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L’influence du patient sur le travail des soignants

et le dialogue social à l’hôpital


Christelle Havard, Christine Naschberger
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Dans @GRH 2015/4 (n° 17), pages 9 à 41
Éditions Association de Gestion des Ressources Humaines
ISSN 2034-9130
ISBN 9782807301160
DOI 10.3917/grh.154.0009

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-agrh1-2015-4-page-9.htm

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L’INFLUENCE DU PATIENT
SUR LE TRAVAIL DES SOIGNANTS
ET LE DIALOGUE SOCIAL À L’HÔPITAL
Christelle Havard
Enseignant-Chercheur en GRH
Univ. Bourgogne Franche-Comté
ESC Dijon-CEREN
christelle.havard@escdijon.eu

Christine Naschberger
Enseignant-Chercheur en GRH
Audencia Business School –
Rn’B Lab – Research Centre of Audencia & Centrale Nantes
cnaschberger@audencia.com

Résumé FR

Les organisations hospitalières françaises ont connu depuis une décennie de nombreux
changements. Ceux-ci ont souvent été justifiés par le souhait d’une plus grande effica-
cité économique, mais également par la volonté de mieux servir les patients. La place
et le rôle des acteurs ont été significativement redéfinis et ont contribué à transformer
certaines modalités du travail des personnels hospitaliers. Mais peu de recherches ana-
lysent ces changements à partir de l’influence du patient. Cet article propose d’analy-
ser la manière dont la présence du patient et sa représentation à l’hôpital modifient le
travail des personnels soignants et les modalités du dialogue social. L’analyse s’appuie
sur une grille de lecture articulée autour de deux cadres théoriques : la triangulation des
relations de travail et la régulation sociale de Reynaud. Une étude de cas exploratoire
menée auprès d’un établissement hospitalier confirme l’impact du patient sur le travail
du personnel soignant analysé par la littérature, et met en évidence les régulations qui
s’opèrent, au niveau opérationnel, entre les acteurs et par l’encadrement. Cette étude
montre également qu’au niveau de la gouvernance, les représentants des usagers font
progressivement leur place mais que le dialogue social entre les acteurs s’instaure diffi-
cilement au-delà des relations bilatérales.

Mots-clés
Hôpital, patient, personnel soignant, transformations du travail, dialogue social.
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Abstract EN

French hospitals have implemented many changes in their governance, organizational


design or management systems over the last ten years. These changes have been justi-
fied by improvements in economic efficiency but also in quality of care. The place and role
of concerned parties have been significantly redefined and lead to a modification of the
work conditions of hospital staff. The influence of patients and their impact has received
little attention from scholars. This article aims to analyze how the presence of the patient
and its representation within the hospital affect the work of hospital staff and the condi­
tions for social dialogue. The analysis is based on two theoretical frameworks: the tri-
angulation of labor relations and the social regulation theory of Reynaud. The results of
an exploratory case study of a hospital confirm the impact of the patient and highlights
the regulations which take place at an operational level between those concerned and
managers. The results also show that patients’ representatives are gradually present at
a governance level but that their influence on social dialogue seems to be difficult to
establish beyond bilateral relations.

Keywords
Hospital, patient, nursing staff, changes in work, social dialogue.

INTRODUCTION
Les organisations hospitalières ont connu depuis une décennie de nombreux change-
ments affectant leur configuration organisationnelle, leur système de gestion ou leur
mode de gouvernance. Ces changements ont souvent été justifiés par le souhait d’une
plus grande efficacité économique mais également par la volonté de mieux servir
les patients. Ces évolutions caractérisent de nombreux pays de l’OCDE (Castonguay,
Montmarquette, Scott, 2008 ; Allaire et al., 2014) mais nous nous intéressons ici plus
précisément au cas français. En France, les patients se sont vus en effet attribuer une
plus grande reconnaissance à travers le droit et la réglementation (Amar et Minvielle,
2000 ; Lopez et Remy, 2007) : un droit des patients s’est progressivement créé à partir
des lois de 2002 et s’est réaffirmé dans la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST)
en 2009.
Si les changements hospitaliers ont souvent été analysés (Claveranne, 2003 ; Nobre,
2011), rares sont les recherches qui les ont envisagés sous l’angle du patient (Sainsaulieu,
2005). Or, le patient prend une place de plus en plus importante dans les établissements
hospitaliers, et ce à deux niveaux. Au niveau des unités de soin, le patient manifeste
une présence plus soutenue, plus revendicative, aspirant à de nouveaux besoins. Cela
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contribue à modifier progressivement les conditions d’exercice du travail des person-
nels intervenant auprès d’eux, et en particulier, des personnels soignants. Au niveau de
la gouvernance hospitalière, les patients sont désormais représentés dans le conseil
d’admi­nistration devenu conseil de surveillance depuis la loi HPST (Stanton et Callu,
2008). Cette représentation leur donne accès à des informations sur les choix stra-
tégiques des établissements hospitaliers et leur permet d’influer dans une certaine
mesure sur ces choix. Indirectement, les représentants des patients peuvent influencer
les conditions d’emploi des personnels hospitaliers qui sont traditionnellement définies
par le cadre réglementaire, mais aussi par le dialogue social pratiqué au niveau des
établissements (Tallard et Vincent, 2010) – dialogue social entendu comme les relations
qui se nouent entre les partenaires sociaux (représentants des salariés et représentants
des employeurs) (Dufresne, Gobin, Maggi-Germain, 2014).
L’objectif de cet article est double. Il s’agit d’une part d’examiner comment les patients
qui interagissent au quotidien avec les personnels hospitaliers influencent les condi-
tions de travail de ces personnels (c’est-à-dire la manière dont les personnels exercent
leur activité). Nous limiterons notre analyse aux personnels soignants qui sont en effet
le plus souvent au contact direct des patients et de leur entourage, encore plus que le
personnel médical (Castel, 2005). D’autre part, il s’agit d’envisager comment la pré-
sence des représentants de patients au niveau de la gouvernance hospitalière modifie
les conditions du dialogue entre les parties prenantes que sont les représentants de
la direction de l’entreprise, les représentants des personnels et les représentants des
patients ou des usagers. L’arrivée des représentants des usagers amène en effet ces
trois acteurs à des jeux relationnels nouveaux.
Ces deux volets de l’influence du patient pourraient être traités indépendamment. En
effet, les patients considérés individuellement exercent une influence ponctuelle et cir-
conscrite sur le travail des personnels hospitaliers. Lorsqu’ils sont constitués en repré-
sentants, leur action est collective et opère à un niveau stratégique de l’organisation
hospitalière. Cependant, ces deux niveaux d’analyse ne sont en réalité pas complète-
ment disjoints. Premièrement, car les représentants des patients cherchent à maintenir
le lien avec les patients, en se rendant disponibles auprès des patients et en cherchant
à les représenter au mieux. Deuxièmement, ce qui se passe au niveau des unités de
soins dans la relation patient – personnel soignant est rapporté aux représentants des
patients mais aussi aux représentants des salariés via la ligne managériale soignante,
les deux niveaux ne sont donc pas déconnectés. Troisièmement, les conditions d’exer-
cice du travail soignant sont un des objets de discussion et de choix au sein des ins-
tances de gouvernance hospitalière, notamment des commissions paritaires (instances
du dialogue social entre la direction de l’établissement et les représentants des person-
nels). Toutes ces raisons nous amènent à traiter ces deux niveaux d’influence du patient
et de ses représentants dans un même article.
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La littérature traitant de la présence du patient dans les établissements s’est déve-
loppée au cours de la décennie 2000. Certains travaux montrent que les conditions de
travail des personnels s’en trouvent modifiées (Bercot, 2013), mais ils restent le plus
souvent descriptifs. Les effets sur les conditions de la gouvernance sont en revanche
peu traités. Après avoir brièvement présenté cette littérature, nous proposons un cadre
d’analyse qui repose sur la notion de triangulation et de régulation sociale. Ce cadre
permet de rendre compte à la fois de l’apparition du patient dans le jeu relationnel entre
les personnels et leur encadrement au niveau opérationnel, et au niveau stratégique
entre la direction de l’hôpital et les représentants des personnels.
Nous proposons ensuite d’analyser le cas d’un établissement hospitalier universitaire
auprès duquel une étude a été menée. Les résultats de cette étude montrent que les
conditions d’exercice de l’activité des personnels soignants sont significativement
affectées par les évolutions des comportements des patients dans les unités de soin.
En revanche, les modalités de la gouvernance et du dialogue social entre les parties
prenantes sont assez peu touchées par l’arrivée des représentants des usagers. Nous
discutons ensuite ces résultats à la lumière du cadre théorique retenu.

1. L’ÉVOLUTION DE LA PRÉSENCE DU PATIENT


DANS LES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS
ET SES EFFETS SUR LE TRAVAIL DES PERSONNELS
ET LES CONDITIONS DE LA GOUVERNANCE
Une abondante littérature en économie, sociologie ou management analyse l’influence
des clients sur les organisations (Benghozi, 1998 ; Beauquier, 2005 ; Gilbert, Rollet-
Crozet, Teglborg, 2014) et plus précisément sur le travail (Ughetto, Besucco, Tallard, du
Tertre 2002 ; Loos-Baroin, 2003 ; Juhle, 2006 ; Dietrich et Lozier, 2012 ; Schütz, 2014)
et, dans une moindre mesure, sur le dialogue social. En revanche plus disparates sont
les travaux qui analysent le statut et les comportements des patients à l’hôpital, et
les transformations que cet acteur amène dans le travail hospitalier et la gouvernance
hospitalière. Nous souhaitons faire ici une brève présentation de cette littérature sur
les organisations hospitalières avant de proposer une grille d’analyse de l’influence du
patient sur le travail et la gouvernance à l’hôpital.

