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Cours à mettre à la suite de ce qui a été commencé sur l’Afrique I ; II : structures


d’encadrement ( pas fini, je vous envoie la fin rapidement)

III) l’Afrique, le continent des conflits armés ?

L’Afrique n’a pas connu une seule période de paix générale depuis la fin de la « pax colonia »
( notion contestée cependant, cf cours de première année sur la geopo de la décolo). Env
entre 1/3 et ¼ des conflits ds le monde depuis 1945. Af est le continent le plus touché par la
guerre. Aucun autre continent n’est à ce point associé aux conflits, aux atrocités, à
l’insécurité. Sur les 50 dernières années, bilan autour de 10 M de morts. Période 80’-90’
particulièrement violente.

Le nombre de conflits qu’a connus le continent est presque impossible à déterminer. Un


ensemble complexe de tensions, d’affrontements ouverts ou couverts semble marquer
l’Afrique. Rien sans doute ne menace plus le développement du continent que cette guerre
généralisée de tous contre tous. Peut-il y échapper ?

Or la sécurité est la condition même du développement, comme le déclarait Kofi Annan. Elle
permet aux pop de vivre, de se déplacer, de travailler, les fonctionnaires peuvent fournir des
services publics etc. « Trappes à pauvreté » pour Philippe Hugon. = S’expliquant largement
par le sous-développement et par l’exclusion, les conflits sont, à leur tour, des facteurs
d’insécurité et de sous-développement traduisant l’existence de cercles vicieux et de trappes
à sous-développement et à conflits.

1990 : Robert Kaplan parlait de l’Af comme le continent de « l’anarchie à venir » ; en 2010,
Jeffrey Gettleman ( journaliste US qui a longtemps travaillé en Af de l’Est) se désespérait que
les guerres ne s’achèvent jamais : « une pandémie virale ».

L’Afrique connaît une baisse des conflits de forte intensité ( 5 en moy / an, contre 10 jusque
ds années 90). Mais elle reste le continent le plus touché par des conflits et ceux-ci sont
présents ds plusieurs zones ( Sahel, Af Centrale, corne de l’Afrique, Soudan du Sud), avec des
effets de contagion. Les conflits africains diffèrent par leur intensité, leur durée, leur
extension territoriale.

L’Afrique peut-elle échapper à cette situation ?

A) Définir la guerre est complexe

- Pb de la définition d’une guerre.

Qu’est-ce qu’une guerre ? quel critère ? la localisation ? l’intensité de la violence ? Le


nombre de cadavres ? Certains instituts comptent les conflits à partir de 100 morts /an.
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Certaines émeutes sont ainsi comptées comme conflits. Comment départager violences
politiques et criminelles ?

On peut définir la guerre comme « une lutte armée et sanglante entre groupements
organisés ». Le conflit est donc « un état de tension résultant de l’antagonisme entre
deux individus ou deux collectivités ». Conflit = lutte armée violente par laquelle un
groupement organisé cherche à contraindre un adversaire à exécuter sa volonté.

En la matière, peu importe que les groupes en question soient des entités politiques
souveraines ou, au contraire, des unités combattantes infra-étatiques ( ce qui relève ds ce
cas de la « guerre civile »). C’est pourquoi, d’ailleurs, le concept de guerre est
progressivement abandonné dans la littérature spécialisée au profit de celui de « conflit
armé majeur ». Deux critères :

o L’affrontement prolongé entre les forces militaires de deux ou plusieurs


gouvernements entre une armée régulière et, au moins, un autre groupe
armé organisé ;

o Des pertes humaines supérieures à 1 000 morts sur la durée des


affrontements (chiffre mis en avant notamment pour établir le seuil de morts
pour parler de « guerre civile »). Par ailleurs, le concept de conflit, qui ne
préjuge pas la nature étatique ou non des acteurs en présence, permet de
mieux rendre compte de l’hétérogénéité croissante des luttes armées.

- les guerres d’aujourd’hui sont-elles plus nombreuses ? Effondrement de l’Urss a


donné le sentiment que s’ouvrait une période de chaos. Plusieurs pb se posent :

a) Avant aussi on se battait en Afrique, mais conflits pas répertoriés. Difficile de dire si
les conflits sont auj plus nbreux qu’avant. Pas de guerres recensées avant
indépendance à exception de guerre des boers et Ethiopie. Comme si le continent
avait été miraculeusement épargné par la colonisation.

b) Attention à l’effet de loupe pour l’Afrique. Médiatisation outrancière des violences,


avec une plus grande sensibilisation à la souffrance d’autrui. Qd on évoque l’intensité
des guerres, faut-il s’attacher au nombre de victimes ou à la recrudescence de conflits
qui font moins de morts ? Ex au Biafra, entre 67 et 70, 1 million de morts, mais qd on
a trois ou 4 foyers de rébellion qui reviennent sur plusieurs années, qu’en conclure ?

c) Diff de départager les violences pol des violences criminelles

d) Continuité des conflits est souvent niée. Du coup, guerres comptées plusieurs fois.
Recrudescence des guerres depuis 1991.Certaines ne sont d’ailleurs que des
prolongements de guerres antérieures, par ex en Angola.

- Les guerres sont-elles plus meurtrières qu’autrefois ?


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a) Pb : on a peu d’infos sur l’Af pré coloniale.

b) On ne peut tirer cette conclusion à partir de la circulation des armes à feu, car
celles-ci ont été par le passé très nbreuses ( cf au XVIII au moment de la traite), et
génocide des Tutsis fait à la machette.

c) Pas de lien, a priori, entre circulation des armes et nomb de morts violentes. Tout
dépend du contrôle exercé sur ces armes.

