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Cours de Méthodologie de la Conception Mahmoud Souissi

Chapitre 2 : L’analyse fonctionnelle


externe
Introduction
On se place dans le cadre le plus général où le bureau d’étude fait partie de l’entreprise
exprimant un besoin de s’approprier d’un bien. Ce besoin peut découler de plusieurs sources à
savoir :

- Le chargé de marketing proposant de lancer un nouveau produit dans le marché ;


- Un chargé de maintenance ou un responsable de production décelant une ou des
défaillances au niveau de la chaîne de production.
- Un client externe demandant une étude complète dans un cadre bien déterminé.

L’élément enclenchant l’étude dans tous ces cas c’est l’expression du besoin. Mais, d’abord, le
bureau d’étude doit s’assurer que ce besoin est pertinent et apportera la valeur ajoutée
escomptée à son client.

Pour cela, le projeteur suit une démarche efficace qui sera détaillée dans ce chapitre.

1. La saisie du besoin
1.1. La méthode des 5M
Il s’agit d’une méthode basée sur la catégorisation des provenances d’une anomalie à savoir
cinq catégories d’où vient l’appellation : anomalie issue des Méthodes suivies, anomalie issue
du Milieu de l’application, anomalie issue de la Main d’œuvre, anomalie issue de la Matière
d’œuvre utilisée et finalement une anomalie issue des Moyens ou Machines employés.

Cette méthode peut faire appel à un outil de qualité très utilisé, connu sous le nom du diagramme
d’Ishikawa, et qui consiste à inspecter les causes possibles d’anomalies relatives aux cinq
catégories jusqu’à parvenir à leurs racines. Il faut tout de même garder à l’esprit que le nombre
de catégories peut varier d’une application à une autre selon le domaine.

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Méthode Milieu

Effet: Problème
trivialement constaté

M. œuvre Matière Machines

Figure 1: Le diagramme d'Ishikawa


Remarques :
• Cette méthode doit être suivie par une analyse de la valeur qui vise à quantifier la
contribution de chaque cause dans l’anomalie observée.
• Une prise de décision doit être faite, par la suite, au niveau d’un groupe de travail
pluridisciplinaire pour prioriser les besoins et élaborer un plan d’action.

Exemple :

1.2. Les 5 Pourquoi ?


C’est un outil de détermination des causes racine d’une anomalie. Elle est basée sur des
itérations de questionnement « pourquoi ? » en partant de l’effet de l’anomalie observée.
Cependant, effectuer exactement cinq itérations n’est pas obligatoire. Ce nombre est tout
simplement une valeur garante de l’affinité de la recherche des causes jusqu’à la cause racine

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du problème. Au deçà de ce nombre on risque d’avoir un champ de recherche de causes plus


vaste alors qu’en effectuant un nombre d’itérations trop grand on risque d’entrer dans des détails
inutiles et on perd le bout de ficelle.

L’exécution de cette méthode requiert souvent un travail de groupe, une bonne connaissance
du milieu de l’anomalie et certainement de l’expertise. Elle ne s’arrête tout de même pas au
niveau de la connaissance des causes de l’anomalie mais plutôt elle s’étend jusqu’à sa correction
et son suivi.

Etapes :
L’exécution de cette méthode passe par des étapes similaires à celles de l’AMDEC à savoir :

1) La création d’un groupe de travail,


2) La définition et l’explication de l’anomalie au groupe,
3) Application de la méthode « 5 Pourquoi ? »,
4) Prise de décision de la correction de l’anomalie,
5) Suivi des effets de cette correction.

Remarques :
• Les réponses aux questions doivent être sous la forme d’une phrase simple de point de
vue forme et contexte.
• Cette méthode peut également être combinée avec la méthode des 5 M.
• Il faut explorer toutes les pistes possibles, parfois une question peut avoir plus qu’une
seule réponse.
• Pour des problèmes complexes ayant beaucoup de causes d’anomalie en interaction
cette méthode devient difficile à appliquer.

Exemple :

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1.3. Autres méthodes

2. L’énoncé du besoin
Pour assurer la conformité du produit à concevoir aux attentes du client, le besoin client doit
être bien exprimé sous forme d’une fonction à deux arguments et une sortie à savoir : la ou les
personnes à qui le produit rend service et la matière d’œuvre à l’entrée comme arguments et le
but de la création comme sortie. Ce besoin peut être exprimé sous une forme graphique connue
sous le nom du diagramme bête à cornes.