›› 1.1. La représentation collective des patients et leur participation


aux instances de gouvernance hospitalière
Les ordonnances de 1996 puis la loi de 2002 imposent aux établissements hospitaliers
d’institutionnaliser la présence des représentants des usagers dans leur gouvernance
(Bréchat et al., 2010). Les représentants des usagers siègent désormais au conseil d’ad-
ministration de l’établissement, devenu le conseil de surveillance en 2009. Cet organe
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de décision se prononce sur les orientations stratégiques de l’établissement, exerce un
contrôle sur la gestion et la santé financière de l’établissement, délibère sur les ques-
tions organisationnelles et donne son avis sur la politique d’amélioration de la qualité,
de la gestion des risques et de la sécurité des soins. En y siégeant, les représentants
des patients peuvent ainsi participer à la définition des modalités de fonctionnement de
l’établissement hospitalier. Cependant, comme le prévoit la loi, ils ne sont pas impliqués
directement dans la négociation du projet social qui est négocié entre le directeur de
l’établissement et les organisations syndicales représentatives au sein de l’établisse-
ment (Tallard et Vincent, 2010). Cette nouvelle configuration offre toutefois la possibi-
lité aux représentants des usagers d’exprimer leurs opinions et d’influencer les choix
organisationnels qui ont des conséquences en matière d’emploi et de travail à l’occasion
de l’élaboration du projet d’établissement.
Par ailleurs, les représentants des usagers peuvent siéger dans plusieurs commissions
des établissements hospitaliers notamment la commission des relations avec les usa-
gers et de la qualité de la prise en charge (Bréchat et al, 2010). La participation des
représentants des usagers à ces commissions devait permettre selon le législateur
d’influer, même de manière marginale, sur la qualité de l’offre de soins, ce qui ne semble
pas avoir eu lieu selon le rapport de l’IGAS (2012). Ce rapport fait également état d’une
faible influence des usagers dans la prise de décision des établissements hospitaliers
face aux logiques professionnelles et structurelles. L’influence des représentants des
patients sur les règles sociales ne semble qu’être indirecte ; elle peut s’exercer via la
définition du projet d’établissement et via la définition de l’offre de soins et, selon les
établissements, de manière différenciée (Couty et Scotton, 2013).
Au-delà de l’institutionnalisation des usagers dans la gouvernance hospitalière, des
associations des patients ayant pour objectif de défendre collectivement les droits des
patients se sont progressivement constituées à partir des années 1970. Structurées
généralement par type de pathologie, elles occupent depuis une quinzaine d’années une
place croissante à la fois dans le système de santé globalement (Le Pen, 2009) mais
aussi au niveau des établissements.

›› 1.2. L’évolution des attentes et des comportements des patients


En même temps que les usagers se voyaient octroyer de nouveaux droits, leurs compor-
tements ont évolué. Du fait notamment de la Charte des droits du patient, les patients
sont mieux informés, sollicitent davantage les personnels hospitaliers et expriment plus
volontiers leurs attentes (Castel, 2005).
Grâce à la Charte, les malades peuvent faire valoir leurs droits et ne sont plus considérés
comme des agents passifs dans le processus d’hospitalisation. Ils ont désormais accès
à leur dossier médical, ceci leur donne un droit à l’information tant sur le diagnostic que
sur le pronostic. Depuis une quinzaine d’années, l’accès à l’information est également
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facilité par l’apparition de supports d’information largement distribués (presse médicale
spécialisée, classement des hôpitaux dans la presse générale, support Internet, etc.)
(Ghadi et Naiditch, 2001 ; Wyatt, Henwood, Hart, Platze, 2004).
Mieux informés et mieux formés également (Pierron, 2007), les patients ont des attentes
plus exigeantes d’informations concernant leur état de santé ou les traitements qui leur
sont dispensés. Ces exigences accrues amènent une modification profonde du rapport
au personnel hospitalier : d’un rapport de soumission à l’expert hospitalier et de pas­
sivité, le patient exerce davantage ses droits à une qualité de soins et réclame satisfac-
tion (Douguet, Munoz, Leboul, 2005). Il est même amené à opérer parfois des choix en
concertation avec les personnels médicaux et soignants sur les soins qu’il va recevoir
(Bungener et De Pouvourville, 2009 ; IGAS, 2012 ; Honoré, 2015). Le personnel hospita-
lier a désormais «des comptes à rendre» à ses patients, il se voit opposer une obliga-
tion de résultat, celle de satisfaire les aspirations des patients plutôt que d’assurer les
moyens d’une prise en charge correspondant aux critères techniques des professionnels
(Le Pen, 2009).
Cette possibilité de réclamation vis-à-vis des résultats de la prestation est facilitée par
les procédures de dépôt de plaintes auprès de la direction des usagers des hôpitaux et
par les recours juridiques. La Commission des relations avec les usagers et de la qualité
de la prise en charge qui a pour mission d’assister, d’orienter et d’informer toute per-
sonne qui s’estime victime d’un préjudice du fait de l’activité de l’établissement offre,
depuis la loi du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système
de santé, de nouvelles opportunités de réclamation pour les usagers.
Par ailleurs, le milieu hospitalier est confronté, comme d’autres services publics, à une
montée des comportements agressifs voire violents des patients (Mauranges, 2001 ;
Loriol, 2003) qui a des conséquences directes sur les conditions de travail, comme le
montre l’enquête de la DREES (Le Lan, 2006).

›› 1.3. Les transformations du travail des personnels soignants


Un certain nombre d’études en gestion et en sociologie mentionnent les transforma-
tions de l’activité des personnels soignants consécutives à l’évolution des comporte-
ments des patients.
Les exigences croissantes des patients rendent plus incertain ou aléatoire le travail des
personnels soignants. Comme le souligne Sainsaulieu (2006, p.79), «le patient est une
source d’imprévus inépuisable. Il change de lit ou de service, il change d’état (malade
ou non, grave ou léger), il change d’humeur ou de ton, d’exigence ou de besoin». Ce
caractère aléatoire du travail en relation avec le patient (Raveyre et Ughetto, 2003)
est amplifié par la rotation croissante des patients dont la durée du séjour est progres­
sivement réduite (notamment pour des raisons de coût) (Acker, 2005). Les aléas liés aux
patients viennent s’ajouter à d’autres aléas organisationnels de plus en plus nombreux
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dans les établissements hospitaliers, quel que soit le travail plus ou moins programmé
des personnels soignants (Micheau et Molière, 2014 ; Honoré, 2015).
La relation au patient à l’hôpital a toujours été un élément substantiel du travail des per-
sonnels hospitaliers (Goffman, 1968 ; Strauss, 1992). Mais différents travaux montrent
que cette relation est présentée de plus en plus comme essentielle aux yeux des per-
sonnels soignants, et placée au cœur de leur métier (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Acker,
2005 ; Douguet, Munoz, Leboul, 2005). Elle améliore l’engagement des personnels soi-
gnants (Avgar et al., 2011), elle contribue à donner du sens au travail soignant (Baret et
Robelet, 2010) et elle est constitutive de l’identité et de l’éthique professionnelle de ces
personnels (Micheau et Molière, 2014).
Cependant, paradoxalement, les personnels soignants peuvent consacrer quantitative-
ment moins de temps aux patients pour plusieurs raisons. Les personnels soignants ont
moins le temps de développer une relation de proximité avec les patients (Acker, 2005)
car la durée de séjour des patients s’est significativement raccourcie pour des raisons
budgétaires (Annandale, 1996). Ensuite, les personnels infirmiers doivent consacrer du
temps à noter et enregistrer informatiquement l’ensemble des actes réalisés, pour des
raisons de traçabilité et de sécurité médicale (Acker, 2005 ; Baret et Robelet, 2010).
Cette charge administrative est renforcée par la rotation des personnes hospitalisées
liée à la durée plus courte des séjours (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Sainsaulieu, 2006).
Les personnels soignants aspirent également à passer du temps de coordination entre
les différents acteurs intervenants auprès des patients (médecins, techniciens) afin
d’assurer au mieux la prestation de soins (Micheau et Molière, 2014). Enfin, le temps
accordé au patient a été réduit aussi du fait la mise en œuvre d’un aménagement-réduc-
tion du temps de travail au début des années 2000 qui conduit parfois les personnels
soignants «à courir d’un malade à l’autre» (Tonneau, 2004, p.10). Globalement, «aux
yeux des infirmières, c’est le temps passé avec et à l’écoute des patients qui devient
la variable d’ajustement» (Micheau et Molière, 2014, p.24), alors que cette relation aux
patients fait sens pour les personnels soignants et est constitutive de leur identité.
Cette mise en tension entre une aspiration à passer du temps auprès des patients (la
«part des soins relationnels» – Micheau et Molière, 2014, p.28) et les autres tâches
amène le personnel soignant à réaliser des arbitrages (Raveyre et Ughetto, 2003) et à
hiérarchiser les priorités (Acker, 2005). Lorsque cette mise en tension est mal régulée
par les personnels et leurs encadrants (Ruiller, 2012), elle peut être source de frustra-
tion (et même parfois de souffrance) (Loriol, 2003 ; Roques et Roger, 2004 ; Baret et
Robelet, 2010). «Ne pas avoir le temps de s’occuper de ses patients (…), c’est le sen-
timent profond que le métier perd de son sens et de son intérêt» (Micheau et Molière,
2014, p.28).
Le travail des personnels soignants se trouve ainsi modifié même si des spécificités
entre les types d’activité peuvent exister (Micheau et Molière, 2014) : une plus grande
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incertitude pèse sur le travail, et l’aspiration à être en relation avec le patient se trouve
en tension plus grande avec les autres dimensions du travail soignant.

