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PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT
La théorie de l’attachement

Depuis le début du 20ième siècle, au départ des observations de Spitz sur des nourrissons hospitalisés
et des recherchent en éthologie, l’attachement est devenu un champ d’étude foisonnant. Les théories
de l’attachement ont donné lieu à d’importantes découvertes qui ont profondément modifié les pratiques
éducatives. Aujourd’hui encore, nous n’avons pas fini de découvrir les implications de la relation
d’attachement Mère-Bébé sur la personnalité, la vie relationnelle, la confiance en soi, les relations de
couple, la santé mentale, etc. d’un individu.

1. Expériences avec des animaux

1.1. Konrad LORENZ et le phénomène d’empreinte observé chez les oiseaux.

Lorenz est né en 1903 à Vienne. Très impressionné, pendant son adolescence, par la lecture des
travaux de Darwin sur l’évolution, il étudie la zoologie et se passionne pour l’étude de l’instinct animal.
Comme le français Jean-Henri Fabre, Lorenz a un tempérament de naturaliste. Ce qui l’intéresse, c‘est
de vivre à la campagne et d’observer les animaux dans leur milieu naturel, mais aussi des animaux qu’il
recueille et élève près de lui, en particulier des oiseaux et des poissons.

En 1927, il recueille un jeune choucas qu’il a baptisé Tschok. Et il observe un phénomène


impressionnant : devenu adulte, Tschok ne veut pas le quitter. Au lieu de rejoindre les autres choucas
des environs, Tschok reste auprès de Lorenz. Le jeune zoologiste élève d’autres choucas et constate
que le phénomène se reproduit, ainsi qu’avec des oies cendrées, oiseaux qui le rendront célèbre.

Le phénomène n’est pas tout à fait inconnu de Lorenz. Un zoologiste


allemand, Oskar Heinroth, l’a déjà observé en 1910. Mais après de longues
et patientes observations, Lorenz finit par le comprendre : dès qu’il sort de
l’œuf, l’oisillon identifie la première chose qu’il voit bouger comme étant sa
mère, que ce soit un oiseau, un animal d’une autre espèce ou un objet
mobile. C’est ce phénomène de « fixation » de l’oiseau nouveau-né que
Lorenz appellera « empreinte ».

Konrad Lorenz
Le phénomène ne se produit pas au même stade du développement chez
(1903 – 1989) l’oie cendrée et chez le choucas (pour la première, il a lieu dès la sortie de
l’œuf, pour le second, c’est au moment où l’oisillon quitte le nid) mais il se
produit toujours au même moment pour une espèce donnée, et ne dure que quelques heures. Passé
ce délai, l’empreinte ne se produit plus.

Et lorsque l’oiseau a fixé son attachement sur un être vivant (ou même sur un leurre comme par exemple
un oiseau en bois), cet attachement est irréversible et l’animal suivra toute sa vie cette « mère » qu’il a
adoptée. Lorenz, qui s’intéressait à l’instinct, cœur à ce qui est inné chez l’animal, venait
paradoxalement d’identifier un phénomène d’apprentissage, indiscutablement acquis.

L’empreinte est un phénomène observé chez l’animal. On n’en a jamais démontré l’existence chez l’être
humain. Mais il n’est pas interdit d’adopter la formule favorite de Konrad Lorenz : « Tout ce à quoi nous
consacrons notre vie commence par une émotion. »

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1.2. Harry HARLOW et les expériences de privation sociale sur les singes

Harry Harlow a étudié à l’Université Stanford, où il obtient un doctorat en 1930, puis


part à l’Université du Wisconsin-Madison. Il a travaillé un temps avec Abraham
Maslow.

Expérience de privation maternelle

Les études d’Harlow cherchent à approfondir les recherches entreprises par René
Spitz qui avait montré les retards de développement que peuvent provoquer des
situations d’abandon sur les nourrissons. Il a étudié les effets de privation
Harry Harlow
maternelle et sociale chez les singes rhésus.
1905-1981
A l’époque, rare étaient ceux qui affirmaient qu’un enfant a des besoins affectifs et qu’ils sont aussi
essentiels que le besoin de se nourrir. La croyance assez répandue à l’époque était que l’enfant avant
1, 2 ou 3 ans ne fait que ‘pousser’ et qu’il n’a besoin que de nourriture. Harlow, à la suite de Spitz
voulaient prouver scientifiquement que les privations affectives imposées aux petits êtres vivants
pouvaient avoir des conséquences désastreuses.

Dans un premier temps, il sépare des petits macaques de leurs mères à différentes périodes de leur
développement, à la naissance, ou à partir de 3, 6, 12 et jusqu’à 24 mois, il les laisse en totale isolation
et hors de tout contact avec leurs semblables.

Bien que restant en parfaite santé physique à leur réinsertion auprès de leurs congénères ils sont
généralement en état de choc émotionnel, caractérisé par des attitudes autistiques, et un
anéantissement de leurs interactions sociales (pas d’interaction, de jeu ni d’intérêt sexuel). Par contre
si la période d’isolation avait lieu plus tardivement, cela n’avait pas le même effet sur leur comportement.

Cette première série d’expériences a démontré chez le primate et par extension chez l’homme,
l’importance des interactions entre l’enfant et la mère à une période déterminée, et leur rôle sur le
développement social ultérieur.

Expérience de substituts maternels

Il tenta ensuite de proposer des alternatives pour tenter d’isoler le facteur déclenchant de cette
désocialisation.

Le principe était de séparer les nouveau-nés de leurs mères et


de les placer en présence de deux substituts maternels, deux
marionnettes, l’une en grillage simple, mais avec un biberon,
l’autre recouvert d’un tissu et contenant une source de chaleur.
Les petits préféraient se blottir contre le deuxième, quitte à
s’étendre pour se nourrir sur le premier.

Cette expérience s’est opposée à l’interprétation la plus


courante de l’époque qui, sans renier le rôle du contact
physique, donnait jusqu’alors une fonction primordiale à la
fonction alimentaire.
Le dispositif expérimental de ‘substitut
maternel’ : la ‘maman’ fil de fer avec un Ce fut donc le point de départ de la considération la plus
biberon (à droite) et la ‘maman’ fourrure courante aujourd’hui, à savoir que la tétée joue avant tout un
(à gauche). rôle affectif, par la mise en contact sensorielle fréquente de
l’enfant et de la mère.

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Minimum social

Ces substituts n’eurent pas d’effet direct sur la sociabilité des petits isolés, mais si en plus de la présence
de ce substitut tactile ils étaient mis en contact quelques heures par jour avec un autre petit élevé
normalement, ils pouvaient alors acquérir des compétences sociales normales.

à voir le reportage : « Harry Harlow et les bébés macaques »


https://www.youtube.com/watch ?v=mS8lCjq5s4A

2. Observations chez le nourrisson

2.1. René Arpad SPITZ et le syndrome d’HOSPITALISME

Spitz fait ses études de médecine à Budapest, Lausanne et Berlin. En 1911, Sandor
Ferenczi l’envoie suivre une cure didactique avec Sigmund Freud, il commence des
recherches sur la clinique de l’enfant à Vienne. En 1938, fuyant l’Allemagne nazie,
il fit carrière aux États-Unis, à l’Université du Colorado à Denver, où il poursuivit son
activité et son enseignement de la psychanalyse et ses recherches sur l’enfant. À
partir de 1945, il devient principal rédacteur de la revue fondée par Anna Freud,
Ernst Kris et Heinz Hartmann, The Psychoanalystic Study of the Child. Il a encore
été professeur à Genève. Il a, entre autres, mis en évidence le syndrome
d’hospitalisme et la dépression anaclitique. Son approche est originale puisqu’elle
associe les concepts psychanalytiques et les méthodes traditionnelles
d’investigation psychologique et d’observation directe (baby-tests, enregistrements René Spitz
photographiques et cinématographiques, « leurres visuels » etc.). 1887 - 1974

Les travaux de René Spitz1, dans les années 1930, ont été les premiers montrer d’une façon plus
systématique que les interactions sociales avec les autres humains sont essentielles au développement
d’un enfant. Spitz a suivi pendant plusieurs années deux groupes de nouveau-nés : le premier d’un
orphelinat où les bébés étaient plus ou moins coupés du monde dans leur berceau et où une seule
infirmière devait s’occuper de 7 enfants ; et le second dans un établissement semblable situé dans une
prison où la mère prisonnière pouvait prodiguer chaque jour à son enfant soins et affection et où les
enfants pouvaient observer les autres enfants et le personnel durant la journée.

Bien que l’état du développement fût comparable à l’âge de 4 mois dans les deux groupes (les enfants
de l’orphelinat avaient même une moyenne plus élevée à différents tests), dès la première année, les
performances motrices et intellectuelles des enfants de l’orphelinat avaient pris un grand retard
comparativement à celles des enfants de la prison, se montrant également moins curieux, moins
enjoués et plus sujets aux infections.

Durant leur deuxième et troisième année, les enfants élevées par leur mère dans la prison avaient un
développement comparable à ceux élevés dans une famille normale à la maison, parlant et marchant
avec assurance. Par contre, dans l’orphelinat, seulement 2 enfants sur 26 étaient capables de marcher
et de bredouiller quelques mots.

Ces enfants dépérissaient sur les plans physique et intellectuel dans le cadre d’un véritable syndrome
dépressif. Cet état, qu’il nomme « hospitalisme » est dû à la séparation précoce d’avec la mère et à son
non-remplacement par un « substitut » convenable. En effet, si les besoins corporels des bébés étaient
satisfaits, le personnel, trop peu nombreux, ne pouvait combler leurs besoins affectifs et sociaux.

Depuis cette étude pionnière, de nombreuses autres expériences ont montré à quel point des privations
sensorielles et sociales survenant lors de certaines périodes critiques au début de l’enfance pouvaient
avoir des conséquences catastrophiques sur le développement ultérieur de l’individu.

1
R. A. Spitz. De la naissance à la parole. PUF. 1993.

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à voir le reportage : « Emotional Deprivation in Infancy : Study by Rene A. Spitz »


https://www.youtube.com/watch ?v=VvdOe10vrs4&t=178s

2.2. John BOWLBY et les effets de la séparation

John Bowlby est un psychiatre et psychanalyste britannique, célèbre pour ses


travaux sur l’attachement, la relation mère-enfant. Pour lui, les besoins
fondamentaux du nouveau-né se situent au niveau des contacts physiques. Le
bébé a un besoin inné du sein, du contact somatique et psychique avec l’être
humain.

Attachement et délinquance

Les premiers travaux de Bowlby portent sur la perte, le deuil, la séparation, sur
l’effet de la séparation chez les enfants hospitalisés, et sur les carences
relationnelles précoces des délinquants. Sa première intuition à ce moment-là̀ est John Bowlby
le lien entre déprivation affective maternelle et risque de délinquance. Bowlby 1907 - 1990
décrit les « personnalités dépourvues de tendresse », ces enfants ayant subi des
séparations d’avec leur mère. Il introduit la notion d’exclusion défensive des affects, c’est-à-dire
l’exclusion des émotions lorsque l’enfant est en détresse et qu’il n’obtient pas le réconfort de la figure
d’attachement. L’enfant a comme stratégie de ne pas activer le système d’attachement (comportements
visant le rapprochement avec la figure d’attachement). L’enfant n’exprime plus ses émotions puisqu’il
n’y a pas de réponse et il perd le contact avec sa vie affective. Ceci est pris dans une dynamique
interactive. Bowlby fait ainsi le pont entre attachement et vie émotionnelle. Selon lui, « le maintien d’un
lien fait éprouver un ressenti, la rupture fait éprouver un autre ressenti. Les émotions sont habituellement
le reflet de l’état des liens affectifs d’une personne, donc la psychologie et la psychopathologie des
émotions se trouvent être en grande partie la psychologie et la psychopathologie des liens affectifs2».

Effet de la séparation

L’attachement serait un besoin humain inné́ . Le bébé́ est, très précocement, un être de relation. Comme
il nait très immature, il se trouve dans un rapport de grande dépendance vis-à-vis de l’autre. Le besoin
inné d’attachement répond à cet état de grande dépendance. L’attachement se construit dans les
interactions autour des soins réels auxquels Bowlby accorde une grande importance.