- Les guerres impactent-elles plus les civils qu’avant ?

a) Civils étaient déjà impactés à époque pré colo. Catég mili et civiles se confondaient.
Donc pas forcément très pertinent de tirer une conclusion sur ce point.

b) Guerres « civiles » ne sont dc pas vraiment une nouveauté. En revanche, leur


caractère prédateur, oui.

- Des guerres plus barbares ?

a) Conflits considérés auj comme barbares car analysés à travers leurs atrocités.

b) Mais exactions d’antan ne sont pas moindres qu’auj.

c) En tout cas, ce discours sur la barbarie ne permet pas de comprendre les guerres
qui s’y déroulent aujourd’hui.

B) Les types de guerres

- Guerres de libération nationale ou d’indépendance

Guerres de résistance à la colonisation ( Madagascar, Niger, Sénégal, Af du Nord contre la


France ; Soudan, Nigéria, Boers en Afrique du sud contre les Anglais ; hereros contre les Allds
ds le Sud ouest africain… ; Ethiopiens contre les Italiens/ bataille d’Adoua, entre Ethiopie et
Italiens, perdue par ces derniers en 1896..). Ces résistances ont été matées parfois avec
difficulté et/ou au prix de massacres ( ex les Allds /Hereros )

La 1ere GM ( et les 14 points de Wilson) et la 2 eme GM ont encouragé la montée de mvts de


résistance. Ces mvts débouchent sur des guerres de libération :

o Algérie (54-62) et anc colonies portugaises ds années 1970.

o En Afrique noire, la décolo française a été progressive et sans heurts majeurs (


sauf au Cameroun).

o Insurrection malgache en 1947 ; la répression aurait fait environ 100 000


morts.
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o Révolte des Mau-Mau au Kenya, entre 52 et 56 contre les Brit. Echec de la


révolte, mais Kenya accède à indep qq années plus tard.

o Ces conflits s’inscrivent ds un contexte de guerre froide, même si l’Afrique n’ a


pas le même enjeu que l’Asie ou l’Europe. Certains dirigeants ont mené la
lutte ds le cadre du syndicalisme ou du marxisme ( Sékou Touré en Guinée).

- Les États contre les États/ guerres interétatiques


Le premier point qui doit être souligné, c’est que l’Afrique connaît des conflits
interétatiques de type classique, fondés sur des revendications territoriales. On
compte au total une trentaine de territoires revendiqués par un ou plusieurs États,
soit beaucoup plus que sur tout autre continent. Ainsi, loin de l’image généralisée
d’une défaillance étatique et d’une faillite de l’idée d’État-nation, on constate en
Afrique une remarquable persistance de ce niveau d’attachement identitaire.
o Ex : Conflits de frontière

Ils ont pour origine la contestation des frontières héritées de la colonisation, pour des
raisons politiques et économiques.

Plusieurs conflits de ce type ont eu lieu, en particulier les conflits malo-burkinabé de


1974 et 1985, camerouno-nigérian à propos de la presqu’île de Bakassi depuis 1965,
ougando-tanzanien de 1978 et 1979, et tchado-libyen de 1973-1994. Le conflit
algéro-marocain de 1963.

o Avec le jeu de la GF ds certains conflits

▪ Angola et Mozambique: 25 ans de guerre civile, entre mouv pro


marxistes et mvts alliés des occidentaux

▪ 1977 /1978 :guerre de l’Ogaden ( Ethiopie VS Somalie : Mengistu en


Ethiopie pro Urss et Siyad Barré en Somalie pro US)

Sur les sept conflits interétatiques majeurs qu’a connus l’Afrique depuis 1962, on en compte
seulement deux dans les vingt dernières années. Ils concernent tous deux l’Érythrée. Cet État
était devenu indépendant de l’Éthiopie en 1993 après trente-deux ans de soulèvement
indépendantiste. Ces conflits sont intéressants à étudier car ils montrent le lien entre
l’affirmation d’un nouvel État et la définition de son territoire.
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L’Érythrée : colonie italienne depuis 1892, avait en effet été rattachée à l’Éthiopie après la
Seconde Guerre mondiale, d’abord dans un cadre fédéral ou associatif, puis par une annexion
de fait. La guerre de 1998 est liée à des revendications frontalières autour de la région de
Badmé, revendiquée par l’Érythrée qui remettait ainsi en cause la frontière définie en 1993.
Le 6 mai 1998, les troupes érythréennes pénètrent dans la région. En juin 2000, les hostilités
cessent mais les tensions demeurent. L’Éthiopie obtient une victoire militaire et occupe une
partie de l’Érythrée. Ce conflit s’est accompagné de la constitution de deux systèmes
d’alliances : l’Érythrée se rapprocha du Soudan et, bien que son président soit chrétien,
comme 50 % de la population, tissa des liens avec le mouvement séparatiste du Front de
libération de l’Oromia, une région éthiopienne, assez proche de mouvements islamistes. En
2008, c’est entre l’Érythrée et Djibouti qu’un conflit éclate au sujet de la souveraineté sur le
cap Douméra. Djibouti réussit finalement à maintenir ses positions avec une médiation du
Qatar.

- Conflits sécessionnistes :

Après l’Europe des années 1991 à 2008, l’Afrique est-elle le nouveau continent de la
balkanisation ?

La liste des causes de mouvements séparatistes en Afrique est très longue. Il peut
s’agir de séquelles de la colonisation qui avait produit des incongruités
géographiques, ethniques ou économiques. Il peut s’agir du souhait de certains
peuples de s’émanciper. Dans certains cas, ces mouvements ont atteint leur but. Dès
1993, l’Érythrée accède à l’indépendance. En 1991 déjà, le Somaliland avait proclamé
son indépendance. En 2000, il se dote d’une constitution. Même si cet État n’est pas
reconnu par la communauté internationale, il jouit de fait d’une pleine souveraineté
dans le cadre de la décomposition de l’État somalien. En 1998, le Puntland a
également déclaré son autonomie, également non reconnue, de la Somalie, mais
dans l’optique d’une structure fédérale. En 2011, le Soudan du Sud accède à
l’indépendance après des décennies de lutte contre le pouvoir de Khartoum.

