubois et al. (2012) a servi comme cadre conceptuel regroupe tous les
tout au long de ce processus méthodologique, sur les documents, papier ou
électroniques, produits
plans tant de la conduite de la recherche que de l’analyse
par les gouvernements,
des résultats. Ce cadre conceptuel MURI est représenté les établissements
par trois concepts interreliés : dotation, champ d’exercice d’enseignement et de
et environnement de travail. Ces concepts représentent recherche, du com-
les dimensions essentielles du point du vue systémique merce et de l’industrie.
et englobant en lien avec la problématique soulevée. Ils
permettront ainsi d’indentifier des interventions poten-
tielles recherchées. Ces trois concepts répondent aux
objectifs d’amélioration de soins sécuritaires et de qualité,
aux besoins complexes des patients, à la pénurie de per-
sonnel et à la satisfaction des infirmières (Dubois et al.,
2012) (Figure 1).
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 15
RECHERCHE Figure 1
MODÈLE D’UTILISATION DES RESSOURCES INFIRMIÈRES

Contexte organisationnel

Modèles d’organisation des soins infirmiers

Qualité et sécurité des soins

Dotation Étendue de pratique

Capacité d’innovation Environnement

de pratique Santé et satisfaction au travail
des infirmières
Environnement de travail

Source : Dubois et al., 2012 (Traduction libre).

Dotation des hôpitaux magnétiques, est caractérisé par le soutien des

La dotation renvoie aux aspects liés aux caractéristiques
propres de l’organisation des effectifs en soins infirmiers et en
assistances de soins (ex., déploiement du personnel selon les
heures, soins quotidiens, ratio personnel infirmier et patients).
Champ d’exercice
Le champ d’exercice est au cœur même de l’ÉPI et comprend les
six dimensions révélées dans l’étude de D’Amour et al. (2012) :
1. évaluation et planification des soins;
2. enseignement à la clientèle et aux familles;
3. communication et coordination des soins;
4. intégration et encadrement du personnel;
5. optimisation de la qualité et de la sécurité des soins;
6. mise à jour et utilisation des connaissances.
Environnement de travail
Le dernier des trois concepts représente l’environnement de
travail qui comprend deux aspects liés à la capacité d’innovation
et l’environnement de la pratique. Selon Dubois et al. (2012), la
capacité d’innovation représente les ressources technologiques
innovantes pour répondre aux besoins des soins au patient de
manière efficiente et, aussi, pour soutenir les pratiques de l’in-
firmière. Selon ces auteurs, l’environnement de pratique, inspiré
infirmières gestionnaires pour une plus grande autonomie pro-
fessionnelle et un exercice infirmier optimal (Prado-Inzerillo,
Calvelle et Fitzpatrick, 2018).
Ces variables explorées selon les perspectives de l’admi-
nistration des soins infirmiers ont permis de bien comprendre
leurs relations afin de mieux déterminer les stratégies et les
interventions à privilégier qui comportent à la fois des enjeux
professionnels, organisationnels et systémiques en vue d’amé-
liorer le déploiement de l’ÉPI.
HÔPITAL MAGNÉTIQUE
« Se réfère à un établissement de santé capable d’attirer
et de retenir des professionnelles en soins qualifiées. Un
fort degré de satisfaction professionnelle y est associé
à un niveau élevé de qualité des soins. Dans l’hôpital
magnétique, on observe que les professionnelles en
soins sont valorisées, qu’elles jouissent d’une grande
autonomie dans l’exercice de leurs fonctions et que le
support nécessaire à leur pratique est fourni. » (Viens,
Lavoie-Tremblay et Mayrand-Leclerc, 2002)

16 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


PRINCIPAUX RÉSULTATS
Selon des données recensées et analysées, l’ÉPI est influencée
par diverses interventions à caractère systémique touchant
les sphères gouvernementale, institutionnelle, et législative,
ainsi que les interventions à caractère organisationnel liées
aux ressources humaines, à l’organisation des soins et, nota-
mment, aux caractéristiques de l’environnement de soins et de
pratique, telle la capacité d’innovation (AIIC, 2014; Lankshear
et al., 2016; Lavander et al., 2017). Quant aux interventions à
caractère individuel, elles se réfèrent aux caractéristiques de
l’infirmière gestionnaire relatives à son style de leadership, à
RECHERCHE
sa capacité de vision et d’orientation qui pourraient influencer
le soutien au déploiement optimal de l’ÉPI (Brousseau, 2019;
Déry et al., 2016; Everett et Sitterding, 2013; Fealy et al., 2015;
Ferrada-Videla et al., 2020; Smith et al., 2019).
Principales interventions à caractère systémique
Concernant les interventions à caractère systémique, diverses
pistes d’interventions touchent un écosystème tant au niveau du
système professionnel, gouvernemental et institutionnel dans
lequel la profession infirmière évolue (Tableau 1).

Tableau 1
PISTES D’INTERVENTIONS PROMETTEUSES À CARACTÈRE SYSTÉMIQUE
SYSTÈMES PISTES D’INTERVENTIONS

Professionnel Un ordre professionnel, comme l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), peut mettre en place certaines in-
terventions. Dans la perspective du système professionnel et en raison de son principal mandat de protection du public,
notamment de contrôle de l’exercice de la profession infirmière (Office des professions du Québec [OPQ], 2021), l’OIIQ est
concerné par la promotion du champ d’exercice infirmier et le soutien des pratiques professionnelles sécuritaires et de
qualité. D’ailleurs, certains écrits (Baker et Williams, 2016; Boucher, 2021; OIIQ, 2020; Rochefort et al., 2020; Williams et al.,
2016) soutiennent le rehaussement de la formation initiale des infirmières au niveau universitaire. Cela favoriserait le
déploiement de leur plein champ d’exercice en vue de répondre à la complexité des soins et des besoins grandissants de
la population. Ainsi, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, l’OIIQ peut contribuer à promouvoir la portée
optimale de la pratique infirmière et à faciliter l’application du champ d’exercice infirmier, les paramètres du cadre légal
et réglementaire afin de maximiser le déploiement de l’ÉPI (Boucher, 2021).

Gouvernemental Il est suggéré que les infirmières gestionnaires œuvrant au niveau gouvernemental exercent une influence politique en
mettant en œuvre les 31 recommandations structurantes émises dans le rapport des commissaires des États généraux
de la profession infirmière (Boucher, 2021). Les principales recommandations touchent, entre autres, l’environnement
et le contexte de pratique, les rôles et les responsabilités dévolues à l’infirmière pour augmenter l’ÉPI, des modalités
sur la norme d’entrée à la profession infirmière et la formation initiale, le soutien lié au développement professionnel
(Boucher, 2021). Cette influence politique vise à exercer des habilités stratégiques et à comprendre les jeux de pouvoir
afin de prendre part aux décisions stratégiques et politiques dans les hautes sphères de la structure organisationnelle
(Ferrada-Videla et al., 2020). Tout cela en vue de valoriser les enjeux pour améliorer et augmenter l’ÉPI. L’occupation des
positions de haute direction et stratégiques par des infirmières gestionnaires favorisera alors l’exercice d’influence po-
litique (Ferrada-Videla et al., 2020). Par ailleurs, le développement d’un plan de dotation national est une des stratégies
susceptibles d’influencer l’utilisation optimale de l’ÉPI (Dubois et al., 2012).

Institutionnel Comme au niveau gouvernemental, les infirmières gestionnaires exerçant dans des institutions d’enseignement ont un
rôle crucial pour préparer, promouvoir et intervenir en amont l’optimisation de l’ÉPI, autant en formation initiale qu’en
formation continue.

Principales interventions à caractère organisationnel
Selon les écrits répertoriés, l’ÉPI est influencée par les inter-
ventions à caractère organisationnel qui tiennent compte de
certains facteurs propres à chaque contexte de soins, de struc-
ture organisationnelle et d’environnement de pratique. Les
infirmières gestionnaires dans les milieux cliniques exercent un
rôle essentiel dans l’organisation et le soutien au déploiement
optimal de l’EPI.
Selon certains écrits (Déry et al., 2017; Ferrada-Videla et al.,
2020; Lucatorto, Thomas et Siek, 2016; Morin et Lessard,
2019), l’implantation de la gouvernance partagée au sein de
l’organisation favoriserait l’implication active des infirmières

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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 17


RECHERCHE
à différents paliers de décisions pour déployer l’ÉPI. De plus,
il est suggéré de concevoir un modèle d’organisation de soins
impliquant notamment la révision du processus de travail afin
de maximiser l’utilisation des ressources infirmières pour de
meilleurs résultats de soins aux patients, pour une ÉPI optimale
et pour la satisfaction du personnel infirmier (D’Amour et al.,
2012; Dubois et al., 2012; Halcomb et Ashley, 2019; RNAO,
2017). D’ailleurs, la planification de la main-d’œuvre infirmière
qualifiée et en nombre suffisant permet l’utilisation de leurs
compétences et le déploiement optimal de l’ÉPI (D’Amour et al.,
2012; Dubois et al., 2012; RNAO, 2017).
Comme l’amélioration du processus de travail, l’évaluation et la
révision de la composition d’équipe de soins font partie des inter-
ventions à mettre de l’avant pour augmenter l’ÉPI (Dubois et al.,
2012; Lavander et al., 2017). Par ailleurs, Gannan et al. (2019)
ont mis en évidence la mise en œuvre des pratiques collabora-
tives intraprofessionnelles et interprofessionnelles pour s’assurer
de meilleurs soins aux patients tout en mettant à profit l’ÉPI, les
compétences, les expertises de l’infirmière, ainsi que des autres
professionnels.
D’ailleurs, les infirmières gestionnaires peuvent contribuer à
mettre en œuvre une culture de développement professionnel et
de maintien de compétences pour encourager la mise à jour des
connaissances et des compétences des infirmières (AIIC, 2014;
Boucher, 2021; Smith et al., 2019; Williams et al., 2016). Selon
plusieurs écrits (D’Amour et al., 2012; Déry et al., 2016, 2017;
Edmonson, Marshall et Gogek, 2020; Ganann et al., 2019), une
des interventions cruciales consiste à instaurer le développement
des pratiques professionnelles grâce au soutien clinique. Pour opti-
miser l’ÉPI, les infirmières gestionnaires sont encouragées à créer
un environnement de pratiques novatrices visant à promouvoir
une culture d’innovation selon les résultats probants et les progrès
scientifiques en soins infirmiers (Baker et Williams, 2016; Boucher,
2021; Déry et al., 2016; Everett et Sitterding, 2013). En faisant
preuve d’innovation, les infirmières gestionnaires s’engageraient
à créer un environnement de pratiques favorisant l’implantation
des technologies appropriées (Ganann et al., 2019).
Principales interventions à caractère individuel
Quant aux interventions à caractère individuel, elles se réfèrent
aux compétences de gestion et aux caractéristiques de l’infirmière
gestionnaire. Plusieurs écrits (Brousseau, 2019; Déry et al., 2016;
Everett et Sitterding, 2013; Fealy et al., 2015; Ferrada-Videla et al.,
2020; Smith et al., 2019) ont révélé que le style de leadership, la
capacité de vision et d’orientation, les compétences de gestion,
les habilités personnelles et professionnelles, ainsi que l’identité
professionnelle pourraient influencer la manière de soutenir le
déploiement optimal de l’ÉPI. Il appert ainsi que le rôle crucial des
infirmières gestionnaires dans la mise en œuvre de la pleine occu-
pation de l’ÉPI passe par les capacités et les habilités de leadership
infirmier.
Les études de Déry et al. (2016) et de Fealy et al. (2015)
décrivent le leadership infirmier qu’exercent les infirmières ges-
tionnaires à tous les paliers de l’organisation pour promouvoir la
contribution des infirmières dans l’occupation optimale de leur
champ d’exercice. Déry et al. (2016) et Ferrada-Videla et al. (2020)
ont recommandé aux infirmières gestionnaires d’exercer leur lea-
dership en apportant leur contribution au sein de l’organisation
dans une perspective d’amélioration de la qualité et sécurité de
soins, ainsi que de gouvernance partagée. En se positionnant et
en clarifiant leur rôle concernant la qualité de soins, les infirmières
gestionnaires pourront communiquer clairement leur vision relative
à la performance clinique et au perfectionnement professionnel
liés aux compétences infirmières et, également, au soutien afin
d’optimiser la portée de la pratique infirmière et l’ÉPI (Déry et al.,
2016; Ferrada-Videla et al., 2020).
À cet égard, les infirmières gestionnaires sont engagées à cla-
rifier et à partager une vision commune sur l’organisation des
soins et l’utilisation des ressources infirmières cliniciennes tout en
réfléchissant sur certains aspects liés aux caractéristiques d’em-
ploi, à l’organisation des processus de travail et à l’évaluation et la
composition des équipes (D’amour et al., 2012; Déry et al., 2016;
Dubois et al., 2012).
18 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
L’étude descriptive quantitative de Prado-Inzerillo et al. (2018)
met en lumière la capacité des infirmières gestionnaires à être
orientées vers les soins et services de qualité qui inspirent une
vision commune sur un projet ralliant tous les acteurs concernés.
Ainsi, les infirmières gestionnaires sont appelées à déterminer et
orienter les priorités selon les demandes et les besoins tout en res-
pectant les valeurs, la mission et les mandats de leur organisation
(RNAO, 2013).
Les infirmières gestionnaires sont responsables de promou-
voir un environnement de pratique infirmière axée sur l’autonomie
professionnelle et l’occupation optimale de l’ÉPI. Les interventions
prometteuses proposées par Déry (2013) consistent à réviser et à
améliorer le processus de travail en s’inspirant des caractéristiques
des hôpitaux magnétiques qui préconisent la gestion participative,
l’exercice de leadership aux divers niveaux d’organisation, l’im-
plantation de modèles de pratiques professionnelles novateurs
et la valorisation de l’autonomie professionnelle. L’exercice de lea-
dership teinté de ces habilités personnelles et professionnelles
permet de mobiliser les infirmières pour leur permettre de pratiquer
selon leurs responsabilités professionnelles conformément aux lois
et règlements sur la pratique infirmière, à collaborer et, particuliè-
rement, à contribuer aux soins en occupant pleinement leur champ
d’exercice et l’ÉPI (AIIC, 2014; Déry et al., 2016; Ferrada-Videla
et al., 2020; Lucatorto et al., 2016; RNAO, 2013).
La Figure 2 résume les trois catégories d’interventions à carac-
tère systémique, organisationnel et individuel, ainsi que les divers
types d’interventions associées à chacune d’entre elles.
DISCUSSION
À l’heure actuelle, les enjeux et les défis liés à la transformation
du système de santé et à l’organisation des soins pour améliorer
la performance générale des soins et des services suscitent la
réflexion sur la position centrale de la directrice des soins infir-
miers (DSI) à occuper un rôle stratégique dans l’organisation de
soins pour s’assurer du contrôle de la qualité des activités pro-
fessionnelles et du développement de la pratique professionnelle
(Ferrada-Videla et al., 2020; Fortin et al., 2015; OIIQ, 2014). De ce
fait, il est nécessaire de se questionner sur l’implication de la DSI et
de son équipe de gestionnaires en vue d’optimiser l’ÉPI.
Rôle de la DSI et des infirmières gestionnaires
Des infirmières gestionnaires de proximité (ex., chef d’unités,
chef de service, chef de programme, coordonnateurs d’activités
de soins) gèrent directement des équipes de travail auprès des
patients. Elles jouent un rôle opérationnel clinique et administratif
pour mettre en œuvre différents mandats et projets cliniques ou
organisationnels. Quant aux conseillères-cadres, elles sont impli-
quées dans le développement, l’implantation, l’encadrement et la
surveillance des pratiques professionnelles.
Ayant un rôle stratégique, la DSI doit s’assurer de la surveillance
et du contrôle de la qualité des soins, ainsi que du développement
des compétences infirmières. En plus, elle doit veiller à la distri-
bution appropriée des effectifs infirmiers et la planification, à la
coordination et l’évaluation des soins infirmiers.
Ces différents types d’infirmières gestionnaires sont appelés
à travailler en collaboration avec les parties prenantes à tous les
niveaux de leur écosystème pour optimiser l’ÉPI .
Pour ce faire, elles sont encouragées à mettre en œuvre les
recommandations et pistes d’interventions à caractère systémique,
organisationnel et individuel, dont les principales sont abordées dans
ce présent article.
Six recommandations et 38 pistes d’interventions
prometteuses
Les interventions prometteuses relevées à partir des écrits recen-
sés et analysés sont multifactorielles et interdépendantes aux
niveaux systémique, organisationnel et individuel qui influencent
le déploiement de l’ÉPI. Ces résultats ont permis de relever six
recommandations et 38 pistes d’interventions prometteuses
pour optimiser l’ÉPI. Celles-ci ont été formulées selon le contexte
québécois et s’appuient sur les trois principaux concepts (ex. :
dotation, champ d’exercice, environnement de soins) du cadre
conceptuel de Dubois et al. (2012).
Figure 2

RECHERCHE
TYPES D’INTERVENTIONS À CARACTÈRE SYSTÉMIQUE, ORGANISATIONNEL ET INDIVIDUEL

Intervention à caractère systémique

• OIIQ : cadre légal et réglementaire, champ d’exercice infirmier et
activités professionnelles
• Gouvernement : influence politique, plan de dotation national,
rehaussement de la formation initiale
• Institutions (milieux d’enseignement, milieux de soins)

Étendue de pratique infirmière

• Éventail de responsabilités et de fonctions

Interventions à caractère organisationnel Intervention à caractère individuel

• Mise en place de la gouvernance partagée • Leadership infirmier
• Planification de la main d’œuvre • Capacité de vision et d’orientation : valeurs et mandats,
• Organisation des soins : amélioration du processus de orientations des soins et services
travail, composition des équipes de soins • Compétences de gestion : habilités de gestion, soutien
• Environnement de soins : équipe de soins et administratif
collaboration interprofessionnelle, formation et • Habiletés personnelles et professionnelles : attributs
développement professionnel, développement des personnels et professionnels, développement
pratiques professionnelles et soutien clinique, pratiques professionnel en gestion
innovantes, modalités technologiques

Ces interventions sont proposées plus particulièrement en fonction
de la structure de la gouvernance en soins infirmiers dans le
système de santé au Québec. Cette structure est d’ailleurs dirigée
par la DSI et son équipe d’infirmières gestionnaires (OIIQ, 2014).
Tableau 2
RECOMMANDATIONS 1 À 4 LIÉES AUX INTERVENTIONS PROMETTEUSES AU NIVEAU SYSTÉMIQUE ET ORGANISATIONNEL
TYPE DE GESTIONNAIRE RECOMMANDATIONS
Recommandations et interventions à caractère systé-
mique, organisationnel et individuel
Les six recommandations formulées touchent, entre autres, une
structure de gouvernance en soins infirmiers forte, un soutien
clinique suffisant, une organisation de soins adéquate, un envi-
ronnement favorisant une culture d’excellence, un exercice du
leadership infirmier, ainsi qu’un soutien au développement et
à la formation des infirmières gestionnaires (Tableaux 2 et 3).

Cadre supérieur (DSI) 1. Définir et soutenir une structure de gouvernance en soins infirmiers forte dans les milieux
cliniques en collaboration avec les parties prenantes concernées (Directrice nationale des
services et soins infirmiers [DNSSI] du MSSS, [OIIQ], milieux universitaires, gestionnaires
des autres directions du milieu clinique, partenaires externes).

Cadre intermédiaire 2. Avoir des conseillères-cadres ou infirmières ayant des fonctions équivalentes en nombre suffi-
(conseillère-cadre en soins infirmiers ou sant selon les besoins des milieux cliniques afin de soutenir la DSI dans le déploiement optimal
infirmières ayant des fonctions équiva- de l’ÉPI auprès des infirmières, et ce, en collaboration avec les acteurs concernés (ex.: gestion-
lentes) naires de premier niveau, milieux académiques, OIIQ, DNSSI du MSSS, partenaires externes).

Cadre intermédiaire
(infirmière gestionnaire opérationnelle)
3. Favoriser un environnement de travail sain en mettant en œuvre les interventions promet-
teuses liées à l’organisation des effectifs infirmiers et des soins.
4. Considérer les caractéristiques de l’environnement de soins afin de créer et de maintenir un
environnement professionnel de pratique infirmière favorisant une culture d’excellence et
une optimisation de l’ÉPI.

Tableau 3
RECOMMANDATIONS 5 ET 6 LIÉES AUX INTERVENTIONS PROMETTEUSES AU NIVEAU INDIVIDUEL
TYPE DE GESTIONNAIRE RECOMMANDATIONS

Toutes infirmières gestionnaires
(cadre supérieure ou cadre intermédiaire)
5. Exercer et adopter un style de leadership infirmier fort et visible aux différents paliers de
l’organisation de soins en démontrant des comportements liés aux habilités personnelles et
professionnelles suivantes : communication efficace, habilités de partenariat, bonne connais-
sance du système de santé, professionnalisme et compétences en gestion.
6. Offrir du soutien au développement professionnel et de la formation sur les compétences en
gestion aux infirmières.

