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Chapitre III : L’écriture historique

I- Le récit historique

La complexité d’un travail sur le récit historique implique nécessairement une capacité à
définir l’ambigüité du ce terme. La logique historiographique s’impose à l’histoire comme
une donnée à la fois capitale et intrique dans la matrice de d’histoire. Elle implique aussi la
notion e raconté qui évolue naturellement selon le contexte et le genre. Par conséquent, une
approche polyphonique du récit historique ambitionne de donner l’histoire une touche
purement narratologique et scientifique. Dans certains cas de figures, raconté devient d’abord
une acte d’écriture auquel s’ajoute un agencement logique, cohérent et historique du récit.
Cette narration se base sur des événements au cour de l’Histoire, il est donc un récit qui se
veut réaliste dans les faits qu’il relate. Elle est, de ce fait, une narration très particulière
mettant en scène des actants. Cependant, il se différencie des autres genres car il possède des
acteurs individuels appelés personnages historiques. C’est à travers ce récit que les faits sont
racontés procurant des émotions vives aux lecteurs. Elle décèle à ce niveau une uniformité
sous-jacente à des notions telle que l’intrigue. Il repose sur un bornage chronologique, un fil
conducteur et une visée démonstrative et idéologique. D’ailleurs, le récit historique n’est pas
seulement un récit narratif simple, ni une restitution aveugle des faits, il obéit à une
dynamique d’action. Le récit historique est ainsi souvent structuré par la succession
d’événements fondateurs, qui déterminent la suite du devenir historique. Ce récit diffère des
autres procédés d’écriture dans la mesure où il s’attèle à restituer fidèlement un événement ou
une période historique. Il implique une mise en contexte qui ne se limite pas seulement à
raconter mais à créer une logique narrative convaincante. C’est-à-dire, fondé sur une capacité
de mise en relation objective des événements suivant une argumentation dans le mouvement
du récit. Ce travail sur le passé passe donc par la production d’un récit qui produit du sens
pour l’Histoire. Partant de là, le récit historique est donc un flux d’information narrativisé par
un auteur qui de prime se voit obliger d’obéir à une certaine éthique rédactionnelle, celle de
juguler les exigences de l’histoire quant à sa manière de se réécrire par le biais du roman et les
multiples possibilité ce genre dans la production d’un récit jugées souvent aux frontières du
réel et de la fiction. Cette démarche contrefactuelle, qu’on peut qualifier
de contrefactuelle est omniprésente dans les procédés d’écriture de l’histoire. Le récit
historique doit prendre en compte les méthodes de construction alternative. En effet, ce travail
se fonde sur un ensemble d’hypothèse relié par un lien causal mais par une hiérarchie qui
définit les liens entre es événements. Composer un récit, ce n’est donc pas seulement
procéder par juxtaposition, en montrant l’avant et l’après, mais établir un lien de
causalité entre ces derniers. Ainsi, cette maniabilité du récit historique lui permet
d’incorporés habillement des éléments externe à l’Histoire : les pensées et des idées qui
influent sur la composition et l’agencement des faits. Le récit devient un élément clé dans la
compréhension d’une civilisation car c’est à partir d’elle que se joue la transmission orale et
écrite d’une société. Ainsi, au commencement était le récit. Des lors, le récit purement
historique symbolise une écriture dans l’écriture puisque l’Histoire est vue comme un
assemblage d’événement. La poétique du récit élabore, dans son contenu une démarche
complexe, plusieurs temps, un temps historique à la fois vécu et promis. L’histoire est alors
un récit. le récit est une étape central dans la tache de l’historien . D’une part, les récits
historiques répondent aux besoins de se repérer dans le temps et dans l’espace du lecteur. Il
suppose que les moments de crise et de transformation de société sont des générateurs
d’écriture et de lecture. Cette écriture historique en constante tension se veut un discours de
vérité et de représentation du réel. D’autre part , pour les gens qui connaissent peu l’histoire,
en général, ces sagas leur permettent de s’instruire et mieux comprendre leur identité. L’étude
des différentes configurations du récit historique comme étant autant de lieux d’effectuation
de l’identité narrative est la source d’une connaissance de l’argumentaire philosophique et
idéologique de l’historien. le récit d’histoire s’élève jusqu’à l’intelligible pour nouer avec
l’action humaine une vérité de l’écriture. Le récit historique centralise le débat sur la
capacité de l’histoire à fermer son discours dans une explication méthodique des causalités.
L’intention du récit s’en trouve ainsi enrichie des lors que cette dernière cristallise les
multitudes de voies par lesquelles le récit peut émerger. Des lors, ces relations causales sont
intrinsèquement liées à la réalisation du récit. Evidemment, elles sont à mettre dans leur
contexte et à l’action qui s’y joue. Par conséquent, le récit historique privilégie les relations
intrinsèques entre les raisons et les relations des actions. Ainsi, la notion d’intrigue joue sa
partition dans le récit puisqu’elle fonctionne comme un fil sur lequel vient s’enrôler les
diverses étapes du récit historique. De plus, sa nature avérée révèle la connexion qui s’établit
entre les jointures du récit. Il est vrai que le récit est bien d’abord une forme reconnaissable
dans le lot des productions langagières en ce qu’il ordonne des événements au sein de
temporalité. le récit historique quant à lui obéit d’abord à une logique historique qui se doit de
ne point faire abstraction de l’Histoire.

Par ailleurs, grâce à ses procédures textuelles, narratives, syntaxiques, le récit historique
construit une dynamique d’action qui traduit une compréhension globale de l’Histoire. Il est a
considéré comme un gisement de savoir, comme déploiement de ressources d’intelligibilité.
Les régimes du discours historique se fonde nécessairement sur une politique mise en relation
qui débouche d’une part sur un fiction et d’autre part sur une impossibilité de trahir ce
discours Historique. En outre, on ne peut qu’admettre que le récit comme construction d’une
histoire porteur d’un sens, est intimement lié au projet de l’historien. Les différentes étapes
auxquelles se confronte l’histoire dans sa retranscription du passé se trouve ainsi projeter sur
un récit qui partage avec la matière historique une corrélation bien spécifique. De toute
évidence, c’est dans le récit historique que se déploie une narration porteuse de schèmes
d’explications. Le récit est alors la forme littéraire qui exhibe la structure de la pensée
moderne. Ainsi, le récit opère un discours sur l’homme, ses actions de même que l’histoire
qui s’interroge sur les hommes qui ont fait l’Histoire. Cette similitude patente, la narrativité
du personnage , est le système universel qui les unis. Pour en avoir la certitude, soulignons
les propos de Ricœur (1983) « c’est parce que la technique du récit nous a appris à
décrocher le personnage de l’individu que le discours historique peut opérer ce transfert sur
le plan syntaxique » (p 351)

Cependant, comme dans tout donnée historique recueilli, l’histoire tente de collecter une
quantité données nécessaire à la composition de son récit, par des opérations méthodiques et
archivées. Des lors, on se confronte à la nécessité de briser le carcan qui englobe chaque récit
et la rétention d’éléments singuliers du récit historique. Le récit historique se différencie des
autres types de récit, dans son contenu et son aspect le plus élémentaires. En effet, il tient
compte des conditions de la narration, l’historiographie, de la position sociale du narrateur et
de son lectorat. Tous ses traits qualifient à juste titre l’énonciation et les divers types de
pratiques qui englobent le récit historique dans sa globalité. Ce constat influe sur le système
d’énonciation du récit et comble les lacunes noté dans l’Histoire. Dans le cas des récits
historiques, il faut noter que l’évolution du récit est très aléatoire. Dans un récit, la chaine de
narration, la reconstitution des situation originaires, fruit d’un passé lointain, sont autant
d’élément que le récit se doit d’intégrer au fil de son itinéraire. Ces conditions de production
du récit révèlent la richesse car traitée comme des produits et non plus seulement comme des
sources ils ne disent plus seulement histoire ils sont eux-mêmes, une histoire sédimentée à la
manière d’un monument où peut se lire la série des remaniements architecturaux successifs
dont résulte sa structure finale. Un récit est alors dit « historique » quand son objet historique
est situé dans une perspective lointaine par rapport à son texte. De plus, le narrateur et les
lecteurs ordinaires doivent tenir ce récit pour tel en fonction du partage qu’ils assume entre
différents genres narratifs. Dans un récit, c’est la dimension descriptive qui tient le rôle de
premier plan, souvent, le narrateur transmet une leçon d’histoire, politique ou éthiques qui
infléchi la variante du récit. Le récit un événement donné comme historique et donc singulier
peut ailleurs inclure énoncer explicite un message vocation universelle comme dans le cas de
Cinq-Mars. Partant de ce constat, on peut dire qu’un récit n’est historique que s’il transmet
une leçon, des valeurs aux générations futurs. Toutefois, la prétention d’un récit historique à
tendre vers la vérité de son objet, dissimule la question de son sens, qui doit être une phase sur
laquelle doit se focaliser le narrateur et ses lecteurs. D’ailleurs, dans la pratique du récit
historique, on a d’une part une narration qui véhicule un savoir et d’autres part une narration
ou le récit n’est qu’un outil narratif, un pseudo- objet assujetti au sens. De ce faite, chaque
récit se tient entre ces deux bornes. Or, l’objet explicite du récit n’est souvent qu’un prétexte.
La morale éthique, politique proposée par le narrateur ,le plaisir esthétique et exotique procuré
deviennent le but du récit. Par l’utilisation d’éléments narratifs perçus comme historique, il
cherche, au dépend de l’exactitude, l’évocation d’une atmosphère héroïque et archaïque. En
dépit d’une recherche d’objectivité et une temporalité qui l’éloigne de plus en plus du modèle
narratif, l’histoire est indissociable du récit. Ricœur (1983) admet que « l’histoire ne saurait
rompre tout lien avec le récit sans perdre son caractère historique »

De plus, le sens d’un récit historique s’articule autour de divers éléments qui dans une
narration quelconque, procure un sens à ce récit. Son sens n’est pas réductible à ses conditions
d’énonciation. En effet, il se pose la question du sens des éléments narratifs qui le compose et
qu’il agence. Ceci renvoie aux nombreuses énonciations et aux opération d’historisation qui
produisent le récit historique. En même temps que ce contenu narratif relativement défini se
transmet du même coup quelque indice des conditions historisation dans lesquelles se sont
forgés les éléments de ce contenu. Sans doute un récit ne nous informe pas seulement des
évènements mais de la haute portée significative qui l’entoure, du réseaux lexical et
pragmatiques au sein du quel apparait un champ à la fois historique et symbolique. Un récit
n’est pas historique seulement par son objet explicite, il garde les traces dans son identité,
dans sa conception, trace au moins de son geste par le quel ce dont il parle est promu comme
objet de récit. Bref, un récit n’est efficace que dans la mesure où il produit plusieurs signes,
ou il réalise la transmutation des signes. L’écriture de l’histoire est donc dominée par la forme
du récit linéaire fondé sur une continuité entre les faits historiques qui donnent un sens à
l’histoire. le récit historique est ainsi souvent structuré par la succession d’événements
fondateurs qui détermine la suite du devenir historique. Toutefois, comme il n’existe pas
d’évènements contingents en soi, il n’y a pas de récit historique sans événements fondateurs
sur lequel on propose une explication particulière. Certains tournants historiques et des
phénomènes de contingence appartiennent à des procédés narratifs spéciaux. Les historiens
ont donc besoin de choisir et de relier chronologiquement les faits et des dispositifs pour bâtir
une intrigue convaincante. Le problème du récit historique réside dans le passage constant et
souvent inconscient d’un raisonnement à l’autre, sans que le statut de la preuve soit explicité.
L’historien – romancier n’a accès qu’a une infime partie des donnés relative au passé « pour
tout le reste, il lui faut boucher les trous » Veyne (1994) . En 1994, Veyne nomme ce
procédé de remplissage la « rétrodiction » Il préfère l’analyse des causes au profit de la
description des effets de l’histoire.

