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« Promesse sous seings privés de vente d’immeuble

immatriculé ne vaut ? »
Observations sur CS Sénégal n° 79 du 16 juillet 2008, Aliou Bathily
c/Abdoul Diallo
Boubacar Diallo
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Dans Droit et Ville 2011/1 (N° 71), pages 173 à 197
Éditions Institut des Études Juridiques de l'Urbanisme, de la Construction et de
l'Environnement
ISSN 0396-4841
DOI 10.3917/dv.071.0173

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« Promesse sous seings privÉs de VENTE
d’immeuble immatriculÉ ne vaut ? »
Observations sur CS Sénégal n° 79 du 16 juillet 2008,
Aliou Bathily c/Abdoul Diallo
par

Boubacar DIALLO
Maître-assistant associé
Université Gaston Berger - Saint-Louis, Sénégal
droit et ville 175

Cour suprême (ex. Cour de cassation) du Sénégal


Arrêt n° 79 du 16 juillet 2008
Aliou Bathily c/Abdoul Diallo pj
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La Cour
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, que par jugement du


28 mars 2001, le tribunal régional de Dakar, après avoir rejeté
la demande de résolution du contrat de vente conclu entre Aliou
Bathily et Abdoul Diallo et constaté que ce dernier s’est libéré du
prix convenu, a ordonné la perfection du contrat sous astreinte de
15000 F par jour de retard ;

Sur le premier moyen pris de la violation des dispositions des articles


323, 382 et 383 du Code des Obligations Civiles et Commerciales,
en ce que le juge d’appel a confirmé le perfection de la vente sur
la base uniquement d’un acte sous seing privé n’ayant pas date
certaine, passé entre le défendeur au pourvoi et El hadji Mamadou
Sall qui, ne disposant pas d’une procuration notariée, n’a jamais
justifié être son mandataire, alors que, s’agissant d’un titre foncier,
les transactions portant sur l’immeuble dont la perfection de la vente
était recherchée, sont régies par un formalisme rigoureux fixé par les
règles visées au moyen ;

Vu les articles 323, 382 et 383 du Code des Obligations Civiles et


Commerciales, ensemble l’article 258 du même Code ;

Attendu qu’en vertu de ces textes d’ordre public, la vente et la


promesse synallagmatique de vente d’un immeuble immatriculé,
ainsi que la procuration donnée pour conclure de tels actes doivent, à
peine de nullité absolue, être passées par devant notaire ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, qui a ordonné


la perfection de la vente d’un immeuble objet du TF n° 19916/DG
sur la base d’un acte sous seing privé, l’arrêt retient « que l’appelant
principal bien que représenté par un conseil, n’a versé au dossier,
à part l’acte d’appel, aucune autre pièce pour soutenir sa demande
176 droit et ville

tendant à l’infirmation de la décision attaquée ; que l’attitude de


l’appelant laisse supposer qu’il n’a pas de moyens sérieux à opposer
aux arguments retenus par les premiers juges » ;
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Qu’en se déterminant ainsi, alors que la vente porte sur un immeuble
immatriculé, la cour d’Appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs,


Et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième
moyens :
Casse et annule…
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Observations

1. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » 1


lorsqu’elles portent sur la vente d’un immeuble immatriculé et si
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elles ont été passées par acte sous seings privés. Cet enseignement
constant 2 de la jurisprudence de la Cour suprême du Sénégal 3
vient, à nouveau, d’être confirmé par l’arrêt n° 79 du 16 juillet
2008. Toutefois, malgré cette constance de la jurisprudence de
la Cour, cet arrêt peut faire débat à un double point de vue, au
moins. D’une part, la règle plusieurs fois répétée ne semble
pas être parfaitement entendue par les juridictions du fond.
Certaines décisions continuent à accorder, comme en l’espèce,
une certaine valeur juridique à la promesse sous seings privés de
vente d’immeuble immatriculé. C’est le signe que le principe du
formalisme de la promesse est loin de faire l’unanimité. Il appelle
certaines critiques qui, à maints égards, paraissent légitimes
au regard du fondement discutable que lui assigne la Cour
suprême. D’autre part, le principe de solution consacré apporte
une précision supplémentaire quant à la portée du formalisme
des contrats relatifs à une transaction immobilière, au-delà de la
seule promesse de vente4. Cet arrêt suscite ainsi une discussion

1. Souvent prêtée aux hommes politiques (on se demande bien pourquoi ?), cette expression
aurait pour origine la pancarte « demain on rase gratis » qui ornait, en permanence, la porte
d’un barbier. On imagine facilement l’étonnement de ceux qui se présentaient le lendemain
et se voyaient réclamer paiement au motif que « c’est demain que c’est gratuit ».
2. Cf. CS, 2ème civ. et com., 04 juin 1993, Arrêt n° 107, EDJA n° 24, janv. - mars 1995, note
A. Cissé. Plus récemment, la Cour a rappelé l’exigence d’un acte authentique en approuvant
la décision d’une Cour d’appel qui avait retenu que « la promesse synallagmatique de vente
d’un immeuble immatriculé doit revêtir la forme d’un acte authentique » : CS, civ. et com.,
16 janvier 2008, arrêt n° 21, Youssou Seck c/SNR, Bull n° 16, op. cit. Dans le même sens,
CS, civ. et com., 05 déc. 2007, arrêt n° 121, Amadou Lamine Kébé c/Mayoro Mbaye, Bull
n° 15, année judiciaire 2006-2007 : « … tant la promesse de vente que le contrat définitif
ayant pour objet la vente d’un immeuble immatriculé au livre foncier doivent être établis
obligatoirement par un notaire ». Et, plus récemment, CS, civ. et com. n° 63 du 18 nov.
2009, Nasrallah c/S.C.I. Padrino.
3. La loi organique n° 2008-35 du 7 août 2008 a institué, à nouveau, une Cour suprême,
au Sénégal, qui a repris les compétences de la Cour de cassation, notamment, en matière
civile et commerciale. La Cour de cassation avait été instituée, en même temps qu’un
Conseil constitutionnel et un Conseil d’Etat, en remplacement de l’ancienne Cour suprême,
par la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992. Aussi, l’expression « Cour suprême du
Sénégal » (et l’abréviation « CS ») sera utilisée pour désigner, indistinctement, les arrêts
rendus par la Cour de cassation sénégalaise et la Cour suprême du Sénégal qui se sont
succédés, notamment, en matière civile et commerciale. L’expression « Cour de cassation »
(et l’abréviation « cass. ») désignera la Cour de cassation française, afin d’éviter les
équivoques.
4. Cf. infra : n° 33. - s.
178 droit et ville

essentielle sur la détermination des contours du formalisme des


contrats relatifs aux immeubles immatriculés5.

2. A l’origine de cette affaire, un mandataire ne justifiant pas


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d’une procuration notariée avait signé un acte sous seings privés
portant sur la vente d’un immeuble immatriculé. La perfection de
la vente a été poursuivie par le futur acquéreur qui s’était libéré du
prix convenu. Celle-ci sera ordonnée par la Cour d’appel de Dakar
dans son arrêt n° 657 du 17 décembre 2004, confirmant le jugement
entrepris par le tribunal régional hors classe de Dakar en date du 28
mars 2001. En déférant cet arrêt de la Cour d’appel à la censure de
la Haute juridiction sénégalaise, le pourvoi l’invitait à se prononcer
sur la question de savoir si la promesse synallagmatique de vente
sous seings privés portant sur un immeuble immatriculé est valable.
Répondant clairement par la négative, la Cour suprême a affirmé
qu’une telle promesse, tout comme la vente sur laquelle elle porte,
doivent être passées par acte notarié.