›› 1.4. Triangulation et régulation : un cadre d’analyse de l’influence


du patient sur le travail et le dialogue social
Les travaux analysant les influences des usagers et patients sur le travail des person-
nels soignants et la gouvernance hospitalière peuvent être analysés à la lumière de
deux cadres conceptuels que nous articulons : la triangulation des relations de travail et
la régulation sociale. La triangulation permet de positionner le patient dans ses rapports
avec les personnels soignants, leurs encadrants, la direction hospitalière et les repré-
sentants du personnel et des usagers. La théorie de la régulation sociale de Reynaud
permet en complément d’analyser la manière dont se jouent les jeux entre ces différents
acteurs.
L’influence d’une tierce personne dans la relation de travail peut être analysée à travers
la notion de triangulation des relations de travail. Les situations de triangulation des
rapports de travail se manifestent par exemple lorsqu’un client intervient de manière
directe ou indirecte dans la relation salariale pour influencer le contenu du travail et les
conditions d’emploi d’un salarié (Sobczak, Rorive, Havard, 2008). Ces relations peuvent
être schématisées graphiquement à partir d’un triangle dont les extrémités représentent
les acteurs et les côtés représentent les relations entre les acteurs (Havard, Rorive,
Sobczak, 2006) (figure 1).

Figure 1. Les triangles des relations de travail et du dialogue social


dans une organisation hospitalière
Encadrement Direction

CONDITIONS
DU TRAVAIL
DIALOGUE
Patient SOCIAL Représentant
des usagers
Personnel
soignant et
autres
Représentant des
personnels
personnels
Niveau opérationnel Niveau institutionnel

Deux niveaux d’analyse peuvent être distingués.


–– Le premier niveau opérationnel concerne les conditions concrètes de travail et met
en scène : le personnel soignant qui réalise les soins avec d’autres personnels soi-
gnants ou non-soignants (médicaux, spécialisés ou techniques) ; l’encadrement qui
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détermine les actions à réaliser ; et le patient qui bénéficie des soins (comportement
passif) mais également qui exprime des attentes et peut juger des soins qui lui sont
prodigués – au moins en tant que profane – (comportement actif).
–– Le second niveau institutionnel fait intervenir la direction de l’hôpital, les repré-
sentants des personnels et les représentants des patients. Dans cette seconde
configuration, les acteurs exercent des fonctions de représentation et dans ce cadre
se joue le dialogue social entre les acteurs qui négocient les conditions d’emploi.
Au sein de chacune de ces relations triangulaires se nouent des jeux d’intermédiation et
de négociation qui permettent de réaliser les actions de soins ou de prendre des déci-
sions concernant la gouvernance hospitalière. L’analyse de ces jeux d’intermédiation
et de négociation entre les acteurs peut être approfondie à l’aide de la théorie de la
régulation sociale proposée par J.D. Reynaud (1997). Celle-ci met en lumière la manière
dont se créent et se transforment les règles dans les organisations. Le processus de
production et de transformation des règles, appelé «régulation», contribue à définir les
acteurs participant à l’élaboration, l’adoption et la transformation des règles (Reynaud
et Reynaud, 1994). Trois sources et formes de régulation sont identifiées : la «régulation
autonome», la «régulation de contrôle» et la «régulation conjointe».
La «régulation autonome» émane de l’action collective d’individus composant un groupe
social. La qualification autonome a été retenue par Reynaud (1988) pour montrer la
capacité des acteurs à affirmer leur autonomie à l’égard des autres acteurs qui tentent
de leur imposer des règles (Reynaud, 1999). Cette régulation peut donc être considérée
comme défensive, mais elle peut aussi traduire la volonté des acteurs de compléter des
règles considérées comme incomplètes ou partiellement inefficaces.
La «régulation de contrôle» émane de l’extérieur du groupe et cherche à orienter et
prescrire des comportements, à contrôler des zones d’autonomie des salariés (Reynaud,
1999). Cette régulation de contrôle est incarnée, dans les organisations, par l’encadre-
ment ou la direction mais pas seulement ; un groupe de médecins peut par exemple
exercer une régulation de contrôle à l’égard d’un groupe de personnels soignants à
travers les indications médicales qu’il prescrit sans qu’il n’y ait de relation hiérarchique
entre les médecins et les personnels soignants.
La rencontre de ces deux formes de régulation peut, dans certains cas mais pas toujours,
aboutir à une nouvelle règle faisant l’objet d’un accord (Reynaud, 2003). Cet accord
passe alors par un processus de négociation explicite ou implicite appelé «régulation
conjointe». La négociation collective entre représentants du personnel et direction est
une forme explicite de la régulation conjointe. Cependant, la rencontre entre des règles
autonomes et des règles de contrôle n’aboutit pas toujours à une régulation conjointe,
certaines règles se juxtaposent voire peuvent se concurrencer (Reynaud, 2003).
De nombreux travaux ont eu recours, depuis ces 30 dernières années, à cette théorie
de la régulation sociale pour analyser les situations de travail mais aussi les processus
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de négociation collective (de Terssac, 2003). Cependant, ces travaux ne faisaient pas
intervenir le destinataire des prestations comme un acteur potentiel de la régulation,
aux niveaux de l’analyse des conditions du travail des personnels en contact avec le
client (Borzeix, 2003) et dans leur intervention dans le dialogue social. Nous pensons
que ce cadre est pertinent pour examiner les formes de régulation qui s’opèrent au sein
des deux configurations de triangulation présentées ci-dessus.
Ainsi, nous souhaitons mobiliser ce cadre de référence pour analyser les transforma-
tions des conditions de travail et du dialogue social qui se sont opérées au niveau d’un
établissement hospitalier du fait d’une présence plus marquée des patients.

2. LE CAS D’UN ÉTABLISSEMENT HOSPITALIER :


DES EFFETS SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL MAIS
PEU D’EFFETS SUR LE DIALOGUE ENTRE LES ACTEURS
Une étude exploratoire menée auprès d’un établissement français hospitalier permet
d’analyser certaines évolutions du travail soignant et des conditions du dialogue entre
les acteurs hospitaliers. L’analyse de cet établissement spécifique met en évidence une
évolution significative des conditions de travail des personnels soignants, mais une
moindre évolution des conditions du dialogue social. Cela nous permet de revenir sur les
apports et les limites du cadre de référence retenu dans la première partie.
›› 2.1. Méthodologie et contexte de l’étude
Pour éclairer les évolutions du travail des personnels soignants et du dialogue social du
fait de l’influence des patients, nous avons choisi de mener une étude de cas explora-
toire. Cette méthode de collecte et d’analyse de données la plus utilisée en recherche
(Yin, 2008) présente en effet plusieurs avantages pour étudier notre objet. Tout d’abord
elle permet d’explorer des phénomènes qui sont difficiles à comprendre et multidimen-
sionnels (Yin, 2008). Notre objet fait intervenir plusieurs acteurs ayant des ancrages
et des visions différentes, et qui entrent en relation à différents niveaux de l’orga-
nisation. Par ailleurs, l’étude de cas exploratoire permet d’appréhender les contours
d’une recherche, d’ajuster les questionnements, voire de compléter une connaissance
existante (Siggelkow, 2007) et de révéler de nouvelles dimensions d’une réalité sociale
(Strauss & Corbin, 1998). Si certaines études existent sur les transformations du travail
des personnels soignants, peu d’études ont porté sur la perception par les représen-
tants des personnels hospitaliers des représentants des usagers et de leur influence.
Notre étude de cas vise notamment à explorer ce champ relativement peu abordé. Enfin,
l’étude de cas exploratoire a pour vocation à ouvrir des voies d’approfondissement à
d’autres recherches.
L’étude exploratoire a été réalisée dans un Centre Hospitalier Universitaire (CHU). La
capacité d’accueil de cet établissement était au moment de l’enquête de 3.077 lits
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 19
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et places par discipline médicale et l’effectif hospitalier totalisait 10 211 personnes,
1 826 personnes appartenant au corps médical et 8 385 personnes relevant du corps
non-médical (dont 5 974 personnels soignants et éducatifs). Le CHU était composé de
trois grands ensembles hospitaliers (deux lieux d’accueil de court séjour et un ensemble
dédié à la psychiatrie et au moyen séjour).
Cette étude exploratoire menée dans un laps de temps court (quelques semaines) s’ap-
puie sur un échantillon restreint d’entretiens semi-directifs menés auprès de personnes
représentant les acteurs identifiés dans notre cadre de référence, c’est-à-dire des repré-
sentants de la direction de l’hôpital et de l’encadrement, des représentants des patients
et des représentants du personnel soignant. Nous avons ainsi rencontré le directeur des
soins (DS), un cadre supérieur de santé, deux personnels soignants (une infirmière et une
aide-soignante), le directeur des ressources humaines (DRH), le directeur des usagers
et de la réglementation (DUR), trois représentants d’usagers (le trésorier de l’associa-
tion des usagers, la secrétaire ainsi qu’un membre qui effectue des «visites» régulières
auprès des patients) lors d’un même entretien, et cinq représentants syndicaux (trois
représentants de la Confédération Française Du Travail – CFDT – en un même entretien
puis deux représentants de la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière – CGT-FO
dans un autre entretien). Les contenus de ces neuf entretiens portaient sur les évolutions
récentes et les spécificités de l’établissement, les évolutions du travail des personnels
soignants (nature des relations avec les autres personnels, avec les patients), l’évolution
du comportement et des attentes des patients, les conditions du dialogue social entre les
représentants des salariés et ceux de la direction, la participation des représentants des
patients aux instances de la gouvernance hospitalière et aux instances consultatives, les
relations entre les représentants des usagers et la direction hospitalière. Nous avons le
plus souvent possible essayé de traiter l’ensemble de ces dimensions en les adaptant aux
personnes rencontrées. Ceci nous a permis de croiser les propos de plusieurs interlocu-
teurs lors de l’analyse des données. Ce croisement des données est rendu visible dans
les différents tableaux proposant des verbatim illustrant chacune des thématiques analy-
sées. Tous les entretiens d’une durée de 90 à 120 minutes ont été enregistrés, retranscris
et ont fait l’objet d’une analyse de contenu consistant en trois phases : une pré-analyse
pour identifier les différentes thématiques présentes dans les entretiens ; une étape
de catégorisation des éléments de réponse ; et une étape d’interprétation (Robert et
Bouillaguet, 1997 ; Cresswell, 2013). Ces données issues des entretiens ont été com-
plétées par l’analyse de documents fournis par l’établissement (projet d’établissement,
projet social, Charte des patients de l’établissement notamment).