En outre, si l’histoire est un récit, il n’est n’importe quel récit. C’est un récit d’abord
historique avant d’être confronté au besoin de la poétique du roman. En effet, la subjectivité
historienne s’inclue dans la distance historique qui oppose la narration et le discours normatif.
Cette analogie maintient l’histoire dans l’emprise du récit et du même coup , sa dimension
historique
I-1- la narration

Dans toutes les sociétés humaines, le geste de narrer est une condition sine qua non à
l’élaboration et la représentation du discours d’une société, qu’elle soit écrite ou orale. Ainsi,
au-delà des récits dramatiques, d’aventures ou sous quelques autres formes, l’homme,
quotidiennement, entame toujours une narration pour soit expliquer ou se justifier dans
certaines circonstances. Sans en avoir conscience, nous utilisons toujours des techniques de
narration. Nous sommes tous des narrateurs en herbe. La représentativité d’un tel discours
s’inscrit dans une logique qui permet la sauvegarde d’une civilisation. De ce faite, la narration
se complait ici à intégrer des récits pratique qui se donne comme vecteur de transition, une
donnée sociale et littéraire qui change constamment. Genette (1972) souligne « la narration
est l’acte narratif producteur et, par extension, l'ensemble de la situation réelle ou fictive dans
laquelle il prend place » (72) . On empruntera ici à Ricœur (1984) sa caractérisation de la
narration comme « activité mimétique ayant pour objet la mise en intrigue de l’expérience
vive» La narration, de ce fait, nous libère du temps vif et contraignant de l’expérience. Elle
nous permet de reconstruire un temps tel que nous le rêvons, tel que nous en avons besoin
pour poursuivre notre route. La cohérence de sens prévaut ainsi sur la cohérence
chronologique Des lors, elle est le geste qui construit tout récit et qui décide de la manière
dont l’histoire est narrée. Son étude implique de définir d’abord le statut du narrateur et enfin
les rôles qu’elle assure. En effet, toute la production littéraire surtout romanesque est régie par
cette volonté d’aller au-delà d’une simple interprétation de la notion de narration. Elle a pour
ambition de projeter des fragments à l’endroit de la conscience humaine dans le but de saisir
le concret qui résulte de son essence. En effet, le roman historique se construit suivant une
volonté de l’auteur de jouer sur l’énonciation et la diffusion d’un récit. Cette volonté de narrer
le passé définit cette notion comme étant une manière de raconter propre à l’auteur mais aussi
au genre dans lequel il excelle. En parfaite contradiction avec les autres domaine d’écriture, le
roman historique se fonde sur une narration ou une figuration qui se conçoit indépendamment
des autres démarches.

D’ailleurs, notre corpus Cinq-Mars déploie une narration très originale puisqu’il se donne
comme prérogative la réappropriation d’un récit propre à un milieu. Le roman est par nature
un genre narratif qui s’élabore dans une réalité purement narrative. En effet, la narration à
travers laquelle se réalise toute production littéraire notamment romanesque exige une
esthétique. De ce fait, les diverses postures du schéma narratif sont bien identifiables dans les
structurations textuelles et schématiques du roman historique dans la mesure ou dans celui-ci,
on repère les étapes qui compose un récit. La conception traditionnelle du narrateur va de pair
avec une conception également traditionnelle de la narration, sinon du narrateur, dans le
roman. Dans certains romans, le narrateur est décrit comme un « personnage qui raconte en
son nom ». C’est un être qui n’existe qu’a l’intérieur du texte ; une voix narrative qui raconte
l‘histoire. Le narrateur qui raconte ne se confond donc pas avec le Vigny qui a des opinions
politiques. La distinction auteur / Narrateur est bien justifiable puisque l’auteur est bel et bien
vivant alors que le narrateur est un être fictionnel. Dostoïevski oppose la narration «au nom
de l’auteur » et «au nom du héros » ; Boris Tomachevski, membre du groupe des formalistes
russes, écrit que la narration peut être présentée «soit objectivement, au nom de l’auteur,
comme une simple information, sans que l’on nous explique comment nous prenons
connaissance de ces événements», «soit au nom d’un narrateur, d’une certaine personne
bien définie». Toutes ces formulations témoignent de l’attention portée par les romanciers et
les théoriciens du roman au problème de la prise en charge de la narration. En résumé, dans le
roman à la troisième personne, c’est l’auteur lui-même qui raconte l’histoire des personnages.
Par ailleurs, la figure du narrateur s’identifie aussi à un narrataire qui constitue en parfaite
symbiose, révele du dispositif textuel présent dans un récit. C’est pourquoi la narratologie
moderne s’intéresse à ces notions. Dans qu’est-ce que le structuralisme ? Todorov( 1968)
affirme :

Dès l’instant où l’on identifie le narrateur d’un livre, il faut reconnaitre aussi
l’existence de son partenaire, celui à qui s’adresse le discours énoncé et qu’on
appelle aujourd’hui narrataire. Le narrataire n’est pas e lecteur réel, pas plus que le
narrateur n’est l’auteur, il ne faut pas confondre le rôle avec l’auteur qui l’assume.
Cette apparition simultanée n’est qu’une instance de la loi sémiotique générale selon
laquelle je et tu ( ou plutôt l’émetteur et le récepteur sont toujours solidaires .
Dans tout récit, le narrateur est la clé dans l’élaboration d’une narration qui se veut
objective et structurée. Le récit combine différentes voix qui se mêle à leurs tours pour
constituer un ensemble de dialogue présent dans le roman. Ce dernier, dont la présence dans
le récit affecte à la fois la progression et le statut des personnages, a une relation assez
particulière avec l’histoire narrée. Le narrateur peut être soit un personnage de l’histoire, soit
extérieur au récit. Si le personnage est extérieur à l’histoire. Il s’exprime le plus souvent à la
troisième personne. Si le narrateur est un des personnages, il s’exprime le plus souvent à la
première personne. Des lors, cette relation constitue le soubassement sur laquelle se fonde
l’ensemble l’armature du récit. De plus, le narrateur, centre névralgique de l’histoire,
entretient le récit dans une situation qui peut se retrouver à plusieurs niveaux. La situation
narrative évolue et varie de façon à présenter une personne implicite ou explicite qui est le
sujet de l’énonciation. Le récit à a troisième est bien évidemment une potentialité qui fait du
narrateur la pièce maitrise du récit et lui permet de narrer l’histoire. A ce propos Vigny dès
l’incipit affirme :

Connaissez-vous cette contrée que l’on a surnommée le jardin de la France, ce pays


où l’on respire un air si pur dans les plaines verdoyantes arrosées par un grand fleuve
? Si vous avez traversé, dans les mois d’été, la belle Touraine, vous aurez longtemps
suivi la Loire paisible avec enchantement, vous n’aurez regretté de ne pouvoir
déterminer, entre les deux rives, celle où vous choisirez votre demeure, pour y oublier
les hommes auprès d’un être aimé. ( p 33)

Le narrateur, dans l’histoire, se présente comme le point focal sur lequel le récit gravite. Il
entretient un rapport étroit avec son histoire. Des lors, le narrateur est soit présent dans
l’histoire comme personnage ou hors de l’histoire. En effet, sa présence est non négligeable
dans la mesure où l’univers spatio-temporel du roman évoque la présence ou l’absence de ce
dernier. Vigny est totalement absent du récit. On à faire à un narrateur hétérodiégétique. De
plus, tout le récit est narré à la troisième personne du singulier et à la deuxième personne du
pluriel « il m’est permit d’ailleurs de vous dire monsieur Cinq-Mars » ( 54) , L’auteur est
désireux d’accompagné son histoire , de provoquer l’adhésion du publique. Les commentaires
perpétuels et les intrusions de l’auteur justifie le changement de voix. Il raconte les
expériences de son héros à la troisième personne. L’absence du « je » est évidente dans la
mesure ou le narrateur raconte des événements passés dont il est lui-même absent. Toutefois,
cette absence du narrateur-auteur trouve un écho fort retentissant en la personne de Cinq-
Mars. L’auteur se prête au jeu, son héros possède son âme. Il est à la fois dans le texte et hors
du texte. C’est pourquoi Genette (1972) affirme « l’absence est absolue mais la présence à
ses degrés ». Cette situation fait du narrateur un observateur qui à la limite devient le juge de
l’histoire et par la même occasion l’historien du passé. L’auteur n’apporte aucune
modification à l’histoire mais il y peint une histoire politique et amoureuse. La relation du
narrateur à l’histoire demeure complexe. La double conception du narrateur se trouve ainsi
justifiée par un récit qui se trouve souvent raconté à divers niveau mais par le lien qu’il
entretient avec l’histoire . Ainsi, dans Cinq-Mars, Vigny narre une histoire au premier degré
dans lequel il est absent. Il s’adresse d’abord à royauté affaibli par la révolution et aux
peuples. Par conséquent, cette relation entre histoire et le niveau narratif met en lumière un
narrateur extradiégétique-hétérodiégétique. C’est le cas du narrateur- auteur qui relate les
aventures de Cinq-Mars dans la cour de Louis XIV. Ce récit premier épouse une certaine
fidélité avec la réalité. Même si, le roman historique se permet certains privilèges. L’auteur
invite ses lecteurs à partager son point de vue sur les événements racontés. Hormis son rôle de
raconter une histoire, le narrateur a aussi pour tâche de transmette une savoir, une
connaissance et d’éveiller la curiosité de son lectorat. En effet, le narrateur peut avoir
plusieurs fonctions. Dès les premières pages de son roman, Vigny s’explique sur les causes
qui on aboutit à la rédaction de son roman.

