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COURS D’ÉCONOMIE

MONÉTAIRE ET FINANCÈRE

FICHE III – LA RÉGULATION DE LA


CRÉATION DE MONNAIE

AES L2 - 2021

Pierre Bouopda
UPHF – AES L2 – ÉCONOMIE MONÉTAIRE ET FINANCÈRE – MONNAIE (Pierre Bouopda)

III. La régulation de la création de monnaie

La crise financière de 2007-2008 a réhabilité l’idée de distinguer les activités


classiques de crédit des banques, de leurs activités d’investissement en titres,
d’une part, et révélé la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle
prudentiel sur les banques, d’autre part.

La loi bancaire du 26 juillet 2013, dite loi de séparation et de régulation des


activités bancaires, répond à cette préoccupation. Depuis 2015, l’obligation est
faite aux banques d’héberger leurs activités spéculatives dans des filiales
spécialisées et autonomes. Pour des raisons de transparence, les banques, surtout
les grands groupes bancaires, ont l’obligation de rendre publiques leurs activités,
et leur niveau d’imposition dans les paradis fiscaux.

S’agissant du contrôle prudentiel, les banques et les assurances sont depuis 2013
encadrées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR ex
ACP institué en 2010) qui est un organisme unique aux pouvoirs importants. La
mission principale de l’ACPR est de veiller à la préservation de la stabilité
financière, et la protection des clients des banques, des assurés et bénéficiaires
des contrats d’assurance. Elle prend les décisions pour l’agrément de tous les
établissements, à l’exception des sociétés de gestion qui sont agréées par
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l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Elle veille au fait que les
établissements de crédit et les entreprises d’investissement respectent la
législation et la réglementation. Elle dispose du pouvoir de sanction des
éventuelles infractions, sous réserve de la compétence de l’AMF. Elle veille
également à la qualité de leur situation financière en particulier en matière de
solvabilité et liquidité. Enfin, l’ACPR contrôle le respect des règles destinées à
assurer la protection de la clientèle, résultant des dispositions législatives ou
réglementaires, et des codes de conduite homologués par le MINEFI, ou
approuvés par l’ACPR. Dans ce but, elle coopère avec l’AMF dans le cadre d’un
pôle commun ACPR-AMF. L’ACPR est présidée par le gouverneur de la Banque
de France.

La loi bancaire du 26 juillet 2013 confie à l’ACPR la mission supplémentaire de


veiller à l’élaboration, et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de
résolution des crises bancaires. Le président de l’AMF est membre du collège de
résolution nouvellement créé. L’ACPR dispose ainsi de prérogatives nouvelles et
d’outils d’intervention importants et innovants, à la fois pour prévenir des crises,
ou, de façon ponctuelle, pour prendre des mesures permettant de faire face à une
nouvelle crise bancaire.

Quant à elle, l’AMF réglemente et contrôle l’ensemble des opérations financières


portant sur les sociétés cotées en bourse. Elle délivre les agréments des sociétés
de gestion de portefeuille, et contrôle l’exercice des activités de services
d’investissement et les structures de marché. Elle veille par ailleurs à la protection
de l’épargne, au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers et
assure l’information des investisseurs. Le gouverneur de la Banque de France est
membre de l’AMF.

III.1. La régulation prudentielle


Les banques sont astreintes au respect d’une part, de ratios de fonds propres ou
ratios de solvabilité (le ratio international dénommé ratio Cooke est le plus
connu), et d’autre part, au respect de ratios de liquidité.

L’objectif des ratios de fonds propres est de responsabiliser les actionnaires des
banques en les amenant à couvrir une partie non négligeable des risques pris par
les banques (non-remboursement de crédits distribués ou autres pertes de valeur
de ses actifs). Ce dispositif doit en principe inciter les actionnaires à recommander
aux dirigeants des banques une gestion prudente de leurs risques et notamment de
leur risque de crédit.

Les ratios de solvabilité sont calculés en rapportant les capitaux propres à la


somme des risques pondérés enregistrés au bilan des banques.

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Globalement ce ratio, dit ratio Cooke, indique qu’une banque doit disposer de 8
(16) millions d’euros de capital pour pouvoir octroyer 100 (200) millions d’euros
de crédit.

Il s’agit en gros de s’assurer que la banque est capable de faire face à une baisse
de valeur de ses actifs ou à des demandes de retrait de fonds de la part de ses
clients.

Le ratio le plus observé aujourd’hui est le core tier one (qui ne compte que les
fonds propres au sens strict) qui doit être au minimum de 9 %.