En 1969, Bowlby présente le film John goes to the nursery, réalisé par James & Joyce Robertson,
travailleurs sociaux et proches collaborateurs de Bowlby. Il s’agit d’une observation de séparation
pendant neuf jours et des effets sur le jeune enfant. John est accueilli dans une pouponnière lors de la
naissance de sa petite sœur, dans un contexte où l’on ne prêtait guère attention à ce que pouvait vivre
l’enfant à ce moment -à. Ce film montre trois phases par lesquelles le petit John va passer :

1. Protestation : réponse active ayant pour but de rétablir la proximité́ avec le parent
3. Désespoir : réponse passive, impuissance, perte d’intérêt pour l’environnement
3. Détachement : l’enfant reprend contact mais avec une indifférence affective

L’enfant met un certain temps pour reprendre confiance, et pour Bowlby, quelque chose persiste après
le retour du parent.

à voir le reportage : « Le bébé est une personne »


https://www.youtube.com/watch ?v=3YzV-yWMVW0&t=9817s
Extrait à regarder : 2 :00 :35 à 2 :17 :00

2
John Bowlby, Attachement et perte. 3 volumes. PUF. 1978

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Attachement et autonomisation
Insécurité

L’enfant humain vient au monde avec une prédisposition


à participer aux interactions sociales. Le bébé́ a besoin
d’un lien d’attachement précoce et continu car il nait
immature et dépendant, et la recherche de proximité́ Système
d’attachement activé
Système
d’exploration désactivé
maternelle est un besoin primaire. L’amour ne renforce
pas la dépendance, il donne de l’assurance pour une
ouverture au monde extérieur. Il existe un travail
psychique lors de la séparation et des processus
défensifs.
Réponse de la figure
L’attachement est décrit comme un système de d’attachement
comportements (pleurer, appeler, etc.), qui est activé
lorsque l’enfant se sent en danger et que la figure
d’attachement est éloignée – ses signaux ayant pour but
de faire revenir la figure d’attachement. Une fois l’enfant
sécurisé́ , le système d’attachement n’est plus activé et le
système d’exploration prend le relais. L’attachement, par
Sécurité
le lien continu et fiable qui en découle, sert l’autonomie
de l’individu car il permet l’exploration libre de
l’environnement et plus tard de son psychisme. Si l’enfant
est en détresse et qu’il n’obtient pas la proximité́ d’une
personne significative pour lui, donc un sentiment de Système Système
d’attachement désactivé d’exploration activé
sécurité́ , deux possibilités s’offrent à lui : soit le système
d’attachement est maintenu activé au détriment d’autres
systèmes (en particulier celui de l’exploration), d’où une
hyper vigilance émotionnelle. Soit, au contraire, le
système d’attachement n’est pas activé, il est maintenu
désactivé́ , il y a clivage et exclusion des émotions.
Apprentissage Autonomie Développement

Bowlby conceptualise les comportements d’attachement


comme un système inné́ qui vise au rapprochement du petit avec sa mère et à sa protection. L’enfant
se sent alors aimé et en sécurité́ alors que la séparation de sa figure d’attachement engendre un
sentiment d’anxiété́ et de chagrin. Et finalement, c’est parce que l’enfant sait qu’il a la possibilité de
s’attacher, de ‘coller’ à sa figure d’attachement qu’il peut s’adonner à des activités autonomes. Le
détachement se fait tout seul.

Sur le plan éducatif, on comprend tout l’intérêt de permettre à un enfant anxieux, en insécurité, de se
réfugier dans les bras de sa figure d’attachement. Ne fut-ce qu’un moment. Une fois la sécurité
retrouvée, l’enfant se ‘décollera’ de lui-même pour s’engager dans l’exploration de son environnement.
Forcer le détachement, imposer l’autonomie est par contre beaucoup moins efficace.

Modèle Interne Opérant (MIO).

Bowlby étudié également la continuité́ de l’attachement (de l’enfant à l’adulte). Il est convaincu des
implications à long terme de la sécurité́ de l’attachement mère/nourrisson sur les relations intimes
ultérieures, et sur la compréhension de soi.

Dans les années 1970, Bowlby propose le concept de Modèle Interne Opérant (MOI). Il s’agit d’un
système, propre à l‘individu, de croyances, de principes, d’anticipations, de ‘style relationnel’ que
l’individu se construit au fil de ses expériences heureuses ou malheureuses dans ses premières
interactions avec la personne qui lui donnait les soins au quotidien (caregiver). Tout nourrisson cherche
à maintenir l’accessibilité́ et la réactivité́ du caregiver. Et c’est en fonction des réponses du caregiver
que le nourrisson se construit un Modèle Interne Opérant qui agira dans ses interactions sociales
futures. Le modèle interne opérant provient de l’attente confiante ou non en la disponibilité́ de la figure
d’attachement à partir d’une représentation d’expérience suffisamment fiable sur un temps assez long.
Ces représentations d’expérience sont codées (dans la mémoire sémantique) et conditionnent le
comportement social de l’individu tout au long de sa vie.

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Imaginons un bébé qui, alors qu’il est en détresse et active son système d’attachement, reçoit
systématiquement l’attention et la tendresse de sa (ou ses) figures d’attachement. Cette expérience,
répétée quotidiennement, va s’inscrire en lui sous forme de modèles implicites qui pourraient s’exprimer
ainsi : « je suis une personne digne d’amour » ou « la relation, ça fait du bien » ou encore « je peux
faire confiance aux autres quand je suis en détresse ».

A l’inverse, un bébé qui est régulièrement laissé à sa détresse pourrait se construire un modèle qui
s’exprimerait en ces termes : « il ne faut compter que sur soi-même » ou « quand je suis en détresse,
ça n’intéresse personne » ou encore « les autres ne constituent pas une ressource ».

On imagine aisément les implications de ces différents modèles implicites dans la vie sociale future de
ces deux bébés.

Mémoire épisodique / Mémoire sémantique

Le stockage des expériences d’attachement se fait, dans la mémoire, à deux niveaux bien différents.
Celui de la « mémoire épisodique » et celui de la « mémoire sémantique ».

La mémoire épisodique, ou « autobiographique », donne en quelque sorte la « coloration affective », la


tonalité́ subjective des évènements ; elle enregistre les informations issues de l’expérience et permet
donc la constitution d’un premier modèle. Il s’agit finalement de nos souvenirs. En tant que construction,
ceux-ci sont bien évidemment emprunts de subjectivité.

A ce premier modèle vient s’en superposer un second issu de la mémoire sémantique ou ‘procédurale’
qui généralise les expériences vécues, mais qui intègre également d’autres informations émanant
notamment de l’extérieur. Ainsi est intégré́ , par exemple, tout ce qui vient d’autrui et par conséquent
des figures d’attachement et qui peut contribuer à modifier la représentation des évènements vécus et
parfois même – parce que bien entendu tout ceci se situe hors du champ de la conscience – à exclure,
de manière défensive, certains éléments. La mémoire procédurale est donc plus abstraite, plus

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déductive. Il s’agit de nos principes, nos valeurs, nos constructions de sens, comme résultat de nos
expériences internes ou externes.

La cohérence, ou l’incohérence de ces deux niveaux entre eux, marque une des différences entre les
personnes sécures et celles qui ne le sont pas. Bowlby pensait que « les personnes insécures étaient
susceptibles de développer des modèles sémantiques et épisodiques cohérents dans leur structure
interne, mais incohérents entre eux ». Les souvenirs sont plus fluides et compréhensibles chez des
personnes sécures alors que chez des personnes insécures, les évocations du passé sont marquées
par des contradictions et des omissions.

Les personnes insécures tiendraient un discours officiel, énonceraient des principes de vie, des opinions
(mémoire sémantique) qui seraient en contradiction avec ce qu’elles ont réellement vécu (mémoire
épisodique). Par exemple : une personne parlerait de ses parents comme des personnes parfaites
ayant toutes les qualités (mémoire sémantique) alors qu’elle a subi des maltraitances de leur part
(mémoire épisodique)

Chez les personnes sécures, on observe une plus grande cohérence entre leur discours théorique
(mémoire sémantique) et leur expérience vécue (mémoire épisodique). Ainsi par exemple, la personne
pourrait parler des qualités et des défauts de ses parents (mémoire sémantique) tout en évoquant des
bons et des mauvais souvenirs avec eux (mémoire épisodique).

Stabilité des MIO

Bowlby pensait que les modèles d’attachement étaient relativement labiles et perméables aux
changements environnementaux. Les recherches sont plus nuancées.

1. Ce qui plaide pour la labilité des MIO

Assez logiquement, on pourrait penser que les expériences vécues ultérieurement sont susceptibles
d’infléchir, de modifier nos modèles. Ainsi, un enfant insécure pourrait développer, à la suite de bonnes
relations dans sa vie sociale (amis, partenaire amoureux, collègues, etc.) un modèle davantage positif
et sécure. Même si des premières expériences relationnelles désastreuses peuvent marquer nos
modèles, des expériences relationnelles ultérieures plus positives peuvent venir modifier ces modèles.
Une personne plutôt méfiante pourrait par exemple de cesser d’inhiber son système d’attachement à la
suite d’une relation amoureuse positive. L’inverse est également possible. Dans ce cas-ci, on pourrait
dire qu’on se forge nos modèles sur base de nos expériences. Les MOI seraient donc susceptibles de
se modifier au fil de nos expériences.

2. Ce qui plaide pour la stabilité des MIO

Si les expériences influencent nos modèles (notre système de croyance) et les modifient, on constate
également que nos modèles façonnent nos expériences et se voient ainsi renforcés. Le type
d’interactions que l’enfant va mettre en place et qui est étroitement lié à son ‘style’ d’attachement va
contribuer à renforcer ses modèles internes. Ainsi, en maintenant une distance affective avec les
personnes susceptibles de lui apporter du soutien, l’enfant « évitant » réussira bien souvent à arrêter
les mouvements de réconfort d’autrui, et se verra ainsi conforté dans sa vision d’un monde dans lequel
on ne peut compter que sur soi-même pour se préserver d’inévitables déceptions.

Les modèles résisteraient donc au changement proposé par l’expérience car la mémoire sémantique
effectue une sélection et exclut les informations « non-conformes » qui subissent, par des mécanismes
de clivage ou de déni par exemple, des déformations pour pouvoir s’accorder avec le système de
valeurs déjà̀ établi. Ce mécanisme conduirait à la rigidification des Modèles Internes Opérants (M.I.O.).
En d’autres termes, les principes / croyances de notre mémoire sémantique nous font vivre (au niveau
épisodique) ce qui confirme nos croyances (au niveau sémantique). On peut résumer ainsi : on se forge
des expériences sur base de nos modèles.

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Ce que j’ai vécu


(mes expériences)
MEMOIRE EPISODIQUE

Modification du MIO Maintien du MIO


« Je construis mes croyances « Je construis mes expériences
sur base de mes expériences » sur base de mes croyances »

Ce que je fais de ce que j’ai vécu


(mes croyances)
MEMOIRE SEMANTIQUE

Comme on le voit, la question de la stabilité ou de la labilité des MIO est complexe. En tant
qu’intervenant éducatif, on peut raisonnablement espérer qu’en proposant des expériences
relationnelles positives à un bénéficiaire, celui-ci finisse par les intégrer dans son système de croyances
(MIO) et modifier ce dernier (« Finalement j’ai quand même de la valeur, je suis digne d’intérêt et
d’amour, etc. ») Mais à l’inverse, on connait également toutes les résistances de certains bénéficiaires
à ‘lâcher prise’ et à vivre des expériences positives tant ils restent attachés à un système de croyances
négatives (« Je dois me méfier des autres, l’amour n’a qu’un temps, la relation finit toujours par
rompre »).

2.3. L’aventure de Lóczy

Au numéro 3 de la Rue Lóczy à Budapest se trouvait une pouponnière


mondialement connue. Fondée en 1947 pour accueillir des orphelins de guerre,
cette pouponnière a fonctionné jusqu’en 2011. La pédagogie mise en place par
la Directrice, la pédiatre hongroise Emmi Pikler, a inspiré par la suite des milliers
de lieux d’accueil de la petite enfance (crèches, orphelinats, pouponnières, etc.)
à travers le monde.

