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B.

Des guerres irrégulières qui interrogent la validité du modèle clausewitzien de


la guerre…
Aujourd’hui, la faiblesse de nombreux Etats (corruption, mal-développement, armée
désorganisée…) notamment dans « l’arc des crises » (Sahel, PMO…) explique la
multiplication des guerres irrégulières. Celles qui sont menées par Al-Qaida et Daech
n’entrent pas dans le schéma classique des guerres entre Etats théorisé par Clausewitz :
1) Des guerres « sans front », « sans fin » et « sans frontière » :
Elles font apparaître de nouveaux acteurs et de nouvelles modalités de combats :
« Sans front » : Elles n’opposent plus des armées régulières entre elles renouant
ainsi avec des logiques de guérillas (harcèlement, embuscade), sans ligne de front.
Mais contrairement à la guérilla, elles n’opèrent plus de distinction entre populations
civiles et militaires dans le recrutement des combattants
Le lien entre guerre et finalité politique, selon Clausewitz, semble se disloquer :
Carte p 112 : Les actes terroristes comme les attentats se multiplient à l’échelle
planétaire : l’Irak et l’Afghanistan concentrent un nombre élevé de victimes.
> dans quels buts ?
Exprimer un sentiment anti-occidental qui permet de rallier de nouveaux partisans . Déstabiliser
les Etats (notamment des grandes puissances comme les Etats-Unis) où ils commettent les
attentats, mais pas nécessairement les renverser, ni d’obtenir des gains territoriaux.
La négociation politique disparait donc. Il n’y a d’ailleurs plus de déclaration de
guerre ou de traité de paix ! Le djihadisme jusqu’au-boutiste et millénariste d’Al-Qaida et
Daech empêche toute résolution des conflits par la paix…
« Sans fin » :… D’où le renouvellement du concept d’état de guerre : la différence
entre paix et guerre est abolie ! On est plongé dans un état de guerre permanent,
de faible intensité (à la différence des guerres napoléoniennes de forte intensité mais avec
une fin et des traités).
Depuis la fin du califat de Daech, il n’y a pas eu de retour à une stabilité politique ou à une paix
positive : l’Irak et la Syrie sont toujours plongés dans un chaos institutionnel (frontières et
gouvernements contestés) et des cellules de Daech continuent de provoquer l’Occident…. Or, selon
Clausewitz, c’est à ses effets politiques que l’on évalue le résultat d’une guerre.
Ces nouveaux acteurs intègrent les logiques de la mondialisation :
= « Sans frontière »
Schéma 2 p112
Les groupes terroristes sont organisés comme des multinationales en sociétés -mères
(Al-Qaida basée entre le Pakistan et l’Afghanistan, Daech en Irak et en Syrie) et filiales à
l’étranger situées principalement en Asie Centrale, en Afrique et au Moyen-Orient (AQI, AQMI
…pour Al-Qaida et Boko Haram, Etat islamique en Libye, Etat islamique au Yémen…pour Daech).
Ainsi ramifiées, ces 2 organisations peuvent mener des actions terroristes et recruter des hommes
dans différents pays, en labellisant leur groupe sans même qu’ils aient été mis en contact avec Ben
Laden ou Al-Baghdadi. Revendiquer un attentat au nom de Daech ou d’Al-Qaida permet à ces
groupes d’accroître leur visibilité médiatique.
NB : Al-Qaida a bien l’aspect d’une nébuleuse mais Daech n’est qu’en partie déterritorialisé
et entend fonder un véritable Etat (califat).
Schéma p100+ doc5 p101 : Ils utilisent les NTIC pour diffuser leur propagande : ils
diffusent des photographies ou vidéos pour montrer qu’en dépit de leurs revers, ils restent une
menace pour l’occident. Al-Baghdadi, héritier des vidéos de Ben Laden reprend sa posture et la
présence du fusil d’assaut. Il s’agit aussi pour Daech de rivaliser avec sa concurrente Al-Qaida,
prompte à récupérer les derniers combattants d’un Etat islamique à l’agonie.
Aujourd’hui, signe de l’affaiblissement de l’organisation, elle ne produit plus ce genre de vidéos,
toute la structure de sa propagande a été ébranlée.
2) La guerre asymétrique contre le terrorisme international :
Al-Qaida et Daech constituent une menace pour l’ordre mondial.
Or, la lutte contre un terrorisme déterritorialisé et mondialisé est difficile à mener pour des acteurs
étatiques traditionnels, habitués à l’emporter par leur puissance de frappe sur des terrains
d’opération clairement définis.
Quelles sont donc les modalités de cette lutte ?
Discours de Bush et de Hollande : registre martial du discours ( « acte de guerre », pour Bush, « faire
la guerre au terrorisme ») pour mobiliser la population face au terrorisme. Le pays attaqué reconnait
aux terroristes le statut d’ennemi qu’il faut abattre. Les 2 présidents rappellent les fondements
idéologiques du monde occidental (liberté, démocratie) pour justifier une guerre vengeresse. (« Le
Bien contre le Mal » selon Bush). Pas de déclaration de guerre.
La lutte consiste en une guerre asymétrique opposant des armées conventionnelles (Etats,
coalitions menées par les EU et l’ONU) et des groupes terroristes peu nombreux (quelques
centaines/milliers de membres) et disposant de moyens relativement réduits.
Cette lutte prend 2 formes :
Opération Barkhane au Mali – fin en nov 2022) : Les modalités d’action traditionnelle sont
parfois maintenues : guerres régulières/classiques mobilisant des armées de terre,
mer, air dans le cadre d’opérations menées sur des territoires avec un armement
conventionnel pour traquer l’ennemi.
Mais les Etats renouvèlent aussi leurs interventions par des guerres furtives: guerres
irrégulières préparées par des services de renseignement et menées par des drones
ou des unités spéciales ne nécessitant pas d’intervention massive sur le terrain. Stratégie
essentiellement basée sur des frappes aériennes et sur l’appui au sol d’alliés locaux
(armée irakienne, milice kurde contre le califat de Daesh). Recours à des SMP (Blackwater)
Ils développent aussi la cyberdéfense (lutte informatique défensive et offensive afin de
contrer les cyberattaques notamment pour les neutraliser à distance).
>> Donc une guerre asymétrique coûteuse en moyens mais limitée par la taille des
effectifs militaires engagés….alors que selon Clausewitz, l’effort militaire à fournir est
fonction du but politique à atteindre.
Avec l’arrivée de Trump (janv 2017), le combat politique et les moyens militaires employés
(renseignement, frappes) se sont concentrés contre l’Etat Islamique…. d’où la fin rapide du califat…
Mais toujours peu d’engagement de troupes au sol.
Conclusion : Les règles de la guerre classique sont donc remises en cause tant par des acteurs
terroristes que par les Etats qui les combattent. Ces guerres irrégulières et asymétriques prennent
donc à contre-pied la définition clausewitzienne de la guerre réelle.

