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La relation client

Hors service?
Michèle Paulin
Dans Gestion 2008/4 (Vol. 33), pages 41 à 47
Éditions HEC Montréal
© HEC Montréal | Téléchargé le 07/09/2023 sur www.cairn.info par MAGDIEL NERIJA KOUAO via Institut Universitaire d'Abidjan - IUA (IP: 160.155.250.40)

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ISSN 0701-0028
DOI 10.3917/riges.334.0041

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DOSSIER : RELATION CLIENT

La relation client
hors service?
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L’auteurE
I La désintégration de la relation client
Michèle Paulin Tant que les gens ont contribué à l’échange de biens et de
services par le troc, qui est un bon procédé, la relation client
garantissait le chiffre d’affaires. Cette relation était basée sur
l’honneur et le respect des principes fondamentaux de l’échange
économique et social. Le protocole impliquait l’obtention de

L
bénéfices mutuels. Le client était une raison d’être pour l’en-
a prémisse de cet article est de souligner, comme le treprise et la communauté. La confiance et l’engagement
titre l’indique, que dans la majorité des échanges étaient au cœur de la relation client pour permettre à l’offrant et
entre les clients et les organisations (privées et publi- au receveur d’acquérir leur crédibilité. Cette attitude stimulait
ques), le service est devenu soit inexistant, soit non l’innovation et la créativité et donnait la valeur de la réputation
fonctionnel. Brady (2000) insiste sur la médiocrité du dans le marché et la communauté.
service. Les données sur l’indice de la satisfaction du client
Cependant, depuis les vingt dernières années, on assiste
appuient cette affirmation (Lovelock et al., 2008 : 361-362).
au phénomène généralisé de la désintégration de la relation
Cette situation découle en grande partie de la myopie des
client dans la prestation de service. Contrairement à ce que les
entreprises qui se lancent à très court terme dans une course
gestionnaires pensent souvent, le client n’est pas dupe. L’entre­
aux «mauvais» profits aux dépens des «bons» profits qui sont
prise considère le client comme une ressource permettant de
réalisés avec la loyauté du client dans le temps (Reichheld,
générer un profit à court terme. C’est le «rendement» à tout
2006).
prix. Les dimensions sociale et relationnelle sont graduellement
Dans la première partie de l’article, quelques exemples éliminées de la stratégie de service. Ce culte de l’efficience
illustrent comment le «service» à offrir au client est remplacé amène souvent à conclure que des expressions telles que «le
par la «servitude» du client. Dans la deuxième partie, il est service à la clientèle» et «nous avons à cœur vos intérêts»
indiqué que cette désintégration de la relation client est en n’ont plus de sens, et l’utilisation de cette terminologie devient
partie causée par le transfert ou l’abandon de la volonté et ironique. Ainsi, nous observons la transformation du service à
même de l’obligation d’assurer le service. Dans la troisième offrir en servitude du client. Les entreprises ont en fait ajouté
partie, la logique dominante du service (Lusch et Vargo, 2007; le «service» à titre de commodité, comme on additionne un
Vargo et Lusch, 2004, 2008a, 2008b) est présentée comme une nouvel objet à une offre pour en maximiser le profit et l’utilité,
alternative pour réintégrer au cœur de la stratégie de l’organi- la rentabilité à court terme, la rationalisation des effectifs et la
sation le service dans la relation client. Finalement, dans la productivité (Lusch et al., 2008). La relation est devenue compri­
quatrième partie, à l’aide d’une liste d’interrogations pratiques, mée dans un étau où le client doit «obéir» sans broncher et
le gestionnaire peut poser son diagnostic personnalisé sur suivre les directives. À titre d’exemple, pour compenser
l’état de la relation client au sein de son organisation. l’inexistence du service à la clientèle, les compagnies inven-
tent «l’expérience client» sans en comprendre le sens. Derniè­
rement, une compagnie aérienne a nommé un vice-président
responsable de l’expérience client. Où est la valeur de l’expé-
rience quand il n’y a plus de service?

Des millions de consommateurs sont ainsi piégés dans des


Michèle Paulin est professeure au département de marketing de l’École
de gestion John Molson à l’Université Concordia. systèmes fermés. Alors que les institutions et les dirigeants