Quant aux pistes d’interventions, seules celles à caractère
systémique, organisationnel et individuel associées à ces six
recommandantions et adressées aux infirmières gestionnaires
sont abordées ici.
Pour soutenir les infirmières à déployer leur pleine étendue
de pratique du point de vue systémique, il est recommandé
de définir et soutenir une structure de gouvernance en soins
infirmiers forte dans les milieux cliniques. Cela permettrait à
la DSI de se repositionner au niveau de ses responsabilités
hiérarchiques et transversales, et, également, d’exercer son
leadership à différents paliers de l’écosystème. D’ailleurs, la mise
en place d’une structure organisationnelle et d’une équipe d’in-
firmières gestionnaires est primordiale pour soutenir et réaliser
les mandats et les projets cliniques et organisationnels de la DSI.
Du point de vue systémique et organisationnel, il est recom-
mandé d’avoir un nombre suffisant de conseillères-cadres pour
soutenir le déploiement optimal de l’ÉPI auprès des infirmières.
Ces conseillères pourront renforcer le soutien clinique et rétablir

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 19

RECHERCHE
l’autonomie décisionnelle des infirmières. Elles collaboreront avec
la DSI, entre autres, pour réviser le processus de travail, développer
un modèle de pratiques professionnelles, réduire l’ambiguïté des
rôles, élargir la portée de la pratique infirmière, notamment, celle de
la pratique infirmière avancée (ex.: infirmière praticienne spécialisée
[IPS]) selon leurs compétences et leur champ d’exercice infirmier,
ainsi que leurs activités professionnelles dévolues.
Ces conseillères-cadres sont appelées, entre autres, à :
• Déployer l’ÉPI de manière à rendre effective l’application du
cadre législatif et des règlements professionnels, ainsi que
des normes de pratiques pour une pratique sécuritaire et de
qualité.
• Favoriser l’implantation des pratiques basées sur les résultats
probants en rendant disponible des ressources informatiques
et pédagogiques (ex. : modules d’apprentissage en ligne).
• Implanter des programmes de résidence/ de mentorat/ de
préceptorat pour retenir de nouvelles infirmières et pour les
aider à une meilleure transition entre l’apprentissage théo-
rique et l’apprentissage pratique.
D’ailleurs, la DSI collabore avec son équipe d’infirmières gestion-
naires pour examiner de manière approfondie l’organisation du
travail. En effet, les conditions de travail et le contexte de pratique
favorables sont essentiels pour améliorer l’ÉPI.
Ainsi, les infirmières gestionnaires au niveau opérationnel ou de
proximité favorisent un environnement de travail sain. Elles sont
encouragées à mettre en œuvre des interventions prometteuses
liées à l’organisation des effectifs infirmiers et des soins. Ces inter-
ventions visent, entre autres à :
• Améliorer le processus de travail en supprimant les activi-
tés ayant peu ou pas de valeur ajoutée pour les patients ou
l’organisation.
• Implanter des processus de dotation efficaces (ex. : outils
de législation imposant des ratios minimaux obligatoires
en complément avec d’autres stratégies, comme implanter
des outils fiables et valides pour déterminer les besoins et la
charge de travail).
• Élaborer des politiques et des incitatifs pour attirer et retenir
du personnel infirmier.
• Définir l’organisation des soins selon les caractéristiques des
modèles de soins appropriés.
• Contribuer à la création d’un espace de travail pour réfléchir
et proposer des solutions pour améliorer l’ÉPI (ex. : avoir une
compréhension commune de l’ÉPI, offrir le soutien nécessaire,
intervenir dans les aspects organisationnels limitants).
Concernant des recommandations d’ordre individuel, la DSI et
son équipe d’infirmières gestionnaires sont encouragées à exercer
un leadership infirmier pour soutenir le déploiement optimal de
l’ÉPI. Ce qui permettrait d’orienter les projets cliniques et organisa-
tionnels, de soutenir les changements, ainsi que de promouvoir une
culture innovante.
Il est recommandé également d’offrir du soutien au dévelop-
pement professionnel et de la formation sur les compétences en
gestion aux infirmières gestionnaires (ex. : développer les compé-
tences politiques et le leadership) pour agir et améliorer la culture de
l’organisation plus performante et plus collaborante tout en offrant
des soins de haute qualité aux patients (Prado-Inzerillo et al., 2018).
En somme, pour accompagner les infirmières à exercer leur pleine
étendue de pratique de façon autonome selon leurs compétences
et leurs formations, voici les trois principales recommandations aux
infirmières gestionnaires (Encadré 2).
LES AUTEURES
RUN KIM
Inf., M. Sc. inf.
Conseillère à la qualité de la pratique
Direction, Développement et soutien professionnel
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
Cet article est le résumé de son mémoire de maîtrise. La version complète
de ce mémoire est disponible à : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/
handle/1866/27231
20 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
Encadré 2
TROIS PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
1 Exercer son leadership. Les infirmières gestionnaires doivent
établir une gouvernance en soins infirmiers forte qui s’articule
autour des décisions sur les pratiques infirmières d’excellence
et l’organisation optimale de soins.
2 Développer une synergie entre les acteurs clés concernés au
niveau de leur écosystème (professionnel, gouvernemental et
éducatif) pour travailler en partenariat et le renforcer.
3 Déployer des actions concrètes pour orienter et mettre en
œuvre les recommandations et les pistes d’interventions pro-
metteuses concertées qui visent un déploiement optimal de
l’ÉPI, lesquelles permettront, notamment, de promouvoir les
compétences infirmières et de valoriser leur expertise. Cette
expertise infirmière doit être reconnue pour répondre aux en-
jeux et défis actuels du système de santé en transformation.
FORCES ET LIMITES DE L’ÉTUDE
Bien qu’un nombre restreint d’articles scientifiques retenus
aborde les interventions spécifiques liées au déploiement
optimal de l’ÉPI, plusieurs interventions prometteuses révé-
lées touchent divers aspects, tels que l’organisation de soins,
le leadership infirmier, la gouvernance en soins infirmiers et les
pratiques collaboratives. Ces thèmes pertinents sont intime-
ment liés aux trois principaux concepts du cadre MURI (Dubois
et al., 2012). La méthode du rapid review suit un processus
systématique basé sur des données scientifiques disponibles et
la littérature grise (Dobbins, 2017). Cette méthodologie apporte
des valeurs riches et significatives relatives au sujet d’intérêt, ce
qui a permis de dégager des interventions prometteuses selon
l’état des connaissances actuelles.
Cette étude a mis en lumière des recommandations et des
pistes d’interventions au niveau systémique, organisationnel
et individuel en fonction de la structure de gouvernance en
soins infirmiers au Québec. Ces interventions multifactorielles
et interdépendantes permettront aux infirmières gestionnaires
de soutenir le développement des pratiques professionnelles
et également, des projets organisationnels et cliniques en vue
d’améliorer la sécurité et la qualité des soins aux patients.
EN CONCLUSION
Les infirmières gestionnaires sont appelées à mettre en œuvre
ces interventions prometteuses dynamiques et interreliées de
manière globale et systémique en tenant compte des aspects
contextuels propres à l’organisation des soins et les milieux
cliniques. Certaines pourraient répondre à plusieurs besoins en
gestion des effectifs infirmiers, en organisation de soins et en
pratiques professionnelles, et également, améliorer l’environ-
nement de soins et de travail.
Ces diverses interventions prometteuses auront notamment
des retombées potentielles dans des sphères de la profession
infirmière (ex. : formation, gestion, enseignement et recherche)
permettant ainsi de soutenir les pratiques professionnelles
infirmières et leurs compétences, ainsi que d’optimiser le
déploiement de l’ÉPI. Par conséquent, cela améliorerait la
sécurité, la qualité des soins et les services à la population, et
valoriserait l’expertise infirmière.
Ainsi, les infirmières et infirmières gestionnaires sont encou-
ragées à passer à l’action pour espérer un changement positif
et une évolution favorable dans notre profession infirmière en
mettant en œuvre les recommandations et les interventions
prometteuses proposées. •
ISABELLE BRAULT
Inf., Ph. D.
Professeure agrégée
Faculté des sciences infirmières
Université de Montréal
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documents/20147/237836/3428-gouvernance-infirmiere-memoire.pdf

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 21

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ou d’antécédents de cancer du col de l’utérus ou de cancer progestatif-dépendant, de tumeurs hépatiques, bénignes
ou malignes, ou d’insuffisance hépatique, de saignements utérins anormaux non diagnostiqués et chez les patientes
présentant une hypersensibilité à ce médicament ou à l’un des ingrédients de la formulation de ce dernier.
• Les mises en garde et précautions importantes concernant le cancer du sein ; l’auto-examen des seins, le cancer du col
de l’utérus, les événements thromboemboliques artériels ou veineux, les patientes faisant face à une immobilisation
prolongée due à une chirurgie ou à une maladie, une diminution des taux sériques d’estradiol, une perte de densité
minérale osseuse, un risque d’hyperglycémie chez les personnes atteintes de diabète, patientes diabétiques présentant
une atteinte vasculaire, des saignements menstruels et des microrragies inhabituels après une utilisation prolongée,
hyperkaliémie; surveillance des concentrations sériques du potassium chez les femmes qui présentent un risque accru
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L’aide médicale à mourir :
paradoxes vécus par des
infirmières québécoises
L’aide médicale à mourir (AMM) a fait l’objet de nombreuses études au Canada anglais mais peu au Québec,
d’où l’intérêt de se demander comment les infirmières québécoises perçoivent leur rôle lors de l’accompagne-
ment des patients et de leurs familles. Quels sont les paradoxes vécus par les infirmières depuis la légalisation
de l’AMM?
par MAUDE HÉBERT, inf., Ph. D. et MYRIAM ASRI, inf., M. Sc. (adm. de la santé)
Selon Santé Canada (2022), 2 268 personnes ont reçu
l’AMM au Québec en 2021, comparativement à 494 en
2016. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi C-14, 31 664
personnes ont reçu l’AMM au Canada et ce nombre ne
cesse de croître.
Depuis 2016, l’AMM est une option parmi les soins
de fin de vie au Québec (Loi concernant les soins de fin
de vie [LCSFV]). Elle se définit comme « l’administration
de médicaments par un médecin à une personne, à sa
demande, dans le but de soulager ses souffrances en
entraînant son décès ». Le suicide assisté est légalement
interdit au Québec. La présente recherche porte donc
uniquement sur l’AMM.
L’AMM représente un changement historique au
Canada (Beuthin, Bruce et Scaia, 2018). Bien que ce
soit les médecins qui l’administrent, les infirmières y
collaborent étroitement, ce qui vient ajouter une autre
dimension à leurs activités (LCSFV). Les infirmières
tiennent en effet un rôle crucial avant, pendant et après
l’AMM et ce, dans tous les milieux de soins : hôpitaux,
CHSLD, maisons de soins palliatifs et à domicile. Les
infirmières sont des piliers des soins palliatifs. L’AMM a
redéfini les soins de fin de vie et cette nouvelle définition
peut poser un dilemme éthique pour plusieurs infirmières.
Les personnes soignées en soins palliatifs qui
répondent aux critères de l’AMM peuvent décider quand
et comment elles souhaitent mourir. L’AMM offre un
nouveau paradigme aux professionnels de la santé.
Pour certains, ce changement est tabou et difficile, car ce
RECHERCHE
qu’ils considéraient « tuer » dans le passé est aujourd’hui
devenu « un soin ». Cette recherche explore comment, au
Québec, les infirmières perçoivent leur rôle lors de l’AMM,
une pratique encore récente et en évolution.
CADRE THÉORIQUE
Depuis l’adoption de la LCSFV en 2015 et les discussions
entourant les critères d’admissibilité à cette pratique,
plusieurs recherches se sont penchées sur l’euthanasie et
le suicide assisté, des thèmes pourtant distincts de celui
de l’AMM mais malencontreusement parfois confondus.
Des études ont démontré que l’AMM a changé la vision
des soins palliatifs et des soins de fin de vie qu’avaient
les infirmières et qu’elle peut soulever des dimensions
(Heilman et Throten, 2019; Lamb et Pesut, 2021; Morley,
Bradbury-Jones et Ives, 2020) au niveau professionnel
(De Brasi et al., 2021; Ho et al., 2021; Joolaee et al., 2022;
Pesut et al., 2020a) et personnel (Bellens et al., 2020;
Beuthin et al., 2018; Pesut et al., 2019).
Dans le contexte de l’AMM, le rôle de l’infirmière est
souvent associé à un sentiment moral et à l’expression
d’une certaine détresse (Ho et al., 2021). Mitchell définit
un paradoxe comme [Traduction libre] « un changement
rythmique des perspectives, où la prise de conscience
naît de l’expérience des contradictions des priorités de
valeurs » [Traduction libre]. En choisissant de participer à
l’AMM, les infirmières mettent en priorité certaines valeurs
au détriment d’autres. Le paradoxe est le processus de
changement de perspective qui mène à la clarification
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 23
RECHERCHE
de valeurs ou à un dilemme éthique (Mitchell, 1993). Le
paradoxe diffère d’un dilemme éthique, qui est le fossé
entre la pratique infirmière réelle et la pratique idéale (Liu
et al., 2021).
MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
Devis
La théorisation ancrée1 est le devis qui convient bien
à l’étude d’un phénomène social d’intérêt. Plus préci-
sément, la méthode de Corbin et Strauss (2008) a été
retenue à cause de son approche constructiviste et prag-
matique qui correspondait à celle des chercheuses.
en mode virtuelle. Un exemple des questions posées est :
« Quelle est votre perception de l’AMM et comment a-t-
elle évolué? ».
Analyse
L’analyse des données fut concomitante à leur collecte.
Les discussions entre les chercheuses ont généré de
nouvelles hypothèses qui ont entraîné une modification
du guide d’entrevue (Corbin, 1998; Simoni et al., 2019).
Chaque entrevue a été transcrite intégralement par un
assistant de recherche. Les données ont été analysées
à l’aide du codage ouvert, axial et sélectif (Strauss et
Corbin, 1998).

Considération éthique RÉSULTATS : HUIT PARADOXES VÉCUS LORS

À la suite de l’approbation du comité d’éthique de la DU SOIN DE L’AMM
recherche du site affilié aux chercheuses, la technique L’analyse des données révèle que les participantes ont
d’échantillonnage en boule de neige a permis un recru- vécu huit paradoxes pendant l’AMM (Figure 1).
tement dans différentes régions du Québec.
Figure 1 Paradoxes
Participantes PARADOXESpendant le soin de
VÉCUS PENDANT l'AMM
LE SOIN DE L’AMM
De juin 2019 à mars 2020, 37 infirmières québécoises
francophones ont été recrutées. Elles ont répondu à une
publicité affichée sur les réseaux sociaux par les cher-
cheuses. Les participantes devaient être membres de
Confrontation Enlever la vie
l’OIIQ, exercer au Québec et avoir participé à l’AMM. Leurs Soin unique sur la mort à quelqu’un
caractéristiques sont présentées dans le Tableau 1. L’une
d’entre elles n’a pas rempli le formulaire.
Tableau 1
1. La théorisation
PROFIL SOCIODÉMOGRAPHIQUE DES PARTICIPANTES
ancrée est une méthode
inductive qui a pour but (N=37) Objection de
Respect Choix conscience
de construire une théo- MOYENNE D’ÂGE 36 ans (22-64 ans)
rie à partir des données,
selon une approche où SCOLARITÉ
les données sont simul- • Cégep 10 (28%)
tanément recueillies • Baccalauréat 21 (58%)
et analysées (Jacques • Maîtrise 5 (14%)
et al., 2020). Moment de
Planifié Imprévu
ANNÉE D’EXPERIENCE la mort
• 1-5 4 (12%)
• 6-10 11 (31%)
• > 10 21 (58%)

ANNÉE D’EXPÉRIENCE EN
SOINS PALLIATIFS Charge
Beau, doux Triste, difficile
•<1 3 (9%) émotionnelle
et digne
• 1-2 7 (20%)
• 3-5 6 (17%)
• 5-10 9 (26%)
• > 10 10 (29%)

BESOIN D’AIDE
Curiosité, défi, Méconnu,
PSYCHOLOGIQUE Nouvelle loi
rendre service stressant
• Oui 25 (69%)
• Non 11 (31%)

NOMBRE D’AMM
• 1-2 12 (33%)
• 3-4 10 (28%)
Relation avec
• 5-6 3 (8%) Proximité Détachement
la personne
• 7-8 1 (3%)
• 9-10 1 (3%)
• > 10 9 (25%)

BESOIN D’AIDE 25
PSYCHOLOGIQUE
Habiletés
* 36 ont répondu au formulaire.
Compétent communicationnelles Incompétent

Collecte de données
Quatre outils ont été utilisés : un questionnaire socio-
démographique et de caractéristiques personnelles; Avoir plusieurs
une entrevue semi-dirigée individuelle ou de groupe « Être libéré » patients à charge
Manque
(Holloway et Galvin, 2017); un journal de bord et des Mentorat Contexte de soin
Soutien de soutien
mémos (Corbin et Strauss, 2014). Manque
de l’équipe
Les entrevues d’une durée de 45 à 90 minutes ont été de formation
enregistrées en format audio. Elles se sont déroulées au
domicile des participantes ou dans un lieu de leur choix.
Toutes se sont réalisées face à face à l’exception de deux Source : Hébert et Asri, 2022 [Traduction libre].

24 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE

Premier paradoxe : confrontation sur la mort
Le premier paradoxe concerne la mort elle-même. L’AMM confronte
les infirmières à la mort. Elles ont le sentiment de donner à leur patient
des soins exceptionnels en même temps qu’elles lui enlèvent la vie.
L’AMM n’est pas une mort naturelle. Les infirmières sont formées
pour sauver des vies. Pour certaines, l’AMM va à l’encontre de leur
formation :
« Nous avons été formés pour sauver la vie à tout prix et,
ici, nous enlevons la vie. On fait le contraire de ce qu’on
nous a appris. Si la personne n’est pas bien, elle code, on
va la masser, on va tout faire pour la ramener. Là, c’est le
contraire. On va tout faire pour qu’elle parte avec dignité. »
PARTICIPANTE 36
« Bon, c’est une autre grande question, une boîte de
Pandore et là, ça fait beaucoup de dilemmes éthiques sur la
mort. »
PARTICIPANTE 30
Pour rationaliser leur décision de participer à l’AMM, plusieurs infir-
mières expliquent qu’elles contribuent à mettre fin à la souffrance :
« Cette première expérience m’a troublée. Pas à cause
de l’expérience elle-même, mais à cause de tous les
événements précédents qui auraient pu se terminer bien
mieux si l’AMM avait été disponible avant. J’ai des images
de personnes que j’ai accompagnées dans des situations
douloureuses de fin de vie. »
PARTICIPANTE 17
« Nous participons à l’AMM et ce n’est pas douloureux. Il y a
de la douleur et de la souffrance mais beaucoup moins que
chez une personne qui meurt lentement pendant deux ou
trois jours avec des complications pulmonaires. »
PARTICIPANTE 31
« J’ai aidé quelqu’un à s’en sortir. Je n’aime pas voir
quelqu’un souffrir, je me suis sentie privilégiée de pouvoir
accompagner mon patient. C’était très intime. J’ai appris
à connaître ses peurs, à apprendre comment il vivait, à
connaître sa famille et à l’accompagner de A à Z. Je ne me
suis pas dit : Oh mon dieu, j’ai tué quelqu’un! »
PARTICIPANTE 7
Comme l’illustrent ces témoignages, l’AMM crée un paradoxe pour
certaines infirmières, parfois un dilemme éthique car il ne s’agit pas
d’une mort naturelle. Par contre, plusieurs rationalisent leurs actions
parce qu’elles mettent fin à la souffrance d’un patient en lui prodiguant
ce soin.
Deuxième paradoxe : choix de la personne
Le deuxième paradoxe est lié au choix de la personne. Les infirmières
peuvent le respecter et considérer l’AMM comme un soin de fin de vie
qu’elles prodiguent ou encore, le refuser et invoquer une objection de
conscience pour ne pas y participer.
Les infirmières pour lesquelles la décision de recourir à l’AMM n’en-
traîne pas de détresse sont rassurées d’avoir respecté les souhaits de
la personne qu’elles accompagnent et de savoir que l’AMM est légale.
Elles ne jugent pas et respectent le choix de la personne de mettre fin
à ses souffrances :
« Je trouve que ça fait partie de nos soins comme tout le
reste. Comme ils sont en soins palliatifs, nous soulageons
leurs souffrances physiques et psychologiques avec des
médicaments et une psychothérapie. L’AMM, je trouve,
est aussi une sorte de soin dans le sens où c’est ce que le
patient veut. Il n’a pas de qualité de vie, il a des souffrances
physiques ou morales, et je peux l’aider dans ce sens. »
PARTICIPANTE 12
« C’est un soin avec lequel il faut se familiariser et qui est
nouveau. »
PARTICIPANTE 16
« C’est un soin. C’est un choix. C’est un traitement. Donc,
pour moi, c’est ça : des soins qui soulagent la personne en
fonction de la décision qu’elle a prise. »
PARTICIPANTES 7, 20 ET 23
« Qui suis-je pour dire que c’est bien ou mal? On ne peut pas
juger de cela. »
PARTICIPANTES 21 ET 36
« J’étais là pour les accompagner dans ce qu’ils veulent
pour la fin de leur vie. Ce n’est pas à moi de décider. »
PARTICIPANTE 27
Par ailleurs, les infirmières qui ne sont pas à l’aise de participer à
l’AMM ont la possibilité de le refuser en déclarant qu’elles ont une
objection de conscience. Plusieurs participantes ont d’ailleurs recom-
mandé de ne pas participer à l’AMM si elles ressentaient un malaise :
« Je ne pense pas que c’est le soin que vous devriez donner
si vous n’êtes pas à l’aise, parce que cela va être ressenti
par la famille. »
PARTICIPANTE 8
Troisième paradoxe : moment de la mort
Le troisième paradoxe concerne le moment de la mort. Le fait qu’il soit
programmé, planifié, semble causer un malaise à plusieurs infirmières
parce que ce n’est pas naturel :
« J’étais obsédée par l’heure et le moment. Si j’étais
obsédée par cela, peut-être que le patient l’était aussi! Il
y a quelque chose d’effrayant là-dedans parce qu’il y a un
temps. Toute la journée, tout le monde nous le rappelle :
“N’oubliez pas qu’à tel moment, il y a l’AMM. À tel moment,
oui, le médecin sera là. L’a-t-on appelé? À telle heure, il faut
qu’il soit là!” Je trouve cela insupportable. J’avais un patient
qui notait tous les jours et les heures qui lui restaient. »
PARTICIPANTE 29
À l’inverse, des participantes estiment que l’AMM permet aux per-
sonnes de reprendre le contrôle de leur vie en décidant quand et
comment elles vont mourir et de ne pas laisser la maladie tout emporter.
« La dame avait eu la possibilité de dire au revoir, de
décider comment cela se passerait, où cela se passerait, et
avec son petit chien à ses côtés. »
PARTICIPANTE 15
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 25
 « Je me souviens que mon patient m’a dit : “J’ai contrôlé
toute ma vie, pourquoi ne pourrais-je pas contrôler ma
mort?”* Les gens veulent contrôler jusqu’à la fin. Nous
sommes dans une ère où nous contrôlons tout. Cette dame
voulait contrôler l’heure et la date de sa mort. »
PARTICIPANTE 7
« Un patient m’a dit : “Je ne peux rien faire contre le cancer,
mais oui, je vais décider quand je vais partir.” »
PARTICIPANTE 24
Quatrième paradoxe : charge émotionnelle
Le quatrième paradoxe porte sur la charge émotionnelle suscitée par
l’AMM. Elle est d’ailleurs ressentie fort différemment par les infirmières
selon la perception qu’elles ont de l’AMM. Plusieurs considèrent qu’elle
mène à une mort belle, douce et digne :
« C’est tellement beau. C’est merveilleux de pouvoir aider
ces gens qui souffrent tant. »
PARTICIPANTE 15
« C’est super doux. »
PARTICIPANTE 34
« Je pense que c’est merveilleux. Ils parlent de mourir avec
dignité dans les hospices; eh bien, j’ai vu toutes sortes de
scénarios de fin de vie différents et je pense que l’AMM est
le plus beau. »
PARTICIPANTE 12
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26 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
D’autres infirmières trouvent cependant que l’AMM est triste et elles
ont de la difficulté à surmonter la charge émotionnelle associée.
Certaines mentionnent même que c’est un événement traumatisant
qu’elles ne souhaitent pas répéter :
« Tu rentres chez toi et c’est difficile. Vous y pensez. C’est un
fardeau émotionnel aussi. »
PARTICIPANTE 23
« J’ai un peu eu l’image de la dame tout le week-end dans
tout ce que j’ai fait. C’est comme si c’était en nous. C’est
comme un choc post-traumatique que nous avons vécu. »
PARTICIPANTE 17
Plus de la majorité des participantes, soit 25 sur 37, ont demandé
de l’aide psychologique à un pair ou à un spécialiste après avoir
participé à l’AMM.
Cinquième paradoxe : nouvelle loi
Le cinquième paradoxe vient de l’arrivée récente de l’AMM dans la
législation et les pratiques. Pour plusieurs, l’AMM est un nouveau défi
qui permet de faire le bien :
« J’avais en fait un intérêt personnel. Je voulais en savoir
plus parce que j’avais un membre de ma famille très proche
atteint de sclérose en plaques. C’est parti d’un intérêt
personnel pour comprendre le processus et, au final, je
trouve que ça permet des échanges réels, humains. »
PARTICIPANTE 4
Tout le Québec
Grand Nord
International (Qatar, Dubaï...)