C. … Mais qui ne l’invalident cependant pas entièrement :


- L’objectif politique : D’une part, les actions menées par Daech, on l’a vu, relèvent de
guerres irrégulières, mais Daech est aussi tenté par des actions militaires plus
traditionnelles en Irak et en Syrie, en utilisant un armement conventionnel à des fins
politiques : mener une conquête territoriale et imposer une autorité politique nouvelle : le
califat. Pour les occidentaux il s’agit d’imposer la démocratie occidentale, détruire Daech.
- La montée aux extrêmes : ces guerres irrégulières se rapprochent de la guerre
absolue telle qu’elle est définie par Clausewitz :
En effet, il s’agit dans les 2 camps (terroristes, occidentaux) d’éradiquer son
adversaire et de mener une lutte du Bien contre le Mal.

Les civils sont les principales victimes de ces guerres :


Il n’existe plus de respect du traditionnel droit de la guerre qui protège les civils. Là encore,
la notion de « front » opposant un avant et un arrière disparait.
Ex : de longues batailles urbaines ont lieu dans les villes assiégées de Homs (en Syrie : siège
par l’armée syrienne 2011 à 2017 ) ou de Mossoul (Irak : octobre 2016- juillet 2017>> près
de 10 000 civils morts), avec des crimes de guerre dans les 2 camps: les djihadistes de
l’Etat islamique ont utilisé des civils comme boucliers humains à Mossoul; et les forces de la
coalition ont utilisé des armes explosives et imprécises qui ont tué des milliers de civils et rasé
en partie Mossoul.
L’Etat islamique est accusé par les Nations Unies d’être responsable de crimes
de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique et de génocide :
Ex : le génocide des Yézidis en Irak.
Il y a une volonté d’anéantissement de la mémoire :
Autre crime de guerre, Daesh, poussé par sa haine de l’art figuré et de l’héritage culturel pré-
islamique, procède à la destruction systématique des sites archéologiques millénaires
situés en Syrie (Palmyre, Racca) comme en Irak (Ninive, Hatra, Mossoul). La cité
antique de Palmyre est classée au patrimoine mondial de l’Humanité : théâtre romain en partie
rasé.

Conclusion :
Clausewitz a montré le basculement de la guerre interétatique au tournant du
XVIIIème s. vers une guerre absolue : l’objectif est non seulement la conquête de
territoires mais aussi la destruction de l’adversaire.
Au XXIème s., les combats menés par le terrorisme échappent en partie à la théorie
clausewitzienne car il ignore les frontières étatiques. Cependant, la radicalisation de
l’action terroriste (hyperterrorisme), la violence démontrée contre ses ennemis
relève bien de la guerre absolue telle qu’elle a pu être définie par Clausewitz.

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