›› 2.2. Résultats de l’étude


La présentation des résultats de l’étude de cas exploratoire privilégie dans un premier
temps les transformations opérées au niveau des conditions de travail des personnels
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soignants, car ce sont les plus significatives. Nous abordons ensuite les transforma-
tions plus mineures qui se sont produites au niveau de la gouvernance et du dialogue
social.

2.2.1. Des attentes davantage exprimées par les patients et des comportements
plus agressifs

Les différents témoignages recueillis au cours des entretiens montrent que les compor-
tements des patients ont évolué vers davantage d’exigences qu’ils font valoir auprès des
personnels soignants. Les patients, aux dires des représentants d’usagers et des per-
sonnels soignants et de leurs représentants, semblent mieux informés (voir tableau 1).
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de
santé a facilité l’accès à l’information médicale, mais les associations de malades ont
joué également un rôle d’information en incitant davantage les patients à réclamer des
explications sur leur état de santé et sur les soins qui leur sont prodigués. Les patients
sont aussi (comme d’autres citoyens) mieux formés et donc plus aptes à comprendre
les informations fournies par le personnel hospitalier, ils peuvent s’octroyer le droit de
contester les diagnostics médicaux et la manière dont ils sont soignés. Les patients
expriment donc plus clairement leurs exigences qu’ils ne pouvaient le faire auparavant,
celles-ci concernent essentiellement l’écoute et l’explication sur le diagnostic et les
soins. Ceci amène une modification du rapport entre les patients et les personnels soi-
gnants, les patients sont davantage acteurs de cette relation.
Les comportements des patients (et de leur entourage) ont également évolué vers
davantage de violence, dénoncée à plusieurs reprises par les représentants de la
direction et du personnel soignant. Des mesures visant à protéger les personnels
ont été prises par l’établissement (dispositifs techniques et humains de sécurité aux
urgences, ou des séances de formations visant à faire face aux situations de violence
par exemple). Malgré tout, les acteurs interrogés semblent se résigner à cette crois-
sance de la violence, un phénomène de société qui touche d’autres organisations de
service public.

2.2.2. Le travail des personnels soignants est mis en tension…

Les évolutions des comportements et des attentes des patients modifient les modalités
du travail exercé par les personnels soignants (voir tableau 2).
Le travail des personnels soignants est marqué par davantage d’incertitude et d’aléas.
Cette incertitude est liée à la rotation plus grande des patients comme l’a souligné la
littérature, mais aussi à l’hétérogénéité des acteurs (les patients, leur entourage, les
professionnels paramédicaux, les représentants du culte, …) évoluant dans l’établis-
sement hospitalier.
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Tableau 1. Extraits d’entretien sur l’évolution des attentes et des comportements des patients
Encadrants de santé Représentants des
Personnels soignants Représentants des patients
et direction RH personnels soignants
Les attentes et • «Les patients ont • «Les usagers dorénavant • «Il faut dire que le • «Les usagers connaissent mieux
les exigences plus de demandes, ils veulent être informés du patient a des droits. leurs droits, automatiquement, ils
des patients exigent plus de choses, diagnostic, des traitements, Des droits et des sont d’autant plus exigeants».
s’expriment peut-être plus de droits des conditions, ils veulent de devoirs comme le • «La loi, je pense, n’est pas passée
davantage et ils les connaissent plus en plus savoir quelles personnel a des droits inaperçue, demander son dossier
mieux, donc je pense conséquences aura leur et des devoirs vis-à- médical, des choses comme ça.
qu’ils les expriment». pathologie sur leur vie. Ils vis du patient» (CFDT) Je pense que le malade essaie de
• «Le patient a de plus attendent en quelque sorte un s’informer beaucoup plus. Il connaît
en plus pris sa place. pronostic» (cadre de santé). ses droits».
Maintenant il peut • «Si un malade me dit, ‘je n’ai pas
revendiquer, il est dans eu ci, je n’ai pas eu ça’, je lui dis
une société où il dit ‘eh bien, écoutez dites-le ! Si vous
qu’il a le droit à des n’avez pas compris, redemandez’».
choses, il a plus de • «Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait
demandes». un petit peu d’écoute de la part d’un
Les compor­ • «Il y a beaucoup • «L’hôpital était hier un lieu • «Il y a de l’agressivité, médecin, qu’un médecin prenne le
tements des d’agressivité. Le où on pouvait se sentir en notamment dans temps d’expliquer un traitement, de
patients et de manque de patience des sécurité. Aujourd’hui, on peut y certains services, prendre la personne un peu plus en
leur entourage gens fait qu’il suffit que sentir un climat de violence. Il y notamment aux considération».
sont plus quelqu’un soit agressif a de la violence en psychiatrie, urgences il y a plus • «Il y a 6 ou 7 ans le malade
agressifs à dans un service, un mais aussi aux urgences. (…) d’agressivité» (CFDT). subissait, il ne donnait pas son avis,
l’égard des patient ou quelqu’un du Malgré tout ce qu’on peut il avait peur, il prenait le médecin
personnels personnel, et la tension mettre en place ; les équipes pour la science. Maintenant
malgré les monte tout de suite, et de sécurité, on filtre à l’entrée. le malade sait qu’il a le droit
dispositions cela peut dégénérer très Mais malgré tout ça il y a une de demander. Et s’il n’est pas
prises vite». violence très forte» (DRH). d’accord et qu’il ne veut pas de tel
médicament, il peut refuser».
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital
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Les patients réclamant davantage d’information, d’explication et d’écoute aspirent à
une relation de plus grande proximité avec les personnels soignants. De même, les
personnels soignants (et leurs représentants) valorisent largement cette dimension
relationnelle de leur activité. La relation entre les soignants et les patients varie d’une
simple discussion avec le patient avec une relation parfois très proche des aides-soi-
gnants qui entrent en contact direct avec les patients. Les personnels soignants (infir-
miers) apportent aux patients des explications complémentaires à celles produites par
le corps médical et répondent ainsi aux attentes des patients.
Cependant, cette relation de proximité, attendue par les patients et valorisée par les
personnels soignants et leur encadrement, est paradoxalement parfois reléguée au
second plan selon les personnels soignants, la direction et les représentants des usa-
gers. Les personnels soignants passent ainsi moins de temps auprès des patients qu’ils
ne le souhaiteraient. Les charges administratives et la rotation plus importante des
personnels soignants du fait de la réduction-aménagement du temps de travail, comme
celle des patients du fait de la réduction des durées moyennes de séjour, limitent le
temps relationnel entre patients et soignants. Dans cet établissement enquêté, comme
dans d’autres selon la littérature, les personnels soignants et les patients font face à
une situation paradoxale et le travail des soignants est mis en tension, ce qui est parfois
source de frustration comme le souligne l’encadrement.