Bien que ce diagramme est un outil fréquemment utilisé, il reste toutefois insuffisant pour
décrire le besoin d’une manière profonde. Il est souvent complété par un énoncé du besoin sous
forme verbale.

Exemples :
• La tasse permet au client de boire facilement du café contenu dedans tout en le gardant
chaud le plus longtemps possible
• La girafe permet à son utilisateur de faire la manutention d’un produit lourd et de le
déplacer facilement.

A qui rend-il service? Sur quoi agit-il?

Produit à concevoir

Dans quel but?

Figure 2: Le diagramme bête à cornes


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3. La validation du besoin
Une méthode de s’assurer que le besoin est pertinent est de s’interroger sur les risques qu’il
peut rencontrer soit lors de son utilisation ou même sur le marché. Il s’agit donc de poser quatre
fameuses questions et d’y chercher des réponses (cette méthode est connue sous le terme anglo-
saxon « le brainstorming »).

• Pourquoi le besoin existe-t-il ? (Exposer les causes sources du besoin puis exprimer le
but de créer un tel produit)
• Qu’est ce qui pourrait faire évoluer le bien ?
• Qu’est ce qui pourrait faire disparaitre le besoin ?

Remarques :
• Les réponses aux questions posées doivent être faite en la présence du client.
• Il faut retenir que dans certains cas (besoin exprimé par un service/département
maintenance), le besoin peut être validé par une analyse de la valeur (diagramme de
Pareto issu d’une grille d’AMDEC).
• Une fois le besoin est validé, le projeteur peut clôturer le dossier 10 intitulé « Dossier
de la demande du client ».
• La saisie, énoncé et validation du besoin peuvent être faites à la première rencontre du
client.

4. L’analyse fonctionnelle du besoin (AFB)


4.1. Le milieu extérieur
Le milieu environnant sujet de l’étude peut varier selon la phase de vie du produit. Par exemple
les éléments du milieu extérieur au produit dans la phase de fabrication sont différents de ceux
de la phase d’utilisation.

Dans ce cours, nous n’allons considérer que les éléments du milieu extérieur pendant la phase
d’utilisation.

Dans un cadre général, les éléments d’un milieu extérieur peuvent être d’ordre :

• Humain (normes d’ergonomie, normes de sécurité, utilisateur …),


• Physique (alimentation, environnement, matière d’œuvre, espace réservé …),
• Technique (norme spécifique à un domaine …).

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Avant de commencer toute recherche de fonction, il faut tout d’abord inventorier tous les
éléments du milieu extérieur en interaction avec le produit.

Remarques :

• Lors de l’inventaire, il faut choisir les éléments extérieurs de manière qu’il n’y ait
aucune confusion entre eux et les critères de choix d’une fonction technique. Par
exemple, du point de vue d’un concepteur de systèmes industriels, le coût est un critère
de choix et non un élément extérieur. Par contre d’un point de vue d’un agent de
marketing, le coût est un élément extérieur au produit qu’il veut commercialiser puisque
ce coût est issu de plusieurs sources à savoir le coût de production y compris la matière
première, le cout de transport, le stock, la commercialisation etc…
• Il faut également que les éléments du milieu extérieur soient bien identifiés de manière
à ne pas les confondre les uns aux autres. Autrement dit, il faut s’assurer que ces
éléments extérieurs aient une frontière bien définie et ne coupe pas celle d’un autre
élément.

4.2. Le diagramme de la Pieuvre


Le diagramme de la pieuvre ou encore diagramme des interactions offre un aperçu sur les
éléments du milieu extérieur, leurs relations avec le produit ainsi que leurs interactions à travers
le produit. Ces interactions et relations sont appelées « fonctions de service (FS) » et sont
représentées par des traits.

Les fonctions de service traduisent la volonté du client à atteindre un objectif bien déterminé
dans des conditions données grâce au produit à concevoir. Ces fonctions peuvent être classifiées
selon deux catégories à savoir : les fonctions principales et les fonctions contraintes.

Les fonctions principales (FP) sont des fonctions qui relient souvent plusieurs éléments du
milieu extérieur à travers le produit et traduisent le but d’existence du produit (il est
recommandé de ne relier que deux éléments du milieu extérieur par une fonction de service).

Les fonctions contraintes (FC) relient directement le produit à un seul élément du milieu
extérieur et traduisent généralement les conditions dans lesquelles le produit doit travailler dans
une phase bien déterminée de sa vie.