Les principes éducatifs de Lóczy, basés sur le respect de l’enfant, de son rythme
de développement et de ses envies, paraissent aujourd’hui élémentaires car ils
sont entrés dans les pratiques. Cependant, pour l’époque, les conditions
d’accueil mises en place par l’équipe d’Emmi Pikler étaient particulièrement Emmi Pikler
innovantes. 1902 - 1984

Le constat était le suivant : une équipe limitée de puéricultrices se trouve face à des dizaines de bébés
orphelins, ayant chacun des impératifs besoins d’être nourrir, d’être langés, d’être cajolés, de s’attacher,
de se sentir en sécurité, d’explorer, etc. Comment allons-nous procéder ? Comment allons-nous
organiser les soins ? Comment allons-nous répondre aux besoins individuels de chacun de ces bébés ?

On l’a vu plus haut, Spitz et Bowlby, avaient constatés les effets désastreux des pratiques
institutionnelles qui ne tenaient pas compte des besoins affectifs des bébés, essentiellement le besoin
d’attachement. Ces institutions étaient certes attentives aux aspects hygiéniques (bonne nourriture,
suivi infirmier, propreté, etc.) et matériels (bonne literie, jouets abondants, etc.) mais n’offraient aucun
lien affectif de qualité à ces bébés qui développaient après quelques mois ce que Spitz a appelé
l’hospitalisme.

A Lóczy, l’équipe d’Emmi Pikler a décidé d’agir autrement. Ils ont mis en place un série de principes
dans l’accompagnement éducatifs des bébés et des jeunes enfants. Le principe directeur est de
considérer l’enfant comme compétent, comme un personne à part entière, capable d’autonomie à
condition qu’il soit assuré de la présence continue d’une personne de référence avec qui il peut vivre
une relation de qualité. Voyons cela plus en détail :

1. Premier principe : afin d’éviter que les bébés soient ballottés d’une personne à l’autre,
indifféremment, rendant impossible l’établissement d’un lien stable avec un adulte référent, on

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décide d’attribuer à chaque puéricultrice la responsabilité des soins individuels (bain, repas,
mise au lit, biberon, etc.) d’un nombre limité d’enfants. Ceux -ci sont donc regroupés par 8 et
sont à la charge exclusive d’une petite équipe de puéricultrices référentes qui se relayent.
Chaque bébé a ainsi l’habitude d’avoir en face de lui un nombre limité d’adultes familiers.

2. Deuxième principe : puisque les tâches qui attendent les puéricultrices sont nombreuses (elle
est seule à devoir procurer les soins à huit bébés), on décide d’accorder aux moments de soins
individuels (biberon, bain, change, etc.) une grande attention à la relation. Ainsi, la prise en
charge du bain par exemple ne se limite pas à des gestes mécaniques, il est une occasion de
rencontrer le bébé, de lui parler, de l’observer, de lui expliquer ce qui se passe, de le bercer de
paroles, de partager un moment relationnel intense avec lui.

3. Troisième principe : chaque soin est donc donné à un bébé à la fois. Il n’est pas question de
donner le biberon à l’un tout en s’occupant d’un autre. Ou de donner les bains à la chaine. Il
n’est pas question de pratiquer une espèce de ‘saupoudrage de soins’ où on essaye de donner
une maigre attention à plusieurs bébés à la fois. L’idée est de donner à chaque soin individuel
une attention particulière. De viser la qualité plutôt que la quantité. Cela suppose que pendant
que la puéricultrice donne un soin à un bébé, les 7 autres bébés doivent savoir qu’elle n’est pas
disponible mais que leur tour viendra. Aussi, on veille à ritualiser l’ordre des soins.

4. La puéricultrice ne remplace pas la Mère. La relation puéricultrice-enfant n’est pas la même que
la relation Mère-enfant. Il s’agit d’une relation affectueuse, mais plutôt consciente, moins
instinctive. La puéricultrice ne considère pas le bébé comme ‘son’ enfant, mais comme une
personne à part entière. Une personne fragile mais avec qui on peut interagir, on peut négocier,
on peut s’accorder. Cela suppose un sens aigu de l’observation et du respect de la personnalité
du bébé. Ainsi, il n’est pas question de donner le bain ou de donner le biberon de la même
manière avec chaque enfant, mais d’adapter les soins en fonction des signaux émis par le bébé
et de sa sensibilité particulière. Ce principe d’individuation des soins fait de chaque enfant un
individu à part entière, ayant sa propre personnalité. On est loin d’une éducation de type
‘élevage de troupeau’ qui consiste à imposer des actes éducatifs indifférenciés.

5. Quatrième principe : pour permettre à la puéricultrice de procurer un soin individuel à un enfant


à la fois, les bébés doivent donc apprendre très vite l’autonomie. C’est peut-être le seul petit
avantage des enfants qui grandissent en institution. A Lóczy, on exploite cet avantage au
maximum. On espère qu’en prêtant toute l’attention à un bébé au moment d’un soin individuel
(biberon, bain, mise au lit, etc.), en ritualisant les moments de disponibilité et d’indisponibilité
de l’adulte référent, en rendant ces moments prévisibles, le bébé acquière une sécurité de base
qui lui permette de s’adonner un certain temps à une activité autonome. Cette autonomie auquel
le bébé prendra goût, permettra à la puéricultrice donner la même attention aux 7 autres bébés
dont elle a la charge.

Lorsqu’on regarde les films tournés à Lóczy, on est frappé


par la grande sérénité qui règne dans l’établissement.
Chaque bébé joue, fait une sieste ou regarde un mobile
suspendu dans une étonnante ambiance de calme et de
tranquillité. Les bébés se sentent en sécurité, la
puéricultrice est à portée de voix, ils savent qu’un prochain
moment avec elle les attend. Pendant ce temps, la
puéricultrice a tout le loisir d’offrir un moment relationnel de
qualité au bébé dont elle s’occupe. La pouponnière ‘Lóczy’ à Budapest
6. Cinquième principe : l’autonomie des bébés, essentiels à l’organisation pratique des soins, est
obtenue par la qualité relationnel lors des soins. Cette autonomie est également favorisée par
le respect du rythme et du développement de l’enfant. En dehors de ses périodes de sommeil,
l’enfant est placé dans une situation qui favorise au maximum son activité spontanée. Libre de
ses mouvements, on le laisse faire comme il l’éprouve, comme il le sent, pour qu’il acquière la
maîtrise de son corps. Par exemple, le bébé est toujours placé dans une position qu’il connait :
allongé sur le dos. Cette position reposante lui permet de se mouvoir à son aise et
d’expérimenter de lui-même de nouvelles positions (sur le ventre ou en position assise). Il n’est
pas question de le placer dans un position qu’il n’a pas de lui-même expérimenté et qui le

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placerait dans une situation qu’il ne maitrise pas. Si l’enfant est en difficulté, on n’intervient si
nécessaire qu’après lui avoir laissé le temps d’expérimenter seul, en faisant le minimum pour
qu’il retrouve, en toute autonomie, la maîtrise de la situation. De même, le rôle de la puéricultrice
n’est pas de jouer avec les bébés (stimuler, initier, guider, etc.) mais de mettre à disposition de
l’enfant ce dont il a besoin Son environnement est lisible et ordonné, toujours rangé de la même
manière sans pour autant être mis en scène. On laissera à la portée du bébé des objets, des
jouets, choisis avec soin, et on le laissera expérimenter librement des gestes, des positions,
des activités sans intervention intrusive de l’adulte. Le jeu que le bébé va développer est le
sien. Ainsi, c’est le bébé lui-même qui devient le moteur de son développement psychomoteur.
L’adulte offre les conditions de ce développement et reste le témoin attentif du plaisir que lui
montre le bébé dans son activité autonome.

La pouponnière Lóczy a fonctionné sur ces principes durant plus de 60 ans. Cette institution a permis
à des centaines d’enfants orphelins, placés, abandonnés de s’en sortir pratiquement indemnes.

à voir le reportage : « Le bébé est une personne »


https://www.youtube.com/watch ?v=3YzV-yWMVW0&t=9817s
Extrait à regarder : 2 :43 :17 à 2 :56 :08

3. Expérience en laboratoire : « la situation étrange »

Mary Ainsworth3 (1913-1999) a beaucoup contribué aux recherches sur


l’attachement. Il manquait à la théorie de Bowlby un ‘instrument de mesure’, un
protocole d’observations précises. Mary Ainsworth va le créer avec sa célèbre
expérience en laboratoire qu’elle appelle « the strange situation » (« La
situation étrange »).

Cette expérience a été reproduite des centaines de fois depuis. Ce dispositif


expérimental permet de mettre en évidence la valeur sécurisante ou
insécurisante de l’attachement qu’un enfant nourrit avec sa figure
d’attachement (Mère ou père ou personne qui s’occupe de l’enfant). Bien plus,
l’expérience permet également de distinguer plusieurs types d’attachement
Mary Ainsworth insécure (ambivalent ou fuyant). Par la suite, sa collaboratrice, M. Main, mettra
1913 - 1999 en évidence un troisième type d’attachement insécure : l’attachement
désorganisé.

3.1. Le dispositif expérimental et les résultats

L’expérience consiste à faire vivre à un petit enfant (12 à 18 mois) une situation graduellement
stressante et d’observer comment la présence de sa figure d’attachement peut ou non constituer une
source de sécurité. Ainsi la situation étrange consiste en une série standardisée de huit épisodes de 2,
3 minutes qui incluent de moments de séparation et des moments de réunion entre l’enfant et sa figure
d’attachement (souvent la mère, mais l’expérience a également été faite avec les pères), ainsi que
l’introduction d’un adulte étranger dans la pièce d’observation.

Précisons également que l’expérience est précédée par une visite au domicile de l’enfant afin d’observer
le quotidien relationnel Mère4 - Enfant et de discuter quelques instants avec la Mère.

Les 8 étapes de l’expérience de la situation étrange se déroulent dans une pièce aménagée avec des
chaises, des jouets, des livres, des posters, etc. comme la salle d’attente d’un service d’accueil de
l’enfance. Cette pièce a un miroir sans teint dernière lequel se tiennent les expérimentateurs. Ceux-ci
filment l’expérience et observent le comportement de l’enfant (regards, activités, gestes, éloignement

3
Ainsworth, M. D. S., Blehar, M. C., Waters, E., & Wall, S. (1978). Patterns of Attachment: A Psychological Study
of the Strange Situation. Hillsdale, NJ: Erlbaum.
4
Pour faire simple, on écrira ‘Mère’ (avec une majuscule) pour désigner la personne qui s’occupe de l’enfant
(caregiver ou figure d’attachement)

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ou rapprochement, pleurs, sourire, mimiques, etc.). On avertit la Mère de ce qu’elle doit faire à chaque
étape.

