Vous êtes sur la page 1sur 7

Collège Hospitalo-Universitaire de Chirurgie Pédiatrique

MANUEL DE CHIRURGIE PÉDIATRIQUE


(chirurgie viscérale)
Année 1998

LA DOULEUR DE L’ENFANT : PRISE EN CHARGE


C. MERCIER

CIRCONSTANCES
PROBLÈMES SPÉCIFIQUES À LA PÉDIATRIE
1. MÉTHODES D’ÉVALUATION
2. MÉDICAMENTS
CONCLUSION

La douleur de l’enfant, et plus encore celle du nourrisson et du nouveau-né, a longtemps été


méconnue, voire même niée, par l’adulte soignant dont il est totalement dépendant. La prescription d’un
traitement antalgique n’était pas une prescription médicale prioritaire. L’utilisation de la morphine chez un
enfant en période postopératoire était impensable il y a quelques années et son indication reste encore
entachée de tabous. Une prise de conscience progressive est en train de se produire ; elle doit être
collective et ne peut rester un problème individuel.

CIRCONSTANCES

De multiples occasions d’engendrer une douleur aiguë sont observées en milieu chirurgical et
d’urgence : ponction veineuse, ponction lombaire, ponction médullaire, drainage thoracique, suture
cutanée, fracture, brûlure, douleur secondaire à l’acte chirurgical.
Mais si la douleur aiguë se traduit par un ensemble de réactions émotionnelles qui ne laisse
guère de doute sur sa réalité, sans toutefois en affirmer la spécificité, la douleur permanente d’une
brûlure, d’une affection tumorale... est souvent plus difficile à reconnaître car elle peut aboutir, chez les
plus jeunes enfants, à un tableau d’atonie psychomotrice et à une apparente indifférence de l’enfant qui
doit toujours inquiéter l’entourage.

PROBLÈMES SPÉCIFIQUES À LA PÉDIATRIE

L’évaluation est indispensable pour reconnaître la douleur ; il faut se donner des moyens fiables,
reproductibles, valides, compréhensibles, applicables au plus grand nombre en fonction de l’âge mais
aussi du caractère aigu ou chronique de la douleur. Or, chez les plus jeunes enfants qui n’ont pas
d’expression verbale suffisante, il est nécessaire d’avoir des points de repère et d’établir des scores ou
échelles comportementales qui vont guider la thérapeutique et apprécier son efficacité.

Le traitement antalgique doit être adapté au caractère et à la nature du syndrome douloureux. Il


doit permettre de prévenir la douleur quand elle est prévisible (exemple : douleur postopératoire) et
maintenir une conscience sans somnolence. Il ne doit pas être administré à la demande et les doses
doivent être réparties dans la journée suivant la cinétique du produit. La morphine est utilisable dès les
premiers mois de vie. L’efficacité des médicaments utilisés doit reposer sur des critères de surveillance
(scores de douleur) transcrits sur la feuille de soins infirmiers, au même titre que les constantes
hémodynamiques ou thermiques.

Nous envisagerons successivement les méthodes d’évaluation et les thérapeutiques utilisables


chez l’enfant.
1. MÉTHODES D’ÉVALUATION

1.1- ÉCHELLES D’AUTO-ÉVALUATION

1.1.1 - L’échelle visuelle analogique (E.V.A.)

C’est la plus utilisée : elle se compose d’un segment de droite sur lequel le sujet marque
l’intensité qu’il attribue à sa douleur, entre l’extrémité “ absence de douleur ” et l’extrémité “ intensité
douloureuse maximale ”, en déplaçant un marqueur ; le verso est gradué, ce qui permet à l’examinateur
de se repérer d’un score à l’autre. De nombreuses variantes ont été proposées : position verticale ou
horizontale de l’échelle, échelle cotée de 0 à 10 ou de 0 à 100. Certaines réglettes sont associées à un
dégradé de couleur, présentée en position verticale par analogie avec un thermomètre.

Pour s’assurer de la bonne compréhension par l’enfant de l’exercice proposé, il faut lui demander
d’estimer sur cette réglette des douleurs qu’il a déjà pu ressentir tels le mal à la tête ou la douleur d’une
chute de vélo par exemple.