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ont le pouvoir et le devoir d’agir, le blâme est souvent jeté sur gomme le bon sens. Gross Stein décrit ce phénomène par
la personne en contact avec les clients ou sur son supérieur rapport au service public canadien qui s’est détérioré depuis
immédiat. Il semble y avoir une forte présomption non pas vingt ans en appliquant à la lettre cette notion d’efficience (au
d’innocence mais de concertation pour «laisser faire» au lieu moindre coût) dans plusieurs secteurs d’activité. On retrouve
d’agir, à moins qu’il n’y ait de scandales médiatiques (si le média le même phénomène aux États-Unis. Les récentes élections
n’est pas acheté par les responsables). Le tableau 1 illustre cette américaines ont mis en relief le désastre lié à la désintégration
désintégration, laquelle se manifeste dans plusieurs secteurs des responsabilités de l’État dans la gestion de services et de
de l’économie, que ce soit le secteur public (l’éducation, la biens publics et les conséquences directes et indirectes sur la
santé et autres services gouvernementaux comme la protection performance de la société et de l’économie américaines,
de l’environnement, le transport, la protection du consommateur, c’est-à-dire sur le transport, les infrastructures, l’éducation, la
le contrôle de la qualité dans le domaine de l’agroalimentaire) santé et la sécurité nationale.
ou le secteur privé (le transport aérien, les télécommunica-
La justification de l’efficience peut aussi se trouver dans la
tions, les cabinets d’experts-conseils, les grandes surfaces de
«mondialisation» ou dans la «liberté de choix individuel». En
commerce de détail, les institutions financières et les compa-
fait, l’efficience est catastrophique à plus ou moins long terme
gnies d’assurances).
parce que le modèle comprime des personnes (le client indivi-
duel, le client représentant d’entreprise, l’employé, le membre
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i Le culte de l’efficience et le transfert
de l’obligation d’assurer le service
Le culte de l’efficience (Gross Stein, 2001) transforme le
de la communauté locale) dans un ensemble mécanisé où l’on
favorise la standardisation des systèmes et des processus
sans en mesurer l’efficacité, laquelle consiste à bien faire pour
la bonne raison. Le social est dissocié de l’économique alors
client (et la personne en contact avec le client) en objet que qu’il est à la base de l’échange. On est donc prêt à vendre le
l’on gère comme un bien au lieu d’y voir un être humain ayant savoir et le savoir-faire, à monopoliser la hausse des prix entre
des dimensions sociale, culturelle et émotionnelle. Ainsi, on concurrents par des ententes déloyales, à spéculer sur les biens
essentiels à la vie, à expatrier les expertises critiques acquises
à la suite d’années de recherches et d’éducation. Cette situa-
tion est fort éloignée d’un développement durable, écologique
et éthique. Le modèle dicte les règles du marché et place les
Tableau 1

individus et la collectivité dans un état de vulnérabilité et de


Lorsque la servitude du client prime précarité sans précédent parce que les premiers touchés sont
sur le service au client : illustrations les clients (individus, entreprises, institutions publiques) qui
font partie d’une communauté. La crise financière – pour pren-
• Des passagers sont retenus dans un avion pendant plusieurs dre un exemple parmi tant d’autres – démontre que les mar-
heures sans information, sans eau, sans possibilité de se chés échappent à tout contrôle, sans que les réglementations
déplacer, et le pilote n’a pas l’autorisation d’accéder à une soient appliquées et suivies par les autorités locales, régiona-
passerelle. les, nationales et internationales.
• Des patients d’un hôpital attendent dans les corridors, des
Sous le prétexte de la rationalisation, plusieurs entreprises
étages sont «fermés» pour cause de contrôle des coûts.
ont cimenté leurs mécanismes et leurs systèmes de gestion.
• Des clients perdent temps et argent à tenter de faire corriger D’abord, elles se sont départies de leurs premiers clients, les
des erreurs (produit ou service), alors que le personnel employés loyaux, pour ne plus avoir la responsabilité de payer
compétent a été mis à pied.
des assurances, des salaires décents et des avantages sociaux.
• Les clients voient leurs frais bancaires augmenter de 30 % Maintenant, elles se libèrent de leur obligation d’assurer le
à 40 % alors que 80 % des services sont électroniques et service; ainsi, la prestation de service et la relation client sont
ne coûtent que quelques sous par transaction. considérées comme des coûts directs, que l’on transfère à
• Les clients son liés à des contrats de services téléphoniques des intermédiaires et finalement au client. Consciemment ou
mobiles alors qu’on vante la «souplesse» et la «flexibilité». inconsciemment, les dirigeants d’entreprise délaissent les
• Les clients paient pour les services qui autrefois étaient actifs «intangibles» qui prennent de la valeur avec le temps.
inclus et attendus dans le prix. Voici quelques exemples du malaise de l’efficience dans le
• Les clients sont bombardés par le télémarketing, leurs infor- service et la relation client : la sous-traitance et la déresponsa-
mations personnelles ont été vendues à une tierce partie bilisation de la qualité du service au client; la vente de données
sans leur consentement. confidentielles à de tierces parties; la prolifération d’intermé-
diaires du service; la gestion standardisée du service.
• Les clients ne sont pas couverts par leur assurance vie sur
leur maison hypothéquée après avoir payé des primes La sous-traitance
pendant des années, et ce, parce qu’un examen médical
(que 90 % des personnes effectuent) n’a pas été rapporté La sous-traitance ne nuit pas toujours à la création d’un bon
à l’origine. service. Que ce soit dans les pays en émergence ou locale-
ment, c’est une pratique courante de sous-traiter la gestion
• Les clients suivent les recommandations des institutions
comptable et des comptes clients, les services informatiques,
financières d’acheter des produits opaques qu’elles-mêmes
les plans et les devis d’ingénieurs, la gestion des ressources
ne comprennent pas.
humaines, les réparations, la sécurité, le nettoyage, l’alimenta-