Le dispositif expérimental

1. Un assistant inconnu amène la Mère (caregiver) et l’enfant dans une pièce avec des jouets dont
le caractère étranger constitue déjà un premier élément de stress pour l’enfant. Mère et enfant
sont laissés seuls. La présence de la Mère est sensée donner assez de sécurité́ à l’enfant pour
qu’il explore le lieu, joue, regarde, etc.
2. Un inconnu rejoint la Mère et l’enfant. Il s’installe sur une
chaise et lit un magasin. D’ordinaire, devant ce deuxième
élément étrange, l’enfant, un peu stressé, s’arrête de jouer et
se rapproche de sa Mère.
3. L’inconnu doit ensuite tenter d’interagir avec l’enfant (jouer,
donner un objet, etc.). Habituellement, l’enfant décline ces
tentatives d’interaction de l’inconnu et se tourne vers sa mère.
4. A la quatrième étape, la Mère doit quitter la pièce et laisser
l’enfant avec l’inconnu. Il y a donc deux éléments de stress :
L’expérience de la situation étrange
l’absence de la Mère et la présence de l’inconnu. La Mère a (étape 2 : l’inconnu s’installe sur
laissé son sac et des objets laissant deviner un signe de une chaise)
retour. D’ordinaire, l’enfant se met immédiatement à pleurer
(système d’attachement activé), cesse de jouer et ne se laisse pas réconforter par les attentions
de l’inconnu.
5. La cinquième étape est très importante : la Mère revient (et l’inconnu sort). Il s’agit de la
première ‘réunion’ après courte séparation. Cette étape permet de voir comment l’enfant va
utiliser la présence de sa Mère pour récupérer du stress qu’il vient de vivre. En général, l’enfant,
en quelques secondes, parvient à retrouver de la sérénité au contact avec sa Mère. Et il
s’adonne à nouveau à de jeux (système d’exploration activé) Nous verrons que ce n’est pas
toujours le cas.
6. La Mère s’en va à nouveau, après avoir assuré à l’enfant de son retour. L’enfant demeure alors
seul dans la pièce. En général, l’enfant pleure à nouveau (système d’attachement activé). Arrête
de jouer (système d’exploration désactivé). La détresse de l’enfant peut être grande, aussi cette
étape est souvent écourtée.
7. L’inconnu entre, et non la Mère. Marie Ainsworth voulait ainsi vérifier que ce n’était pas
seulement la solitude mais bien la figure d’attachement qui comptait. L’inconnu doit tenter de
réconforter l’enfant. D’ordinaire, ce dernier refuse à nouveau ces attentions et continue à
pleurer.
8. La Mère revient (l’inconnu s’en va). C’est la deuxième ‘réunion’. A nouveau, cette étape très
importante permet d’observer la valeur sécurisante de la relation Mère – enfant. En général,
l’enfant accueille sa Mère avec soulagement et amorce clairement un mouvement pour se
rapprocher physiquement d’elle, se réconforter et, dans un deuxième temps, réactiver son
système d’exploration.

à voir le reportage : « The Strange Situation – Mary Ainsworth »


https ://www.youtube.com/watch ?v=QTsewNrHUHU&t=22

Les résultats

L’observation minutieuse de dizaines d’enfants testés dans la ‘situation étrange’ a permis de mettre en
évidence des ‘patterns comportementaux’, des catégories de style d’attachement.

1. Groupe A : attachement sécure (64% environ)


2. Groupe B : attachement insécure évitant ou fuyant (21% environ)
3. Groupe C : attachement insécure ambivalent ou résistant (14% environ)
4. Groupe D : attachement insécure désorganisé́ ou désorienté́ (1%)

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Groupe A : attachement sécure

Un attachement sécure se reflète par l’utilisation active et la confiance de l’enfant envers la figure
d’attachement pour réguler ses émotions.

- Lorsque la mère est présente, l’enfant est capable d’aller explorer la pièce. La méfiance
envers la personne inconnue n’est pas excessive.
- Lorsque la Mère quitte la pièce, l’enfant signale directement sa détresse par des pleurs. Il
cherche activement à faire revenir sa Mère.
- Lorsque la Mère revient (‘réunion’), l’enfant recherche sa proximité. Et le contact offert par
la Mère est presqu’immédiatement tranquillisant. Il ne faut que quelques secondes à
l’enfant pour retrouver sa sérénité et des émotions positives envers sa Mère.
- En présence des deux adultes (Mère et personne inconnue), l’enfant montre très clairement
sa préférence pour sa Mère.

Groupe B : attachement insécure évitant (ou fuyant).

Les enfants avec une relation d’attachement insécure évitant semble contrôler excessivement leur
émotivité́ , que ce soit dans les moments de plaisir (jouer avec sa Mère) ou les moments de détresse
(lorsque la Mère quitte la pièce).

- Lorsque la Mère est présente, ces enfants explorent la pièce mais interagissent très peu
avec leur Mère. Ils expriment peu d’’enthousiasme.
- On perçoit peu de différence d’attitudes quand on compare les interactions avec la Mère et
celles avec la personne inconnue. Comme si l’enfant ne discriminait pas ces deux
personnes.
- Mais l’observation la plus notable concerne l’attitude de l’enfant après séparation : celui-ci
n’initie pas le contact avec sa Mère, ne semble pas rechercher sa proximité. Il semble
‘fermé’, dans sa ‘bulle’, comme s’il n’éprouvait rien (ce qui en réalité n’est pas le cas)5.
- Tout se passe comme si l’enfant avait appris à ne pas compter sur le contact quand il se
trouve en détresse.
- Étant donné cette difficulté dans la régulation émotionnelle, l’enfant insécure de type fuyant
explore en général peu l’environnement (que ce soit en présence de sa Mère et à fortiori
en cas de séparation).

Groupe C : attachement insécure ambivalent (ou résistant).

L’attachement insécure ambivalent ou résistant se caractérise par une inefficacité́ à obtenir la


sécurité́ de la part de la figure d’attachement, malgré́ des efforts répétés pour la solliciter.

- Lorsque la mère est présente, l’enfant investit le contact avec sa Mère. Cependant, il peut,
même en présence de sa Mère, pleurer fréquemment ou ressentir le besoin de proximité.
L’exploration est pauvre. L’enfant témoigne donc son attachement à sa Mère mais la
présence celle-ci ne semble pas suffisante pour le sécuriser et activer son système
d’exploration.
- Devant une personne inconnue, il se sent très méfiant. On voit clairement une préférence
pour sa Mère.
- Les séparations (étapes 4 et 6) sont extrêmement stressantes. L’enfant manifestent
clairement sa détresse.
- Mais lors des ‘réunions’ (étapes 5 et 8), la détresse de l’enfant perdure. Il recherche le
contact mais semble ‘résister’ à ce contact. Il se blottit contre sa Mère tout en manifestant
de l’agressivité et en continuant à pleurer. Tout se passe comme si l’enfant ‘résistait’ au
réconfort offert par la proximité de la Mère.
- En somme, le manque de confiance vis-à-vis de la figure d’attachement est ici évident.

5
Dans une autre expérience, on a pu mesurer le taux d’activation physiologique des enfants durant la situation
étrange avec des électrodes. Il apparait que le stress ressenti durant la séparation (accélération du rythme
cardiaque, respiration, sudation, température corporelle, etc.) est identique chez un enfant insécure fuyant à celui
d’un enfant sécure. L’inexpressivité d’un enfant insécure de type fuyant n’est pas dû à un manque de sensibilité
mais à un contrôle de l’expression émotionnelle. Il ‘vit’ du stress. Mais il ne le montre pas.

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Groupe D : attachement insécure désorganisé́ (ou désorienté́ ).

Découvert par Main et Salomon6, les enfants avec un attachement insécure désorganisé ou
désorienté, met en évidence une série de comportements instables et incohérents.

- Comportements contradictoires
- Mouvements et expressions mal dirigés, incomplets, interrompus
- Stéréotypies, mouvements asymétriques, posture anormale
- Comportements ‘gelés’, sidération, stupéfaction, mouvements ralentis
- Expressions d’appréhension et de peur envers le parent

Ainsi, au cours de la situation étrange, l’enfant est susceptible de s’immobiliser comme pétrifiés de
peur au moment de rejoindre sa Mère. Il peut s’approcher d’elle tout en regardant ailleurs. L’enfant
parfait absent, confus, désorienté. Tout se passe comme si la Mère pouvait générer la peur et
l’appréhension. L’enfant se trouve alors dans une situation de conflit insoluble, puisque la source
d’apaisement est aussi la source de la peur, et que l’enfant ne peut simultanément rechercher et
fuir sa figure d’attachement.

à voir le reportage : « Strange Situation Experiment »


https ://www.youtube.com/watch ?v=PnFKaaOSPmk

Études transculturelles

Les trois patterns de base de l’attachement (sécure, insécure évitant et insécure résistant) ont été
observés au sein de cultures occidentales (Europe, Amérique du Nord) et non occidentales (Afrique,
Chine, Israël, Japon, Cœur et Colombie). Dans ces cultures, la majorité des enfants présentent des
relations d’attachement sécure. Des variations culturelles spécifiques ont été observées pour les
distributions insécures et leurs sous-groupes.

Les études transculturelles plaident donc en faveur de l’universalité de l’attachement et de la présence


des principaux patterns d’attachement dans l’enfance dans diverses cultures et contextes sociaux.

3.2. Les soins ‘maternels’. 7

L’hypothèse de Bowlby se trouve confirmée. La qualité des soins que la figure d’attachement (caregiver)
prodigue à l’enfant se répercute dans la qualité de l’attachement que l’enfant éprouve vis-à-vis de son
caregiver, qualité qui est évaluée dans le dispositif de la ‘situation étrange’.

Les observations réalisées au domicile de chaque enfant ‘testé’ ont permis de formuler quelques
hypothèses explicatives des différents types d’attachement observés en laboratoire.

- ATTACHEMENT SECURE : le parent répond adéquatement aux signaux et aux besoins de


l’enfant et ce dernier n’a pas d’effort particulier à faire pour être entendu et être objet d’attention,
d’affection.

- ATTACHEMENT INSECURE : la réponse est soit inadaptée, soit incohérente, ce qui conduit
l’enfant à devoir mettre en place des stratégies particulières d’adaptation (soit de type évitant,
soit de type anxieux).

6
M. Main & J. Solomon. « Procedures for identifying infants as disorganized / disoriented during the Ainsworth
Strange Situation » dans M.T. Greenberg, D. Cicchetti et E.M. Cummings, Attachment during the preschool
years: Theory, research and intervention, University of Chicago Press, Chicago, 1990, p. 121-160.
7
Par ‘Soins Maternels’, on entend les soins que prodiguent la figure d’attachement. Il peut s’agir de la mère, du
père, de la grand-mère, de l’éducateur référent, etc. Bref, de la (des) personne(s) qui s’occupe(nt) de l’enfant au
quotidien.

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Groupe A : attachement sécure

La mère d’enfant sécure semble répondre aux besoins de son bébé́ de façon adaptée et constante.
Elle est sensible, comprend les signaux de son enfant et y répond rapidement de manière
satisfaisante. Le bébé́ peut exprimer librement n’importe quelle émotion. C’est une mère
affectueuse. Selon Ainsworth la constance et la qualité́ des réponses de la figure d’attachement
permettent à l’enfant d’acquérir une confiance en sa capacité́ à contrôler ce qui lui arrive.

L’attachement sécure est donc relié aux comportements maternels suivants :

a) Un contact physique fréquent et soutenu entre le bébé et sa Mère, spécialement pendant les
six premiers mois, capacité maternelle à calmer son bébé, en le prenant dans ses bras
b) Une sensibilité maternelle aux signaux du bébé, et, en particulier, capacité à gérer ses
interventions en harmonie avec les rythmes du bébé
c) Une ambiance contrôlée et prévisible, qui permet au bébé d’inférer les conséquences de ses
propres actions
d) Un plaisir mutuel ressenti par la Mère et le bébé.

Groupe B : attachement insécure évitant

Les Mères d’enfant ‘évitant’ ne parviennent pas à tenir compte de l’état émotionnel de leur enfant,
elles ne semblent pas apprécier les relations avec le bébé́ et peuvent manifester des tendances
au rejet. En comparaison avec les mères de pattern sécure, elles sont moins affectives,
recherchant peu ou pas de contact physique et parlent à leur bébé́ sur le mode impératif. Leurs
gestes sont brusques. Ces Mères n’expriment pas d’émotion devant leur enfant, mais elles
semblent maitriser une certaine irritation, contenir une certaine colère, qui se manifeste de manière
implicite. L’enfant cherchant une réassurance affective, ne trouve que de la distance ou une fausse
attention se terminant en rejet. Finalement, pour se protéger, l’enfant désinvestit la sphère affective
et surinvestit le domaine cognitif ou sportif.

L’évitement est donc associé à quatre aspects principaux du comportement maternel :

a) Rejet chronique
b) Rejet spécialement communiqué par des réactions au contact corporel proche
c) Irritation contenue
d) Ajustement généralement compulsif.

Mary Main a avancé l’hypothèse que le relatif manque d’expressivité émotionnelle, caractéristique
des Mères du groupe évitant, peut être attribué à un effort des Mères pour contrôler leur irritation
ou leur frustration. C’est le rejet implicite de l’irritation ressentie qui affecte le bébé, malgré la
tentative maternelle de la contenir. On pense qu’un ajustement compulsif de ce type rend la Mère
moins consciente des signaux du bébé et, par conséquent, moins à même de répondre
efficacement.