2.2.3. … rendant nécessaire un travail de régulation


Face à l’incertitude de l’activité des personnels soignants et à la mise en tension sur
la dimension relationnelle, les personnels soignants et leur encadrement cherchent des
solutions pour mieux répondre aux attentes des patients et ajustent leurs pratiques. Ces
ajustements formels et informels sont autant de formes de régulation de contrôle et
autonome qu’opèrent les personnels soignants et l’encadrement vis-à-vis des patients
(voir tableau 2).
Ainsi, lorsque les patients sollicitent des compléments d’information sur leur état de
santé, ils peuvent s’adresser aux personnels médicaux qui possèdent la compétence
et l’expertise sur cette dimension. Cependant, selon les personnels soignants et leur
encadrement, ce sont souvent les soignants qui fournissent des explications complé-
mentaires aux patients, et le font généralement bien. S’opère ainsi une régulation de
contrôle assurée par les personnels soignants à l’égard des patients. Cette régulation de
contrôle vient se juxtaposer à une autre régulation de contrôle qui stipule que seuls les
personnels médicaux sont aptes à transmettre les informations médicales. La coexis-
tence de ces deux régulations de contrôle est cependant acceptée par l’encadrement
qui reconnaît l’efficacité de la transmission des informations des personnels soignants
aux patients, et qui l’accompagne même. En effet, des formations sur l’accompagne-
ment relationnel sont dispensées aux personnels soignants.
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 23
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De même, l’encadrement et le personnel soignant cherchent à réduire l’incertitude
et le caractère aléatoire de leur travail du fait des interrelations avec les patients.
L’encadrement propose des règles de contrôle pour essayer de maîtriser les aléas de
la relation avec les patients en arbitrant parfois entre les demandes plus ou moins
prioritaires des patients (des besoins exprimés de bien-être et des besoins de sécurité
médicale). L’encadrement déclare adopter une posture d’écoute, et faciliter la mise en
place de conseil, d’aide ou de formation afin d’aider les personnels soignants à faire
face à ces situations délicates. Parallèlement à ces régulations de contrôle, les person-
nels soignants, en s’appuyant sur des échanges et partages d’expériences, créent leurs
propres règles autonomes leur permettant d’améliorer les conditions d’exercice de leur
travail et plus précisément de leurs relations avec les patients.
Face aux comportements d’agressivité et de violence de certains patients se développent
principalement des régulations de contrôle émanant de la direction et de l’encadrement.
Ainsi, dans les services d’urgence ont été mis en place des systèmes régulés de sécu-
rité (équipes et règles spécifiques de sécurité des personnes). Face à la violence qui se
développe dans les services psychiatriques sont mis en place des dispositifs particuliers
d’accompagnement des personnels hospitaliers (une cellule médico-psychologique, un
partenariat avec la médecine du travail ainsi que l’encouragement de la direction hospi-
talière à déposer plainte contre les comportements déviants des patients).
L’encadrement joue parfois un rôle d’arbitre entre les attentes provenant des patients et
celles des personnels soignants. Il peut même intervenir le cas échéant pour prévenir ou
pour gérer un conflit. Cette forme de régulation de contrôle s’exerce à la fois à l’égard
des personnels soignants et des patients.
Enfin, une certaine régulation peut s’exercer réciproquement de la part des patients
sur les personnels soignants lorsque les dispositifs de mesure de la qualité de service
(à travers des questionnaires de satisfaction) et de dépôts de plaintes se développent
dans l’établissement dont ont pris conscience les personnels soignants. Cette forme de
régulation de contrôle externe (Borzeix, 2003) oblige les personnels soignants à rendre
des comptes sur leur travail.

2.2.4. Des patients représentés dans des associations et dans la gouvernance


hospitalière
Comme dans tous les centres hospitaliers, l’établissement enquêté a mis en place
la Charte du droit des patients et introduit les représentants des patients au sein du
conseil d’administration, devenu conseil de surveillance. Mais l’établissement a égale-
ment facilité la participation des représentants des usagers à des commissions et aidé
les diverses associations de patients à se constituer en une fédération. Ces facilités
permettent aux représentants des patients d’exercer une certaine influence sur les déci-
sions prises au sein de l’établissement (voir Tableau 3).
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Tableau 2. Extraits d’entretiens sur l’évolution du travail des personnels soignants
• Personnels soignants • Encadrants de santé et direction des soins
Le travail des • «Avec mes collègues en psychiatrie, • «On est dans un métier où il y a de l’aléa (…). Chaque jour peut se ressembler comme
personnels nous passons la plus grande part il ne se ressemblera jamais surtout dans les endroits où les patients vont tourner très
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soignants est de notre temps avec les patients, je rapidement» (encadrant).


plus incertain dirais plus de 75 % de notre temps. • «Ici, on a quand même beaucoup de populations à gérer : on a les gens qui travaillent,
Ils sont toujours là ils ont des on a les familles, on a les patients, ça fait beaucoup ! il y a beaucoup de choses qui se
demandes». passent et il faut être très réactif» (direction des soins).
La dimension • «Ce que j’aime dans ce métier c’est • «L’information que délivre le personnel soignant reste souvent de bonne qualité par
relationnelle qu’au niveau des soins, il reste rapport à l’attente du patient. C’est une relation que je qualifierais de très proche.
revêt une proche du patient dans le sens où Quand vous faites du soin, quand vous touchez à l’intimité du patient, vous faites des
plus grande on nous a appris à ne pas faire mal toilettes, des pansements, vous rasez les gens dans des parties très intimes. Moi, ce
importance… à un patient, on nous a appris à que je qualifierais ce sont des relations très intimes parce qu’on est proche du corps de
faire un soin qui soit le plus rapide l’autre» (encadrant).
possible, vous voyez où il y a cette
espèce de rapprochement entre le
patient et nous» (infirmière).
… mais • «Prise en charge globale du patient, • «L’infirmière passe plus rapidement dans les chambres. Elle doit noter dans son
est parfois être à l’écoute, ça c’est le discours. poste de soin, donc elle passe moins de temps avec les patients. L’accompagnement
reléguée au Mais par exemple en psychiatrie, psychologique du patient est aujourd’hui moins bien fait. Aujourd’hui, on forme les
second plan on distribue les médicaments à personnels à ça… Ils sont formés, mais ils n’ont pas le temps» (direction des soins).
25 patients à la file indienne». • «Ce sont les infirmières qui coordonnent l’action de tous les acteurs autour du patient.
C’est le médecin qui prescrit un certain nombre de choses, les infirmières sont
chargées de la mise en œuvre de cette prescription, elles participent à ce travail»
(direction des soins).
• «Lorsque les personnels ne peuvent consacrer de temps à un patient et qu’ils ont
le sentiment que le patient était en attente, pour eux c’est très frustrant. Il y a un
paradoxe qu’ils ont du mal à gérer et ça, ces situations-là après elles sont génératrices
de souffrance parce qu’ils estiment qu’on ne répond pas à l’attente des usagers»
(encadrant).

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Un travail de • «Au niveau de notre métier on est • «Les demandes les plus importantes des patients restent sûrement sur la qualité de
régulation souvent là, on a un rôle propre mais l’information et en règle générale ce n’est pas les personnels soignants qui informent
nécessaire on est souvent là pour expliquer le moins bien. Je pense que c’est le corps médical qui a le plus de progrès à faire.
pour faire face ce qui se passe pour le patient. Un L’information que délivre le personnel soignant reste souvent de bonne qualité par
aux évolutions relais entre le médecin et le patient rapport à l’attente du patient» (encadrant).
du travail pour lui expliquer la pathologie, • «Il me semble que les gens qui travaillent dans les unités, quelle que soit la hiérarchie,
pourquoi il a mal. Pourquoi on ne va travaillent comme tout être humain à vouloir construire de la sécurité, ils veulent de la
pas lui faire mal, lui expliquer des sécurité alors qu’on est dans un environnement assez mouvant, avec des patients qui
examens, des choses comme ça. bougent, des patients qui effectivement ont changé notre société et qui expriment»
Parce que de plus en plus au niveau (encadrant).
des médecins, des cadres, ils ont • «Les agents doivent maîtriser leurs relations avec les patients et veulent maîtriser
un langage que les familles ou les les aléas. Le cadre aussi veut maîtriser tous les aléas, or ce n’est pas possible»
patients ne comprennent pas. Nous (encadrant).
on est un trait d’union d’explications • «Autrefois quand un patient bousculait un personnel, on disait, c’est un malade. Il
entre les deux» (infirmière). y avait un certain respect pour le malade. Aujourd’hui, on considère que ce n’est
pas normal. On va dire : puisque c’est comme ça, je le déclare. Certains personnels
déposent des plaintes… Donc nous on les accompagne dans ces situations» (direction
des soins).
• «Dans ma position d’encadrement, j’essaie d’accompagner les cadres de santé,
j’essaie d’avoir une bonne écoute» (encadrant).
• «Les personnels expriment ce qu’ils veulent des conditions de travail et les patients
expriment davantage leurs attentes mais du coup bien évidemment, ce n’est pas facile
à gérer parce qu’avant c’était plus facile quand on avait des gens qui étaient muets
comme des carpes. D’un côté comme de l’autre mais maintenant ils ne sont plus muets
et donc effectivement, il faut apprendre à gérer ce dialogue» (encadrant).
• «Nous, on intervient comme des personnes ressources. S’il y a conflit, on va prendre la
gestion du conflit et on va aider à le gérer» (encadrant).
• Les personnels soignants «ont l’habitude maintenant que les patients remplissent les
questionnaires, ils ont l’habitude d’avoir à gérer des lettres de plaintes et donc ils ont
parfois le sentiment que dès qu’un patient écrit, effectivement on va demander des
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital