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tion, le contrôle de l’hygiène et autres services. Cependant, il soit pour l’achat d’un billet d’avion ou d’un appareil ménager
arrive qu’une distance à la fois physique, psychologique, fonc- ou électronique, l’entreprise n’a pas vraiment de service de
tionnelle (utilitaire), émotionnelle et culturelle se crée entre le réparation ou de service de prévention. Ces «assurances»
principal interlocuteur, les intermédiaires et le client. constituent en fait pour l’entreprise une façon de parer aux
imprévus causés par la «température» ou par la chaîne de
À moins d’une législation précise et d’une vigilance admi-
sous-traitants et d’augmenter rapidement ses profits. Le client
nistrative continue, les «normes» d’industries sont basées sur
achète une garantie de service. Pour lui, l’épreuve consiste à
le coût de revient plutôt que sur les labels de la qualité garantie
mettre en pratique cette garantie! Combien de temps perd-on,
de l’expérience client, de la sécurité réelle du client, du respect
comme client, à retourner un objet parce qu’il présente une
de l’équilibre socioéconomique de la production et du prix
défectuosité? Qui n’a pas déjà ressenti de la frustration ou de la
équitable. Le client a peu de recours et il n’a pas la capacité à se
colère après avoir tenté de se faire entendre par une personne
faire entendre. Dans le cas du retrait de jouets dans la compo-
qui connaît peu les politiques ou les systèmes de l’entreprise?
sition desquels entraient des matières toxiques, une compa-
gnie a blâmé les fabricants chinois alors que la responsabilité
La gestion standardisée du service
première revient aux gestionnaires qui n’ont pas été assez
vigilants en ce qui a trait à la coordination, à l’éducation aux Dans le cas de l’usine de service, l’échange «virtuel» pose
normes de qualité et de surveillance entre la production et la un problème d’engagement, de confiance, de connaissance et
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consommation. La variable «contrôle de la qualité» a été plus de compréhension entre les parties, soit le client et l’entre-
ou moins appliquée et elle l’est selon les législations. Cette prise de service. Ces entreprises sont préoccupées essentiel-
distance géographique et psychologique crée des coûts indi- lement par le volume de consommation. Elles ne considèrent
rects qui ne sont pas évalués dans l’immédiat, comme les pas les coûts (fatigue, stress, frustration, travail en double, temps
coûts de santé publique, le manque de planification sur le plan d’apprentissage) qu’elles imposent au client. Celui-ci ne peut
de la gestion des crises, les erreurs techniques et humaines, que partager sa piètre expérience pour décourager les clients
le stress et le bruit, le travail mal fait ou fait en double, les potentiels. Les usines de service standardisent les processus
malentendus ou la perception de l’image négative. en utilisant les concepts du secteur manufacturier mis au point
par les ingénieurs : zéro défaut, approche six sigma et livraison
La vente de données confidentielles juste-à-temps. Le contact direct avec l’employé est progressi-
vement remplacé par la machine. Que ce soit pour se plaindre
Bon nombre d’entreprises pratiquent la vente à de tierces
ou pour obtenir le service final, le client devient «compétent»
parties de l’information relative aux clients (les particuliers ou
afin d’économiser du temps et d’être efficace, sinon il subit la
l’entreprise). Cette vente d’actifs fait mousser les profits à
contrainte du système qu’on lui impose, à moins qu’il n’y mette
court terme et le vendeur est libéré de ses engagements
un peu d’humour…
«moraux» vis-à-vis de ses clients «loyaux». Il peut aussi se
départir de ses obligations légales d’employeur face au per- Le phénomène de la tortue se manifeste par la lenteur des
sonnel qui assurait le service au client. Le nouvel acquéreur processus. «Nous avons à cœur vos intérêts, et pour exprimer
est une entité légale indépendante qui n’est pas tenue d’appli- votre opinion ou formuler une plainte, adressez-vous à notre
quer la stratégie dictée par l’ancien propriétaire. Cet acquéreur système en ligne.» Le client franchit lentement les obstacles
s’intéresse à la comptabilité des bénéfices (ressources tangi- avant d’obtenir un message standardisé dans un jargon d’avo-
bles) accordés au client. La loyauté et la fidélisation sont ainsi cat. La demande est traitée souvent dans des délais inaccep-
vidées de leur sens et remplacées par la valeur «économique» tables : «Nous avons à cœur votre demande qui sera traitée
au sens strict. Le client ne reçoit plus de «service», mais des d’ici les trois prochains mois»; entre-temps, le client doit assu-
points négociés pour des biens ou toute autre forme de mer les coûts… Ou encore : «Notre système est actuellement
«récompense». Le client qui ne «rentabilise» pas sa loyauté en panne; veuillez rappeler un peu plus tard.» Autre variante :
voit ses privilèges expirer! Ainsi, le client loyal devient une «Nous estimons que votre attente sera de 15 minutes… ou
ressource à exploiter au maximum. plus.» Quant au phénomène du chat dans la gorge, il symbo-
lise la complexité de la reconnaissance de l’autre : «Répétez
La prolifération d’intermédiaires du service votre nom afin que notre système enregistre votre empreinte
Autrefois, on achetait une marque parce qu’on faisait confiance auditive.» Si le client a la grippe, des problèmes d’élocution ou
au produit et au service. Aujourd’hui, la marque de commerce un handicap quelconque, il devient un produit malformé qu’il
est d’office remise en question. On assiste à la prolifération de faut éliminer du système. Le phénomène de l’escargot illustre
«centres d’appels» et de «spécialistes du service à la clien- le labyrinthe de l’architecture technique du service : «Si vous
tèle». Ces intermédiaires sont en fait des tampons entre l’entre­ désirez X, tapez 1, si vous désirez Y, tapez 2.» Le client doit
passer à travers une série d’options et d’«offres de produits
prise et le consommateur. Ils récupèrent de facto les erreurs,
nouveaux» pour régler son problème et avoir accès à un indi-
les plaintes et les omissions. Ces centres sont souvent éloi-
vidu lorsque cela est possible! L’objectif est de gérer les files
gnés sur le plan géographique. Les personnes en contact avec
d’attente téléphoniques et de diminuer le temps d’appel pour
le client ont en général peu de connaissances sur le contexte
décourager le client, lui vendre tout et rien sans vouloir connaî-
réel et peu d’autorité pour agir et aider le client. Elles servent
tre ses véritables besoins.
«statistiquement» à réduire les «bruits» du client et à diminuer
les coûts d’exploitation de l’entreprise qui se vante d’avoir un Certaines compagnies font des efforts pour servir le client,
service à la clientèle. Dans un autre type de créneau, on voit mais ce phénomène n’est pas généralisé, loin de là. Les ges-
apparaître les assurances pour un service après-vente. Que ce tionnaires ne comprennent pas que les files d’attente, le manque