Groupe C : attachement insécure ambivalent ou résistant

Désinvestie dans le pattern ‘évitant’, la relation est surinvestie dans le pattern ‘ambivalent’. Mais
cette fois, les besoins du bébé sont négligés au profit des besoins de la Mère (je te prends parce
que j’ai envie d’un câlin, je te laisse, parce que j’ai envie d’être tranquille). Le bébé est donc investi
comme un objet pour satisfaire les besoins des parents. La position parentale peut aller jusqu’à la
détermination des sentiments que l’enfant devrait éprouver, des comportements à avoir, voire sa
culpabilisation dans le cas contraire.

Dans une telle situation, l’enfant va essayer de plaire à la figure parentale et aller ainsi contre ses
propres désirs. Les réactions de l’adulte sont incompréhensibles pour l’enfant, parfois distantes,
parfois exagérément affectueuses, mais toujours en décalage avec les attentes et les besoins de
l’enfant, donc frustrantes. Ce n’est qu’en situation où l’enfant est effrayé que la Mère arrive à
adapter son comportement. Du coup, les enfants apprennent à détecter dans l’environnement des

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stimuli alarmants qui leur permettent d’être apeurés. Le système d’attachement de l’enfant est
suractivé́ , pour se mettre en phase avec la figure d’attachement. Mais la satisfaction de l’autre ne
fonctionne selon aucune règle, n’est pas prévisible. De ce fait, l’enfant se fie davantage à ses
impressions de l’état émotionnel de son parent qu’aux signaux objectifs.

Par la suite, tout au long de sa vie, il va préférer la sphère affective plutôt que la sphère cognitive.
Une forme d’anxiété́ persiste souvent dans son comportement. Nous en parlerons plus loin.

Groupe D : attachement insécure désorganisé́ ou désorienté́

Des études ont confirmé le lien entre le pattern d’attachement insécure désorganisé et une série
de comportements parentaux effrayants ou perturbés, donnant à l’enfant un contexte de stress
quasi permanent.

Des études ont montré que ce type d’attachement désorganisé « était fréquemment associée à
une problématique d’abus, de maltraitance ou de négligence à l’égard de l’enfant, ceci de la part
du parent présentement impliqué dans la situation étrange. Lorsque la personne maltraitante est
en même temps celle qui est censée procurer sécurité́ et protection et que l’enfant a peur d’elle,
on est en présence d’un conflit d’attachement. 80% des enfants victimes de mauvais traitements
entreraient dans cette catégorie. La maltraitance n’empêche certainement pas l’attachement de se
nouer, mais les comportements de ces enfants montrent combien cette sorte de lien peut être
conflictuelle8 ».

Cependant, il n’y a pas nécessairement eu maltraitance ou négligence chez les enfants qui
présentent un comportement désorganisé́ . Il se peut, et c’est là une découverte remarquable, que
ce soit le parent lui-même qui ait subi un traumatisme ou un deuil resté ‘non- résolu’.

Ce pattern est donc caractérisé par la peur. Soit l’enfant ressent la peur vécue par le parent, soit il
a peur du parent. Ce pattern non-structuré fait partie de ceux qui se transmettent le plus souvent.
On constate que plus de 75% des Mères d’enfants désorganisés présentent elles aussi des signes
de désorganisation.

3.3. Conséquences à long terme du type d’attachement.

L’attachement est beaucoup plus qu’une réponse d’un nourrisson à la séparation. Les comportements
d’un bébé au moment de la séparation et de la réunion ne sont qu’un aperçu d’un modèle sous-jacent
d’attentes envers soi-même, envers les autres et envers le monde, modèle qui continuera d’évoluer et
demeurera présent tout au long de la vie adulte.

Quelles sont les conséquences à long terme de l’attachement sécure et insécure ? Que nous disent
nos relations d’attachement en bas âge sur le type de parents que nous deviendrons ? Est-ce que nos
antécédents en matière d’attachement avec nos parents ont des répercussions sur la sécurité et le bien-
être de nos propres enfants ?

Une abondante recherche sur les répercussions de l’attachement en bas âge a été menée à la suite
des travaux d’Ainsworth. De plus en plus de faits prouvent que l’attachement peut affecter de nombreux
aspects du bien être d’une personne de manière profonde et durable, et que ces conséquences peuvent
être transmises aux générations suivantes.

Méthodologie

Afin d’évaluer les effets du type d’attachement sur le devenir du bébé, les chercheurs utilisent deux
méthodes :

8
Pierrehumbert, B. (2003). « Le premier lien. Théorie de l’attachement ». Odile Jacob.

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1. Les études longitudinales : il s’agit de ‘tester’ en laboratoire, à travers la ‘situation étrange’, le


type d’attachement d’un groupe de bébés et de suivre leur évolution sur des périodes de dix,
quinze, parfois vingt ans. Cette méthode exige évidemment beaucoup de patience de la part
des équipes de recherche puisque les résultats sont attendus des années plus tard.

2. L’entrevue d’attachement adulte (Adult Attachment Interview ou AAI), mis au point Mary Main,
est un autre instrument de mesure du modèle d’attachement à l’âge adulte. A travers cette une
interview semi-directive, on évalue l’état d’esprit d’une personne vis-à-vis de son enfance, de
ses parents, de ses souvenirs. Les réponses sont évaluées aussi bien dans leur contenu
(souvenirs négatifs ou positifs), que dans leur forme (capacité de se souvenir, longueur des
réponses, cohérence et clarté du discours, émotions ressenties, nuance ou rigidité du propos,
facilité d’expression, présence de digressions, etc.). L’utilisation de l’AAI exige une formation à
la méthode.

L’AAI a permis de dégager quatre types d’états d’esprit à l’égard des relations d’attachement :
individu autonome (souvenirs libres), préoccupé (récit confus), sujet détaché (exclusion des
affects), désorganisé (cas de trauma et d’abus). Nous détaillons ci-après.

L’AAI a permis de faire des corrélations entre les résultats à la situation étrange d’enfants et
ceux obtenus par l’AAI de leur parent. De la sorte, on peut évaluer le degré de transmission
d’un type d’attachement à la génération suivante. Les résultats à l’AAI peuvent aussi être
corrélés avec d’autres dimensions de la personne (par ex. les relations amoureuses, la santé
mentale, le statut socio-professionnelle, les compétences parentales, etc.)

3.3.1. Les réponses au questionnaire ‘Adult Attachment Interview’

L’entrevue d’attachement adulte (AAI) et diverses mesures d’observation ont permis de mettre au point
un système de classification correspondant aux quatre modèles d’attachement entre le nourrisson et le
fournisseur de soins (caregiver).

Lorsqu’on fait passer le questionnaire AAI dans le cadre d’une l’entrevue d’attachement adulte, on
retrouve une classification semblable à celle obtenue dans la ‘situation étrange’.

A. L’attachement ‘autonome’ à l’adolescence et à l’âge adulte correspond au modèle


d’attachement sécure. Les sujets ayant un état d’esprit actuel autonome vis-à-vis de
l’attachement font un récit cohérent de leurs expériences passées dans leur enfance, qu’elles
aient été difficiles ou non. Ils ont la possibilité́ d’explorer librement leurs pensées concernant
leurs figures d’attachement sans se laisser déborder par les émotions liées à leurs souvenirs.
Les relations affectives, familiales ou amicales sont valorisées sans que le sujet en soit
complètement dépendant. Ces personnes donnent l’impression d’avoir une personnalité́
propre.

B. Le modèle d’attachement ‘distanciant’ se rapproche de l’attachement anxieux-évitant chez le


bébé. Les sujets ayant un état d’esprit actuel détaché́ cherchent à éviter de parler de leurs
expériences infantiles en rapport avec l’attachement. Ils insistent sur leur incapacité́ à se
rappeler de leur enfance et leur peu de souvenirs. L’entretien est marqué par une incohérence
entre les adjectifs très positifs décrivant les parents et l’impossibilité́ d’illustrer cette description
par des faits précis. Au fil de l’entretien, certains épisodes peuvent contredire la description
générale très positive de leur enfance. De plus, les sujets ayant un état d’esprit actuel détaché́
ne peuvent percevoir l’influence de leurs expériences sur le développement de leur
personnalité́ .

C. La classification d’attachement ‘préoccupé’ correspond à l’attachement anxieux-résistant


chez le bébé. Le discours de ces personnes est foisonnant. Ils passent par tous les détails
lorsqu’ils relatent un souvenir ancien. Ils font plein de digressions et ne parviennent pas à se
focaliser sur les questions de l’entretien. Ils semblent encore très attachés à des détails de leur
enfance, comme si cette période était encore émotionnellement très active. Leurs pensées
semblent complètement prises par leurs expériences passées et leurs relations avec leurs
parents. On a du mal, lorsqu’on les écoute, à avoir une vision claire de leur passé. On sent

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combien ces personnes restent préoccupées, agitées par les expériences de leur enfance. Le
regard de leurs parents à leur égard semble encore les affecter. Ils semblent souvent trop
chercher à leur plaire. Ils peuvent aussi montrer un sentiment de colère encore actuel et mal
contenu vis-à-vis de leurs parents ou osciller entre des positions diamétralement opposées
concernant l’appréciation de leurs relations avec leurs parents. Les adultes et les adolescents
préoccupés ne sont pas ‘en paix’, ni avec leur enfance, ni avec leurs imperfections ou celles
des autres (spécialement des parents).

D. L’attachement ‘irrésolu’, qui se rapproche de l’attachement désorganisé chez le bébé, est


caractérisé par un manque de résolution dans le deuil d’une perte significative ou d’un trauma.
Les personnes à l’attachement irrésolu peuvent présenter de la confusion entourant un décès
ou un trauma, de la confusion au sujet de la permanence d’un décès, ou un sentiment d’être
possédés par la personne décédée ou abusive. Le discours se désorganise dans sa forme ou
dans son contenu lorsque sont évoquées des expériences traumatiques (perte, séparation,
abus).

Mary Main a mis en évidence une association significative entre les représentations d’attachement du
parent telles qu’étudiées par le AAI et le pattern d’attachement de l’enfant observé à la Situation étrange.
Le taux de correspondance entre Situation étrange et AAI est de 70 %, alors que l’un mesure le
comportement et l’autre, les représentations.

De nombreuses études vont confirmer cette association et surtout l’existence d’une transmission
transgénérationnelle de l’attachement : l’état d’esprit du parent quant à l’attachement est prédictif d’un
pattern d’attachement correspondant chez l’enfant dans plus de 70% des cas. Par exemple, un parent
autonome a plus de chance d’avoir un enfant sécure à la Situation étrange tandis qu’un parent évitant
a plus de chance d’avoir un enfant évitant. Les parents avec un traumatisme non résolu ont plus de
risques d’avoir un enfant ayant un attachement désorganisé. Cette prédiction est particulièrement forte
quand on regarde la figure d’attachement principale

Voici un exemple de réponse à l’AAI d’une personne insécure9. On y constate un mécanisme


d’exclusion défensive (caractéristique des personnes dites « insécures »), qui se traduit par une
incohérence discursive. Leurs représentations générales de l’enfance ne sont pas étayées par
des souvenirs spécifiques ; soit leur accès est bloqué, soit ils entrent en contradiction avec elles.