« C’est bien de participer à l’AMM. Ça existe. On y a
accès maintenant. Ça vient avec tout le reste dans
l’évolution des soins. »
PARTICIPANTE 24
Pour d’autres, l’AMM reste inconnue et stressante :
« J’étais un peu anxieuse car je ne savais pas à quoi
m’attendre. »
PARTICIPANTE 12
« La veille, j’étais très stressée et je n’ai pas très bien
dormi. Je n’étais pas stressée par le fait de participer à
l’AMM, j’étais stressée par la procédure en général. Je
pensais : “Oh mon Dieu, et si ça ne se passait pas bien?
Et si je faisais quelque chose de mal?” C’est l’inconnu
qui me faisait un peu peur. »
PARTICIPANTE 37
Sixième paradoxe : relation avec la personne
Le sixième paradoxe découle de la relation de l’infirmière avec la
personne qui reçoit l’AMM. Certaines infirmières trouvent qu’une
relation étroite avec elle rend l’expérience plus gratifiante :
« La beauté pour moi est vraiment dans l’approche,
dans le fait d’être là pour la personne et sa famille.
C’est un aspect que l’on apprend à l’école et que, selon
moi, nous laissons trop souvent de côté dans notre
pratique. »
PARTICIPANTE 36
NOUS RECHERCHONS DES INFIRMIER(ÈRE)S
- Postes permanents disponibles
- Unité de soins, plein exercice du champ de compétence infirmier, liaison, IPSPL
- MAD, santé publique, ITSS, TB
RECHERCHE
« C’est de cela qu’il s’agit pour moi, de créer un lien
particulier avec ces patients. »
PARTICIPANTE 26
Pour d’autres, une relation étroite avec la personne rend la pres-
tation de l’AMM plus difficile à cause de la charge émotionnelle
et de la détresse. Conséquemment, elles optent pour une rela-
tion plus distante.
« J’aurais pu aller la voir tous les jours, pour voir
comment elle allait et m’attacher à elle, mais je pense
que j’ai été plus efficace en gardant une certaine
distance. »
PARTICIPANTE 15
Septième paradoxe : habiletés communicationnelles
Le septième paradoxe est lié aux habiletés communication-
nelles. Plus une infirmière a des habiletés communicationnelles,
plus elle se sent compétente et moins elle éprouve de détresse.
Les participantes se sentant compétentes à participer à l’AMM
ont déclaré que l’écoute était essentielle.
« L’écoute, beaucoup d’écoute et voir comment les gens
se sentent. Le patient, oui, est une priorité, mais la
famille est aussi là et il faut s’en occuper aussi. »
PARTICIPANTE 25
De plus, après avoir participé à une ou plusieurs AMM, les infir-
mières acquièrent une expérience qui les rend plus à l’aise et
moins axées sur la tâche.
CENTRE DE SANTÉ INUULITSIVIK
recrutement.csi@ssss.gouv.qc.ca
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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 27
RECHERCHE
« Quand c’est la sixième AMM que vous avez
dans une unité, ce n’est pas la même chose que
la première. C’est moins procédural. »
PARTICIPANTE 11
Des participantes affirment ne pas pouvoir répondre
quand elles sont questionnées sur l’AMM.
« J’avais l’impression de manquer d’outils. À
partir du moment où on te pose la question sur
l’AMM, tu ne sais pas quoi dire. »
PARTICIPANTE 9
« Avant que l’AMM soit prodiguée, c’est
l’angoisse que vit la famille. Puis, après, on est
coincé avec notre insatisfaction de ne pas avoir
pu offrir plus en tant qu’infirmière. »
PARTICIPANTE 29
Pour les infirmières ayant moins d’habiletés en communi-
cation, le fait de se concentrer sur la tâche et la procédure
de l’AMM sert de mécanisme d’adaptation.
« Je ne sais pas si c’est une façon de me protéger
psychologiquement, mais quand je suis occupée
par des tâches infirmières, cela me convient. »
PARTICIPANTE 22
Huitième paradoxe : contexte de soin
Le huitième et dernier paradoxe porte sur le contexte
de soin. Lorsque les infirmières participant à l’AMM sont
libérées, c’est-à-dire qu’elles n’ont qu’un seul patient à
prendre en charge, et lorsqu’elles bénéficient d’un men-
torat et du soutien de leur équipe, participer à l’AMM est
plus facile :
« Dans mon unité, si une infirmière est en
charge de l’AMM, elle n’aura qu’un seul patient,
car un patient qui reçoit l’AMM a besoin de
beaucoup d’attention. On ne peut vraiment pas
s’occuper des autres patients, l’infirmière est
vraiment dévouée. »
PARTICIPANTE 12
« C’est bien fait dans notre service. Le chef nous
libère après la prise en charge de l’AMM pour
que nous n’ayons pas à continuer à travailler
avec la tête pleine d’émotions. »
PARTICIPANTE 23
En revanche, lorsqu’elles ont de nombreux patients à
prendre en charge, qu’elles n’ont pas le soutien de leur
équipe et de leur chef de service, et que les informations
ne leur sont pas communiquées efficacement, l’AMM est
stressante :
« C’est très difficile sur le plan émotionnel. Cela
demande une quantité incroyable d’abnégation.
À l’heure actuelle, la plupart des infirmières le
font en sachant qu’elles doivent poursuivre leur
journée. C’est pourquoi cela met un bémol à la
plupart d’entre elles. »
PARTICIPANTE 35
28 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
DISCUSSION
Cette recherche explore l’expérience des infirmières quant à
leur rôle lors de leur participation à l’AMM. Elle fournit une
description des paradoxes vécus par les infirmières qui sou-
tiennent les personnes et leur famille lors de l’AMM au Québec,
où la pratique est encore récente.
Le premier paradoxe concerne la mort elle-même, qui
confronte les infirmières formées d’abord pour sauver des vies.
Cette observation va dans le même sens que la recherche
de Joolaee et al. (2022) dans laquelle les participantes ont
considéré l’AMM comme une forme de soins pour les patients
et comme une expérience d’apprentissage unique, qui s’inscrit
dans un paradigme différent de la formation qu’elles avaient
reçue auparavant.
Les valeurs des infirmières, et plus particulièrement celles liées
à l’AMM, ont été explorées dans cette étude. Les participantes
respectent la demande de la personne, son choix et son droit
à l’autonomie. Quelques-unes ont exprimé leur objection de
conscience face à l’AMM alors qu’elles étaient confrontées à
leurs valeurs (Pesut et al., 2020a), ce qui peut conduire à une
détresse morale (Lamb et Pesut, 2021).
Nos résultats corroborent ceux des autres recherches
menées jusqu’à présent qui indiquent que la plupart des
infirmières sont heureuses de contribuer à une mort digne
mais que son aspect non naturel et planifié génère du stress
et un paradoxe (Bellens et al., 2020; Beuthin et al., 2018;
Brown et al., 2020; Pesut et al., 2020b). Pour la personne qui
demande l’AMM, décider du moment de la mort est une façon
de reprendre le contrôle de sa vie (Pesut et al., 2020b). Cette
information a été rapportée comme un aspect positif de l’AMM
au niveau individuel dans l’étude de Joolaee et al. (2022) et
comme un moyen de respecter l’autonomie des patients face
à leur maladie.
Certaines infirmières ont été surprises que l’AMM aboutisse
à une mort paisible (Pesut et al., 2020b) tandis que d’autres
ont comparé leur expérience à un choc post-traumatique. La
plupart des études rapportent que les professionnels de la
santé expriment une ambiguïté et une détresse morale sans
toutefois décrire un large spectre d’émotions (De Brasi et al.,
2021; Ho et al., 2021; Morley et al., 2020).
Nos résultats concordent avec d’autres études qui perçoivent
que la législation sur l’AMM donne aux patients une option de
fin de vie qui n’était pas disponible auparavant (Joolaee et al.,
2022). L’AMM est ainsi perçue comme un nouveau défi offrant
la possibilité de faire le bien et une nouvelle opportunité d’ap-
prentissage (Joolaee et al., 2022). Avec la nouvelle législation
vient le côté négatif (Pesut et al., 2020a), de l’inconnu (Bellens
et al., 2020) et du stress parce que personne ne sait à quoi s’at-
tendre, car les lignes directrices sont peu connues ou vagues
(Joolaee et al., 2022).
Le paradoxe de la relation avec la personne a été observé
par Boroujeni et al. (2009). Bien que le contexte socioculturel
de nos deux recherches soit différent, l’essence est la même.
La durée des soins et la connexion créée avec le patient et sa
famille affectent grandement les émotions des infirmières.
Les infirmières ont identifié l’empathie, l’écoute, l’engage-
ment et la capacité d’être à l’aise lorsque les émotions sont
intenses comme des éléments clés pour établir une communi-
cation efficace avec les patients et les familles (Beuthin et al.,
2018). De plus, en acquérant de l’expérience avec l’AMM, les
infirmières deviennent plus à l’aise et moins axées sur la tâche.
Celles qui pratiquent d’une manière plus procédurale plutôt
qu’existentielle sont moins impliquées et éprouveront moins
de détresse psychologique (Bellens et al. (2020).
Comme dans l’étude de Pesut et al. (2020a), nos partici-
pantes travaillaient dans des milieux dont l’organisation
différait grandement. Ainsi, bénéficier d’une libération de
tâches le jour d’une AMM, d’un mentorat et d’un soutien de
l’équipe facilite la participation à l’AMM. Les débreffages
multidisciplinaires après une AMM sont une source vitale de
formation et de soutien (Joolaee et al., 2022), mais ne sont mal-
heureusement pas toujours offerts dans les établissements.
 RECHERCHE
L’hétérogénéité des milieux cliniques et la diversité des
régions du Québec sont les principales forces de cette étude.
Sa principale limite est le manque de diversité ethnique des
participantes, ce qui nuit à sa transférabilité.

EN CONCLUSION
Cette recherche est la première au Québec à identifier un éven-
tail de paradoxes auxquels sont confrontées les infirmières
lorsqu’elles accompagnent leurs clients et leur famille lors de
l’AMM. Cette étude réitère aussi l’importance pour les gestion-
naires de soins de santé de libérer les infirmières participant à
une AMM afin qu’elles puissent être totalement dédiées à leur
client lors de cette expérience. •

LES AUTEURES
MAUDE HÉBERT MYRIAM ASRI
Inf., Ph. D. Inf., M. Sc. (adm. de la santé)
Professeure agrégée Professeure clinicienne
Département des sciences infirmières, Université du Québec à Département des sciences infirmières, Université du Québec à
Trois-Rivières Trois-Rivières

REMERCIEMENTS PERMISSION DE REPRODUIRE

Les auteures remercient le Fonds pour la recherche clinique de l’UQTR
pour le financement de cette étude.
Une version anglaise de cet article a été publiée en juin 2022. La réfé-
rence est : Hébert, M. et Asri, M. (2022). «Paradoxes, nurses’ roles and
Medical Assistance in Dying: A grounded theory». Nursing Ethics, 29(7-
8), 1634-1646. Les auteures remercient Sage Publishing de leur avoir
permis de le reproduire.

RÉFÉRENCES
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A feminist empirical bioethics study». Nursing Ethics, 27(5), 1297-1314. Repéré à

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 29

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30 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