Cette méthode est réalisable dès l’âge de 4 ans. Elle est dite unidimensionnelle car elle
n’approche la douleur que par son caractère “ intensité ”, ne tenant pas compte des autres caractères de
la douleur. Elle est utile pour les douleurs aiguës.

Dans une étude réalisée à l’Institut Gustave Roussy, l’évaluation par l’échelle EVA graduée de 0
à 100 mm fait apparaître que la douleur d’une ponction de moelle est beaucoup plus importante que la
douleur d’une ponction lombaire (54 mm vs 37 mm) ou d’une ponction veineuse (54 mm vs 23 mm).

1.1.2 - Les planches de visage

Ce sont des planches comportant une série de dessins représentant un visage à des degrés
divers de mécontentement. La validité de cette méthode reste à discuter : il n’est pas reconnu
d’expression faciale spécifique de la douleur.

1.2- ÉCHELLES D’HÉTÉRO-ÉVALUATION

C’est l’évaluation par un observateur des manifestations comportementales qui permettent


d’appréhender bien d’autres composantes de la douleur tenant compte de la dimension sensorielle et
affective de la douleur. Nous en décrirons quelques unes.

1.2.1 - Le nouveau-né

La reconnaissance du problème posé par la douleur chez le nouveau-né est très récente. Il a fallu
attendre 1987 pour mettre fin aux controverses concernant l’aptitude du nouveau-né à ressentir, intégrer
et exprimer la douleur. On doutait jusqu’alors de sa possibilité d’appréhender cette douleur, invoquant
une immaturité corticale.

Cependant, les travaux de WILLIAMSON et ceux de ANAND montrent que les nouveau-nés,
même prématurés, soumis à des interventions chirurgicales sans analgésie présentent des variations
hormonales et métaboliques intenses, supérieures à celles rencontrées chez des patients adultes. Ces
perturbations en relation avec le stress et la douleur peuvent être atténuées par l’administration
d’antalgiques en peropératoire. De plus, la prise en charge de la douleur par des antalgiques puissants
n’a pas d’effet délétère et permet au contraire de diminuer la morbidité et la mortalité peropératoires.

Une grille d’évaluation du nouveau-né a été établie par l’équipe de réanimation néonatale
d’Antoine Béclère ; elle est issue d’un travail d’observation des enfants tout au long de leur
hospitalisation. Tous les signes témoignant a priori d’une douleur ont été répertoriés puis le
regroupement et la sélection des signes ont été effectués pour ne retenir que les plus utiles. Cinq critères
sont retenus, côtés de 0 à 3 : l’expression du visage, celle du corps, la qualité du sommeil, la relation
établie entre l’enfant et le soignant, et sa réaction aux gestes de réconfort.

Ces critères doivent être appréciés à différents moments de la journée et dans des situations
différentes, lors de gestes techniques telle ponction artérielle ou aspiration trachéale, responsable d’une
douleur aiguë ou lors de soins répétitifs et multiples au cours d’une hospitalisation prolongée, entraînant
alors une douleur prolongée.
L’ensemble des scores peut être représenté sur un graphique, permettant de visualiser
facilement autour d’une ligne moyenne les pics douloureux au cours d’une journée.

Cette évaluation permet de limiter les appréciations entachées de subjectivité, d’alerter sur une
symptomatologie douloureuse ou une situation de “ mal-être ” de l’enfant, d’évaluer l’efficacité d’un
antalgique. C’est un outil de travail intégré dans le dossier de soin de l’enfant. Ce travail de recherche a
permis d’objectiver les observations des soignants et d’améliorer le confort de l’enfant.

1.2.2 - Le nourrisson

Les pleurs sont l’expression la plus courante du nourrisson mais il peut être difficile de
différencier les pleurs de colère, de faim ou de douleur car ils ne sont pas spécifiques.

