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chez l'enfa nt
Dr Perrine Marec-Berard*, Dr Chantal Wood** OBJECTIFS ECN 134
* PH, Pédiatre Oncologue, !HOP, Lyon -+ Douleur chez l'enfant: évaluation et traitements
antalgiques
** PH, Pédiatre, Service Rachis-Douleur-Handicap,
Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers, Poitiers.
-+ Savoir évaluer la douleur de l'enfant par les outils
d'évaluation adaptés.
-+ Repérer, prévenir, et traiter les manifestations
douloureuses pouvant accompagner les pathologies de
l'enfant.
-+ Préciser les médicaments utilisables chez l'enfant selon
PLAN l'âge, avec les modes d'administration, indications et
contre-indications.
1. Spécificités de la douleur de l'enfant -+ Connaître les moyens non médicamenteux utilisables chez
2. Traitements médicamenteux de la douleur de l'enfant l'enfant.
3. Traitements non médicamenteux de la douleur
chez l'enfant
4. Prévention et traitement de la douleur liée aux soins OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
-+ Connaître les spécificités de la prise en charge
de la douleur de l'enfant.
-+ Savoir utiliser les outils d'évaluation de la douleur
adaptés à l'âge de l'enfant et au contexte.
-+ Connaître les caractéristiques et savoir rechercher une
composante neuropathique a une douleur de l'enfant.
MOTS CLÉS : auto-évaluation; développement -+ Connaître les médicaments antalgiques utilisables
cognitif; douleur aiguë; douleur prolongée; chez l'enfant et leurs posologies.
douleur induite; douleur nociceptive; douleur -+ Connaître et savoir utiliser les moyens non
neuropathique; échelles comportementales; médicamenteux de traitement de la douleur chez l'enfant.
hétéro-évatuation. -+ Savoir prévenir et anticiper la douleur induite par les
soins.
Il est recommandé que toute prescription d'antalgique soit précédée et suivie (dans les 30 à 60
minutes) d'une évaluation systématique de la douleur au moyen d'une échelle valide, adaptée à l'âge
de l'enfant, à un rythme dépendant de la sévérité de la douleur, une réévaluation régulière étant
nécessaire:
- entre o et 4 ans : le choix de l'échelle d'observation comportementale ou échelle d'hétéro
évaluation telle que EVEN DOL, FLACC, DAN, OPS (CHEOPS simplifiée), EDI N, DEGR, HEDEN est
déterminé par la tranche d'âge, la durée de la douleur et la situation clinique;
- entre 4 et 6 ans : une auto-évaluation peut être proposée, en utilisant une échelle des visages
ou une échelle verbale simple, sachant que certains enfants à cet âge ont tendance à choisir les
extrêmes des échelles faute d'être capables de comprendre le principe de sériation. Les outils
d'hétéro-évaluation sont souvent plus adaptés à cette tranche d'âge;
- à partir de 6 ans: l'auto-évaluation peut faire appel à une échelle visuelle analogique, une échelle
verbale simple, une échelle numérique simple ou une échelle des visages. Le dessin peut aussi être
un outil d'aide au diagnostic précieux à partir de 4 ou 5 ans.
En cas de handicap cognitif ou de sédation en réanimation, des grilles spécifiques sont à utiliser
(échelle Douleur San Salvadour, Grille d'évaluation Douleur Déficience Intellectuelle, la FLACC en
version enfant handicapé et la Pediatric Pain Profile) .
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FLACC: Face, Legs, Activity, Cry, Consolability Douleur post-opératoire ou liée aux soins 4 -18 ans
EVEN DOL: EValuation ENfant DOuleur Douleur aiguë aux Urgences o - 6 ans
(aux urgences)
DEGR: Échelle Douleur Gustave Roussy Douleur prolongée chez l'enfant 2 - 6 ans
atteint de cancer
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L'examen clinique systématisé comprend plusieurs étapes:
• Examen topographique : localisation de la douleur et évaluation de son étendue ; recherche d'une
systématisation à un territoire neuro-anatomique.
• Évaluation d'un déficit : le déficit sensitif (anesthésie, hypoesthésie) est recherché, au minimum
avec le classique pique-touche. La force musculaire est étudiée, avec si besoin le recours à un
testing musculaire détaillé.