3. Cet arrêt soulève des interrogations liées à la portée du formalisme


des actes relatifs aux immeubles immatriculés ainsi qu’à la valeur
juridique de tels actes lorsqu’ils sont passés sous seings privés. La
Cour suprême y a apporté des réponses tranchées en se prononçant
sur la nature de la sanction de la violation de l’exigence d’un acte
notarié. Mais, de manière sous-jacente, l’arrêt de la Cour peut faire
débat. D’un point de vue de pure technique juridique, une distinction
nette suivant la nature des actes intervenus entre les parties n’a pas
été clairement faite au regard des dispositions visées. La Cour n’a pas
fait le départ, ni affirmé clairement l’assimilation entre la promesse
visée par l’article 382 et « le contrat » auquel se réfère l’article 383.
La promesse de vente -et au-delà d’elle, les avant-contrats- est-
elle visée sous ce vocable « contrat » ou est-ce seulement la vente
définitive qui est visée ? D’un point de vue de politique juridique,
la nature des intérêts en cause dans les transactions en matière
immobilière doit être définie. De telles opérations concernent-elles
la protection des parties ou de la société, d’intérêts particuliers ou
de l’intérêt général ? Dans certains systèmes juridiques, la promesse

5. La question est d’autant plus importante dans le contexte du Sénégal. En effet, si dans
le contexte français, « en matière civile, la vente d’immeuble est presque toujours établie
par acte authentique, le plus souvent notarié » (Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier,
Les contrats spéciaux, Paris, Defrénois, 2003, n° 156), au Sénégal, le recours à l’écrit et,
particulièrement, à l’écrit authentique est loin d’être systématique.
droit et ville 179

synallagmatique de vente (ou la vente), même portant sur un


immeuble, peut être passée par acte sous seings privés sans que sa
validité ne soit remise en cause par ce seul fait6. Dans ce cas, la portée
de la promesse est déterminée par les stipulations des parties. Celles-
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ci peuvent ainsi différer la seule prise d’effets de la vente jusqu’à
l’accomplissement de certaines formalités, auquel cas, la promesse
synallagmatique de vente vaut vente7. Mais elles peuvent également
prévoir que la formation de la vente est subordonnée à la signature
d’un acte authentique dans un certain délai. Dans ce dernier cas, la
promesse ne vaut pas vente8. Elle s’analyse en un simple projet non
obligatoire que certains qualifient, de manière discutable, de vente
sous condition suspensive9.

4. Au Sénégal, la Haute juridiction reste constante en matière


d’encadrement des opérations immobilières par le formalisme
d’authenticité. Sur le fondement discutable des dispositions
d’ordre public du Code des obligations civiles et commerciales
(COCC), elle consacre, en effet, l’exigence d’un formalisme
des contrats relatifs aux immeubles immatriculés (I). Faut-il y
voir une manifestation du renouveau du formalisme en matière
contractuelle ? Ce formalisme des contrats relatifs aux droits réels
immobiliers irait dans le même sens que les nouvelles tendances

6. Ainsi, en droit français, la forme notariée n’est pas exigée pour la validité mais seulement
pour la publicité de l’acte de vente immobilière classique (la règle, qui vaut pour la
vente finale, l’est a fortiori pour les avant-contrats de vente). Il résulte, en revanche, des
dispositions de l’article L. 261-11 du CCH que le contrat de vente d’immeubles à construire
doit, s’il porte sur un immeuble ou une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage
professionnel et d’habitation, être nécessairement passé par acte notarié à peine de nullité ;
et une règle analogue est prévue par l’article L. 262-4 à propos de la vente d’immeubles à
rénover.
7. Par exemple, si les parties prévoient que le transfert de propriété du bien immobilier ne
se produira qu’au jour de la signature de l’acte notarié, on parle de clause de réitération
ou de régularisation. Cette clause est valable et s’explique, le plus souvent, par le fait que
le paiement du prix se fera le jour de la signature de l’acte authentique entre les mains du
notaire rédacteur. Dans ce cas, selon la Cour de cassation française, le contrat étant supposé
d’ores et déjà formé, le refus de l’une des parties de se prêter à la formalité requise l’expose
à des sanctions dont l’exécution forcée (le cas échéant, un jugement pourra tenir d’acte
authentique de vente) : Cass. 3e civ. 20 déc. 1994, n° 92-20878, Bull. civ. III, n° 229,
p. 148 ; JCP G, 1995, p. 353, note Chr. Larroumet ; JCP N, 1996, p. 501, note D. Mainguy.
8. Cf. La vente d’immeuble. Sécurité et transparence, 99e Congrès des notaires de France,
Deauville, 25-28 mai 2003, Paris, Ed. Exposition, 2003, p. 389.
9. Cette qualification est contestable dans la mesure où, d’une part, le consentement ne peut
faire l’objet d’une condition et, d’autre part, une telle condition serait purement potestative
et, pour cette raison, frappée de nullité.
180 droit et ville

vers un formalisme informatif protecteur10. Celui-ci est sanctionné,


le plus souvent, sévèrement11, par la jurisprudence. Ou alors, est-
ce la marque de lourdeurs mal fondées qui freinent ou ralentissent
inutilement les opérations immobilières ? Quel que soit le point de
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vue adopté, le développement de ce formalisme de validité marque
un recul supplémentaire du consensualisme ou liberté des formes
contractuelles12. La justification réside, selon la décision d’espèce,
dans l’ordre public, c’est-à-dire, des impératifs liés à la protection
des parties, des tiers et de la société, en général. Partant, la Cour a
apporté une précision quant à la sanction des actes sous seings privés
portant sur un immeuble immatriculé (II).

I. Le formalisMe des contrats relatifs AUX


immeubles immatriculÉs

5. Suivant l’arrêt de la Chambre civile et commerciale, les actes


juridiques litigieux devaient faire l’objet d’un acte passé par devant
notaire. Afin de préciser la base juridique de cette exigence, la Cour
se réfère à des dispositions d’ordre public comme fondement textuel
du formalisme (A). Dans le même temps, elle détermine l’expression
de ce formalisme (B).

A. Le fondement textuel du formalisme

6. Pour asseoir l’exigence de formalisme des contrats relatifs


aux droits réels immobiliers, l’arrêt se fonde sur les dispositions
combinées des articles 258, 323, 382 et 383 du COCC. L’ensemble
de ces dispositions serait d’ordre public et constitue, selon la Cour,
la base légale du formalisme exigé. Toutefois, si les textes d’ordre
public des articles 258, 382 et 383 du COCC peuvent constituer le
siège, le fondement, certes discutable, du formalisme des contrats
relatifs aux droits réels immobiliers (1), la référence, par la Cour, à
l’article 323, consacré à la promesse de contrat consensuel, est plus
contestable et rend ce fondement inopportun (2).