Le score d’AMIEL-TISON est utilisé chez le nourrisson de 2 à 3 mois pour apprécier la douleur
postopératoire, en particulier au moment du réveil. Il comprend 10 items côtés de 0 à 20 appréciés chez
un enfant éveillé au moment de l’examen. Il a été validé dans une étude randomisée de 23 nourrissons
âgés de 1 à 7 mois subissant un geste chirurgical mineur avec ou sans fentanyl.

1.2.3 - L’enfant de 1 à 5 ans

La douleur aiguë postopératoire a été évaluée avec l’échelle de CHEOPS comprenant 6 items.
C’est l’échelle la plus souvent utilisée pour apprécier la douleur aiguë chez le jeune enfant. Elle a été
validée par l’effet du fentanyl sur les scores.

MAUNUKSELA a proposé d’évaluer la douleur sur une échelle numérique de 0 à 9 en appréciant


la mimique du visage, les vocalisations, l’aspect de la peau, la raideur du corps, l’irritabilité de l’enfant, la
fonction ventilatoire ainsi que la pression artérielle et la fréquence cardiaque.

L’échelle de douleur DEGR a été mise au point dans le Service d’Oncologie Pédiatrique de
l’Institut Gustave Roussy ; elle évalue les douleurs persistantes de l’enfant de 2 à 6 ans, analyse le
comportement global de l’enfant, est utilisable après 24 heures d’hospitalisation et porte sur une période
d’observation de 4 heures. Elle apprécie le comportement de l’enfant à différents niveaux : signes
physiques de douleur, altérations psychomotrices et composante anxieuse. Cette échelle a d’abord été
validée avec 15 items puis réduite à 10 items. Son utilisation a été élargie à d’autres contextes que
l’oncologie. Ainsi, nous l’avons adaptée pour l’évaluation de la douleur chez l’enfant brûlé et réduite à 9
items en supprimant les items mal adaptés à la condition du patient brûlé. Son adaptation a été un travail
d’équipe progressif, évolutif et de patience, ce qui a fourni un repère indispensable à la gestion de la
thérapeutique antalgique.

2. MÉDICAMENTS

L’O.M.S. a défini la puissance d’action des antalgiques suivant 3 paliers pour le soulagement des
douleurs cancéreuses. Ces 3 paliers ont servi de référence pour apprécier les médicaments soulageant
les autres douleurs : palier 1 = douleurs modérées, palier 2 = douleurs fortes, palier 3 = douleurs
intenses.

2.1 MÉDICAMENTS DU PALIER 1

Ce sont les antalgiques périphériques non morphiniques constituant un groupe hétérogène.

2.1.1 - Acide acétylsalicylique ou aspirine

Anti-inflammatoire, antipyrétique et antiagrégant plaquettaire (dès les faibles doses), sa posologie


est de :
per os, 50 mg/kg/24 heures répartis en 4 à 6 doses,
par voie intraveineuse, 25 mg/kg/24 heures,
sous réserve des contre-indications habituelles (allergies aux salicylés, ulcère gastrique, risque
hémorragique).

Il doit être évité avant une intervention hémorragique (exemple : amygdalectomie).


2.1.2 – Paracétamol

Il peut être administré par voie orale, rectale (Efferalgan®, Dafalgan®, Doliprane®), ou
parentérale sous forme de propacétamol injectable (Prodafalgan®).

La posologie est de 60 mg/kg/jour en 4 doses (soit 15 mg/kg) par voie digestive, avec une dose
de charge de 20 mg/kg. Par voie intraveineuse, la dose de propacétamol est double, répartie en 4 ou 6
injections / 24 heures.

Il est souvent associé, par voie intraveineuse, à un autre médicament du palier 2 (nalbuphine) ou
3 (morphine), et a une action synergique permettant de diminuer les doses d’antalgiques plus puissants
en période postopératoire.

Les effets secondaires sont rares ; c’est le premier antalgique utilisé chez l’enfant, contre-indiqué
en cas d’affection hépatique grave évolutive.

2.1.3 - Anti-inflammatoires non stéroïdiens ou A.I.N.S.