Ce règne dont nous vous voulons peindre quelques années, règne de faiblesse qui
fut comme une éclipse de la couronne entre les splendeurs de Henry IV et de Louis le
Grand, afflige les yeux qui le contemplent par quelques souillures sanglantes. Elles ne
furent pas toute l’oeuvre d’un homme, de grands corps y prirent part. Il est triste de
voir que, dans ce siècle encore désordonné, le clergé, pareil à une grande nation, eut
sa populace, comme il eut sa noblesse ; ses ignorants et ses criminels, comme ses
savants et vertueux prélats. Depuis ce temps, ce qui lui restait de barbarie fut poli par
le long règne de Louis XIV, et ce qu’il eut de corruption fut lavé dans le sang des
martyrs qu’il offrit à la Révolution de 1793. Ainsi, par une destinée toute particulière,
perfectionné par la monarchie et la république, adouci par l’une, châtié par l’autre, il
nous est arrivé ce qu’il est aujourd’hui, austère et rarement vicieux. Nous avons
éprouvé le besoin de nous arrêter un moment à cette pensée avant d’entrer dans le
récit des faits que nous offre l’histoire de ces temps, et, malgré cette consolante
observation, nous n’avons pu nous empêcher d’écarter les détails trop odieux en
gémissant encore sur ce qui reste de coupables actions, comme en racontant la vie
d’un vieillard vertueux on pleure sur les emportements de sa jeunesse passionnée ou
les penchants corrompus de son âge mur.

De plus, l’auteur procède à une réécriture et à une réinterprétation de l’histoire. le noyau de


son récit est ainsi rédigé dans le but de donner à son récit un nouveau souffle . Il transfigure
les époques, dessine les portraits des traitres et évoque la dualité dans la cour. Vigny formule
ainsi son opinion sur les rapports entre les trois protagonistes mais aussi sur la décadence de
la noblesse sous l’impulsion du Cardinal. Ce dernier précipite la révolution française de 1793.
On parle ainsi d’une fonction idéologique puisque l’auteur impose une théorie sur ces
événements qui ont conduit à la chute de la monarchie.

Il existe plusieurs façons de raconter une histoire selon le point de vue utilité par l’auteur.
La mise en récit est conditionnée par l’approche dont le narrateur entend faire le récit de son
histoire. On parle de mode narratif pour faire allusion aux différents procèdes employer pour
représenter les évènements narrés. La notion de mode narratif renvoie directement à la
fonction première du récit, celle de raconter une histoire. Des lors, elle n’a pas pour but de
convaincre, d’ordonner ni de prouver. Cependant, le mode renvoie aussi aux temps de la
conjugaison qui d’une part influe sur la manière de raconter une histoire. D’ailleurs, le Littré
le définit ainsi « nom donné aux différentes formes du verbe employées pour affirmer plus ou
moins la chose dont il s'agit, et pour exprimer ... les différents points de vue auxquels on
considère l'existence ou l'action ». Cette définition semble rejoindre la conception que la
narratologie se fait du mode narratif. En 1972, Genette souligne :

On peut en effet raconter plus ou moins ce que l'on raconte, et le raconter selon tel ou
tel point de vue; et c'est précisément cette capacité, et les modalités de son exercice,
que vise notre catégorie du mode narratif : la « représentation », ou plus exactement
l'information narrative a ses degrés; le récit peut fournir au lecteur plus ou moins de
détails, et de façon plus ou moins directe, et sembler ainsi se tenir à plus ou moins
grande distance de ce qu'il raconte; il peut aussi choisir de régler l'information qu'il
livre, non plus par cette sorte de filtrage uniforme, mais selon les capacités de
connaissance de telle ou telle partie prenante de l'histoire (personnage ou groupe de
personnages), dont il adoptera ou feindra d'adopter ce que l'on nomme couramment
la « vision» ou le « point de vue », semblant alors prendre à l'égard de l'histoire telle
ou telle perspective. « Distance » et « perspective », ainsi provisoirement dénommées
et définies, sont les deux modalités essentielles de cette régulation de l'information
narrative qu'est le mode, comme la vision que j'ai d'un tableau dépend, en précision,
de la distance qui m'en sépare, et en ampleur, de ma position par rapport à tel
obstacle partiel qui lui fait plus ou moins écran.

La représentation et l’implication du narrateur dans son récit implique que le ce dernier


s’approprie l’histoire qu’il raconte. Sa présence est nécessaire dans la continuité du récit, il
détermine lui-même la posture qu’il prend vis-à-vis des faits. Il peut dans certains cas être
proche des faits qu’il raconte où prendre ses distances donnant ainsi à son lectorat le
minimum ou le maximum nécessaire à la compréhension du récit. La distance est ici
mesurable sur une échelle déterminée par le narrateur qui va du prés au loin selon la distance
prise. En effet, l’auteur qui relate les faits reste très proche, il conte l’histoire sous un angle
purement historique, attire l’attention sur les événements et leurs conséquences dans le temps.
La proximité du narrateur avec son récit lui permet raconter avec objectivité. L’auteur préfère
raconter tout en se permettant de montrer la part philosophique et politique que constitue son
œuvre. En effet, l’auteur a pour ambition de prouver que l’histoire par excellence est donc une
narration inspirée d’un fait réel et illustrant une vérité utile. Cette vérité est sacralisée par le
roman qui lui donne une portée symbolique. C’est ce que les anglo-saxons comme henry
James nomme « showing » et « telling ». Cependant, tout récit historique ne peut montrer ou
traiter avec fidélité l’histoire dans la mesure ou le passé est difficilement cernable. De plus,
relater le passé, c’est accepter de nuire à la vérité pour transfigurer la fiction. Des lors, le récit
est une imitation déformée de la grande histoire et de ses événements. Genette ( 1972)
soutient à nouveau « aucun récit ne peut « montrer » ou « imiter» l'histoire qu'il raconte. Il
ne peut que la raconter de façon détaillée, précise, « vivante », et donner par-là plus ou
moins l'illusion de mimésis qui est la seule mimésis narrative » ( p 185). Cette distance
choisie par le narrateur va déterminer l’implication ou non du lecteur. La représentation des
évènements dans le récit est des thèmes privilégiés par le lecteur car ce dernier préfère les
détails à une description générale. Par conséquent, la vision du romancier ne se limitera pas
seulement à raconter mais aussi à faire preuve de fiabilité et de précision dans la peinture des
évènements. Le récit d’événement évoque une situation très particulière dans laquelle le
narrateur doit s’appesantir pour donner plus d’éléments et de précision. La distance et la
proximité dépend alors de la présence du narrateur et de son investissement dans l’évolution
du récit. Dans un souci de rester le plus près possible des faits, le narrateur procède à un récit
détaillé des scènes et visualise les actions qui se produisent. Il privilégie les descriptions
précisent. L’auteur consacre plusieurs pages à décrire des événements cruciaux dans son récit.
Il favorise une description précise
Cependant dans le cas du roman historique, on peut s’autoriser certaine réserve dans a mesure
où ce genre transgresse des règles narratives et romanesques. Il est d’ailleurs évident que des
éléments comme les lettres et les récits historiographiques sont autant de sources consultées
par l’auteur. Des lors, l’instance narrative est souvent renseignée par ces mêmes sources.

Ce récit secondaire, appelé également récit enchâssé ou encadré, permet souvent de mieux
cerner la personnalité, les motivations du personnage qui parle et de créer une attente chez le
lecteur qui a envie de connaître la suite du récit premier. Cette constitue un leitmotiv pour le
héros qui prend sa mission comme étant sacrée. L’histoire est racontée dans divers horizons
possible pour servir de réceptacle à un public plus larges et instruit. En effet, la narration
concilie des faits justifiables et sonne comme une interprétation équivoque. Elle est une
contribution pour la compréhension de l’histoire. La narration constitue ainsi la médiation
indispensable pour faire œuvre historique et lier l'espace d'expérience et l'horizon d'attente.

Le récit repose sur l’assomption d’une instance énonciatrice qu’est la narration, avec son
narrateur et son narrataire, fictifs ou non, représentés ou non, silencieux ou bavards, mais
toujours présents dans ce qui est bien un acte de communication. La narration, c’est cette
posture naturelle de l’écrivain et cette aisance à dérouler un épisode de l’histoire. Il y a
diverses manières d’exposer une histoire ou de conduire un récit. La première est la manière
narrative ou épique, dans laquelle l’auteur raconte lui-même toutes les aventures de ses héros ;
c’est la manière de Vigny dans Cinq-Mars. Ainsi, Vigny raconte à sa manière les divers
incidents qui ont marqué la vie de ses personnages, fussent-ils vrai. Cependant, dans un texte,
ces sont les procèdes intrinsèques à ces derniers qui s’établissent comme étant à étudier. Par
ailleurs, dans un texte narratif, l’auteur, pour élucider certains points de vue, se permet un
récit ou les actions s’enchainent selon ses désirs. L’auteur ne peut tout raconter, de même
qu’il ne peut pas rendre vraisemblable le fait qu’une personne, au terme d’une longue
existence, fasse un récit détaillé des conversations qui ont eu lieu à sa première époque.
L’auteur alors a deux caractères à soutenir ; il faut qu’il considère ce que son héros a ressenti
au moment où se sont passés les événements qu’il raconte, et ce qu’il est naturel qu’il ressente
au moment où il les raconte — à une période, peut-être, où la curiosité est éteinte, où les
passions ont perdu leur chaleur et où, en tout état de cause, l’incertitude qui pouvait rendre les
événements intéressants n’existe plu Toutefois, le texte réclame une certaine autonomie vis-à-
vis de l’histoire officiel et souvent de l’historiographie. En effet, il est sensible à la mise en
forme, à la manière de conduire son récit, dans l’ensemble comme dans le détail.
Evidemment, la progression de la narration doit être logique mais la progression des thèmes
varie. D’ailleurs, Vigny propose un schéma dans lequel l’enchainement du récit est conforme
au schéma narratif traditionnel. Sans doute, l’analyse du contexte narratif de Cinq-mars ne
permet pas d’étudier toutes les séquences narratives qui y sont présente. Partant de ce constat,
Cinq-mars est riche d’un dispositif qui lui permet une compréhension de toutes les étapes
narratives usitées par l’auteur. Par exemple, à l’intérieur du récit, on note tout au long du
texte, une évolution constante du thème, un thème qui tourne autour du personnage principal
Cinq-Mars. En effet, le héros se forge une personnalité qui évolue sans cesse dans le récit. Il
devient au fur à mesure une copie parfaite du jeune romantique désabusé et mélancolique. Ces
sentiments aussi mêlés à son caractère de jeune révolté font de lui un personnage- thème
d’autant plus qu’il se découvre dans et découvre que Marie de Gonzague, sa bien-aimée, l’a
abandonné « Si elle est reine, ce ne peut être qu’après ma mort. Mais écoutez : pour elle je
fus courtisan ; pour elle j’ai presque régné en France, et c’est pour elle que je vais
succomber, et peut-être mourir ». Des lors, la thématique constante du récit dépasse son pour
devenir une fatalité à laquelle le héros est confronté. Ce sont ses actions et volonté qui décrive
mieux la figure du marquis. De plus, la progression est continue, c’est-à-dire que le
personnage est subordonné au thème de l’amour sacrificiel.