10. G. Couturier, « Les finalités et les sanctions du formalisme », in n° spécial, J. Flour –


Le formalisme, Defrénois 15-30 août 2000, n° 15-16.
11. Magnier, « Les sanctions du formalisme informatif », JCP 2004, I, 106.
12. J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 4 e éd. 2003, n° 87 : « le
consensualisme est estompé par une renaissance du formalisme ».
droit et ville 181

1) Le fondement discutable du formalisme

7. La situation des textes visés en l’espèce dans le Code est


primordiale pour l’intelligence de l’arrêt. Ainsi, l’article 258 du
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COCC consacre le caractère d’ordre public des dispositions relatives,
notamment, aux contrats relatifs aux immeubles immatriculés 13.
Il fait partie des dispositions du titre préliminaire de la deuxième
partie du Code traitant des contrats spéciaux14. Toutefois, force est de
reconnaître qu’il ne suffit pas, comme le fait la Cour, de constater le
caractère d’ordre public des dispositions visées pour caractériser le
fondement du formalisme de la promesse ou du mandat. Un examen
minutieux de ces textes et de leur situation dans le COCC permet
d’apporter de sérieuses réserves sur la justesse de la référence.

8. L’article 382 est consacré à la promesse synallagmatique de vente


portant sur un immeuble immatriculé. Il dispose que « l’acte par
lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit
sur l’immeuble, est une promesse synallagmatique de contrat »15.
L’acte ainsi défini « oblige l’une et l’autre partie à parfaire le
contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du droit à la
Conservation de la propriété foncière »16. Mais pour produire des
effets, la promesse synallagmatique de contrat doit-elle respecter
la condition inscrite à l’article 383 ? Celui-ci, introduit par la loi
n° 85-37 du 23 juillet 1985, dispose que « le contrat doit, à peine
de nullité, être passé devant un notaire territorialement compétent
sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires »17. Le

13. Ainsi, après avoir précisé que les dispositions de la deuxième partie du Code sont
supplétives de volonté, le législateur affirme, dans le second alinéa de l’article 258 que,
« ne tolèrent pas la convention contraire, les règles concernant les contrats portant sur les
immeubles immatriculés et le fonds de commerce, les baux à usage d’habitation ou à usage
commercial, l’assurance ainsi que toute disposition particulière expressément déclarée
d’ordre public ».
14. Loi n° 66-70 du 13 juillet 1962, entrée en vigueur le 1er janvier 1967, plusieurs fois
modifiée, notamment par la loi n° 85-37 du 23 juillet 1985 et par la loi n° 98-21 du 26
mars 1998 abrogeant les dispositions modifiées et remplacées par celles de l’OHADA.
Dans le livre premier consacré aux contrats translatifs de propriété, quatre chapitres sont
dédiés successivement à la vente, aux autres contrats translatifs, aux contrats relatifs aux
droits réels portant sur les immeubles immatriculés et à la vente de fonds de commerce. Les
articles 382 et 383 du COCC, logés dans le chapitre consacré aux contrats relatifs aux droits
réels immobiliers sont donc indiscutablement d’ordre public.
15. Art. 382 al. 1.
16. Art. 382 al. 2.
17. Ce texte peut être rapproché de l’article L. 261-11 du Code français de la construction
et de l’habitation qui exige que le contrat de vente d’immeuble à construire, lorsque celui-ci
182 droit et ville

champ d’application de ce dernier texte pourrait faire débat du fait


de l’usage du terme « le contrat » par le législateur.

9. Une première lecture, privilégiée par la Cour, suggère que


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« le contrat » visé est entendu au sens large englobant l’« avant-
contrat » dont traite l’article 382 du COCC18. C’est ainsi que l’on
peut expliquer que la décision de la Cour se réfère expressément à
« la vente et la promesse synallagmatique de vente d’un immeuble
immatriculé ainsi que la procuration donnée pour conclure de tels
actes ». Cette conception large pourrait apparaître comme conforme
à l’architecture du code qui insère l’article 383 parmi les règles
générales applicables « aux contrats relatifs aux droits réels
portant sur les immeubles immatriculés ». Alors, la référence « aux
contrats » justifierait de ne pas cantonner la règle de l’article 383 à la
seule vente définitive. Sous cet angle, la position de la Cour respecte
la nature juridique de la promesse synallagmatique ainsi que du
mandat. La promesse synallagmatique de vente s’analyse, en effet,
comme un contrat par lequel les parties s’obligent mutuellement,
l’une à vendre, l’autre à acheter un bien déterminé à un prix fixé.
De même, le mandat, qu’il soit bénévole ou salarié, nécessite un
accord de volontés entre le mandant et le mandataire. Il fait naître au
moins une obligation, à la charge du mandataire, de réaliser des actes
déterminés, à titre indépendant, pour le compte du mandant.

10. Mais cette position de la Cour respecte-t-elle l’esprit des


dispositions visées ? On peut en douter avec raison. En effet,
une deuxième lecture de ces textes incline à limiter l’exigence
d’un acte notarié au seul contrat final de vente d’immeuble.
Vraisemblablement, le terme « le contrat », inscrit à l’article 383 du
COCC, vise le contrat de vente définitive. Or, la promesse de contrat,
en matière de vente d’immeuble, se distingue du contrat définitif. Si,
en vertu de l’article 323 du COCC, la promesse synallagmatique de
vente vaut vente, c’est à la condition expresse que le contrat puisse
être passé librement. Il en est autrement en matière immobilière où

doit être à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, soit passé par acte
notarié. Le formalisme est alors distinct de celui de l’article L. 222-3 du CCH qui exige, à
peine de nullité, que le contrat de promotion immobilière portant sur un immeuble à usage
d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation soit constaté par un écrit contenant
certaines mentions.
18. Cette analyse est partagée en droit sénégalais. Cf. notamment, A. Faye, « Le transfert
de propriété dans la vente de l’immeuble en droit sénégalais », PUSS, Droit sénégalais,
n° 8/2009.
droit et ville 183

l’article 383 prescrit un formalisme obligatoire. La réglementation


y est donc dérogatoire par rapport au consensualisme de la vente en
droit civil sénégalais. La promesse synallagmatique de vente, dont
le législateur a pris soin de définir le régime juridique (définition et
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effets) dans l’article 382 présente une autonomie certaine par rapport
à un contrat définitif qui, indubitablement, est formaliste. On peut
donc raisonnablement considérer que si l’article 383 a consacré
un formalisme à un « contrat », il s’agit bien du contrat de vente
définitive. Le principe d’une interprétation stricte des exceptions
milite en ce sens. Le législateur l’aurait certainement précisé sans
équivoque dans l’article 382 qui est consacré à cet avant-contrat s’il
avait entendu exiger le même formalisme pour la promesse. Celle-ci
devrait donc être valable lorsqu’elle est passée sous seings privés.
Toutefois, ce n’est pas la position adoptée par la Cour suprême qui a
écarté cet entendement strict de l’article 383 par un raisonnement qui
ne semble pas exact, ni bien fondé.

11. Obéissant à une politique jurisprudentielle orientée vers le


contrôle des transactions immobilières, l’arrêt de la Cour suprême
est fondé sur une interprétation large mais contestable de l’article
383 du COCC. Au demeurant, en suivant la logique empruntée par
la Cour, les dispositions d’ordre public de ce texte, combinées à
celles des articles 258 et 382 se seraient suffi à elles-mêmes pour
servir de base légale à l’exigence de formalisme. C’est pourquoi la
référence à l’article 323 du COCC peut paraître inopportune, voire
contradictoire.