Ils ont des propriétés antalgiques et anti-inflammatoires. Plusieurs groupes de produits sont
utilisables mais certains n’ont pas d’A.M.M. (Autorisation de Mise sur le Marché) avant l’âge de 5 ans.
Posologies :
à partir de 6 mois, le Nifluril® (40 à 60 mg/kg/24 h) ;
à partir de 12 mois, le Voltarène® (2 à 3 mg/kg/24 h) ;
à partir de 3 ans, le Surgam® (10 mg/kg/24 h).

Ils sont surtout utiles en cas de période inflammatoire.

2.2 - MÉDICAMENTS DU PALIER 2

Ce sont les antalgiques centraux faibles. On distingue deux catégories : les agonistes
morphiniques purs, les agonistes-antagonistes.

2.2.1 - Agonistes purs

Ils ont une puissance d’action très inférieure à la morphine et leurs effets secondaires dépendent
de la dose administrée. Ils sont représentés par :
- l’extrait d’opium, présent en association dans les gélules et suppositoires de Lamaline® :
Gélule (mg) Suppositoire (mg)
Paracétamol 300 500
Poudre d’opium 10 15
Caféine 30 50
Poudre de belladone 10 30

- la codéine, alcaloïde de la morphine, se fixe sur les mêmes récepteurs. Son action est 10 fois moins
puissante que celle de la morphine et elle a une action antitussive. Posologies :
traitement de la toux : 0,3 mg/kg/24 h en 3 à 4 prises (A.M.M. à partir de 30 mois),
traitement antalgique : 0,5 à 1 mg/kg toutes les 4 heures, avec une dose maximale de 5 mg/kg/j ;
l’association au paracétamol est synergique sur le plan antalgique (Efferalgan Codéine®) mais il n’a pas
d’A.M.M. chez l’enfant.
- le dextropropoxyphène (Antalvic®), dérivé morphinique de synthèse, a une activité 5 à 10 fois inférieure
à celle de la morphine.
2.2.2 - Agonistes antagonistes

C’est essentiellement la nalbuphine (Nubain®), antagoniste des récepteurs µ et agoniste partiel


des récepteurs et Sa puissance analgésique est la moitié de celle de la morphine. Le délai d’action
par voie intraveineuse est rapide : 2 à 3 minutes ; la durée d’action est de 2 heures 30 à 4 heures. Son
avantage est d’être peu dépresseur respiratoire. Par contre, son activité antagoniste prédomine si le
produit est administré après un agoniste ; il faut donc attendre un délai suffisant entre l’administration
d’un morphinique agoniste et de ce produit.
Posologies et voies d’administration :
ampoules injectables de 2 ml = 20 mg ;
voie intraveineuse : 0,2 mg/kg toutes les 4 heures, en perfusion de 10 min ;
voie intraveineuse continue sur la base de 1,2 mg/kg/24 h ;
voies sous-cutanée et intramusculaire possibles mais douloureuses, donc peu indiquées ;
l’efficacité de la voie rectale semble reconnue mais peu d’études cinétiques ont été réalisées chez
l’enfant.

Outre l’action antalgique, ce produit a également un effet sédatif qui peut parfois être un avantage
mais on ne peut dépasser les doses indiquées car il existe un effet plafond.

La buprénorphine (Temgésic®) est un produit peu utilisé en pédiatrie. Ses indications sont
essentiellement les douleurs postopératoires de chirurgie viscérale d’intensité moyenne (laparotomie).

2.3 - MÉDICAMENTS DU PALIER 3

Ce sont les antalgiques centraux forts, agonistes morphiniques purs dont le chef de file est la
morphine : c’est l’analgésique de référence.

2.3.1 – Morphine

Posologies et voies d’administration :


par voie orale :
sous forme de chlorhydrate de morphine (ampoule de 10 ml = 5 mg) ; elle doit alors être
administrée toutes les 4 heures, de manière régulière. La dose de charge est de 0,20 à 0,50 mg/kg ;
l’entretien de 1 à 5 mg/kg/24 h. Les doses peuvent être dépassées en cas de douleur chronique ;