comptes» (encadrant).
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Dès la fin des années 1990, dans le cadre de l’application de l’ordonnance de 1996,
l’établissement a intégré deux représentants des usagers au sein du conseil d’adminis-
tration siégeant avec des élus et des représentants des personnels hospitaliers. Ces
représentants des usagers étaient initialement choisis parmi des membres d’associa-
tions d’usagers qui souhaitaient s’investir davantage. Progressivement la direction a
institutionnalisé le processus d’installation des représentants des usagers au sein du
conseil d’administration devenu conseil de surveillance. Les représentants des usagers
ont ainsi l’occasion comme les autres membres d’exprimer leur avis et de voter.
Parallèlement, la direction a invité les représentants des patients à participer à diffé-
rentes commissions consultatives et groupes de travail mis en place par l’établissement.
Ainsi les représentants des usagers siègent à la commission des appels d’offres, à la
commission visant à améliorer la qualité de la prise en charge des patients, à des com-
missions paritaires, ou participent à des groupes de travail pour contribuer par exemple
à l’élaboration du projet d’établissement.
Enfin, la direction de l’hôpital a encouragé en 2002 les associations de patients à se
regrouper au sein d’une même entité, l’Espace des Usagers. Cette unité rassemblant
des patients individuels et des associations de santé a pour objet d’abord d’être à
l’écoute des patients, de faire remonter les avis des patients auprès de la direction, et
de faire valoir les intérêts des patients.
Cette fédération des associations des usagers permet d’asseoir la représentativité
des personnes représentant les patients et de faciliter les échanges entre représen-
tants des usagers et direction de l’établissement. En effet, les associations d’usagers
récoltent les avis des patients à travers les plaintes qui sont déposées par leur intermé-
diaire, mais aussi par des pratiques d’écoute mises en place à travers les «visiteurs ou
visiteuses» qui sont des personnes passant dans les unités de soins et se mettant à la
disposition des patients pour recueillir leurs avis sur les prestations, ou simplement pour
échanger. Au-delà de ce contact direct avec les patients, les représentants des usagers
ont également la possibilité d’accéder aux plaintes déposées auprès de la direction des
usagers et de la réglementation pour prendre connaissance des avis (négatifs dans ce
cas) des patients. Ces retours des patients (directs et indirects) sont ensuite transmis
par les représentants des usagers à la direction de l’établissement.

2.2.5. … leur permettant d’exprimer leur avis et parfois d’influencer


les décisions
Forts de cette connaissance des attentes et évaluations des patients, les représentants
des usagers peuvent exercer une certaine influence sur les décisions prises au sein de
l’établissement (voir tableau 3). Celle-ci est possible à travers différents moyens et
instances.
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 27
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Tout d’abord, dans le cadre du conseil d’administration puis de surveillance, les repré-
sentants des usagers ont la possibilité de voter et d’exprimer leurs avis. Mais, selon
les représentants des usagers interrogés, ces avis s’échangent davantage en amont
des conseils avec la direction des usagers et de la réglementation que pendant les
conseils. Ainsi les représentants des patients peuvent exercer une certaine influence
sur la direction de l’établissement. Mais réciproquement, la direction de l’établissement
peut, selon nos interlocuteurs, influencer la vision des représentants des patients qui,
sensibilisés aux enjeux organisationnels et financiers de l’établissement, peuvent orien-
ter leurs votes. Ceci peut représenter ainsi une régulation conjointe informelle entre les
représentants des patients et la direction.
La participation aux diverses commissions et groupes de travail permet par ailleurs aux
représentants des usagers de défendre les intérêts des patients et d’exprimer leurs avis
sur des projets ou à l’occasion de décision. Ainsi, les représentants des usagers peuvent
contribuer à la création de supports de communication à destination des patients sur
des pathologies par exemple. Cette contribution est révélatrice d’une véritable régula-
tion conjointe, la création d’une règle de manière conjointe, même si elle est circonscrite
à un outil de communication. Par ailleurs, un des représentants des usagers nous a
précisé qu’il avait la possibilité de donner son avis lors des commissions paritaires sur
les évaluations et les promotions des personnels non-médicaux. Les représentants des
patients ont même été associés à une commission disciplinaire au cours de laquelle ils
se sont exprimés quant à la rupture du contrat d’un personnel soignant ayant commis
une faute. Leur avis a été écouté, même si le décisionnaire était la direction de l’établis-
sement. Les deux situations décrites par les représentants des usagers montrent que
ces derniers avaient la possibilité d’influencer les décisions en matière de gestion des
ressources humaines prises en commission paritaire ou disciplinaire. S’il ne s’agit pas
complètement d’une forme de régulation conjointe associant la direction de l’établisse-
ment, les représentants des personnels et les représentants des patients, ces derniers
peuvent exercer une certaine régulation de contrôle externe en donnant leur avis pro-
venant des patients aux instances décisionnelles de l’établissement. L’influence est à
nouveau réciproque car à l’occasion de ces commissions, les représentants des usagers
déclarent comprendre mieux les enjeux et les spécificités des prestations de l’hôpital,
ceux-ci peuvent ainsi être intégrés lorsqu’ils expriment leur avis. Cette influence est
d’ailleurs reconnue par les représentants des patients interrogés qui ont déclaré être
devenus des «usagers professionnels».
Les formes de régulation mises en évidence ici concernent principalement des régulations
conjointes informelles qui s’opèrent entre les représentants des patients et la direction
hospitalière. Une régulation conjointe à trois comprenant également les représentants
des patients est plus exceptionnelle (lors des commissions paritaires par exemple).
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Tableau 3. Extraits d’entretiens relatifs à la représentation des patients dans les associations et la gouvernance
hospitalière
Représentants de la direction (DUR, DRH, DS) Représentants des patients
Les • «Depuis avril 96 dans les établissements de • «C’est vrai que le directeur des usagers et de la réglementation nous
@GRH • 17/2015

représentants santé publique et privée au sein des conseils a très bien aidés, il nous a vraiment bien introduit dans ce système».
des patients d’administration il y a des représentants des • «On a des réunions avec [le directeur des usagers et de la
participent usagers. Ces représentants des usagers au départ réglementation], on regarde avec lui le cas avant d’aller au CA, et
au conseil étaient choisis par la DASS, choisis dans des après on vote en CA. Mais vous imaginez les CA des fois ça dure,
d’administration associations» (DUR). 2 ou 3 heures, si chaque administrateur intervenait! Donc on voit
(ou de ça avant et puis on vote. (…) S’il y a quelque chose qu’on n’a pas
surveillance) compris on appelle le directeur des usagers pour savoir ce qu’il en
pense, qu’est-ce qu’on peut voter».
• «On commence à bien connaître le système, on est dedans on vit
dedans, on est peut-être moins objectifs sur certaines choses,
participant au conseil d’administration, quand on voit certaines
demandes que l’on peut faire par rapport à l’association, et quand
j’entends au Conseil d’Administration qu’on demande du matériel
médical qui vaut X millions d’euros, on dit que c’est plus important
que ce qu’on demande. Quand on voit le prix, l’enveloppe elle est
ce qu’elle est, il faut faire avec. C’est là où je commence à être
déformée parce que s’il faut faire des choix.»
Création d’une • «Quand on a demandé aux usagers de participer à la • L’objectif de l’association des usagers est «d’écouter,
fédération des réflexion sur le nouveau projet d’établissement, ils d’accompagner, d’informer, de tenir compte des demandes des
associations ont souhaité créer une fédération qui rassemblait les usagers, toutes les demandes, tous les problèmes, de transmettre
d’usagers différentes associations présentes autour du CHU. auprès de la direction du CHU, toutes les réflexions, les
On a largement soutenu cette idée et on a facilité réclamations, les plaintes et d’essayer de trouver avec les usagers
sa création en mettant à leur disposition un espace une réponse adaptée à notre situation… «.
pour qu’ils puissent s’installer» (DUR).

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La participation • «On a créé des focus groupe usagers qu’on réunit • «En Septembre, octobre 2001 à la demande de la Direction du CHU
des régulièrement. Ils peuvent exprimer leurs avis sur et des représentants des usagers, le CHU a souhaité qu’un groupe
représentants différents projets. C’est dans ce cadre qu’on a d’usagers soit présent pour participer à l’élaboration de son projet
des usagers sollicité les usagers pour participer à l’élaboration d’établissement 2003/2007».
à différentes du projet d’établissement» (DUR). • «Quand on lit les plaintes on voit tout. Après on va dans des
commissions • «Dans la commission de formation continue, il y réunions, on dit il y a une plainte».
leur permet a à la fois des échanges et des avis donnés, des • «On participe à certaines commissions, comme c’est un droit en
d’exprimer négociations, les représentants des usagers pareil. tant qu’administrateur du CHU. Il s’agit des commissions paritaires,
leur avis et Des groupes de travail avec les usagers sont formés. des commissions d’appels d’offres, plus largement de certaines
d’influencer Cette semaine j’ai travaillé sur la préparation de la commissions où les représentants des usagers sont présents».
dans une prochaine accréditation dans un groupe de travail • «Je participe à des groupes de travail dans l’amélioration de la
certaine mesure comprenant des usagers» (DS). qualité, pour l’accréditation».
les décisions • «Ils sont là pour donner leur avis en tant qu’usagers, • «On participe aussi à l’élaboration de documents d’information
ils attendent de l’information sur l’hôpital» (DS). pour les usagers, concernant un examen, concernant l’information
pour une pathologie. C’est très technique et il y avait plusieurs
patients qui pataugeaient. Il faut adapter les informations écrites à
l’usager incompréhensibles par tout le monde. (…) Donc on travaille
beaucoup sur ces fiches d’information».
• «En tant que représentant des usagers dans un CHU, on donne
notre avis parce qu’on est à l’écoute des malades (…). J’ai eu
l’opportunité de rentrer dans les commissions paritaires, ce
n’est pas rien! C’est-à-dire les gens qui sont évalués lors des
commissions paritaires, on enlève un point ou on en remet un. Je
trouve que c’est bien de savoir que cela se passe comme ça».
• «C’est un personnel soignant qui avait fait une faute et qui a été
licencié et c’est vrai que j’avais dit j’ignore ce que la direction va
voter pour la réintégration du personnel, pour moi c’est non. Donc
même si c’était dans mon idée à moi, on ne l’intègre pas».
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital
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2.2.6. Mais le dialogue entre représentants du personnel et représentants