Dans tout récit, la parole est un acte qui fonde un discours qui se révèle être le catalyseur
de tout texte. En effet, l’insertion d’un discours se fait par le moyen d’une parole à la fois
mécanique et symbolique. C’est-à-dire que toute production littéraire doit sa notoriété au
mode narratif sur lequel l’auteur campe la rhétorique de ses personnages. D’ailleurs, tout texte
est un tissu de voix qui se télescope dans le récit. Cette promiscuité du dialogue narratif met
en lumière le rôle actif joué par l’auteur dans la configuration d’un espace de rencontre et
d’échange entre les personnages. Un récit se compose avant toute de personnages qui
agissent, se rencontrent et se parlent. Il est alors évident que le texte narratif intègre des
paroles, rapportés de différentes manières par l’auteur. Le discours n’est pas seulement un
moyen d’expression de la pensée. Il est un procès d’énonciation discrets et uniques par lequel
l’écrivain actualise la langue en parole. Des lors, l’insertion des paroles se fait à travers un jeu
complexe entre les différents dont l’auteur se permet de dépeindre leurs propos et sentiments
en parole. De là, le discours littéraire peut aussi profiter, grâce à l’énoncés donc de discours,
de cette capacité de réécriture. La langue, à la fois un moyen et un utile de communication,
peut stabiliser la mouvance temporelle par des traces écrites pouvant même porter la marque
de l’action ou le fait évoqué grâce sa porosité. Vigny fait parler ses personnages avec une
verve authentique, il fait parler tout le monde, prendre tous les tons, et en même temps qu'il
observe les mœurs et les convenances propres à chaque caractère, il garde toujours cette
vivacité, cette humour, ce mouvement et cette vie, qui sont proprement un charme. C'est
comme une flamme légère qui court sur toutes les répliques pour les faire étinceler et reluire.
Et rien d'artificiel ou de concerté ; pas de cliquetis d'antithèses, d'une admirable force
dramatique parfois dans leur concision et leur brusque détente, mais toujours trop visiblement
arrangées pour l'effet; au contraire, partout une facilité, une aisance merveilleuse, un courant
largement étalé, d'une allure pleine, heureuse, et où la clarté se joue en vives étincelles. Par
exemple, ses personnages use d’un ton fier et hautain, digne de leurs rangs «
» . Aussi bien, de ce dialogue, est-il préférable d'indiquer la nouveauté la plus saisissante. De
plus, Elle consiste à mettre sur les lèvres des duchesses et des marquises, des princes et des
rois, les propos familiers et gaillards, les comparaisons hardies et pittoresques, qui donnent
tant de piquant et de saveur. Cinq-Mars s’exprime ainsi «
»

Le langage par exemple de Cinq-Mars « est plein de passion et de vie, celui de louis XIII «
».

Chez vigny, les princes parlent avec un ton très naturel et épique. Ecoutons Gaston d’Orléans
se moquant de l’Espagne.

Allons, allons, je suis content, puisqu’il en est ainsi, dit Gaston ; occupons-nous de
choses plus agréables. Grâce à Dieu, nous avons un peu de temps devant nous : moi j’avoue
que je voudrais que tout fût déjà fini ; je ne suis point né pour les émotions violentes, cela
prend sur ma santé, ajouta-t-il, s’emparant du bras de M. de Beauvau : dites-nous plutôt si
les Espagnoles sont toujours jolies, jeune homme. On dit que les femmes portent des
vertugadins énormes ! Eh bien, je n’en suis pas ennemi du tout. En vérité cela fait paraître le
pied plus petit et plus joli ; je suis sûr que la femme de don Louis de Haro n’est pas plus belle
que Mme de Guéménée, n’est-il pas vrai ? Allons, soyez franc, on m’a dit qu’elle avait l’air
d’une religieuse. Ah ! … Vous ne répondez pas, vous êtes embarrassé… elle vous a donné
dans l’œil… ou bien vous craignez d’offenser notre ami M. de Thou en la comparant à la
belle Guéménée. Eh bien, parlons des usages : le roi a un nain charmant, n’est-ce pas ?. (p
300) Gaston d’Orléans, le frère du roi se permet de parler ainsi .
Fréquemment, la posture du romancier se trouve ainsi en confrontation avec l’évolution
de son récit. En effet, son point de vue influe considérablement sur la vision qu’il donne à son
œuvre. D’ailleurs, le caractère focalisant du romancier est double. D’abord, il confère au
roman un caractère omniscient, ensuite il produit un effet sur le texte lui-même. Par
conséquent, c’est l’auteur qui est qualifié d’omniscient, mais cette omniscience doit
évidemment être considérée comme un effet du texte lui-même et de la nature des
informations qu’il contient ; comme le remarque Genette dans Nouveau discours du récit
(1983) « l’auteur n’a rien à savoir, puisqu’il invente tout » ( 348) . Durant cette période,
l’auteur ne se prive pas d’intervenir directement dans son récit, pour commenter l’action ou la
conduite de la narration, pour faire des réflexions et des digressions sur des sujets variés. En
outre, on note la présence envahissante de l’auteur- narrateur. Son opinion est omniprésente
dans son texte qui prend des allures de discours philosophiques, littéraires et morales. Ceci
révèle le type de narrateur qui raconte l’histoire à la 1re ou à la 3e personne. En effet, l’auteur
est présent partout dans le texte , il partage avec les lecteurs ses impressions et souvent sa
position est compromise . C’est-à-dire que Vigny, royaliste de sang, s’indigne contre la
prétention et la puissance du cardinal. Il lui voue une haine viscérale, lui et ses complices. Il
symbolise l’âme de la noblesse tout entière frémissant d’indignation devant Richelieu. Dans la
veine du roman fortement historique, le narrateur – auteur est toujours là, il vit avec ses
personnages, s’identifie à son héros et souvent justifie ses actes à travers le temps. D’ailleurs,
Cinq-Mars est à l’image de vigny, défenseur de la noblesse et adversaire du Cardinal.
L‘auteur développe ainsi une thèse, à la manière des romans à thèses, qui se veut la lutte
d’une classe contre une autre. Dans ce cas, le narrateur est dit omniscient, il transmet les
pensées, les émotions des différents personnages, connait leur passée et leur avenir. De tout
évidence, le narrateur semble connaitre ses protagonistes puisque que ce dernier, tout au long
du récit fait référence à des éléments exactes et présent de leurs vies. La focalisation zéro met
dos à dos l’auteur – narrateur et ses personnages dans la mesure où ce dernier détient le
pouvoir divin de voir, d’entendre, de sentir et de faire vivre ses protagonistes. De plus, la De
plus, Vigny choisi de représenter histoire selon son point de vue selon les possibles qu’offrent
le roman historique. Dans Cinq-Mars, l’histoire est racontée par le narrateur à la troisième
personnelle du pluriel. Le narrateur omniscient à l’instar de Vigny pratique une focalisation
zéro, il ne préfère aucun personnage. On a une absence de focalisation. On remarque que dans
notre corpus, l’auteur présente équitablement ses protagonistes. Il dévoile au lecteur tous les
informations nécessaire allant jusqu’àu confessionnal et les secrètes paroles de Cinq-Mars et
De Thou que seul le père connaissait.
Ce fut alors que Cinq-Mars dit à Dieu ce que lui seul et Marie de Mantoue ont connu
de leurs secrètes et malheureuses amours. « Il remit à son confesseur, dit le P. Daniel,
un portrait d’une grande dame tout entouré de diamants, lesquels durent être vendus,
pour l’argent être employé en oeuvres pieuses. » Pour M. de Thou, après s’être aussi
confessé, il écrivit une lettre37 : « Après quoi (selon le récit de son confesseur) il me
339 dit : Voilà la dernière pensée que je veux avoir pour ce monde : parlons en
paradis. Et se promenant dans la chambre à grands pas, il récitait à haute voix le
psaume : Miserere met, Deus, etc., avec une ardeur d’esprit incroyable, et des
tressaillements de tout son corps si violent qu’on eust dit qu’il ne touchoit pas la terre
et qu’il alloit sortir de luy-mesme. Les gardes étoient muets à ce spectacle, qui les
faisait tous frémir de respect et d’horreur.

Dans cet extrait, le narrateur sait ce que ressent Cinq-Mars, de Thou l’ignore et leurs
derniers actes. Le narrateur en est conscient, il le signale au lecteur. Il souligne l’extrême
délicatesse des sentiments, que seul peut révéler un narrateur omniscient, capable comme
Dieu lui-même de voir au-delà des conduites et de sonder les cœurs. Comme Dieu, il rentre
dans l’intimité de ses personnages, nous fait vivre leurs émotions vives. Le point de vue
omniscient permet au lecteur d’en savoir plus sur les personnages, de mieux comprendre leurs
actions, d’avoir une vision plus globale des faits.