2) Le fondement inopportun du formalisme

12. La Cour suprême se réfère à l’article 323 du COCC. Aux termes


de ce texte, « la promesse synallagmatique est une vente parfaite
lorsque le contrat peut être passé librement. Dans le cas contraire,
elle oblige les parties à parfaire le contrat en accomplissant les
formalités nécessaires à sa formation ». L’arrêt renvoie à ce texte
comme à une disposition d’ordre public servant de base légale à
l’exigence du formalisme prescrit à propos des actes portant sur
des immeubles immatriculés. Or, un tel renvoi est très discutable.
Il révèle une certaine contradiction dans la détermination des bases
légales du formalisme.

13. D’abord, la référence manque d’exactitude car le texte de l’article


323 du COCC n’est pas d’ordre public. Il ne relève pas des matières
184 droit et ville

considérées par l’article 258 alinéa 2 comme faisant l’objet de


dispositions d’ordre public. Il est plutôt soumis au principe posé par
le premier alinéa de cet article. Suivant ce principe, « les dispositions
de la deuxième partie du COCC sont supplétives de la volonté des
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contractants ». L’article 323 fait partie des dispositions consacrées
aux modalités de la vente. Il pose donc une règle dispositive à
laquelle la Cour renvoie, sans raison, comme à une règle d’ordre
public.

14. Ensuite, une telle référence est de nature à jeter le trouble dans
la mesure où il s’évince de ce texte que la promesse synallagmatique
de vente, par laquelle les parties s’accordent mutuellement, l’une
pour vendre, l’autre pour acheter une chose déterminée pour un
prix fixé19, est une vente parfaite lorsque le contrat est consensuel.
Sinon, elle oblige les parties à parfaire le contrat en accomplissant
les formalités nécessaires à sa formation20. La solution induite par
l’article 323 prend le contre-pied de celle qui découle de la position
de la Cour. Elle obligerait les parties à un contrat portant sur un
droit réel immobilier à le parfaire en accomplissant les formalités
nécessaires à sa formation. Des dispositions supplétives de
volontés, consacrées à la vente, en général, ne devraient pas, selon
la solution de l’espèce, pouvoir faire échec à l’application de règles
d’ordre public consacrées spécialement aux contrats portant sur
des immeubles immatriculés. L’opportunité d’inclure l’article 323
du COCC parmi les bases légales de l’exigence de formalisme est
donc très discutable. Et ce texte est d’ailleurs souvent brandi afin de
justifier la solution contraire21 permettant de conclure à la validité de
la promesse de vente sous seings privés22.

15. Une référence à l’article 322 du COCC aurait été plus


compréhensible de la part de la Cour suprême. Ce texte consacre
une définition de la promesse synallagmatique de vente plus
précise que celle de l’article 382, alinéa 1. Il met l’accent sur

19. A l’opposé, dans la promesse unilatérale de vente ou d’achat, seul le promettant


s’engage à vendre ou acheter tel objet à tel prix. Le bénéficiaire qui accepte la promesse,
bénéficie d’une option qu’il lui est loisible de lever dans un délai déterminé pour conclure le
contrat promis. V. art. 324 s. (promesse unilatérale de vente) et 327 s (promesse unilatérale
d’achat) du COCC.
20. Art. 323 du COCC.
21. Cf. en ce sens, CA Dakar, n° 339 du 4 juil. 2002. Décision censurée par CS, civ. et com.,
05 déc. 2007, arrêt n° 121, op. cit.
22. Cf. supra.
droit et ville 185

les éléments essentiels sur lesquels porte l’accord des parties :


« une chose déterminée » et « un prix fixé ». Il aurait donc été
parfaitement complémentaire avec les dispositions des articles 382
et 383 qui, dans l’esprit de cet arrêt, déterminent la manifestation
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du formalisme.

B. L’expression du formalisme

16. L’arrêt apporte deux précisions concernant la position de la


Cour sur la manifestation du formalisme dans les actes relatifs aux
droits réels portant sur les immeubles immatriculés. D’une part,
il s’agit d’un écrit ad solemnitatem23 (1) qui fait échec au principe
du consensualisme. D’autre part, c’est un écrit authentique (2) qui
repose en principe sur l’établissement d’un acte notarié.

1) L’exigence d’un écrit ad solemnitatem

17. Les conventions litigieuses auraient dû, selon les termes de


l’arrêt, « être passées par devant notaire ». Ainsi, le formalisme
exigé par la Cour affecte la validité de la vente, de la promesse
ou du mandat consenti pour passer de tels actes. A ce titre, il
fait véritablement exception au consensualisme qui trouve son
siège, en droit sénégalais, à l’article 41 du COCC. Ce principe
qui gouverne la matière des contrats signifie que ceux-ci peuvent
être passés librement, leur validité se suffisant de l’échange des
consentements. Les parties expriment leur consentement de
quelque manière que ce soit, à condition que la manifestation de
volonté ne laisse aucun doute sur leur intention24. L’exigence d’un
écrit ou d’autres formalités pour la validité d’une convention relève
donc d’une exception qui doit être prescrite par une disposition
particulière. Selon la Cour suprême, la conclusion des actes relatifs
à un immeuble immatriculé, notamment d’une promesse, compte
parmi les exceptions au consensualisme, même si cela ne résulte
pas, de manière univoque, de la loi.

23. On parle de formalisme ad solemnitatem si la nullité est absolue et de formalisme ad


validitatem si la nullité est relative (V. J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, Dalloz, 3e éd.,
p. 65).
24. Article 60 du COCC.
186 droit et ville

18. Le formalisme réside donc dans la rédaction d’un écrit25 ad


solemnitatem26. Si l’écrit n’est pas défini par le législateur sénégalais,
il est admis qu’il résulte d’une suite de lettres, de caractères, de
chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification
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intelligible27. En principe, le support sur lequel est établi l’écrit est
indifférent quant à sa valeur juridique. En effet, la loi 2008-08 du
25 janvier 2008 sur les transactions électroniques (LTE) prévoit que
« lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il
peut être établi et conservé sous forme électronique… »28. Il n’en est
autrement que pour, d’une part, les actes sous seing privé relatifs au
droit de la famille et des successions et, d’autre part, les actes sous
seing privé relatifs à des sûretés souscrites pour des besoins non
professionnels29. La promesse de vente d’immeuble n’échapperait
donc pas à la règle de l’équivalence fonctionnelle des écrits sur
support papier et électronique.

19. L’écrit prescrit, selon l’arrêt d’espèce, pour la promesse de vente


d’immeuble se distingue de l’écrit exigé à titre de simple condition
de preuve. La violation d’un tel formalisme affecte l’efficacité
de l’acte en cas de contestation. Ses effets sont alors simplement
paralysés. C’est le cas, en droit civil, pour les actes juridiques dont
le montant dépasse le seuil fixé par la loi30. Mais le formalisme
consacré aux contrats portant sur des droits réels immobiliers est-
il simplement de validité ou permet-il également de remplir une
fonction de publicité ? D’une part, pour ce qui est de l’acte notarié,
on peut considérer, comme en matière de droit de la famille, que « la
forme assume une fonction sociale… elle fait connaître l’acte privé.