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d’écoute et la complexité des processus sont en fait très oné- Heureusement, les chercheurs en marketing ont récemment
reux pour le client qui accumule frustrations, pertes de temps tourné leur attention vers la correction de ces lacunes (Lusch
et d’argent. Ce client n’attend qu’une occasion pour changer et Vargo, 2007; Vargo et Lusch, 2004, 2008a, 2008b). Ces
de fournisseur. Sa confiance est en fait constamment mise à auteurs ont élaboré les principes de la logique dominante du
rude épreuve : le produit est retiré de la vente pour des raisons service (tableau 2). Le marketing est décrit comme ayant tra-
de toxicité ou de défaut de fabrication, le service promis n’est versé trois phases : prendre les biens et les services au marché,
pas celui qui est reçu (c’est-à-dire financer pour développer faire la mise en marché aux segments de clients, et mainte-
l’économie, assurer pour protéger, prendre les intérêts du nant faire la mise en marché avec les clients et les partenaires
sinistré, transporter en toute sécurité, éduquer pour l’avenir, (Lusch et al., 2007). Cette évolution se juxtapose au change-
soigner en ayant à cœur les intérêts du patient). ment de paradigme vers le relationnel de la logique dominante
Qui est responsable de la coordination nécessaire pour bien du service plutôt qu’à la logique transactionnelle de la domi-
servir le client, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entreprise? nante du produit (Lusch et Vargo, 2007; Vargo et Lusch 2004,
Qui devient garant de la qualité du produit et du service? Quels 2008a, 2008b). La logique dominante du service propose une
sont les rôles des secteurs privé et public? Quels sont les vision différente pour examiner les phénomènes des échan-
recours des clients lorsque le produit ne fonctionne pas, se ges sociaux et économiques.
brise ou se détériore? À qui revient la gestion de la qualité des La logique dominante du service offre aux organisations
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composantes ou qui assume l’éthique quant à l’application des une raison d’être, un guide afin qu’elles réintègrent la relation
droits de la personne et au respect de l’environnement? Qui a
client au sein de leurs préoccupations stratégiques. Dans la
la responsabilité d’édicter et d’appliquer les règles entourant
logique dominante du service, l’échange est le processus qui
les bons procédés? Qui s’occupe des problèmes de facturation
permet de faire les choses pour et avec les autres plutôt que
et en assume les erreurs administratives? Qui veille à ce que les
d’échanger des unités, tangibles ou intangibles, comme dans
valeurs du marché ne dominent pas celles de la communauté?
la logique transactionnelle de la dominante du produit (Vargo et
Qui érige les principes directeurs pour assurer un équilibre
Lusch, 2008b). Les principes du «service pour service» et de la
entre l’économie et le développement social (l’une n’excluant
création mutuelle de valeur rendent les échanges interaction-
pas l’autre)?
nels, collaboratifs et relationnels (Vargo et Lusch, 2004, 2008a).
Certains organismes gouvernementaux et médias veillent La philosophie de la logique dominante du service s’articule
à renseigner et à protéger le consommateur; par exemple, au autour de l’engagement à la collaboration et du développement
Québec, il y a notamment l’Office de la protection du consom- des processus (Lusch et al., 2007). Le client, le partenaire et
mateur, la revue Protégez-vous et l’émission La facture. Tou- l’employé sont des ressources et des investissements qui
tefois, ces institutions sont fragilisées par le manque de budget produisent des innovations et prennent de la valeur avec le
et le désengagement des politiques, lesquels sont influencés temps, plutôt que des ressources à exploiter, à utiliser pour
par l’appât du gain, les pressions qu’exercent les grandes entre­ obtenir des bénéfices immédiats et à jeter par la suite.
prises et le prétexte selon lequel le privé (dans une approche
de libéralisme économique pur dépourvu d’éthique et du res- Certaines organisations de renommée mondiale mettent
pect de la communauté) gère mieux! Les événements récents en pratique les principes de la logique dominante du service.
suggèrent tout autre chose. Citons quelques exemples parmi d’autres : le groupe Virgin,
Amazon.com, Starbucks, la clinique Mayo, l’hôpital Shouldice,