I-2 - l’espace – temps

Le débat sur le rapport qu’entretient l’espace-temps dans la création littéraire est toujours
vif. Et pour preuve, elle est devenu un débat que plusieurs s’arrachent. En effet, la notion
d’espace- temps dépasse le cadre littéraire puisqu’elle intègre aussi la science, la cosmologie
et l’univers en général. La création de l’univers s’est faite sur une continuum spatio-temporel
qui engendre une composition universel et dualiste de ce phénomène. Cependant, la littérature
c’est quant à elle adapté pour offrir une conceptualisation des plus littéraire à ce couple. Ainsi,
l’écriture littéraire, et plus particulièrement romanesque a joui d’une certaine ingéniosité
allant jusqu’à prôner une écriture où le cadre spatio-temporel est mis en avant. D’ailleurs,
certains auteurs n’hésitent pas à faire un bavardage que certains considèrent inutile, pour
présenter l’espace et le temps dans leurs romans. Privilégiant une esthétique réaliste, le genre
romanesque rapporte des faits en y insérant un cadre spatio-temporel bien délimité. Par
ailleurs, ces deux termes se réalise dans le roman comme une symbiose incontournable pour
délier le vrai du faux. L’intrigue l’inscrit dans le temps à travers la narration, la description
dans l’espace. le roman présente un espace ouvert et des lieux diversifiés ou un espace clôt
avec un lieu unique. Elles sont tous deux des invariantes auxquels la littérature confère une
grande attention au cour des dernières années. En effet, elles ne sont pas uniquement
décoratives ou figuratives dans la mesure où ces deux notions éclairent la lanterne du lecteur
sur un éventuel doute quant à la véracité des faits. Mais elles permettent aussi une certaine
lisibilité du cadre historique et référentiel du roman. Dans le cas du roman historique, le cadre
spatio-temporel est bien défini par le narrateur qui insère son roman à une époque connue et
dans un espace de référence. Ces deux éléments font figurés d’éléments substantiel dans
l’évolution de la machine romanesque. D’ailleurs, le roman est un ensemble de tissu qui se
recoupe pour former pour créer un univers onirique mais dont la signification traverse la
simple interprétation isolée de ces divers composants. Chacune jouant un rôle d’embrayeur
dans le récit. En effet, un texte littéraire est une combinaison de signes, c’est à dire un
ensemble de relations des éléments d’un tout, et une analyse structurale. La partie ne peut se
comprendre que mise en relation avec le tout dont elle est une partie intégrante. Chacun d’un
donne un sens au roman selon son degré d’attention que lui porte l’auteur. Le temps jouie
d’un certain paradoxe dans le cas du roman qui n’obéit pas toujours à la chronologie des
événements. Comme tous les romans historiques, le temps y joue un rôle crucial des lors
qu’il permet au lecteur de faire évoluer ces personnages dans un cadre déjà étudié. De plus, le
lecteur se retrouve facilement dépaysé et plongé dans une époque passée.

L’étude du temps dans un roman consiste à mesurer la durée des événements rapportés.
Celle-ci peut être resserré ou étendue selon le narrateur qui rapporte les faits ou les faits eux-
mêmes. Autrement dit, l’auteur peut accorder plus d’importance à tel faits par rapport à un
autre. Ceci fait dire à Jouve (1997) « il existe en effet une durée propre à la narration,
mesurable en nombres de ligne et de pages. Un narrateur peut consacrer plus ou moins de
texte, c’est-à-dire plus ou moins de temps, au récit d’un événement ». Le narrateur, par l’acte
de raconter, ne rapporte pas toujours les faits dans leur déroulement chronologique. Ainsi, on
assiste à un temps du récit diffèrent du temps de l’histoire. L’auteur est donc confronté à un
souci majeur, adapter l’Histoire réel à la volonté de son récit. Par conséquent, l’ordre de
succession des événements se trouve trahi par une multitude d’effet qui offre au récit une
grande interprétation des courbes temporel présent dans le roman historique. Saisir le temps
dans un récit est un caprice auquel le lecteur se heurte souvent à des impasses d’ordre narratif.
Une dualité subsiste cependant, la temporalité entre l’histoire et le récit. Elle est une donnée
importante dans la structure du récit Le récit comporte alors des aspects à la fois temporels et
spatiaux qui trouve leur accomplissement dans le temps de l’histoire et du récit. Genette note
à ce propos.

Le récit est une séquence deux fois temporelle... : il y a le temps de la chose-racontée


et le temps du récit (temps du signifié et temps du signifiant). Cette dualité n'est pas
seulement ce qui rend possibles toutes les distorsions temporelles qu'il est banal de
relever dans les récits (trois ans de la vie du héros résumés en deux phrases d'un
roman, ou en quelques plans d'un montage « fréquentatif » de cinéma, etc.); plus
fondamentalement, elle nous invite à constater que l'une de~ fonctions du récit est de
monnayer un temps dans un autre temps 1. » ( Metz , 1968 , cité par genette , 1972 , p
77) ( 1. Christian Metz, Essais sur la signification au cinéma, Klincksieck, Paris,
1968, p. 27)

L’analyse temporelle révele divers formes de temps présent dans un récit. D’ailleurs, la
longueur d’un récit narratif dépend du temps qui produit des figures et des régimes
strictement temporels mais aussi des valeurs. Le temps étant une donnée insaisissable, il est
un indice décelable dans l’évolution du récit. Il participe à la construction de sens du texte.
Ainsi, la temporalité d’une histoire par rapport au récit qui en relate les faits est très éloigné.
En effet, le roman s’inscrit dans une époque très précise, c’est le cas de Cinq-Mars dont
l’intrigue se déroule dans la France du XVII siècle. L’auteur est antérieur aux événements
évoqués. Des lors, il s’agit d’une narration ultérieure. Par conséquent, la maitrise du
temporelle fait défauts d’où certaines lacunes dans la progression du récit Le temps joue alors
un rôle assez particulier dans la mesure ou le narrateur fait un retour en arrière d’au moins
deux siècle. La référence à des dates précise est omniprésente dans Cinq-Mars « Mais rien
n’était changé pour la France en 1642, époque à laquelle nous passons, si ce n’était ses
craintes et ses espérances. L’avenir seul avait changé d’aspect. Avant de revoir nos
personnages, il importe de contempler en grand l’état du royaume » (169).

Les relations entre le temps du récit et de l’histoire se mesure selon la durée que chacun
d’eux entretient avec le jeu narratif. Etudier le temps dans un roman, c’est évaluer la durée
des événements rapportées mais aussi leur ordre de successions. En effet, le narrateur varie le
rythme de sa narration, il passe plus de temps sur certains événements que d’autres. Ainsi, le
rythme du roman en est bouleversé, le lecteur aussi. En effet, la vitesse du récit influe sur la
durée de la fiction et la longueur de la narration. A ce titre, Genette précise : « la vitesse du
récit se définira par le rapport entre une durée, celle de l 'histoire, mesurée en secondes,
minutes, heures, jours, mois et années, et une longueur : celle du texte, mesurée en lignes et
en pages ». En outre, la scène de « la lecture » est parsemée de dialogue qui couvre e
chapitre du même nom. Les conjurés s’adonnent à une séquence de lecture dont le récit
semble se dérouler sous nos yeux. La scène comporte un dialogue intense entre plusieurs
auteurs de l’époque à savoir Corneille, Descartes, Scudéry et la fameuse Carte du Tendre.
Cette sensation d’être présent correspond au temps du récit et de l’histoire (TR=TH). Cette
rencontre couvre tout le chapitre 20 « la lecture », elle donne lieu à une narration dialoguée
sur plusieurs pages.

La progression du récit fortement ralenti par des passages qui ont une valeur de
commentaires. Le temps semble s’arrêté, l’histoire connait un soudain ralentissement, le
narrateur abandonne le cours de l’histoire. Le récit progresse dans une descriptions ou
l’auteurs émet des réflexions alors que l’histoire devient statique , elle n’a pas encore
commencée (TR=n ; TH= 0

Ce règne dont nous vous voulons peindre quelques années, règne de faiblesse qui fut
comme une éclipse de la couronne entre les splendeurs de Henry IV et de Louis le
Grand, afflige les yeux qui le contemplent par quelques souillures sanglantes. Elles ne
furent pas toute l’oeuvres d’un homme, de grands corps y prirent part. Il est triste de
voir que, dans ce siècle encore désordonné, le clergé, pareil à une grande nation, eut
sa populace, comme il eut sa noblesse ; ses ignorants et ses criminels, comme ses
savants et vertueux prélats. Depuis ce temps, ce qui lui restait de barbarie fut poli par
le long règne de Louis XIV, et ce qu’il eut de corruption fut lavé dans le sang des
martyrs qu’il offrit à la Révolution de 1793. Ainsi, par une destinée toute particulière,
perfectionné par la monarchie et la république, adouci par l’une, châtié par l’autre, il
nous est arrivé ce qu’il est aujourd’hui, austère et rarement vicieux. Nous avons
éprouvé le besoin de nous arrêter un moment à cette pensée avant d’entrer dans le
récit des faits que nous offre l’histoire de ces temps, et, malgré cette consolante
observation, nous n’avons pu nous empêcher d’écarter les détails trop odieux en
gémissant encore sur ce qui reste de coupables actions, comme en racontant la vie
d’un vieillard vertueux on pleure sur les emportements de sa jeunesse passionnée ou
les penchants corrompus de son âge mur. (p 30)

Par conséquent, cette pause narrative permet au narrateur de se faire l’avocat de son héros et
de pousser son lectorat à adhérer à la cause de Cinq-Mars. Le narrateur présente son récit à
ses lecteurs ; De plus, elle crée un effet de ralentissement du récit, l’auteur commence alors
par un commentaire qui produit un effet in média res dans la mesure ou le narrateur fait un
retour en arrière explicatif pour édifier son lecteur. La pause est alors un moment de la
narration entre le récit et l’histoire, elle offre au récit une hégémonie temporaire sur l’histoire.

Souvent, le narrateur peut omettre de raconter certains événements qui font partie du
récit. Soit pour passer sous silence ce fait, soit pour met en avant un évènement plus propice à
l’évolution du récit. L’ellipse a pour but d’élider, par un temps indiqué, une phase de
l’histoire dont le lecteur est conscient de son effacement par le narrateur. Il se produit un fait
que le texte ne signale pas. La durée du faits élider est préciser par le narrateur, ce dernier le
rapporte en moins de temps qu’il faut (TR= 0 ; TN= n . Dans Cinq- Mars, le narrateur évoque
le futur complot et le traité de paix signé avec l’Espagne. D’ailleurs, il s’est des événements
en France que Vigny ne raconte pas car le pays a changé et l’avenir, pour lui, s’annonce plus
radieux. L’ellipse met en valeur le fait qui la suit en attirant l’attention du lecteur.

Nous allons user des mêmes droits sans avoir le même génie, nous ne voulons pas
nous asseoir plus que lui sur le trépied des unités, et jetant les yeux sur Paris et sur
le vieux et noir palais du Louvre, nous passerons tout à coup l’espace de deux cents
lieues et le temps de deux années. Deux années ! que de changements elles peuvent
apporter sur le front des hommes, dans leurs familles, et surtout dans cette grande
famille si troublée des nations, dont un jour brise les alliances, dont une naissance
apaise les guerres, dont une mort détruit la paix ! Nos yeux ont vu des rois rentrer
dans leur demeure un jour de printemps ; ce jour-là même un vaisseau partit pour
une traversée de deux ans ; le navigateur revint ; ils étaient sur leur trône : rien ne
semblait s’être passé dans son absence ; et pourtant Dieu leur avait ôté cent jours de
règne. (P 169).