25. Le formalisme de validité peut également résider dans la remise d’une chose, dans les
contrats dits « réels ».
26. L’acte juridique qui est frappé d’un tel formalisme est un acte juridique solennel. Cf.
Guerriero, L’acte juridique solennel, th. Toulouse, 1975, préf. Vidal.
27. Définition consacrée par l’article 1316 du Code civil français issu de la loi n° 2000-230
du 13 mars 2000, JORF 14 mars 2000.
28. Article 19 LTE. Il convient également de noter que le règlement 15-2002 du Conseil des
Ministre de l’UEMOA prévoit la même règle de l’équivalence fonctionnelle entre le papier
et l’électronique. Le pricipe est posé par les articles 18 et 19 du Règlement n° 15/2002/CM/
UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l’Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) adopté le 16 septembre 2002 à Cotonou (Bénin).
Toutefois, le champ d’application du Règlement est circonscrit aux transactions bancaires
et financières et aux opérations effectuées dans tous les systèmes de paiement (article 17 du
Règlement). Autrement dit, la preuve électronique dont il s’agit dans ce texte ne concerne
que les opérations-là.
29. Article 20 LTE.
30. Ce montant est fixé à 20 000 FCFA, soit environ 30,48 euros.
droit et ville 187

Elle lui donne la publicité »31. D’autre part, en plus d’être passé par
devant notaire, l’acte constitutif ou translatif de droit réel immobilier
doit faire l’objet d’une inscription au titre foncier. Mais est-ce un
acte de formation ou d’exécution du contrat translatif de droit réel ?
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En vertu de l’article 381 du COCC, « l’acquisition du droit réel
résulte de la mention au titre foncier du nom du nouveau titulaire
du droit ». En droit sénégalais, le transfert de propriété ne s’opère
pas solo consensu32. C’est plutôt par l’exécution de l’obligation de
délivrance que se réalise le transfert de la propriété de la chose à
l’acquéreur33. S’agissant de la vente d’immeuble, la délivrance est
faite par la réalisation des formalités de publicité exigées par les
dispositions particulières à la propriété foncière et l’établissement du
titre foncier au nom de l’acheteur34. L’acte translatif de droit réel fait
ainsi l’objet d’un formalisme de validité, un écrit ad solemnitatem,
mais également de publicité, qui permet d’assurer l’exécution de
l’obligation de délivrance.

20. Mais sur la question de savoir si l’écrit exigé pour la validité


de l’acte peut être sous seings privés, la juridiction suprême n’a
pas jugé dans le même sens que la Cour d’appel. Cette dernière,
malgré l’absence d’un acte authentique, avait admis la validité de
la promesse et prescrit la perfection de l’acte35. La confirmation de
la perfection de la vente avait été obtenue sans que la Cour d’appel
ne se prononçât directement sur la validité de la promesse en elle-
même. Ce n’est que par un raisonnement déductif que l’on pouvait
conclure que la Cour d’appel a affirmé la validité de la promesse
sous seings privés de vente d’immeuble immatriculé. Une position
plus claire aurait été bienvenue sur la qualification de la promesse
synallagmatique de vente d’immeuble immatriculé. L’importance
de la question soulevée militait en cette faveur, du fait des enjeux
liés à la précision de la valeur et du régime juridiques de la promesse
de contrat en matière immobilière. Or, c’est le principe même de
la validité de la promesse de vente d’immeuble sous seings privés
qui est rejeté par la Cour suprême. Le fait que celle-ci exige qu’elle

31. G. Cornu, L’art du droit en quête de sagesse, Paris, PUF, « Doctrine juridique », 1998,
p. 151.
32. V. article 276 du COCC.
33. Cf. article 276, al. 3 du COCC.
34. Cf. article 277, al. 2 du COCC. L’inscription est soumise aux dispositions des articles
130 et suivants du décret juillet 1932, JO Afrique occidentale française du 22 avril 1933, p.
426 s.
35. CA Dakar, arrêt n° 657 du 17 décembre 2004, inédit.
188 droit et ville

résulte d’un acte authentique imprime à la promesse un caractère


solennel. Le formalisme prescrit est un acte authentique.

2) L’exigence d’un acte authentique


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21. La Cour considère que la promesse de vente d’immeuble
immatriculé, comme les autres actes portant sur les droits réels
immobiliers, doit être passée par devant notaire36. Cette exigence
d’un acte notarié fait de la promesse un contrat solennel au sens
strict du terme37. La solennité réside dans l’intervention du notaire
qui établit l’acte. Il s’agit d’un « rite d’écriture »38 qui révèle, aux
yeux des parties, l’importance de l’acte. Ce rite fait des actes dont
il célèbre l’existence « des actes ostensibles, de grands piliers
dressés pour être vus »39. Si l’acte est établi par voie électronique,
le rite de l’intervention du notaire prend la forme d’une signature
électronique qui « confère l’authenticité à l’acte »40. Toutefois, si
l’acte authentique en question est en principe un acte notarié, celui-
ci peut, dans certains cas, être suppléé par un acte équivalent.

22. L’acte notarié n’est pas le seul acte authentique. L’authenticité41


de l’acte peut provenir de l’intervention d’autres dépositaires du
sceau public. D’ailleurs, c’est l’intervention d’un officier public qui
permet d’opérer la traditionnelle distinction entre l’acte authentique
et l’acte sous seings privés. Toutefois, concernant le contrat relatif
aux droits réels immobiliers, l’article 383 du COCC impose qu’il

36. Cf. les décisions déjà citées de la chambre civile et commerciale : 16 janvier 2008, arrêt
n° 21, op. cit. ; 05 déc. 2007, arrêt n° 121, op. cit.
37. On peut avoir une perception plus ou moins large de la notion de contrat solennel. De
manière large, le caractère solennel vise les actes dans lesquels un formalisme autre que
la remise d’une chose est prescrit (actes authentiques ou sous seings privés). De manière
plus étroite, ce caractère est réservé aux actes dans lesquels le formalisme exigé confère
l’authenticité à un acte (acte authentique).
38. J. Carbonnier, Droit civil, vol. 2, Les biens, les obligations, Paris, PUF, « Quadrige »,
1ère éd. 2004, n° 1005.
39. G. Cornu, op. cit., p. 149.
40. Article 41, al. 1 LTE. Pour une analyse doctrinale de l’acte authentique électronique,
cf. M. Grimaldi et B. Reynis, « L’acte authentique électronique», Defrénois 2003, art.
37798, p. 1023 s. ; A. Raynouard, « Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de
l’électronique », Defrénois 2003, art. 37806, p. 1117 s.
41. Cf. sur la notion d’authenticité, A. Lapeyre, « L’authenticité », JCP G, 1970, I, 2365 n°
14 ; J. Flour, « Sur une notion nouvelle de l’authenticité », Defrénois 1972, art. 30159, p.
977 s. ; Ph. Malaurie, « L’authenticité », Les éditions du CRIDON, Paris, intervention du 4
avril 2001 ; D. Froger, « Contribution notariale à la définition de la notion d’authenticité »,
Defrénois 2004, art. 37873, p. 173 s.
droit et ville 189

soit passé « par devant un notaire territorialement compétent sauf


dispositions législatives ou réglementaires contraires ». Il faut se
garder d’en conclure que seule l’intervention du notaire permet
de satisfaire au formalisme prescrit pour la validité de telles
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conventions, à l’exclusion de celle de tout autre dépositaire du sceau
public. D’autres titulaires de l’office public ont reçu le « pouvoir de
communiquer l’authenticité aux actes qu’ils reçoivent »42.