i
la MAIF (mutuelle et acteur de l’économie sociale en France), les
La logique dominante du service et
la réintégration de la relation client
Que faut-il faire pour que les universitaires, les chercheurs

Tableau 2
et les gestionnaires prennent conscience de l’importance éco-
nomique et sociale de la relation client? Pour qu’ils acquièrent le Principes de la logique dominante du service
respect de soi et de l’autre et mettent en pratique une gestion
éthique et le sens de la responsabilité en tant que membres
• Le service est à la base de tous les échanges (directement
d’une communauté? On parle de valeurs humaines, on dit qu’il
ou indirectement à travers les biens).
faut faire les choses pour les bonnes raisons sans avoir en tête
uniquement l’approche opportuniste. Ainsi, comment peut-on • L’échange est par définition relationnel et orienté vers
le client.
simplifier la vie de milliers de clients qui n’attendent que l’occa­
sion de vanter le service exceptionnel qu’ils ont expérimenté? • Le client et l’entreprise créent de la valeur à travers
Pour cela, il faut amorcer un virage qui requiert une remise en la réciprocité des services.
question de la culture de l’entreprise, de sa direction, des objec­ • L’entreprise fait une proposition de la valeur, mais c’est
tifs et des mesures concernant la recherche mécanique du le client qui l’actualise.
moindre coût. Mieux servir n’engendre pas nécessairement • La valeur est déterminée uniquement par le client à travers
des coûts supplémentaires. En fait, bien faire et éliminer les son expérience du service.
erreurs causées par le dysfonctionnement du service permet
• Les personnes et le savoir sont des investissements suscep­
d’éviter la perte de clients représentant les revenus futurs.
tibles de s’accroître, plutôt que des dépenses à exploiter, à
Comment réaliser des bénéfices pour les actionnaires sans
utiliser ou à consommer.
exploiter les autres (les clients, le personnel, les partenaires et
la communauté) et sans nuire à l’environnement? Source : Adapté de Vargo et Lusch (2004).