on peut également utiliser une forme “ retard ”, beaucoup plus maniable car administrée en 2
prises à 12 heures d’intervalle, sous forme de Skénan® le plus souvent (gélules ouvrables et
mélangeables aux aliments, dosées à 10, 30 et 60 mg) ;
par voie intraveineuse :
on peut utiliser une dose de charge de 0,05 à 0,2 mg/kg en bolus, suivie d’une injection en
continu de 0,02 à 0,05 mg/kg/h, adaptée suivant la douleur;
quand l’enfant est âgé de 6-7 ans minimum et coopérant, il peut contrôler cette analgésie par une
pompe P.C.A. (Patient Control Analgesia). Ce mode d’administration utilise une pompe comportant un
système informatique pré-réglé par le médecin, permettant l’administration de bolus de morphine, associé
ou non à une injection continue. Les bolus sont de 10 à 20 mcg/kg avec une dose maximale de 120 à
150 mcg/kg sur 4 heures et une période réfractaire de 10 minutes, interdisant des injections trop
rapprochées. Le patient peut ainsi mieux adapter la dose nécessaire à ses besoins en fonction d’un geste
ou d’un instant plus douloureux (kinésithérapie, toilette...);

pour administrer la morphine, on peut utiliser d’autres voies : intramusculaire, sous-cutanée,


intrarachidienne, péridurale.

Effets secondaires :
le principal risque est la dépression respiratoire, ce qui nécessite une surveillance stricte de la
fréquence respiratoire toutes les heures ;

on observe également un ralentissement de la fréquence cardiaque, des nausées, des


vomissements et surtout une constipation notable en cas de traitement prolongé, qu’il faut prévenir par un
régime et des produits accélérant le transit ;

la rétention d’urines est constatée avec une fréquence parfois élevée en cas d’utilisation de la
voie péridurale ou intrathécale ;
un prurit peut être constaté ;

la sédation et la somnolence sont plutôt des signes de surdosage.

Tous ces effets sont antagonisés par la naloxone (Narcan®) qui doit être systématiquement à
disposition chez les patients sous morphiniques, prescrite suivant un protocole par écrit, en cas d’incident
respiratoire surtout.

Indications : ce sont les douleurs aiguës pour lesquelles les antalgiques des paliers 1 et 2 sont
insuffisants et les douleurs chroniques (oncologie). L’avantage est qu’il n’y a pas d’effet plafond. Les
douleurs postopératoires d’une chirurgie orthopédique ou thoracique ont généralement une indication
d’emblée.

Précautions d’emploi : afin d’éviter un phénomène de sevrage en cas d’administration prolongée


de plus d’un mois, il faut souvent diminuer progressivement les doses avant d’arrêter le traitement. Il faut
toujours avertir la famille de cette prescription et les rassurer, éventuellement s’ils posent la question, de
l’absence de dépendance ultérieure ou de risque de toxicomanie.

2.3.2 - Autres morphiniques

Les autres morphiniques utilisables par voie intraveineuse, voire par voie péridurale, sont le
fentanyl (100 fois plus puissant que la morphine), le sufentanil (dérivé du fentanyl, 10 fois plus puissant),
l’alfentanil (demi-vie plus courte).

Ce sont des médicaments réservés à l’anesthésie et aux services de soins intensifs où ils sont
utilisés chez des patients souvent intubés.

2.4 - AUTRES MÉDICAMENTS

2.4.1 – Antispasmodiques

Ils n’ont pas de propriétés antalgiques propres mais agissent sur les manifestations
spasmodiques d’accompagnement des atteintes organiques viscérales. Ce sont :
la Viscéralgine® (6 mg/kg/jour en 3 prises orales, ou 0,5 mg/kg/24 heures en 4 prises I.V.) ;
le Buscopan®, antispasmodique atropinique (1 mg/kg/jour en 2 à 3 prises) ;
le Spasfon® (6 mg/kg/jour en 2 prises) ;
le Débridat® (5 à 10 mg/kg/24 heures).

