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CM Approche des arts :

Œuvres en parole, œuvre de parole


Clémence Canet
L1 – S2

Esther Ferrer, L'art de la performance, théorie et


pratique, performance
Contrôle Con*nu 1 : 13 février 2024

Code Moodle : xqxsyb


Étienne La Font de Saint-Yenne, Réflexions sur quelques
causes de l'état présent de la peinture en France, 1747

Denis Diderot, Comptes-rendus des Salons, de 1759 à 1781


Chardin, La raie, 1728, huile sur toile, 1,14x1,46m, Musée du Louvre
Chardin, Le bocal d'olives, 1760, huile sur toile, 71x98cm, Musée du Louvre
Problématique du cours :

À partir d'une réflexion sur le rapport qu'entretiennent œuvres d'art et


langage, à partir d'un tour d'horizon de la multiplicité des types de
discours propres au champ de l'art, nous nous demanderons comment
l'articulation entre les mots et les œuvres nous permet de réfléchir aux
normes et paradigmes de pensée qui organisent le champ artistique et le
domaine de la création.
Définitions :

Norme : modèle, principe directeur que l'on tire de l'observation


du plus grand nombre
Paradigme de pensée : Conception théorique dominante ayant
cours à une certaine époque dans une communauté scientifique
donnée, qui fonde les types d'explication envisageables, et les
types de faits à découvrir dans une science donnée.
I- Parler des œuvres
- Différents types d'écrits
- Rôle et fonction des discours qui accompagnent les œuvres
- Risques et écueils

II- Repenser, par l'art, l'attribution et le contenu des différents types de


discours

- Questionner les rapports de pouvoir propres au champ de l'art


- La conférence-performance pour penser la transmission du savoir
- La visite-performance pour déléguer la parole au public

III- Art et discours sur l'art : une frontière qui peut être poreuse

- Quand le discours se substitue à l'œuvre


- L'histoire de l'art comme pratique artistique
- Un discours artistique pour parler des œuvres
Aelius Theon, Progymnasmata, -I s., 118

Christof Schöch, « L’ekphrasis comme description de lieux : de


l’antiquité aux romantiques anglais », Acta fabula, vol. 8,
n° 6, Novembre-Décembre 2007, URL :
http://www.fabula.org/acta/document3691.php, page consultée le 09
janvier 2023

Homère, L'Iliade, -VIII s.


I- Parler des œuvres

2) Rôle et fonction des discours qui accompagnent les œuvres


Quels types d'écrits ou de discours accompagnent aujourd'hui les
œuvres ? Par qui sont-ils formulés ?

> La moitié de la classe réfléchit aux différents types de discours et


textes qui portent sur les œuvres

> L'autre moitié réfléchit aux personnes qui écrivent ou formulent des
discours sur l'art
Oraux :
visites guidées guide/médiateur·rice de musée
conférences conservateur·rice, chercheur·se,
commissaire, critique d'art
cours enseignant·e
interview journaliste
entretiens chercheur·se, conservateur·rice,
commissaire, critique d'art

Écrits :
livret d'exposition médiateur·rice
communiqué de presse chargé·e de communication,
commissaire d'exposition
cartels régisseur·se, commissaire
articles de revue généraliste journaliste
article dans une revue spécialisée chercheur·se, conservateur·rice,
critique d'art
carton d'invitation chargé·e de communication
ouvrage chercheur·se, conservateur·rice,
commissaire, critique d'art
Françoise Rigat, « La critique d'exposition d'art contemporain dans la presse
spécialisée : la connivence comme mode de communication », Culture et
musées, n°15, « Comment parler de la critique d'exposition ? », Avignon,
Actes Sud, 2010, p.14 :