En Casamance, le MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) est


actif militairement depuis 1982 pour revendiquer l’indépendance de ce territoire
sénégalais situé au sud de la Gambie. Malgré les accords de 2004, la situation reste
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tendue. L’enclave angolaise de Cabinda, riche en pétrole (60 % de la production


angolaise) et enchâssée entre la RDC et la République du Congo est également le
cadre de violences liées à une volonté séparatiste, dont l’une des plus médiatisées a
été le mitraillage du bus de l’équipe de football du Togo qui se rendait à Cabinda pour
la Coupe d’Afrique des nations de football en 2010.

En fait, les conflits les plus violents sur le continent africain sont liés à la construction
et à la consolidation de l’Etat issu de la colo. Volonté séparatiste par ex, au Congo par
ex, avec le Katanga, ou le Biafra au sud du Nigeria, en Ethiopie, au sud Soudan (
partition internationalement reconnue).

o Certaines décolonisations ont servi aussi de détonateur à des guerres civiles


avec la guerre froide comme prétexte. Ex au Congo Belge. Guerre civile dès le
er
départ des Belges qui aboutit à l’assassinat du 1 ministre Lumumba, et à
l’arrivée au pouvoir de Mobutu, soutenu par les Occidentaux en 1965.

o La guerre du Biafra au Nigeria 1967.

o Ethiopie entre 62 et 91, qui aboutit à la création de l’Erythrée en 1993.

- Auj, peu de conflits armés fondés sur la remise en cause des cadres étatiques issus de
la colo. Etats sont globalement « installés ». La légitimité des Etats n’est plus
radicalement contestée, qd ceux-ci n’excluent aucune communauté.

Les ressorts de ces séparatismes sont donc de plusieurs natures. Conflits d’intérêts
économiques ou sentiment de marginalisation territoriale pour Cabinda et, en partie pour le
Sahara occidental ou la Casamance. Différence de peuples et de religions au Soudan du Sud,
qui est sans doute le lieu où le séparatisme est fondé sur le plus grand nombre de critères.
Différence de peuples mais homogénéité religieuse dans bon nombre de conflits, comme la
Casamance ou le Sahara occidental. Enfin, jeu des puissances, locales ou mondiales.
Remarquons également que dans plusieurs cas, notamment celui de l’Érythrée, du Sahara
occidental et du Somaliland, les indépendances consistent à instaurer des États qui ont pour
cadre d’anciens territoires coloniaux (respectivement italiens, espagnols et britanniques) qui
avaient été façonnés autour de logiques territoriales qui ont laissé une forte empreinte.
Conflits et territoires entretiennent donc des rapports complexes en Afrique, qu’il faudrait
bien se garder de réduire au simple constat d’une mosaïque de peuples et de religions dans
le cadre de frontières inadaptées ou floues.

- Les conflits « identitaires »


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Ils portent sur des « différends culturels, économiques, juridiques, politiques ou


territoriaux entre deux ou plusieurs groupes aux origines différentes ». En réalité, il y
a conflit de ce type lorsqu’un groupe se persuade, à tort ou à raison, qu’il est menacé
de disparaître soit sur le plan physique, soit sur le plan politique, par la domination
exclusive d’un autre groupe

Un groupe se sent blessé. Mais ces blessures et la volonté de les guérir par le recours
à la violence sont surtout construites par des leaders ethniques et politiques. Ces
crises ne sont pas nécessairement ancestrales ou inévitables. Instrumentalisations,
stratégies d’acteurs, qui cherchent à mobiliser ces blessures plus ou moins réelles
pour accéder au pouvoir.

- Les conflits de pouvoir

Les conflits de pouvoir. Par « conflit de pouvoir », il faut entendre les guerres qui ont pour
objectif la prise du pouvoir. Au fond, dès lors qu’un « gouvernement est incapable d’assurer
ses missions élémentaires de protection, d’assistance, d’encadrement des citoyens, la
probabilité est grande de voir surgir milices, bandes armées, prédateurs plus ou moins
structurés désireux [...] d’accéder au pouvoir d’État.

Ex : en Somalie en 88, avec chute de Siad Barré en 91. Ou guerre en Algérie, à la suite de
l’interruption du processus électoral. Tchad, Sierra Leone, Mozambique, Rwanda, RDC,
Congo, ds années 90.

- Les zones grises

En revanche, ce qui marque profondément le continent, c’est l’importance de zones


déstabilisées, souvent frontalières ou situées loin des centres de commandement
politiques et économiques. Dans ces zones, des bandes armées peuvent être en conflit
contre les armées régulières ou entre elles. Le but est généralement l’appropriation des
ressources ou des bénéfices liés à leur circulation, qu’il s’agisse de contrebande ou de trafics
d’armes ou de drogues. Cet aspect a caractérisé les lendemains des guerres civiles qu’ont
connues les pays du golfe de Guinée dans les années 1990 et 2000. Au Liberia, en Sierra
Leone et en Côte d’Ivoire, les conflits généralisés ont cessé, mais certains espaces frontaliers
sont devenus des zones incontrôlables. On peut en dire de même de certains espaces
sahariens entre Mali et Algérie, zones de trafics et base arrière des mouvements islamistes
armés.

Un second ensemble de zones conflictuelles de ce type se trouve en Afrique centrale,


englobant désormais une bonne partie du territoire centrafricain et sud-soudanais, en
continuité avec les frontières est de la RDC avec l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, sur
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lesquelles nous allons bientôt revenir. Dans le sud du pays, la province du Katanga connaît
également une situation compliquée. Dans ces lieux, la conflictualité, plus qu’une
dynamique, est un état de fait qui caractérise les territoires.