L’ellipse devient qualifiée car le narrateur procède à une indication temporelle pour exposer la
durée du temps mort. En effet, cette indication souligne la portée du segment textuel dont
l’auteur a restreint la longueur. Cette situation favorise une accélération du récit.

La complexité du temps romanesque se reflète dans a composition d’un roman. L’écriture


ne progresse pas de manière chronologique et linéaire dans le même sens que l’histoire. Ces
mouvements temporels qu’on peut qualifier de distorsions posent souvent problèmes dans la
maitrise de la fluidité du temps romanesque. Ces détorsions sont de l’ordre des anachronies
narratives que Genette conçoit comme « des formes de discordances entre l’ordre de l’histoire
et celui du récit » (1972, p 79). Elles se compose souvent par des révélations aux allures
prophétiques qui modifie le récit et lui donne une autre teinte. C’est ainsi que le narrateur
évoque, comme une sorte prémonition, le destin de ses personnages « je vous plains de
voyager aujourd’hui, partir un vendredi, le 13 du mois de saint Gervais et saint Protais, le
jour des deux Martyrs » (p 37) « le cheval de monsieur s’est abattu sous la porte, encore un
présage funeste ! » dit la marquise en se retirant dans ses appartements » (p 50). La
prolepse complète prend la valeur d’un destin inévitable. Cette prolepse s’avère dysphorique.
Elle traverse tout le récit jusqu’au « dénouement » L’anticipation, du fait même de son
caractère rétrospectif déclaré, qui autorise le narrateur à des allusions à l'avenir, et
particulièrement à sa situation présente, qui font en quelque sorte partie de son rôle. Cette
prémonition débute le récit, elle pose aux yeux du lecteur le difficile destin du héros voué au
martyr, les dés sont déjà jetés, le futur est connu par le bouche d’un personnage aux quel le
héros prête son omniscience. Elle laisse voir une issue redoutable du voyage. Celui-ci
semble même déjà compromis. Cette épisode se trouve au premiers chapitre de l’œuvre. Elle
permet un parallélisme entre l’avenir et un temps présent C’est ce que Todorov nomme
« intrigue de prédestination » (Todorov, 1971 cité par Genette, 1972 , 105) 2. Poétique de la
prose, Seuil, 1971, p. 77. Des lors, nous savons tous que le héros va finir par mourir.

Il existe un lien entre l’ordre entre une écriture linéaire et chronologique dans
l’organisation narrative du récit. L’ordre d’apparitions des événements s’en trouvent souvent
disloqués, l’auteur obéit plus à son instinct de poète qu’au respect strict du déroulement
chronologique de l’histoire. Par conséquent, les anachronies narratives comme dit Genette
occupe un large champ temporel dans le récit dans la mesure elles instaurent une discordance
dans le roman. Dans Cinq-Mars, la trame narrative élaboré, où les épisodes historiques,
s’enchaînent de façon aléatoires. Par exemple, le procès d’Urbain Grandier est un épisode qui
ne concerne pas la vie du héros. Vigny se permet des incohérences, il accélère son récit et
s’arrête sur une grande scène. Ce procès fonctionne seul, il est isolé des autres chapitres. De
plus, ce dernier ne respecte la chronologie de l’histoire. Ainsi, le jeune Henry y assiste par un
pur hasard mais par une volonté de l’auteur. Il est possible aussi de faire le lien entre la
mission de Cinq-Mars et se fameux procès pour sorcellerie. Par conséquent, l’auteur
privilégie son projet romanesque au respect des contraintes cohésives de L‘histoire. L’auteur
consacre à ces faits divers cinq des vingt-six chapitres du roman. Cette succession n'a aucun
rapport avec l'ordre temporel des événements qui compose le temps de l’histoire. C’est ce que
Genette appelle « anachronies ». Mais celle-ci est très particulière puisqu’elle façonne
l’intrigue du roman pour permettre une continuité, à priori, logique et évidente. Dans la
préface de Cinq-Mars, Pierre Gascar précise « Dans ce dessin, il prête à Cinq-Mars des
sentiments de révolte que celui-ci n’a pas pu éprouver devant le bucher de Grandier, car il ne
se trouvait pas à Loudun, et, n’ayant que quatorze ans, a dû ignorer ce qui s’y passer » (p
13). Cette faute sur la chronologie temporelle de l’histoire peut être prise comme un
anachronisme dans la mesure ou Genette (1972) défini l’ensemble comme « les différentes
formes de discordance entre l'ordre de l'histoire et celui du récit » . Un anachronisme flagrant
parce que l’auteur déroge à la règle et au respect de l’historicité de son œuvre. Car le récit
opte pour une approche plus romantique qu’historique. Le temps suit son cours avec une
fluidité qui échappe souvent au lecteur et au narrateur lui-même. Des lors, le temps fait figure
de témoin qui traverse le temps et forme un couple très fécond dans l’univers romanesque.

L’espace narratif est un vaste volume où se côtoie les objets de l’univers du récit. C’est
un lieu où se déroule les actions qui fonde la trame narrative du récit. Il est alors un enjeu
crucial qui reflète une réalité pour l’auteur. C’est un thème fondamental de toute littérature
romanesque. Le cadre spatial, dans un roman historique, évoque un temps passé ou l’espace
occupe plusieurs aspects, du dehors et du dedans. Bien des indices nous montrent
‘importance du lien qu’entretient le récit avec l’espace. Cet espace définit le récit comme
térritoire. En effet, le narrateur vignien, omniscient, décrit tout l’espace qu’englobe son
univers. Sa description est centrée sur les lieux où se déroule les actions. Le repérage de
l’espace romanesque est nécessaire dans la mesure où il permet de se retrouver
géographiquement dans les lieux décrit par le narrateur. L’organisation et l’insertion de la
description semblent relever du montage plutôt que de la progression dramatique. C’est aussi
une écriture visuelle que les configurations descriptives parviennent à établir. Dans une
description, l’auteur cherche à accorder une fonction aux différents espaces qu’il décrit mais à
établir une correspondance. L’espace donne un sens au roman. Cinq- Mars témoigne de la
valeur que le récit narratif, surtout historique confère, à l’espace. Vigny, dès l’incipit du
roman, établit un cadre spatial propice à mettre le lecteur dans le vif du sujet. En effet, le
narrateur procède à une désignation par affection pour insérer une description qui se poursuit
sur plusieurs lignes :

Connaissez-vous cette contrée que l’on a surnommée le jardin de la France, ce


pays où l’on respire un air si pur dans les plaines verdoyantes arrosées par un
grand fleuve ? Si vous avez traversé, dans les mois d’été, la belle Touraine, vous
aurez longtemps suivi la Loire paisible avec enchantement, vous aurez regretté de
ne pouvoir déterminer, entre les deux rives, celle où vous choisirez votre demeure,
pour y oublier les hommes auprès d’un être aimé. Des vallons peuplés de jolies
maisons blanches qu’entourent des bosquets, des coteaux jaunis par les vignes, ou
l’ancienneté de ses monuments, et tout intéresse dans les oeuvres de ses habitants
industrieux. Mais la rive gauche de la Loire se montre plus sérieuse dans ses
aspects : c’est le château de Chaumont. Construit sur la colline la plus élevée du
rivage de la Loire, il encadre ce large sommet avec ses hautes murailles et ses
énormes tours ; de longs clochers d’ardoise les élèvent aux yeux, et donnent à
l’édifice cet air de couvent, cette forme religieuse de tous nos vieux châteaux, qui
imprime un caractère plus grave aux paysages de la plupart de nos provinces.

Demeure des Effiat, l’espace qui entoure le château est d’abord décrit par l’auteur,
offrant un panorama complet et détaillé du cadre spatial mais aussi de l’environnement.
Cette espace peut être définit en termes relationnel avec le lieu qui forme une sorte une
signification particulière. L’espace est périphérique du récit, il l’accrédite . Comme en
histoire , il dit que telle chose s’est passée ici. Ce sont des lieux réels dans lesquels
s’inscrivent la fiction du roman. Ce récit se construit à partir de structures spatiales qui
permettent à l’auteur d’aboutir à une description de la famille du Maréchal. Par
conséquent, celle-ci dépasse la simple description spatiale pour arriver à un cadre familial
et social bien défini. Ce fut là que, dans une matinée du mois de juin 1639, la cloche du
château ayant sonné à midi, selon l’usage, le dîner de la famille qui l’habitait, il se passa
dans cette antique demeure des choses qui n’étaient pas habituelles. Les nombreux
domestiques remarquèrent qu’en disant la prière du matin à toute la maison assemblée la
maréchale d’Effiat avait parlé d’une voix moins assurée et les larmes dans les yeux.

La référence à l’espace n’est pas uniquement descriptive, elle est aussi symbolique. Elle
tisse un lien entre l’espace et le récit qui se complète admirablement pour faire figurer une
signification qui dépasse le domaine spatial. Cette espace n’est pas acquise dans
l’immédiateté, elle se construit au fur à mesure que le récit évolue. En outre, l’espace se
construit suivant une narration qui pose d’abord les fondements et le milieu dans se
meuvent certains personnages du récit. Par conséquent, l’analyse de l’espace est
intimement liée à la signification de l’œuvre. Cinq-Mars regorge de cadre spatial ou les
actions se passe dans une durée qui dépasse souvent le temps. Ainsi, bon nombres de
chapitres du roman ont pour titre un lieu dans lequel le récit se déroule. Les personnages
remplissent tout l’espace et construisent une structure spatiale, les actions s’y déroule
avec harmonie et complicité. D’ailleurs, Mitterrand définit l’espace comme « le
champs de déploiement des actants et de leurs actes, comme circonstant, à valeur
déterminative de l’action romanesque » (1980 , p 190) . Des lors, l’espace, comme
repère actanciel, fait vivre les personnages dans le roman.