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magasins Apple, les compagnies aériennes Southwest Airlines très engagé parce qu’il est fier de contribuer au bien-être des
et Singapour Airlines. Il y a également des petits commer- patients et œuvre au sein d’une organisation de classe mon-
çants, des entreprises et même certains organismes gouver­ diale (Paulin et al., 2006).
nementaux qui réussissent à se tailler une place sur le marché
GE Money3 est une entreprise qui offre des services finan-
grâce à la qualité de la relation client, à un bon produit et à un
ciers aux individus et aux entreprises. Simon Smith, le directeur
bon service. Ces organisations ont en commun le fait qu’elles
commercial Europe, Moyen-Orient et Afrique de GE Money,
ont repensé le concept de service «tel que défini par le client»
croit fermement, comme Reichheld (2006), que le seul vérita-
et donné un sens au slogan «Nous avons à cœur vos intérêts».
ble critère d’évaluation d’une entreprise est le bouche à oreille
Elles comprennent l’importance de valoriser la connexion émo­
positif du client. C’est le moteur de la croissance de son entre-
tionnelle entre l’expérience du client et l’offre proposée. Elles
prise. Pour y arriver, il faut être capable d’écouter et d’agir en
favorisent une culture organisationnelle stable et cohérente
fonction des besoins du client et de tenir ses promesses.
qui s’inscrit dans la durée en perpétuant la vision et les valeurs
humaines fondamentales. Les employés sont impliqués et se Le succès d’Amazon.com4 repose sur un modèle qui res-
sentent respectés. Les processus sont simplifiés et orientés pecte l’expérience du client. Marc Onetto, vice-président prin-
vers la qualité de la relation. Les «résistances» à la qualité de cipal des opérations mondiales et du service à la clientèle,
l’expérience sont systématiquement analysées et éliminées insiste sur «une distinction à faire entre une usine de service
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de manière à faciliter le processus du service envers le client. et une entreprise de service en ligne». Amazon.com opère sur
des systèmes de gestion ouverts et le client est au centre des
À titre d’exemple, GEM1 est un centre d’appels situé à Belfast,
préoccupations. Dès l’accès au service, le client est reconnu
en Irlande du Nord. Mais c’est plus qu’un lieu d’appels. En
comme important dans la création mutuelle de valeur; le temps
effet, l’entreprise GEM a choisi de contribuer au bien-être de
du client et sa confiance sont des priorités stratégiques. Chez
la communauté en créant une valeur ajoutée pour ses clients
Amazon.com, tous les membres de l’organisation contribuent
et un sens pour les personnes qui y travaillent. Ainsi, GEM a
à l’expérience client et participent à l’élimination des pertes. Il
évité la délocalisation de l’entreprise et protège les emplois.
faut comprendre le pourquoi des erreurs parce que cela tou-
Elle se positionne non pas comme un simple intermédiaire,
che directement le client. Les dirigeants sont continuellement
mais comme une entreprise au service du client final et de
mis au courant des impressions des clients. On développe une
l’entreprise qui sous-traite ses services. La première mesure
cohérence entre le message externe (clients et partenaires) et
n’est pas le temps de l’appel, mais la résolution du problème
la communication interne (services et employés) pour concré-
du client. GEM pose des questions et résout des problèmes.
tiser la promesse faite au client.
Est-ce que les règles sont nécessaires? Est-ce que les restric-
tions imposées au client sont utiles? Qu’est-ce qu’il faut faire Selon Onetto, il est normal que, dans le service, les clients
pour changer les règles et ainsi aider à la fois le client utilisateur aient au fil du temps des attentes de plus en plus grandes.
et le client sous-traitant le service? GEM fait un suivi auprès de C’est le défi que doit relever toute organisation qui désire met-
l’entreprise qui sous-traite le service d’appels (par exemple, tre en œuvre une approche centrée sur la relation et l’expé-
l’amélioration du site Internet ou la simplification des procédu- rience client. Il s’agit d’une occasion d’innover et d’augmenter
res). La culture de GEM réside dans le fait de donner un ser- constamment la valeur actualisée de l’expérience du client.
vice de qualité. Le personnel est important pour réaliser cet Premièrement, il faut donner un sens aux promesses et, pour
objectif. Il doit être actif, fiable, compétent et bien rémunéré cela, faire un bilan de «santé» réel et honnête de la relation
(Jonathan Wilson, directeur de comptes chez GEM). client. Deuxièmement, il ne faut pas avoir peur de repérer les
systèmes de gestion qui présentent des symptômes de déra-
L’hôpital Shouldice, qui se trouve à Toronto, est reconnu
page dans la relation client. Troisièmement, il faut procéder
pour son excellence dans la qualité du service, la satisfaction
par étape en prenant un service ou une cause en particulier
du patient et le bouche à oreille positif2. Loin du slogan «Un lit
pour concrétiser la promesse «nous avons à cœur vos inté-
coûte cher, il faut maximiser le volume», Shouldice concentre
rêts» et ainsi démontrer le succès grâce au changement de
sa stratégie sur une technique d’opération qui a fait ses preu-
comportement.
ves, sur le confort du patient durant son séjour (durée moyenne
de trois à quatre jours) et sur sa guérison rapide sur les lieux. La clinique Mayo (dans l’État du Minnesota) est reconnue
En particulier, les gestionnaires veillent au bon cheminement pour l’expertise médicale et l’intégration d’un tout qui émane
du patient à travers l’expérience. L’information sur le site Web de la personne et du lieu (atmosphère et architecture organi-
est orientée en fonction des attentes du patient. Dès son arri- sées pour l’humain et autour de lui)5. L’expérience du patient
vée, le patient est pris en charge (accueil, information, examen englobe l’évaluation des bénéfices fonctionnels et humains.
médical). Il est opéré dans les vingt-quatre heures qui suivent. Les indices renforcent le message pour rassurer, écouter et
Le patient est visité régulièrement par le médecin et l’infir- donner confiance. La première mission de la clinique est de
mière, qui contrôlent sa douleur et son rétablissement. La sté- comprendre le séjour du patient dès le moment où il formule
rilisation, le nettoyage et la lessive sont exécutés à l’interne ses attentes, avant d’expérimenter le service, et jusqu’à l’éva-
pour éviter toute contamination. La nourriture est excellente. luation finale de l’expérience qu’il a vécue. Tous les indices
L’architecture des chambres, des escaliers et des activités est envoyés au patient sont analysés minutieusement. Le premier
organisée de façon à permettre au patient de bouger et à niveau de ces indices consiste à relever les aspects fonction-
maximiser l’interaction entre les patients (deux patients par nels de l’atmosphère architecturale (la logique du circuit et des
chambre, pas de téléphone ni de téléviseur). Le personnel est étapes «actions» du service). Par exemple, c’est l’activité qui

Gestion · volume 33 / numéro 4 · Hiver 2009 45


émane des systèmes, des processus, des objets, soit la cham- capacité à développer la confiance du client au sein de sa com-
bre, son ergonomie, sa propreté, les appareils médicaux, la munauté de proximité. La relation client est presque la seule
bibliothèque à la disposition du corps médical et des patients. chose qu’on ne peut standardiser (Tapscott et Williams, 2007).
Le deuxième niveau des indices et le plus important est lié aux
émotions (faisant appel aux cinq sens) et à l’atmosphère créée
autour du service. C’est l’atmosphère humaine, soit tout ce
Notes
qui est du domaine du «ressenti» et qui provient des person-
nes, à savoir l’amabilité, l’écoute, la compréhension, le travail 1. Entrevue tirée de la BBC Radio 4; voir Day (2007).
d’équipe, la préoccupation au sujet du bien-être du patient. 2. Voir Heskett et al. (1997), Ferguson et al. (2006), Paulin et al.
(2006).

i
3. Entrevue tirée de la BBC Radio 4; voir Day (2007).
La réintégration de la relation client : 4. Entrevue tirée de la BBC Radio 4; voir Day (2007).
le pourquoi et le comment 5. Voir Berry (2004), Berry et al. (2004), Berry et Carbone (2007).