Ex : KIVU : ( cartes poly + article diploweb ci-joint) : regardez sur diploweb le diatope sur le
conflit au kivu, les différents niveaux d’échelles. Très intéressant pour comprendre un
conflit en Afrique. ( cf powerpoint en cours)

Certains ont opéré une distinction entre les conflits idéologiques des anciennes guerres et les
conflits plus récents, au caractère prédateur et ethnique plus marqué. Mais cette distinction
est trop schématique car elle ne rend pas compte de la continuité entre ces conflits.

On observe tout de même une mutation des formes de guerres. Il ne s’agit plus de guerres
de libération ; on parle de conflits de « basse intensité » ou de « fragmentation ». La porosité
des frontières favorise l’extension des conflits ( cf Boko Haram vers le Cameroun). Conflits
initialement locaux mais qui du coup peuvent impliquer les pays voisins, qui prennent parti
pour un camp ou un autre. Les conflits sont en fait des alternances de pics de violence avec
des périodes de répit.

En réalité, aucune classification satisfaisante des guerres n’est possible. Car conflits
sécessionnistes, identitaires et de pouvoir, qui sont des guerres intra-étatiques sont
particulièrement complexes à analyser, car elles imbriquent de multiples acteurs, avec nb
stratégies et facteurs déclencheurs multiples.

C) De multiples facteurs explicatifs sont imbriqués

Causes qui s’enchevêtrent. Conflictualité a longtemps été interprétée sous le seul prisme de
l’ethnie. Au détriment d’autres grilles d’analyse, pol, éco et écologique.

Les conflits armés, notamment africains, résultent de l’enchevêtrement de plusieurs facteurs


(culturels, sociaux, politiques, militaires, géopolitiques) ayant chacun leur propre
temporalité. Ils mettent en jeu une pluralité d’acteurs, d’alliances et de mobiles. La cause
initiale peut être mineure alors qu’une fois déclenchés, en l’absence de régulation et de
prévention, les conflits violents peuvent devenir incontrôlables. En outre, la violence
engendre la pauvreté, l’exclusion et l’absence d’institutions, qui elles-mêmes nourrissent les
conflits. (Philippe Hugon, 2003).

Deux explications sont pourtant souvent mises en avant : l’ethnie et la religion.

1) une surtribalisation des conflits


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Il y a en effet surtribalisation effective des conflits: acteurs eux-mêmes du conflit


revendiquent cette appartenance. Ils la brandissent, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, au
Soudan.. Mais cette grille de lecture, appliquée souvent à la plupart des conflits africains est
trop schématique. ( cf chapitre précédent sur les ethnies). En fait l’appartenance ethnique
est souvent instrumentalisée, exacerbée. Xénophobie. La dimension ethnique est cependant
cruciale ; manipulée, exacerbée, elle joue un rôle dans le dvp des conflits.

Mais si elle est une manifestation du conflit elle n’est pas forcément la cause. L’ethnie est
l’arbre qui cache la forêt. Car les facteurs véritables sont à rechercher ailleurs
(décomposition de l’Etat, pb fonciers, appétits des chefs de clan…). Focaliser sur la
dimension ethnique masque en fait d’autres éléments d’opposition comme les oppositions
entre générations, autochtones (autochtonie est devenue la référence pour affirmer des
droits sur la terre) /allochtones ; anciens esclaves/maitres ; conquête du pouvoir, rente,
partage de la manne étatique…

Grille de lecture particulièrement dans l’étude des conflits en Afrique. Héritée des travaux
sur les races au XIX. Se méfier des explications essentialistes, où les conflits seraient vus
comme inhérents aux cultures africaines. L’ethnie n’a rien de figé, d’immuable. Evolue en
permanence. N’est pas la cause première en général. Causes plus complexes. Ex au Biafra :
révolte des Igbos, mais enjeux pétroliers aussi.

On a donc souvent une apparence ethnique, mais logiques plus complexes, conflits pour la
terre ( Sahel Zimbabwe, Nigéria), non-paiement de pensions militaires ( Centrafrique,
Nigéria), aux rapports aînés/cadets ( absence de perspective de promotion sociale fournit
des cadres aux mouvements guerriers par ex en Sierra Léone), appétits chefs de guerre ou de
clans, ( Sierra Léone, RDC, Somalie…), rôle des puissances régionales, (Ouganda, Rwanda,
Angola dans le chaos en RDC depuis Mobutu…), impuissance de l’Etat.

2) Des guerres de religion entre chrétiens et musulmans ?

La religion, cause ou alibi des affrontements ?

Ces affrontements ethniques sont dangereusement surdéterminés en Afrique par des


aspects religieux qui ne sont pas exclusifs mais souvent décisifs. Dans beaucoup de zones où
les logiques ethniques sont en jeu, les logiques religieuses le sont aussi, ce qui forme une
remarquable aubaine pour les extrémismes religieux et en particulier les mouvements
djihadistes.

Revenons sur un certain nombre de conflits déjà envisagés précédemment. Tout d’abord, il
faut constater que les marges sud du Sahara, où se mènent la plupart des conflits liés aux
mouvements djihadistes sont ceux où avait eu lieu une flambée djihadiste au xixe siècle, par
exemple avec l’émirat de Sokoto. Ensuite, cette dynamique recouvre une logique
précoloniale. Les peuples nomades ou moins sédentarisés des marges du Sahara étaient
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souvent des éleveurs islamisés par la voie du commerce transsaharien. Plus au sud, les
sédentaires animistes étaient déjà ponctuellement victimes d’expéditions destinées à
s’approprier les ressources et à entretenir le commerce, notamment celui de la traite des
esclaves. Lors de la colonisation, les animistes du sud gagnèrent en sécurité et se
convertirent souvent au christianisme. Or, dans l’État de Jos, au Nigeria, les violences
perpétrées par Boko Haram depuis 2002 frappent en priorité les peuples issus des anciens
sédentaires majoritairement chrétiens. En Centrafrique, les Seleka suivirent un modèle
comparable en 2013.