Remarques :
• Un élément extérieur peut avoir plus qu’une seule interaction avec le produit (Voir
Figure 3).

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• Les fonctions principales et contraintes doivent être numérotées selon leur type de
manière à pouvoir les différencier.
• L’utilisateur et la matière d’œuvre sont des éléments du milieu extérieur indispensables,
en effet, c’est pour eux que le produit est conçu.
• Un produit peut avoir plus qu’un seul utilisateur, chaque utilisateur à ses interactions
avec le produit propre à lui. Par exemple, l’intervention d’un agent de maintenance sur
le produit est différente de celle de l’utilisateur courant du produit : faciliter l’accès aux
organes intérieurs du produit à l’agent de maintenance peut être une fonction valable
pour l’agent de maintenance mais pas pour un utilisateur courant du produit.

M.O

Utilisateur FP1
Source
FC1 FC4 d énergie
Produit
externe
FC2 FC3
Chargé de
maintenance
Espace réservé

Figure 3: Diagramme de la pieuvre


4.3. Recenser les fonctions de service
Selon l’AFNOR, une fonction de service se compose d’un verbe à l’infinitif ou d’un groupe
verbal décrivant la fonction, et d’un ou plusieurs compléments d’objets représentant les
éléments du milieu extérieur concernés par la fonction. Le sujet de la phrase n’apparait pas
généralement car il renvoie toujours à un connu qui est le produit.

Remarques :
• L’expression de la fonction de service doit être la plus courte claire et précise que
possible. Une fonction de service longuement formulée est une source d’erreur
d’interprétation.
• Lors de la formulation, il faut éviter d’utiliser la forme passive et négative. La forme
passive s’avère, toutefois, inévitable pour quelques expressions de fonctions
contraintes.

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• L’expression d’une fonction de service ne doit pas indiquer de près ou de loin une
solution technique susceptible de la réaliser.

Exemple :
Tableau 1: Formulation des fonctions de service

Déformer la matière d’œuvre suite à une action


FP1
de l’utilisateur
FC1 Protéger l’utilisateur contre l’électrocution
Faciliter l’accès de l’agent de maintenance aux
FC2
organes du produit
FC3 S’adapter à l’espace réservé

FC4 S’adapter à la source d’énergie

4.4. Comparaison par pairs des fonctions de service


Comme indiqué précédemment, la demande du client est souvent mal exprimée : le client
demande souvent que le produit fasse un tas de choses avec un budget très réduit dans un délai
très proche. Le projeteur dans ce cas doit s’assurer du sérieux de son client tout en essayant
d’apaiser le produit en lui épargnant de faire des fonctions de faible priorité ou ayant une faible
valeur ajoutée. Pour ce faire, il a souvent retour à un outil de qualité souvent connu par l’outil
de tri croisé.

L’outil de tri croisé sert d’aide à la prise de décision de réaliser certaines fonctions et d’accorder
moins d’importance à d’autres voire de les négliger. Cet outil est basé sur la comparaison par
paire de fonctions selon le degré d’importance jugé par le client.

Exemple :
On considère l’exemple traité dans la section précédente. La comparaison par pairs de fonctions
de service donne :

Tableau 2: Outil de tri croisé

FC1 FC2 FC3 FC4 Total %


FP1 FP1/3 FP1/3 FP1/3 FP1/3 12 50
FC1 FC1/2 FC1/3 FC1/1 6 25
FC2 FC2/1 FC4/3 1 4,2
FC3 FC4/2 0 0
FC4 5 20,8
Total 24 100

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Ce tableau est rempli en utilisant le barème des notes détaillé suivant :

Tableau 3: Brème des notes selon le degré d'importance

Degré d'importance Note


Légèrement supérieur 1
Moyennement supérieur 2
Nettement supérieur 3
Equivalent (-/-)

Ainsi, la cellule encadrée en trait fort peut se lire : la FP1 est nettement plus importante que la
FC1. Ce qui est évident puisque c’est la fonction principale du système.

Une fois la comparaison par pairs est achevée, le projeteur doit calculer les totaux des points
collectés par chaque fonction et les saisir dans la colonne des totaux puis en déduire les
pourcentages relatifs à chaque fonction.

Si le client à bien exprimé son besoin d’une manière objective, il ne doit pas y avoir de fonctions
ayant un total nul. Dans ce cas, on dit que le client a relevé la barre de ses expectations très haut
et sa demande doit être reformulée.