23. Il arrive que la transaction portant sur un droit réel immobilier


soit consacrée par une décision de justice revêtue de l’autorité de la
chose jugée. C’est le cas, notamment, lorsqu’une vente est opérée
au terme d’une procédure judiciaire d’adjudication. De tels actes
peuvent dispenser d’un acte notarié et être admis comme des actes
authentiques équivalents. L’exigence d’authenticité ne confine donc
pas aux seuls actes notariés. Qu’en serait-il de ce qu’il est convenu
d’appeler « acte sous signature juridique » ? Est ainsi désigné
l’acte conclu devant un « professionnel du droit soumis à un statut
contraignant et à un contrôle rigoureux »43 destiné à la protection
des usagers du droit ou l’acte rédigé par un tel professionnel. L’acte
ainsi visé aurait une force probante renforcée car faisant foi quant à
son origine et son contenu, ayant date certaine et n’étant pas soumis
à la formalité dite du double. Mais il ne serait pas revêtu de la force
exécutoire44. Ce formalisme pourrait, s’il était consacré, perturber
la conception bipartite de la forme littérale des actes juridiques au
Sénégal et dans les pays attachés à la tradition civiliste. En France,
une certaine doctrine appelle de ses vœux ce troisième type d’acte
littéral45. Mais en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour suprême
sénégalaise, un acte sous signature juridique subirait le même sort
qu’un acte sous signatures privées s’il portait sur un immeuble
immatriculé. Il serait frappé de nullité absolue, comme la Haute
juridiction sénégalaise l’a rappelé dans cette affaire.

42. G. Cornu, op. cit., p. 149. Cf. sur les différentes catégories d’actes authentiques,
D. Froger, op. cit., p. 173 s.
43. En France, « cette catégorie comprendrait les avocats au Conseil d’État et à la Cour
de cassation, les avocats inscrits à un barreau français, les notaires, les huissiers de
justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires-
liquidateurs » : F. G’Sell-Macrez, « Justification et régime de l’acte sous signature
juridique », Gaz. Pal. 14 oct. 2008, n° 288, p. 12.
44. F. G’Sell-Macrez, op. cit. p. 12.
45. Idem.
190 droit et ville

II. La sanction des actes sous seings privÉs


portant sur un immeuble immatriculÉ

24. Suivant la solution consacrée par la Cour suprême dans la


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décision d’espèce, la nullité qui sanctionne les actes sous seings
privés relatifs aux immeubles immatriculés est absolue. Mais au-delà
de la consécration de la nullité absolue (A), cet arrêt apporte une
précision. La nullité est encourue non seulement par la vente et la
promesse de vente, mais également par le mandat les concernant.
L’étendue de la nullité (B) couvre donc d’autres contrats constitutifs
ou translatifs de droits réels immobiliers que la seule vente.

A. La consécration de la nullité absolue

25. L’arrêt précise, se fondant sur les dispositions de l’article 383


du COCC, que la nullité d’un acte sous seings privés portant sur un
droit réel immobilier présente un caractère absolu. Les intérêts en
jeu dans les transactions immobilières concernées (1) justifient-ils la
radicalité de la sanction (2) ?

1) La nature des intérêts protégés

26. La nature de la nullité dépend de l’objet des règles juridiques


qui ont été violées. Si celles-ci ne sont pas simplement destinées
à la protection de l’une des parties, d’un intérêt particulier, mais
manifestent plutôt l’attention que la société porte à l’acte envisagé
du fait de l’intérêt général qui est en cause, la sanction encourue
est la nullité absolue. La Cour suprême constate et affirme que
les dispositions en cause sont d’ordre public. Mais celui-ci est
protéiforme. Il est possible, entre autres distinctions, que l’ordre
public en cause qui est textuel et non virtuel46, soit de protection, par
opposition à l’ordre public de direction.

27. L’analyse stricte de l’article 258 du COCC consacrant le


caractère d’ordre public des dispositions consacrées aux conventions
relatives aux droits réels portant sur des immeubles immatriculés ne
suffit pas à déterminer la nature exacte des intérêts protégés. Même
l’appréciation, d’un point de vue de pur droit positif, des dispositions
consacrées comme d’ordre public n’y suffirait pas. C’est, au-delà du

46. V. sur cette distinction, J. Carbonnier, Droit civil, vol. 2, Paris, PUF, « Quadrige », n° 984.
droit et ville 191

texte lui-même, les orientations de politique juridique qu’il consacre


qui permettent de répondre à la question de la nature des intérêts
protégés par ces dispositions d’ordre public. Or, il est certain que
toute disposition juridique, même visant à protéger des particuliers,
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parties ou tiers, recèle nécessairement une part d’intérêt général, la
société accordant à cette protection d’intérêts privés une certaine
attention qui manifeste l’intérêt général. Les notions d’intérêt47 privé
ou d’intérêt général sont à contenu variable48, ce qui rend difficile
leur caractérisation.

28. Néanmoins, dans certaines matières, la prégnance de la volonté


de l’autorité publique de contrôler la validité des actes juridiques par
la prescription d’un formalisme strict, d’une constatation officielle
de l’acte, est révélatrice de l’implication de l’intérêt général. Il en
est ainsi, notamment, des actes relatifs au droit des personnes et de
la famille ou de certains contrats pécuniaires49 comme les contrats
portant sur les immeubles immatriculés. La vente d’immeuble
immatriculé n’échappe donc pas à la volonté de contrôle de la
régularité de certains actes juridiques du fait des intérêts en cause.
Il est possible d’y voir une « volonté de contrôler les transactions
immobilières »50 qui sont parfois complexes. Certes, ce contrôle
peut être mû par le souci de protéger la volonté des parties ou de
l’une d’elles. Ainsi, en vertu de son devoir de conseil, l’officier
public serait tenu d’apporter à ses clients un éclairage utile sur la
portée de leurs engagements. La constatation officielle de l’acte
et de sa date pourrait également être protectrice des tiers qui sont
ainsi à l’abri de fraudes dont ils pourraient être victimes51. A l’égard
de toutes ces personnes la forme est « facteur de réflexion […],
stimule, suscite, provoque, alerte, avertit, met en garde [et] lorsque
le fond sommeille, elle réveille »52 ! Mais dans le même temps, elle
consacre la perfection de l’opération et révèle, comme en l’espèce,

47. Cf. sur cette notion d’intérêt en droit, Ph. Gérard, F. Ost, M. Van de Kerchove (dir.),
Droit et intérêt, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1990.
48. Sur ces notions, cf. Ch. Perelman, R. Vander Elst, Les notions à contenu variable en
droit, Bruxelles, Bruylant, 1984.
49. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil. Les obligations, vol. 1 L’acte juridique,
Paris, Sirey, 12e éd. 2006, n° 306.
50. A. Cissé, op. cit., p. 74. Ainsi, dans le domaine des contrats immobiliers, le formalisme
est devenu la règle du fait de « l’adéquation des vertus informatives de la confection d’un
écrit au souci croissant d’un consentement mieux éclairé » : J.-L. Aubert, F. C. Dutilleul, Le
contrat, Paris, Dalloz, « Connaissance du droit », 4e éd. 2010, p. 88.
51. Cf. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, op. cit., n° 306.
52. G. Cornu, op. cit., p. 151.
192 droit et ville

une cinquième condition essentielle à la validité des conventions


portant sur les droits réels immobiliers. La forme « donne l’être »53 à
la vente. La Cour a, sur la base d’un fondement et d’une motivation
contestables, étendu cette vérité à la promesse de vente ainsi qu’aux
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autres contrats afférents à des immeubles immatriculés. Dans cet
esprit, la nullité encourue par une opération passée en violation d’une
telle condition ne pouvait être qu’absolue54. La sanction est radicale.