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des patients reste difficile et limite l’élargissement du dialogue social
L’entrée des représentants des patients dans la gouvernance de l’établissement a
apparemment marqué les esprits des différentes parties prenantes (voir Tableau 4). Si
les représentants de la direction considéraient comme légitime leur présence dans les
instances de gouvernance hospitalière, les représentants des usagers reconnaissent
qu’une certaine réticence à leur égard s’est exprimée au moins au début. Ils recon-
naissent que cette réticence continue d’exister de la part des représentants des person-
nels. Pourtant, au sein des commissions qui sont des espaces d’échange direct avec les
personnels, il semble, selon eux, que leur participation soit acceptée.
De leur côté, les représentants du personnel reconnaissent que les patients sont repré-
sentés au sein du conseil d’administration. Mais les représentants du personnel font
une distinction entre les patients qui s’expriment dans les services et qui sont donc
hospitalisés, et les représentants des usagers de l’hôpital. La légitimité de cette repré-
sentation est donc questionnée à demi-mot par les représentants CFDT mais explicite-
ment contestée par la CGT-FO. Celle-ci considère la participation des usagers au conseil
d’administration comme une «intrusion» dans les affaires qui concernent normalement
la direction de l’établissement et les représentants du personnel. Les représentants des
usagers constituent, aux yeux des représentants du personnel, plutôt une menace dans
l’équilibre des pouvoirs entre la direction et les représentants du personnel car, selon
les représentants du personnel, les représentants des usagers sont influencés par la
direction et suivent ses orientations.
Cette méfiance se traduit également par le fait que les représentants du personnel ne
manifestent pas le besoin de rencontrer ou de travailler avec les représentants des
usagers. De leur côté également, les représentants des usagers n’expriment pas non
plus le besoin de rencontrer les représentants du personnel en dehors des instances de
gouvernance.
Pourtant, les représentants des personnels et des usagers pourraient se rejoindre car ces
deux acteurs collectifs défendent a priori la qualité des soins apportés au patient. Ainsi, il
est arrivé parfois que les représentants des personnels mobilisent les représentants des
usagers pour défendre les intérêts du personnel en matière d’insuffisance d’effectifs ou
d’amélioration de la qualité des soins. Mais ces tentatives ayant conduit à des échecs,
les représentants syndicaux estiment ne pas avoir besoin des représentants des usagers
pour défendre la qualité des soins à l’hôpital. De même, les représentants des usagers
se contentent de défendre les intérêts des patients et préfèrent rester neutres. Les deux
acteurs se limitent donc à la défense de leurs intérêts respectifs et ne s’engagent pas
véritablement dans un dialogue, et encore moins dans une forme de régulation conjointe.
Cette absence de dialogue entre les représentants des personnels et des usagers ne
contribue donc pas à l’ouverture du dialogue social engagé entre les représentants des
personnels et la direction de l'hôpital. Les relations s'étaient pourtant apaisées au cours
des dernières années grâce à une volonté affirmée de la direction de promotion du
dialogue social.
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Tableau 4. Extraits d’entretiens relatifs aux relations entre les membres de la direction, les représentants des personnels
et les représentants des patients interrogés
Représentants de la direction Représentants des personnels Représentants des patients
Percep­ • «L’établissement a été • «Les patients ont une représentativité au CA» (CFDT). • «Avec le recul je pense qu’on est vraiment bien
tions des anticipateur sur la place • «Le patient qui est à l’hôpital ne peut pas être dans intégrés par la direction de l’établissement.
pa­tients de l’usager parce que les les instances. C’est un représentant des patients. On Au début il y a eu un peu de réticences, mais
lors de leur associations ont été regroupées, est bien d’accord, c’est quelqu’un qui est valide, ce maintenant, ça fait partie de la culture».
arrivée on leur a donné des moyens, ils n’est pas quelqu’un d’hospitalisé» (CFDT). • «Il y avait des réticences du personnel par rapport
dans les sont entendus, ils sont dans des • «Les représentants des usagers, que j’aime bien à nous parce qu’ils ne voyaient pas ce qu’on venait
ins­tances groupes de travail. Donc ça je entre parenthèses, je ne vois pas ce qu’ils font faire dans leurs affaires. Pour s’intégrer, il a fallu
hospita­ trouve que c’est bien» (DRH). dans un conseil d’administration. Alors ça peut être passer par la petite porte, faire la petite souris, ne
lières • «Les usagers qui participent par très bien sur le papier. C’est vrai que l’usager c’est pas brusquer les choses et finalement on a fini par
définition sont des personnes bien, il faut des représentants des usagers, mais bien nous accepter».
coopérantes, bienveillantes… euh les décisions par contre, quand ils les prennent • «De toute façon, pour les représentants du
Quelqu’un qui décide de ils obéissent simplement au vote du président du personnel, les représentants des usagers, je ne
s’associer et de participer, conseil d’administration» (FO). pense pas que cela représente grand-chose».
n’est pas quelqu’un qui est • «Il y a un gros danger, c’est qu’en fin de compte,
en opposition. On a de bons aujourd’hui on s’aperçoive que le représentant des
rapports. Ce ne sont pas des usagers à la limite on l’amène à dire que ça va bien
rapports d’opposition» (DRH). pour dire que les hôpitaux vont bien» (FO).
Pas vérita­ • «On n’est pas très en lien avec les patients en • À la question «pourriez-vous nous dire s’il a y un
blement de fait (…) on ne les rencontre pas pour travailler dialogue entre les représentants du personnel et
dialogue ensemble» (CFDT). les représentants d’usager-patients et comment
entre les • «Moi je suis allé trouver le représentant des usagers se passe-t-il ?», un représentant des patients a
représen­ quand on a eu des problèmes à la maison de retraite. répondu : «Nous, on défend le malade».
tants des J’avais demandé au représentant des usagers de • «On s’occupe seulement du patient et pas du tout
personnels venir avec moi pour voir le problème des personnels, du personnel. C’est le rôle des syndicats, il est
et les ils ont pris bonne note, et puis après au vote, ils ont hors de question de mélanger les deux. On est une
repré­sen­ voté contre nous» (FO). association, on est autonomes, indépendants, on
tants des • «Par rapport au personnel, qu’est-ce que devraient n’est pas rattachés au CHU, bien que travaillant
patients faire les usagers, ils devraient dire il manque beaucoup pour l’amélioration de la qualité de la
du personnel ! Que disent les représentants des prise en charge des patients, effectivement on
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital

usagers ? Non» (FO). apporte notre avis d’usager, on reste autonome».


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›› 2.3. Discussion, limites et perspectives de recherche
Cette étude de cas exploratoire confirme certains résultats avancés par la littérature
concernant les évolutions des comportements et attentes des patients (Le Lan, 2006 ;
Pierron, 2007 ; Bungener et De Pouvourville, 2009 ; IGAS, 2012), les transformations du
travail des personnels soignants qui y sont liés (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Acker, 2005 ;
Douguet, Munoz, Leboul, 2005 ; Sainsaulieu, 2006 ; Baret et Robelet, 2010) et l’entrée
des patients dans la gouvernance hospitalière.
Notre étude souligne toutefois le rôle important que jouent le personnel soignant et l’en-
cadrement dans la régulation des tensions que peuvent vivre les personnels soignants
devant arbitrer entre des attentes plus explicitement formulées par les patients et les
autres contraintes de leur activité. Des formes de régulation de contrôle sont mises
en œuvre par les personnels soignants à l’égard des patients lorsqu’ils viennent préci-
ser des informations médicales. Les personnels soignants développent également des
formes de régulation autonome afin d’améliorer les conditions d’exercice et de réduire
les aléas et l’incertitude pesant sur leur activité, du fait de la diversité des attentes
de certains patients. L’encadrement développe également de nombreuses formes de
régulation de contrôle à l’égard des personnels soignants et des patients afin de faire
face à l’agressivité de certains patients, de réduire l’incertitude de l’activité soignante
en relation avec les patients, et d’arbitrer entre les contraintes organisationnelles et
les attentes renforcées des patients. Ainsi que le soulignaient Detchessahar et Grévin
(2009, p.28), les évolutions et contraintes croissantes que connaissent les personnels
soignants rendent nécessaire «la régulation locale du travail, qui consiste notamment
en des arbitrages répétés entre les tâches, par les acteurs, afin de produire des accords
locaux et révisables qui leur permettent – pour un temps – de faire le travail». Les enca-
drants jouent un rôle primordial dans ce travail de régulation de l’activité soignante
(Dumas et Ruiller, 2012 ; Bercot, 2013).
Ces régulations qui s’opèrent au niveau de l’activité des personnels soignants au contact
des patients peuvent être considérées comme des régulations «ordinaires», au sens où
les définissent Reynaud et Richebé (2007, p.17), des régulations qui permettent aux
acteurs «de se coordonner et d’agir ensemble au quotidien» (voir figure 2). Dans l’éta-
blissement étudié, ces régulations «ordinaires» se font principalement de manière bila-
térale (entre deux catégories d’acteurs) et se juxtaposent. Aucune régulation conjointe
engageant les trois parties n’a cependant été identifiée. Cependant, ces situations
existent probablement ainsi que Strauss (1992) l’a décrit à travers les processus de
négociation explicite et implicite entre les médecins et personnels soignants d’une part,
et les patients d’autre part. Bercot (2013) montre ainsi dans une étude concernant les
blocs opératoires que des mécanismes de régulation conjointe locale peuvent se jouer
entre les personnels soignants et les personnels médicaux, à propos des contraintes
aléatoires qui doivent être gérées pour les patients. Nous pouvons par ailleurs faire
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 33
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l’hypothèse qui serait à vérifier dans une étude ultérieure que les équipes soignantes
aspirant au maintien de l’importance et de la valorisation de la relation soignant-soigné
pourraient s’associer aux patients pour faire valoir cette relation de proximité. Ainsi, il
s’agirait d’une régulation conjointe qui s’exercerait entre le personnel soignant et les
patients à l’égard de l’encadrement et de la direction.