Selon Vargo et Lusch (2008b), la logique dominante du ser-


vice met l’accent sur l’investissement dans les personnes, les
Références
relations à long terme, les services de qualité, la transparence,
© HEC Montréal | Téléchargé le 07/09/2023 sur www.cairn.info par MAGDIEL NERIJA KOUAO via Institut Universitaire d'Abidjan - IUA (IP: 160.155.250.40)

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l’approche éthique de l’échange et le développement durable. Berry, L.L. (2004), «The collaborative organization: Leadership lessons
Cette logique suggère aux organisations d’adopter l’approche from Mayo Clinic», Organizational Dynamics, vol. 33, n° 3, p. 228-
relationnelle des échanges pour procurer un service et co-créer 242.
la valeur avec le client, les partenaires, les employés et la com- Berry, L.L., Carbone, L.P. (2007), «Build loyalty through experience
munauté. Le client est un facteur endogène en lui-même et à management», Quality Progress, vol. 40, n° 9, p. 26-33.
la base de la création de valeur pour l’organisation. Ainsi, les Berry, L.L., Parker, D., Coile Jr., R.C., Hamilton, D.K., O’Neill, D.D.,
Sadler, B.L. (2004), «The business case for better buildings»,
deux ont une mission commune au sein de la relation client.
Frontiers of Health Services Management, vol. 21, n° 1, p. 3-25.
À la toute fin, le client est la seule personne qui mesure la Brady, D. (2000), «Why service stinks», Business Week (23 octobre),
valeur (Lusch et al., 2008). Le service représente les bénéfices dans Lovelock, C., Wirtz, J., Bansal, H.S. (dir.) (2008), Services
tirés des alliances de compétences (connaissances et aptitu- Marketing: People, Technology, Strategy, Pearson Prentice Hall,
des) entre le client et l’entreprise. Il est un actif qui peut évo- chap. 15, p. 457-463.

luer si on le soigne et le traite bien. On parle de création des Day, P. (2007), «Peter Day’s World of Business: Lean Manufacturing»,
BBC Radio 4, hiver, http://www.bbc.co.uk/radio4/news/inbusiness/
ressources à travers des systèmes ouverts et flexibles qui per-
inbusiness_20080131.shtml.
mettent d’innover et de préserver l’environnement. Le ges-
Ferguson, R.J., Paulin, M., Leiriao, E. (2006), «Loyalty and positive
tionnaire doit miser sur l’élimination des résistances par la
word-of-mouth: Patients and hospital personnel as advocates of
collaboration et la coopération; cela requiert de nouvelles com- a customer-centric health care organization», Health Marketing
pétences comme la capacité d’établir un dialogue, d’acquérir Quarterly, vol. 23, n° 3, p. 59-78.
de l’empathie et de la compréhension, du respect et de la tolé- Gross Stein, J. (2001), The Cult of Efficiency, Anansi.
rance face à l’autre. Le but est de favoriser le service et l’expé- Heskett, J.L., Sasser, W.E., Schlesinger, L.A. (1997), The Service Profit
rience volontaire plutôt que l’approche coercitive, standardisée Chain, The Free Press.
et dominatrice, que ce soit entre les organisations ou entre Lovelock, C., Wirtz, J., Bansal, H.S. (2008), Services Marketing:
l’organisation et l’individu. People, Technology, Strategy, Pearson Prentice Hall, 636 pages.
Lusch, R.F., Vargo, S.L. (2007), «Service-dominant logic: Reactions,
Sur le plan pratique, les décideurs et les gestionnaires d’orga­
reflections and refinements», Sage Publications, vol. 6, n° 3,
nisations publiques ou privées doivent se poser cette ques- p. 281-288.
tion : «Est-ce que mon organisation a à cœur, d’une façon honnête
Lusch, R.F., Vargo, S.L., O’Brien, M. (2007), «Competing through
et sensible, les intérêts des clients (toutes bourses confon- service: Insights from service-dominant logic», Journal of
dues) dans un esprit communautaire, familial et responsable?» Retailing, vol. 83, n° 1, p. 5-18.
(Berry et Carbone, 2007). Comme exercice de sensibilisation, Lusch, R.F., Vargo, S.L., Wessels, G. (2008), «Toward a conceptual
nous proposons aux gestionnaire un diagnostic de leurs relations foundation for service science: Contributions from service-
clients (tableau 3). dominant logic», IBM Systems Journal, vol. 47, n° 1, p. 5-14.
Paulin, M., Ferguson, R.J., Bergeron, J. (2006), «Service climate and
organizational commitment: The importance of customer linkages»,
i Conclusion Journal of Business Research, vol. 59, p. 906-915.
Reichheld, F. (2006), The Ultimate Question, Harvard Business School
Le paradigme de la pensée économique libérale a démon- Press.
tré son déclin lors des bouleversements économiques qui se Tapscott, D., Williams, A.D. (2007), Wikinomics, Portfolio.
sont produits récemment. Les décideurs, les gestionnaires
Vargo, S.L., Lusch, R.F. (2004), «Evolving to a new dominant logic for
et les chercheurs auront la responsabilité d’interroger ces fon- marketing», Journal of Marketing, vol. 68, janvier, p. 1-17.
dements. Nous avons une occasion unique d’envisager de Vargo, S.L., Lusch, R.F. (2008a), «Service-dominant logic: Continuing
nouvelles méthodes de gestion pour agir et consommer diffé- the evolution», Journal of the Academy of Marketing Science,
remment, et ainsi placer au centre de nos préoccupations le vol. 36, p. 1-10.
respect de l’humain et de son environnement. Ainsi, le déve- Vargo, S.L., Lusch, R.F. (2008b), «Why service?», Journal of the
loppement et la durabilité d’une organisation reposent sur sa Academy of Marketing Science, vol. 36, p. 25-38.