2) La radicalité de la sanction

29. Le caractère absolu de la nullité encourue est affirmé


expressément par le législateur concernant le contrat de vente. La
Cour suprême l’a étendu à la promesse et au mandat. Cette nullité,
tout comme la nullité relative, prive de tout effet l’acte qui en est
affecté. Le contrat concerné est censé n’avoir jamais existé. Aucune
portée juridique n’est donc reconnue à l’acte sous seings privés
qui constitue ou transfère un droit réel portant sur un immeuble
immatriculé. La protection des parties et le contrôle des transactions
immobilières sont donc privilégiés par rapport au respect de la
parole donnée qui fonde la force obligatoire des conventions. On
peut comprendre aisément que le souci de contrôle des opérations
immobilières puisse justifier que la vente soit soumise à un
formalisme rigoureux sanctionné par la nullité absolue. Une telle
rigueur est-elle nécessaire, s’agissant des actes préparatoires à la
vente immobilière ?

30. La position de la Cour peut être à l’origine de certaines difficultés.


D’abord, les actes préparatoires perdent de leur utilité s’ils doivent
être passés dans les mêmes formes que la vente. La promesse permet
souvent de consigner les engagements des parties en attendant de
pouvoir passer l’acte définitif dans les formes requises. En sus, la
privation de tels actes de tout effet lorsqu’ils sont passés sous seings
privés remet en cause la sécurité des transactions en fragilisant
la force obligatoire des conventions. Il devient plus facile de se
délier d’un engagement pris dans le cadre d’une promesse de vente
d’immeuble au motif que la promesse ou la procuration établie en
vue de la conclure n’a pas été faite par devant notaire. Au surplus, le
fait qu’ils soient établis par acte sous seings privés ne dispenserait

53. J. Carbonnier, Droit civil, vol. 2, Les biens, les obligations, Paris, PUF, « Quadrige »,
1ère éd. 2004, n° 1004.
54. Cf. en ce sens, J. Carbonnier, Droit civil, op. cit., n° 1004.
droit et ville 193

pas les parties de parfaire la vente. Celles-ci seraient obligées


de conclure l’acte définitif par acte notarié, puis d’accomplir les
formalités requises, conformément aux dispositions des articles 383
et suivants du COCC. Le contrôle des opérations immobilières serait
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ainsi maintenu sur le contrat définitif de vente. La protection des
parties par un acte notarié serait pourvue efficacement au moment de
la perfection de la vente.

31. Or, ce n’est pas le cas en l’état actuel de la jurisprudence de la


Cour suprême55. On peut craindre certaines lourdeurs lorsque les
actes préparatoires sont passés par acte notarié. Les parties seraient
obligées de repasser devant le notaire à plusieurs reprises pour une
même opération. Outre les coûts importants que cela entraîne, ce
formalisme paraît excessif en termes de délais. A moins que l’on
considère que le respect du formalisme pour la promesse dispense
les parties de repasser par devant notaire. La promesse, lorsqu’elle
est passée dans les formes prescrites par l’article 383, vaudrait
alors vente. Elle obligerait les parties à, directement, « procéder à
l’inscription du transfert du droit à la Conservation de la propriété
foncière »56. Une telle interprétation de ce texte serait très hardie
si elle ne relève pas, simplement, de l’aventure. Elle ne ressort
d’ailleurs nullement des termes de l’arrêt d’espèce.

32. Par contre, il s’en déduit que l’absence d’acte notarié rend les
actes préparatoires de nul effet. Aucun engagement contractuel ne
peut résulter d’une promesse sous seings privés. L’action en nullité
contre une telle promesse peut être initiée par les parties, mais aussi
par le ministère public. Le juge peut également soulever d’office
la nullité absolue d’un contrat portant sur un droit réel immobilier
passé sous seings privés. L’initiative est élargie afin d’augmenter
les chances d’éradiquer de tels actes considérés comme contraires
à l’intérêt général. La nullité s’impose au juge qui ne peut, comme
l’a fait la Cour d’appel, reconnaître aucun effet à l’acte conclu
en violation du formalisme. Les parties ne peuvent pas non plus
maintenir l’acte dans la vie juridique en le confirmant. Et le périmètre
de la nullité s’étend, selon la Cour suprême, à tous les contrats relatifs
à des droits réels portant sur des immeubles immatriculés.

55. Cf. notamment, CS, civ. et com., 16 janvier 2008, arrêt n° 21, op. cit. ; 05 déc. 2007,
arrêt n° 121, op. cit.
56. Article 382, alinéa 2, du COCC.
194 droit et ville

B. L’étendue de la nullité encourue

33. En précisant que la vente, la promesse et le mandat portant


sur ces contrats sont tous soumis au formalisme consacré, la Cour
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suprême donne une large portée au formalisme des contrats relatifs
aux immeubles immatriculés. La nullité absolue est encourue par
les actes sous seings privés qui constatent des contrats translatifs de
droits réels immobiliers (1) ou des contrats préparatoires à de telles
conventions (2).

1) Les contrats constitutifs ou translatifs de droits réels immobiliers

34. Il ressort de l’article 383 du COCC que la vente d’un immeuble


immatriculé doit faire l’objet d’un acte notarié. Il en est ainsi car
la vente constitue un acte translatif de propriété par excellence.
Interprétant ce texte de manière large, la Cour affirme que d’autres
actes translatifs de propriété devraient être soumis au formalisme de
validité consacré.

35. A l’examen, deux critères semblent découler des dispositions des


articles 379 et suivants du COCC consacrées aux contrats relatifs aux
droits réels immobiliers. D’une part, il faut que l’acte soit qualifié de
contrat, c’est-à-dire, qu’il puisse être considéré comme un accord
de volontés générateur d’obligations57. Ce premier critère permet
d’écarter les actes juridiques unilatéraux du champ du formalisme
des actes relatifs aux droits réels immobiliers. Contrairement au
contrat, ils émanent de la manifestation d’une volonté solitaire
et peuvent, au-delà de l’obligation, faire naître d’autres effets
juridiques58. D’autre part, le contrat doit constituer ou transférer un
droit réel immobilier. Ainsi, même si c’est la vente qui est visée par
la Cour, d’autres contrats constitutifs ou translatifs de droits réels
immobiliers peuvent être compris dans le périmètre de la nullité.

36. Ainsi, l’apport en société d’un droit réel immobilier doit


également faire l’objet d’un acte notarié. Il s’agit d’un apport en
nature qui se réalise par le transfert des droits réels correspondant
aux biens apportés et par la mise à la disposition effective de la
société des biens sur lesquels portent ces droits. Il est donc bien

57. Article 40, alinéa 1er du COCC.


58. Cf. en droit sénégalais, J.-P. Tosi, Le droit des obligations au Sénégal, LGDJ-NEA,
1981, p. 35 s., n° 51 s.
droit et ville 195

soumis aux dispositions des articles 37959 et suivants du COCC dans


la mesure où ces dispositions ne sont pas contraires à celles du droit
uniforme africain des affaires de l’OHADA60. Cette formalité est
accomplie par la rédaction ou la réception des statuts de la société
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par un notaire. Ainsi, si les statuts ne sont plus nécessairement établis
par un notaire -ceux-ci pouvant être simplement enregistrés auprès
d’un notaire-, il en est autrement lorsqu’un associé apporte un droit
réel immobilier en pleine propriété. Dans ce cas, le transfert doit être
passé par devant notaire.