En interrogeant cet homme sur ses relations avec ses parents durant l’enfance, il répond : «
Oh, quand j’étais tout petit. J’ai peu de souvenirs hein, mais bonnes, bonnes relations. Ah ouais,
toujours des bonnes relations. Jamais de problèmes. ». Puis, en lui demandant de donner cinq
adjectifs décrivant ses relations avec sa mère, de même concernant son père, sa réponse
concernant sa mère est : « Formidable, exceptionnelle, enfin cinq adjectifs, c’est pas facile hein,
euh… Eh, j’ai tout dit hein en deux mots… très bien, mais c’est pas un adjectif ça, mais très
bien, qu’est-ce qu’il faut que je vous dise, c’était bien. ». Pour son père, il dit : « C’est de nouveau
les mêmes, les mêmes qu’avant, tout allait bien, la même chose, c’est la même chose, mon
père, ma mère c’est la même chose, je vais vous dire la même chose. » Par contre, quand on
lui demande de rapporter un souvenir illustrant chacun de ces adjectifs, il en est incapable,
comme le montre l’extrait suivant : « Une anecdote ?… Mais y a tellement de choses, ça dépend
dans quel sens… Ouais, on n’avait pas de problème, aller en vacances, c’était toujours bien,
c’était euh, je me suis cassé la jambe deux fois, ben forcément qu’ils venaient me voir tous les
jours à l’hôpital, ça c’est bien clair, enfin bien clair, c’était peut-être pas bien clair, mais enfin
c’était clair. Une anecdote, c’est difficile… J’ai peu de mémoire, ça c’est le seul problème que
j’ai. J’ai pas… j’arrive pas à retrouver comme ça une histoire. Je pourrais vous dire, ouais c’était
formidable… Non, mais on a toujours été associés à tout ce que faisait euh, on n’a jamais été
exclus donc euh, j’arrive pas à retrouver une histoire. Il faut que j’en trouve une ? »

Quand il s’agit d’expliquer en quoi la relation avec ses parents était « formidable » ou «
exceptionnelle », cet homme est à court d’arguments et n’arrive à évoquer que des situations
illustrant de leur part des soins minimaux ou non personnalisés. C’est l’exemple type d’une
personne insécure, qui ne porte sur ses parents aucun regard critique. Ce processus

9
Source : Miljkovitch, R. & Cohin, E. (2007). L'attachement dans la relation de couple : une continuité de
l'enfance ?. Dialogue, 175(1), 87-96.

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d’idéalisation résulte d’une exclusion défensive des informations négatives les concernant, la
prise en compte de celles-ci ayant dû, dans le passé, donner lieu à des tensions au sein de la
relation.

3.3.2. Enfants d’âge préscolaire et scolaire

En 1974, des chercheurs de l’Institute of Child Development de l’University of Minnesota ont entrepris
une étude longitudinale qui s’est échelonnée sur trois décennies et allait devenir un jalon dans la
recherche sur l’attachement. Un premier échantillon de 267 femmes enceintes a donné lieu à une
multitude de découvertes démontrant l’importance des relations en bas âge.

Les paires nourrissons / fournisseurs de soins furent évaluées à l’âge d’un an au moyen de la Situation
Étrange. Un groupe d’enfants fut réévalué entre l’âge de quatre et cinq ans. Des mois d’observation
intensive révélèrent que la majorité des enfants classés comme sécure à l’âge d’un an obtenaient de
meilleurs résultats dans les évaluations de l’estime de soi, interagissaient mieux avec les autres enfants
et avaient de meilleures aptitudes sociales que les enfants en relation d’attachement insécure.

Les études longitudinales menées dans le Minnesota, et les nombreuses autres qui ont suivi, ont révélé
des effets positifs pour la majorité des enfants qui avaient des relations d’attachement sécure avec leur
fournisseur de soins principal au cours de la petite enfance.

A. Les enfants qui ont eu une relation d’attachement sécure à l’âge d’un an ont tendance à être
populaires auprès de leurs pairs, résistants, ingénieux et coopératifs au jardin d’enfants. À l’âge
de six ans, ils sont plus dociles, réceptifs, coopératifs, autonomes et empathiques que ceux qui
avaient des relations d’attachement anxieux en bas âge. En général, l’attachement sécure
semble agir comme facteur de protection contre les troubles de comportement et les troubles
émotionnels au cours de l’enfance et de l’adolescence.

B. Les enfants qui présentent un attachement ambivalent ou résistant à l’âge d’un an ont tendance
à être dépendants à l’âge préscolaire. Les enfants dépendants passent une quantité
disproportionnée de temps à chercher l’attention des adultes. Ils peuvent être facilement
frustrés (pleurs, bouderies, colères) ou être passifs et impuissants. Comme les bébés dans les
relations d’attachement résistants, ces enfants passent un temps disproportionné à réclamer la
proximité du fournisseur de soins (système d’attachement activé) au détriment d’autres activités
(système d’exploration désactivé). Ils sont ‘préoccupés’ par la relation avec leur fournisseur de
soins.

C. Les enfants qui manifestent un attachement évitant dans la situation étrange à l’âge d’un an
présentent un risque plus élevé d’avoir un modèle d’attachement de protection ou évitant à l’âge
préscolaire, surtout en présence d’autres facteurs de risques. Les bébés qui avaient des
relations d’attachement évitant ont tendance à moins bien gérer leur émotion, à manifester de
l’hostilité, ou à présenter des conduites antisociales (vol, mensonge ou tricherie). Ils sont plus
susceptibles de provoquer les adultes et les pairs afin d’être rejetés et sont plus enclins à
s’attaquer à ceux qui avaient des relations sécurisantes au cours de la petite enfance.

D. Les enfants qui démontrent des modèles d’attachement désorganisés dans la situation étrange
à l’âge d’un an sont plus susceptibles de manifester plus tard dans la vie des comportements
agressifs, des troubles du comportement et des comportements dissociatifs. Les
comportements dissociatifs impliquent un effondrement de la perception qu’a une personne de
son environnement, de sa mémoire, de son identité et de sa conscience.

Une des caractéristiques du comportement social des enfants qui présentent un attachement
désorganisé est le ‘contrôle’. Ces enfants contrôlent, contraignent ou dominent leur caregiver
soit en les humiliant et en les rejetant soit en étant exagérément attentifs et protecteurs. Dans
le premier cas (enfant hostile) le caregiver se plie généralement aux exigences de l’enfant. Dans
le deuxième cas (enfant protecteur), le caregiver est habituellement peu démonstratif devant
les attentions exagérées de l’enfant.

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3.3.3. Attachement et psychopathologie10

Ces patterns d’attachement mettent en jeu le développement à long terme, en limitant ou en favorisant
la capacité d’adaptation de l’enfant. Les individus avec des histoires insécures sont ainsi potentiellement
plus susceptibles d’avoir des relations affectives perturbées et se montrent plus vulnérables au stress
et à la psychopathologie. Un attachement sécure ne garantit pas le bien-être, mais il augmente la
résistance au stress et promeut la résilience.

Prédisposition selon les types d’attachement

Les modes dysfonctionnels de régulation précoce prédisposent les individus à des types spécifiques de
comportements symptomatiques et de perturbations. Une célèbre étude du psychologue britannique
Peter Fonagy11 a montré l’incidence du type d’attachement précoce sur la santé mentale : 82 patients
psychiatriques hospitalisés sont comparés à 85 sujets normaux. 50 des normaux et seulement 9 des
psychiatriques sont classés ‘sécures’. La catégorie la plus discriminante est celle ‘désorganisée’. On la
retrouve chez 76 % des patients et seulement à 7 % dans le groupe contrôle.

A. Pour des individus avec des histoires d’attachement insécure de type évitant, le comportement
symptomatique parait lié à une tentative de minimiser leurs comportements d’attachement et
leurs sentiments (dissimulation de l’expression émotionnelle, et croyances relatives à un soi
vécu comme invulnérable, à l’idée que les autres sont hostiles et non dignes de confiance, à
des relations idéalisées). L’aliénation, le manque d’empathie et l’hostilité peuvent prédisposer
ces individus à des troubles de conduites et des styles de personnalité antisociale. Des
histoires initiales d’attachement évitant ont pu être associées à l’agressivité dans la deuxième
enfance et à l’agressivité et la délinquance dans l’adolescence, spécialement chez les garçons.

B. Les individus aux histoires insécures résistantes (difficulté à tolérer la frustration, tendance à
exagérer les émotions, croyances négatives par rapport à soi-même), peuvent être amenés, à
long terme, à des sentiments de confusion face aux défis posés par l’exploration et à des
difficultés accrues dans la gestion de l’anxiété.

Les deux patterns insécures peuvent contribuer à augmenter la vulnérabilité face à la dépression et au
développement de perturbations face à la séparation et à la perte (expériences qui ont tendance à
confirmer les croyances sur l’indisponibilité des figures d’attachement). Les données longitudinales de
l’étude du Minnesota ont montré que le manque de soutien émotionnel envers l’enfant (attachement
insécure) contribue au développement de la symptomatologie dépressive, autant à l’enfance qu’à
l’adolescence.

C. Les individus avec un attachement désorganisé, caractérisé par une impossibilité de maintenir
une stratégie d’attachement cohérente et par des postures ressemblant à des états de transe,
sont en risque majeur de psychopathologie de diverses natures, incluant des perturbations de
type dissociatif. En réponse à un conflit précoce ou à une menace, les bébés ayant une histoire
de désorganisation excluent certains aspects de l’expérience affective, empêchant le
développement cohérent d’une organisation du self et des autres dans la relation. Dans une
situation de trauma, ces enfants ont tendance à répondre par des modèles de déconnexion de
stimuli préalablement établis, ce qui est un élément perturbateur pour un traitement cognitif et
émotionnel normal. Les données longitudinales confirment les relations entre désorganisation
et attachement, trauma et symptomatologie dissociative.

Combinaison avec d’autres facteurs environnementaux.

Les données longitudinales confirment les associations entre l’expérience relationnelle d’attachement
et les indicateurs généraux de mauvaises adaptations.

10
Source : Tereno, S., Soares, I., Martins, E., Sampaio, D. & Carlson, E. (2007). La théorie de l'attachement : son
importance dans un contexte pédiatrique. Devenir, vol. 19(2), 151-188
11
Fonagy P. £ coll. (1996). The relation of attachment status, psychiatric classification, and response to
psychotherapy. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64, 22-31

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Les enfants insécures ont plus de risques de développer des problèmes comportementaux, quand ils
sont combinés avec des situations de vie stressantes (décès d’un proche, divorce, changement de
domicile de la famille, dépression d’un parent, etc.) et avec des variations familiales (par ex. naissances,
monoparentalité). Ce risque augmente encore si ces facteurs contextuels négatifs sont permanents.

Mais des changements de trajectoires attachementales sont possibles et ont été associés à une
amélioration d’éléments contextuels (p. ex. : aide social, soutien parental, aide aux familles, etc.) Par
contre, dans le cas particulier de la désorganisation de l’attachement des enfants, cette expérience
précoce prédit significativement la psychopathologie de l’adolescence.

Une prédisposition à nuancer

Il est toutefois indispensable de souligner qu’en général, les études longitudinales indiquent que la
majorité des différences d’attachement chez les bébés ne sont pas pathologiques. Au contraire, les
variations dans les patterns d’attachement représentent des conditions initiales qui accomplissent un
rôle dynamique dans le développement de la pathologie et de la résilience. Le changement, bien que
plus facile dans le jeune âge, reste possible au long du développement.

Dans cette ligne d’idée, la sécurité dans l’attachement ne signifie pas l’immunité face aux souffrances
psychologiques, mais peut aider au développement de compétences qui les minimisent ou qui aident à
les vaincre. S’il existe une histoire de vie dans laquelle l’individu a eu des occasions d’interagir avec
des figures d’attachement qui ont fonctionné comme havre de sécurité et base de sécurité (et, à travers
elles, de ressentir le « self » comme compétent et méritant l’attention et le soutien des autres), en
situations d’adversité le recours à des relations d’aide sera plus facile.

3.3.4. Attachement et relations intimes à l’âge adulte12

La relation amoureuse, par son caractère intime et duel, est un terrain propice à l’expression des
patterns d’attachement des partenaires. Plusieurs études ont montré des corrélations entre les résultats
à l’AAI et des variables conjugales (comportements conjugaux, entente conjugale et sexuelle,
expression des sentiments, satisfaction conjugale, etc.)

Les styles d’attachement

La plupart des chercheurs conceptualisent l’attachement chez les adultes en quatre styles qui sont
formés de deux dimensions sous-jacentes :

- L’anxiété d’abandon : peur du rejet et de l’abandon caractérisée par une hyper vigilance aux
signes de non-disponibilité du partenaire. Lorsqu’une menace est perçue, des stratégies
d’hyperactivation du système d’attachement visent à chercher la réassurance.