2.4.2 - Anesthésiques locaux

La lidocaïne (Xylocaïne®) est le principal anesthésique local utilisé :


en application locale (gel à 2 % ; 1 ml de gel = 20 mg de chlorhydrate de lidocaïne) ;
en infiltration cutanée et sous-cutanée (suture de plaie) à la dose de 4 mg/kg, soit 2 ml de lidocaïne à 1 %
pour 5 kg de poids, avec aiguille de 24 à 25 Gauge) ;
en cas de fracture du fémur, réalisation d’un bloc fémoral (repères anatomiques : ligament inguinal en
haut, artère fémorale en dessous du ligament inguinal, point de ponction à 0,5-1 cm au dessous du
ligament inguinal et latéralement à l’artère fémorale) : on injecte 1 ml/kg d’une solution de Xylocaïne® à 1
%.

La bupivacaïne (Marcaïne®) est utilisée pour réaliser des anesthésies loco-régionales mais ces
techniques demandent une pratique et une surveillance très spécialisées, pratiquées par des médecins
anesthésistes.

La pommade EMLA® (lidocaïne + prilocaïne) : l’application sous un pansement occlusif durant une heure
confère une anesthésie cutanée sur une profondeur de 5 mm ; elle est éventuellement utilisée pour éviter
la douleur d’une ponction veineuse ou pour traiter des lésions cutanées circonscrites (exemple : petit
naevus).
2.4.3 - Protoxyde d’azote (N2O)

C’est un gaz inodore, incolore, non inflammable, largement utilisé en anesthésie au bloc
opératoire mais se présentant aussi sous forme de mélange équimolaire 50 % O2 -50 % N2O
(Entonox®), stocké dans des bouteilles blanches avec quartier bleu à la partie supérieure. Ce mélange
diffuse très rapidement dans le sang, est très peu soluble et est éliminé par voie pulmonaire en 5 à 6
minutes, sans avoir été métabolisé. Son action est donc fugace et rapidement réversible. Il a deux effets :

un effet anxiolytique et euphorisant ;

un effet antalgique de surface avec cependant quelques modifications sensorielles pouvant être
désagréables chez les plus grands enfants (distorsion des sons, modifications visuelles...).

Cette technique peut être proposée comme antalgique chez les jeunes enfants en onco-
hématologie pour les ponctions médullaires, les ponctions lombaires, les pansements douloureux, voire
pour certains actes en urgence.

CONCLUSION

Nous disposons d’un ensemble de médicaments qui permettent de traiter la majorité des
douleurs de l’enfant.

Il faut calmer la douleur des enfants sans délai, sans entraver toutefois le diagnostic. En dehors
de l’urgence et d’une douleur évidente du fait du contexte traumatique, il est indispensable d’évaluer la
douleur par des échelles adaptées à l’âge et à la compréhension de l’enfant.

Toutefois, la douleur de l’enfant doit être traitée dans sa globalité. L’environnement peut
contribuer à aggraver ou à diminuer la douleur (composante anxiogène) et des mesures psychologiques
doivent être associées (explications simples, distraction par le jeu, musicothérapie).

Chaque patient réagit suivant sa personnalité, quel que soit l’âge. Les besoins en antalgiques
peuvent varier beaucoup et les protocoles thérapeutiques doivent en tenir compte.

POUR EN SAVOIR PLUS...

ALIBEU J.P., BESSARD G., CARTAL M., NICOLLE E., SERRE-DEBEAUVAIS F. & DEVILLIERS P. -
Utilisation de la nalbuphine par voie rectale chez l’enfant. In : “ 5ème Journée : La douleur de l’enfant :
quelles réponses ? ”, U.N.E.S.C.O. Paris, 17 janvier 1997, pp. 110-5.
ANAND K.J.S. - The biology of pain perception in newborn infants. Adv. Pain Res. Ther., 1990, 15 : 113-
22.
ANAND K.J.S. & HICKEY P.R. - Pain and its effects in the human neonate and foetus. New Engl. J.
Med., 1987, 317, 21 : 1321-9.
ANAND K.J.S. & MACGRATH P.J. - Pain in neonates. Elsevier Ed., Amsterdam, 1993.
GAUVAIN-PIQUART A. & PICHARD-LEANDRI E. - La douleur chez l’enfant. Medsi Mac Graw Hill Ed.,
Paris, 1989.

Vous aimerez peut-être aussi