Shutterstock / christinarosepix
Projet Grande Ourse : prévenir
la dépression périnatale
Évaluer, dépister et prévenir les problèmes de santé mentale
durant la période périnatale
par VALÉRIE SAMSON, inf., M. Sc.
Plusieurs approches axées sur la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux peuvent contribuer à adoucir
la route parfois houleuse qu’est celle de devenir parent. En effet, cette période de grandes transitions peut rendre les futurs et nou-
veaux parents plus vulnérables aux problèmes de santé mentale, tout particulièrement aux troubles de l’humeur tels que l’anxiété
et la dépression.
Cet article présente les principaux enjeux associés à la transition à
la parentalité et résume les connaissances sur les troubles mentaux
courants en santé mentale périnatale. Il décrit le Projet Grande Ourse,
qui met en lumière la contribution inestimable de l’infirmière dans
l’évaluation et le repérage des troubles de santé mentale périnatale
et le soutien aux parents qui en sont atteints.
TRANSITION À LA PARENTALITÉ
Porter la vie est synonyme de grands changements, de grands
bouleversements. Au cours de la grossesse, le corps de la femme
sécrète des hormones reproductrices, dont l’œstrogène et la proges-
térone. Les récepteurs de ces hormones se situent dans les zones
du cerveau impliquées dans la régulation émotionnelle et cognitive.
Ces hormones ont des effets modulateurs sur des neurotransmet-
teurs, notamment la sérotonine, la dopamine et la norépinéphrine, qui
jouent un rôle dans la régulation de l’humeur (Toffoletto et al., 2014).
Les fluctuations hormonales durant et après la grossesse peuvent
avoir d’importantes répercussions chez les femmes, et ce, tant aux
plans physiologique, psychologique que social. Il faut mentionner
que certaines d’entre elles présentent une plus grande fragilité à ces
variations (Guintivano et al., 2014). Reconnaître et nommer cette
vulnérabilité peut aider ces femmes à l’accepter et à y faire face avec
davantage d’auto-compassion.
La transition à la parentalité comporte principalement trois types
de changement, soit physique, psychologique et social, chacun sou-
levant des enjeux pouvant affecter la santé mentale.
Changements physiques
Les changements physiques engendrés par la grossesse peuvent
PRATIQUE CLINIQUE
causer des inconforts. Ils modifient l’image corporelle. Pour certaines,
ces transformations physiques et de leur apparence sont difficiles
à vivre et à admettre. Contrairement à la croyance populaire, ce ne
sont pas toutes les femmes qui apprécient être enceintes. En effet,
plusieurs expriment ne pas aimer être enceintes, certaines au point
de ne pas vouloir un autre enfant. Il importe donc de questionner la
femme sur ses ressentis face au fait de porter un enfant sans tenir
pour acquis qu’il s’agit d’une expérience universellement positive.
Changements psychologiques
La période périnatale s’échelonne du moment de la conception
jusqu’au premier anniversaire de l’enfant. C’est une période de grands
changements sur le plan psychologique. Devenir parent est un chan-
gement identitaire majeur. C’est la découverte et l’appropriation d’un
nouveau rôle, ce qui requiert du temps et des assouplissements. C’est
aussi l’occasion pour les futurs parents de réviser leurs priorités, leurs
attentes et leurs besoins.
Psychologiquement, la période périnatale peut s’avérer une période
de vulnérabilité, soit par l’émergence d’une nouvelle condition ou par
l’exacerbation d’une condition existante (Norhayati et al., 2015).
Un antécédent personnel de trouble mental constitue un facteur de
risque considérable aux troubles mentaux durant la période périna-
tale, de là l’importance de questionner la femme enceinte dès le début
de sa grossesse.
De nos jours, les femmes choisissent d’avoir un enfant plus tardive-
ment que lors des décennies précédentes. Le projet parental s’inscrit
dans un projet de vie très précis. La grossesse, l’accouchement, l’al-
laitement et la vie de parent peuvent avoir été idéalisés pendant
plusieurs années. Or, il existe souvent des écarts entre une expérience
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 31
PRATIQUE CLINIQUE
idéalisée et une expérience vécue. Ces écarts peuvent
être source d’inconforts et parfois même d’une souffrance
entraînant une détresse psychologique importante.
Malheureusement, plusieurs barrières peuvent empê-
cher les parents de partager leurs difficultés avec la
parentalité. Ils peuvent craindre d’être jugés ou incompris.
Ils peuvent penser que les professionnels douteront de
leurs compétences parentales, voire que des démarches
seront entreprises pour que leur enfant leur soit retiré
(Institut national de santé publique du Québec [INSPQ],
2019).
Par désirabilité sociale, les parents évitent de parler
de leurs inquiétudes quant à leur santé mentale afin de
contrôler leur image et de répondre favorablement et
conformément aux normes sociales. En ouvrant la porte
à la possibilité que la parentalité ne soit pas toujours
synonyme d’un état de bonheur, les intervenants peuvent
contribuer à normaliser les difficultés vécues par les
parents. Le simple fait d’aborder le sujet sans jugement,
en faisant preuve d’empathie et de bienveillance, facilite
l’établissement d’une alliance thérapeutique et légitimise
les ressentis des parents.
Changements sociaux
Les derniers enjeux associés à la transition à la parenta-
lité sont issus des changements sociaux. Devenir parent
aujourd’hui, c’est faire face au paradoxe qui a toujours
existé : vivre de grandes joies, de grandes fiertés, de pro-
fonds moments de bonheur, mais également vivre des
doutes, des défis, des frustrations et possiblement de la
détresse.
Une pression supplémentaire s’exerce sur les femmes qui
décident de retourner sur le marché du travail sous la forme
d’un casse-tête organisationnel que les parents devront
solutionner.
Aujourd’hui, l’omniprésence des médias sociaux joue un
rôle prépondérant dans la perception qu’ont les parents
de leurs propres compétences parentales. Présentant
souvent une image biaisée de la vie quotidienne, les images
et messages véhiculés par ces médias peuvent donner
aux nouveaux parents l’impression qu’ils ne sont pas à la
hauteur des normes attendues.
Il faut rappeler qu’on ne naît pas parent, on le devient,
et cela peut prendre du temps. Ce nouveau rôle implique
la création du couple parental, un système d’interdépen-
dance dans lequel l’un pourra s’appuyer sur l’autre pour
faire équipe (Caroben et Stikarovska, 2023). Ensemble, ils
devront redéfinir leurs priorités, la répartition de leurs tâches
et de leurs responsabilités afin de prendre soin d’eux, de leur
couple et de leur enfant.
Devenir parent est une étape charnière de la vie.
Comprendre les enjeux de la parentalité permet aux
professionnels d’être plus à l’écoute de ce que requiert
Une loi sur les ratios sécuritaires
professionnelles en soins/patient-e-s
dans le réseau public de santé, c'est :
l'impulsion pour contrer la pénurie de main-d'œuvre
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32 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
l’appropriation de ce nouveau rôle et d’ajuster leurs inter-
ventions d’enseignement, d’accompagnement et de soutien.
Malgré les défis qu’elle comporte, la transition à la paren-
talité se déroule bien chez la majorité des parents. Il arrive
cependant que les fragilités cumulées de certains couples
s’exacerbent durant la période périnatale. Certaines
situations peuvent aussi augmenter les risques de vivre
des difficultés ou des troubles de santé mentale, par
exemple des complications de grossesse, un accouche-
ment prématuré ou traumatique ou une hospitalisation
prolongée du nouveau-né.
ÉTAT DES CONNAISSANCES
Facteurs de risque
Certains facteurs de risque sont associés aux troubles de
santé mentale durant la période périnatale (Encadré 1).
Encadré 1
FACTEURS DE RISQUE ASSOCIÉS AUX TROUBLES DE
SANTÉ MENTALE EN PÉRIODE PÉRINATALE
Histoire antérieure de trouble mental
Histoire familiale de trouble mental
Histoire obstétricale vécue comme traumatisante
Deuil périnatal
Stratégies d’adaptation inefficaces
Réseau de soutien absent, limité ou inadéquat
Relations familiales ou conjugales conflictuelles
Migration
Grossesse multiple
Grossesse non planifiée
Source : INSPQ, 2019.
Ces facteurs peuvent augmenter le risque de développer un
trouble de santé mentale durant la période périnatale. Par
exemple, le risque de présenter une dépression post-partum
chez une femme ayant une histoire antérieure de trouble
mental est de 25 % à 40 % (Howard et al., 2014).
Facteurs de protection
Les facteurs de protection sont les forces, les com-
pétences et les ressources qui peuvent empêcher le
développement ou l’aggravation de conditions de santé
indésirables, en améliorant la capacité d’adaptation des
individus. Identifier les facteurs de protection permet à
l’intervenant de rappeler ces forces à la famille dans des
moments difficiles afin de susciter chez elle sa résilience.
Les facteurs de protection en santé mentale périnatale
sont présentés dans l’Encadré 2.
Encadré 2
FACTEURS DE PROTECTION ET STRATÉGIES
D’ADAPTATION EFFICACES
Présence d’espoir
Perception positive de la compétence parentale
Compréhension juste de la situation actuelle
Réseau familial et social pour les besoins concrets
Pouvoir compter sur un soutien affectif
Sentiment d’appartenance face à sa communauté
Croyances spirituelles et y avoir recours
Source : Mendelson et al., 2013.
Tableau 1
PRÉVALENCES DES TROUBLES LES PLUS FRÉQUENTS
DÉPRESSION PÉRINATALE
• Mère : 12 % à 20 %
• Père : 10 %
Source : Cox, 2021; Fairbrother et al., 2016.
L’autre parent, qu’il soit ou non du même sexe que la
mère, de même que les parents qui adoptent un enfant
ne sont pas à l’abri d’un trouble de santé mentale. En
fait, lorsqu’une femme souffre d’une dépression durant
la période postnatale, il est démontré que les risques
pour son ou sa partenaire d’être atteint des mêmes maux
sont significativement augmentés (Chhabra, McDermott
et Li, 2020).
Dépression périnatale
La dépression périnatale est l’une des complications
obstétricales les plus fréquentes (American College
of Obstetricians and Gynecologists [ACOG], 2018).
Néanmoins, du fait de leur ressemblance, il arrive parfois
que les symptômes associés à la dépression soient
confondus avec des symptômes somatiques de la gros-
sesse, par exemple de la fatigue, des changements
d’appétit ou des troubles du sommeil (ACOG, 2018;
BC Reproductive Mental Health Program et Perinatal
Services BC, 2014). En présence d’une dépression péri-
natale, la culpabilité excessive et la crainte de ne pas
être une bonne mère ou de ne pas pouvoir répondre aux
besoins de son enfant sont courantes (O’Hara et Wisner,
2014).
Selon Dagher, 50 % à 70 % des femmes souffrant
d’une dépression périnatale ne sont pas diagnostiquées
(Dagher et al., 2021). Non traités, les symptômes dépres-
sifs persistent dans 50 % à 70 % des cas jusqu’à ce que
l’enfant atteigne 4 à 5 ans (Austin, 2007; Grant, 2008).
Bien que rarissimes, le suicide et l’infanticide sont parmi
les conséquences possibles et des plus dramatiques
de troubles mentaux durant la période périnatale. De
nos jours, le suicide en période périnatale fait partie des
causes de décès maternel les plus fréquentes (ACOG,
2018; Palladino et al., 2011).
Anxiété en période périnatale
La parentalité demande de prendre le temps de s’adapter
à une nouvelle vie, à une nouvelle réalité. Il est normal
pour les futurs et nouveaux parents de ressentir de l’an-
xiété même quand tout se déroule sans complication.
Tant en période prénatale que postnatale, la préva-
lence de l’anxiété chez les mères serait en moyenne de
15 % (Cheng et al., 2021; Dennis, Falah-Hassani et Shiri,
2017; Fairbrother et al., 2017). Ressentir des moments
d’angoisse et d’anxiété lorsqu’on attend ou qu’on a un
PRATIQUE CLINIQUE
Prévalences des troubles de santé mentale durant la
période périnatale
Une enquête sur la santé mentale maternelle menée au
Canada illustre qu’une mère sur trois se dit inquiète de sa
santé mentale. Également, parmi les 7 085 répondantes,
23 % présentent des symptômes anxieux ou dépressifs
(Statistique Canada, 2019).
Au cours de sa vie, une personne sur cinq sera touchée
par un problème de santé mentale. La dépression est le
trouble de l’humeur le plus courant. Elle est deux fois plus
fréquente chez les femmes que chez les hommes et sa
prévalence augmente durant les années de fertilité en
raison notamment des périodes de grandes transitions
engendrées par la parentalité, ce qui augmente la vulné-
rabilité des futurs et nouveaux parents aux troubles de
l’humeur (Tableau 1).
ANXIÉTÉ PÉRINATALE
• Anxiété prénatale : 11 % à 23 %
• Anxiété postnatale : 9 % à 21 %
enfant est une émotion normale. Il importe toutefois de
porter attention à l’intensité et à la durée des symp-
tômes ainsi qu’aux obstacles que l’anxiété peut avoir
sur le fonctionnement quotidien. On reconnaît l’anxiété
comme prédicteur de la dépression périnatale (Cheng
et al., 2021) et comme pour tous les troubles mentaux,
plus l’intervention est précoce, plus les risques de réper-
cussions sur la famille sont réduits.
Répercussions des troubles de santé mentale durant
la période périnatale
Les répercussions de troubles mentaux en période péri-
natale sont largement démontrées dans la littérature
scientifique. Elles peuvent entre autres influencer l’issue
de la grossesse, la relation maternelle et le développement
de l’enfant (Encadré 3).
Encadré 3
RÉPERCUSSIONS POSSIBLES DES TROUBLES DE
SANTÉ MENTALE EN PÉRIODE PÉRINATALE
Alimentation déficiente (Fowles et al., 2012)
Impact sur le suivi obstétrical (Ben-Sheetrit et al., 2018)
Accouchement prématuré (Griogoriadis et al., 2013)
Faible poids à la naissance (Griogoriadis et al., 2013)
Augmentation du risque de suicide (Grigoriadis et al., 2017;
Palladino et al., 2011)
Diminution du taux d’allaitement (Grigoriadis et al., 2013)
Diminution de la réponse de la mère envers les besoins de
l’enfant (Field, Diego et Hernandez-Reif, 2006)
Atteintes à la relation mère-enfant (Field et al., 2006)
Développement cognitif et langagier (Van den Bergh et al.,
2020)
Augmentation de la dépression et de l’anxiété, augmentation
de l’agressivité et des problèmes de comportement chez l’en-
fant et l’adolescent (Van den Bergh et al., 2020)
Ainsi, prendre soin des familles d’aujourd’hui et de
demain implique de ne jamais ignorer la détresse psy-
chologique des parents, qu’elle soit légère, transitoire ou
sévère, compte tenu de ses répercussions potentielles
sur leur santé et celle de leurs enfants (ABCdaire suivi
collaboratif des 0-5 ans, 2016).
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 33
PRATIQUE CLINIQUE
Prendre soin de la santé mentale des parents
Alors la question demeure. Comment prendre soin de la santé
mentale des futurs et des nouveaux parents? Le repérage
précoce des difficultés émotives, de la détresse psychologique
et des troubles mentaux permet de répondre rapidement aux
besoins des familles et de soutenir les parents dans le dévelop-
pement de leurs compétences parentales.
Plusieurs professionnels de la santé croient que la solution
consiste à diriger le parent vers un professionnel en santé
mentale. Or, bien qu’une référence vers des ressources psycho-
sociales soit souvent indiquée, l’accompagnement des familles
par une infirmière durant la période périnatale permet d’offrir
un soutien émotionnel et d’établir un cadre sécurisant (INSPQ,
2019).
L’infirmière œuvrant en périnatalité bénéficie d’une grande
proximité avec ses patients. À plusieurs occasions, elle pourra
aborder les enjeux de la santé mentale et de la parentalité avec
les futurs et nouveaux parents, et ce, tout au long du continuum
de soins, du début de la grossesse jusqu’au premier anniversaire
de l’enfant.
PROJET GRANDE OURSE
Le Projet Grande Ourse est une initiative du CHU Sainte-
Justine axée sur la promotion de la santé mentale périnatale
et la prévention des troubles mentaux en période périnatale.
Les objectifs de ce projet sont : 1. Assurer la prise en charge
globale des femmes; 2. Rendre plus harmonieuse la transition
à la parentalité et 3. Réduire les conséquences possibles des
troubles de santé mentale.
Pour réaliser ces objectifs, une équipe multidisciplinaire a
été mise en place. Cette équipe composée d’obstétriciens-gy-
nécologues, de psychiatres en périnatalité, d’infirmières, de
psychologues et de travailleuses sociales avait comme but de
réviser, repenser et optimiser les trajectoires de soins et de ser-
vices offerts au CHU Sainte-Justine en santé mentale périnatale.
Soif d’aventure
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du Grand Nord !
Nous sommes réputés pour notre
personnel infirmier parfaitement formé…
et parfaitement heureux! Pas surprenant
puisqu’il y a plusieurs avantages à faire partie
de notre équipe notamment le fait d’avoir
les premiers choix de remplacement dans
plusieurs communautés cries et inuites.
34 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
Dans un système dans lequel la détresse psychologique des
futurs et nouveaux parents est inversement proportionnelle
aux ressources psychosociales disponibles et dans lequel la
temporalité d’une grossesse ajoute de la pression sur les délais
de prise en charge, le Projet Grande Ourse met de l’avant la
contribution de l’infirmière en lui permettant de jouer son rôle
à son plein potentiel pour mieux soutenir les femmes enceintes
d’aujourd’hui et les enfants de demain. Le Projet Grande Ourse
est composé de trois volets (Encadré 4).
Encadré 4
TROIS VOLETS DU PROJET GRANDE OURSE
1 L’évaluation de la condition mentale durant la période péri-
natale
2 L’implantation du dépistage systématique de la dépression
périnatale
3 L’élaboration d’une trousse d’enseignement et de soutien à
l’intention des futurs et nouveaux parents
Évaluation de la condition mentale durant la période
périnatale
L’évaluation de la condition mentale est au cœur de la prise en
charge globale de la clientèle. Dans le cadre du Projet Grande
Ourse, une formation en ligne accréditée a été développée afin
de rehausser les connaissances et les compétences des infir-
mières. Obligatoire pour toutes les infirmières de la trajectoire
mère-enfant, cette formation fait désormais partie des pro-
grammes d’orientation spécifiques de soins en périnatalité.
L’évaluation de la condition mentale nécessite d’en identi-
fier les éléments et de les évaluer, de reconnaître les facteurs
de risque ainsi que les facteurs de protection des familles.
L’évaluation se fait au cours des échanges dans le cadre du suivi
de la grossesse et du suivi postnatal. Elle permet de documenter
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des faits relatifs à l’état mental en utilisant un vocabulaire juste
qui facilite la compréhension commune et la collaboration
interdisciplinaire.
Implantation du dépistage systématique de la dépression
périnatale
Au cours des dernières années, le dépistage systématique de la
dépression périnatale a été recommandé par plusieurs groupes
d’experts (American Academy of Pediatrics [AAP], 2019; ACOG,
2018; National Collaborating Centre for Mental Health, 2007;
Royal Australian and New Zealand College of Psychiatrists,
2021). Les bénéfices cliniques du dépistage de la dépression
périnatale ont largement été démontrés dans la littérature
scientifique (AAP, 2019; Kending et al., 2017; O’Connor et al.,
2016).
Plus récemment, quelques auteurs ont déconseillé le dépis-
tage universel de la dépression périnatale (Cook, Shea et
St-André, 2023). Leur recommandation se base sur le fait que les
données probantes ne démontreraient pas de façon concluante
que le dépistage systématique apporte plus de bienfaits que les
soins cliniques habituels. Selon eux, ces soins assurent déjà une
surveillance de la santé mentale et du bien-être.
Or, force est d’admettre qu’à l’exception de situations de crise,
le bien-être et l’état mental des futurs et nouveaux parents ne
sont pas systématiquement évalués durant la période péri-
natale. Pour l’équipe du Projet Grande Ourse, le dépistage
systématique constitue une opportunité de promouvoir leur
bien-être émotif. Ce dépistage se fait de façon systématique afin
d’éviter toute forme de stigmatisation. Il devient un outil éduca-
tionnel qui permet d’ouvrir la discussion et certes, parfois, une
boîte de Pandore. En fait, l’expérience du Projet Grande Ourse
met en évidence la pertinence d’oser parler de santé mentale
avec la clientèle périnatale.
Au CHU Sainte-Justine, le dépistage systématique de la
dépression périnatale se fait en utilisant l’échelle de dépression
postnatale d’Edinburgh (EDPE) (Cox, Holden et Sagovsky,1987).
Il est effectué de manière systématique à deux moments
durant la période périnatale : une première fois entre la 16e et
la 20e semaine de la grossesse, et une deuxième fois lors de la
visite postnatale qui a lieu 6 à 8 semaines après l’accouchement.
Toutefois, en se basant sur le jugement clinique de l’infirmière
ou du médecin, l’échelle d’Edinburgh peut être utilisée à tout
moment pour dépister un trouble de santé mentale ou appro-
fondir la discussion avec les parents.
Il va sans dire que la présence de symptômes dépressifs n’est
pas nécessairement synonyme de dépression. Les changements
identitaires associés à la transition à la parentalité peuvent
nécessiter des périodes d’adaptation et engendrer des difficul-
tés, voire une certaine détresse. Il importe donc que l’évaluation
de la condition mentale identifie les facteurs de risque et de
protection et que les résultats du dépistage s’inscrivent dans un
tout et soient considérés dans leur contexte.
Par ailleurs, implanter un dépistage systématique d’un trouble
mental tel que la dépression périnatale implique de définir le
seuil clinique qui nécessitera une prise en charge. Cette étape
requiert une analyse détaillée de l’offre de services, des trajec-
toires de soins et des mécanismes de référence disponibles.
Élaboration d’une trousse d’enseignement et de soutien
La trousse Le bien-être en période périnatale a été élaborée
dans le but de sensibiliser, normaliser, informer et déstigmatiser
les troubles mentaux durant la période périnatale. Elle est com-
posée de trois fascicules comportant un volet informatif et une
fiche pratique. Elle a comme objectif de soutenir les parents pour
qu’ils prennent soin de leur bien-être et de leur santé mentale.
Elle les aide à reconnaître les signes et les symptômes à surveil-
ler quand ils vont moins bien et, ainsi, elle facilite et adoucit leur
période de transition à la parentalité.
L’AUTEURE
VALÉRIE SAMSON
Inf., M. Sc.
Cadre-conseil en sciences infirmières au Centre d’excellence en médecine fœto-maternelle du CHU Sainte-Justine.
PRATIQUE CLINIQUE
Les fascicules sont remis aux parents par les infirmières à
différents moments durant la grossesse et après l’accouche-
ment. Ils permettent à l’infirmière de les accompagner et de les
soutenir selon leurs besoins et leurs priorités.
Retombées du Projet Grande Ourse
Au moment de soumettre cet article, des indicateurs analysant
les retombées du Projet Grande Ourse sont en cours d’évalua-
tion. Ils serviront notamment à mesurer la satisfaction de la
clientèle et celle des équipes soignantes et interdisciplinaires. Au
cours des dernières années, ce projet a bénéficié d’une grande
visibilité, ce qui a permis au CHU Sainte-Justine de partager son
expertise et son expérience en santé mentale périnatale.
Ainsi, à la demande de partenaires du réseau, la formation
portant sur l’évaluation de la condition mentale en période
périnatale et sur l’implantation du repérage de la dépression
périnatale devrait être disponible à l’automne 2023 sur la plate-
forme Environnement numérique d’apprentissage (ENA).
Par ailleurs, à la demande de la Direction générale de la santé
publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du
Québec, le CHU Sainte-Justine développe, en collaboration avec
un groupe d’experts et un groupe de la santé publique, des outils
portant sur la promotion de la santé mentale périnatale positive.
Ces outils, l’un destiné aux parents et l’autre aux intervenants
en périnatalité, vont promouvoir le bien-être et améliorer les
facteurs de protection. Ils seront déployés dans l’ensemble de
la province.
EN CONCLUSION
En périnatalité, la promotion de la santé mentale et la prévention
des troubles mentaux devraient débuter bien avant la naissance
d’un enfant. En effet, l’identification des facteurs de risque et de
protection, le dépistage systématique de la dépression périna-
tale et la mise en place d’interventions et de services adaptés
aux besoins des parents peuvent contribuer significativement
à réduire les conséquences de troubles mentaux tant pour la
femme enceinte que pour son enfant et son ou sa partenaire.
Aborder la santé mentale durant la grossesse est une respon-
sabilité collective. Nous connaissons tous de futurs parents :
des membres de la famille, des amis ou des collègues de travail.
À titre professionnel, mais également comme membre d’une
même société, nous avons tous un rôle à jouer afin de contribuer
à la déstigmatisation des troubles mentaux durant la période
périnatale. Notre silence face à la souffrance et à la détresse
psychologique des futurs ou nouveaux parents contribue à stig-
matiser les troubles mentaux et à engendrer des sentiments de
honte et de culpabilité.
Avoir un enfant est l’une des plus grandes aventures de la vie.
Chacun la traverse à sa manière avec son bagage et ses outils.
Les approches de promotion et de prévention et des inter-
ventions ciblées en santé mentale périnatale comme celles du
Projet Grande Ourse permettront de prendre soin des familles
d’aujourd’hui et de demain. •
POUR EN SAVOIR PLUS
La trousse Le bien-être en période périna-
tale est disponible en intégralité sur le site
du CHU Sainte-Justine à l’adresse sui-
vante : www.chusj.org/fr/soins-services/G/
obstetrique-grossesse-accouchement-nouveau-ne/
projet-grande-ourse-sante-mentale-perinatale
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 35
PRATIQUE CLINIQUE RÉFÉRENCES
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36 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
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maternal stress in pregnancy». Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 117, 26-64.
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chirurgie de reconstruction
et la réadaptation.
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Dans le dernier numéro de la revue Figure 1
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erreurs se sont malencontreusement glissées
dans l’article intitulé : « Changements clima-
tiques et pratique infirmière au Québec : pour
une vision élargie ». r re
/ Te
À la page 26, il fallait lire : « À leur tour, a i re
Politique ét Culturel
ces changements sont por teurs d’im- la
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pacts socioéconomiques, étant donné leur

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influence sur l’appauvrissement des popula- er Stratégies :
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tions, l’insécurité alimentaire, la propagation

I
N • Atténuation
o n/
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de maladies infectieuses ainsi que la perte Ré • Adaptation
de traditions et de modes de vie, entre autres Social
un
au té • Résilience
facteurs. » m
m
• Atténuation
À la page 27, il fallait lire : « Ce biais, quali-

Co
ll e • Adaptation
mi
fié « d’egocentrique » par Maggie Kirk (2002), Fa • Résilience
privilégie l’action et la recherche sur l’envi- iv i du
I nd
ronnement proximal de l’individu (la famille,
Environnemental Économique
la communauté) au détriment de dimensions
davantage macro (l’environnement physi-
co-chimique plus distal, par exemple). »
À la page 27, la Figure 1 devait se lire
comme ci-contre.
À la page 28, il fallait lire : « Dans un
commentaire publié récemment, Ruth Source : Leffers et al. (2017). Journal of Nursing Scholarship, Wiley. © Sigma Theta Tau International, 2017.
McDermott-Levy (2021) évoque la reconnais- Reproduit et traduit avec permission.
sance accrue de l’expertise infirmière par cet
important lieu intergouvernemental de déli-
bération et de décision en matière de CC. »

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MYTHES ET RÉALITÉS

À PROPOS DE SAUREZ-VOUS DISCERNER

Détection et évaluation LE VRAI DU FAUX?
de la douleur chronique 01. Depuis ces dernières années, les intervenants de
chez la personne âgée la santé, dont les infirmières, détectent et évaluent
beaucoup mieux la douleur chronique chez la per-
souffrant d’un trouble sonne âgée souffrant d’un trouble neurocognitif
neurocognitif majeur majeur (TNCM).

(TNCM) et présentant 02. Il est recommandé de toujours utiliser une échelle

des symptômes d’hétéroévaluation (observation par un tiers à partir
d’une grille de comportements) pour détecter et
comportementaux et mesurer l’intensité de la douleur chez la personne
souffrant d’un TNCM.
psychologiques de la
démence (SCPD). 03. L’évaluation initiale de l’infirmière concernant la
douleur chronique chez la personne souffrant d’un
TNCM repose essentiellement sur la détection et
par MONIQUE BOURQUE, inf., B. Sc., l’utilisation de la bonne échelle selon sa capacité
M.A. (gérontologie) cognitive.
Consultante en soins à la personne
âgée en perte d’autonomie
04. L’évaluation continue de la douleur chronique chez la
personne atteinte de troubles neurocognitifs graves
représente l’un des plus grands défis de l’infirmière
La douleur est un problème important chez la pour une gestion optimale de la douleur.
personne âgée. Plusieurs études ont montré
que 20 à 60 % des aînés vivant à domicile
(Lussier, 2015; Paquette et Bourbonnais, 05. L’une des principales causes de l’apparition ou de
2017; Proulx et al., 2021; Roy-Petit, Kirouac- l’aggravation des SCPD chez la personne atteinte de
Laplante et Bergeron, 2021) présentaient troubles neurocognitifs graves est souvent liée à la
de la douleur et que ce pourcentage pouvait présence de douleur non soulagée.
atteindre 90 % lorsque ces personnes sont
hébergées en soins de longue durée (Proulx
et al., 2021). Le fait qu’elles souffrent de défi-
cits cognitifs rend la détection et l’évaluation
de l’infirmière plus complexes en raison des
difficultés éprouvées à communiquer effica-
cement les caractéristiques et répercussions
de la douleur (Paquette et Bourbonnais, 2017;
Roy-Petit et al., 2021). Les causes entraînant
de la douleur chronique sont nombreuses
et devraient faire partie de l’évaluation de
l’infirmière, sans oublier d’y inclure leurs
répercussions sur les activités quotidiennes.