Quelle est la part du religieux dans les conflits intra-étatiques mentionnés plus haut ? En Côte
d’Ivoire, la guerre civile entre forces présidentielles et rebelles mobilisait, certes avec une
infinité de nuances et d’exceptions, plutôt des ethnies majoritairement chrétiennes du sud
contre des ethnies majoritairement musulmanes au nord, mais sauf exception ponctuelle, la
violence sacrale ne fut jamais au centre de la rhétorique de chaque camp qui, au contraire,
prétendait incarner l’unité nationale. La question de l’« ivoirité », c’est-à-dire la question
nationale était en fait centrale. ( années 2002-2007).

Les populations musulmanes du nord et du centre du pays, dont les patronymes étaient à
consonance burkinabé, se sentaient exclus de la nouvelle définition de l’identité nationale
plus restrictive adoptée dès 1994, alors que les populations du sud les considéraient comme
en partie étrangères à cause de l’immigration venue du Burkina Faso. Par ailleurs,
l’homogénéité religieuse n’a pas empêché la Somalie, musulmane à 99,9 %, d’éclater de fait
en trois entités ni la RDC, chrétienne à 85 %, de connaître des conflits fratricides. De même,
si les islamistes proclamèrent, en avril 2012, la sécession au nord du Mali, c’était en
s’appuyant sur la volonté d’indépendance des Touaregs dont une partie se rallia aux forces
d’Ansar Dine, d’AQMI ou du Mujao. Pour certains, l’affiliation religieuse n’est qu’un moyen de
masquer les appartenances ethniques.

Depuis les années 1990, les réseaux d’Al Qaida ont fait de l’Afrique une terre de combat
contre les Occidentaux, avec les attentats de Nairobi et Dar-es-Salam. Depuis 2013, un
certain nombre de mouvements islamistes ont fait allégeance au groupe État islamique,
décidés à territorialiser leurs actions avec pour principale visée la lutte non seulement contre
les Occidentaux, mais aussi contre les chrétiens considérés comme solidaires des
Occidentaux. Ainsi s’explique le faisceau de conflits de ce type qui traverse le continent dans
ses marges sahéliennes.
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S’agit-il d’une guerre de religions ? L’Afrique est-elle le lieu d’un choc entre islam et
christianisme ? Au nord du Mali, les minorités chrétiennes sont persécutées pendant
l’occupation par les forces islamistes en 2012-2013. Au Nigeria, la secte Boko Haram multiplie
les attentats et les enlèvements. Les Shebabs somaliens réalisent régulièrement des
incursions au Kenya, tuant souvent de façon ciblée les chrétiens, comme dans le cas de la
prise d’otages du centre commercial Westgate à Nairobi le 21 septembre 2013 ou dans celui
de l’attaque de l’université de Garissa le 2 avril 2015. Toutefois, on note une certaine
asymétrie qui empêche de parler de guerres de religion, car, à l’exception des anti-Balaka de
Centrafrique, ce ne sont pas des milices chrétiennes qui répondent à la violence djihadiste,
mais les forces régulières des États, y compris celles des États majoritairement musulmans
comme le Mali, et la communauté internationale.

Grille de lecture ( cf Huntigton) utilisée ds de multiples conflits, Cote d’ivoire ou RCA, ou


encore au Nigeria. Ces conflits ont éclaté ds des Etats alignés sur la même bande
longitudinale, cette vieille ligne de fracture entre aire islamisée et aire christianisée.
Opposition entre sociétés soudano-sahéliennes musulmanes et Afrique de la forêt et des
hautes terres, christianisées. Les conflits internes au Soudan, au Nigeria, peuvent être
considérés en partie comme des conflits entre chrétiens et musulmans. Autrefois, la guerre
entre la Somalie et l’Éthiopie était décrite comme la lutte entre la croix et le croissant. , Il
existe, en revanche, des réseaux islamistes, plus ou moins liés à la nébuleuse Al-Qaeda,
implantés dans la Corne de l’Afrique (Soudan, Somalie, au Sahara). ( Hugon). 2011 : Soudan
éclate : Nord musulm et sud chrétien.

En effet, l’instrumentalisation du religieux joue un rôle. L’intégrisme religieux s’est substitué


dans certains États au nationalisme ou au socialisme comme projet de sociétés. Mais en fait,
l’Afrique est peu concernée par ces épisodes « à la Huntington ».

Cette grille est trop simpliste. Car pays qui sont marqués par cette bipartition
socio-religieuse interne sont rares. Mélange de rites et de religions en réalité. Complexité
religieuse. Statistiques douteuses et manipulables : il y aurait en 2020, 57% de chrétiens en
ASS, 29% de musulm, et le reste adepte de rel africaines. Nord et Sud des Etats ne sont
jamais monolithiques. Le modèle Nord musulman et Sud chrétien reste très schématique.
Grille de lecture qui en outre ne tient pas compte des dynamiques des sociétés africaines.
Les mobilités africaines recomposent le Nord et le Sud. Bref pas de choc des civilisations à
l’échelle africaine. Cf Tutsis et Hutus, majo catho. Cela n’a rien empêché.

Les pays les plus unitaires sur le plan religieux n’ont pas été épargnés par les conflits, qu’ils
soient chrétiens ( RDC, Rwanda) ou Musulm ( Somalie, Mali). Et parmi les Etats considérés
comme les plus inter confessionnels, ( Cd’Ivoire, Guinée-Bissau, Bénin, Mozambique (
Pentecôtistes, Anglicans, catho, prot,musulm), Togo), seule la Cd’Ivoire a connu pb.
Récemment cependant, poussée djihadiste au Mozambique ( daech).
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C’est ds le passé colonial qu’il convient de rechercher les bases de l’institutionnalisation d’un
tel clivage, et souvent, de la domination du sud sur la nord. Dvp des régions côtières. Au
nord, l’administration fut déléguée à l’aristocratie musulmane ( ex au nord du Nigeria).