Puisque nous avons la liberté de promener nos yeux sur tous les points de la carte,
arrêtons-les sur la ville de Narbonne. Voyez la Méditerranée, qui étend, non loin de là,
ses flots bleuâtres sur des rives sablonneuses. Pénétrez dans cette cité semblable à celle
d’Athènes ; mais pour trouver celui qui y règne, suivez cette rue inégale et obscure,
montez les degrés du vieux archevêché, et entrons dans la première et la plus grande
des salles. Elle était fort longue, mais éclairée par une suite de hautes fenêtres en ogive,
dont la partie supérieure seulement avait conservé les vitraux bleus, jaunes et rouges,
qui répandaient une lueur mystérieuse dans l’appartement. Une table ronde énorme la
remplissait dans toute sa largeur, du côté de la grande cheminée ; autour de cette table,
couverte d’un tapis bariolé et chargée de papiers et de portefeuilles, étaient assis et
courbés sous leurs plumes huit secrétaires occupés à copier des lettres qu’on leur
passait d’une table plus petite. D’autres hommes debout rangeaient les papiers dans les
rayons d’une bibliothèque. Mais quittons cette digression pour parler de l’homme qui
s’y trouvait et qui n’y dormait pas et n’était rien moins qu’Armand Duplessis, cardinal
de Richelieu. (P 80)

Le décor est campé grâce à l’évocation de l’espace, le récit se tourne ainsi vers le château
pour mieux assoir la description et juxtaposé le cadre de vie et l’insertion dans le récit de la
personne du Cardinal. L’espace romanesque s’impose alors comme une forme qui régente le
récit. Il est plus qu’un cadre mais une composante de la narration. La description de l’espace
ne remplit plus seulement une fonction ornementale, elle s’oriente vers une dimension
heuristique. Le cardinal se déplace dans « une litière dans laquelle il voyage ». En effet,
l’espace a une relation intime avec les personnages, c’est un espace fermé ou le cardinal vit.
On peut parler d’espace – décor car il accompagne le personnage et lui sert d’environnement.
Ce sont les envions immédiat ou se retrouvent et se succèdent les personnages. Dépassant
l’univers du texte, l’espace du texte ainsi pris laisse entrevoir un espace réel que le narrateur
tente de fictionnalisé. Toutefois, l’espace devient une entité autonome qui agit seul dans
l’univers du texte. . Le narrateur prépare progressivement le lecteur à entrer dans l’univers du
personnage, son milieu. Bref, l’espace sonne comme l’ultime endroit où le narrateur réfugie
ses personnages et produit un dispositif imagé qui se reflète, chez le lecteur, par le biais d’une
description narrativisée. L’avant dernière scène, très émouvantes des deux conjurés, est teinté
d’une certaine épaisseur qui laisse transparaitre un décor qui traduit le calvaire des deux
héros. L’espace devient un clos, les personnages sont en prison.

Parmi ces vieux châteaux dont la France se dépouille à regret chaque année, comme
des fleurons de sa couronne, il y en avait un d’un aspect sombre et sauvage sur la rive
gauche de la Saône. Il semblait une sentinelle formidable placée à l’une des portes de
Lyon, et tenait son nom de l’énorme rocher de Pierre-Encise, qui s’élève à pic comme
une sorte de pyramide naturelle, et dont la cime, recourbée sur la route et penchée
jusque sur le fleuve, se réunissait jadis, dit-on, à d’autres roches que l’on voit sur la
rive opposée, formant comme l’arche naturelle d’un pont ; mais le temps, les eaux et
la main des hommes n’ont laissé debout que le vieux amas de granit qui servait de
piédestal à la forteresse, détruite aujourd’hui. Les archevêques de Lyon l’avaient
élevée autrefois, comme seigneurs temporels de la ville, et y faisaient leur résidence ;
depuis, elle devint place de guerre, et, sous Louis XIII, une prison d’État. Une seule
tour colossale, où le jour ne pouvait pénétrer que par trois longues meurtrières,
dominait l’édifice ; et quelques bâtiments irréguliers l’entouraient de leurs épaisses
murailles, dont les lignes et les angles suivaient les formes de la roche immense et
perpendiculaire. Ce fut là que le Cardinal de Richelieu, avare de sa proie, voulut
bientôt incarcérer et conduire lui-même ses jeunes ennemis. (P 321)
La production narrative de l’espace se combine à des références spatiales. Ces derniers
« châteaux » « rochers », forteresse » caractérisent le matériau concret sur lequel repose
l’espace. D’autre part, le positionnement des personnages, dans cet ensemble au sein duquel
la médiation entre eux, fait de l’espace une qualité de la narration. La production de
l’espace passe par une description qui va de l’intérieur vers l’extérieur. Tous les éléments
environnants sont décrits pour donner à cette espace un semblant de réel puisque l’auteur
veut être le plus réaliste possible. Cet édifice est criblé de fissures, la position du lieu est
naturellement bâtie par le temps et la nature. Cet espace produit un « effet de réel », franchit
toute limite temporel. Il se donne à voir dans le temps. Cette prison de fortune permet de
juger les fonctions de l’espace et ses rapports avec les personnages.
En outre, l’espace-temps forme un ensemble de signe, lesquels concourent à doter le récit
de référent fictionnel et narratif. La grande puissance de ces deux concepts, c’est qu’elles
bouleversent la vision du lecteur et du texte lui-même.

I-3- L’intrigue

Le débat sur la notion d’intrigue s’est imposé à la littérature dès le XIXᵉ avec
l’avènement du réalisme. La preuve, c’est qu’elle est un concept prisé par le roman réaliste,
mais le nouveau roman l’a banni de son univers romanesque. Aux cours du XXᵉ siècle, on
assiste à sa dissolution dans l’organisation du roman. De nos jours, le concept est
différemment utilisé par la communauté littéraire sans qu’on ne parle pas du même objet.
C’est-à-dire que le terme est employé avec une certaine ambiguïté. Cette polysémie est dû
au faite qu’elle est passée de la poétique littéraire pour se répandre au-delà de son domaine
de prédilection. Elle est souvent considérée comme inséparable de toute forme narrative.
Elle est un terme plus insaisissable que le récit qui l’engendre. Polyvalent et approximatif
dans sa définition, l’intrigue est élément constitutif essentiel du roman que certains lecteurs
négligent au profit des personnages. En effet, il serait hasardeux de chercher un sens unique
à l’intrigue. Il faut d’abord admette l‘existence d’une polysémie au sein de laquelle cohabite
les différents qu’on en fait dans la vie courante comme dans le roman. La notion d’intrigue
subi une forte polémique. Bon nombres de critique et de spécialiste ne s’accorde sur une
définition unanime. Néanmoins, Ricœur (1983) propose une définition approximative de la
notion d’intrigue :
Je vois dans les intrigues que nous inventons le moyen privilégié par lequel nous
reconfigurons notre expérience temporelle confuse, informe et, à la limite, muette.
[…] C’est dans la capacité de la fiction de re-figurer cette expérience temporelle
en proie aux apories de la spéculation philosophique que réside la fonction
référentielle de l’intrigue. ( p 13)

La préfiguration, selon Ricœur, est l’ensemble des récit ordinaires mais aussi passés et la
configuration, c’est l’agencement des faits. Par conséquent, l’intrigue peut être défini
comme un processus narratif en constante tension qui vise l’unicité et la cohérence du récit.
Elle est un outil qui assure un rôle de fonctionnement et de centralisation tout en unifiant
dans une action entière et complète les différents phases ou chapitres qui compose le texte.
De plus, sa fonction central est de mettre en forme des événements du récit. En outre, cette
notion est le catalyseur de tous ces évènements, actions et les différents trajectoires prises
par le récit. Cette configuration narrative, résultante de l’intrigue, permet plusieurs
interprétations et fait surgir la polysémie du roman historique. Avec Cinq-Mars, Vigny
ouvre la voix à plusieurs interprétations sur l’histoire du jeune Cinq-Mars. Ainsi, cette
intrigue, loin d’être anodin, trace le devenir du récit dans une logique sélection et de
condensation des faits pour aboutir à un texte à la fois dynamique et significatif. Veyne
(1971) précise à ce propos :
Les faits n'existent pas isolément, en ce sens que le tissu de l'histoire est ce que
nous appellerons une intrigue, un mélange très humain et très peu « scientifique »
de causes matérielles, de fins et de hasards; une tranche de vie, en un mot, que
l’historien découpe à son gré et où les faits ont leurs liaisons objectives et leur
importance relative » ( p6)
Tout est recoupement et assemblage selon une logique historien mais aussi romanesque
pour aboutir à un semblant de vérité. En outre, l’intrigue historique absorbe l’histoire
elle-même et la transforme en un matériau consommable pour le lecteur. Parmi les
nombreuses conjurations que le Cardinal a déjoué , Vigny raconte celle de Cinq-Mars.

Si nous nous bornons à étudier l’intrigue, il ne faut pas contourner le modèle de la