RÉPONSES EN PAGE 50

TOUT COMMENCE ICI CIUSSSCN.CA/EMPLOI

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40 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
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Le jeu de rôle : un procédé

d’apprentissage et de
sensibilisation aux allergies
alimentaires en milieu scolaire
L’école est un lieu où les enfants passent la grande majorité de leur temps et où ils fréquentent bon nombre
de leur entourage (Ravarotto et al., 2014). Sachant qu’environ 10 % des réactions allergiques de nature ali-
mentaire surviennent en milieu scolaire (Pouessel, 2018), il est primordial d’intervenir, tant auprès des jeunes
affectés par ce phénomène qu’auprès des gens qu’ils côtoient dans leur environnement au quotidien. Il faut
absolument mettre en place des mesures efficaces et scientifiquement prouvées pour ces jeunes, en plus de
promouvoir des activités de sensibilisation auprès de tous les autres acteurs gravitant autour de ces enfants
pour leur offrir un environnement scolaire sain et sécuritaire.
par ARIANE DE LA DURANTAYE, inf., B. Sc. inf.
L’émergence des allergies alimentaires est un phénomène (Murdoch, Adams et Caulfield, 2018; Mustafa et al., 2018).
qui représente un énorme défi de santé publique, tout par- De plus, ajoutons à cela qu’il peut arriver que ces élèves
ticulièrement pour les jeunes enfants en âge de fréquenter soient victimes de stigmatisation ou d’intimidation de la part
les milieux scolaires (Ravarotto et al., 2014). Au Québec, on d’autres élèves à cause de leurs allergies alimentaires, ce
estime que jusqu’à 40 000 enfants fréquentant les milieux qui augmente en grande partie les impacts psychologiques
scolaires primaires sont actuellement touchés par les aller- associés (Shemesh et al., 2013). Ces situations peuvent
gies alimentaires (Allergies Québec, 2020). entraîner un taux d’anxiété et de détresse psychologique
Les allergies alimentaires présentent un enjeu considé- plus élevé chez ces jeunes, en plus de diminuer leur qualité de
rable pour les acteurs de la vie scolaire (direction, personnel vie et leurs performances scolaires et de favoriser l’isolement
enseignant, responsable de la cantine, surveillants, etc.). Bien social (Egan et Sicherer, 2016; Sicherer et Mahr, 2010).
que l’infirmière scolaire puisse se baser sur certains guides Ainsi, on peut affirmer que l’infirmière en santé scolaire
de pratique officiels élaborés par des associations telle qu’Al- joue un rôle indispensable en ce qui concerne la prévention
lergies Québec (2018), il n’est pas toujours simple pour cette des incidents, l’enseignement et le soutien auprès de tous
dernière de mettre en place les multiples interventions et les les acteurs concernés par les allergies alimentaires à l’école
divers protocoles pour assurer la sécurité au quotidien des (Pistiner et Lee, 2012).
élèves allergiques. Cette mise en place complexe, à recom- Cependant, avec les contraintes de temps et les ressources
mencer chaque début d’année scolaire, demande beaucoup humaines et matérielles limitées, les objectifs de mise en
de temps et de créativité de la part de l’infirmière scolaire. place des pratiques sécuritaires et de sensibilisation auprès
Sachant qu’il existe encore une absence de cadre légis- de tous les acteurs concernés peuvent devenir plus difficiles
latif officiel au Québec concernant la gestion sécuritaire et à atteindre. De plus, la littérature consultée démontre qu’il
uniforme des allergies alimentaires en milieu scolaire, contrai- existe peu de ressources éducatives disponibles sur ce sujet,
rement à d’autres provinces au Canada, cette situation laisse bien que les infirmières en santé scolaire démontrent depuis
place à des pratiques différentes d’un milieu scolaire à un un bon moment un grand intérêt pour l’obtention d’un tel
autre et occasionne, par le fait même, des préoccupations matériel pédagogique (Carlisle et al., 2010).
chez les parents quant à la sécurité de leurs enfants à l’école

42 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


JEU DE RÔLE : UNE INTERVENTION SIMPLE
ET LUDIQUE INSPIRÉE DE L’APPROCHE PAR
COMPÉTENCES ET DU MODÈLE ÉCOLOGIQUE
La conception d’un jeu de rôle semble être une approche
éducative très intéressante pour les élèves d’âge scolaire,
tout en étant peu coûteuse. En effet, selon la littérature,
il s’agit d’un outil recommandé en milieu scolaire, très
efficace pour améliorer les connaissances sur le sujet des
allergies alimentaires, entre autres, et qui permet d’ef-
fectuer une activité de modulation des comportements
à travailler ou à développer (Bardi et al., 2014; Joronen,
Rankin et Astedt-Kurki, 2008). Ce jeu de nature collective
favorise l’engagement des jeunes ainsi que les relations
humaines et peut être facilement adapté aux capaci-
tés de compréhension et d’attention de ceux-ci (environ
10 minutes pour les enfants d’âge primaire), en plus
de présenter des effets positifs sur les connaissances
et les attitudes en lien avec les allergies alimentaires
(Castelain-Hacquet et al., 2011; Cordebar et al., 2013).
Afin de favoriser la participation du plus grand nombre
d’élèves et d’autres acteurs importants de leur entou-
rage, tels que le personnel scolaire, la fratrie ainsi que
les parents, le jeu de rôle proposé s’inspire beaucoup de
l’approche écologique et de l’approche par compétences.
En effet, ces approches semblent être d’excellents points
de départ pour inclure tout le monde dans le processus
d’apprentissage et de sensibilisation aux allergies ali-
mentaires en milieu scolaire.
Tableau 1
SYNTHÈSE DES PRINCIPALES CONSTATATIONS
CATÉGORIES ET SOUS-CATÉGORIES GÉNÉRIQUES
PRATIQUE CLINIQUE
EN QUOI CONSISTE CES APPROCHES?
L’approche écologique, qui ressemble beaucoup au
modèle québécois École en santé du ministère de
l’Éducation, du Loisir et du Sport (2005), permet d’agir
globalement sur les facteurs clés du développement
des jeunes en ayant un impact sur leur santé, leur bien-
être et leur réussite éducative. Elle inclut notamment les
déterminants de la santé (Alberta Health Services, 2015;
Renaud et Lafontaine, 2018) liés aux individus tels que
l’estime de soi, les compétences sociales, les habitudes
de vie et les comportements sains et sécuritaires, et inclut
également les déterminants reliés à l’environnement tels
que le milieu scolaire, familial et communautaire, les poli-
tiques scolaires et la création de partenariat, permettant
ainsi d’avoir un meilleur impact sur l’enfant et sur son
environnement. L’humain est donc au centre des préoc-
cupations dans cette approche et celle-ci tient compte
des interactions de ce dernier avec son environnement
(Renaud et Lafontaine, 2018). D’ailleurs, à titre d’exemple,
le Tableau 1 propose une représentation imagée des
barrières et des facilitateurs auxquels l’infirmière scolaire
pourrait faire face dans la prise en charge de la santé des
enfants atteints d’une maladie chronique en milieu sco-
laire. Cette représentation est tirée de plusieurs articles
exposant diverses maladies chroniques qui peuvent
toucher les jeunes en milieu scolaire, tels que l’asthme ou
les allergies alimentaires.

BARRIÈRES FACILITATEURS

Niveau • Manque de connaissances et de sensibilisation • Intervention en milieu scolaire

intrapersonnel du personnel scolaire • Plan d’action
• Manque de connaissances des parents

Niveau • Communication limitée entre l’école
interpersonnel et la famille
• Manque de collaboration avec les
professionnels de l’école
• Difficultés dans les relations avec les pairs
• Directives de l’école limitées
• Obstacles liés au statut de l’école :
- Insuffisance du personnel et absence de
personne-ressource à l’infirmerie
- Manque de personnel et de formation
- Manque de clarté du rôle et des
responsabilités
• Environnement scolaire peu sécuritaire :
- Soutien limité à l’administration des
médicaments
- Procédure d’intervention d’urgence non
optimale
- Manque d’équipement
• Communication efficace entre l’école et les fa-
milles
• Engagement des parents
• Collaboration avec les professionnels de l’école
• Délimitation claire des rôles
• Intervention à l’école :
- Éducation des parents par l’infirmière scolaire
• Facilitateurs liés au personnel de l’école :
- Personnel en nombre suffisant et présence
d’une personne-ressource à l’infirmerie
- Formation du personnel
• Environnement scolaire sécuritaire :
- Poste de premiers secours
- Tests pratiques

Niveau - Disponibilité limitée des médicaments • Soutien à l’autogestion de la santé

institutionnel d’urgence • Services pour les parents :
- Environnement sans allergène limité - Éducation des parents et accès à plus
- Difficultés à maintenir une glycémie stable d’information
(peu applicable aux allergies alimentaires) • Communauté plus soudée
- Services de repas inadéquats
• Soutien limité à l’autogestion de la santé
• Services insuffisants pour les parents :
- Éducation parentale et accès à l’information
limités
• Droits insuffisamment défendus :
- Discrimination dans toutes les activités
scolaires

Niveau public • Politique scolaire limitée • Plan d’action clair et soutien juridique pour la
et politique • Manque de coordination entre les systèmes politique de santé à l’école
d’éducation et de santé
• Inégalité des soins de santé en milieu scolaire
et inaccessibilité à l’école

Source : Inspiré de Uhm, Choi et Lee, 2020.

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 43

 L’approche par compétences, quant à elle, est utilisée ici
en complément à l’approche écologique. Elle propose une
démarche basée sur les composantes cognitivo-construc-
tives des compétences, tels que le savoir, le savoir-faire et
le savoir-être (Coulet, 2013; Lasnier, 2014; Loosli, 2016).
Cette approche permet à l’enfant d’avoir un rapport actif,
dynamique et constructif face aux apprentissages (Loosli,
2016). Elle favorise aussi l’autonomie et le développement
de plusieurs autres compétences telles que les capacités
d’initiatives et la collaboration avec les pairs et favorise
également la réflexion (Loosli, 2016), en plus de mettre l’em-
phase sur le rôle actif de tous les apprenants dans leurs
apprentissages. Cette approche permet aussi l’utilisation
d’un référentiel de compétences qui précise davantage les
compétences à développer chez la clientèle visée (Pistiner
et Lee, 2012). Cependant, il sera important de la part de
l’infirmière scolaire de considérer que la compétence est une
composante à caractère subjective plutôt difficile à évaluer
Tableau 2
RÉFÉRENTIEL DE COMPÉTENCES ET ACTIONS ASSOCIÉES
RÉFÉRENTIEL DE COMPÉTENCES ACTIONS
pour chaque individu (Chenu, Crahay et Lafontaine, 2014).
C’est pourquoi il faudra absolument prendre cet aspect en
compte lors de la création des scénarios et de bien définir les
objectifs visés par le jeu de rôle afin de pouvoir pleinement
profiter de cette activité éducative.
RÉFÉRENTIEL DE COMPÉTENCES PERTINENT ET
LA MISE EN PLACE D’OBJECTIFS EN LIEN AVEC LES
APPRENTISSAGES VISÉS
Pour faciliter l’élaboration des scénarios du jeu de rôle, il est
essentiel de s’orienter avec un référentiel de compétences
et d’objectifs pédagogiques adaptés aux enfants d’âge sco-
laire. L’article de Castelain-Hacquet et ses collaborateurs
(2011) propose un bon cadre de référence en fonction de
l’âge des élèves qui seront visés par l’activité éducative en
lien avec les allergies alimentaires. Le Tableau 2 présente
un résumé des compétences à développer et des actions
concrètes associées pour y parvenir.

Faire connaître ses besoins, s’exprimer et infor- • Faire connaître son allergie alimentaire
mer son entourage • Exprimer ses émotions et ses difficultés

Comprendre et s’expliquer • Montrer son allergène

• Nommer les aliments auxquels on est allergique
• Décrire les conséquences de l’ingestion d’un aliment interdit

Repérer, analyser et mesurer • Reconnaître les signes d’allergie et leur gravité

• Repérer les aliments interdits
• Nommer les médicaments de la trousse d’urgence
• Nommer son ou ses référents en cas d’urgence
• Identifier les situations à risque

Réagir, intervenir, décider • Décrire les actions à effectuer devant une réaction allergique

Résoudre un problème • Refuser un aliment interdit ou non connu en toute circonstance

• Disposer d’une trousse d’urgence en toute circonstance

S’exercer, manipuler • Manipuler l’injecteur d’épinéphrine

Source : Inspiré de Castelain-Hacquet et al., 2011.

Après avoir pris connaissance des compétences à déve-
lopper et bien ciblé les apprentissages visés par le jeu de
rôle proposé aux élèves, il est essentiel de fixer des objec-
tifs simples et facilement compréhensibles permettant
ainsi d’apprécier les acquis qui seront effectués au cours
de l’activité éducative (Cordebar et al., 2013). De ce fait,
il est primordial de viser des objectifs touchant aux trois
domaines suivants, afin d’évaluer les différentes sphères
de l’activité, soit : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être
(Cordebar et al., 2013). Voici un exemple d’objectif par
domaine de savoir qui peut être mis en place dès le début
du jeu de rôle avec les élèves (Encadré 1).
Encadré 1
OBJECTIF PROPOSÉ PAR DOMAINE DE SAVOIR
Savoir
Au terme du jeu, les élèves seront en mesure de nommer au
moins deux symptômes qu’ils peuvent observer lors d’une
réaction allergique.
Savoir-faire
Au terme du jeu, les élèves seront en mesure de nommer
deux actions importantes à effectuer lorsqu’ils sont témoins
d’une réaction allergique.
Savoir-être
Au terme du jeu, les élèves seront en mesure d’exprimer un
impact psychologique de l’intimidation sur un élève ayant
des allergies alimentaires.
APPLICABILITÉ DU JEU DE RÔLE EN LIEN AVEC LES
APPROCHES ÉDUCATIVES PROPOSÉES
Le jeu de rôle qui est proposé dans cet article se démarque,
entre autres, par sa grande adaptabilité au milieu scolaire.
En effet, il ne demande pas un grand investissement finan-
cier et les consignes sont assez simples à comprendre et à
maîtriser pour les adultes qui décideront de l’utiliser avec
leurs élèves. De surcroît, il ne demande pas une implication
constante et à long terme de l’infirmière scolaire puisque le
jeu peut facilement être supervisé par d’autres adultes pré-
sents dans l’environnement de l’enfant allergique. D’autre
part, les sujets des scénarios sont facilement modifiables
et peuvent s’adapter à d’autres groupes d’âge. Le court
temps d’activité du jeu de rôle permet également de l’in-
tégrer dans presque n’importe quelle routine quotidienne
en milieu scolaire. Finalement, ce jeu de rôle permet l’im-
plication active des élèves concernés qui partageront leur
vécu, tout en favorisant les échanges et les rétroactions
entre les pairs n’ayant pas beaucoup d’expérience dans
ce domaine (Boucher, 2015).
Cet outil est également intéressant parce qu’il peut
facilement se transférer dans d’autres sphères de la vie
de l’enfant ailleurs qu’en milieu scolaire, par exemple à la
maison avec les parents et la fratrie, ce qui vient rejoindre
les principes fondamentaux de l’approche écologique
visée par ce jeu et ainsi favoriser l’apprentissage de
tous aux concepts des allergies alimentaires (Renaud et
Lafontaine, 2018).

44 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


MOT SUR LA RÉTROACTION ET QUELQUES
EXEMPLES DE SCÉNARIOS
Les exemples de scénarios suivants prennent en compte
une interaction entre deux élèves et un observateur en
charge de diriger le scénario (p. ex. l’infirmière scolaire,
un professeur ou un parent) pour offrir une rétroaction
ultérieure. La rétroaction est primordiale puisqu’elle est
centrée directement sur les objectifs d’apprentissage
visés par l’activité. Il est essentiel de connaître le niveau
de compréhension et les acquis des élèves – c’est le cœur
même du jeu de rôle –, pour effectuer des ajustements
éventuels à la suite du jeu (Boucher, 2015). La rétroaction
PRATIQUE CLINIQUE
permet à l’observateur et aux élèves de verbaliser les sen-
timents ressentis lors du jeu de rôle ainsi que les gestes et
les actions qui ont été posés ou non. Le jeu de rôle permet
également de favoriser le développement de l’autonomie
des élèves en situation d’apprentissage (Boucher, 2015).
Finalement, il est important de faire comprendre aux
élèves qu’ils ont droit à l’erreur tout en mettant en lumière
leurs forces et leurs réussites face aux scénarios joués par
les élèves volontaires.
Voici quelques suggestions de scénarios pouvant être
exploités en classe (Tableau 3).

Tableau 3
SUGGESTIONS DE SCÉNARIOS
SCÉNARIO ÉLÈVE 1 ÉLÈVE 2 OBSERVATEUR

1 Tu es allergique aux Tu aimerais partager Réponses suggérées et attendues de l’élève 1 :

noix et tu ne dois abso- une nouvelle • « Non merci! Je ne peux pas, car je suis allergique aux noix! »
lument pas en manger! barre tendre avec • « Je préfère ne pas en prendre, car je ne sais pas si la barre
Que dois-tu dire si un ton meilleur ami. tendre contient des noix. »
ami te propose une Tu décides d’aller le Rétroaction suggérée :
collation que tu ne voir et de lui en donner • Revenir sur l’importance de ne pas partager sa nourriture
connais pas? un morceau! avec les autres
Compétence visée : Résoudre un problème
• Revenir sur l’importance de nommer les aliments auxquels
on est allergique sans se sentir honteux
Compétence visée : Comprendre et s’expliquer
• Revenir sur l’importance d’identifier les situations à risque
Compétence visée : Repérer, analyser et mesurer

2 Tu es allergique aux Tu as une grande Réponses suggérées et attendues de l’élève 1 :

crevettes et tu ne dois curiosité et tu aimerais • Difficulté à respirer
absolument pas en savoir quelles sont • Démangeaisons autour de la bouche
manger! Que dois-tu les conséquences si • Gonflement de la langue, des lèvres et du visage
répondre à ton ami qui ton ami mange des • Mal de ventre
te demande quelles crevettes. Pose-lui • Vomissement
sont les conséquences la question! • « Je ne me sens pas bien »
sur ton corps si tu en Rétroaction suggérée :
manges? • Revenir sur l’importance de faire connaître son allergie
Compétence visée : Faire connaître ses besoins, s’exprimer et
informer son entourage
• Revenir sur l’importance de décrire les conséquences de
l’ingestion d’un aliment interdit
Compétence visée : Comprendre et s’expliquer
• Revenir sur l’importance de reconnaître les signes d’aller-
gie et leur gravité
Compétence visée : Repérer, analyser et mesurer

3 Tu es allergique aux Que dois-tu faire, selon Réponses ou actions suggérées et attendues de l’élève 1 :
œufs et tu viens de te toi, lorsque ton ami • Aller voir un ami pour demander de l’aide rapidement
rendre compte que vient te voir et qu’il te • Demander d’aller chercher un adulte rapidement
tu en as mangé par dit qu’il ne va pas bien • Demander l’aide d’un adulte pour avoir accès à son plan
erreur! Tu ne te sens après avoir mangé des d’intervention en cas d’urgence
pas bien, tu as mal œufs? Rétroaction suggérée :
au ventre et tu com- • Revenir sur la description des actions à effectuer devant
mences à avoir de la une réaction allergique
difficulté à respirer. Compétence visée : Réagir, intervenir, décider
Il n’y a pas d’adulte près • Revenir sur l’importance d’aller chercher de l’aide et/ou
de toi. Tu décides d’en une personne-ressource en cas d’urgence
parler à ton ami et tu lui Compétence visée : Repérer, analyser et mesurer
dis comment tu te sens. • Revenir sur l’importance d’avoir en sa possession ou pas
loin sa trousse d’urgence
Compétence visée : Résoudre un problème

Il est normal que les mises en scène ne durent pas très
longtemps, surtout avec des enfants d’âge scolaire qui
pour la plupart ne savent peut-être pas ce que c’est qu’une
allergie alimentaire. Il sera alors important de profiter des
moments de rétroaction pour bien revoir la situation et
expliquer les éléments du scénario en lien avec les com-
pétences visées. Au besoin, il est fortement recommandé
de compléter les acquis avec quelques vidéos amusantes
concernant les allergies alimentaires. En incluant l’utilisa-
tion de la technologie et des médias, il est plus facile pour
les enfants de comprendre certains concepts abstraits
liés aux allergies alimentaires (Jiang et al., 2019; Lewalter,
2003).
EN CONCLUSION
La gestion des allergies alimentaires et les activités édu-
catives en matière de santé associées en milieu scolaire
requièrent, sans aucun doute, la participation de tous
les acteurs concernés pour favoriser un travail inter-
disciplinaire efficace permettant aux élèves allergiques

PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 45

de s’épanouir pleinement dans un environnement sécuritaire (De la
Tribonnière, 2014). Avec l’émergence des allergies alimentaires chez
les jeunes enfants ces dernières années, les activités de sensibilisa-
tion et de promotion de la santé à l’école ne doivent pas être mises
de côté malgré l’absence de politiques législatives et d’encadrement
uniforme. En effet, selon Cicutto et ses collaborateurs (2012), il existe
des lacunes en ce qui concerne le traitement des allergies alimen-
taires dans le domaine scolaire, comme la faible sensibilisation du
personnel ou l’insuffisance de procédures générales mises en place
par les établissements scolaires. Cependant, il est prouvé que le
soutien par les pairs aide grandement à diminuer la prise de risque
et à promouvoir un environnement plus sécuritaire à l’école pour
l’enfant allergique (Jiang et al., 2019). C’est pourquoi un jeu de rôle
avec les pairs semble être une activité éducative intéressante dans
ce contexte. Il sera primordial de la part de l’infirmière scolaire de
déterminer clairement son rôle par rapport à la gestion quotidienne
du phénomène, pouvant devenir ardue par moments. En ce sens,
elle a le pouvoir de contribuer à l’intégration et à la mise en place
de moyens efficaces pour assurer l’inclusion des enfants ayant une
maladie chronique et ainsi favoriser un environnement invitant et
sécuritaire pour tous. À la suite de la mise en place du jeu de rôle
favorisant la sensibilisation aux allergies alimentaires, l’infirmière
L’AUTEURE
ARIANE DE LA DURANTAYE
Inf., B. Sc. inf.
Infirmière au CISSS des Laurentides et étudiante
Cet article résulte d’un projet universitaire effectué dans le cadre de sa première année de maîtrise au programme IPSPL. Étant elle-même
atteinte de plusieurs restrictions et allergies alimentaires, Mme de la Durantaye croit énormément en la sensibilisation aux allergies en milieu
scolaire, dans le but d’offrir un environnement plus encadré, mais moins restrictif pour les élèves allergiques dans les écoles. Elle aspire à ce
qu’un cadre législatif clair soit mis en place le plus rapidement possible par le gouvernement dans les prochaines années pour promouvoir
une meilleure sécurité des enfants à l’école.
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Julie Déziel
Infirmière ASI, Centre mère-enfant
Hôpital Pierre-Boucher
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46 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
scolaire restera disponible pour continuer à encadrer et à soutenir
le personnel scolaire ainsi que les parents en fonction des besoins
de chacun. Elle sera également appelée à assurer la mise à jour de
ses connaissances et de celles des acteurs visés dans ce processus,
et ce, au courant de l’année scolaire et de celles qui suivront. Il est
essentiel de ne pas oublier la précieuse participation des parents,
fortement suggérée, et qui représente un atout important dans l’édu-
cation à la santé des enfants en milieu scolaire (De la Tribonnière,
2014). L’infirmière sera également incitée à promouvoir sa présence
et son support auprès de ces acteurs externes puisqu’il a déjà été
démontré que la participation des parents représente une excellente
source éducative pour aider à sensibiliser les jeunes à la maison. En
terminant, il est évident que l’infirmière scolaire peut jouer un rôle
majeur dans la gestion optimale des allergies alimentaires à l’école
et, surtout, elle dispose d’une excellente occasion de faire valoir sa
contribution unique auprès des acteurs concernés en lien avec les
activités de promotion de la santé en milieu scolaire (Durgnat-Sciboz,
Colin et Rodrigues, 2019). Allergies Québec est une excellente source
informationnelle et scientifique sur laquelle les infirmières scolaires
peuvent s’appuyer au quotidien pour faciliter leur travail auprès des
élèves allergiques. •
RÉFÉRENCES
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des communautés scolaires en santé». Repéré à www.albertahealthservices.ca/assets/info/school/csh/if-
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School Nurse, 27(5), 260-266. Repéré à https://doi.org/10.1177/1942602X12455247
Pouessel, G. (2018). «Allergie alimentaire de l’enfant et accueil en milieu scolaire: quelles précautions?». La
revue du praticien, 68(6), 647-653.
Ravarotto, L., Mascarello, G., Pinto, A., Schiavo, M.R., Bagni, M. et Decastelli, L. (2014). «Food allergies in
school: design and evaluation of a teacher-oriented training action». Italian Journal of Pediatrics, 40(1), 1-9.
Repéré à https://doi.org/10.1186/s13052-014-0100-8
Renaud, L. et Lafontaine, G. (2018). «Guide pratique: Intervenir en promotion de la santé à l’aide de
l’approche écologique» (2e éd.). Montréal: Réseau francophone international pour la promotion de la santé.
Repéré à https://www.pratiquesensante.org/2020-08-06-01/
Shemesh, E., Annunziato, R.A., Ambrose, M.A., Ravid, N.L., Mullarkey, C., ... Sicherer, S.H. (2013). «Child and
parental reports of bullying in a consecutive sample of children with food allergy». Pediatrics, 131(1), 10-17.
Repéré à https://doi.org/10.1542/peds.2012-1180
Sicherer, S.H. et Mahr, T. (2010). «Management of food allergy in the school setting». Pediatrics, 126(6),
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Sciences, 22(4), 868-880. Repéré à https://doi.org/doi.org/10.1111/nhs.12786