• Évaluation des douleurs provoquées : on recherche une allodynie (douleur ressentie lors d'une
stimulation non nociceptive comme l'effleurement, le toucher léger, le froid), une hyperesthésie ; une
hyperpathie (envahissement global et prolongé du corps par la douleur générée par une stimulation
modeste).
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• Bien entendu l'examen clinique est comparatif par rapport au côté controlatéral, ou si l'atteinte est bilatérale, par
rapport à une zone saine à distance.
• Des outils d'aide au diagnostic ont été validés chez l'adulte, en particulier en France le questionnaire DN4.
Avec dix questions simples, le diagnostic d'une composante neuropathique est probable si le score est supérieur à
4/10, [Bouhassira D., Attal N., Alchaar H., et al.]. Même si ce questionnaire n'a pas fait l'objet de validation spé
cifique chez l'enfant, il est utilisable dès que l'enfant peut comprendre les termes employés, en général à partir de
10 ans (accord professionnel, AFSSAPS 2009 et SFETD 2007). Une version adaptée à l'enfant plus petit, illustrée
par des images, est actuellement en cours de validation.
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• Enfin, surtout chez l'enfant plus âgé et lors de douleurs prolongées, il faut connaître les attentes du patient
et chercher à y répondre. Il peut être préférable de mettre en route un traitement à faible dose, en l'adaptant
progressivement, par la suite, plutôt que d'instaurer, dans un but d'efficacité, un traitement lourd qui sera refusé
rapidement, du fait des effets secondaires.
• Dans le domaine de l'antalgie, l'effet placebo est très présent, comme chez l'adulte. Il contribue d'ailleurs à.
l'efficacité des médicaments antalgiques : attentes, convictions et empathie participent à l'effet. Mais donner
sciemment un placebo n'est pas éthique: c'est tromper l'enfant et dénier la réalité de sa douleur. Le placebo se
justifie uniquement dans le cadre d'études randomisées contrôlées qui posent d'ailleurs un problème éthique chez
l'enfant, expliquant probablement la pauvreté de la littérature disponible.
• N'utiliser la codéine chez l'enfant de plus de 12 ans qu'après échec du paracétamol et/ou AINS.
• Ne plus utiliser ce produit chez les enfants de moins de 12 ans.
• Ne plus utiliser ce produit après amygdalectomie ou adénoïdectomie.
• Ne plus utiliser ce produit chez la femme qui allaite.
• Le tramadol existe sous forme de sirop (1 ml= 100 mg= 40 gouttes), mis sur le marché en septembre 2005 avec
une AMM à partir de 3 ans, et constitue une alternative à la codéine pour l'administration orale d'un antalgique
de palier II. Il existe des formes associées au paracétamol qui sont utilisables chez l'enfant à partir de 12 ans et qui
présentent un intérêt du fait d'une action synergique.
• La nalbuphine, agoniste antagoniste, peut être utilisée chez l'enfant de plus de 18 mois, par voie intra-veineuse en
milieu hospitalier. La voie intra-rectale est fréquemment utilisée sans données pharmacocinétiques.
• Toute prescription de palier III doit motiver une information claire et la prévention active des effets indési
rables en particulier la sédation, les nausées, la constipation, la rétention urinaire, le prurit, les hallucinations. Un
traitement symptomatique de la constipation doit être associé, de manière systématique, au traitement morphi
nique. Les nausées répondent à de faibles doses de neuroleptiques ou d'anti-émétiques.
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En cas de surdosage, le risque est d induire une sédation et une dépression respiratoire (bradypnée) 1
11=.· qui impose d'arrêter le traitement, et d'administrer un antagoniste des morphiniques (Naloxone 2 à l::
5 µg/kg voie IV à renouveler toutes les 3 mn jusqu'à récupération).
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• Morphine : La morphine est actuellement disponible par voie orale (Suspension buvable, gélules à libération
immédiate = LI ou prolongée = LP) et intraveineuse dès l'âge de 6 mois. Les formes à libération prolongée avec
des interdoses de morphine à libération immédiate seront privilégiées en cas de douleur prolongée. La dose jour
nalière sera adaptée en fonction de l'efficacité obtenue et des effets secondaires.