L’objectif des ratios de liquidité est de s’assurer que les banques peuvent faire
face à leurs engagements de court terme. C’est le cas lorsque les ressources
exigibles des banques sont investies dans des actifs mobilisables à court terme.
En d’autres termes si les ressources à vue ou exigibles à moins d’un an sont
placées dans des actifs négociables ou non négociables mais à court terme.

Le Comité de Bâle recommande deux ratios de liquidité :

• un ratio de liquidité à court terme (ou Liquidity Coverage Requirement -


LCR) ;
• un ratio de liquidité à long terme (ou Net Stable Funding Ratio - NSFR).

Le ratio de liquidité à court terme (LCR)

Cette norme a été établie dans le but « d’assurer que la banque dispose d’un
niveau adéquat d’actifs liquides de haute qualité non grevés pouvant être
convertis en liquidité pour couvrir ses besoins sur une période de 30 jours
calendaires en cas de graves difficultés de financement » (source : BRI).

Ce ratio, qui entre progressivement en vigueur dans l’Union européenne à partir


de 2015, impose aux banques de disposer d’une certaine quantité d’actifs liquides
leur permettant de couvrir les sorties nettes d’argent pendant au moins 30 jours.
L’esprit est de s’assurer que les banques peuvent faire face à leurs engagements
de court terme. Cela n’est possible que si leurs ressources exigibles à court terme
sont investies dans des actifs mobilisables à court terme. Le ratio est calculé de la
façon suivante :

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Selon cette norme, l’encours d’actifs liquides de haute qualité doit au moins être
égal aux sorties nettes de trésorerie pendant les 30 jours qui suivent la date d’arrêté
du calcul du ratio. En respectant ce ratio, l’établissement devrait ainsi disposer de
suffisamment de liquidités malgré des difficultés de refinancement sur les
marchés.

Le ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR)

Le ratio structurel de liquidité à long terme (ou NSFR pour Net Stable Funding
Ratio) complète le ratio de liquidité de court terme. Son but est d’assurer à tout
établissement financier un « financement stable qui lui permette de poursuivre
sainement ses activités pendant une période de 1 an dans un scénario de tensions
prolongées ». Il se définit de la façon suivante :

Il correspond au montant de financement stable disponible (fonds propres et passif


exigible à 1 an au moins) rapporté au montant de financement stable exigé (actif).
Ce rapport doit au moins être égal à 100 %, autrement dit le montant de
financement stable disponible doit au moins être équivalent au montant de
financement stable exigé.

III.2. La régulation des structures bancaires


La régulation prudentielle des activités bancaires s’exerce aussi sur la structure
des marchés dans lesquels les banques opèrent. L’objectif de cette régulation
prudentielle est de s’assurer que ces structures de marché garantissent une
production efficiente des services financiers tout en préservant la sécurité du
système financier. Pour ce faire, trois catégories d’actions sont généralement
envisagées :

1. des actions visant à assurer le fonctionnement efficient des marchés


financiers ;
2. des actions visant à assurer une segmentation fonctionnelle des activités
bancaires ;
3. des actions visant à garantir la discipline de marché.

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Préserver un cadre concurrentiel

Les actions visant à assurer le fonctionnement efficient des marchés financiers


traitent en particulier des effets de la concentration des établissements de crédit.
Doit-on redouter la structure oligopolistique du secteur bancaire avec une
concentration du pouvoir financier ? Cela n’est pas recommandable dans la
mesure où la concentration alimente le risque systémique et réduit la concurrence.
L’expression Too big to fail (Trop gros pour faire faillite) résume les
inconvénients de la concentration bancaire. Elle renvoie à la situation d’une
banque dont la taille est tellement importante que les autorités de régulation et de
contrôle ne peuvent la laisser tomber en faillite à cause de l’effet boule de neige
que cela pourrait entrainer (risque systémique). Dans ce cas de figure, le
phénomène de l’aléa moral joue à plein parce que les dirigeants d’une telle
banque, ayant la certitude de l’assistance, prendrait davantage de risques. Pour
éviter ces situations, la plupart des législations bancaires limite la taille des
banques. Mais dans la mesure où la concentration bancaire est un fait, la
réglementation des activités bancaires se justifie pour prévenir les abus de
positions dominantes.

NB. Risque systémique

Le risque systémique renvoie à la probabilité de l’émergence d’une situation de


dysfonctionnement grave des systèmes financiers et bancaires qui n’assurent plus
au niveau macroéconomique, d’une part, leur fonction d’intermédiation entre les
agents à capacités et à besoins de financement, et d’autre part, leur fonction
d’intermédiation dans le règlement des transactions économiques de toute nature.
Lorsque le risque systémique augmente, les anticipations et les comportements
des particuliers, des entreprises et des établissements de crédit, déterminent
généralement une récession économique et un développement du chômage.