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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 49

MYTHES ET RÉALITÉS
À PROPOS DE
Détection et évaluation
de la douleur
chronique chez
la personne âgée
souffrant d’un trouble
neurocognitif majeur
(TNCM) et présentant
des symptômes
comportementaux et
psychologiques de la
démence (SCPD).
par MONIQUE BOURQUE, inf., B. Sc.,
M.A. (gérontologie)
Consultante en soins à la personne
âgée en perte d’autonomie
La douleur est un problème important
chez la personne âgée. Plusieurs
études ont montré que 20 à 60 % des
aînés vivant à domicile (Lussier,
2015; Paquette et Bourbonnais,
2017; Proulx et al., 2021; Roy-Petit,
Kirouac-Laplante et Bergeron, 2021)
présentaient de la douleur et que
ce pourcentage pouvait atteindre
90 % lorsque ces personnes sont
hébergées en soins de longue durée
(Proulx et al., 2021). Le fait qu’elles
souffrent de déficits cognitifs rend
la détection et l’évaluation de l’infir-
mière plus complexes en raison des
difficultés éprouvées à communiquer
efficacement les caractéristiques et
répercussions de la douleur (Paquette
et Bourbonnais, 2017; Roy-Petit et al.,
2021). Les causes entraînant de la
douleur chronique sont nombreuses
et devraient faire partie de l’évalua-
tion de l’infirmière, sans oublier d’y
inclure leurs répercussions sur les
activités quotidiennes.
QUESTIONS EN PAGE 40
POUR EN SAVOIR PLUS
Si vous souhaitez en
apprendre davantage sur
l’évaluation et le soulage-
ment de la douleur chez la
personne âgée souffrant
de démence, suivez les for-
mations de notre auteure,
formatrice à l’OIIQ à :
oiiq.org/formation
50 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
SAUREZ-VOUS
DISCERNER LE VRAI DU FAUX?
01. Depuis ces dernières années, les intervenants de la santé, dont les infir-
mières, détectent et évaluent beaucoup mieux la douleur chronique chez la
personne âgée souffrant d’un trouble neurocognitif majeur (TNCM).
Réponse : Faux
Plusieurs études ont démontré que l’évaluation de la douleur aiguë chez
la personne âgée est sous-estimée, sous-évaluée et sous-traitée (Lussier,
2015; Paquette et Bourbonnais, 2017; Roy-Petit et al., 2021; Savoie, Misson
et Verreault, 2012). Dans le cas de la douleur chronique chez la personne
souffrant de troubles neurocognitifs, la réalité clinique est encore plus pré-
occupante, quel que soit le milieu de soins (domicile, urgence, unités de soins
aigus incluant les unités de gériatrie et soins de longue durée) (Lussier, 2015).
Nombre de raisons sont évoquées dans la documentation écrite pour expli-
quer cette lacune (Paquette et Bourbonnais, 2017; Proulx et al., 2021; Savoie
et al., 2012). Le fait que la clientèle âgée entretienne de fausses croyances
concernant la douleur (il est normal de souffrir en vieillissant, exprimer sa
douleur est un signe de faiblesse, la peur de déranger le personnel, etc.) freine
la transmission d’informations aux intervenants. Si l’on ajoute la présence de
troubles neurocognitifs chez la personne, celle-ci éprouvera des difficultés,
voire des incapacités à décrire les caractéristiques de sa douleur (localisa-
tion, intensité, durée, etc.), à comprendre le sens des questions posées et à y
répondre adéquatement, ainsi qu’à comparer l’intensité de sa douleur avant et
après l’administration d’un analgésique.
Concernant les difficultés éprouvées par les infirmières à détecter et évaluer
la douleur chronique chez la personne atteinte d’un TNCM, plusieurs auteurs
mentionnent : le manque de connaissance sur la gestion de la douleur chro-
nique, la difficulté à décoder les signes cliniques suggérant la douleur, le
peu de connaissance des échelles d’hétéroévaluation et leur utilisation, la
connaissance erronée des effets des opioïdes (tolérance et accoutumance), la
présence de comportements pouvant être associés à la fois à la douleur et aux
SCPD, le manque de temps pour évaluer la douleur, ainsi que les problèmes
de communication et de continuité des soins entre les soignants (Burns et
McIlfatrick, 2015; Paquette et Bourbonnais, 2017; Proulx et al., 2021).
02. Il est recommandé de toujours utiliser une échelle d’hétéroévaluation
(observation par un tiers à partir d’une grille de comportements) pour
détecter et mesurer l’intensité de la douleur chez la personne souffrant d’un
TNCM.
Réponse : Faux
Il est recommandé de débuter avec une échelle d’autoévaluation de la douleur,
même si la personne présente des déficits cognitifs, surtout si celle-ci est
capable de s’autoévaluer et de répondre aux questions posées concernant sa
douleur (Herr et al., 2011; Lussier, 2015; Proulx et al., 2021; Savoie et al., 2012).
Avant de choisir l’échelle de douleur (autoévaluation ou hétéroévaluation), les
infirmières doivent vérifier les capacités cognitives de la personne en faisant
des essais et en vérifiant l’étendue de ses difficultés neurocognitives à partir
d’évaluations déjà faites ou à réaliser. Selon des études, les échelles d’autoé-
valuation peuvent être utilisées avec les personnes présentant des troubles
neurocognitifs légers à modérés lorsqu’elles obtiennent un résultat supérieur
à 17/30 au Mini-Mental Status Exam (MMSE) (Lussier, 2015; Roy-Petit et al.,
2021). Cependant, lorsque la personne est atteinte de troubles neurocognitifs
modérés à graves, et qu’elle est incapable de s’autoévaluer et de répondre adé-
quatement aux questions, une échelle d’hétéroévaluation est indiquée.
Il existe plusieurs échelles d’autoévaluation et d’hétéroévaluation de la
douleur validées avec la clientèle âgée. Les critères qui devraient guider le
choix de ces échelles sont : leurs qualités psychométriques, le fait que les
échelles sont connues et reconnues par l’ensemble des intervenants et méde-
cins, ainsi que leur facilité à les utiliser dans la pratique clinique (Paquette et
Bourbonnais, 2017; Proulx et al., 2021; Savoie et al., 2012).
Considérant la prévalence importante de maladies chroniques
avec un potentiel de douleur persistante chez cette clientèle, leur
détection devrait être faite systématiquement à l’admission, à la
première visite ou consultation et, par la suite, selon l’état de santé
de la personne (Lussier, 2015; Miu et Chan, 2014; Proulx et al.,
2021).
03. L’évaluation initiale de l’infirmière concernant la douleur
chronique chez la personne souffrant d’un TNCM repose essen-
tiellement sur la détection et l’utilisation de la bonne échelle
selon sa capacité cognitive.
Réponse : Faux
En plus de détecter la douleur et d’en mesurer l’intensité avec
une échelle appropriée aux capacités cognitives de la personne,
l’infirmière doit procéder à une évaluation globale de la situation
de santé de cette dernière selon sa première activité réser-
vée (Évaluer la condition physique et mentale d’une personne
symptomatique).
Plusieurs auteurs rapportent les éléments suivants devant aussi
faire partie de l’évaluation de l’infirmière, soit la revue des anté-
cédents, des maladies chroniques connues et autres problèmes de
santé entraînant de la douleur, l’entrevue adaptée aux capacités
cognitives de la personne pouvant répondre aux questions même
partiellement, l’examen physique selon les symptômes et pro-
blèmes de santé identifiés, ainsi que la vérification des différents
effets de la médication analgésique administrée (régulière et au
besoin) (Lussier, 2015; Proulx et al., 2021).
Il est également important (encore davantage avec les per-
sonnes souffrant de troubles neurocognitifs graves) de procéder
à des observations objectives de la personne au repos, lors des
mobilisations, des soins et traitements. L’observation doit aussi
s’attarder aux impacts de la douleur sur la qualité de vie et les
activités de la personne telles que : sommeil, appétit, humeur,
isolement, comportements, mobilité et autonomie fonctionnelle
(Lussier, 2015; Proulx et al., 2021). Pour ce faire, la collaboration
avec les proches et les préposées aux bénéficiaires est une valeur
ajoutée en raison de leur grande présence auprès de la personne.
04. L’évaluation continue de la douleur chronique chez la per-
sonne atteinte de troubles neurocognitifs graves représente l’un
des plus grands défis de l’infirmière pour une gestion optimale
de la douleur.
Réponse : Vrai
En effet, cette étape est essentielle pour nombre de raisons. Tout
d’abord, l’infirmière doit mobiliser ses collègues de l’équipe
soignante et celles des différents quarts de travail afin qu’elles
participent toutes à l’évaluation continue de la douleur (présence
et intensité), et ce, pendant plusieurs semaines. Elle doit aussi
déterminer les paramètres cliniques qui feront l’objet de surveil-
lance objective avec différentes grilles (sommeil, appétit, humeur,
mobilité, autonomie fonctionnelle), ainsi que les moments stra-
tégiques où celle-ci doit s’effectuer. Ce monitorage devra aussi
considérer les divers effets de la médication et des autres inter-
ventions non pharmacologiques sur le soulagement de la douleur.
L’infirmière doit également travailler en étroite collaboration avec
la ou le médecin et les autres professionnels de la santé (Paquette
et Bourbonnais, 2017; Proulx et al., 2021).
Le véritable défi réside dans la capacité des infirmières à mettre
en place ce plan d’interventions et d’en suivre les résultats malgré
les problèmes organisationnels, tels le manque et le roulement du
personnel.
05. L’une des principales causes de l’apparition ou de l’ag-
gravation des SCPD chez la personne atteinte de troubles
neurocognitifs graves est souvent liée à la présence de douleur
non soulagée.
Réponse : Vrai
L’apparition ou l’aggravation des SCPD est une problématique
complexe et les causes sont multifactorielles (Bourque et Voyer,
2021). Les personnes souffrant de troubles neurocognitifs graves
présentent souvent des comorbidités accompagnées de douleur
et d’inconfort physique tels : l’arthrite, l’ankylose, l’ostéoporose,
le diabète, le postaccident vasculaire cérébral, les fractures
osseuses, les problèmes buccaux dentaires et gastro-intestinaux,
l’hypertension, les lésions de pression, les douleurs cancéreuses,
pour ne nommer que celles-ci (Proulx et al., 2021). D’un autre côté,
plusieurs auteurs ont montré que l’agitation verbale et les gestes
agressifs peuvent être en partie causés par la douleur chronique
et l’inconfort physique (Bourque et Voyer, 2021; Landreville, 2021;
Vézina et Belzil, 2021). Enfin, on sait aussi que les soignantes
détectent moins bien la douleur chez les personnes ayant des dif-
ficultés ou incapacités à communiquer (Proulx et al., 2021).
L’absence ou l’évaluation incomplète de l’infirmière, le manque
de connaissances concernant les effets de la douleur sur la
manifestation de certains SCPD, le recours trop rapide à des
médicaments autres que des analgésiques ne permettent pas
à l’infirmière de poser rapidement l’hypothèse de douleur non
soulagée comme l’une des premières causes à évaluer en collabo-
ration avec les médecins et les autres professionnels de l’équipe
interdisciplinaire.
RÉFÉRENCES
Bourque, M. et Voyer, P. (2021). «La gestion des symptômes comportementaux et psychologiques
de la démence». Dans Voyer et al., Soins infirmiers aux aînés en perte d’autonomie (3e éd.) (p. 441-
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Burns, M. et McIlfatrick, S. (2015). «Palliative care in dementia: Literature review of nurses’
knowledge and attitudes towards pain assessment». International Journal of Palliative Nursing,
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Herr, K., Coyne, P.J., McCaffery, M., Manworren, R. et Merkel, S. (2011). «Pain assessment in the
patient unable to self-report: Position statement with clinical practice recommendations». Pain
Management Nursing, 12(4), 230-250.
Landreville, P. (2021). «L’agitation verbale». Dans Voyer et al., Soins infirmiers aux aînés en perte
d’autonomie (3e éd.) (p. 497-501). Montréal: Pearson/Erpi
Lussier, D. (2015). «Prise de position de la Société québécoise de gériatrie sur l’évaluation et la prise
en charge de la douleur». Sherbrooke, QC : Société québécoise de gériatrie.
Miu, D.K.Y. et Chan, K.C. (2014). «Under-detection of pain in elderly nursing home residents with
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Paquette, A. et Bourbonnais, A. (2017). «La gestion collaborative de la douleur chronique en centre
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Proulx, S., Misson, L., Gauthier, M. et Aubin, M. (2021). «La douleur». Dans Voyer et al., Soins
infirmiers aux aînés en perte d’autonomie (3e éd.) (p. 367-381). Montréal: Pearson/Erpi.
Roy-Petit, J., Kirouac-Laplante, J. et Bergeron, J (2021). «Gestion de la douleur chronique non
cancéreuse en UCDG». Dans Guide de gestion médicamenteuse en UCDG, (3e éd.), (Annexe 12).
Montréal, QC: Regroupement des Unités de courte durée gériatriques et des services hospitaliers
de gériatrie du Québec (RUSHQC).
Savoie, M.L., Misson, L. et Verreault, R. (2012). «Douleur et démence dans les milieux de soins de
longue durée». Perspective infirmière, 9(6), 36-38.
Vézina, J. et Belzil, G. (2021). «Les comportements agressifs». Dans Voyer et al., Soins infirmiers aux
aînés en perte d’autonomie (3e éd.) (p. 502-508). Montréal: Pearson/Erpi.
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 51
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Cas clinique
M. OUELLET
Vous prenez soin de M. Ouellet, âgé de 79 ans,
hospitalisé pour la troisième fois en six mois en
raison d’une pneumonie liée à sa bronchopneu-
mopathie obstructive chronique et avancée. Il
vous indique qu’il est épuisé par sa maladie et
qu’il ne sait pas s’il sera capable de retourner
chez lui cette fois-ci. Il se demande si tout cela
en vaut encore la peine; il songe à cesser son
antibiothérapie intraveineuse, mais a peur
de l’inconnu lié à son éventuelle fin de vie. En
prenant connaissance du dossier clinique de
M. Ouellet, vous constatez qu’il habite seul et
que son retour à domicile peut être compromis
par sa perte d’autonomie marquée. Vous notez
aussi qu’il souffre d’un essoufflement marqué
et d’une douleur chronique aux jambes qui nuit
à ses déplacements. Vous souhaitez l’accom-
pagner dans sa réflexion en ce qui concerne sa
qualité de vie, ses ressources et ses volontés;
comment vous y prenez-vous?
Évaluation clinique
des principaux
symptômes et
interventions
ciblées pour les
soins palliatifs
et de fin de vie
(SPFV)
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
Après avoir lu cet article, vous serez en mesure :
01 D’INTERPRÉTER
les concepts clés de l’approche palliative et
d’en expliquer les bénéfices
02 DE SITUER
la responsabilité professionnelle des infirmières
dans les SPFV et leur contribution unique
03 DE RECONNAÎTRE
les principaux symptômes rencontrés en SPFV et
d’y associer les interventions infirmières
recommandées
par BÉNÉDICTE GUIMOND, inf., B. Sc., MARIE-ÈVE CIMON, inf.,
M. Sc., et DIANE TAPP, inf., Ph. D.
La majorité des Québécois meurent à l’hôpital. En effet, entre
2016 et 2020, le taux de décès en centre hospitalier a oscillé
entre 77 et 80 % (Statistique Canada, 2022). Par conséquent,
que ce soit aux urgences, aux soins intensifs, en chirurgie, en
néonatalogie, en gériatrie ou en psychiatrie, des personnes
de divers profils présentent des besoins d’accompagnement
compatibles avec des soins palliatifs. Ainsi, la majorité des
infirmières en dispenseront à un moment ou à un autre au
courant de leur carrière. Cet article vise à interpréter les
concepts clés de l’approche palliative et à en expliquer les
bénéfices, à situer quelles sont les responsabilités profes-
sionnelles qui y sont liées et à outiller les infirmières de sorte
qu’elles soient à même de reconnaître les principaux symp-
tômes rencontrés, en plus d’y associer des interventions
infirmières optimales.
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023 53
 INTERPRÉTER LES CONCEPTS CLÉS DE
L’APPROCHE PALLIATIVE ET EN EXPLIQUER LES
BÉNÉFICES
Les soins palliatifs et de fin de vie (SPFV)
Au Québec, environ 70 % des personnes adultes sont
susceptibles de bénéficier de soins palliatifs et de fin de
vie en raison de maladies chroniques : cancers, mala-
dies cardiorespiratoires ou maladies relatives à d’autres
organes ou au système nerveux (Institut national de
santé publique du Québec [INSPQ, 2017]). Selon l’Or-
ganisation mondiale de la Santé (OMS, 2020), les soins
palliatifs constituent une approche visant à améliorer la
qualité de vie des personnes (adultes et enfants) et de
leur famille confrontés aux problèmes liés à des mala-
dies potentiellement mortelles. Un consensus d’experts
a défini les soins palliatifs comme des soins actifs holis-
tiques prodigués aux personnes de tous âges ayant une
souffrance importante liée à une maladie grave et, en
particulier, à celles étant en fin de vie (Radbruch et al.,
2020). Au Québec, la Loi concernant les soins de fin de vie
encadre les soins palliatifs, y compris la sédation pallia-
tive continue, les demandes médicales anticipées (DMA)
et l’aide médicale à mourir (AMM). Cette loi a permis de
donner un ancrage aux soins palliatifs et de fin de vie
pour que tous les Québécois aient le droit de recevoir des
soins de qualité, correspondant à leurs volontés.
L’approche palliative et ses bénéfices dans une tra-
jectoire de maladie avancée
Toute personne peut bénéficier d’une approche palliative
intégrée dès l’annonce d’une maladie grave à pronostic
réservé; dans le cas par exemple, d’une bronchopneu-
mopathie obstructive chronique, d’une insuffisance
cardiaque avancée ou d’un cancer incurable. Au début de
la maladie, les soins ont pour objectif principal de traiter
ou de gérer la maladie, tout en agissant sur la souffrance
Figure 1
MODÈLE EN NŒUD DE PAPILLON
Gestion
de la maladie
Source : Hawley, 2014.
Figure 2
MODÈLE INTÉGRÉ DES SOINS PALLIATIFS
Traitements pour guérir
ou prolonger la vie
Objectif
des soins
Traitements pour soulager
la souffrance et/ou améliorer
la qualité de vie
Présentation/ Maladie
diagnostic
évolution dans le temps
Source : Adapté de l’Association canadienne de soins palliatifs, 2015.
54 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
et la qualité de vie. Le modèle en « nœud papillon » en
est un qui représente l’intégration des soins palliatifs,
entre autres par le soulagement des symptômes effectué
conjointement avec des traitements curatifs (Hawley,
2014) (Figure 1).
Les bénéfices d’une approche palliative précoce dans
la trajectoire d’une maladie chronique sont nombreux
(Fadhlaoui et al., 2022). Cette approche est associée de
façon significative à une amélioration de la qualité de
vie : elle diminue le fardeau de soins pour les proches,
elle conduit à des soins de fin de vie plus harmonieux et
elle s’inscrit en cohérence avec les objectifs de soins de la
personne (Bouleuc et al., 2019; Haun et al., 2017; Quinn
et al., 2021) (Figure 2). De façon corollaire, l’approche
palliative précoce contribue à une amélioration de la
satisfaction par rapport aux soins reçus, à une diminution
de la sévérité des symptômes anxiodépressifs et même
à une amélioration de la survie globale (Fadhlaoui et al.,
2022). Il est donc important de saisir chaque occasion
qui permet à la personne malade d’exprimer son point
de vue tout au long du continuum de maladie, et de lui
fournir les informations pertinentes qui lui permettront de
faire des choix éclairés en fonction de ses volontés. Dans
le cas clinique proposé, M. Ouellet présente une période
d’exacerbation de ses symptômes; il serait donc opportun
d’amorcer cette discussion.
Ainsi, dans leur pratique, les infirmières contribuent
à déterminer le moment propice pour entreprendre la
discussion au sujet des soins palliatifs. L’un des outils
susceptibles d’aider à identifier les personnes qui pour-
raient en bénéficier est la question surprise : « Seriez-vous
surpris que cette personne décède des suites de sa
maladie d’ici un an? ». Dans le cas où la réponse est
« non », il est suggéré de revoir les objectifs de soins avec
la personne et d’amorcer des réflexions quant aux soins
palliatifs (van Lummel et al., 2022)
Soins palliatifs
Soins
de fin
de vie
Décès Deuil
du patient
SITUER LA RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE
DES INFIRMIÈRES DANS LES SPFV ET CONSIDÉRER
LEUR CONTRIBUTION UNIQUE
L’exercice infirmier consiste à évaluer l’état de santé, à
déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et
de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les trai-
tements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir
et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec
son environnement et de prévenir la maladie, ainsi qu’à
fournir les soins palliatifs (Durand, Harvey et D’Anjou,
2016). Ainsi, le champ d’exercice de la profession réserve
une place de choix aux infirmières dans leur responsabi-
lité de fournir des soins palliatifs.
Pour répondre à ses obligations déontologiques, l’in-
firmière effectue une démarche clinique qui prend en
considération les fondements bio-psycho-sociaux de la
personne en interaction avec son environnement et son
entourage. Au quotidien, ses décisions visent l’évalua-
tion et la surveillance des signes et des symptômes, y
compris l’anticipation des complications et des signes
attendus lors de l’évolution de la maladie. Ses connais-
sances lui permettent de documenter sa démarche avec
une anamnèse détaillée et d’effectuer le suivi de l’effica-
cité des interventions médicales et infirmières. Elle assure
une coordination clinique avec les membres de l’équipe
interdisciplinaire en interpellant le professionnel requis au
moment pertinent. Elle assure également l’enseignement
et l’accompagnement de la personne malade et de ses
proches, en vue de faciliter l’adaptation dans ce conti-
nuum menant vers la fin de vie (Association canadienne
de soins palliatifs [ACSP]; 2015; Haavisto et al., 2021). Ce
rôle exige plusieurs compétences interreliées pour soute-
nir les personnes qui souffrent d’un état avancé de leur
maladie, notamment lors de changements plus marqués
dans les derniers jours de vie (Hagan et al., 2018).
Par ailleurs, la place de l’infirmière est déterminante
dans la réussite d’une approche intégrée des soins pal-
liatifs. Son rôle de proximité auprès de la clientèle permet
de détecter les besoins prioritaires qui peuvent servir à
initier des discussions sur les différentes options pos-
sibles. Le manque de connaissances face à l’éventail
d’options palliatives peut conduire les personnes à entre-
tenir de fausses croyances et à associer les soins palliatifs
à des soins de derniers recours réservés uniquement à
la toute fin de vie. Dans la situation clinique, l’infirmière
doit explorer avec M. Ouellet les éléments qui l’incitent à
questionner la pertinence de son traitement actuel. Elle
peut, par le fait même, l’informer des autres possibilités
thérapeutiques. Ce faisant, elle lui permet de se sentir au
cœur de la prise de décision et d’être considéré selon ses
valeurs prioritaires, en plus de diminuer le nombre d’in-
quiétudes relatives à l’étape de vie où il se situe.
Tableau 1
TYPES DE DOULEUR
DOULEURS CAUSES
NOCICEPTIVE Lésion aux tissus comme la peau, les
• Somatique articulations, les os et les muscles (so-
• Viscérale matique) ainsi que les organes pleins ou
creux (viscérale)
NEUROPATHIQUE Lésion périphérique ou centrale du
système nerveux. Ces lésions peuvent
être causées par une fibrose ou une com-
pression.
NEUROPLASTIQUE Survient lorsque la nociception est altérée,
par exemple la douleur est présente même
s'il n'y a aucune lésion tissulaire évidente
ou d'atteinte du système nerveux somato­
sensoriel.
Cas clinique (suite) ACFA
Le lendemain, M. Ouellet souhaite cesser son anti-
biothérapie intraveineuse. Après une discussion
avec vous, qui lui a permis de nommer ses priorités,
il accepte de rencontrer l’équipe de soins palliatifs
afin d’évaluer les options pour le soulagement de son
essoufflement.
RECONNAÎTRE LES PRINCIPAUX SYMPTÔMES
RENCONTRÉS EN SPFV ET Y ASSOCIER LES
INTERVENTIONS INFIRMIÈRES RECOMMANDÉES
Pour répondre aux besoins
La douleur, la dyspnée, le delirium, la nausée et la consti- de cet article, nous n’y
pation représentent les symptômes les plus fréquents avons documenté que
en SPFV. Toutefois, les personnes en SPFV présentent les symptômes les plus
fréquents. Le lecteur peut
également d’autres conditions concomitantes qui sont se référer à des guides
tout aussi importantes à considérer dans le suivi clinique, de pratique clinique
dont la faiblesse, les troubles du sommeil, l’anxiété, les dédiés à la clientèle en
soins palliatifs et de fin
problèmes buccaux, le risque de chute de même que les de vie pour en apprendre
lésions de pression1. davantage, comme
le Guide pratique des
soins palliatifs : Gestion
La douleur de la douleur et autres
La douleur est un symptôme fréquent en SPFV, et ce, sans symptômes de l’Association
des pharmaciens des
égard à la pathologie sous-jacente. Elle affecte 50 à 78 % établissements de santé du
des personnes atteintes de cancer (van den Beuken-van Québec (2019).
Everdingen et al., 2016), 32 à 60 % de celles atteintes de
bronchopneumopathie (van Dam van Isselt et al., 2014),
61 à 89 % d’insuffisants cardiaques (Sobanski et al., 2020)
et au-dessus de 58 % d’insuffisants rénaux (Davison,
Koncicki et Brennan, 2014). Environ 40 % des personnes
en SPFV hospitalisées souffrent d’une douleur incontrô-
lable dans les derniers jours de vie (Blinderman et Billings,
2015). Chez la population générale atteinte d’une maladie
chronique avancée, plus de 50 % vivraient avec des dou-
leurs supérieures ou égales à 4/10 sur une échelle visuelle
analogue (Calsina-Berna et al., 2022). L’Association inter-
nationale pour l’étude de la douleur (2017) définit cette
dernière comme « une expérience sensorielle et émotion-
nelle désagréable associée ou ressemblant à celle associée
à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ». La douleur est
une expérience multidimensionnelle où interagissent plu-
sieurs composantes : physiologique, sensorielle, affective,
cognitive, comportementale et socioculturelle (Ferrell et
Paice, 2019). Autrement dit, la douleur n’est pas qu’une
perception physique; il s’agit d’un phénomène où plusieurs
dimensions s’influencent et où les personnes vivent une
variété d’expériences.
Les types de douleur
La douleur peut se diviser en trois catégories : nociceptive,
neuropathique et neuroplastique (Association interna-
tionale pour l’étude de la douleur, 2017) (Tableau 1).
Évidemment, la douleur étant un phénomène complexe, les
trois formes peuvent coexister chez une même personne.
CARACTÉRISTIQUES
La douleur nociceptive somatique est généralement décrite
comme une douleur facile à situer et précise comme la dou-
leur causée par une coupure ou par l’arthrose.
La douleur nociceptive viscérale peut être plus diffuse et
difficile à cibler. Lorsqu’elle touche les organes creux, elle est
fréquemment décrite sous forme de spasmes ou de crampes.
Les personnes atteintes développent généralement des sen-
sations qualifiées d’engourdissements, de picotements ou de
brûlures. Les douleurs neuropathiques ont tendance à devenir
chroniques et peuvent engendrer des problèmes fonctionnels
comme des troubles de la marche (Bruera et al., 2021).
La distorsion dans la transmission des messages de dou-
leur entraîne une surstimulation du système nerveux. Elle
se manifeste sous diverses formes, entre autres chez des
personnes atteintes de fibromyalgie, de lombalgie non spéci-
fique et de migraines (Bosnar Puretić et Demarin, 2012).
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 55
 Le standard d’évaluation pour déterminer l’intensité de la
douleur chez la personne en SPFV est l’utilisation d’une
échelle numérique (Tapp et al., 2019). Aussi, d’autres
outils existent pour intégrer l’évaluation de la douleur
dans une perspective globale, comme l’échelle d’éva-
luation des symptômes d’Edmonton (ESAS) (Pautex
et al., 2017). Par contre, dans les derniers jours de vie,
la capacité de communiquer est inévitablement altérée
par une diminution de l’état de conscience multifacto-
rielle. L’évaluation devrait alors être réalisée à partir de
signes comportementaux associés à la douleur. L’échelle
comportementale de la douleur (CPOT) est utile pour
déterminer la douleur auprès de la clientèle en SPFV fran-
cophone ayant des difficultés à communiquer (Fedele,
Strasser et Roulin, 2020; Gélinas et al., 2006; Tapp et al.,
2019).
Les options de soulagement
Le choix des molécules est basé sur des caractéristiques
identifiées lors de l’évaluation, dont l’intensité des dou-
leurs, le type, le contexte de soins et l’état de la personne.
La considération de tous les aspects de la souffrance
permet d’optimiser le soulagement. Lorsque c’est pos-
sible, il est favorable de traiter les causes sous-jacentes
aux douleurs (Bruera et al., 2021). Par ailleurs, les
opioïdes sont le plus généralement utilisés (Tableau 2).
L’horaire régulier d’administration avec des entre-
doses est recommandé en concomitance avec une
évaluation serrée de l’efficacité de chaque administration
pour optimiser l’atteinte d’une zone thérapeutique (Banik,
2022). Dans les derniers jours de vie, on a davantage
recours aux molécules à courte action en vue de faciliter
l’ajustement rapide de la médication, lorsque requis par
l’évolution de l’état de la personne. La voie d’administra-
tion choisie devrait être adaptée à l’état de la personne.
Généralement, tant que la voie orale est possible, elle sera
favorisée comme premier choix, car elle est simple, peu
coûteuse et facile d’accès (Association des pharmaciens
des établissements de santé du Québec [APES], 2019).
Les timbres et les formules à longue action permettent
un soulagement sur plusieurs heures, en plus de favo-
riser l’observance de la personne et le respect de son
sommeil. Les mesures non pharmacologiques faciles à
planifier comprennent les exercices passifs, l’application
de chaleur ou de froid, les techniques de diversion avec de
la musique, la relaxation, l’imagerie guidée et les surfaces
thérapeutiques adaptées (Bruera et al., 2021).
La coanalgésie
Les coanalgésiques sont des molécules ayant des pro-
priétés analgésiques, mais n’appartenant pas aux classes
traditionnelles reconnues. Ils sont particulièrement utiles
pour le soulagement des douleurs chez des personnes qui
n’ont pas répondu aux opioïdes. Les anti-inflammatoires
sont particulièrement efficaces dans des cas de douleurs
Tableau 2
OPIOÏDES COURAMMENT UTILISÉS POUR SOULAGER LA DOULEUR
OPIOÏDES FORMULATIONS
MORPHINE • Courte action (4 h)
HYDROMORPHONE • Longue action (12 h)
• Administration per os,
sous-cutanée ou intraveineuse
FENTANYL • Libération continue par la voie transdermique
• Autres voies possibles : sous-cutanée,
transmuqueuse buccale ou intraveineuse
Source : Hadley et al., 2013.
56 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE
nociceptives, notamment pour des douleurs osseuses,
des douleurs articulaires ou toute condition relative à
une inflammation majeure (Hallenbeck, 2022). Dans le
cas de douleurs neuropathiques, qui sont reconnues pour
résister à la majorité des opioïdes, d’autres classes de
médicaments ont démontré leur efficacité, comme les
anticonvulsivants et les antidépresseurs (Banik, 2022).
Ils peuvent être introduits dès l’apparition de douleurs
légères et poursuivis tout au long du traitement, tant que
la prise orale est possible. Lorsqu’ils sont administrés en
combinaison avec des opioïdes, ils agissent comme adju-
vants, c’est-à-dire qu’ils bonifient l’effet analgésique de
ces molécules. Cette combinaison permet généralement
de réduire la dose d’opioïde nécessaire et ainsi, de limiter
le risque d’effets indésirables.
La dyspnée
La dyspnée est une expérience subjective multidi-
mensionnelle, liée à un inconfort respiratoire qui varie
en intensité (Hui et al., 2021; Parshall et al., 2012). Les
maladies où l’incidence de la dyspnée est la plus élevée
sont la bronchopneumopathie chronique obstructive
(BPCO), l’insuffisance cardiaque, le cancer et la pneu-
monie. La prévalence de la dyspnée pour ces différentes
affections se situe entre 50 et 95 % (Campbell et al.,
2021). Toutefois, presque 50 % des personnes en SPFV,
de toutes pathologies confondues, vivront un épisode
de dyspnée (Ekström et al., 2016). De plus, la dyspnée
est un signe annonciateur d’un pronostic peu favorable,
car elle progresse plus rapidement dans les dernières
semaines de vie (Kehl et Kowalkowski, 2013; Masanori
et al., 2020). Au fur et à mesure que la maladie pro-
gresse et que la fonction pulmonaire de la personne se
dégrade, les mécanismes compensatoires n’arrivent plus
à assurer une respiration confortable pour la personne.
Afin de compenser, le corps va tenter d’augmenter la
demande en oxygène par trois moyens : en activant l’ef-
fort musculaire respiratoire, en augmentant le rythme
respiratoire et cardiaque et en activant un mécanisme
de respiration superficielle et d’expiration incomplète
(d’Izarn, Chinet et Guirimand, 2016). Cette compensation
entraîne un sentiment conscient du besoin de respirer,
ce qui provoque fréquemment de l’anxiété et à son tour,
lorsque présente, l’anxiété exacerbe la dyspnée (Bailey
et al., 2010; Reddy et al., 2009). Ainsi, ce symptôme mal
contrôlé peut rapidement devenir la source d’un épuise-
ment tant psychologique que physique. D’ailleurs, une
forte corrélation existe entre la dyspnée et la fatigue, ce
qui contribue à la perte d’autonomie (Carette et al., 2019).
Dans un contexte d’exacerbation de sa maladie et voyant
ses forces diminuer étant donné la progression de sa
dyspnée, il est normal que M. Ouellet ait des appréhen-
sions face à un éventuel retour à domicile.
De façon similaire à la douleur, l’évaluation de
la dyspnée s’appuie sur un questionnaire. L’échelle
UTILISATION
Les opioïdes permettent d’apaiser les douleurs
nociceptives de modérées à sévères.
Leur utilisation doit être ajustée en fonction de
l’évolution, de l’intensité des douleurs et des effets
indésirables, le cas échéant.