La variable religieuse ne suffit pas pour comprendre les causes profondes des guerres qui
éclatent ds les Etats multiconfessionnels africains. Un pays pluraliste comme le Cameroun
serait perpétuellement en guerre. Rwanda majoritairement catholique… Guerres civiles
africaines touchent autant des régions monolithiques que pluralistes.

En fait, cette variable religieuse sert de caution à des politiciens instrumentalisant tte
différence identitaire pour se tailler une clientèle ou consolider leur pouvoir. Le fait religieux
est un amplificateur plus qu’un déclencheur. Et créer des pays en fonction de ce critère ne
régle pas vraiment les pbs. Cf le soudan du sud, plus homogène, n’a rien gagné en stabilité.

3) En fait un emboitement de facteurs multiples

ds tout conflit, démêler la hiérarchie des causalités est complexe.

- facteurs économiques : ressources naturelles servent à financer les conflits et sont un


enjeu de conflits. Captation des ressources. La nature des matières premières est
centrale et les ressources du sous-sol, notamment les hydrocarbures, sont davantage
facteurs de conflictualité que les matières premières agricoles. Et besoin de financer
la guerre. ( pétrole : angola, Congo, Biafra, ..) ; diamants ( Angola, Sierra Leone,
Guinée…) ; métaux précieux ( RDC) ; eau ( Niger, Sénégal, Nil…),Narcodollars (Guinée
Bissau, Casamance..), ressources agricoles ou forestières….. Le ss dvp est une cause
de conflits. 80% des PMA ont connu des conflits ces dernières années. Cercle vicieux
car la guerre empêche le ss dvp. La possession des ressources est un des facteurs
essentiels, accompagnant la défaillance des Etats. Les conflits sont favorisés par le
sous-développement économique, le chômage des jeunes, la pauvreté et
l’impossibilité pour les États d’assurer les fonctions régaliennes de sécurité.

- les richesses naturelles, essentiellement du sous-sol, permettent le financement des


conflits (le nerf de la guerre) tout en en étant un des principaux enjeux. On peut ainsi
différencier en Afrique les guerres liées aux rentes pétrolières (Angola, Congo,
Soudan, voire Tchad), au diamant (Angola, Côte d’Ivoire, Libéria, Sierra Leone, RDC),
aux métaux précieux (or, coltan à Bunia en RDC), aux narcodollars, aux enjeux
fonciers (Burundi, Côte d’Ivoire, Darfour, Rwanda), au contrôle de l’eau (pays riverains
du Nil) ou à des ressources forestières. Les avantages économiques attendus de la
guerre civile sont le pillage, la protection moyennant rémunération, les profits liés au
commerce des armes, des aliments ou des narcodollars, l’exploitation de la
main-d’œuvre (capture d’esclaves), le contrôle des terres, le vol de l’aide étrangère
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ou les appropriations des combattants « se payant sur la bête ». Le pétrole est ainsi
un des enjeux forts de la guerre, pour un continent qui détient 8 % des réserves
mondiales d’hydrocarbures et qui est une source de diversification des
approvisionnements et de contrôle des réserves par les compagnies étrangères.

Si toutes les guerres n’ont pas une explication économique, toutes ont besoin de financement.
Les économies africaines demeurent dominées par des logiques de rentes où l’enrichissement
résulte davantage de la captation de richesses que de leur création. Les conflits autour de la
captation de la rente font intervenir une pluralité d’acteurs nationaux, régionaux et
internationaux, privés et publics qui ne sont pas réductibles aux seuls rebelles prédateurs. Ils
peuvent tenir aux gaspillages de la part de gouvernements non légitimes ou d’oligopoles privés
internationaux. Les guérillas, rebelles ou soldats perdus, vivent de soutiens extérieurs, de
prédation sur les productions ou sur les aides extérieures ou de captation des ressources
naturelles. ( hugon)

- Facteurs civilisationnels : éleveurs/paysans par ex : UA recense plus de 260M d’éleveurs


de bétail qui parcourent 43% de la masse territoriale du continent. En Af de ouest cette
activité est menée par 50 millions de personnes. Les conflits sont de plus en plus récurrents
et meurtriers entre ces derniers et la pop vivant de l’agric : plus de 3500 morts ds les Etats
agricoles du centre du Nigéria. Escalade favorisée par la forte croissance demog et le chgt
clim qui contrarie l’accès aux ressources et pousse les pop pastorales à descendre de plus en
plus vers le Sud.

Ces conflits agropastoraux viennent parfois se combiner avec d’autres tensions : Noirs/Blancs
par ex, ou religieuses. On note une réactualisation de conflits ancestraux. Et 90% des
nouveaux conflits se déroulent ds des pays qui ont déjà éprouvé ds le passé des épisodes de
violence armée. L’histoire de l’Afrique, dans la longue durée, est caractérisée par la violence
des conquêtes, des guerres et des razzias. De nombreux conflits africains contemporains
réactualisent des conflits ancestraux, parfois instrumentalisés par les pouvoirs (éleveurs
versus agriculteurs, réseaux commerçants islamisés versus créoles ou natifs, populations
arabisées versus négro-africaines) tout en résultant de crises – économique, sociale,
environnementale ou politique – actuelles.

- Facteurs politiques : Les facteurs politiques sont évidemment essentiels.