Remarques :
• La comparaison doit être faite d’une manière objective de la part du client. C’est cette
phase qui va déterminer à quelles fonctions le concepteur doit accorder plus
d’importance. Elle joue également un rôle important dans la priorisation de la réalisation
dans le cas des grands projets.
• Il faut s’assurer que le client ne s’est pas contre dit le long de cette phase. Par exemple,
si FC1 est nettement plus importante que FC3 et que FC3 est nettement plus importante
que FC2, cette dernière ne doit en aucun cas être plus importante que FC1.
• La note équivalente doit être exceptionnellement utilisée. Le cas échéant, il faut que
deux fonctions équivalentes aient la même note totale.

4.5. Hiérarchisation des fonctions de service


La hiérarchisation des fonctions de service, sur la base de la comparaison par pairs détaillées
précédemment, est d’une grande utilité dans le choix des fonctions aux quelles le projeteur doit
accorder le plus d’importance. Pour ce faire, le projeteur à souvent recours à un diagramme
hiérarchisé des fonctions de service tel qu’illustré par la figure suivante.

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Figure 4: Diagramme hiérarchisé des fonctions de service


Vilfredo Pareto stipule que 80% des richesses d’un pays sont détenues par 20% de sa
population. Cette loi appelée désormais la loi de Pareto ou encore loi des 20/80 peut être étalée
sur maintes applications y compris l’analyse du besoin. En effet, on peut dire que 80% de la
valeur ajoutée par un produit est issue de 20% de ses fonctions de service.

Tableau 4 : Tableau d'hiérarchisation des fonctions de service


%
Total % Cumulé
12 50 50 FP1
6 25 75 FC1
5 20,8 95,8 FC4
1 4,2 100 FC2
0 0 100 FC3
Visiblement, 80% de la valeur ajoutée dans notre exemple est issue de FP1 et FC1 ce qui est
tout à fait logique puisque le produit est sensé réaliser sa fonction d’une part et protéger
l’utilisateur, dont la vie est sans doute plus valeureuse que la machine elle-même, contre les
accidents de travail d’autre part.

Dans son travail, le projeteur doit accorder plus d’attention à la réalisation de ces deux
fonctions, toutefois, ceci ne veut pas dire qu’il doit négliger les autres.

5. Le dossier de définition du CDCF


Un cahier des charges fonctionnel est souvent présenté sous forme d’un tableau contenant toutes
les conditions de travail dans lesquelles les fonctions de services doivent s’exécuter
accompagnées par l’aptitude du client à accepter un écart bien déterminé par rapport au résultat
prévu de l’exécution d’une fonction qu’on appelle aussi « flexibilité du client ».

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Tableau 5: Niveaux de flexibilité du client vis à vis certains écarts


Flexibilité Niveau de flexibilité
F0 Impératif
F1 Peu négociable
F2 Négociable
F3 Très négociable

Exemple :
FC4 : S’adapter à la source d’énergie

Critère Niveau Flexibilité


Tension 220VAC F0
Intensité maxi 16A F1
Fréquence 50Hz F1
Prise Type E F2

Conclusion
La finalité de l’analyse externe du besoin est de rédiger un cahier des charges fonctionnelles
clair, concis et contractuel. Ce cahier des charges est à la fois une garantie de respect des
exigences du client lors de la conception du produit, et une protection du bureau d’étude contre
tout changement d’avis soudain du client.

Le cahier des charges doit impérativement contenir les documents suivants :

• Un dossier qui comporte l’analyse du besoin initial du client ;


• Un inventaire des éléments du milieu extérieur susceptibles d’être en interaction avec
le produit et leurs caractéristiques sous forme d’un tableau ;
• Un dossier justificatif du cahier des charges comprenant : le diagramme de la pieuvre,
un recensement des fonctions de service, et la hiérarchisation des fonctions de service.
• Le dossier de définition du cahier des charges fonctionnelles,
• Une signature du client avec la mention lu et approuvé.

Avant la signature du cahier des charges fonctionnelles, il faut prévenir le client que le bureau
d’étude demeure libre de tout engagement de fabrication pendant toutes les phases de l’étude.
L’étude vise toujours à chercher des solutions pour répondre au besoin du client au plus faible

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coût possible, alors que la fabrication du produit reste totalement dépendante du sérieux du
client dans la proposition du budget réservé au projet.

Lors des réunions avec le client, il faut garder à l’esprit que le client propose souvent des
budgets médiocres et des délais très courts po

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