numérique ou visuelle permet de cibler l’intensité des
symptômes (Williams et Johnston, 2019). Également, les
sensations que les personnes malades ressentent, de
même que l’efficacité perçue des mesures de palliation,
sont des éléments nécessaires au suivi. En plus, l’explo-
ration de ces aspects permet d’identifier des symptômes
associés à l’essoufflement et de documenter l’évolution
de la capacité fonctionnelle des personnes. Par exemple,
la sévérité peut être qualifiée en cinq niveaux (de 0 à 4
inclusivement) démontrant l’impact de la détérioration de
l’état respiratoire, selon l’outil modifié Medical Research
Council (MRC) (Lewthwaite, Jensen et Ekström, 2021).
D’après cet outil, la sévérité de l’essoufflement est à « 0 »
si aucune détérioration n’est constatée, et elle est notée
à « 4 » si la difficulté respiratoire est présente à l’habille-
ment, par exemple. Ces indicateurs servent de référence
pour suivre l’évolution de l’état clinique fonctionnel tout
au long du continuum de soins. Parmi les signes et symp-
tômes associés à la dyspnée, il y a le tirage au cou et
au thorax, la présence de toux, la céphalée, la fatigue,
la diaphorèse, la confusion et la somnolence. Certains
facteurs de risque sont associés à une augmentation de
la dyspnée en SPFV comme la diminution de l’état fonc-
tionnel, le genre masculin, l’âge de plus de 65 ans, le fait
de présenter une douleur sévère, des signes de dépres-
sion et une diminution d’interaction sociale (Seow et al.,
2020). Chez les personnes atteintes de cancer, certaines
comorbidités ou états concomitants tels que la démence,
la dysphagie, le manque d’appétit, la dépression et la
fatigue seraient prédictifs d’une dyspnée modérée à
sévère (McKenzie et al., 2020).
L’embarras respiratoire
L’embarras respiratoire correspond à une accumulation
de sécrétions au niveau pharyngé qui entraîne l’émis-
sion de sons (Wee et al., 2008). Il se présente sous forme
de bruits lors de la respiration, audibles à une plus ou
moins grande distance de la personne (Lokker et al.,
2014). L’échelle de Victoria est l’un des outils utilisés
pour évaluer son intensité (Taburee et al., 2022). Il s’agit
d’un signe commun dans les derniers jours de vie, alors
que l’état de conscience et la capacité de tousser et de
déglutir sont généralement altérés (Twomey et Dowling,
2013). L’incidence varie dans la littérature, mais environ le
tiers des personnes en fin de vie présenteront de l’embar-
ras respiratoire (Lokker et al., 2014). Il est généralement
admis que les personnes inconscientes et ne faisant pas
d’effort de toux n’en ressentent pas d’inconfort (Twomey
et Dowling, 2013). Toutefois, les gens qui en sont témoins,
tant les soignants que les proches, sont fréquemment
préoccupés par ce symptôme. Bien qu’actuellement peu
de justifications scientifiques soutiennent l’utilisation des
anticholinergiques pour traiter l’embarras, il est parfois
difficile pour les professionnels de ne pas intervenir
(Taburee et al., 2022). Dans un tel cas, une approche
individualisée, évaluée en interdisciplinarité est recom-
mandée (Dudgeon, 2015).
La détresse respiratoire
Une situation de détresse respiratoire (DR) correspond
à une détérioration importante et aiguë de la fonction
respiratoire en association à des comportements phy-
siques de détresse, manifestés par la personne toujours
consciente (Campbell, 2004; Campbell et al., 2021). Elle
est considérée comme la pire expérience pouvant être
vécue par des personnes en fin de vie et leurs proches
(Campbell et Templin, 2014). Lorsque le corps n’arrive
plus à répondre à la demande, une dissociation survient
entre le corps et la réponse émotionnelle. Au Québec, en
ACFA
contexte de détresse physique en SPFV suggérant une
défaillance multiorganique, le « protocole de détresse »
est utilisé (Institut national d’excellence en santé et en
services sociaux [INESSS], 2020).
L’infirmière joue un rôle primordial dans la prévention
des épisodes de détresse respiratoire par l’évaluation des
symptômes. Elle peut agir dès l’apparition d’une faible
dyspnée dans le but d’anticiper la détresse respiratoire
(Cimon, 2022).
LE PROTOCOLE DE DÉTRESSE
Il s’agit d’un trio de médicaments à administrer en
cas d’urgence palliative aux personnes conscientes
en SPFV, si l’un de ces scénarios de détresse sur-
vient : une détresse respiratoire, une hémorragie
massive ou une douleur incontrôlable et d’appari-
tion subite (INESSS, 2020).
• Le but de son administration est d’endormir la
personne quelques heures afin de la soulager
d’une souffrance extrême et d’une situation
potentiellement traumatisante. Cette sédation
rapide et temporaire s’effectue par l’adminis-
tration simultanée de trois médicaments : une
benzodiazépine, un opioïde et un anticholiner-
gique à effet sédatif par voie parentérale.
• Si l’un de ces trois scénarios survient, le critère
essentiel pour recourir au protocole de détresse
est l’état de panique. Ainsi, il est primordial de
distinguer un symptôme inconfortable, mais
isolé, d’un symptôme accompagné de signes de
panique.
• L’état de panique se définit selon l’INESSS (2020)
par la terreur, l’agitation et l’anxiété intense. Les
contre-indications à administrer ce protocole
sont la présence de symptômes sans état de
panique, par exemple de l’embarras seul ne cau-
sant pas de signe de détresse, et si une personne
est inconsciente (INESSS, 2020).
• Bien que le protocole soit efficace et sécuri-
taire lorsqu’utilisé selon les recommandations
(INESSS, 2020), une récente étude a soulevé des
disparités importantes quant aux habitudes
d’utilisation dans les milieux de soins (Tapp
et al., 2022). Rappelons qu’il s’agit d’un traite-
ment d’exception devant être utilisé en situation
d’urgence palliative uniquement.
Les options de soulagement
La première étape consiste à identifier la cause lorsque
cela est possible (Bruera et al., 2021). Des traitements
pharmacologiques doivent être envisagés si la cause
est potentiellement réversible, comme dans le cas d’une
surcharge pulmonaire ou d’une pneumonie (Slawnych,
2020). Ces affections peuvent être traitées par exemple
avec un diurétique, des corticostéroïdes, des bronchodi-
latateurs ou encore un antibiotique (Ebneter et al., 2022;
Hui et al., 2021; Poulin et Tapp, 2015). Comme pour le
cas de M. Ouellet, les discussions avec l’équipe en soins
palliatifs permettent d’établir un consensus basé sur
l’état clinique de la personne, le niveau médical de soins
établi et ses volontés. Lorsque l’essoufflement devient
plus marqué et qu’il nuit au statut fonctionnel ou à la
qualité de vie de la personne, des traitements plus ciblés
sont instaurés, tels que les opioïdes et les benzodiazé-
pines. Les opioïdes, y compris la morphine, constituent
le traitement de première ligne pour le soulagement de
la dyspnée (Baldeo, 2020; Barnes et Smallwood, 2021;
Crombeen et Lilly, 2020; Hui et al., 2021). Ils visent prin-
cipalement à diminuer la perception de l’essoufflement
ainsi qu’à créer un effet inhibiteur sur le centre respiratoire
(Pisani et al., 2018). Ainsi, le soulagement de la personne
est favorisé par la diminution de la fréquence cardiaque,
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 57
 de la fréquence respiratoire et de la fatigue. Tout comme
dans le cas de la douleur, les opioïdes peuvent être admi-
nistrés selon les mêmes horaires, en doses régulières de
courte ou longue action, généralement par la voie per os
ou en sous-cutané et avec des entredoses (Banik, 2022).
Lorsque l’anxiété est dominante dans le tableau clinique
associé à l’essoufflement, les benzodiazépines comme
le midazolam ou le lorazépam sont utilisés en deuxième
ligne en concomitance avec les opioïdes (Slawnych,
2020). Afin de favoriser le soulagement de la dyspnée, le
recours à des mesures non pharmacologiques est essen-
tiel. Par exemple, offrir un environnement adapté pour
limiter les efforts aux déplacements et les stimuli, utiliser
un ventilateur directement au visage, aérer la pièce et
effectuer des exercices de respiration ou de relaxation
sont des méthodes reconnues pour améliorer le senti-
ment de bien-être et le contrôle sur la dyspnée (Baker
Rogers, Modi et Minteer, 2021; Baldeo, 2020; Hui et al.,
2021; Massart et Hunt, 2021; Zemel, 2022).
Quant à l’embarras respiratoire, le glycopyrrolate
(Robinul) et l’hyoscine hydrobromide (Scopolamine)
sont les principaux agents utilisés (Taburee et al., 2022).
Cependant, plusieurs éléments sont à considérer avant
d’y recourir, puisque leur efficacité est limitée et les effets
indésirables peuvent être importants (Mercadante, 2014).
Une revue de littérature Cochrane, réalisée en 2008, a
d’ailleurs conclu qu’aucune intervention pharmacolo-
gique ou non pharmacologique n’était supérieure au
placebo pour le traitement des râles terminaux (Wee
et al., 2008). Bien qu’elles ne puissent pas traiter les
râles, les mesures non pharmacologiques, comme les
ai16456984649_Publicite_OIIQ_avr2022b.pdf
changements de position et les soins de bouche réguliers,
demeurent évidemment essentiels pour maintenir le
confort global. Les plus récentes évidences scientifiques
suggèrent que les efforts devraient se concentrer sur
l’enseignement de ce symptôme comme faisant partie
du processus du mourir (Lokker et al., 2014). La norma-
lisation de l’embarras respiratoire aurait pour effet de
diminuer le malaise de ceux qui en sont témoins et d’éviter
le recours aux anticholinergiques lorsque l’embarras ne
semble pas incommoder la personne atteinte (Lokker
et al., 2014; van Esch, 2020). Si leur administration est
jugée essentielle, des interventions ciblées doivent être
mises en place pour amoindrir les effets indésirables, par
exemple humidifier la muqueuse buccale, administrer
des gouttes oculaires lubrifiantes et installer une sonde
urinaire en cas de rétention (Kolb, Snowden et Stevens,
2018).
Les nausées et les vomissements
Les nausées et les vomissements sont des problèmes
fréquents en SPFV et ont tendance à se présenter avec
d’autres symptômes comme la fatigue, la somnolence,
la perte d’appétit et la dyspnée (Glare et al., 2011).
D’ailleurs, les nausées affecteraient 40 à 60 % des per-
sonnes touchées par le cancer, particulièrement celles
qui présentent une atteinte primaire ou secondaire du
système gastro-intestinal. Par ailleurs, celles qui vivent
avec de l’insuffisance cardiaque ou de l’insuffisance
rénale en stade avancé sont aussi à risque de subir des
nausées (Morgan, 2022). Il a également été démontré
que la nausée tend à augmenter dans les dernières
semaines de vie (Glare et al., 2011).
Elles ont
1 2022-02-24 souvent des
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origines multifactorielles et sont causées par une variété