Par voie intraveineuse, il est conseillé de faire une titration jusqu'à l'obtention d'une analgésie satisfaisante, à
condition que la sédation de l'enfant ne soit pas trop importante. La dose totale ainsi injectée servira de base au
calcul de la dose journalière nécessaire qui sera ensuite administrée soit en discontinu (en général toutes les 4
heures), soit en continu au pousse-seringue ou en mode PCA si l'enfant a plus de 5 ans (analgésie contrôlée par le
patient). Les pompes d'analgésie auto-contrôlée sont utilisables chez l'enfant à partir de 5-6 ans.
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i: L'utilisation de morphine par voie intra-veineuse, impose, outre la surveillance de l'effet antalgique, i
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: une surveillance de la fréquence respiratoire et de la sédation et un monitorage correct du malade. :
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• D'autres opioïdes sont utilisables chez l'enfant. Le libellé de leurs AMM concerne en général la douleur liée au
cancer. Les règles de prescription, de surveillance et de gestion des effets secondaires sont les mêmes que ceux
décrits plus haut :
- l'hydromorphone (dose équianalgésique 1 mg pour 7,5 mg de morphine) est un dérivé semi-synthétique de
la morphine agoniste sélectif mu. Il est disponible par voie orale sous forme de gélules à libération prolongée
avec une AMM à 7 ans;
- l'oxycodone (dose équianalgésique de 1 mg pour 2 mg de morphine), est un dérivé semi-synthétique de la
morphine agoniste sélectif mu et kappa. Il est disponible sous forme de comprimés à libération prolongée et /
ou à libération immédiate avec une AMM à 18 ans;
- le fentanyl est une alternative possible chez les enfants. Il s'agit d'une molécule 1000 fois plus puissante
que la morphine. Une étude récente, rapporte l'intérêt et la sécurité de son utilisation par pompe PCA.
L'administration percutanée est possible grâce à des patches dont le plus petit dosage (12 µg/h équivalent à
30 mg de morphine orale/j) a une AMM en pédiatrie.
3 ans (forme à
1 à 2 mg/kg par prise - 3 à 4 fois par jour sans dépasser
Tramadol orale libération immédiate,
8 mg/kg/j
per os)
• Les anticonvulsivants agissent sur les sensations fulgurantes. Les molécules les plus utilisées sont la gabapentine
et la prégabaline. Le clonazepan quant à lui, même si il a été utilisé par de nombreux médecins avec un faible
niveau de preuve dans cette indication, fait depuis 2011 l'objet de restriction d'utilisation qui en limitent la pres
cription (http://ansm.sante.fr):
- la gabapentine (AMM à 12 ans) est introduite à doses progressives par paliers de 3 jours avec des augmentations
de 50 % (débuté à 5 mg/kg/j en 3 fois, maximum 30 mg/g/j);
- la prégabaline (AMM est à 12 ans) est un anti-épileptique dont le délai d'action semble plus court que la
gabapentine, mais aucune étude n'a comparé ces deux médicaments et la prégabaline n'a pas prouvé de
supériorité par rapport aux autres médicaments des douleurs neuropathiques. Le traitement est débuté à
150 mg/j en 3 fois avec une augmentation possible jusqu'à 600 mg;
- le clonazepam ne peut être prescrit que par des neurologues ou des pédiatres (recommandation ANSM 2012). Il est
en général débuté à la dose de 0,02 à 0,03 mg/kg/j de préférence le soir avec une augmentation progressive des doses
sans dépasser 2 mg/j. Le problème principal reste la gestion des effets secondaires et en particulier de la somnolence.
• Les imipraminiques, comme chez l'adulte, constituent la classe de choix avec l'amitriptyline administré préféren
tiellement le soir à la dose de 0,3 à 0,5 mg/kg mais avec une possibilité de prescrire jusqu'à 1,5 mg/kg/j en 2 prises
et la clomipramine utilisée chez l'enfant à la dose de 1 mg/kg/j (avec une possibilité de débuter le traitement par
voie IV le temps de l'équilibration). Ces deux molécules agissent essentiellement sur la composante dysesthésique
des douleurs neuropathiques.