Affaiblissement de l’Etat, fragilité de la démocratie ou absence, des régions entières
délaissées. L’inégalité d’accès aux postes de responsabilité ou aux services de base et
la compétition pour le pouvoir et ses ressources créent des tensions entre groupes
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sur des bases identitaires, notamment ethnolinguistiques. Certains États faillis n’ont
plus le contrôle de leur territoire ni du respect des lois et des règles (cas de la RDC, de
la Somalie, voire de la Côte d’Ivoire). Plusieurs sociétés sont caractérisées par des
proto-États et par des citoyennetés embryonnaires. Les groupes au pouvoir
accaparent les postes et le capital économique au nom de la « zaïrianisation » ou de
l’« ivoirisation ». L’État africain postcolonial se caractérise le plus souvent par sa
faiblesse, menant au quasi-effondrement d’institutions telles que l’armée. Il est en
outre faiblement connecté à une société civile peu affirmée. La faillite du modèle
étatique postcolonial, à laquelle s’est ajoutée la dévalorisation de l’État par l’idéologie
libérale, ont conduit à des fractionnements territoriaux et à une montée en puissance
de factions s’appuyant sur des identités claniques, communautaires, ethniques ou
religieuses. Les institutions demeurent, ainsi, largement subverties par un système
patrimonial personnel s’appuyant sur des complicités extérieures. Les conflits se
situent dans des contextes de défaillances des États.

- Facteurs militaires : effondrement des institutions comme l’armée ou la police, prêts


à se vendre au plus offrant. Rôle des mercenaires, des enfants déscolarisés.

- Facteurs géopolitiques : interventions étrangères, comme celles de la France,


« gendarme ». Rôle de la diplomatie occulte. Ou interv° de pays frontaliers. La
plupart des conflits africains ont une dimension régionale. Ils sont intra-nationaux et
transfrontaliers par le biais des États, des milices se déversant des pays voisins et des
contagions régionales de groupes ethniques à cheval sur plusieurs pays. Le Zimbabwe
a été ainsi impliqué dans la guerre de la RDC pour s’opposer au leadership de l’Afrique
du Sud. Le conflit du Libéria et de la Sierra Leone s’est déplacé vers la Côte d’Ivoire
par le biais des jeunes combattants en déshérence. Les pays voisins de la Côte
d’Ivoire sont impliqués dans la guerre civile qui a abouti à la partition de facto du
pays. Les affrontements au Darfour ont fait tache d’huile au Tchad, du fait des
interférences réciproques de ce pays et du Soudan chez le voisin, au point de jeter les
bases d’un conflit régional. Les conflits génèrent des flux de réfugiés dans des pays
limitrophes qui alimentent avec des effets de retour des conflits régionaux. Le
génocide rwandais et les flux de réfugiés ont conduit à un développement des conflits
en RDC.

Des conflits attisés par le reste du monde

Un point sur lequel il faut également s’arrêter est celui de la question des interventions
étrangères. L’Afrique semble se démarquer par leur nombre et leur importance. Ces
interventions multiplient les acteurs des conflits et le nombre de combattants engagés. Des
interventions qu’on peut classer suivant trois axes : celles coordonnées par des
organisations internationales, ONU ou organisations continentales et régionales, celles
opérées par des puissances non africaines, qui recoupent en partie, mais pas toujours, la
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catégorie précédente, enfin les interventions des pays africains, également avec ou sans
l’aval d’une organisation internationale. Déjà, pendant la guerre froide, des troupes cubaines
étaient intervenues pour aider à la mise en place de pouvoirs communistes en Angola et au
Mozambique en 1975. Il faut aussi tenir compte des groupes armés irréguliers, mercenaires,
politiques ou religieux, qui agissent de façon transnationale.

Les interventions des organisations internationales visent essentiellement à trouver des


médiations dans le cadre des guerres civiles et à tenter d’asseoir un pouvoir légitime.
Toutefois, le contexte rend très difficile cette approche. Les interventions consistent
généralement en des logiques d’interposition, de rétablissement de l’intégrité territoriale,
comme au Mali, de retour à la paix après des violences communautaires, comme au Rwanda
en 1994 (opération Turquoise) ou plus récemment en Centrafrique (opération Sangaris
2013).

Dans certains cas, pourtant, les interventions étrangères et surtout celles des anciennes
puissances coloniales, au premier rang desquelles on trouve la France, ont pu été contestées.
L’engagement en faveur des rebelles en Côte d’Ivoire a ainsi conduit à des émeutes contre les
Français dans les territoires contrôlés par les forces présidentielles en 2004. Le rôle de la
France au Rwanda a été également critiqué pour n’avoir pas empêché le génocide.
Actuellement, la France est engagée dans six pays africains, notamment dans l’opération
Barkhane. Elle n’a toutefois pas le monopole dans la présence de forces étrangères. Les
Américains ont envoyé des troupes au Cameroun en octobre 2015 pour lutter contre les
incursions de Boko Haram. Et, entre Djibouti et l’Érythrée, ce sont des troupes Qataris qui
s’interposent.