structure de l’histoire proposé par Paul Larivaille, le schéma quinaire. Bien que dans le
système narratif romanesque, le roman historique possède une structure assez hétérogène
semblable au schéma habituel. De ce fait, il partage les mêmes phénomènes textuels sur bon
nombres de points. C’est le cas de Cinq-Mars ou on repère les cinq étapes qui composent ce
schéma narratif : En effet, dès l’incipit du roman, l’auteur évoque un calme et une nature en
communion avec Cinq-Mars et sa famille, quiétude totale qui correspond à la situation
initiale. Après cette première étape du schéma narratif, il s’en suit l’élément perturbateur
qui déstabilise la situation de quiétude de départ : le héros assiste impuissant à l‘exécution
d’un innocent, Urbain Grandier. Cette phase installe le nœud de l’action appelé intrigue et
donne une certaine vivacité à la prose narrative. Des lors, cette dernière développe les méta-
récit qui au finish conduit à ce qu’on peut appeler péripéties. Par la suite, le texte observe
une progression lente ou un conflit oppose le héros et ses opposants à savoir Richelieu et ses
acolytes. D’ailleurs, le récit devient de plus en plus attractif dans la mesure où le lecteur
semble s’identifier et apprécier le déroulement de la situation vécu par les personnages,
attirant toute l’attention du lecteur. Dans cette phase assez critique, le texte tire en longueur
à coup de digression au grand bonheur de son lectorat. L’ordre d’apparitions des
événements demeure évidemment la spécificité du roman historique. C’est un esprit
iconoclaste, le romancier- historien. D’après Veyne « Cette intrigue ne s'ordonne pas
nécessairement selon une suite chronologique: comme un drame intérieur, elle peut se
dérouler d'un plan à l’autre » . D’ailleurs, on remarque un écart de deux entre le procès de
Loudun et le début de ladite conjuration, le jeune Cinq-Mars a vieilli de six ans. Cette
intrigue révèle les aspirations politique qui sommeillé chez le jeune marquis. Des lors , la
noblesse toute entière du XVIIᵉ siècle s’incarne en lui.
La confrontation entre Richelieu et Cinq-Mars abouti à la victoire du premier ministre. C’est
la résolution. C’est à ce niveau du texte que le dénouement de l’intrigue apporte une
solution aux conflits : la décapitation du héros. Par conséquent, le texte retrouve sa situation
de départ, la stabilité est retrouvée. Le rôle de chaque étape est bien défini par la mise en
intrigue, le nœud et le dénouement en sont les deux parties essentielles. Pour composer
son intrigue et pour construire ses structures narratives, le romancier sélectionne, transpose
et organise les parties de la réalité sociale, introduit dans ses récits des personnages réels
dont il aurait entendu parler. Même les décors des récits sont teintés d’une incroyable
véracité ; ils sont tellement authentiques qu’il est possible de les identifier et de les cerner.
Dans la veine du roman historique, l’intrigue possède une polyphonie qui s’acquiert
dans l’évolution du récit historique. D’ailleurs, ce genre permet une créativité qui génère
une intrigue qui à son tour engendre d’autre mini-intrigue. Ceci favorise la multiplicité des
intrigues et le récit dure dans le temps et dans l’espace. Les intrigues les plus saillants sont
noué et dénoué d’avance, la part créative demeure dans ce vide laissé par la narration. Ainsi,
cette tension de la narration, on l’a rencontré dans les récits historiques ou des périodes
historiques envisagées. La fonction de l’intrigue dans les récits historiques est d’expliquer le
passé en nouant un nœud central au début de la narration. Ricœur (1983) affirme à ce
propos « le fil conducteur, selon moi, c’est l’intrigue, en tant synthèse de l’hétérogène » (p
202, tome1)
En effet, Cinq-Mars est fait d’intrigue entrelacées, principales et secondaires. Les
intrigues principales sont tissées par le conflit entre Cinq-Mars et Richelieu qui constitue la
mise en intrigue du récit. Ce conflit évolue tout au long du roman jusqu’à donner une lutte
du pouvoir entre les deux protagonistes. Quant aux intrigues secondaires, elles sont régies
par des histoires d’amours impossibles entre le héros et Marie de Gonzague. Cette histoire
constitue une ligne secondaire qui participe à l’enrichissement et l’amplification du récit.
Car le héros trouve dans cette soit distante amour, un alibi pour légitimer sa mission. Par
ailleurs les intrigues entrelacées quant à elle se joue entre Louis XIII et son premier
ministre, tous deux se voue une haine silencieuse. Chacun haïssant l’autre de toute ses
forces et ourdissant des complots abominables. Toutefois, tous deux ne se résignent pas à
éliminer à cause de considérations politiques. Evidemment, l’intrigue dans Cinq-Mars se
construit au fur à mesure que s’organise le récit à la recherche de cohésion interne mais
aussi de sens. Les personnages se rencontrent, nouent des relations. Les personnages se
croisent par hasard, partagent les mêmes espaces, et entrent ainsi en relation. D’autres
choisissent leurs camps, le mouvement du récit trouve sa plénitude dans cette corrélation
entre les différents personnages du roman. Donc, une relation de proximité entre les diverses
phases suffit à l’aboutissement d’un texte qui se cherche. Cette opération favorise alors
l’unicité du récit. Par ailleurs, un fait attire notre attention, le rapport de force entre les deux
principaux protagonistes est le nœud central qui préside à l’évolution dramatique et
symbolique du texte. En effet, ce conflit joue un rôle important dans la mise en intrigue du
récit. Il est un élément moteur dans la progression dynamique du texte.

Activité littéraire par excellence, surtout dans le cas du roman, ce hasard intentionnel n’est
pas gratuit. Il permet à Vigny de tisser un lien entre le cardinal et le jeune favori. Le rôle qu’il
y joue est presque anecdotique. Sur ordre de la marquise, Henry se rend à Loudun :

N’oubliez pas de prendre celle de Poitiers et d’aller à Loudun voir votre ancien
gouverneur, notre bon abbé Quillet ; il vous donnera d’utiles conseils sur la cour,
il est fort bien avec le duc de Bouillon ; et, d’ailleurs, quand il ne vous serait pas
très-nécessaire, c’est une marque de déférence que vous lui devez bien. ( p 20)

En effet, au procès de Grandier, le jeune marquis y figure, presque par hasard, il vient de
quitter son château pour rejoindre la cour sur invitation du Cardinal. La probabilité que Cinq-
Mars assiste à cette événement est infime, cette échelle de probabilité fait le bonheur et la
beauté du récit historique. C’est le lieu de toutes les possibilités. Ricœur (1983) souligne « un
évènement peut etre dit accidentel par rapport à un ensemble d’antécédents. Hasards,
puisque des séries multiples se sont croisées , rationnel , puisque à un niveau supérieur , on
retrouve un ensemble ordonné » (p 330)
Ce procès va déclencher la colère de Cinq-Mars contre la politique de l’église. Dans ce
roman, cette épisode correspond aux besoins de l’intrigue. Elle joue un rôle important sur le
plan de l’intrigue en servant les objectifs de l’auteur et participe à la stratégie narrative au
niveau de la mise en intrigue. L’auteur use de ce fait afin d’intensifier l’intrigue et de donner
une certaine crédibilité à la mission du jeune marquis. Des lors, ce procès de Loudun, dont les
faits sont avérés, constitue une sorte de nouvelle isolée du reste du récit. Donc, une relation de
proximité entre les diverses phases suffit à l’aboutissement d’un texte qui se cherche. Cette
opération favorise alors l’unicité du récit. Par ailleurs, un fait attire notre attention, le rapport
de force entre les deux principaux protagonistes est le nœud central qui préside à l’évolution
dramatique et symbolique du texte. En effet, ce conflit joue un rôle important dans la mise en
intrigue du récit. Il est un élément moteur dans la progression dynamique du texte. Ce
sentiment négatif entre les deux personnages contribue à la construction dramatique de
l’intrigue. La coexistence entre les chapitres de l’oeuvres favorise la cohésion de l’intrigue en
fonction de sa pertinence dans le déroulement de l’intrigue et sa façon de lier différents
éléments textuels qui paraissent disparates. De ce fait, Roland Bourneuf et Réal Ouellet
(1995) Univers du roman note que « l’intrigue, en tant qu’enchaînement de faits, repose sur
la présence d’une tension interne entre ces faits qui doit être créée dès le début du récit,
entretenue pendant son développement et qui doit trouver sa solution dans le dénouement ».
(P 25). Des lors, le nœud et le dénouement sont les deux composantes essentielles de
l’intrigue.
Cependant, Cinq-Mars élabore deux intrigues qui sont intimement liées et dont
l’ensemble forme la trame principale du roman. En effet, il y’a une intrigue à la fois politique
et amoureuse. Elles s’insèrent dans la causalité logique voulu par Vigny. Ce dernier ne porte
pas beaucoup d’intérêt sur les insignifiantes amours de Marie de Mantoue et de Henry
d'Effiat. Traitant le roman du point de vue historique, il préfère se contenter de l’intrigue
politique dans une perspective plus historiciste. Cinq-Mars a plus de profondeur dans les
sentiments que Marie qui consolée par la perspective d’être reine de Pologne. Ses incertitudes,
ses faiblesses, fausse ou forcé dans certains passages où il est parlé de sa passion. Tout cela
fait de lui un amoureux indécis et pale. L’intrigue se nourrit foncièrement de la bipolarité des
personnages. Cette mise en intrigue est donc favorisé par l’incomplétude psychologique des
protagonistes. Puisque, l’intrigue est un agacement de fait, les tableaux successifs peignent le
caractère changeant des personnages. Puisque l'intrigue amoureuse n'est pas et ne peut pas
être le vrai sujet de Cinq-Mars, il reste que ce soit l'intrigue politique. Des intrigues et les
passions politiques supposent donc plusieurs personnages, une conjuration exige des conjurés.
Le cadre et le milieu sont ainsi constitués, la trame se façonne progressivement grâce à la
mise en intrigue. Cinq-Mars ne peut espérer épouser la petite Marie, qu’a condition de devenir
un Grand du royaume. Il se transforme subitement en politique, s’opposant à Richelieu sans
guère penser à sa fiancée. Ni véritable amoureux, ni politique crédible. Tout est dirigé sous
la baguette magique du romancier, l’intrigue trouve son apothéose dans une politique
Cardinalisée où Cinq-Mars symbolise le sacrifice ultime. Donc, les personnages et les
évènements historiques contribuent au déroulement du récit.
Cette intrigue ne s'ordonne pas
nécessairement selon une suite chronologique: comme un drame intérieur, elle
peut se dérouler d'un plan à l'autre;

Roland Bourneuf et Réal Ouellet dans L’Univers du roman: « l’intrigue, en tant


qu’enchaînement de faits, repose sur la présence d’une tension interne entre
ces faits qui doit être créée dès le début du récit, entretenue pendant son
développement et qui doit trouver sa solution dans le dénouement ».25 En
fonction de cette définition de l’intrigue, le nœud et le dénouement sont les
deux composantes essentielles de l’intrigue.

Ricoeur n’en admet pas moins que « l’histoire ne saurait rompre tout lien avec le
récit sans perdre son caractère historique »52. Or cette affirmation n’est légitime
qu’à la faveur d’un déplacement par lequel le récit – initialement associé aux
notions de protagoniste et d’événement –, devient synonyme de « synthèse de l’hétérogène
»53, autrement dit de « mise en intrigue ». Elle renvoie donc à l’ « hypothèse
de base »54 posée par Ricoeur, à savoir que « le temps devient temps humain dans la mesure
où il est articulé sur un mode narratif » 55, rejetant à la fois la répétition – homogène –, et
la succession – hétérogène, mais sans synthèse. Par contrecoup les notions d’événement
et de protagoniste s’en trouvent aussi modifiées : le premier n’est pas tant une
« explosion »56 qu’ « une variable de l’intrigue »57, tandis que le second se reconnaît
encore à travers ces « larges personnages »58 que sont les civilisations elles-mêmes.
Enfin, c’est la méthodologie défendue par les Annales qui autorise un dernier rapprochement
Ô nature, nature
! se disait-il, belle nature, adieu ! Bientôt mon coeur ne sera
plus assez simple pour te sentir, et tu ne plairas plus qu’à
mes yeux ; ce coeur est déjà brûlé par une passion profonde, et
le récit des intérêts des hommes y jette un trouble inconnu : il
faut donc entrer dans ce labyrinthe ; je m’y perdrai peut-être,
mais pour Marie… p 20

– Eh bien ! j’en jure par la Vierge dont vous portez le nom,


vous serez à moi, Marie, ou ma tête tombera sur l’échafaud p
28

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