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58 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


de récepteurs biophysiologiques (Stern, Koch et Andrews,
2011). Les deux sites de récepteurs les plus fréquem-
ment impliqués en SPFV sont ceux activés par la stase
gastrique et ceux de la zone gâchette, zone influencée
par ce qui circule dans le sang, comme les médicaments
et les déséquilibres ioniques. En ce sens, les opioïdes sont
responsables de plus d’un mécanisme dans la physiopa-
thologie des nausées : ils ralentissent le transit digestif,
stimulent la zone gâchette par l’activation des récepteurs
dopaminergiques et sensibilisent l’appareil vestibulaire
aux mouvements (Stern et al., 2011). Des questions
ciblées sur les facteurs précipitants permettent généra-
lement d’identifier les récepteurs impliqués, dans le but de
recourir aux interventions pharmacologiques les plus sus-
ceptibles d’être efficaces. L’évaluation doit donc se fonder
sur la description des nausées et des vomissements en
ce qui a trait à leur apparition, aux facteurs déclenchants
et aux facteurs de soulagement. Une démarche clinique
complète inclut l’examen de la bouche à la recherche de
problèmes buccaux contributoires comme la candidose
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orale, l’examen de l’abdomen pour identifier les signes de
constipation et l’examen visuel des vomissements s’il y a
lieu (Ferrell et Paice, 2019). L’échelle visuelle analogique
permet d’appuyer l’évaluation sur l’intensité de la nausée.
Par la même occasion, il est possible d’aborder l’impact
perçu de ce symptôme sur la qualité de vie. Vers la fin de
la vie, les nausées peuvent être chroniques ou survenir
par intermittence avec une sévérité variable (Glare et al.,
2011). Ces aspects peuvent complexifier leur évaluation
et leur prise en charge (Moorthy et Letizia, 2018).
Les options de soulagement
Le soulagement des nausées et des vomissements peut
prendre la forme de mesures pharmacologiques et non
pharmacologiques (Tableau 3). En cas de nausées chro-
niques, les antiémétiques sont généralement administrés
selon un horaire régulier et des doses supplémentaires
peuvent être prévues PRN. Dans les cas réfractaires, il
est parfois nécessaire de combiner différentes classes
d’antiémétiques en vue d’un contrôle optimal.
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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 59
2023-05-30 13:52
 Tableau 3
MESURES PHARMACOLOGIQUES ET NON PHARMACOLOGIQUES LES PLUS COURANTES POUR SOULAGER LES
NAUSÉES ET LES VOMISSEMENTS
MESURES PHARMACOLOGIQUES

DOMPÉRIDONE (MOTILUM) • Prévenir les nausées associées à la stase gastrique et survenant aux repas

HALOPÉRIDOL • Agir sur les récepteurs dopaminergiques impliqués dans l’activation de la zone
(HALDOL) gâchette (CTZ)

DIMENHYDRINATE (GRAVOL) • Prévenir les nausées activées par une sensibilité de l’appareil vestibulaire aux
mouvements

MESURES NON PHARMACOLOGIQUES

ENVIRONNEMENT • Éviter les mouvements rapides de la tête

• Maintenir la pièce bien aérée
• Éviter la position couchée après les repas

NUTRITION • Respecter l’appétit

• Éviter les odeurs fortes

CONFORT • Exercices respiratoires

• Soins de bouche

Sources : Glare et al., 2011; Moorthy et Letizia, 2018; Morgan, 2022; Murray-Brown et Dorman, 2015; Walsh et al., 2017.

La constipation ou d’un lavement (Dzierzanowski et Mercadante, 2022).

La constipation se présente comme un changement dans
les habitudes d’élimination, c’est-à-dire des selles plus
difficiles à expulser et une sensation de vidange incom-
plète (Bharucha et Lacy, 2020). Sa prévalence varie de
40 à 90 % chez les personnes en soins palliatifs, ce qui
en fait l’un des symptômes les plus fréquents (Larkin
et al., 2018). Les causes de la constipation sont souvent
multifactorielles et sont attribuables notamment à la
faiblesse généralisée, à la déshydratation, à l’immobi-
lité, à certains médicaments dont les opioïdes ou à une
atteinte intestinale associée au cancer (Dzierzanowski et
Mercadante, 2022). En SPFV, en plus de la fréquence ou
de la quantité de selles émises, une attention particulière
est aussi portée à la perception d’inconfort associé au
passage de selles (Bruera et al., 2021). Il est ainsi néces-
saire d’interroger régulièrement la personne sur ses
habitudes d’élimination intestinale et de les documenter
quotidiennement (Wickham, 2016). Aussi, la présence de
symptômes associés comme des douleurs abdominales
avec nausées, l’apparition subite de selles liquides conco-
mitantes ou des saignements doivent faire l’objet d’une
investigation plus approfondie. Différents outils existent
pour soutenir les infirmières dans cette évaluation et en
assurer un suivi systématique dont l’échelle de Bristol
(Lewis et Heaton, 1997), et le Bowel Function Index
(Dzierzanowski et Mercadante, 2022; Rentz et al., 2009).
Les options de soulagement
Une personne qui doit forcer, qui ressent un besoin de
déféquer ou qui présente des douleurs anales à l’expulsion
pourrait nécessiter une intervention pharmacologique,
même si le passage de selles est fréquent et régulier. Les
agents laxatifs iso-osmotiques comme le polyéthylène
glycol 3350 (Lax-a-Day) constituent la première ligne
de traitement (Larkin et al., 2018). Les laxatifs iso-osmo-
tiques se tolèrent généralement bien et le dosage peut
facilement être ajusté en fonction de la réponse. Comme
leur efficacité optimale est obtenue après deux à quatre
jours, une prise quotidienne est préférable en vue d’as-
surer un meilleur contrôle. On retrouve en deuxième ligne
les laxatifs osmotiques et en troisième ligne les laxatifs
stimulants (Dzierzanowski et Mercadante, 2022). S’il n’y
a pas de contre-indication et que l’état de la personne le
permet, l’absence de selles depuis plus de 72 heures jus-
tifie un toucher rectal et l’administration de suppositoires
Des mesures utiles pour prévenir et gérer la constipation,
comme assurer un environnement propice à l’intimité et
enseigner la technique de défécation efficace, peuvent
s’appliquer, en plus des interventions nutritionnelles
reconnues (Bruera et al., 2021).
Le delirium
Le delirium est une perturbation de l’attention et d’au
moins une autre fonction cognitive (mémoire, orientation,
langage, habiletés perceptuelles ou visuospatiales). Il
survient sur un laps de temps court (d’heures à jours),
fluctue au cours de la journée et présente un changement
marqué par rapport au fonctionnement antérieur de la
personne (Grassi et al., 2015). La cause est toujours orga-
nique et résulte d’une combinaison entre des facteurs de
risque prédisposants comme l’âge et les antécédents
de troubles cognitifs, et ceux précipitants comme un
soulagement inadéquat des symptômes, certains médi-
caments et une défaillance des organes lors de la phase
terminale (Dai et al., 2022). En raison de leurs nombreux
facteurs de risque, les personnes en SPFV sont particu-
lièrement visés d’en souffrir. Près de 90 % d’entre eux en
présenteront les signes avant de mourir (Brajtman et al.,
2011). Le delirium peut se manifester par des symptômes
hyperactifs ou hypoactifs. Les symptômes hyperactifs
sont l’agitation, les cauchemars, l’irritabilité, les halluci-
nations ou la combativité. Les symptômes hypoactifs se
traduisent par un ralentissement de la pensée, la som-
nolence, la lenteur, le regard fixe ou l’apathie, ou encore
l’inversion des cycles éveil-sommeil.
Des signes hypoactifs surviennent fréquemment en fin
de vie, ce qui peut susciter de la confusion dans l’équipe
de soins et mener à un sous-dépistage et une mauvaise
prise en charge (Brajtman et al., 2011). Par ailleurs, cer-
taines personnes peuvent présenter une forme mixte de
delirium, soit des symptômes hyperactifs et hypoactifs
en alternance (Bruera et al., 2021). Le dépistage systé-
matique s’avère essentiel et peut s’appuyer sur des outils
comme l’échelle de dépistage du delirium (Nu-DESC)
ou la Confusion Assessment Method (CAM) (Gaudet
et al., 2022; Laplante, Cole et McCusker, 2005). Ils sont
également utiles pour surveiller l’évolution et détermi-
ner l’efficacité des interventions (Gaudreau et al., 2005;
Heinrich et al., 2019).

60 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


Les options de soulagement
Comme il est possible de renverser le delirium chez la
moitié des personnes touchées à l’exception du contexte
de fin de vie, les symptômes devraient toujours être pris
en charge (Brajtman et al., 2011; Busch et al., 2014).
Même dans les cas où le delirium ne serait pas réver-
sible, les interventions ciblées permettent de diminuer la
détresse physique, émotionnelle et spirituelle qu’il peut
causer à la personne malade et à ses proches (Breitbart
et Alici, 2012). Le traitement des symptômes du delirium
doit d’abord être orienté sur les causes que l’on peut ren-
verser, tout en respectant le contexte palliatif des soins.
Les mesures non pharmacologiques doivent être initiées
préventivement et faire partie intégrante du traitement.
Elles comprennent notamment le fait d’assurer un fonc-
tionnement de l’élimination intestinale et urinaire, de
prévoir des repères temporels et une présence rassurante
dans la chambre, de contrôler les stimuli et de combler
les déficits sensoriels (Ferrell et Paice, 2019). Dans le
cas de delirium sévère, le traitement de premier choix
est l’utilisation d’antipsychotiques tels que l’halopéridol
(Haldol) (Bush et al., 2014; Chishi et al., 2023). L’utilisation
de cette molécule nécessite une surveillance accrue chez
les personnes atteintes de démence à corps de Lewy ou
Cas clinique
(suite et fin)
Trois semaines plus tard, M. Ouellet est maintenant
alité et inconscient depuis hier soir. Vous devez lui
installer des cathéters sous-cutanés pour lui donner
sa médication. Vous entendez un roucoulement
provenant de sa gorge, qui ne semble pas l’incom-
moder. Sa sœur est présente et inquiète de le voir
ainsi. Elle craint que les râles l’empêchent de respirer.
Vous décidez de la questionner sur les signes d’in-
confort qu’elle perçoit. Vous en profitez pour lui faire
de l’enseignement sur les signes comportementaux
qui pourraient indiquer un inconfort et sur les signes
indiquant que le moment du décès approche.
SOUTENIR LE PROCESSUS DU MOURIR
Comme de nombreux changements surviennent dans
cette dernière étape de vie, le savoir-faire et le savoir-
être de l’infirmière sont essentiels à sa démarche clinique
pour assurer le confort de la personne et de ses proches
(Sadler et Wright, 2013). Dans les dernières semaines,
le corps subit des transformations importantes afin de
s’adapter, comme la perte d’appétit, une fatigue graduelle
et la perte d’intérêt pour certaines activités. Comme
c’est le cas avec M. Ouellet, certains signes normaux
annoncent que la fin approche, dont l’altération de l’état
de conscience ainsi que l’apparition possible de râles
bronchiques, de pauses respiratoires et de changements
dans la coloration et la température de la peau. Il est
important de distinguer ces signes de ceux liés aux effets
ACFA
chez celles atteintes de la maladie de Parkinson en raison
du risque d’apparition d’effets extrapyramidaux (dysto-
nie, parkinsonisme et akathisie) (Bush et al., 2014; Chishi
et al., 2023). Dans certains cas, il peut être nécessaire
de combiner l’antipsychotique avec une benzodiazépine
tel que du midazolam (Versed) comme médication adju-
vante pour diminuer l’agitation. Les benzodiazépines
doivent toutefois être utilisées avec précaution, soit avec
la plus petite dose efficace possible, puisqu’elles peuvent
contribuer à accentuer le delirium (Şenel et al., 2017).
L’objectif ultime est de permettre une mort paisible à la
personne malade et d’éviter que la situation laisse un
souvenir difficile aux proches qui en sont témoins.
Enfin, pour l’ensemble des symptômes explorés dans
cet article, des mesures d’exception peuvent s’avérer
nécessaires si les traitements habituels n’offrent pas les
résultats escomptés et que la souffrance est intolérable.
Ainsi, face à un ou à plusieurs symptômes réfractaires, la
sédation palliative est une option qui doit être discutée
(Collège des médecins du Québec, 2016). L’aide médicale
à mourir est un choix également possible lorsqu’elle cor-
respond aux souhaits de la personne malade et que cette
dernière répond aux critères d’admissibilité.
secondaires de la médication. Bien qu’il soit impossible de
prévoir le moment exact d’un décès, on peut s’attendre
à ce qu’une personne dont l’état change de jour en jour
ait un pronostic de quelques jours, et que celle dont l’état
change d’heure en heure ait un pronostic se calculant en
heures. Les habiletés de communication et la capacité à
identifier ces signes s’avèrent importantes pour permettre
à l’infirmière de transmettre avec justesse les change-
ments observés aux proches, de sorte qu’ils puissent se
préparer au décès de l’être cher (Sadler et Wright, 2013).
Ainsi, en précisant à la sœur de M. Ouellet les différents
signes attendus lors de la période de l’agonie, l’infirmière
lui permet d’apprivoiser ce moment important.
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 61
 EN CONCLUSION
À la fois expérience unique et universelle, la mort est bou-
leversante pour tous les individus qui y sont confrontés.
Les soins palliatifs permettent d’intégrer les notions de
confort et de qualité de vie dans la trajectoire de per-
sonnes touchées par des maladies graves incurables, et
les bénéfices de cette approche vont au-delà de la seule
phase terminale de la vie. L’infirmière écoute et informe,
puis transmet des informations sur le processus du mourir
qui contribuent à normaliser les sentiments vécus en lien
avec les pertes et les deuils. Par les valeurs de sa profes-
sion, ses activités réservées et les responsabilités qui lui
incombent, l’infirmière détermine et ajuste les différents
plans de traitements, en plus d’en effectuer le suivi, de
concert avec les autres membres de l’équipe interdisci-
plinaire. La connaissance des principales manifestations
en SPFV lui procure une capacité à choisir et à prioriser
les soins et les traitements en lien avec les besoins et les
préférences de chacun. Bien que les mesures pharmaco-
logiques soient essentielles en vue d’une prise en charge
optimale des symptômes et de certaines conditions spé-
cifiques, le recours aux mesures non pharmacologiques
est généralement nécessaire pour optimiser le soula-
gement de la personne. En collaboration avec l’équipe
interdisciplinaire, l’infirmière est la professionnelle tout
indiquée pour optimiser le suivi de la personne malade
et de ses proches. La pleine occupation de son champ
d’exercice dans la prise en charge et la gestion des symp-
tômes en SPFV est assurément l’une des solutions devant
contribuer à améliorer la qualité de la fin de la vie dans
nos milieux de soins au Québec. •

COUP D’ŒIL SUR LES ACTIVITÉS RÉSERVÉES

Activités réservées prédominantes en lien avec cet article

Exercer une surveillane

clinique de la condition des
Évaluer la condition physique personnes dont l'état de
et mentale d’une personne santé présente des risques
symptomatique y compris le monitorage
et les ajustements du plan
thérapeuthique infirmier

Effectuer le suivi infirmier

des personnes présentant
des problèmes de santé
complexes

Cadre réglementaire
• Loi sur les infirmières et les infirmiers (LII), art. 36 portant sur le champ d’exercice et les activités réservées.
• Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé (Projet de
loi n° 90), art. 12.
• Le champ d’exercice et les activités réservées des infirmières et infirmiers (3e éd.), 2016.
Balises déontologiques
• Code de déontologie des infirmières et infirmiers, art. 45.

Source : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. (2016). Le champ d’exercice et les activités réservées des infirmières et infirmiers

62 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE


LES AUTEURES
BÉNÉDICTE GUIMOND
Inf., B. Sc.
Responsable de la formation et des
affaires universitaires à la Maison
Michel-Sarrazin. Elle exerce en soins
palliatifs depuis dix ans. Elle est
membre collaboratrice de l’Institut de
soins palliatifs et de fin de vie Michel-
Sarrazin–Université Laval et membre
associée du Réseau québécois de
recherche en soins palliatifs et de fin
de vie (RQSPAL).
MARIE-ÈVE CIMON
Inf., M. Sc.
Conseillère en soins infirmiers au
CISSS de Chaudière-Appalaches et
étudiante au doctorat en sciences
infirmières à l’Université Laval. Elle
est affiliée au Centre de recherche
du Centre hospitalier universi-
taire de Québec, en plus d’être
membre étudiante de l’Institut
de soins palliatifs et de fin de vie
Michel-Sarrazin–Université Laval
et membre-étudiante du Réseau
québécois de recherche en soins
palliatifs et de fin de vie (RQSPAL).
ACFA
CERTIFICATION
COLLÉGIALE
DIANE TAPP
Inf., Ph. D. TECHNIQUES
Professeure Titulaire en sciences
infirmières à l’Université Laval. D’IMMOBILISATION
Elle est la directrice scientifique de
l’Institut de soins palliatifs et de fin EN ORTHOPÉDIE
de vie Michel-Sarrazin–Université
Laval. Elle est chercheuse au Centre
de recherche du CHU de Québec–
Université Laval et co-directrice
du Réseau québécois de recherche
en soins palliatifs et de fin de vie
(RQSPAL).

QUESTIONNAIRE EN LIGNE
Cet article est accompagné d’un post-test en ligne donnant droit à des heures admissibles dans
la catégorie formation accréditée.

Apprenez l’ABC des

RÉFÉRENCES
Association canadienne de soins palliatifs (ACSP) / Association
des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) / Groupe d’intérêt
des infirmières et infirmiers en soins palliatifs canadiens (GI-SPC).
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soins et le rôle des infirmières».
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Québec (APES). (2019). «Guide pratique des soins palliatifs: gestion
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doi.org/10.1177/10499091211040436

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PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ • 2023 65

 CHRONIQUE FINANCIÈRE

Mieux gérer votre argent

Avec une bonne planification, les bons outils et des objectifs motivants,
vous concrétiserez vos projets, et pourriez même atteindre l’indépendance
financière. Voici nos conseils d’experts pour mieux gérer votre argent.
Dresser le portrait de votre situation dépenses (ex., prévoir un fonds d’urgence
financière. Pour avoir un portrait complet dans un CELI pour faire des retraits
et bien gérer votre argent, dressez la liste facilement sans être imposé sur les retraits).
de ce qui vous appartient (vos actifs)
Gérer et rembourser vos dettes.
et de ce que vous devez (vos passifs ou
En faisant votre budget, vous réalisez
vos dettes). Des outils de gestion en ligne
que vous avez un surplus chaque mois ?
peuvent être utiles.
Utilisez cette somme pour rembourser
Définir vos objectifs financiers. Vous vos dettes. Si vos dépenses sont plus
désirez acheter votre première maison, grandes que vos revenus, il faudra cibler
faire l’achat d’une voiture ou devenir ce que vous pouvez facilement couper
citoyen canadien? Il faut vous fixer des pour retrouver un équilibre financier.
objectifs financiers à court, moyen et Les dettes assorties de taux d’intérêt
long terme, et savoir gérer votre budget. élevés devraient être remboursées
Établir vos objectifs financiers permet de en premier, car elles vous coûtent
déterminer les sommes que vous devez généralement le plus cher. Pour
épargner pour les réaliser et les stratégies vous aider à garder le cap pour le
d’épargne à privilégier (ex., mettre en remboursement de vos dettes : faites
place un système d’épargne automatique un budget, dressez la liste de toutes
mensuelle qui redirige votre épargne dans vos dettes en séparant les bonnes des
votre REER ou CELI). mauvaises (ex., les intérêts sur un prêt
étudiant sont déductibles d’impôt et
Faire un budget. Le budget personnel
généralement bas), attaquez-vous en
permet d’atteindre ses objectifs à court,
premier aux dettes avec un taux d’intérêt
moyen et long terme. Il garde une trace
élevé, discutez d’une consolidation de
de vos revenus et de vos dépenses, et
dettes avec un conseiller, et remboursez
dresse un portrait clair de votre situation
vos dettes, sans négliger votre fonds
financière. Un budget réussi est un budget
d’urgence ni votre retraite.
que vous pouvez respecter.
Bien utiliser votre crédit est la clé du
Commencer à épargner tôt. Cette
succès (ex., la carte de crédit doit être
stratégie peut être très payante car
principalement un outil de paiement).
vous pourrez réaliser vos projets et
Une mauvaise utilisation de votre crédit
faire fructifier votre argent. Quand on
peut se répercuter sur votre cote de
transforme l’épargne en placements, elle
crédit. Pour améliorer votre cote de crédit,
génère des intérêts année après année :
effectuez au moins le paiement minimum
votre montant va fructifier, et encore
sur vos comptes avant la date d’échéance,
plus si vous épargnez régulièrement.
n’utilisez pas le maximum de votre limite de
Donc plus vous commencez à épargner
crédit et faites des demandes de crédit
tôt, plus vos montants pourraient générer
seulement si vous en avez besoin.
des rendements élevés. Informez-vous des
différents véhicules d’investissement, en Prendre de bonnes décisions financières
ligne ou en parlant à un conseiller. en période difficile. Si votre situation
financière change à la suite d’une perte
Autre point important : accumulez un fonds
d’emploi ou d’une maladie de longue durée,
d’urgence, correspondant généralement
n’hésitez pas à profiter des connaissances
à trois à six mois de dépenses. Si vous
des experts afin de connaître des
perdez votre emploi ou si vous ou l’un de
stratégies pour retrouver une meilleure santé
vos proches tombez malade, vous pourrez
financière. Pour vos questions, on est là.
ainsi continuer à payer votre loyer et vos

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Banque Nationale, votre planificateur financier ou, le cas échéant, tout professionnel (comptable, fiscaliste, avocat, etc.).

66 ÉTÉ• 2023 — PERSPECTIVE INFIRMIÈRE

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Québec

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Rivières

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Ottawa

Emplois disponibles Profil recherché

et avantages
Centre de santé de Chisasibi
(médecine, urgence,
hémodialyse, et CMC*)
8 CMC
Services aux patients Cris à
Montréal, Chibougamau et
Val-d’Or
Formation offerte pour
les CMC
Primes d’éloignement
et de rétention offertes
*Centre Miyupimâtisîun (santé)
Commununautaire
Expérience en milieu
hospitalier, santé communautaire,
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Capacité d’adaptation
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responsabilités
Maturité professionnelle
Bilingue : Français/Anglais
Membre de l’Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec (OIIQ)

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d’emplois, visitez notre site Web: demandes d’informations:

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carrieres/job-opportunities (514) 861-5955 Ext: 74300 67
PERSPECTIVE INFIRMIÈRE — ÉTÉ• 2023
 Le CISSS de Lanaudière
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