Figure 2. Les régulations «ordinaires» qui s’opèrent au niveau opérationnel

Encadrement

Régulation de
Régulation de contrôle
contrôle
CONDITIONS
DU TRAVAIL
Patient

Régulation
autonome Personnel Régulation
soignant de contrôle

Par ailleurs, à un niveau institutionnel, notre étude de cas exploratoire montre que, mal-
gré la présence des représentants de patients dans la gouvernance hospitalière (conseil
de surveillance et les nombreuses instances consultatives), le dialogue ne s’élargit pas
aux trois parties (direction de l’hôpital, représentants des salariés et représentants des
usagers). Il ne semble pas se dégager de régulation conjointe informelle ou formelle
car des relations de méfiance subsistent entre les représentants des personnels et les
représentants des usagers.
Mais l’institutionnalisation des patients au sein du conseil de surveillance et de certaines
commissions ou groupes de travail peut être considérée comme un premier pas vers une
reconnaissance, au moins de la direction à l’égard des représentants des patients. La
reconnaissance mutuelle par les acteurs de leur existence et de leur légitimité est effec-
tivement une des premières étapes de la régulation conjointe (Reynaud 2005). Mais ce
n’est pas la seule, au-delà de la reconnaissance de légitimité, il faut que les acteurs
expriment une intention réelle de confronter les intérêts et de chercher une forme de
compromis. Ce qui n’était pas le cas au moment de l’enquête puisque les tentatives par
les représentants du personnel de mobilisation des représentants des patients lorsqu’il
s’agissait de défendre le déploiement de moyens (notamment en effectifs) pour mainte-
nir une qualité de soins réclamée par les patients, ont échoué. Nous pouvons supposer
que le temps, voire d’autres tentatives initiées par la direction ou par les représentants
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des personnels, pourraient ouvrir des possibilités de régulation conjointe (identifiées
dans la figure 3) qui pourraient aller au-delà de la «régulation conjointe standard», c’est-
à-dire celle qui s’opère entre la direction et les représentants des personnels. Les ins-
tances de ce dialogue sont créées, il faut maintenant que les acteurs entrent dans le jeu
de régulation. Cela suppose cependant que les représentants des usagers acquièrent
une réelle légitimité aux yeux des représentants des personnels, que des opportunités
de compromis se présentent, et que les acteurs expriment leur volonté de dialoguer.
Ainsi que l’a tenté l’établissement étudié au début des années 2000, l’élaboration du
projet d’établissement pourrait être une bonne opportunité pour ce dialogue social
élargi et cette régulation conjointe triangulée.

Figure 3. Les possibles régulations conjointes d’un dialogue social «triangulé»


au niveau institutionnel
Direction de l'hôpital

Régulation
conjointe Régulation
standard conjointe
triangulée
Représentants
des usagers
Représentants
des personnels

Cette étude présente certaines limites qui tiennent notamment aux conditions de col-
lecte des données. Notre étude s’appuie uniquement sur des entretiens de face-à-face
avec un individu ou trois individus (pour les représentants des patients et pour les repré-
sentants du personnel). Nous n’avons pas eu l’opportunité de réaliser des observations
des situations de travail des personnels soignants, ni des lieux d’échange entre les
acteurs au niveau de la gouvernance hospitalière (le conseil de surveillance) et des
commissions associant les représentants des usagers. Ceci a grandement limité notre
capacité à repérer les régulations conjointes aux deux niveaux d’analyse.
Par ailleurs, notre échantillon d’acteurs interrogés est relativement restreint ce qui nous
a conduits à qualifier cette étude de cas d’exploratoire. Nos résultats sont très liés aux
spécificités du contexte de l’établissement et représentent davantage des pistes de
recherche à creuser. Cependant, il nous semble que la théorie de la régulation sociale
dans une perspective triangulée offre des perspectives de recherche intéressantes pour
analyser l’influence du patient à l’hôpital.
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 35
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Enfin, notre étude a cherché à couvrir les catégories d’acteurs pertinentes pour notre
objet ; à savoir les personnels soignants et leur encadrement, la direction des res-
sources humaines et la direction des usagers, et les représentants des personnels et
des usagers. Cependant, l’acteur médical n’a pas été interrogé, ni au niveau opération-
nel de l’activité de soin (ou ordinaire de la régulation), ni au niveau institutionnel de la
gouvernance. Pourtant cet acteur médical est bien au cœur de l’activité hospitalière
avec le personnel soignant (Glouberman et Mintzberg, 2001). Il est présent auprès du
patient dans son activité médicale (cure) aux côtés des personnels soignants (care). Et
l’acteur médical est représenté à travers le président de la Commission Médicale d’Éta-
blissement, au niveau de la gouvernance et dans les diverses autres commissions ou
groupes de travail et projets. Il est donc un réel interlocuteur vis-à-vis des patients à ces
différents niveaux, ce qui élargit d’autant les interactions et fait passer la configuration
à quatre acteurs au lieu de trois (voir figure 4). Notre étude n’a donc pas examiné ce
niveau de complexité faisant intervenir les quatre acteurs. Cette perspective nécessi-
terait un niveau et une méthode d’investigation beaucoup plus ambitieux articulant des
entretiens et des observations. Au-delà de la complexité de la méthodologie que sup-
poserait l’analyse des régulations entre ces quatre acteurs, on peut faire l’hypothèse (à
vérifier) que l’influence du patient pourrait être moindre face au pouvoir d’influence que
pourraient exercer le corps médical, le personnel soignant et la direction (voir figure 4).
Figure 4. Les régulations possibles dans une configuration à quatre acteur

Cadres de Direction de Représentants


soins Médecins l'hôpital des médecins

Personnels Représentants
Patients des personnels Représentants
soignants
soignants des patients

Niveau opérationnel Niveau institutionnel

CONCLUSION
L’objectif de cet article était de montrer, à travers une étude de cas exploratoire, com-
ment les patients pouvaient modifier, à travers leurs interactions avec les personnels
soignants au niveau opérationnel, le travail de ces derniers et, au niveau institutionnel,
à travers leur participation à de nombreuses instances de la gouvernance, influencer les
conditions du dialogue.
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La revue de littérature proposée a mis en évidence des recherches sur l’influence du
patient sur les conditions de travail des personnels soignants ainsi que des recherches
sur la présence des représentants des usagers dans la gouvernance hospitalière. Pour
aller au-delà de ces deux champs de recherche et analyser l’influence du patient aux
deux niveaux, nous avons proposé un cadre d’analyse mobilisant la triangulation des
relations de travail (au niveau des conditions de travail et du dialogue social) et la théo-
rie de la régulation sociale (celle-ci permettant de mettre en lumière la manière dont les
acteurs coordonnent leurs interactions et créent des règles). Cette grille de lecture est
ensuite utilisée pour analyser la situation d’un établissement hospitalier à travers une
étude de cas exploratoire.
Les principaux résultats confirment certaines idées avancées par la littérature mais
montrent également le rôle des régulations opérées par l’encadrement et le person-
nel soignant au niveau opérationnel (ou ordinaire). Au niveau institutionnel, quelques
indices montrent la capacité pour les représentants d’usagers de donner leur avis à
l’occasion de leur présence en conseil de surveillance et de plusieurs commissions ou
groupes de travail. Mais il ne s’opère pas réellement de dialogue, et aucun véritable
mécanisme de régulation entre les représentants des usagers et les représentants des
personnels ne se développe car la légitimité des représentants des usagers n’est pas
encore suffisamment reconnue par ces derniers.
Malgré des limites liées au caractère exploratoire de cette étude, celle-ci montre, du
point de vue de la recherche, les perspectives de recherche prometteuses qu’offre la
triangulation des régulations pour analyser à la fois la régulation ordinaire opération-
nelle et la régulation collective institutionnelle. Cette recherche pourrait même s’élargir
au personnel médical. Du point de vue professionnel, cette recherche rappelle le rôle
primordial que joue l’encadrement dans la coordination et la médiation des relations
entre les personnels et les patients, essentiel à la bonne conduite de la prestation de
soins. Elle souligne également la volonté forte de la direction d’installer les représen-
tants des usagers dans la gouvernance de l’hôpital, au-delà de l’obligation légale. Mais
pour qu’un véritable dialogue puisse s’instaurer entre les acteurs, la reconnaissance de
l’acteur usager par les représentants du personnel est indispensable. Celle-ci est pos-
sible si la direction de l’établissement et les représentants des usagers le souhaitent
réellement à des fins d’amélioration du fonctionnement hospitalier, ainsi que le sou-
lignent Couty & Scotton (2013).
L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital 37
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