« Il est intéressant de souligner que l'adresse au lecteur dessine en pointillé un


lectorat très proche, restreint, qui partage peu ou prou les mêmes références que
le journaliste [...]
En effet, le “on” derrière le journaliste s’efface, impose la doxa et fait passer son
appréciation pour un fait établi (Herman&Juper, 2002 : 153). En dépit du “on”
auquel les journalistes ont recours pour masquer le “je” (ibid.), ils projettent une
image d’une assurance impavide, un ethos péremptoire :
- “On se souvient de l’exposition Night Shift au Palais de Tokyo” (Mole, 2008b.)
- “On pense à Ballard, et à Cronenberg, en voyant ces masses organiques”
(Leckey, 2008.)
- “On reconnaît – la cabane de Buren s’impose comme une évidence
instantannée” (Delval, 2008b.)
Dans les extraits choisis par Rigat : à qui s'adressent les
auteur·rice·s ?
Bourdieu, Ce que parler veut dire – L'économie des échanges linguistiques,
Paris, Fayard, 1982, p.59-60
« Relation de communication entre un émetteur et un récepteur, fondée sur le
chiffrement et le déchiffrement, donc sur la mise en œuvre d'un code, ou d'une
compétence génératrice, l'échange linguistique est aussi un échange
économique, qui s'établit dans un certain rapport de forces symbolique entre un
producteur, pourvu d'un certain capital linguistique (p.60), et un consommateur
(ou un marché), et qui est propre à procurer un certain profit matériel ou
symbolique. Autrement dit, les discours ne sont pas seulement (ou seulement
par exception) des signes destinés à être compris, déchiffrés ; ce sont aussi des
signes de richesse destinés à être évalués, appréciés et des signes d'autorité,
destinés à être crus et obéis. En dehors même des usages littéraires – et
spécialement poétiques – du langage, il est rare que, dans l'existence ordinaire,
la langue fonctionne comme pur instrument de communication : la recherche de
la maximisation du rendement informatif n'est que par exception la fin exclusive
de la production linguistique et l'usage purement instrumental du langage qu'elle
implique entre ordinairement en contradiction avec la recherche, souvent
inconsciente, du profit symbolique. S'il en est ainsi, c'est que la pratique
linguistique communique inévitablement, outre l'information déclarée, une
information sur la manière (différentielle) de communiquer, c'est-à-dire sur le
style expressif qui, perçu et apprécié par référence à l'univers des styles
théoriquement ou pratiquement concurrents, reçoit une valeur sociale et une
efficacité symbolique. »
I- Parler des œuvres

3) Risques et écueils
Paul Delaroche, L'Hémicycle des Beaux-Arts, 1836-1841, Paris
Paul Delaroche, L'Hémicycle des Beaux-Arts, 1836-1841, Paris
Paul Delaroche, L'Hémicycle des Beaux-Arts, 1836-1841, Paris
« Le Centre Pompidou-Metz accueille pour deux ans l’exposition
Phares. La Grande Nef, espace d'exposition unique en Europe par
son volume, est l’écrin de cette présentation d’œuvres
monumentales issues de la collection du Centre Pompidou/Musée
national d’art moderne. La scénographie permet d'offrir de
véritables (re)découvertes de dix-huit œuvres qui constituent des
jalons de l’histoire de l’art des XXe et XXIe siècles. »
Extrait du texte de présentation de l'exposition Phares, Centre Pompidou Metz, 2014-
2016

https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/media/YOiDUYx
« Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ?

Linda Nochlin, « Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? », in Femmes, art et p
Le « grand art » réservé aux hommes

Léon-Matthieur Cochereau, Intérieur de l'atelier de David, 1813-1814, Huile sur toile,


90 x 105 cm, Musée du Louvre, Paris
Anne Creissels, Giovanna Zapperi, « Histoire de l'art en France et
gender studies, un mariage contre-nature ? », Perspective, n°4,
2007, p.5 :

« Aborder l’histoire de l’art dans la perspective des gender studies signifie


évidemment abandonner la tour d’ivoire de l’auto-référentialité pour inscrire l’art dans la
complexité des rapports sociaux, dans ses contextes historiques et culturels, et dans la
production de sens et d’idéologies.
L’introduction des outils critiques et théoriques proposés par les gender studies
implique ainsi un questionnement des fondements de la discipline à travers une critique
féministe, ce qui revient, simultanément, à politiser ce champ de la production du savoir,
en pointant son inscription dans des hiérarchies et dans des structures de pouvoir qui
échappent souvent aux acteurs même de la discipline.
Or, l’histoire de l’art en France peine à reconnaître la dimension sociale,
culturelle et politique de la production artistique, ainsi que les rapports entre les
domaines esthétique et politique. »
Faut-il relire l'histoire de l'art ?
Interroger les mythes liés à la création

Mains en négatif, Grotte des mains, Rio Pinturas, Argentine


Rétablir la place des femmes dans l'histoire de l'art

L'art pariétal : pratiques féminines et collectives (cf. Dean Snow)