• Des associations sont possibles et souvent nécessaires. Il n'existe pas à l'heure actuelle de consensus sur le choix
des traitements des douleurs neuropathiques de l'enfant. Les arbres décisionnels publiés chez l'adulte peuvent
être extrapolés à l'enfant tout en tenant compte des effets secondaires potentiels des différents traitements et de la
connaissance que nous avons de l'utilisation de ces traitements chez l'enfant.
i Les enfants, encore plus que les adultes, ont souvent peur des soins qui seront réalisés et cette
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• Les gestes et les soins habituellement dispensés en pédiatrie (ponctions veineuses, ponctions lombaires, ponctions
osseuses, poses de sondes nasogastriques) provoquent des douleurs de légères à très intenses. La lourdeur du soin
va faire proposer des moyens plus ou moins lourds, de la simple anesthésie locale à une sédation profonde voire
une anesthésie générale. L'utilisation large des anesthésiques topiques (EMLA®) et du mélange oxygène protoxyde
d'azote (MEOPA) permet la réalisation de soins modérément douloureux avec une sécurité excellente. Mais ces
moyens restent insuffisants dans certaines situations, comme certains pansements, réductions de fractures, soins
répétés, ou bien soins chez des enfants très anxieux ou phobiques. Il est alors nécessaire de réaliser une sédation·
analgésie en associant un antalgique plus puissant de palier II voire III et parfois même un sédatif.
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j Toute association médicamenteuse dans ce contexte doit être réalisée en respectant des consignes
strictes de sécurité (formation des médecins aux gestes de réanimation, respect du jeune, modalités
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i de surveillance, équipement des salles en matériel de réanimation) afin d'éviter des complications �
� (sédation trop profonde, dépressions respiratoires). En cas de soin douloureux nécessitant une �
! sédation·analgésie puissante, la situation optimale consiste à pratiquer la sédation avec l'aide d'un
anesthésiste ou d'un réanimateur pédiatre.
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• Et en plus:
- Solutions sucrées: lorsque ces gestes concernent des nouveau-nés (services de néonatologie) ou des nourrissons
(urgences, cabinets de ville), l'administration orale d'une solution sucrée (0,5 à 2 ml de sucrose à 25 %, donnée
par une seringue ou avec une tétine, 2 minutes avant le stimulus douloureux) associée à la succion (pouce ou
tétine) est un moyen antalgique efficace chez le nourrisson de moins de 4 mois. La durée de l'analgésie sucrée
est de 5 à 7 minutes. Il est conseillé de maintenir une succion pendant toute la durée du geste douloureux.
La solution sucrée peut être ré·administrée en cas de besoin. L'allaitement maternel est une alternative aussi
efficace qu'une solution sucrée.
- Anesthésie locale par infiltration : est indiquée dans la prévention de la douleur liée à certains gestes comme
les sutures, retraits de drains, ou ponctions osseuses. L'infiltration est précédée de tests d'aspiration lors
des différentes modifications de position de l'aiguille. L'injection doit être lente afin d'éviter une distension
douloureuse et traumatisante des tissus. La quantité d'anesthésiques locaux est souvent importante, les
concentrations très basses sont recommandées pour éviter tout accident de surdosage. L'absorption est
difficilement contrôlable surtout chez le petit enfant.
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i Chez l'enfant on utilisera principalement la Xylocaïne® non adrénalinée, faiblement concentrée (0,5 % j
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• À coté des techniques médicamenteuses, nous disposons d'un large choix de techniques non médicamenteuses
qui ont largement fait la preuve de leur efficacité et qui, en association avec la pharmacopée permettront de net
tement diminuer la douleur et l'anxiété liées aux soins. Des techniques telles que la relaxation, la sophrologie, la
distraction, l'hypno-analgésie doivent être connues des soignants, disponibles facilement et utilisées dans toutes
les structures pédiatriques susceptibles de réaliser des gestes douloureux.
Conclusion
• La douleur de l'enfant, qu'elle soit ou non induite, ne doit pas être une fatalité. Nous devons, en tant que soignant,
mettre tout en œuvre pour la réduire, la supprimer et la prévenir.
► BIBLIOGRAPHIE
• AFSSAPS, Recommandations de bonne pratique : traitement médicamenteux de la douleur aiguë et chronique chez l'enfant, juin
2009, www.afssaps.fr.
• Fournier-Charrière E., Marec-Berard P., Schmitt C., Delmon P., Ricard C., Rachieru P., « Prise en charge des douleurs neuropathiques
chez l'enfant: recommandations de bonne pratique clinique», Arch Pediatr, 2011; 18: 905-13.
• L'EMLA et le MEOPA sont deux techniques indispensables à savoir maîtriser chez l'enfant.