Segmenter les activités bancaires

L’existence d’économie d’envergure dans les activités bancaires milite pour la


suppression d’une segmentation fonctionnelle des activités des banques. En
considérant 𝑌 𝑛 un ensemble de 𝑛 services (1, 2, … , 𝑚, 𝑚 + 1, … , 𝑛) produits par
une banque, et 𝑌 𝑚 , 𝑌 𝑛−𝑚 (𝑚 ≤ 𝑛) deux sous-ensembles de 𝑌, il y a économie
d’envergure si la propriété suivante est vérifiée :

𝐶(𝑌 𝑛 ) < 𝐶(𝑌 𝑚 ) + 𝐶(𝑌 𝑛−𝑚 )

où 𝐶(. ) représente de coût de production

Il est généralement moins coûteux pour une banque de produire une gamme large
de services. Il en est ainsi parce que la plupart des services financiers sont souvent
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complémentaires. Ainsi, l’activité de crédit est souvent complémentaire à celle de


la gestion des moyens de paiements. Il est aussi avantageux pour les agents non-
financiers de pourvoir trouver auprès d’une banque une gamme complète de
services financiers. Enfin, sur le plan de la diversification des risques qui
contribue à la stabilité des résultats des banques, la poly-activité est préférable à
la mono-activité.

Malgré tous ces avantages, le modèle de la banque universelle ou multiservices,


par opposition à la banque spécialisée ou mono-service, comporte des
inconvénients. La pratique de la poly-activité brouille la tarification des différents
services. En d’autres termes, elle permet aux banques d’opérer des subventions
croisées dans leur tarification. Un autre inconvénient réside dans le fait que la
poly-activité complique la mise en œuvre de l’assurance dépôt dans la mesure où
le risque couvert est moins évident à identifier.

La Glass-Steagall Act votée aux États-Unis en 1933 est la première loi de


segmentation fonctionnelle des activités bancaires. Elle instaure la séparation
entre les banques de dépôt (commercial banking) et les banques d’investissement
ou banques d’affaires (Investment banking). Elle crée par ailleurs un système
d’assurance privée des dépôts dont la gestion est confiée à la Federal Deposit
Insurance Corporation (FDIC).

La Glass-Steagall Act est abrogée en 1999 et réhabilitée en 2010 (Dodd-Frank


Wall Street Reform and consumer Protection Act) après la crise de 2008. Les
principaux points de la réforme sont les suivants :

• La règle Volcker (Ancien président de la FED et conseiller du Président


Obama) : les banques commerciales ainsi que les établissements financiers
supervisés par la FED ne peuvent plus spéculer pour leur propre compte à
moins d’investir aux côtés d’un client. Elles peuvent prendre des
participations dans des fonds de capital-investissement et des « Edge funds »
mais seulement à hauteur de 3 % de leurs fonds propres. Les participations
existantes au jour de l’entrée en vigueur de la loi, si elles dépassent ce seuil,
devront être cédées.
• Les banques doivent conserver 5 % des crédits titrisés à leur bilan.
• Les principales banques doivent respecter une définition plus stricte de leurs
fonds propres. Les banques identifiées par le Conseil de supervision de la
stabilité financière comme présentant un risque systémique doivent limiter
leur levier à quinze fois les fonds propres.
• Les grands groupes financiers doivent présenter aux régulateurs un
« testament » prévoyant la façon dont ils devraient être liquidés en cas
d'urgence.

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En 2017, l’administration de Donald Trump a assoupli la loi « Dodd-Frank »


votée en 2010.

En France, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires votée en


2013 entérine l’esprit de la Glass-Steagall Act.

La discipline de marché

Les actions envisagées dans le cadre de la discipline de marché visent à instaurer


des mécanismes susceptibles d’inciter les banques à contrôler les risques qu’elles
prennent. Cela passe notamment par la responsabilisation des déposants, des
actionnaires et des dirigeants des banques.

S’agissant des déposants, la banque centrale essaye d’accréditer l’idée que ses
interventions en matière de sauvetage ne sont pas systématiques, ni gratuites, et
qu’elle n’est pas « le payeur en dernier ressort ». Cela doit en principe inciter les
déposants à contrôler les risques financiers pris par leur banque. Pour ce faire, les
marchés financiers sont organisés de telle sorte que l’essentiel de l’information
soit disponible pour le grand public. La fréquence de publication des états
financiers des banques est plus élevée que celle des autres entreprises.

Pour les actionnaires et les dirigeants des banques, la banque centrale veillent à
ce qu’ils supportent l’essentiel du coût financier des opérations de sauvetage et
que leur responsabilité pénale soit systématiquement évaluée par les tribunaux.

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