Les pratiques collectives du Moyen Âge non signées : œuvres attribuées à des

hommes alors que beaucoup ont été faites par des femmes
Les ateliers de peinture : les filles exploitées par leurs pères (ex : Tintoret)

Comment lutter contre l'invisibilisation des artistes
femmes ?
« Le matrimoine est constitué de la mémoire des créatrices du passé et de
la transmission de leurs œuvres. Le terme matrimoine n'est pas un
néologisme, il désigne les biens de la mère, quand le patrimoine désigne
ceux du père. » HF Ile-de-France, http://hf-idf.org/le-matrimoine/
Michèle Gellereau, Les mises en scène de la visite guidée.
Communication et médiation, Paris, L'Harmattan, 2005, p.177-178 :

« Pour H.-R. Jauss, le public d'une œuvre est prédisposé à un certain


mode de réception car une œuvre évoque toujours des choses déjà lues,
et produit un « horizon d'attente » (Jauss, 1978). Le plaisir naît donc de
la reconnaissance des éléments dans une distance esthétique qui peut
conduire à apprécier les variations. Le guide sait qu'il fera plaisir à ses
visiteurs en évoquant l'histoire connue de d'Artagnan (celle de l'histoire
et celle de Dumas) pour commenter une façade (Ville de Lille), car il joue
à la fois sur des éléments de légende et la surprise du réel. Mais ce
faisant, il entretient des thèmes narratifs, qui renforcent les récits et les
valeurs dont ils sont issus. »
Exposition La ligne du génie, Guggenheim Bilbao, 11.06.21-16.01.22

Texte de présentation de l'exposition :

« L’ensemble d’oeuvres que présente La ligne du génie se caractérise


par sa nature humoristique, expérimentale, intelligente et inquisitive.
Conçues à partir de matériaux et de techniques inhabituels, ces pièces,
qui vont des années 1950 au moment présent, ont pour trait commun de
remettre en question les conventions esthétiques, souvent de façon
ludique, ingénieuse et perspicace. L’exposition réunit des artistes de
plusieurs générations travaillant avec différents médiums, ainsi que des
pièces hautement significatives de la collection du Musée Guggenheim
Bilbao rarement exposées à côté d’autres très connues. La combinaison
de haute culture et de culture populaire, d’ordinaire et de sublime, de
sérieux et d’ironie qui sous-tend la présentation vise à saper les
hiérarchies sur lesquelles sont fondés les beaux-arts. »
Podcast – Paye ta vie d’artiste ! En finir avec la bohème (1/5)
https://manifesto-21.com/paye-ta-vie-dartiste-1-boheme/

12'21 : Quelles sont les conséquences d'une conception de l'art selon


laquelle l'artiste crée non pas pour vendre mais pour assouvir un besoin
propre à son statut de créateur·rice ?
Positionnement de La Buse : https://la-buse.org/Positionnement-de-La-Buse

Par son origine et sa composition, La Buse s’inscrit principalement dans le


champ des arts visuels, un milieu professionnel où les droits des travailleur·euse·s sont
presque inexistants. Cette situation est le produit d’une histoire longue opposant l’art au
travail, qui s’est cristallisée au cours de la période romantique, au XIXe siècle, et a figé
l’artiste dans une posture de créateur⋅rice isolé⋅e ne produisant que par et pour lui⋅elle-
même. L’activité artistique n’a donc pas bénéficié des avancées sociales du XXe siècle
et, malgré l’émergence d’un secteur culturel structuré, cette représentation surannée
demeure prégnante dans l’imaginaire collectif. Celle-ci se fonde pourtant sur une
séparation factice et trompeuse entre le registre esthétique et la réflexion politique sur le
statut des producteur⋅rice⋅s, comme si définir des droits communs s’opposait à la
singularité de l’acte de création.

Ce déni des conditions sociales de production artistique empêche de prendre


conscience des intérêts collectifs et éloigne des luttes actuelles. Cependant, il semble
que la précarité dans laquelle est maintenue la majorité des acteur⋅rice·s du champ des
arts visuels conduise à une prise de conscience grandissante. C’est dans ce contexte
qu’il est apparu nécessaire à La Buse de formuler une réflexion sur le travail et d’agir en
faveur de changements concrets.

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