- L’évitement de l’intimité : inconfort avec l’intimité émotionnelle et la dépendance caractérisée


par un grand besoin d’autonomie. Lorsqu’une menace est perçue, des stratégies de
désactivation du système d’attachement visent à minimiser le sentiment de vulnérabilité et le
besoin de réconfort d’autrui.

L’individu qui présente peu d’anxiété et d’évitement possède un attachement dit sécurisant. Une
personne qui possède fortement les deux dimensions d’insécurité d’attachement a plutôt un
attachement dit craintif. Enfin, une personne qui possède seulement de l’anxiété d’abandon ou
seulement de l’évitement de l’intimité endosse un style préoccupé ou détaché, respectivement.

12
Source : Brassard, A. & Lussier, Y. (2009). L'attachement dans les relations de couples : Fonctions et enjeux
cliniques. Psychologie Québec. 26. 24-26.

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ÉVITEMENT DE L’INTIMITE
Faible

Sécurisant Préoccupé

ANXIETE D’ABANDON ANXIETE D’ABANDON


Faible Élevé

Détaché Craintif

ÉVITEMENT DE L’INTIMITE
Élevé

A. Le style d’attachement sécurisant regroupe 50 à 55 % de la population générale. Les individus


qui en font partie possèdent une image positive d’eux-mêmes et des autres, c’est-à-dire qu’ils
estiment avoir de la valeur et qu’ils croient pouvoir compter sur les autres en cas de besoin. Ils
ont également l’impression de mériter l’amour de l’autre, d’avoir du contrôle sur leur destinée
et ils envisagent positivement les situations interpersonnelles. En couple, ils sont confortables
avec l’intimité, l’engagement et l’interdépendance, donc ils sont capables de dépendre de l’autre
au besoin.

B. Le style d’attachement détaché regroupe environ


15 % de la population générale et prévaut IMAGE DE SOI IMAGE DE SOI
légèrement chez les hommes. Les personnes POSITIVE NEGATIVE

dites détachées possèdent une image positive


IMAGE DES AUTRES

d’elles-mêmes, mais une image négative des


autres, c’est-à-dire qu’elles doutent de la capacité
POSITIVE

Sécurisant Préoccupé
de l’autre à répondre à leurs besoins. Cela les
amène à éviter les relations très intimes, à refuser
de montrer leur vulnérabilité et à être incapables
de dépendre des autres. Les « détachés » sont
plus confortables dans des relations « distantes »
IMAGE DES AUTRES

où il y a peu de dévoilement de soi et où ils Détaché Craintif


NEGATIVE

peuvent conserver leur indépendance. Ils ont


appris à se fier à eux-mêmes de façon excessive
plutôt qu’à chercher du réconfort et à nier
l’importance des relations intimes pour se
protéger des blessures potentielles provenant
d’autrui.

C. Le style d’attachement préoccupé regroupe environ 20 % de la population générale et prévaut


légèrement chez les femmes. Les « préoccupés » possèdent une image négative d’eux-mêmes,
ont le sentiment d’être indignes d’amour et de manquer de mérite. Ils ont toutefois une image
positive des autres qui les amènent à rechercher sans cesse l’attention et l’approbation d’autrui
(besoin de réassurance). Dans leurs relations de couple, ils présentent une grande instabilité
émotionnelle, des signes de dépendance, une grande peur d’être abandonnés et de ne pas être
aimés. Ils manifestent également des attentes de soutien et d’amour exagérées, une hyper
vigilance aux signes de rejet ou de moindre disponibilité de la part du partenaire et de la jalousie.

D. Enfin, le style d’attachement craintif représente entre 10 et 15 % de la population. Les individus


dits craintifs possèdent une image négative d’eux-mêmes et des autres, c’est-à-dire qu’ils se
perçoivent comme des êtres non aimables (sans mérite) et qu’ils anticipent le rejet des autres,
qui ne sont pas dignes de confiance. Ils désirent le contact intime, mais craignent à la fois la
souffrance de l’abandon et la proximité qui est difficile à supporter. Ce sont aussi des personnes
plus solitaires, introverties et peu affirmées, qui se confient très peu à leurs proches.

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Dynamique amoureuse

A. Sur le plan amoureux, les partenaires qui possèdent une bonne sécurité d’attachement sont
toujours les plus satisfaits et fonctionnels dans leur relation de couple. Toutefois, ils sont aussi
capables de vivre seuls et sont capables de rompre une relation qui n’est pas satisfaisante pour
eux.

B. Les individus détachés ont de la difficulté à s’engager dans les relations plus intimes, préférant
des relations basées uniquement sur la sexualité sans engagement. Ils sont en général plus
insatisfaits de leur relation conjugale et ils vont quitter plus facilement une relation jugée
insatisfaisante ou qui demande un engagement à long terme.

C. Au contraire, les préoccupés vivent difficilement seuls et tombent très facilement en amour dès
qu’une personne leur manifeste de l’intérêt. Leurs grands besoins d’attention et d’amour les
prédisposent à la dépendance, ils demeurent donc souvent dans des relations insatisfaisantes
plutôt que de mettre un terme à cette relation et se retrouver seuls.

D. Enfin, les craintifs sont pris dans une double contrainte, ils sont inconfortables avec l’intimité,
tentant de tenir leur partenaire à distance, et en même ils ont besoin d’être rassurés. Ainsi, leurs
relations sont souvent insatisfaisantes.

Communication et gestion des conflits

A. Les individus au style sécurisant possèdent les habiletés les mieux développées ainsi qu’une
plus grande flexibilité dans leur utilisation de stratégies positives. Ils possèdent une bonne
écoute et une capacité à exprimer leurs besoins et opinions qui sont marquées par l’ouverture.
Ils sont capables de compromis et n’évitent généralement pas les conflits.

B. Au contraire, les détachés se dévoilent très peu et évitent les conflits qu’ils perçoivent comme
une occasion de se rapprocher. Ils ont peu d’habiletés de gestion des conflits et ont plutôt
tendance à se retirer des discussions. Ils peuvent même devenir hostiles si leur partenaire les
oblige à communiquer.

C. Quant aux préoccupés, ils ont tendance au contraire à percevoir tout conflit comme un signe
de rupture potentielle et sont alors envahis d’une anxiété qu’ils cherchent à calmer par les
discussions. Ils cherchent à communiquer en se dévoilant de manière excessive, mais sont peu
disponibles pour écouter leur partenaire. En effet, leurs besoins sont parfois si envahissants
qu’ils peuvent utiliser la domination, les attaques et la violence comme tentative de ramener le
partenaire vers eux.

D. Enfin, les craintifs possèdent de faibles habiletés de communication. Leurs réactions à l’égard
du conjoint sont souvent contraires à ce qu’ils ressentent, ce qui peut les pousser à utiliser la
violence pour tenter de régler leurs conflits.

Soutien mutuel

A. Les individus sécurisants ont la capacité d’alterner de façon plus flexible entre la position de la
personne qui donne du soutien et celle qui en reçoit. Ils perçoivent mieux les besoins de soutien
de leur conjoint et sont plus capables d’y répondre que les individus de tous les autres styles
d’attachement. Ils sont également en mesure de demander du soutien et ont confiance que leur
partenaire pourra les aider en cas de besoin.

B. Les individus détachés, au contraire, ont tendance à minimiser leurs besoins de soutien ou à
faire des demandes plus indirectes à leur partenaire. Ils offrent et reçoivent en général moins
de soutien à l’intérieur d’une relation, car ils refusent de se mettre en position de demander de
l’aide en raison de la croyance qu’ils ne peuvent compter sur les autres. Ils ont également une
faible sensibilité aux besoins de leur partenaire.

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C. Les personnes préoccupées possèdent pour leur part de très grands besoins de soutien qu’ils
réussissent rarement à combler à l’intérieur de leur relation. Ils formulent donc plusieurs
demandes de soutien, mais ne sont pas souvent satisfaits. Bien qu’ils se montrent disponibles
à soutenir leur partenaire, ils tendent à le faire de façon insistante et envahissante plutôt que
de répondre de façon ajustée aux besoins de l’autre.

D. Enfin, les craintifs auraient eux aussi de grands besoins de soutien, mais qu’ils exprimeraient
très difficilement. Ils seraient également peu habiles à soutenir leur partenaire, ne se croyant
pas assez compétents pour le faire.

Sexualité

A. Il semble que les individus sécurisants soient les plus satisfaits. Fidèles, ces individus
manifestent respect et ouverture à l’intérieur des relations sexuelles, où la communication
favorise le plaisir et l’intimité. Ils vivent ainsi plus d’émotions positives lors des interactions
sexuelles.

B. La sexualité est plutôt surinvestie chez les individus ‘détachés’ au détriment d’autres
dimensions relationnelles (tendresse, amour, câlins, compliments, reconnaissance, etc.) La
sexualité n’est pas combinée à une ambiance amoureuse chez les personnes ‘détachées’.
Partant de cet état d’esprit, l’exclusivité sexuelle ne fait en général pas partie du ‘contrat’
conjugal pour une personne ‘détachée’.

C. Au contraire, les individus anxieux recherchent l’intimité à travers la tendresse et l’affection. La


sexualité serait pour eux une façon de ne pas perdre le partenaire ou d’être rassuré sur l’amour
de celui-ci. Le rapport à la sexualité diffère toutefois en fonction du sexe. En effet, les femmes
anxieuses auraient davantage de relations sexuelles dans le but de ne pas perdre l’autre ou
pour lui faire plaisir, tandis que les hommes chercheraient plutôt la réassurance à travers l’acte
sexuel, ce qui les amènerait parfois à insister sur ce plan auprès de leur partenaire. Les
individus préoccupés sont aussi plus anxieux envers leur performance sexuelle, ont une plus
faible satisfaction sexuelle et démontrent une plus grande acceptation de comportements
sexuels non désirés.

D. Enfin, les craintifs ont moins d’expériences sexuelles, sont plus susceptibles de souffrir de
difficultés sexuelles et d’utiliser la coercition sexuelle

Les combinaisons

En fonction des styles d’attachements des uns et des autres, les relations amoureuses peuvent se
révéler plus ou moins harmonieuses ou chaotiques. Il y a ainsi des combinaisons qui semblent être plus
favorables à un certain équilibre dans le couple que d’autres. Bien sûr, cet équilibre ne se résume pas
à ces combinaisons, mais force est de constater qu’elles ont une incidence sur la relation amoureuse,
d’autant plus que ces styles d’attachement ont une longue histoire qui remonte à notre enfance. On
retiendra que les difficultés dans nos relations intimes sont autant d’opportunités de se remettre en
question et d’apprendre quelque chose sur nous-mêmes.

ü La combinaison Sécure / Sécure

C’est évidement la combinaison la plus favorable. Les partenaires sont à la fois solidaires et autonomes,
soucieux de l’autre mais sans se perdre soi-même, attachés sans être dépendants. On peut supposer
une certaine harmonie entre les moments de partage et les moments individuels. Cela ne veut pas dire
qu’il n’y a jamais de difficulté. Mais sur une échelle allant de la fusion à l’indifférence, les partenaires se
situent sur une bonne moyenne.

ü La combinaison Détaché / Détaché

Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette relation peut fonctionner car chacun des partenaires
satisfait son besoin d’indépendance de la même manière. Ainsi, même si aucun engagement n’est pris

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pendant des années, les partenaires s’épanouissent dans une forme de relation distante où le vécu “au
jour le jour” est l’objectif premier. Le risque à minima pour cette combinaison est une forme de lassitude
s’installant avec le temps, avant même que les partenaires soient plus impliqués dans leur relation.

ü La combinaison Préoccupé / Préoccupé

Là encore, la relation peut parfois trouver en équilibre. En effet, les deux partenaires seront très présents
l’un pour l’autre et feront preuve d’abondante démonstrations affectives. Il peut s’agir de couples dits
‘fusionnels’ où l’idée de vivre l’un sans l’autre leur est simplement inconcevable. Le risque à minima
pour cette combinaison renvoie à toutes les conséquences possibles d’une relation fusionnelle :
jalousie, contrôle, dépendance mutuelle, ‘prises de tête’ à répétition, beaucoup d’énergie dépensée en
faveur du couple au détriment d’autres projets personnels, etc.