37. L’interprétation extensive de l’article 383 du COCC dans cet


arrêt permet également de conclure à l’application du formalisme
requis à la donation portant sur des droits réels immobiliers. La
donation est bien un contrat et non un acte juridique unilatéral car
il requiert un accord de volontés entre le donateur et le donataire.
Toutefois, seul le premier s’oblige, en principe, ce qui en fait un
contrat unilatéral, à moins que des charges soient stipulées pour être
supportées par le second. Mais dans tous les cas, la donation entraîne
un transfert de la propriété du donateur au donataire. Il est donc un
contrat translatif de propriété. A ce titre, il doit être passé par devant
notaire à peine de nullité absolue.

38. Il devrait en être de même d’un échange portant sur des droits
réels immobiliers. Il résulte également d’un accord de volontés et
permet de réaliser le transfert de propriété des immeubles qui en
font l’objet. Comme en matière de vente, le transfert de propriété
dans l’échange se produit par l’inscription de chacun des transferts
aux titres fonciers respectifs61. Même le bail peut être inclus dans
le périmètre du formalisme de l’article 383 du COCC lorsqu’il est
assorti d’une promesse de vente. Non seulement l’opposabilité aux
tiers requiert dans ce cas une inscription au titre foncier62, mais la

59. Article 379 du COCC : « Les contrats relatifs à des immeubles immatriculés sont soumis
aux dispositions spéciales du présent chapitre ».
60. La supranationalité du droit uniforme africain des affaires de l’OHADA consacrée par
l’article 10 du traité de l’OHADA ne s’oppose pas à l’existence de dispositions nationales
non contraires aux dispositions des actes uniformes. Cf. J. Issa-Sayegh, « La portée
abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats-Parties »,
Revue Burkinabè de Droit, n° 3940, n° spécial 2001, p. 57 ; F. M. Sawadogo, « Les actes
uniformes de l’OHADA : aspects techniques généraux », Revue Burkinabè de droit,
n° 3940, n° spécial 2001, p. 46 ; P. Diédhiou, « L’article 10 du Traité de l’OHADA : quelle
portée abrogatoire et supranationale ? », Rev. droit uniforme 2007, p. 265.
61. V. article 391 du COCC.
62. Cf. article 390 du COCC en ce qui concerne l’opposabilité aux tiers.
196 droit et ville

validité de la promesse est tributaire de l’existence d’un acte notarié,


suivant la jurisprudence de la Cour suprême. Certes, dans ce cas, le
formalisme est davantage lié à la promesse de vente en tant qu’acte
préparatoire.
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2) Les actes préparatoires aux contrats translatifs de droits réels
immobiliers

39. La Haute juridiction sénégalaise vise non seulement la vente,


mais également « …la promesse synallagmatique de vente d’un
immeuble immatriculé, ainsi que la procuration donnée pour
conclure de tels actes… ». La promesse synallagmatique de vente
suppose que les parties aient donné leur consentement définitif à
la vente, à moins qu’une faculté de dédit n’ait été convenue. Les
parties doivent s’être entendues sur la chose et le prix63. Dans la
promesse synallagmatique de vente, ni le vendeur, ni l’acheteur
ne bénéficient d’un droit d’option. Ils s’engagent réciproquement
de manière définitive. En droit sénégalais, si la vente porte sur un
immeuble, la juridiction suprême considère que la promesse ne peut
être passée par acte sous seings privés. Il en est ainsi d’une promesse
synallagmatique tout comme d’une promesse unilatérale. Dans ce
dernier cadre, l’engagement du promettant est définitif et le contrat
de vente est parfait dès la levée de l’option par le bénéficiaire dans
les délais64.

40. La solution retenue à propos de la promesse de vente devrait


également être étendue à la promesse unilatérale ou synallagmatique
de conclure tout contrat translatif de droit réel immobilier,
notamment une promesse de donation, une promesse d’apport ou
une promesse d’échange. Toutefois, l’extension du formalisme au
mandat de conclure de tels actes est plus délicate encore. Certes, le
mandat est bien un contrat car il suppose l’accord de volontés du
mandant et du mandataire. De plus, il fait naître des obligations à la
charge du mandataire et, parfois aussi, du mandant. Mais le mandat
ne peut opérer directement un transfert de droit réel immobilier.
Il ne porte que sur le pouvoir conféré au mandataire de réaliser de
tels actes. La volonté de contrôler la réalité de ce pouvoir permet
de protéger le mandant ainsi que les tiers qui contractent avec le

63. Cf. sur la promesse synallagmatique de vente, Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Les
contrats spéciaux, Paris, Defrénois, 2003, n° 128 s.
64. A. Cissé, op. cit., p. 69.
droit et ville 197

mandataire. L’exigence du formalisme, techniquement fondée sur


la règle du parallélisme des formes65, permet politiquement d’attirer
l’attention du mandant sur la gravité de l’acte. Elle est aussi destinée
à assurer une certaine sécurité juridique au tiers contractant avec
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le mandataire dont l’opération ne sera pas anéantie pour défaut de
pouvoir de ce dernier. L’exigence d’une procuration notariée pour la
vente d’un immeuble immatriculé est très clairement affirmée66 par
les hauts magistrats dans cette espèce. Il en va de même d’autres actes
préparatoires à la vente d’un immeuble immatriculé, notamment,
un pacte de préférence portant sur un immeuble immatriculé67. Le
contrôle de l’opération immobilière est ainsi totalement assuré
d’un bout à l’autre de la chaîne. L’ensemble des contrats relatifs
à un immeuble immatriculé, y compris la promesse et le mandat,
est soumis au même formalisme de validité -un acte notarié- et
à une même sanction -la nullité absolue-. Il en sera ainsi, hélas,
jusqu’à ce que la Haute juridiction abandonne sa lecture extensive
contestable des dispositions visées en l’espèce. Pour une légitimité
plus forte, les chambres réunies pourraient le faire, à moins que le
législateur n’intervienne par une réécriture univoque de ces textes,
pour que vaille la promesse sous seings privés de vente d’immeuble
immatriculé !

65. En droit français, tout mandat peut indirectement devenir formaliste du fait de
l’application de la règle dite du parallélisme des formes qui veut qu’il emprunte la même
forme que l’acte à accomplir. Ainsi, par exemple, le mandat de faire une donation ou
de constituer une hypothèque conventionnelle est nécessairement notarié, parce que la
donation (C. civ., art. 931: « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant
notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de
nullité ») ou l’hypothèque conventionnelle (C. civ., art. 2394 et 2416: « l’hypothèque
conventionnelle ne peut être consentie que par acte notarié ») suppose elle-même une
telle formalité. De même, « le mandat sous seing privé de se porter caution pour l’une des
opérations relevant des chapitres I ou II du titre premier du livre troisième du Code de la
consommation doit répondre aux exigences des articles L. 313-7 et L. 313-8 de ce code
(mentions manuscrites) ; que l’irrégularité qui entache le mandat s’étend au cautionnement
subséquent donné sous la forme authentique » (Cass. 1re civ., 8 déc. 2009, n° 08-17531 :
JCP G 2010, 149, note Ph. Simler). Cf. pour plus de développements, M. Thioye, Droit des
intermédiaires immobiliers, Litec, 2010, n° 439.
66. On pourrait citer, dans le même sens, C. supr. Sénégal, n° 1 du 8 janv. 1986, cité in rev.
EDJA, sept. - oct. 1987, p. 15.
67. CS. n° 57 du 16 juillet 2003, Soc. Foncière de la côte d’Afrique représentée par la Régie
Mugnier c/Raphaël Hédant.

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