46 Gestion · volume 33 / numéro 4 · Hiver 2009


Tableau 3
Diagnostic des relations clients

1. Prenez-vous soin de vos clients? 4. Avez-vous à cœur l’opinion de vos clients et de votre personnel?
• Traitez-vous vos clients avec respect pour créer un échange • Quels sont les moyens mis à la disposition du client pour qu’il
à plus long terme? puisse exprimer son opinion (positive ou négative)?
• Combien de clients (individus ou entreprises) ont quitté votre • Avez-vous un personnel compétent et axé sur les relations
organisation ces cinq dernières années? Et combien pensent pour naviguer à travers les politiques et les processus admi-
éventuellement partir dès qu’ils en auront l’occasion? nistratifs afin de résoudre des problèmes et d’apporter des
• Combien de vos clients sont prêts à recommander votre solutions de service pour vous différencier de vos concurrents?
entreprise et vos conseillers? Pour quelles raisons? • Quels sont les délais pour obtenir satisfaction (temps de
réponse, obtention d’une pièce d’un fournisseur)? Est-ce que
le client reçoit une réponse impersonnelle et automatisée,
une réponse vide de sens dans un délai excessif et un jargon
incompréhensible, une réponse personnalisée dans un très
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court laps de temps (secondes, minutes, quelques heures,
moins d’une journée)?
• Est-ce que le personnel en contact avec le client est valorisé
lorsqu’il agit dans les intérêts du client? Lui donnez-vous les
outils et le soutien nécessaires pour qu’il règle les problèmes
de relation client?
• Avez-vous un système qui facilite l’échange de l’information
afin de corriger les erreurs rapidement et d’améliorer le
service dans son ensemble?

2. Traitez-vous votre personnel comme vos ambassadeurs? 5. Est-ce que votre organisation est un lieu invitant?
• Combien de personnes avez-vous mises à pied ces cinq • Est-ce que les employés à l’accueil sont serviables et polis?
dernières années sous prétexte de difficultés financières? • Est-ce que le client circule avec aisance et librement à travers
Combien d’entre elles avaient une bonne connaissance des les lieux physiques et virtuels?
subtilités du marché? Par qui ou par quoi avez-vous remplacé
• Est-ce que votre espace est esthétiquement agréable,
vos actifs humains?
l’ergonomie du lieu est-elle adaptée à vos clients (large
• Qu’est-ce que votre personnel pense des promesses et de public, personnes âgées, famille avec enfants, personnes
la mise en pratique de ces promesses auprès des clients? en perte d’autonomie) et à votre personnel (lieu de détente
• Combien de vos employés sont prêts à recommander votre agréable, matériel de travail sécuritaire, formation pour gérer
entreprise à d’autres personnes pour y travailler ou à des le stress, exercice physique et de relaxation sur les lieux)?
clients potentiels?
• Comment récompensez-vous l’amabilité, la compassion,
l’écoute, l’honnêteté, la capacité de travailler en harmonie
et en équipe?
• Est-ce que vous pensez «capital humain»? Valorisez-vous
la sécurité d’emploi, la stabilité, l’expertise et l’expérience
de votre personnel?

3. Comment traitez-vous les plaintes de vos clients?


• Avez-vous déjà exercé une plainte dans votre propre entreprise
(téléphone, site Internet, personne responsable des plaintes
ou du service à la clientèle)?
• Est-ce que vous analysez la plainte du client au-delà du coût
et de la cause à effet?
• Où se situe, d’un point de vue physique et stratégique,
le service à la clientèle et le suivi des plaintes du client?

Gestion · volume 33 / numéro 4 · Hiver 2009 47

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