ü La combinaison Sécure / Détaché

Cette relation peut également fonctionner dans la mesure où le partenaire ‘sécure’ accepte le besoin
d’indépendance du partenaire ‘détaché’. Si ce dernier se sent suffisamment libre dans la relation, sans
pression ni sensation d’étouffement, il pourra lui aussi trouver un certain épanouissement dans la
relation de couple. A la longue, il se pourra même que le partenaire ‘détaché’ soit plus ouvert et réceptif
lorsque des sujets liés à l’engagement arriveront sur le tapis. Pour autant, le partenaire ‘détaché’ n’est
pas exempt d’un travail sur lui-même afin de développer la confiance en l’autre et d’atténuer sa peur
des émotions.

ü La combinaison Sécure / Préoccupé

Là encore, la relation peut fonctionner dans la mesure où le partenaire ‘sécure’ témoigne facilement et
régulièrement ses sentiments au partenaire préoccupé et le rassure dans la relation. Bien entendu,
dans les limites de ses propres possibilités. L’expérience d’une relation stable et sécurisante amène
parfois des personnes très insécure – préoccupées à apaiser leur angoisse d’abandon et à développer
une certaine sécurité de base. Cette évolution favorable n’est cependant pas toujours garantie. Aussi,
un ‘travail personnel’ est bien souvent nécessaire pour permettre à une personne insécure –
préoccupée de trouver un certain apaisement dans ses relations affectives. Le postulat est que rien
d’extérieur ne pourra suffisamment combler un anxieux dont le manque se situe à l’intérieur de lui-
même.

ü La combinaison Détaché / Préoccupé

Cette combinaison est la moins favorable dans la mesure où les besoins respectifs des partenaires sont
peu conciliables. En effet, le besoin exacerbé de manifestations affectives du partenaire ‘préoccupé’ se
combine mal avec le besoin de distance émotionnelle du partenaire ‘détaché’. Il s’en suit généralement
beaucoup de souffrance dans ce genre de couple. L’un cherchant désespérément à communiquer à
propos du couple, l’autre cherchant à éviter les émotions et les prises de tête continuelles. Mélange de
feu et d’eau qui conduit habituellement à la rupture.

Des catégories à nuancer

Bien évidemment, dès que l’on parle en termes de ‘catégories’ (sécure, détaché, préoccupé), on est
dans la caricature. Aussi, il convient d’utiliser ces catégories pour ce qu’elles sont : une tentative assez
grossière d’y voir plus clair. Ces catégories permettent de mettre à jour une certaine dynamique
personnelle et relationnelle. Mais il ne faut pas perdre de vue que les parcours des gens sont singuliers,
leurs ressources parfois insoupçonnées. On constate aussi que la relation peut parfois insécuriser des
personnes qui dans une autre le serait moins. Et inversement. Par ailleurs, les tendances au
détachement ou à la préoccupation sont plus ou moins fortes d’une personne à l’autre.

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3.3.5. Attachement et transmission générationnelle

Les relations d’attachement précoces Mère – Bébé peuvent avoir des conséquences à long terme sur
notre santé mentale, nos relations intimes, mais également sur notre ‘style parental’ et l’attachement de
nos enfants à notre égard.

Des chercheurs se sont intéressés à la récurrence de la classification d’attachement d’une génération


à l’autre13. On constate que la classification d’attachement de la Mère recueillie au cours de la grossesse
prédisait la classification de son bébé à l’âge d’un an dans 82 % des cas. En analysant trois générations,
on constate que 65 % des trios Grand-Mère / Mère / Bébé ont des classifications correspondantes pour
les trois générations.

Les adultes ayant un attachement sécure-autonome ont tendance à réagir d’une manière réconfortante
à la détresse de leur bébé, favorisant ainsi un attachement ‘sécure’. Les adultes qui ont des relations
d’attachement ‘détaché’ ou ‘préoccupé’ sont plus susceptibles d’avoir vis-à-vis de leur bébé des
comportements ‘rejetants’ ou inconstants, perpétuant ainsi les risques que leurs enfants aient un
attachement insécure (‘évitant’ et ‘ambivalent, respectivement).

3.4. Stabilité et changement dans le modèle d’attachement

Qu’en est-il de la stabilité du type d’attachement ? Un enfant sécure le reste-t-il toute sa vie ? Y a-t-il
des possibilités d’un enfant insécure devienne sécure ? De quoi dépendrait les changements de
catégorie ?

Nous nous étions posé la question, ci-avant, de la stabilité des Modèles Internes Opérants (MIO) et
nous avions constaté que la question était complexe. D’une part, les expériences de vies (positives et
négatives) peuvent influencer notre ‘être au monde’, nos ‘systèmes de croyance’, de sorte que nos MIO
peuvent se voir modifiés en fonction de nos expériences de vie. Mais par ailleurs, nos MIO résisteraient
au changement dans la mesure où l’individu a tendance à sélectionner des expériences qui confirment
ses propres croyances. Une personne insécure, par exemple, aurait tendance à rejeter des expériences
relationnelles positives, se privant ainsi d’occasion d’acquérir plus de sécurité intérieure et de confiance
en l’autre.

En ce qui concerne les études, sur base des outils d’observation14 dont disposent les chercheurs, les
résultats sont mitigés. De manière générale, le style d’attachement (sécure et insécure) reste
relativement constant. Les différentes études indiquent un taux de stabilité́ de l’attachement entre
l’enfance et l’âge adulte variant, selon les études, entre 50% et 75%.

Mais on observe des changements de trajectoire (insécure à sécure / sécure à insécure) en fonction
des événements de vie.

Des chercheurs15 ont suivi, jusqu’à la fin de l’adolescence, des enfants initialement testés dans la
situation étrange. Les chercheurs ont tenu compte de la présence ou de l’absence d’événements
négatifs majeurs durant le parcours de vie de ces enfants. Parmi ces événements négatifs, ils ont
retenu : la perte d’un parent, le divorce des parents, la maladie menaçant la vie d’un parent ou de
l’enfant, la maladie psychiatrique d’un parent, la maltraitance physique ou l’abus sexuel par un membre
de la famille.

1. Assez logiquement, la majorité des enfants initialement sécures qui n’ont pas connus
d’événements négatifs majeurs sont restés dans la même catégorie d’attachement (85%). De
même, la majorité des enfants initialement insécures qui ont ensuite connu un ou plusieurs
événements de vie stressants sont restés dans la catégorie insécure (78%).

13
Benoit, D., & Kevin C. H. Parker. (1994). Stability and Transmission of Attachment across Three
Generations. Child Development, 65(5), 1444-1456
14
Nous avons en avons décrit 2 : la Situation étrange et l’Adult Attachment Interview. Mais il existe actuellement
d’autres outils : le Q-Sort des comportements maternels, l’Attachment Story Completion Task, la Kerns Security
Scale, l’Inventaire d'Attachement Parent-Adolescent, le Kinship Center Attachment Questionnaire, etc.
15
Waters E, Merrick S, Treboux D, Crowell J, Albersheim L. (2000). Attachment security in infancy and early
adulthood : a twenty-year longitudinal study. Child Development. 71(3). pp.684-689.

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2. Le taux de variabilité́ de la catégorie d’attachement pour des enfants initialement sécures qui
ont subi des évènements négatifs est de 33%. Cela voudrait dire qu’un évènement négatif
majeur dans la vie d’un enfant est susceptible de faire basculer l’attachement initialement
sécure dans une des catégories insécures, dans un cas sur trois.

3. Mais un autre chiffre est interpelant : 66% des enfants initialement insécures qui n’ont pas subi
des évènements négatifs ont changé de catégorie. Cela voudrait dire que l’absence
d’événements négatifs majeurs permet à des enfants initialement insécures de parvenir à une
catégorie sécure, dans deux cas sur trois. Cependant, l’étude n’explique pas les événements
positifs qui auraient favorisé ce changement de trajectoire, puisqu’elle s’est seulement penchée
sur les événements négatifs.

Tout ceci doit encore être approfondi par d’autres recherches. Les chercheurs se sont principalement
intéressés à l’influence des événements de vie négatifs. Il serait intéressant de tenir compte des
événements de vie positifs, c’est-à-dire aux événements de vie qui favoriseraient la résilience des
enfants.

A ce stade des recherches, retenons que la stabilité́ des catégories d’attachement est liée à la stabilité́
des conditions extérieures et que de ce fait, l’environnement peut amener une amélioration de
l’attachement ou sa détérioration. Le style d’attachement reste relativement stable mais la variabilité́
des catégories d’attachement chez un individu peut s’expliquer par les évènements négatifs au cours
de la vie.

Population initialement sécure Population initialement insécure


Avec événements Sans événements Avec événements Sans événements
négatifs négatifs négatifs négatifs
%
sécure 67% 85% 22% 66%

%
Insécure 33% 15% 78% 34%

4. Le trouble de l’attachement

Les personnes ‘insécures’ font partie d’environ 30 à 40% de la population. Le style d’attachement n’est
pas binaire (sécure ou insécure) mais doit s’entendre sur un continuum : nous avons tous une tendance
plus ou moins marquée à un attachement sécure ou insécure (détaché, préoccupé ou irrésolu). Ce style
évolue au cours de la vie en fonction des expériences plus ou moins heureuses que nous connaissons.
Par ailleurs, nous pouvons nous sentir très insécurisés dans certaines relations et moins dans d’autres.

Avoir un ‘style d’attachement +/- insécure’ n’est donc pas en soi ‘pathologique’. Certes, un niveau
d’anxiété ou d’évitement élevé dans les relations intimes peut parfois poser des ‘problèmes’. Nous en
avons parlé plus haut. Mais lorsque nous parlons d’attachement ‘insécure’, on évoque plutôt un style
relationnel, une manière de vivre les relations avec les autres et avec soi-même.

Lorsqu’une personne présente style d’attachement ‘insécure’ de manière constante et intense, et que
ce mode relationnel dégrade profondément sa qualité de vie (santé mentale, relations intimes, vie
professionnelle, etc.), on parlera d’un ‘trouble de l’attachement’. Certains auteurs affirment que
l’attachement de type désorganisé́ (type D) serait un facteur de risque majeur de développer une
psychopathologie. La plupart des enfants (pas tous) qui vivent en institution et/ou qui ont connu de
graves maltraitances ou négligences présentent un trouble de l’attachement. De même, la plupart des
jeunes adultes (pas tous) qui commettent des actes de délinquances connaissent par ailleurs un trouble
de l’attachement. Certaines personnes violentes (pas tous) souffrent d’un trouble de l’attachement. La
comorbidité du trouble de l’attachement avec d’autres problèmes mentaux (dépression, anxiété,
dépendance aux drogues, etc.) ou psychosociaux (violence, problèmes familiaux, décrochage scolaire,
etc.) est fréquente.

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Pour en savoir plus sur le trouble de l’attachement : lire le texte « le trouble de l’attachement » sur
www.synapsi.be/lectures

Lectures

Plan du texte

1. Expériences avec des animaux


1.1. Konrad LORENZ et le phénomène d’empreinte observé chez les oiseaux.
1.2. Harry HARLOW et les expériences de privation sociale sur les singes
2. Observations chez le nourrisson
2.1. René Arpad SPITZ et le syndrome d’HOSPITALISME
2.2. John BOWLBY et les effets de la séparation
2.3. L’aventure de Lóczy
3. Expérience en laboratoire : « la situation étrange »
3.1. Le dispositif expérimental et les résultats
3.2. Les soins ‘maternels’.
3.3. Conséquences à long terme du type d’attachement.
3.3.1. Les réponses au questionnaire ‘Adult Attachment Interview’
3.3.2. Enfants d’âge préscolaire et scolaire
3.3.3. Attachement et psychopathologie
3.3.4. Attachement et relations intimes à l’âge adulte
3.3.5. Attachement et transmission générationnelle
3.4. Stabilité et changement dans le modèle d’attachement
4. Le trouble de l’attachement

Pour citer le texte

Delvigne, F. (2020). La théorie de l’attachement.


Consulté à l’adresse https://www.synapsi.be/lectures/

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