La « Première Guerre mondiale » de l’Afrique

L’engagement de forces issues du continent est encore plus marquant. À commencer par les
forces intervenant au nom des l’ONU ou des organisations continentales dans les missions
d’interposition ou de maintien de la paix. Certains États africains sont aussi d’importants
pourvoyeurs de mercenaires, comme dans le cas des Tchadiens présents dans la Seleka bien
que l’État tchadien mène lui-même une lutte active contre les groupes armés et en
particulier islamistes radicaux. Les déstabilisations régionales et les défaillances étatiques
entraînent des phénomènes de constitution d’alliances entre États qui instrumentalisent
parfois ces belligérants irréguliers.
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Ce fut le cas en RDC. La guerre civile, de 1998 à 2003, a consacré le croisement de ces
logiques au point que l’on a pu parler d’une « Première Guerre mondiale » africaine. À
l’origine, le génocide au Rwanda commis par des Hutus contre les Tutsis (1994), l’entrée au
Zaïre (tel était encore le nom de la RDC) des troupes tutsis à la poursuite des Hutus, la chute
du dictateur zaïrois Mobutu. Mais les troupes rwandaises ne se retirent pas. Elles veulent
exploiter les richesses du Kivu, à l’est de la RDC, et en faire un glacis protecteur. Elles
s’appuient sur des Tutsis installés dans la région comme migrants depuis l’entre-deux
guerres. Tous les pays mitoyens s’engagent alors. D’un côté, on trouve les forces régulières de
la RDC, l’Angola, la Namibie, le Zimbabwe, voisins et partenaires économiques, ainsi que le
Tchad, soutenu par la France, mais aussi des combattants irréguliers comme les milices
hutus. Dans l’autre camp, les armées du Rwanda et du Burundi et des combattants congolais,
les milices tutsis du Kivu et, dans un premier temps, l’Ouganda qui s’est installé dans le nord
de la RDC. Les intérêts de l’Ouganda contrariant ceux du Soudan, ce dernier se rapproche de
la RDC. Mais l’Ouganda et le Rwanda deviennent rivaux, les pressions internationales se
renforcent et en 2002, un accord de paix est signé à Pretoria. La guerre reprend cependant
au Kivu de 2003 à 2013, sous l’égide de chefs de guerre et de milices particulièrement
brutales comme le M23, plus ou moins soutenu par le Rwanda, que l’intervention des
troupes congolaises de l’ONU finira par réduire.

En somme, un « grand jeu » à l’échelle de la région des Grands Lacs. Mais il serait hâtif de
conclure que seule la défaillance étatique est responsable : les États voisins de la RDC ont, au
contraire, renforcé leur puissance.

Conclusion :

Coût éco des guerres ( PIB, coût financier, baisse des investissements…). Oxfam
estime que les guerres ont coûté 285 milliards de dollars entre 1990 et 2005.

Coût humain ( 7 millions de morts entre 1945 et 1995 pour 6 pays, dont RDC) ;
déplacés, réfugiés ; handicaps, maladies, famines

Effets à long terme :

Facteurs de décomposition des Etats ?

a. Facteurs de progression de l’intégration régionale

b. Facteurs de création d’Etats ( Sud Soudan), et de décomposition d’Etats ;


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Les États nations européens se sont largement constitués grâce à la guerre, selon l’adage :
« L’État fait la guerre, la guerre fait l’État. »
On peut, au contraire, considérer que les guerres africaines sont des facteurs essentiels de
décomposition des États et de sous-développement économique, non seulement en raison des
destructions des hommes ou des biens qu’elles entraînent, mais du fait de l’insécurité dans
laquelle se trouvent les agents économiques. Elles conduisent à généraliser les migrations et
les réfugiés. Elles participent de la prolifération des maladies telles le sida ; elles fragilisent
les droits de propriété ou restreignent l’accès aux services sociaux de base. Ainsi, les trappes à
conflit et à sous-développement s’auto-entretiennent.

L’Afrique peut-elle espérer sortir de la dépendance militaire occidentale et devenir son


propre gendarme ? l’Union Africaine tente de s’imposer depuis sa création en 2002, en
ressuscitant le mythe du panafricanisme. Afrique est de plus en plus associée aux opérations
de maintien de la paix des Nations Unies. Mais forces de l’UA sont parfois moins bien armées
que leurs assaillants.

Alors L’Afrique : le continent des guerres ?

​Existe-t-il un modèle de conflit africain ?


Comment qualifier la conflictualité qui existe en Afrique ? Sans doute le fait que les conflits y
associent et y combinent plusieurs éléments.
Tout d’abord, les conflits sont indissociables de l’économie du continent et en particulier de
ses ressources. Certains conflits sont en effet liés à la maîtrise des richesses minières, en RDC
ou en Centrafrique, ou pétrolières, à Cabinda. Parfois, il ne s’agit pas de conflits à
proprement parler, mais de violences liées à la criminalité organisée. C’est d’ailleurs un des
aspects des conflits irréguliers en Afrique que d’être menés par des combattants dont les
mobiles relèvent avant tout des logiques parasitaires de la mondialisation. S’il existe un
conflit en Afrique, c’est bien celui entre États et forces irrégulières, qu’elles prennent l’aspect
de milices islamistes, de combattants nationalistes ou de mafias. Leur durée et leur intensité
montrent les difficultés de certains États à être pleinement capables de s’imposer, faute de
moyens mais aussi parfois à cause des cas de corruption intérieure ou extérieure.

Les acteurs extérieurs au continent ont également un rôle de plus en plus important. Il peut
s’agir d’acteurs transnationaux nouveaux avec les mouvements islamistes radicaux depuis les
années 1990. Ils rencontrent les aspirations de certains mouvements locaux pour lesquels on
pourrait parler de modèle de conflit « glocal ».
Enfin se pose la question du règlement des conflits en Afrique. En effet, même si les paix
sont souvent des trêves et que certaines zones restent déstabilisées, il existe des exemples
de conflits relativement surmontés par la voie de négociations. En Côte d’Ivoire (accords de
Ouagadougou le 7 mars 2007) comme en RDC, des négociations ont été possibles, avec
toutes les limites qu’elles peuvent comporter. En Centrafrique, le Conseil national de
transition a rendu possible l’élection de Catherine Samba-Panza le 23 janvier 2014 comme
présidente destinée à chercher une voie de réconciliation. La présence de troupes de
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maintien de la paix est également un facteur qui contribue à faire cesser les conflits. Mais,
surtout, la multiplicité des acteurs permet souvent des négociations assez larges à l’issue des
conflits. Dans ces négociations, des acteurs traditionnels prennent souvent part : souverains
locaux, chefs religieux traditionnels de toutes confessions.
Ainsi, si l’Afrique donne souvent l’image d’un continent en guerre, elle est aussi le lieu où
émerge peut-être un modèle de règlement des conflits irréguliers.

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